Texte complet

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S.E. Mons. Joël Mercier
Secrétaire de la Congrégation pour le Clergé
LECTURE DE L’ENCYCLIQUE DU PAPE PAUL VI
SUR LE CELIBAT SACERDOTAL
Le 24 juin 1967, en la fête de saint Jean-Baptiste, le pape Paul VI publiait
l'encyclique Sacerdotalis Caelibatus annoncée et attendue depuis la fin du
Concile. Cette date n’était sans doute pas fortuite. C’était la fête personnelle du
pape Montini, qui avait reçu au baptême le prénom de Jean-Baptiste, ce saint
Précurseur qui s’était présenté comme l’ami de l’Epoux (Lc 3, 29). Je me
propose de rappeler le contexte dans lequel ce grand texte fut écrit, d’en relire
les lignes principales et enfin d’en rappeler la réception et la postérité. En
conclusion, j’en rappellerai la valeur toujours actuelle.
1/ Le contexte.
Nous sommes à moins de deux années de la fin du Concile Vatican II. Parmi les
thèmes abordés au Concile, il y a eu celui des prêtres qui donna lieu au Décret
conciliaire Presbyterorum Ordinis, avec un paragraphe sur le célibat (n° 16)
« Choisir le célibat et le considérer comme un don ». Avec ce sujet, les Pères
conciliaires abordaient une question importante. Le document distingue le célibat
en soi et la loi du célibat en affirmant : « La pratique de la continence parfaite et
perpétuelle pour le Royaume des cieux a été recommandée par le Christ
Seigneur ; tout au long des siècles, et de nos jours encore, bien des chrétiens
l’ont accepté joyeusement et pratiquée sans reproche. Pour la vie sacerdotale
particulièrement, l’Eglise l’a tenue en haute estime […] C’est donc pour des
motifs fondés sur le mystère du Christ et sa mission, que le célibat, d’abord
recommandé aux prêtres, a été ensuite imposé par une loi dans l’Eglise latine à
tous ceux qui se présentent aux Ordres sacrés ». Le Décret fut approuvé en
dernière lecture par 2 390 voix contre 4, le 7 décembre 1965. En s’en tenant aux
données fournies par la seule exégèse de l’ensemble du paragraphe 16, deux
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constatations soulignent avec quel soin ce numéro a été traité : d’une part, aucun
autre passage du décret n’a sans doute été examiné, analysé minutieusement et
remanié autant que celui-ci ; nulle part ailleurs, la commission ne s’est souciée
d’être aussi explicite dans ses prises de position et dans ses commentaires. D’autre
part, il est propre à la question du célibat ecclésiastique que, par trois fois, le Pape
Paul VI ait pris l’initiative d’intervenir personnellement : par deux notes qui furent
transmises à la Commission par la Secrétairerie d’Etat ; ces remarques ne seront
pas admises servilement ; elles susciteront quelques réactions assez franches. La
troisième intervention est évidemment plus connue, puisqu’elle fut, si l’on peut
dire, publique ; à l’ouverture des débats d’octobre 1965, Paul VI intervint dans
une lettre au cardinal Tisserant, Doyen du Sacré Collège et président de
l’assemblée, qui fut lue devant le concile ; le Pape se réservait l’examen de la
question ainsi soulevée et annonçait son intention de renforcer la loi du célibat :
« Il n’est pas opportun de débattre publiquement de ce thème qui requiert la plus
grande prudence et revêt une telle importance. Et nous avons le propos, non
seulement de conserver autant qu’il est en Nous cette loi ancienne, sainte et
providentielle, mais encore de renforcer son observance, rappelant les prêtres
de l’Eglise latine à la conscience des causes et des raisons qui aujourd’hui,
aujourd’hui précisément de façon spéciale, font que l’on doit considérer cette loi
du célibat comme très adaptée parce que par elle les prêtres peuvent consacrer
tout leur amour uniquement au Christ et se donner totalement et généreusement
au service de l’Eglise et des âmes » (Documentation Catholique, t. LXII, 19
décembre 1965, pp. 2183-2184). On comprend sans peine cette intervention du
Saint-Père, qui d’ailleurs, contrairement à ce qui fut dit dans certains journaux,
ne souleva aucune émotion parmi les Pères conciliaires, qui votèrent à une quasiunanimité le paragraphe du schéma relatif au maintien du célibat. D’abord, un an
plus tôt le Concile avait déjà pris position d’une manière solennelle lors de la
Constitution Lumen Gentium (n° 29 et 42), que les Pères conciliaires avaient eu
l’occasion de débattre publiquement, et en second lieu, on peut se demander ce
que les débats publics auraient pu ajouter d’utile et d’efficace aux réflexions et
observations critiques qu’eurent l’occasion de formuler et d’examiner les
membres de la commission chargée de la rédaction de Presbyterorum Ordinis.
