selon l'analogie » pour des différences de genre. - Quelle est
dans ces conditions la plus grande différence ? La plus grande
différence, c'est toujours l'opposition. Mais de toutes les formes
d'opposition, quelle est la plus parfaite, la plus complète, celle
qui « convient » le mieux ? Les relatifs se disent l'un de l'autre ;
la contradiction se dit déjà d'un sujet, mais pour en rendre la
subsistance impossible, et qualifie seulement le changement par
lequel il commence ou cesse d'être ; la privation exprime encore
une impuissance déterminée du sujet existant. Seule la contra-
riété représente la puissance d'un sujet de recevoir des opposés
tout en restant substantiellement le même (par la matière ou
par le genre). Dans quelles conditions, toutefois, la contrariété
communique-t-elle sa perfection à la différence ? Tant que nous
considérons l'être concret pris dans sa matière, les contrariétés
qui l'affectent sont des modifications corporelles, qui nous
donnent seulement le concept empirique accidentel d'une dif-
férence encore extrinsèque (extra quidditatem). L'accident peut
être séparable du sujet comme « blanc » et « noir » de « homme »,
ou inséparable, comme « mâle » et « femelle » de « animal » :
suivant le cas la différence sera dite communis ou propria, mais
elle sera toujours accidentelle, en tant qu'elle vient de la matière.
Seule, donc, une contrariété dans l'essence ou dans la forme nous
donne le concept d'une différence elle-même essentielle (diffe-
rentia essentialis aut propriissima). Les contraires sont alors des
modifications qui affectent un sujet considéré dans son genre.
Dans l'essence en effet, c'est le propre du genre d'être divisé
par des différences, telles « pédestre » et « ailé », qui se coordon-
nent comme des contraires. Bref, la différence parfaite et maxima,
c'est la contrariété dans le genre, et la contrariété dans le genre,
c'est la différence spécifique. Au-delà et en deçà, la différence
tend à rejoindre la simple altérité, et se dérobe presque à l'iden-
tité du concept : la différence générique est trop grande, s'ins-
talle entre des incombinables qui n'entrent pas dans des rapports
de contrariété ; la différence individuelle est trop petite, entre
des indivisibles qui n'ont pas de contrariété non plus1.
Il semble bien, en revanche, que la différence spécifique
réponde à toutes les exigences d'un concept harmonieux ou
d'une représentation organique. Elle est pure parce que formelle ;
intrinsèque, puisqu'elle opère dans l'essence. Elle est qualita-
1. ARISTOTE, Métaphysique, X, 4, 8 et 9. Sur les trois sortes de différence,
commune, propre et essentielle, PORPHYRE, Isaqoge, 8-9. Cf. aussi les manuels
thomistes: par exemple, le chapitre «de differentia» dans les Elementa philoso-
phiae aristotelico-thomisticae de Joseph GREDT (Fribourg), t. 1, pp. 122-125.