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S.E. Mons. Joël Mercier
Secrétaire de la Congrégation pour le Clergé
LECTURE DE L’ENCYCLIQUE DU PAPE PAUL VI
SUR LE CELIBAT SACERDOTAL
Le 24 juin 1967, en la fête de saint Jean-Baptiste, le pape Paul VI publiait
l'encyclique Sacerdotalis Caelibatus annoncée et attendue depuis la fin du
Concile. Cette date n’était sans doute pas fortuite. C’était la fête personnelle du
pape Montini, qui avait reçu au baptême le prénom de Jean-Baptiste, ce saint
Précurseur qui s’était présenté comme l’ami de l’Epoux (Lc 3, 29). Je me
propose de rappeler le contexte dans lequel ce grand texte fut écrit, d’en relire
les lignes principales et enfin d’en rappeler la réception et la postérité. En
conclusion, j’en rappellerai la valeur toujours actuelle.
1/ Le contexte.
Nous sommes à moins de deux anes de la fin du Concile Vatican II. Parmi les
thèmes abordés au Concile, il y a eu celui des prêtres qui donna lieu au Décret
conciliaire Presbyterorum Ordinis, avec un paragraphe sur le célibat (n° 16)
« Choisir le libat et le consirer comme un don ». Avec ce sujet, les Pères
conciliaires abordaient une question importante. Le document distingue le célibat
en soi et la loi du célibat en affirmant : « La pratique de la continence parfaite et
perpétuelle pour le Royaume des cieux a é recommandée par le Christ
Seigneur ; tout au long des siècles, et de nos jours encore, bien des chrétiens
l’ont accepté joyeusement et pratiquée sans reproche. Pour la vie sacerdotale
particulièrement, l’Eglise l’a tenue en haute estime […] C’est donc pour des
motifs fondés sur le mystère du Christ et sa mission, que le célibat, d’abord
recommandé aux prêtres, a été ensuite imposé par une loi dans l’Eglise latine à
tous ceux qui se présentent aux Ordres sacrés ». Le Décret fut approuvé en
dernière lecture par 2 390 voix contre 4, le 7 décembre 1965. En s’en tenant aux
données fournies par la seule ese de l’ensemble du paragraphe 16, deux
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constatations soulignent avec quel soin ce nuro a été trai: d’une part, aucun
autre passage du cret n’a sans doute été examiné, analy minutieusement et
remanié autant que celui-ci ; nulle part ailleurs, la commission ne s’est souce
d’être aussi explicite dans ses prises de position et dans ses commentaires. D’autre
part, il est propre à la question du célibat ecclésiastique que, par trois fois, le Pape
Paul VI ait pris l’initiative d’intervenir personnellement : par deux notes qui furent
transmises à la Commission par la Secrétairerie d’Etat ; ces remarques ne seront
pas admises servilement ; elles susciteront quelques actions assez franches. La
troisième intervention est évidemment plus connue, puisqu’elle fut, si l’on peut
dire, publique ; à louverture des débats d’octobre 1965, Paul VI intervint dans
une lettre au cardinal Tisserant, Doyen du Sac Collège et président de
l’assemblée, qui fut lue devant le concile ; le Pape se réservait l’examen de la
question ainsi soulevée et annonçait son intention de renforcer la loi du célibat :
« Il n’est pas opportun de débattre publiquement de ce thème qui requiert la plus
grande prudence et revêt une telle importance. Et nous avons le propos, non
seulement de conserver autant qu’il est en Nous cette loi ancienne, sainte et
providentielle, mais encore de renforcer son observance, rappelant les prêtres
de l’Eglise latine à la conscience des causes et des raisons qui aujourd’hui,
aujourd’hui précisément de façon spéciale, font que l’on doit considérer cette loi
du célibat comme très adaptée parce que par elle les prêtres peuvent consacrer
tout leur amour uniquement au Christ et se donner totalement et généreusement
au service de l’Eglise et des âmes » (Documentation Catholique, t. LXII, 19
décembre 1965, pp. 2183-2184). On comprend sans peine cette intervention du
Saint-Père, qui d’ailleurs, contrairement à ce qui fut dit dans certains journaux,
ne souleva aucune émotion parmi les Pères conciliaires, qui votèrent à une quasi-
unanimité le paragraphe du schéma relatif au maintien du célibat. D’abord, un an
plus tôt le Concile avait déjà pris position d’une manière solennelle lors de la
Constitution Lumen Gentium (n° 29 et 42), que les Pères conciliaires avaient eu
l’occasion de débattre publiquement, et en second lieu, on peut se demander ce
que les débats publics auraient pu ajouter d’utile et d’efficace aux réflexions et
observations critiques qu’eurent l’occasion de formuler et d’examiner les
membres de la commission chargée de la rédaction de Presbyterorum Ordinis.