Enfin qu’on n’oublie pas le climat de la dernière année du Concile, quand une
presse avide de nouvelles sensationnelles était prête à exploiter contre la loi du
célibat la moindre parole ambiguë, la plus légère hésitation d’un évêque
préoccupé par le manque de vocations. C’est d’ailleurs ce qui venait de se
produire : à l’occasion de la discussion du Décret sur le ministère et la vie des
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prêtres, un évêque brésilien avait annoncé son intention de soulever la question
de l'opportunité d’une modification de la loi du célibat sacerdotal dans l'Eglise
latine ; il avait eu la maladresse de communiquer à l'avance le texte de son
intervention à quelques confrères ; comme il était fatal, ce texte était
immédiatement connu et il fut publié par un grand journal parisien.
La discipline de l’Eglise latine faisait, en effet, l’objet d’une grave remise en
cause dans les années 1960-1975 dans les Eglises du monde occidental, et
notamment aux Pays-Bas sur lesquels je reviendrai dans la 3ème partie, du fait
même de l’évolution de la société en matière de reconsidération de la sexualité.
On a parlé de la « révolution sexuelle » de 1968. Etaient très actifs dans les
médias les opposants au célibat ecclésiastique, surtout certains prêtres et anciens
prêtres, tel le groupe contestataire de prêtres français en majorité parisiens
« Echanges et Dialogue », né en novembre 1968. L’accès au mariage était une
des revendications de ceux qui participeront à ce mouvement, avec le travail,
l’engagement politique et le droit à la décision dans l’Eglise. D’où le nombre de
publications sur le sujet en ces années-là. Dans quelques journaux et revues, une
campagne était menée pour demander une modification de la loi de l’Eglise; on
suggérait simplement que le célibat fût facultatif et que les prêtres pussent opter pour
l’état de mariage ou pour le célibat perpétuel; on prétendait traduire ainsi le désir de
nombreux prêtres. Il est clair que cette campagne était artificielle, tout au moins
en ce qui concerne le clergé occidental, dont l'immense majorité, sans le
manifester bruyamment, vivait, avec une simple joie courageuse, le célibat. Mais
ce qui est certain, c’est que ce climat troublait de nombreux fidèles, scandalisés
devant la désinvolture de certaines défections retentissantes, dont ils lisaient le récit
dans la presse et ne pouvait que déconcerter beaucoup d’aspirants au sacerdoce. Il y
avait dans l’Eglise et chez un certain nombre de prêtres un malaise, un doute
concernant la nécessité du célibat.
2/ Les grandes lignes de Sacerdotalis Caelibatus
Sacerdotalis Caelibatus est la dernière encyclique entièrement consacrée par
un pape au thème du célibat. Comme je viens de le dire, interdisant que la
question soit soulevée lors de la quatrième et dernière session du Concile, le
Pape s’était réservé de la traiter lui-même. Dans le contexte de l’immédiat aprèsConcile, reprenant toute la Doctrine conciliaire, Paul VI sentait le besoin de
rappeler avec l’autorité d’un acte magistériel la validité permanente du célibat
ecclésiastique dans l’Eglise latine qui était contestée dans sa légitimité.
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L’Encyclique porte les marques de son auteur et de sa sensibilité. Le
bienheureux Paul VI ne se contente pas de penser, mais il souffre avec ceux qui
sont dans la peine. Il a profondément ressenti la « difficulté d’être » du prêtre
célibataire dans la société de cette seconde moitié du 20e siècle ; il le souligne au
début de son Encyclique, consacrant toute l’introduction à la considération
attentive et respectueuse des objections que l’on peut faire au célibat sacerdotal,
les accueillant formellement, depuis la présumée violence faite à la nature
jusqu’au manque de prêtres induit précisément par l’obligation du célibat. Ces
objections peuvent se classer sous quatre arguments.
a) En premier lieu, l'obligation du célibat n'est pas scripturaire. Le Christ, qui
a demandé aux apôtres de quitter leurs familles, leurs épouses, leurs enfants,
n’a pas fait du célibat une condition de ce service, puisque des Apôtres ont
pu vivre dans le mariage. « Jésus lui-même n’en (le célibat) a pas fait une
condition préalable au choix des Douze, ni non plus les Apôtres à l’égard
des hommes qui étaient préposés aux premières communautés chrétiennes »
(n° 5). C'est pourquoi les Eglises d'Orient, orthodoxes ou en pleine communion
avec Rome, gardent la discipline antique et ordonnent des hommes mariés,
avec cette restriction que jamais elles n'autorisent le mariage d'un prêtre déjà
ordonné et que l'épiscopat y est réservé aux moines célibataires (cf. n° 40)
b) La seconde raison est historique, en ce sens que les arguments invoqués
par bien des théologiens pour établir la convenance du célibat portent la
trace de mentalités révolues. Le cadre de culture auquel ces théologiens se
réfèrent n’est plus celui du monde moderne et le célibat des prêtres aurait
aujourd'hui le grave inconvénient de nuire à l'efficacité pastorale du prêtre; il en
ferait un homme à part, coupé des valeurs humaines authentiques et pures de la
vie conjugale, telles que le christianisme de notre temps les redécouvre.
c) Le troisième argument pourrait être dit pastoral. Pourquoi s’obstiner à
vouloir un clergé de choix, alors que la pénurie des prêtres va jusqu’à
compromettre la possibilité même de la première annonce de l’Evangile ?
d) Enfin, dernier argument, le célibat est une violence faite à la nature.
