2
Ainsi donc, force est de constater qu’il existe un lien fondamental entre civilisation et
culture, car toute culture appartient forcément à une civilisation donnée et toute civilisation
est marquée par une certaine culture. Certains auteurs vont même jusqu’à voir une adéquation
totale entre les deux concepts.
En dehors de l’intérêt sémantique des deux termes, je voudrais participer à ce premier
débat en émettant quelques observations :
L’humanité traverse actuellement une période où le dialogue des civilisations est
devenu un véritable impératif. Elle n’a plus le choix aujourd’hui car le dialogue est la seule
voie salutaire permettant d’espérer voir un jour disparaître la guerre et les malentendus entre
les peuples. Les géographes ont un rôle fondamental dans la promotion d’un tel dialogue.
Même si, le plus souvent, ils n’ont pas beaucoup de pouvoir politique, ils bénéficient toutefois
d’un pouvoir moral et d’une crédibilité scientifique indéniable pouvant aider à la mise en
place, à l’échelle universelle, d’une culture du dialogue, à travers les programmes
d’enseignement de la Géographie, parallèlement à celui de l’Histoire.
Le choc des civilisations est également une réalité qui existe et qu’il ne faudra pas
ignorer. Les trop grands écarts de niveaux de vie entre les peuples, la maîtrise différentielle
des technologies classiques et modernes, les inégalités dans les dotations dont bénéficient les
uns et manquent les autres, sont autant d éléments qui sont de nature à nourrir des haines, des
malentendus et des tensions que seule la culture peut permettre d’éviter. La compréhension de
l’autre, le partage équitable des rôles, le fait de considérer les maux de certains peuples
comme étant ceux de toute l’humanité, telles sont à notre avis, les conditions requises pour
asseoir, à l’échelle universelle, une culture mondiale du dialogue.
Promouvoir des civilisations et des cultures de partage, tel devrait être l’objectif
commun des peuples. A partir des origines étymologiques des termes « civilisation » et
« culture », la langue arabe fait dériver un verbe qui signifie « interagir » par la civilisation
ou par la culture, selon le cas. Cela veut dire tout simplement que, dans cette langue, toute
civilisation et toute culture est envisagée également dans une perspective d’interaction avec
l’environnement, sur différentes échelles, qu’il s’agisse d’interaction entre individus, entre
communautés ou entre peuples. Nous pensons de notre côté que c’est là même un devoir, une
obligation absolue, car on ne peut prétendre contribuer à promouvoir la condition humaine en
général en érigeant des barrières autour de soi. L’ouverture, d’esprit comme de frontière, est
à notre avis le seul garant permettant à tous les peuples de contribuer à la création collective
d’une inter culturalité universelle. Mais là encore une fois, on peut se demander : que peuvent
faire les géographes face aux politiques. C’est là une autre question que l’on pourra peut-être
débattre dans un prochain papier.