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Le Capital
Cette esquisse est dédiée à Jean-Marie Vincent, compagnon de travail en Haiti,
assassiné par la dictature le 28 août 1994 A. GislerIndex
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I La marchandise, l'échange et l'argent. 4
A - Le double caractère de la marchandise et du travail 4
B - La source de la valeur d'échange: la thèse de la valeur-travail 4
C - Le procès de l'échange 6
D - Le fétichisme de la marchandise 7
E - Valeur et valeur d'échange 9
F - But et méthode du "Capital" 10
Note L'origine de la valeur selon les manuels usuels 12
II La plus-value et sa formation. 13
A - La transformation de l'argent en capital 13
B - Comment se forme la plus-value? 14
C - Conditions de l'avènement du mode de production capitaliste 16
D - Les autres facteurs de production et la valeur 18
E - Le commerce, exploiteur par nature? 20
F - Le travail, la force de travail et le salaire 21
G - Les moyens d'augmenter la plus-value 23
H - Qu'est-ce qu'est le capital? 25
P.S.- 1 - Le travailleur dans le capitalisme 26
P.S.- 2 - La journée de travail vue par "le capital" 29
Note 1 - L'approche de l'encyclique Rerum novarum 30
Note 2 - L'approche de l'encyclique Quadragesimo anno 31
III Le profit, le taux de profit et sa péréquation. 34
A - Le profit et la plus-value 34
B - Le profit et la rotation du capital 36
C - Le profit et le capital constant 38
D - La péréquation des taux de profit 39
Remarques 43
Note 47
IV La ventilation de la plus-value entre espèces de capitaux. 48
A - De l'industriel au commerçant 48
B - Des capitalistes actifs au prêteur de monnaie 49
C - Des capitalistes cités au propriétaire foncier 52
D - Autres transferts 60
Annotations 61
V L'accumulation capitaliste la dynamique du système. 63
A - Les conditions de l'accumulation capitaliste 63
B - Son déroulement effectif 67
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1 - La misère croissante du prolétariat etc. 68
2 - La baisse tendancielle du taux de profit 72
3 - Les crises économiques 74
C - Son aboutissement "inévitable" 83
Remarques 85
P.S. 1 - Le travail dans la société sans classes 89
P.S. 2 - Le défi de l'écologie et "l'homme nouveau"… 90
Note 1 - R. Debray, Il faut des esclaves aux hommes libres 91
Note 2 - Á propos de la baisse tendancielle du taux de profit 94
Index bibliographique 95
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I La marchandise, l'échange et l'argent.
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Pourquoi commencer par la marchandise au lieu du capital, alors qu'il s'agit du capitalisme, du ca-
pital? Une première réponse: le concept de "capital", comme nous verrons, renvoie au concept de
plus-value, et celui-ci à la valeur et à la marchandise.
A. - Le double caractère de la marchandise et du travail.
Une marchandise est une chose (un bien, p.ex. un manteau, ou un service, p.ex. un transport à la
gare), qui possède un triple caractère: elle est utile, elle est un produit du travail, elle est destinée à
être échangée.
Utile: elle satisfait un besoin (de l'estomac ou de la fantaisie), directement (biens de consommation) ou
indirectement (biens de production). L'utilité ainsi définie est condition pour qu'il y ait échange mar-
chand; personne n'achète une chose qu'il n'estime pas utile.
Produit du travail. Une chose peut être d'utilité essentielle; si elle n'est pas le résultat du travail, elle
n'est pas une marchandise. Exemple: l'air (1/56).
Destinée à la vente. "Une chose peut être utile et produit du travail humain, sans être une marchan-
dise." (1/56). Un chandail tricoté pour un ami.
Une marchandise possède ainsi
Une valeur d'usage, ou utilité. Qualité qui a/ conduit les futurs échangistes à entrer en relation; ils le
font parce que chacun désire la marchandise détenue par l'autre b/a sa source à la fois dans les pro-
priétés naturelles de l'objet et dans le travail.
Une valeur (d'échange), qui a/explique pourquoi les marchandises sont échangées dans des pro-
portions déterminées (élément caractéristique de l'échange proprement dit ou échange marchand,
achat et vente); - b/a sa source dans…
Ces aspects sont liés - comme vu à l'instant, un objet ne peut être marchandise, avoir une valeur
d'échange, s'il ne possède pas une valeur d'usage - mais distincts: en revanche il peut posséder une va-
leur d'usage sans avoir de valeur d'échange.
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A ce double caractère d'une marchandise répond le double caractère du travail qui l'a créée:
- à l'utilité d'un meuble, à un meuble, objet de constitution et fonction différente de celle d'un man-
teau, répond un travail concret, différent de l'autre "par son but, par son mode d'opération, son ob-
jet, ses moyens et son résultat" (1/57);
- à la caractéristique commune du meuble et du manteau d'être des marchandises, répond le fait que
tous deux sont issus d' "une dépense productive du cerveau, des muscles, des nerfs, de la main de
l'homme (-) une dépense de force humaine en général" (1/59).
B. La source de la valeur (d'échange) La thèse de la valeur-travail.
Reprenons la question laissée en suspens: quelle est la source de la valeur (d'échange) d'une marchan-
dise? Dans la ligne des économistes classiques anglais Smith et Ricardo, dont il affine la position,
Marx répond: le travail humain; la quantité, c.à.d. la durée de travail requise à produire cette marchan-
dise mesurera donc sa valeur.
1. - Explication: de quoi s'agit-il?
a). De la valeur (d'échange)
1/ Non de la valeur d'usage. Cette dernière, nous l'avons vu, a une origine double: les qualités natu-
relles de l'objet (bois, poisson), et le travail concret, qui actualise son utilité potentielle; p.ex. un
meuble, un repas au restaurant.