D’où ces ombres qui accompagnent les prêtres célibataires ; le sacerdoce
conféré à des hommes mariés supprimerait l’occasion d’infidélités, de
désordres et de défections pénibles. Quant à ceux qui restent fidèles, n’est-ce
pas au prix d’un dessèchement du cœur, d’une atrophie de l’affectivité ?
D’ailleurs les uns et les autres ont-ils vraiment choisi le célibat, ou bien
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l’ont-ils accepté passivement, et de surcroît, comme l’accompagnement
obligatoire du sacerdoce ? Avaient-ils acquis la maturité, ayant décidé si
jeunes ; peut-on prendre un tel engagement avant l’expérience de la vie ?
Nous devons admirer l'honnêteté critique avec laquelle, le Pape Paul VI
a voulu peser les arguments allégués en faveur d’un e modification de la loi
du célibat. Ayant fait face à toute la difficulté, n’ayant rien négligé, le Pape
donne beaucoup plus de force et d’autorité à sa réponse qui pourrait se
résumer ainsi : la grandeur du prêtre est de se conformer, plus encore que le
fidèle laïc, à l’imitation du Christ. La réaffirmation du célibat est non
seulement nette et précise, mais encore motivée. Et la réponse ne tombe pas d’en
haut, comme une norme disciplinaire qui impose d’autorité un fardeau pesant,
mais a toujours ces deux caractéristiques : elle est motivée par des raisons
bibliques et théologiques (ces motivations, ces « sens », qui deviendront
classiques, sens christologique, sens ecclésiologique et sens eschatologique) qui
rendent le lien entre sacerdoce et célibat « extrêmement précieux et
irremplaçable pour des raisons de convenance multiple, et soutenue par une
tradition historique qui consent de retrouver les racines d’une telle loi depuis les
premiers temps de la vie de l’Eglise, même si la codification sera longue et de
toute manière toujours confirmée par les Pasteurs de l’Eglise latine » (Lettre
Apostolique du Pape Paul VI au Cardinal Jean Villot, 2 février 1970.
Documentation catholique, T. LXVII, 15 février 1970, pp 162-164). Grâce à ces
raisons et à l’intérieur de cette tradition le célibat ecclésiastique apparaît toujours
plus comme un élément d’obligation et comme loi, mais aussi comme un
charisme, un don, une grâce. Paul VI reprend les raisons cultuelles du Magistère
précédent des papes Pie XI, Pie XII et Jean XXIII, et les ajoute aux motifs
théologiques, spirituels et pastoraux qui ont été mis en avant par le Concile
Vatican II.
Reprenons rapidement ces motivations, exposées dans la première partie de
l’Encyclique :
1/ d’abord le sens christologique. Le Pape se réfère au Christ, qui est resté
dans l’état de virginité et à la nouveauté du Christ, seule capable de faire
comprendre la nouveauté du sacerdoce chrétien. Le prêtre trouve dans le Christ
son modèle immédiat et son idéal souverain. Configuré au Christ, le prêtre est
une sorte de nouveau Christ présent parmi les hommes. « Ce lien profond qui,
dans le Christ, unit la virginité et le sacerdoce, se reflète en ceux à qui il échoit
de participer à la dignité et à la mission du Médiateur et Prêtre éternel, et cette
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participation sera d’autant plus parfaite que le ministère sacré sera affranchi de
tout lien de la chair et du sang » (n° 21). Les prêtres qui répondent à l’appel du
Christ, entendent participer non seulement à sa fonction sacerdotale, mais
partager avec Lui l’état de vie qui fut le sien. Et le pape invite tout spécialement
les maîtres spirituels et « tous les prêtres capables d’avoir l’intelligence intuitive
et surnaturelle de leur vocation » de continuer à approfondir cette perspective
biblique et théologique. « De la sorte, conclut Paul VI, le lien entre sacerdoce et
célibat apparaîtra toujours mieux dans sa logique lumineuse et héroïque
d’amour unique et sans limites au Christ Seigneur et à son Eglise » (n° 25).
Il eût été, à vues humaines, dans la logique du mystère fondamental de
l'Incarnation que le Verbe de Dieu, voulant faire l'expérience totale de la
condition humaine, hormis le péché, entrât dans cette économie de la création,
selon laquelle l’homme quitte son père et sa mère pour ne faire plus qu’un avec
sa femme. Or, dans la sagesse divine, c'est autrement que le « Verbe fait chair »
a voulu vivre la perfection de l'humanité. Non pas évidemment qu'il ait
proposé son exemple en ce point comme la loi idéale et générale de la vie
humaine ; mais, par son exemple, il a fait du célibat consacré à
l'accomplissement de son œuvre un élément de l'économie du Salut, une
fonction spéciale à quoi sont conviés quelques hommes par élection
particulière, comme l’a compris l'apôtre Paul. Un élément seulement, en ce
sens que le célibat consacré est un signe et une visée vers l'éternel qui donne
son sens à l’état de mariage où l’Eglise a discerné un sacrement du Christ,
c’est-à-dire une source permanente de grâce sanctifiante. Dans ces
conditions, le célibat consacré n'est pensable que dans le contexte de l’état
de mariage, état de sainteté, de la plupart des membres du peuple de Dieu.