Enfin qu’on n’oublie pas le climat de la dernière année du Concile, quand une
presse avide de nouvelles sensationnelles était prête à exploiter contre la loi du
célibat la moindre parole ambiguë, la plus légère sitation d’un évêque
préoccupé par le manque de vocations. C’est d’ailleurs ce qui venait de se
produire : à l’occasion de la discussion du Décret sur le ministère et la vie des
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prêtres, un éque bsilien avait annoncé son intention de soulever la question
de l'opportunité d’une modification de la loi du célibat sacerdotal dans l'Eglise
latine ; il avait eu la maladresse de communiquer à l'avance le texte de son
intervention à quelques confrères ; comme il était fatal, ce texte était
immédiatement connu et il fut publpar un grand journal parisien.
La discipline de l’Eglise latine faisait, en effet, l’objet d’une grave remise en
cause dans les années 1960-1975 dans les Eglises du monde occidental, et
notamment aux Pays-Bas sur lesquels je reviendrai dans la 3ème partie, du fait
me de l’évolution de la société en matière de reconsidération de la sexualité.
On a parlé de la « révolution sexuelle » de 1968. Etaient très actifs dans les
médias les opposants au célibat ecclésiastique, surtout certains prêtres et anciens
prêtres, tel le groupe contestataire de prêtres français en majorité parisiens
« Echanges et Dialogue », né en novembre 1968. L’accès au mariage était une
des revendications de ceux qui participeront à ce mouvement, avec le travail,
l’engagement politique et le droit à la décision dans l’Eglise. D’où le nombre de
publications sur le sujet en ces années-. Dans quelques journaux et revues, une
campagne était menée pour demander une modification de la loi de lEglise; on
suggérait simplement que lelibat fût facultatif et que les prêtres pussent opter pour
létat de mariage ou pour le célibat perpétuel; on prétendait traduire ainsi le désir de
nombreux prêtres. Il est clair que cette campagne était artificielle, tout au moins
en ce qui concerne le clergé occidental, dont l'immense majori, sans le
manifester bruyamment, vivait, avec une simple joie courageuse, lelibat. Mais
ce qui est certain, c’est que ce climat troublait de nombreux fidèles, scandalisés
devant la désinvolture de certaines fections retentissantes, dont ils lisaient le cit
dans la presse et ne pouvait queconcerter beaucoup daspirants au sacerdoce. Il y
avait dans l’Eglise et chez un certain nombre de prêtres un malaise, un doute
concernant la nécessité du célibat.
2/ Les grandes lignes de Sacerdotalis Caelibatus
Sacerdotalis Caelibatus est la dernière encyclique entièrement consacrée par
un pape au thème du célibat. Comme je viens de le dire, interdisant que la
question soit soulevée lors de la quatrième et dernière session du Concile, le
Pape s’était réservé de la traiter lui-même. Dans le contexte de l’immédiat après-
Concile, reprenant toute la Doctrine conciliaire, Paul VI sentait le besoin de
rappeler avec l’autorité d’un acte magistériel la validité permanente du célibat
ecclésiastique dans l’Eglise latine qui était contestée dans sa légitimi.
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L’Encyclique porte les marques de son auteur et de sa sensibilité. Le
bienheureux Paul VI ne se contente pas de penser, mais il souffre avec ceux qui
sont dans la peine. Il a profondément ressenti la « difficul d’être » du prêtre
libataire dans la société de cette seconde moitdu 20e siècle ; il le souligne au
but de son Encyclique, consacrant toute l’introduction à la considération
attentive et respectueuse des objections que l’on peut faire au célibat sacerdotal,
les accueillant formellement, depuis la présumée violence faite à la nature
jusqu’au manque de prêtres induit précisément par l’obligation du libat. Ces
objections peuvent se classer sous quatre arguments.
