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GT Ethique&CG (collaboration IFFP et CREME)
Quelle éthique dans la formation des apprentis ? La liberté et la norme
Les récentes révélations sur la tricherie de VW ont montré une fois encore comment un
manque d’éthique pouvait être dommageable à la vie d’une entreprise, à un secteur industriel
et même à l’économie d’un pays. Tout le monde sera d’accord, en l’espèce que la
responsabilité de l’entreprise VW est en jeu, de même que celle, fonctionnelle (par leur
fonction), de ses dirigeants, mais on oublie parfois que derrière les irresponsabilités éthiques,
il y a des gens : des gens qui ont agi par négligence, par lâcheté, par peur, et aussi parfois par
cynisme. Certains, quel que soit d’ailleurs leur niveau dans l’entreprise, vous diront qu’ils ont
une éthique personnelle élevée, mais qu’ils la laissent en entrant dans l’entreprise, parce que
s’ils n’agissent pas d’autres agiront et rafleront la mise. D’autres, partent simplement du
principe « pas vu, pas pris ». Mais le plus souvent, c’est le sens de la responsabilité qui n’est
pas compris. Celui qui agit comme salarié d'une entreprise ou membre d'une organisation et
qui commet une faute pour avoir négligé certains devoirs ou précautions ne se sent pas
responsable de ses actes et il en reporte la faute éventuelle sur le patron, le chef ou la société.
C’est ce qu’avaient montré, il y a quelques années déjà, des sociologues en Suisse romande.
Pour les romands – et pour les jeunes en particulier – le sentiment de responsabilité est
marqué par le caractère rétractable de la parole donnée (on peut revenir sur ses engagements,
changer d'avis, et se délier), par l'exonération des erreurs, et s’il faut réparer, par le report de
la charge sur celui qu’on estime plus puissant, l’entreprise, l’assurance ou l’Etat
.
Ces raisons au moins – nous verrons qu’elles ne sont pas les seules – exigent de la Culture
générale s’intéresse à l’éthique. La formation professionnelle n’aurait en effet rempli qu’une
part de sa mission en transmettant des savoirs et en apprenant des méthodes de travail : elle
doit encore se demander comment rendre ses jeunes responsables.
Il faut ici d’emblée lever deux équivoques possibles.
Il ne s’agit pas de vouloir – ni pour l’enseignant, ni pour l’école – imposer une conception
particulière du bien.
Telle a été parfois la mission de l’école lorsqu’il s’agissait de former un bon chrétien, un bon
citoyen au sens de Rousseau, un honnête homme, ou même dans le système français parfois
un républicain lorsqu’un Vincent Peillon fait de la laïcité la religion universelle de
substitution dont l’école est l’église et les enseignants le clergé
. Un pays comme la Suisse
sait trop que son unité politique ne vient pas du partage de conceptions substantielles du bien,
irréductiblement divergentes selon les confessions, les langues et les cultures. Comme pays
fédéraliste la Suisse vit d’abord du paradoxe souligné par Denis de Rougemont d’une « union
dans la diversité », de « la liberté de chacun dans une action commune » ou d’un équilibre
reposant sur une complémentarité de dons
. En ce sens,
Jean Kellerhals, Noëlle Languin, Massimo Sardi, “ Le sentiment de responsabilité dans les mentalités
contemporaines ”, in Ethique et droit, F. Dermange, L. Flachon, eds., Genève : Labor et Fides, 2001.
Vincent Peillon, Une religion pour la République : la foi laïque de Ferdinand Buisson, Paris, Seuil, 2010, p. 50
et 90.
Denis de Rougemont, Mission et Démission de la Suisse, p. 37.