Mounier écrivait que, contre toute logique, c'est certainement le célibat chrétien
qui a travers l'histoire a maintenu la flamme de la famille chrétienne. Et Paul VI :
« La présence, près des foyers chrétiens, du prêtre qui vit pleinement son
célibat soulignera la dimension spirituelle de tout amour digne de ce nom, et
son sacrifice personnel méritera aux fidèles vivant dans les liens sacrés du
mariage la grâce d’une union véritable » (n° 57).
2/ Sens ecclésiologique : Le célibat du prêtre manifeste l’amour virginal du
Christ pour l’Eglise son Epouse et la fécondité virginale et surnaturelle de cette
union, fécondité spirituelle dans laquelle les enfants de Dieu ne sont pas
engendrés de la chair et du sang. Parmi les autres motifs ecclésiologiques en
faveur du célibat, l’encyclique rappelle que le renoncement au mariage donne au
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prêtre une très grande disponibilité pour écouter la parole de Dieu, pour
s’adonner plus longuement à la prière au nom de l’Eglise et pour elle, pour se
sacrifier lui-même et pour son peuple, pour participer à la Rédemption et surtout
pour soutenir l’espérance et la foi des autres fidèles. Elle souligne aussi le
rapport indépassable qui existe entre le célibat et le Mystère eucharistique.
3/ Quant à la signification eschatologique, il est clair que le célibat est un
renoncement fait pour le Royaume des cieux, il attache à Jésus sans partage,
c’est un renoncement libre. C’est le choix d’une relation intime au mystère du
Christ et de l’Eglise, qui place déjà un être dans la situation des derniers temps et
de la résurrection, où l’on « ne prendra plus ni femme, ni mari », mais où tous
seront comme des anges de Dieu dans le ciel.
Toujours dans la première partie de l’Encyclique, le deuxième chapitre resitue
le choix du célibat et dans l’histoire de l’Eglise et dans la vie de l’Eglise. Il
indique comment dès l’Antiquité chrétienne, la pratique librement assumée du
célibat a été mise en honneur, recommandée, et pour l’Eglise latine son
obligation finalement sanctionnée. Tout en manifestant son estime et son respect
à l’ensemble du clergé des Eglises orientales, Paul VI réaffirme clairement la
fidélité de l’Eglise d’Occident à sa tradition propre et la confirmation de la loi
« qui réclame de ceux qui accèdent aux Ordres sacrés le choix libre du célibat
perpétuel » (n° 42), tout en admettant quelques cas particuliers ; et le Pape cite
l’exemple des pasteurs mariés protestants accueillis dans la pleine communion
de notre Eglise. Ces considérations permettent de répondre à un argument
sérieux opposé à la discipline du célibat. Pourquoi l’Eglise d'Occident ne laisse-telle pas, comme les Eglises d'Orient, le choix à ses prêtres entre le célibat et
le mariage ? Il n’est pas impossible qu’un certain encratisme ait eu son
influence dans l’observance de cette discipline. Mais ce serait une erreur que de
voir dans le seul encratisme négatif la raison pour laquelle l’Eglise
d’Occident a maintenu le célibat de ses prêtres envers et contre tous, parfois
contre toute prudence humaine aux périodes les plus sombres. Pour le
comprendre, il faut croire dans la foi au pouvoir de discernement spirituel de
l’Eglise par le magistère et le peuple chrétien. C’est manifestement par
l'opération du Saint-Esprit que peut se maintenir une expérience telle que le
célibat des prêtres, expérience constante, reprise inlassablement par tous les
réformateurs catholiques, dans la lignée de qui se situe Paul VI. Et le Pape en
appelle au courage de la foi : « Chacun doit savoir qu’il peut tout en Celui qui
seul donne la force aux âmes et la croissance à son Eglise. » (n° 48)
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Le Pape écarte aussi un argument souvent allégué dans les campagnes de
presse auxquelles nous avons fait allusion : o n va répétant que l'obligation du
célibat est la cause majeure de la raréfaction des vocations sacerdotales. Paul
VI fait remarquer qu’une crise analogue, peut-être même plus grave, de
vocations sévit dans les communautés ecclésiales issues de la Réforme qui
ont un clergé marié. Et, dans ces mêmes communautés protestantes, les
foyers pastoraux peuvent poser parfois des problèmes graves, d'équilibre
affectif, de conciliation du ministère et de sa tâche familiale, d'éducation des
enfants, problèmes d'une autre nature que ceux que soulève le célibat,
mais qui sont aussi difficiles.