a) En premier lieu, l'obligation du célibat n'est pas scripturaire. Le Christ, qui
a demandé aux apôtres de quitter leurs familles, leurs épouses, leurs enfants,
n’a pas fait du célibat une condition de ce service, puisque des Atres ont
pu vivre dans le mariage. « Jésus lui-me nen (le célibat) a pas fait une
condition préalable au choix des Douze, ni non plus les Atres à légard
des hommes qui étaient préposés aux premières communaus chrétiennes »
(n° 5). C'est pourquoi les Eglises d'Orient, orthodoxes ou en pleine communion
avec Rome, gardent la discipline antique et ordonnent des hommes mariés,
avec cette restriction que jamais elles n'autorisent le mariage d'un ptre déjà
ordonné et que l'épiscopat y est réservé aux moines célibataires (cf. n° 40)
b) La seconde raison est historique, en ce sens que les arguments invoqués
par bien des théologiens pour établir la convenance du célibat portent la
trace de mentalités volues. Le cadre de culture auquel ces théologiens se
fèrent n’est plus celui du monde moderne et le célibat des ptres aurait
aujourd'hui le grave inconvénient de nuire à l'efficacité pastorale du prêtre; il en
ferait un homme à part, coudes valeurs humaines authentiques et pures de la
vie conjugale, telles que le christianisme de notre temps les recouvre.
c) Le troisième argument pourrait être dit pastoral. Pourquoi s’obstiner à
vouloir un clergé de choix, alors que la pénurie des ptres va jusqu’à
compromettre la possibilitéme de la première annonce de l’Evangile ?
d) Enfin, dernier argument, le libat est une violence faite à la nature.
D’où ces ombres qui accompagnent les prêtres célibataires ; le sacerdoce
confé à des hommes mariés supprimerait l’occasion d’infilités, de
désordres et de fections pénibles. Quant à ceux qui restent fidèles, n’est-ce
pas au prix dun dessèchement du cœur, d’une atrophie de l’affectivité ?
D’ailleurs les uns et les autres ont-ils vraiment choisi le célibat, ou bien
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l’ont-ils accepté passivement, et de surcroît, comme l’accompagnement
obligatoire du sacerdoce ? Avaient-ils acquis la maturité, ayantcidé si
jeunes ; peut-on prendre un tel engagement avant l’expérience de la vie ?
Nous devons admirer l'honteté critique avec laquelle, le Pape Paul VI
a voulu peser les arguments allégués en faveur dune modification de la loi
du célibat. Ayant fait face à toute la difficulté, n’ayant rien négligé, le Pape
donne beaucoup plus de force et d’autorité à saponse qui pourrait se
sumer ainsi : la grandeur du prêtre est de se conformer, plus encore que le
fidèle laïc, à limitation du Christ. La réaffirmation du célibat est non
seulement nette et précise, mais encore motivée. Et la réponse ne tombe pas d’en
haut, comme une norme disciplinaire qui impose d’autorité un fardeau pesant,
mais a toujours ces deux caractéristiques : elle est motivée par des raisons
bibliques et théologiques (ces motivations, ces « sens », qui deviendront
classiques, sens christologique, sens ecclésiologique et sens eschatologique) qui
rendent le lien entre sacerdoce et célibat « extrêmement précieux et
irremplaçable pour des raisons de convenance multiple, et soutenue par une
tradition historique qui consent de retrouver les racines d’une telle loi depuis les
premiers temps de la vie de l’Eglise, même si la codification sera longue et de
toute manière toujours confirmée par les Pasteurs de l’Eglise latine » (Lettre
Apostolique du Pape Paul VI au Cardinal Jean Villot, 2 février 1970.
Documentation catholique, T. LXVII, 15 février 1970, pp 162-164). Grâce à ces
raisons et à l’intérieur de cette tradition le célibat ecclésiastique apparaît toujours
plus comme un élément d’obligation et comme loi, mais aussi comme un
charisme, un don, une grâce. Paul VI reprend les raisons cultuelles du Magistère
précédent des papes Pie XI, Pie XII et Jean XXIII, et les ajoute aux motifs
théologiques, spirituels et pastoraux qui ont été mis en avant par le Concile
Vatican II.
Reprenons rapidement ces motivations, exposées dans la première partie de
l’Encyclique :
1/ d’abord le sens christologique. Le Pape se réfère au Christ, qui est resté
dans l’état de virginité et à la nouveauté du Christ, seule capable de faire
comprendre la nouveauté du sacerdoce chrétien. Le prêtre trouve dans le Christ
son modèle immédiat et son idéal souverain. Configuré au Christ, le prêtre est
une sorte de nouveau Christ présent parmi les hommes. « Ce lien profond qui,
dans le Christ, unit la virginiet le sacerdoce, se reflète en ceux à qui il échoit
de participer à la dignité et à la mission du Médiateur et Prêtre éternel, et cette
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