- la liberté humaine, la capacité de concevoir des projets et de choisir entre ceux-
ci dépend de cette faculté de représentation symbolique.
C’est elle qui fait de
l’homme l’être des fins et des valeurs ; elle le place au sommet d’une évolution
naturelle au cours de laquelle Jonas pense pouvoir repérer, de forme de vie en
forme de vie plus évoluée, une importance croissante des comportements
intentionnels, finalisés, poursuivant des buts valorisés ;
- liberté et intentionnalité font de l’homme un vivant particulièrement créatif.
Mais – et ceci est un point tout à fait capital – cette créativité s’exprime d’abord
et surtout au plan des productions symboliques. Certes, l’homme modifie aussi
le milieu physique externe suivant des intentions pratiques, mais il doit respecter
absolument le vivant naturel qu’il est lui-même. L’homme – le vivant créateur
d’images – n’est lui-même qu’à l’image de Dieu, qui seul est réellement
créateur. Par rapport à la Nature (à la Création), l’homme est et doit rester
créature. Il n’a pas le droit d’intervenir dans l’évolution finalisée dont il est le
produit afin de modifier ce produit. Cette anthropologie conduit à un idéal
humain théorétique, poétique, herméneutique…mais assurément pas technicien.
Elle comporte aussi des responsabilités essentielles.
J’ai accentué la dimension religieuse du propos jonassien délibérément exclu de
ses développements philosophiques mais éclairant et justifié lorsque l’on songe
aux recherches gnostiques de ses premiers travaux.
Si l’on adopte le style de la
philosophie transcendantale (critique), en deçà de laquelle Jonas veut revenir, on
dira : l’homme n’a pas le droit de modifier les conditions de possibilité
spécifiques de son être-humain. Le problème étant que, sous l’impulsion des
sciences et des techniques modernes, ces conditions sont devenues de plus en
plus en quelque sorte matérielles, empiriques, et, pour cela, apparemment
contingentes et opérables. Elles ne présentent en tous cas plus ce statut
d’essence intangible qui les rendait inaccessibles à l’action humaine forçant le
respect sous peine d’échec et/ou de sanction. La force d’un fondement
Cfr “ La production d’images et la liberté humaine ”, in (1966) The Phenomenon of Life : Toward a
Philosophical Biology, New York, Harper & Row (traduit en français : éditions De Boeck-Université).
“ C’est la tâche d’une philosophie biologique de suivre le déploiement de cette liberté germinale au fil des
niveaux ascendants de l’évolution organique. ” (Jonas (1966), o.c., p.83). L’erreur –scientifique, darwiniste - est
de prétendre interpréter l’évolution en partant du plus primitif, du plus simple. Une telle approche est réductrice,
mécaniciste ; elle ne dégage que des enchaînements déterministes et contingents, dénués de sens. Le sens ne se
révèle que lorsqu’on considère l’évolution à partir des formes les plus évoluées, en particulier l’homme. Alors le
sens de l’évolution s’éclaire : c’est celui d’une affirmation croissante de la finalité et de la liberté, culminante
dans la forme de vie humaine. Le matérialisme évolutionniste est un nihilisme qui réduit l’humanité à une
structure biophysique particulière contingente, produite par les lois de la nature et les hasards, comme n’importe
quelle forme de vie. Voir notre étude “ Le néo-finalisme dans la philosophie de Hans Jonas ”, in Hottois G. et
Pinsart M-G. eds (1993), Hans Jonas. Nature et Responsabilité, Vrin.
Le mythe jonassien est celui d’un dieu dont la puissance est limitée et qui s’est risqué lui-même dans sa
création. Cette aventure, dont la “ raison ” demeure mystérieuse, fait que le destin de dieu est, au moins
partiellement, entre les mains des hommes.