La cause profonde de la crise des vocations est ailleurs, comme le souligne
Paul VI; elle tient à notre civilisation du bien-être qui ne pousse pas au
renoncement qu’implique toute vie sacerdotale. Le fond du problème est dans
une crise de la foi, dans un affaiblissement de la foi. De plus l'incertitude où sont
de nombreux prêtres sur la finalité de leur sacerdoce, l’inefficacité
douloureusement sentie de leur ministère, les conditions de vie du clergé
diocésain dans la solitude et parfois la misère matérielle, toutes ces causes
conjointes amènent, plus ou moins consciemment, de jeunes hommes
courageux et généreux à préférer un apostolat laïque à un ministère
sacerdotal.
Il ne semble pas non plus que le désir sexuel ou une crise affective soit
toujours la cause première et déterminante des défections chez des sujets
psychologiquement normaux. Très souvent, la cause profonde est un
affaissement progressif de la foi dans une société sécularisée, et le
découragement devant l’inefficacité du ministère ; le besoin affectif est
second et vient combler le vide ainsi creusé. On le constate encore
aujourd’hui dans les causes de Dispenses traitées par la Congrégation pour
le clergé.
Ainsi la force des objections principales est diminuée et la réponse
magistérielle Sacerdotalis Caelibatus, précisément parce qu’elle prend en
sérieuse considération les objections, affronte le problème de la réalisation
humaine et affective dans le célibat, et donc aussi le problème des rapports entre
grâce et nature. Et là encore, le pape Montini, dans le plus authentique esprit
conciliaire, trace un cadre de la personnalité du prêtre, en qui la grâce ne détruit
pas la nature ni ne lui fait violence, mais l’élève et lui donne capacité
surnaturelle et vigueur. Le célibat, quand il est profondément vécu et motivé,
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constitue une plénitude pour l’homme. Loin de tuer l’amour humain au cœur du
prêtre, il l’affine, l’élargit, lui confère à la fois délicatesse et souveraineté. Il
mène à la maturation intégrale de la personne humaine. Magnifique est ce
passage de l’Encyclique : « Au cœur du prêtre l’amour n’est pas éteint. Puisée à
la source la plus pure, exercée à l’imitation de Dieu et du Christ, la charité n’est
pas moins exigeante et concrète que tout amour authentique. Elle élargit à
l’infini les horizons du prêtre, elle approfondit et dilate son sens des
responsabilités –indice de maturité de la personne – et elle forme en lui, comme
expression d’une paternité plus haute et plus large, une plénitude et une
délicatesse de sentiments qui sont pour lui une richesse surabondante » (n° 56).
Si le prêtre n’a pas l’expérience du mariage, il a l’expérience du cœur ; il s’y
connait en amour, ce qui l’autorise à être un précieux conseiller.
Bien sûr, la difficulté majeure du célibat, c’est la solitude ; mais cette
solitude, l’homme qui se fait prêtre l’a choisie en connaissance de cause, il s’y
est préparé dans le silence, il l’a peuplée de l’amour de Dieu et des autres
hommes. Ce n’est donc pas un vide. Assurément, cette solitude, parfois, pèsera
douloureusement sur le prêtre, comme elle a pesé sur le Christ, qui « lui aussi,
aux moments les plus tragiques de sa vie, se trouva seul, abandonné de ceux
qu’il avait choisis comme témoins et compagnons de son existence, et qu’il avait
aimés jusqu’à la fin » (n° 59). Mais le prêtre, à la suite de Jésus, se souviendra
alors que le Père est avec lui et ne le laisse jamais seul. Il sera aidé par l’amitié
des autres prêtres comme aussi par la sympathie de tout le peuple de Dieu.
Telles sont les idées fondamentales de la première partie de l’Encyclique.
Pour le bienheureux Paul VI, au fond, « la raison véritable et profonde du
célibat sacré est … le choix d’une relation personnelle plus intime et complète
avec le mystère du Christ et de l’Eglise pour le bien de toute l’humanité » (n°
54), et cette relation porte au degré maximum de développement la liberté
intérieure de l’individu. C’est comme dire : le maximum de l’amour est le
maximum de la liberté.
Quant à la seconde partie, elle expose les conséquences pratiques qui résultent
de ces principes, et qui s’adressent surtout à ceux qui ont la charge de former les
prêtres et aux évêques. La première conséquence en est l’importance qui doit
être donnée à la formation : pour cultiver le sens de la réceptivité du don, de la
reconnaissance, de la liberté affective ; pour vérifier avec attention la présence
des exigences précises, non seulement des qualités morales et spirituelles, mais
aussi santé physique et psychique ; pour favoriser la liberté et la responsabilité
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de la décision, jusqu’à sentir « l’intime joie d’un choix fait pour l’amour du
Christ » (n° 72) ; pour intégrer progressivement l’action de la grâce et de la
nature, dans la primauté de l’action divine et considérant avec attention le
conditionnement, même inconscient, du psychisme humain ; pour réaliser par
une enquête attentive un sérieux discernement de la vocation. Le Pape souligne
la nécessité d'une sévère sélection des candidats au sacerdoce, d'une éducation
de la volonté, d’une vie spirituelle de foi, d'une continuelle assomption
virile de la vocation dont les motivations évoluent au cours de la vie.
