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3Le travail est divisé en deux parties. La première interroge le concept d’œuvre afin d’en
proposer une définition originale qui se démarque de l’approche esthétique. La seconde
propose un parcours bibliographique qui classe la diversité des études sur les arts et la culture
selon le modèle formulé dans la première partie.
4Précisons d’emblée qu’Esquenazi entend le terme d’œuvre dans un sens vaste, désignant tout
projet de sémiotisation par l’artiste et ne dépendant pas du support (soient tableau, livre,
sculpture, pellicule, etc.) En outre, en bon sociologue, il ne s’attache pas seulement à analyser
le canon de l’art mais se préoccupe de tout objet culturel, la légitimité culturelle étant
comprise comme une construction sociale et non comme une caractéristique définitoire d’une
œuvre.
Qu’est-ce qu’une œuvre ?
5Le premier chapitre récapitule les différentes positions à l’égard de l’œuvre, émises par
Roland Barthes, Théodor Adorno et Ernst Gombrich. Loin de dénier toute avancée à leurs
approches, Esquenazi montre que ces auteurs n’ont pas toujours exclu une approche sociale
des œuvres. Cependant, leurs conceptions n’ont pu s’affranchir des postulats esthétiques :
Barthes clôture l’œuvre comme isolat formel dont l’analyse de la structure interne révèle la
seule signification valable ; Adorno réduit le corpus des œuvres à celles qui nient l’ordre
social et limite leur critique à une élite d’« experts » ; Gombrich considère que la production
et la réception d’une œuvre obéissent à des schémas en vigueur dans une société mais qu’un
chef-d’œuvre échappe à toute considération sociale en devenant « classique » et en suscitant
une admiration « unanime » d’experts.
6Pour Esquenazi, Barthes commet une erreur en attribuant une seule signification valable à
l’œuvre (celle qui émane de sa « structure »). Il y perçoit un nouveau mythe de perfection qui,
s’il ne s’attribue plus à un auteur « génial », est à présent déplacé vers une œuvre « géniale ».
Quant à Adorno, sa vision élitiste de l’art, bien qu’argumentée, est peu compatible avec la
large définition sociologique d’Esquenazi, englobant l’art « légitime » comme le populaire.
Enfin, l’auteur souligne que Gombrich ne parvient pas à décrire l’accession d’un produit
culturel au titre de « chef d’œuvre » : combien d’experts faut-il pour atteindre un jugement
unanime ? ce jugement sera-t-il uniforme suivant les experts ? la reconnaissance d’une œuvre
n’a-t-elle pas varié en fonction des époques ?
7Dans le second chapitre, l’auteur explore les propositions majeures de Pierre Bourdieu, Jean-
Claude Passeron, Nathalie Heinich et Antoine Hennion.
8La notion bourdieusienne d’« économie symbolique des œuvres » qui montre qu’une œuvre
ne peut être considérée comme autonome semble incomplète puisqu’elle s’intéresse
exclusivement aux objets légitimes. L’économie du désintéressement (le « désintéressement
intéressé ») ne peut s’appliquer à toutes les œuvres. Toutes ne furent pas produites dans un
champ (ex. la musique baroque) et certaines, même légitimées, ont largement participé à une
logique intéressée (ex. Alexandre Dumas). D’autre part, l’œuvre n’est-elle qu’une
« différence symbolique introduite pas son auteur pour s’opposer aux œuvres de ses
concurrents » (p. 36) ?
9Passeron s’est interrogé sur la notion de « valeur » attribuée à l’œuvre. Selon lui, la
recherche sociologique aurait pour objectif d’analyser les différences de valeurs. Toutefois, il