2/ Non des prix courants ou de marché qui suivent le rapport fluctuant offre/demande mais du prix
moyen, axe autour duquel les prix de marché pivotent ou, plus exactement, de ce que ce prix repré-
sente.
b). Des marchandises.
"Seuls les objets produits régulièrement en vue de la vente sur le marché (les marchandises au sens
strict du terme) possèdent une valeur d'échange." Denis. 430.
L'expression "produit régulièrement" sous-entend que ces objets sont reproductibles à volonté, v. Ri-
cardo cité par Marx: "La détermination de la grandeur de la valeur par le temps de travail ne vaut que
pour les marchandises 'que l'industrie peut multiplier à volonté et dont la production est réglée par une
concurrence illimitée.' " (Karl Marx, Œuvres, 1/314).
Cette précision - qui laisse intacte la pertinence de la théorie: l'économie politique s'intéresse à
l'échange ordinaire, à la marchandise courante, "exemplaire moyen de son espèce" (1/55) dissipe
certains malentendus, v. l'objection du verre d'eau dans le désert.
c). Du travail abstrait etc.
1/ Abstrait. Les travaux concrets du menuisier, du tailleur etc. - qualitativement différents, ne sont
pas comparables. Cet aspect mis de côté, il leur reste le caractère commun d'être du travail humain, une
dépense de force de travail humaine, mesurable par le temps, ce qui les rend quantitativement compa-
rables. Ce dernier aspect seul est retenu ici.
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2/ Socialement nécessaire: nécessaire en moyenne dans une société donnée, caractérisée par un certain
degré de développement des forces productives, c.à.d. de la productivité du travail. (1/54). Ce degré ne
varie pas seulement de pays à pays, il change avec le temps; par travail socialement nécessaire il faut
entendre ainsi "le travail nécessaire dans les conditions actuelles de la société." (1/208). Une marchan-
dise qui a exigé plus de temps de travail parce qu'elle n'a pas été exécutée "avec le degré moyen d'ha-
bileté et d'intensité" ne peut s'en prévaloir. Pas davantage une marchandise ayant exigé un temps de
travail socialement nécessaire autrefois.
3/ Direct et indirect. Le premier, le travail actuel ou vivant, sert immédiatement à produire la marchan-
dise dont il s'agit; le deuxième, travail passé ou mort, a servi à produire les moyens ou matières néces-
saires à la production de cette marchandise. (1/184-5).
4/ Simple, et complexe ou qualifié; ce dernier sera considéré comme du "travail simple multiplié, de
sorte qu'une quantité donnée de travail complexe correspond à une quantité plus grande de travail
simple," (1/59).
2. - Preuve.
Le trait fondamental de l'échange marchand est l'exigence que les objets échangés "vaillent autant" l'un
que l'autre. L'échange marchand est un échange valeur contre valeur équivalente. Il ne consiste pas a
troquer du blé contre de l'argent, puis de l'argent contre d'autres objets, mais telle mesure de blé contre
telle somme d'argent, puis celle-ci contre une marchandise déterminée, c.à.d. à échanger des biens (ou
des services) selon des proportions précises, se trouve réalisée leur égalité en valeur. "L'échange ne
peut avoir lieu sans l'égalité". Aristote.
"Ni l'égalité sans la commensurabilité", le même, cité par Marx. (1/73). Cette égalité en valeur, pour
pouvoir être vérifiée, requiert une mesure commune. Les marchandises en question, pour pouvoir être
reconnues de valeur égale, doivent pouvoir être ramenées à quelque chose qui leur soit commun, à un
"troisième élément" qui leur serve de référence commune, sous le rapport de laquelle on puisse les
comparer, du fait qu'elles en "représentent un plus ou un moins" (1/53); dans le cas présent, qu'elles en
participent dans une mesure égale. Elles ne peuvent pas se servir mutuellement de mesure.
Exemple: un morceau de fer sur l'un des plateaux d'une balance et un sac de pommes de terre sur
l'autre ne peuvent être reconnus directement de valeur égale. Il faudrait qu'ils soient comparables, et
directement ils le sont aussi peu que la projection d'un film et un bouquet de fleurs etc. Ils ne le de-
viennent que par leur relation à quelque chose qui leur est commun, qui est présent dans l'un et l'autre
selon une certaine mesure tout en étant différent des deux. Ce quelque chose de commun, ce "troisième
élément" est ici leur pesanteur. (Nous verrons que la comparaison cloche; ici elle est valable).
Ce "troisième élément" ne peut pas être la valeur d'usage des objets de l'échange:
a) Sous le rapport de leurs valeurs d'usage, les objets de l'échange sont différents, estimés différents, et
il faut qu'ils le soient si l'échange doit se faire: personne n'échange un objet contre un autre d'utilité à
ses yeux identique. Or on vient de le voir: sous le rapport de ce "troisième élément" les objets sont de
valeur identique, estimés de valeur identique; faute de quoi l'échange n'a pas lieu.
b) Pour que les échangistes potentiels puissent s'accorder sur l'égalité en valeur de leurs marchandises,
pour que l'échange devienne possible, il faut que l'élément qui doit mesurer les valeurs respectives des
dites marchandises soit une grandeur susceptible d'être mesurée de son côté et socialement reconnue.
Ce dont la valeur d'usage est par nature incapable. L'utilité d'un objet relève d'une appréciation subjec-
tive et individuelle, elle dépend de l'échelle des valeurs d'un chacun.
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