Après la formation, l’Encyclique aborde la vie sacerdotale. « Le prêtre ne
doit pas croire que l’Ordination lui rende tout facile et le mette définitivement
à l’abri de toute tentation ou danger » (n° 73). Paul VI remarque que le
célibat n’est pas un état choisi une fois pour toutes, mais une conquête
permanente. Le Pape insiste sur la relation intime que le prêtre doit entretenir
avec le Christ, une intimité alimentée « à la table de la Parole de Dieu et de la
sainte Eucharistie » (n° 75). Paul VI invite aussi le prêtre à acquérir un sens
toujours plus profond du mystère de l’Eglise, « en dehors duquel son état de vie
risquerait de lui apparaître déraisonnable et sans fondement » (n° 75). Pour
l’équilibre du prêtre, équilibre affectif, intellectuel, spirituel, pour éviter
l'égoïsme et la fausse originalité du « vieux garçon», qui sont les dangers
qui menacent le célibataire, une autre réforme, celle des conditions de vie
du clergé est à entreprendre. La vie sacerdotale exige une ascèse intérieure
et extérieure vraiment virile. Et l’Encyclique d’insister de nouveau sur la
nécessité d’une « intime fraternité sacramentelle » (n° 79) qui lie tous les
prêtres entre eux du fait de leur ordination sacerdotale. Paul VI invite les
prêtres à intensifier les échanges de prières, d’amitié et d’aide mutuelle de
tout genre. « On ne recommandera jamais suffisamment aux prêtre, écritil, une certaine vie commune qui s’oriente tout entière vers le ministère
proprement spirituel ; la pratique de rencontres fréquentes au cours
desquelles ont lieu de fraternels échanges d’idées, de conseil et
d’expériences entre confrères ; l’encouragement à entrer dans des
associations qui favorisent la sainteté sacerdotale » (n° 80).
Le Pape évoque ensuite ce qu’il appelle « les désertions douloureuses » (n°
83). Pour lui, la responsabilité retombe non sur le célibat lui-même, mais sur le
fait de n’avoir pas su toujours évaluer à temps les qualités du candidat au
sacerdoce par manque de discernement ou bien sur la façon dont les prêtres ont
vécu leur totale consécration. Dans tel cas douloureux, le Pape admet la
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possibilité d’un changement de vie. Mais il dit sa tristesse d’avoir à donner des
dispenses de ce genre, car en autorisant certains renoncements à la promesse
faite au moment de l’ordination, on enlève de la force à beaucoup de ceux qui la
pratiquent et l’on risque de scandaliser certains fidèles. Le Saint-Père supplie les
prêtres qui hésitent, à réfléchir avant la décision. Il demande aux amis de ces
prêtres de faire tout le possible pour les persuader, les aider à être ce qu’ils
avaient choisi d’être.
Cette seconde partie de l’Encyclique s’achève par le rappel de la paternité de
l’évêque à l’égard de ses prêtres et des jeunes gens qui se préparent au
sacerdoce, et leurs responsabilités à leur égard, y compris envers ceux qui « ont
abandonné la maison de Dieu ». Puis le Pape exhorte tous les fidèles à se sentir
responsables, eux aussi, de leurs prêtres, priant pour eux, collaborant avec eux,
entretenant avec eux un profond respect et une réserve délicate.
Ainsi, au terme de notre lecture, nous pouvons constater que le Pape Paul VI a
posé fermement le fondement de toute théologie et spiritualité de la virginité
consacrée et du célibat sacerdotal. De l’argumentation générale de
l’Encyclique, il ressort une profonde interconnexion de tous les motifs du célibat
sacerdotal, dont la convenance est vraiment multiforme. De quelque côté qu’on
le considère, il apparaît toujours plus radicalement et plus intimement uni au
sacerdoce. L’essentiel nous a été rappelé : le Christ, perfection d'humanité et
prêtre éternel a choisi de vivre vierge. Non seulement le Christ montre
l’exemple, mais il donne aussi la grâce pour accomplir cette imitation. Quand on
comprend le célibat du prêtre comme un décret juridique, alors on le conteste,
alors on constitue des groupes de pression. Mais le célibat du prêtre possède une
autre profondeur théologique, sa source est dans le mystère du Christ, de l’Eglise
et des fins dernières. Si nous n’avions à notre disposition que des concepts
d’ordre sociologiques ou psychologiques pour penser le célibat sacerdotal, nous
ne pourrions en saisir pleinement le sens.
