16 avril 2017 769778867 2/16
philosophie de son berceau historique. Les évangiles ont été rédigés en référence à la
conception biblique de l'homme, qui est l'Alliance. Ce choix peut paraître étrange en notre
monde technique où sujet et objet sont distingués. L'homme serait forcément coupé du Dieu
qu'il imagine, mais la divinité n'est peut-être pas une création de l'être humain. Pour la Bible,
le Créateur a créé l'homme en relation à Lui. Dieu et l'homme sont inséparables, la mort elle-
même ne les sépare pas, et le ciel est actif sur la terre. Ce choix sur l'homme imprègne la
perception chrétienne de Jésus reconnu comme étant le Christ annoncé dans les Écritures.
Ressuscité et vivant, il s'est révélé puissant et agissant dans les premières communautés
chrétiennes. Vers la fin du premier siècle, Luc cristallisera cette reconnaissance essentielle
dans une fête importante : la Pentecôte. Depuis lors, l'Église y célèbre son universalité
eucharistique : l'Esprit descend sur toutes les nations du monde, sur le Corps du Christ qui
s'incarne en toute l'humanité. Pour Luc, historien théologien, Dieu est bien à l'œuvre avec
son Fils dans l'histoire humaine, et même de manière plus précise, plus incisive et plus
universelle qu'il ne l'était dans l'ancienne Alliance
. Dans la foi, la Résurrection de Jésus,
bien qu'invisible de l'extérieur, est donc puissante dans l'histoire de l'humanité, l'Église en
témoigne
.
Mais les tendances rationalistes, inhérentes à l'esprit positif, voient la terre sans le ciel, le
passé sans le futur, la mort sans la Vie, et Jésus sans sa puissante Résurrection. Ce choix
inspiré du positivisme moderne, est celui de Jésus sans Jésus. Nous avons fait un autre
choix en nous inscrivons dans la foi et la catéchèse de l'Église. Nous sommes catéchètes et,
pour nous, Jésus de Nazareth et Jésus-Christ sont une unique et même personne. Alors
que la première manifestation du Christ fut visible sur terre car Jésus fut homme, sa nouvelle
nature de Ressuscité, bien qu'invisible, est aujourd'hui réelle. L'Église témoigne de cette
Présence réelle. La foi la détecte et les évangiles la racontent ! Et si cette Réalité divine du
Christ ressuscité n'existait pas ici-bas, l'Eucharistie de l'Église serait vidée de sa substance,
réduite à un monument du souvenir, dressé en l'honneur d'un mort vénérable, Jésus de
Nazareth.
Les quatre évangiles sont donc un trésor caché dans le champ du monde. Ils furent rédigés
au cours de la vie mouvementée des premières communautés chrétiennes. Nous avons
aujourd'hui ces textes en mains. Deux ou trois générations de chrétiens ont ainsi rédigé la
première grande œuvre de l'Église naissante.
Certes, nous pourrions nous suffire pour la prière, la vie et la catéchèse, des textes
évangéliques tels que nous les avons reçus sans tenir compte de leur genèse ni de leur
dimension historique. Le risque serait de considérer l'Évangile comme un texte sacré sorti
de la bouche même du Seigneur, un Livre descendu tout droit du ciel duquel on tirerait
quelques interprétations spirituelles. Si Jésus n'a rien écrit et si les chrétiens doivent faire
l'expérience de la Parole du Ressuscité, c'est que le Corps du Christ n'est pas séparable de
la foi. Et cette foi de l'Église n'est pas un recueil d'idées ni un manuel de morale, elle est
l'expression concrète de l'Alliance. Nous adorons le Dieu vivant qui parle et qui s'incarne, pas
un Livre sacré tout arrêté.
Un tel fondamentalisme risquerait de dénaturer le statut des évangiles en ignorant leur
Cf. Daniel Marguerat, L'aube du christianisme, Labor et fides, Bayard, 2008, chapitre XVI.
Pour les sciences humaines, dont le positivisme est le Credo, la croix de Jésus fait partie de l'histoire des
hommes alors que sa Résurrection est d'un ordre supra-naturel qui ne peut pas être de ce monde. En
revanche, pour l'Église et dans la foi, le Ressuscité est actif en ces derniers temps que vit aujourd'hui
l'humanité (Hé 1,1).