bancaire ne permet pas : discriminations territoriales et discriminations sociales se combinent
pour rendre les individus très inégaux face à l’accès aux services bancaires, au crédit et à la
monnaie
. Si l’on peut souhaiter que les banques, par l’infinie bonté et la philanthropie qui
caractérisent sans doute des entreprises dont les hauts dirigeants s’octroient bien souvent des
« rémunérations obscènes », corrigent ces défauts, il n’est pas interdit d’en douter et, en plus
de les contraindre davantage, de rechercher d’autres voies d’amélioration dans la fourniture
de monnaie aux agents économiques. C’est au fond tout le pari des monnaies citoyennes,
émises par des collectifs associatifs qui, de plus en plus, cherchent et obtiennent des soutiens
de collectivités territoriales, en France, en Allemagne, au Brésil ou ailleurs ; et qui de plus en
plus travaillent en collaboration avec des caisses d’épargne et de crédit coopératives
.
L’article repose sur une vision étique de ces dispositifs monétaires (appelés monnaies
sociales, locales ou complémentaires), qui ont émergé depuis une trentaine d’années dans le
monde. Il les ramène à deux choses : d’une part, des SEL, dont on peut se demander d’où
viennent les informations sur leur fonctionnement (l’accusation de fuite fiscale est absurde ;
un procès intenté en 1997-98 à Foix contre des « sélistes » pour travail dissimulé les a relaxés
tout en délimitant ces transactions à des échanges non professionnels et non réguliers), et
d’autre part l’idée vague selon laquelle cela conduirait tout un chacun à émettre sa propre
monnaie
.
Les expériences existantes renvoient en fait à une diversité de configurations, que l’on
peut résumer en deux grandes catégories. La première est constituée de systèmes scripturaux
de crédit mutuel ou réciproque dans lesquels on trouve les SEL (systèmes d’échange local,
adaptation française des LETS, local exchange and trading systems) et des « banques de
temps ». Dans les deux cas, les adhérents d’une association se voient ouvrir un compte avec
solde nul ; les transactions réalisées mouvementent ces comptes en débit et en crédit, dont la
somme reste donc toujours égale à zéro. Cela ressemble par certains aspects au Bancor de
Keynes ! Dans le cas des banques de temps, l’unité de compte interne est ancrée sur le temps
de réalisation d’un service ; dans le cas des SEL, ce principe est appliqué partiellement et
d’autres critères interviennent pour fixer le prix des transactions. Dans aucun des cas,
contrairement à ce que laisse croire l’exemple imaginaire mentionné dans l’article, la relation
de transaction est bilatérale : au contraire, la monnaie gagnée par une transaction peut être
employée auprès de tous les adhérents de l’association. Surtout, la valeur de la monnaie est
subordonnée, comme le dit l’article pour la monnaie standard, à la création de valeur par le
travail. Mais elle l’est davantage que la monnaie standard car ici il n’y a débit que s’il y a
échange, ce qui suppose qu’une valeur produite est transférée. Ajoutons que la spécificité de
Voir Georges Gloukoviezoff, L'exclusion bancaire. Le lien social à l'épreuve de la rentabilité, Paris : PUF,
2010.
Voir par exemple Jérôme Blanc, dir., Exclusion et liens financiers : Monnaies sociales, rapport 2005-2006,
Paris : Economica, 2006.
Pour se faire une idée plus fine de ces systèmes, voir deux ouvrages qui analysent en profondeur les SEL :
Jean-Michel Servet, dir., Une économie sans argent : les systèmes d’échange local, Paris : Le Seuil, 1999.
Smaïn Laacher, Les SEL. Une utopie anticapitaliste en pratique, Paris : La Dispute, 2003.