Que le célibat entraîne un renoncement à certaines valeurs humaines,
celles mêmes auquel il donne un sens par ce renoncement, c'est vrai. Mais il
n'est pas une mutilation de l'humain : comme toute ascèse, il peut être, au
contraire, un facteur d'épanouissement ; il n’est pour s’en convaincre que
d'évoquer de puissantes personnalités, comme don Tonino Bello, évêque de
Molfetta, décédé en 1993, ou pour ne citer que des morts du tout début du
siècle présent, Jean-Paul II, le cardinal Martini, ancien recteur de cette
université, don Oreste Benzi. Cet épanouissement n’est possible qu’à deux
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conditions : d’abord que le célibat soit pleinement assumé dans la joie comme
une vocation à l’universel ; l’autre condition, c’est qu’il soit assumé dans une
discipline intérieure, une maîtrise de soi, fondée sur la grâce et sa permanente
puissance recréatrice.
On a pu aussi se rendre compte que cette réponse de Paul VI est exposée avec
une profonde empathie, avec une pleine conscience de la délicatesse et gravité de
la chose, avec grande douleur et profonde compréhension pour la crise de tant de
prêtres, avec une affection paternelle et une admiration reconnaissante pour la
fidélité de tant d’autres (et ils sont la grande majorité). Il suffit de relire certains
passages de l’Encyclique pour sentir le cœur du Pasteur et deviner l’esprit de
cette disposition ecclésiale qui est tout autre chose qu’une froide imposition. Il
est clair que l'Encyclique a été longuement méditée par Paul VI. Il l’a écrite dans
la prière à l’Esprit Saint et il la termine, après avoir invoqué l’intercession de
Marie, par un admirable acte de foi et d’espérance : « L’Eglise proclame
hautement son espérance dans le Christ. Elle a conscience de la pénurie
dramatique de prêtres par rapport aux besoins spirituels de la population du
monde, mais elle est ferme dans son attente, fondée sur les ressources infinies et
mystérieuses de la grâce : la qualité spirituelle des ministres sacrés engendrera
aussi leur augmentation en sombre, parce que tout est possible à Dieu » (n° 99).
3/ Réception de l’Encyclique et sa postérité
La controverse, et même la polémique, autour du célibat ne cessa pas. Paul VI
parlera de « contestation multiforme ». De plus, aux Pays-Bas, la crise religieuse
devenait de plus en plus critique – en 1968 et 1969, 400 prêtres séculiers et
religieux avaient quitté le ministère ; les représentants des catholiques hollandais
réunis dans un « Concile pastoral » proposaient de dissocier sacerdoce et célibat.
Le 24 décembre 1969, le pape Paul VI adressait une lettre à l’Episcopat des
Pays-Bas où sur le point précis du célibat il rappelait aux évêques leur devoir
« d’inspirer à tous le respect et l’estime de cet incomparable trésor de l’Eglise
latine ; enseigner avec clarté et fermeté que la pratique généreuse de la chasteté
parfaite non seulement est possible, mais qu’elle est source de joie et de
sainteté ; faire connaître et favoriser partout les conditions indispensables à son
exercice » (Documentation catholique, T. LXVII, 15 février 1970, pp 164-166).
Et quelques semaines plus tard, le 2 février 1970, dans une lettre adressée cette
fois au Cardinal Secrétaire d’Etat, le Cardinal Jean Villot, le Saint-Père
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réaffirmait : « Le lien entre sacerdoce et célibat constitue pour l’Eglise latine un
bien extrêmement précieux et irremplaçable », ajoutant : « Les motifs apportés
pour justifier un changement si radical de la règle séculaire de l’Eglise latine,
porteuse de tant de fruits de grâce, de sainteté et d’apostolats missionnaires sont
bien connus. Mais ces raisons ne nous paraissent pas convaincantes. Elles
semblent en effet un fléchissement de la conception authentique du
sacerdoce […] La contestation multiforme qui se manifeste aujourd’hui rend
encore plus impérieux notre devoir de soutenir et d’encourager de toute manière
la multitude innombrable des prêtres demeurés loyaux vis-à-vis de leurs
engagements » (Documentation catholique, T. LXVII, 15 février 1970, pp 162164).
A travers cette lettre au Cardinal Secrétaire d’Etat, le Pape lançait un appel à
tout l’épiscopat catholique. La réponse des Conférences épiscopales vint à
l’occasion du Synode des évêques qui se déroula du 30 septembre au 6
novembre 1971. Unanimement, il fut admis le lien entre sacerdoce et célibat
comme de grande convenance pour des raisons, non tant de pureté rituelle ou de
la seule obéissance légale, que pour des motifs christologiques, ecclésiologiques,
eschatologiques, pastoraux et pratiques. Fut également presque unanime la
détermination à maintenir l’obligation du célibat, « dont la profonde motivation,
déclarait Mgr Schmitt, évêque de Metz, dans la relation du groupe francophone,
réside dans la sequela Christi, comprise selon le radicalisme de l’Evangile ».
