Les turbo-machines pour les nuls…ou comment comprendre leur fonctionnement sans calcul ! Par Patrice ROSIER Parce que depuis quelques temps ces petits bijoux de technologie sont à la mode dans l’aéromodélisme, parce qu’ils me passionnent, et aussi parce que j’ai moi-même réussi à les comprendre à force de les étudier, je me suis lancé dans le pari un peu fou d’essayer d’expliquer leur fonctionnement le plus simplement possible et sans calcul ! Turbo-réacteur ? turbo-moteur ? turbo-machine ? turbo-prop ? turbine ? Avant tout, il est nécessaire de clarifier quelques notions de vocabulaire. Ces 4 termes vous disent quelque chose ? Pourtant on les mélange souvent sur les terrains. Tous ont en commun une chose : la turbine, puisque c’est bel et bien la racine de tous ces termes en « turbo-… ». Contrairement à ce qui s’entend beaucoup, la turbine n’est pas un moteur, mais un des composants des ces moteurs. C’est un abus de langage qu’on utilise souvent pour désigner un moteur complet, surtout pour les turbo-moteurs d’hélico. Ce qu’il faut savoir, c’est que tous les moteurs à turbine sont des turbo-machines, ce terme étant le nom générique de leur grande famille. La famille des turbo-machines comporte 3 branches : les turbo-réacteurs dont on exploite directement la poussée sur avion, les turbomoteurs dont on exploite le couple sur hélicoptère et les turbo-propulseurs dont on exploite également le couple pour entraîner, la plupart du temps une hélice, sur avion. Action-Réaction ? Parlons réacteur…On parle de réacteur tout simplement parce qu’il utilise le principe d’action-réaction -non ce n’est pas un remake des « Choristes » !-, également connu sous le nom de « 3ème loi de Newton » qui dit : Tout corps A exerçant une force sur un corps B subit une force d'intensité égale, de même direction mais de sens opposé, exercée par le corps B. En résumé : je suis sur un skate-board avec un sac de sable dans les mains, je le jette derrière moi et cela me fait avancer…Et c’est exactement ce qu’on fait avec un avion (le skate board) et l’air qui traverse le réacteur (le sable). Sauf qu’il y a de l’air devant le réacteur, dedans et aussi derrière me direz-vous…oui, mais si l’air sort plus rapidement du moteur qu’il n’y rentre, cela reviendra au même. Et plus le débit d’air accéléré sera important et plus ça poussera fort ! Au commencement, il y avait le générateur de gaz… Radical commun de toutes les turbo-machines : le générateur de gaz. C’est l’élément de base et si on comprend son fonctionnement, alors on a tout compris. Il est composé de 3 éléments dont les noms vous diront sûrement quelque chose : un compresseur, une chambre de combustion et notre fameuse turbine. Le fonctionnement de cet ensemble est basé sur la thermodynamique : entendez, grosso modo, étude des gaz en fonction de leur pression, volume et température… Ici, un schéma s’impose : Arbre moteur Compresseur Turbine Air Air « accéléré » Injection de carburant+flamme Chambre de combustion Penchons nous sur chaque élément : Le compresseur : c’est une pièce tournante. Comme pour la cocotte minute, on cherche à augmenter la pression dans la chambre de combustion pour que la combustion ait lieu à une température raisonnable (les métaux du moteur ont été fabriqués en les faisant fondre…il ne s’agit pas de les ramener à leur état d’origine !…). La mise en pression est réalisée par centrifugation de l’air. La chambre de combustion : c’est ici qu’on fait chauffer l’air pour qu’il accélère en enflammant du carburant. En augmentant la température d’un gaz dans une enceinte, il se dilate (donc prend plus de place) et « cherche » à s’échapper (Chauffé dans la cocotte minute, l’air ne demande qu’à sortir le plus vite possible…) La turbine : c’est aussi une pièce tournante, elle est entraînée par les gaz chauds qui sortent de la chambre de combustion. On vient de parler du compresseur qui tourne aussi mais il n’a pas été précisé comment celui-ci tournait…Et bien c’est la turbine qui entraîne le compresseur puisque ces 2 éléments sont solidaires, disposés sur un même axe. C’est le serpent qui se mord la queue me direz-vous, l’énergie qu’on récupère dans la turbine est reperdue en entraînant le compresseur : pas tout à fait, puisque la combustion dégage plus d’énergie qu’il n’en faut pour faire tourner la turbine et donc entraîner le compresseur. Nous avons maintenant une turbo-machine, reste à savoir à quelle « branche » de cette famille elle va appartenir. Si on « prolonge » l’arbre moteur et qu’on y dispose un réducteur, on pourra entraîner un rotor d’hélicoptère et on aura un turbo-moteur d’hélicoptère. Si on fait de même avec un autre rapport de réduction ramené vers l’avant du moteur et qu’on entraîne une hélice, on aura un turbo-propulseur et enfin si on ajoute une tuyère, on aura un turbo-réacteur. A noter qu’un turbo-propulseur aura un bien meilleur rendement qu’un turbo-réacteur mais limitera plus vite la vitesse de l’avion à cause des frottements aérodynamiques de l’hélice. Modèle réduit de turbomoteur d’hélicoptère (Notez les 3 étages de réduction hélicoïdaux) Entrée d’air et tuyère Autre principe fondamental pour expliquer le fonctionnement d’une turbo-machine et plus particulièrement pour le turbo-réacteur avec sa tuyère : la conservation du débit (massique). En effet, lorsqu’on fait rentrer un gaz dans un dispositif, quelles que soient les variations de section de ce dispositif, il y a conservation du débit. Or le débit est directement relié à la vitesse du gaz. Ce qui signifie que si la section du système diminue (on parle de convergent), pour conserver le débit, le gaz va devoir accélérer : c’est ce qui se passe dans la tuyère. Vous l’aurez compris, si à l’inverse la section augmente (on parle alors de divergent), la vitesse diminuera, au profit de la pression qui varie à l’inverse de la vitesse du gaz -attention ce raisonnement n’est plus valable pour des vitesses d’écoulement supersonique-. Ainsi en mettant un divergent comme entrée d’air, on accumule de la pression avant même que l’air ait traversé le compresseur, ce qui facilite son travail. On parle alors de pression « dynamique ». Section d’entrée Section de sortie Convergent : V augmente et P diminue Divergent : V diminue et P augmente Les flèches rouges matérialisent la vitesse de l’écoulement de l’air Pas si compliqué… Maintenant que vous avez tout compris, finissons sur un point technique supplémentaire. En aviation « grandeur » comme sur Mirage 2000 ou Rafale par exemple, certains turboréacteurs sont équipé de dispositifs de post-combustion. En effet, en plus de l’entrée d’air, générateur de gaz et de la tuyère, on trouve un système qui permet de réinjecter du carburant dans la tuyère de manière à réchauffer encore davantage l’air qui traverse le moteur en effectuant une 2 ème combustion grâce à l’oxygène qui n’a pas été consommé lors de la première combustion. Ce système permet d’atteindre des vitesses très élevées au détriment de la consommation en carburant qui va jusqu’à doubler, voire plus! Peut-être verrons-nous ça prochainement sur modèle réduit ! … Note aux utilisateurs de turbo-machines modèles réduits : L’énorme consommation de ces moteurs (de l’ordre d’une canette de soda par minute pour les plus « gourmands »), nécessite d’emmener de grosses quantités de kérosène à bord de nos modèles réduits. Soyez donc très vigilants et équipez-vous obligatoirement d’un extincteur.