Il semble que demeurait encore chez trop de prêtres une lecture du célibat
comme une loi, avec ce que cela pouvait signifier du point de vue du
retentissement psychologique intérieur. La perspective du célibat comme don,
comme charisme et grâce libératrice, pourtant soulignée dans les textes
conciliaires et dans l’Encyclique avait du mal à entrer dans le cœur et la
mentalité de tout le clergé. Ce qui avait d’inévitables conséquences sur le plan
non seulement de la conception, mais aussi de la manière dont est vécu le
célibat : si le célibat est avant tout légal, il risque de devenir un poids, et un poids
toujours plus difficile à porter. Mais surtout, il est ressenti comme une loi
imposée de l’extérieur, et n’est plus vécu avec liberté.
Dix-neuf années plus tard, au synode de 1990, consacré à la formation des
prêtres dans les circonstances actuelles, on a pu constater à la fois la volonté de
garder fermement la loi du célibat, mais aussi un approfondissement du célibat
dans ses aspects historiques, théologiques, pédagogiques. Vous savez que de ce
Synode sortira l’Exhortation apostolique : « Pastores dabo vobis » dont les
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numéros 29 consacré au célibat, et 50 qui traite de la formation spirituelle
s’inspirent de l’Encyclique et la cite expressément. Ce même numéro 29 rappelle
aux prêtres que la chasteté parfaite dans le célibat est un charisme, « un don
inestimable de Dieu à l’Eglise », et que l’Eglise latine n’ordonne que ceux qui
ont reçu le don de la vocation à la chasteté dans le célibat.
Les grandes lignes d'une double réforme étaient indiquées : Une réforme
de la formation et, l’accompagnant, une sévère sélection des candidats. Le
Saint-Siège, par le biais de la Congrégation pour l’Education catholique,
publia dès 1974 une Instruction pour la formation au célibat sacerdotal (11
avril 1974), puis élabora une « Ratio » qui parut en 1985 (Tria iam lustra,
ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, 19 mars 1985) et qui fut la
référence des diverses « ratio » nationales et la Congrégation pour le clergé,
chargée depuis 2013 des séminaires et de la formation des prêtres, travaille
actuellement à la rédaction d’un nouveau document. En même temps ce
Dicastère se préoccupe des formateurs car il est fondamental que l'éducation
des futurs prêtres soit confiée à des hommes spécialement formés et qui, en
autres choses, soient au courant des données de la psychologie contemporaine. Il
ne suffit pas d'un diplôme en théologie pour faire un directeur de
séminaire. Il faudrait encore signaler la dizaine d’« instructions » et
d’«orientations » émanant des Dicastères de la Curie chargés des prêtres ou
des séminaristes, sans oublier les documents pontificaux parmi lesquels
ressort tout particulièrement la Lettre aux prêtres « Novo incipiente » du
saint Pape Jean-Paul II pour le Jeudi saint (8 avril 1979).
J’ajouterais que la suggestion exprimée dans l’Encyclique (n° 82) que les
prêtres renouvellent le Jeudi Saint, jour de l’institution du sacerdoce, leur don
total et confiant au Christ, est devenue réalité (L’Osservatore Romano, 9-10
febbraio 1970, p. 3).
Conclusion
Cette encyclique demeure toujours très actuelle. Les remises en cause du
célibat n’ont pas cessé, de même que les raccourcis les plus simplistes allant
jusqu’à rendre le célibat sacerdotal responsable de la pédophilie de membres du
clergé, alors que nous savons que la grande majorité des cas de pédophilie sont
accomplis au sein des familles. Avec Sacerdotalis Caelibatus, le bienheureux
Paul VI a réaffirmé avec netteté le choix spirituel qu’a fait notre Eglise latine de
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lier le célibat au presbytérat, et à sa suite le Magistère a continué à approfondir
cette convenance multiple. Dans une remarquable conférence faite aux
séminaristes du séminaire français le 25 mai 1981, le Cardinal Lustiger,
évoquant la figure du prêtre dans les traditions orientales et latine, expliquait que
l’Eglise latine, dès le haut Moyen Age, avait fait le choix de lier fermement le
sacerdoce et le célibat : « Cette décision relève au bout du compte d’un choix
spirituel. Un tel choix ne peut se remettre en cause que pour des raisons
spirituelles et jamais pour des motifs d’organisation, de gestion ou de
sociologie, même légitimes ». Nous pouvons savoir gré au bienheureux Paul VI
d’avoir si courageusement, si lucidement, en des temps difficiles, réaffirmé
l’attachement de l’Eglise latine au célibat des prêtres, le fondant sur la relation
intime et personnelle du prêtre et du Christ et le présentant comme un don fait à
l’Eglise.
« Un don pour l’Eglise » : c’est en ces mêmes termes que le Pape François a
parlé du célibat lors de sa conférence de presse dans l’avion qui le ramenait de
Terre sainte en mai 2014. En plusieurs rencontres avec des évêques venus en
visite ad limina, le Saint-Père a redit aussi la nécessité d’apprendre aux futurs
prêtres à vivre d’une manière vraie les exigences du célibat (Ainsi aux évêques
de Guinée, le 24 mars 2014). Et l’on sait l’insistance du Pape François à rappeler
aux prêtres qu’ils doivent être de bons pasteurs totalement donnés au Seigneur et
à leur peuple.
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