d’information, les contributions de chacun ? Et s’il n’y a guère d’interdépendances, où est
l’essence de l’entreprise ? Quelle est donc la fonction réelle de la planification ? Mintzberg
(1994) montre que, dans les grandes entreprises, elle sert moins à décliner une stratégie
centrale qu’à révéler les stratégies locales.
Il y a donc une réelle subtilité dans ce modèle, conçu pour associer la vision stratégique
supposée du centre à la connaissance de l’environnement propre à la périphérie, mais pas dans
un processus unique normé. Derrière l’apparente contradiction entre la logique de marché et
la logique bureaucratique, s’esquisse le fait que tout système de contrôle doit doser impulsion
et contention, recherche de l’adaptation et rappel au conformisme, assimilation et
accommodation, dirait Piaget. Confrontée à la pratique, la description normative devient un
cas particulier. En effet, si certaines entreprises pratiquent le modèle décrit en 1.1, d’autres,
dans un souci d’adaptation, emploient à l’inverse une planification décentralisée où les
stratégies " remontent " vers la direction, qui en assure la cohérence (Simons, 1990, 1991 ;
Macintosh, 1994 ; Anthony et al ., 1992). Des modèles mixtes sont observés, où le processus
diffère selon les unités et les caractéristiques concurrentielles des domaines d’activité en
cause. Et l’analyse historique (Berland, 1999) montre que ceci apparaît très tôt, du moins en
France, dès la mise en place de l’outil budgétaire, qui joue très vite des rôles divers. Derrière
la diversité des processus de planification (Chakravarthy, 1987 ; Allaire et Firsirotu, 1990a,
1990b), des styles de contrôle différents apparaissent, même au sein des entreprises
diversifiées (Goold et Campbell, 1987 ; Hill et Hoskisson, 1987 ; Hoskisson, 1987 ; Chandler,
1991).
D’ailleurs, le modèle normatif comporte une contradiction interne qui rend improbable son
schéma idéal. Les budgets sont une routine lourde qui mène à la paresse, à l’éclipse des plans
au profit des enveloppes, puisqu’on ne saurait attendre que les acteurs prennent des risques et
pas de couverture. Il faut bel et bien choisir entre performance et conformisme : dans une
organisation où la conformité de/à l’objectif est le critère de bonne performance, la gestion
des risques devient essentielle. Les objectifs s’enrobent de slack, primes de risque légitimes
concédées à ceux qui s’engagent sur des résultats. Comme, dans le système de gouvernement
des entreprises désormais à l’honneur, tout le monde a intérêt à afficher des objectifs qui
seront atteints, les marges de manœuvre se généralisent. D’ailleurs, le coût d’une éventuelle
recherche de l’optimum rend cette solution entropique raisonnable (Cyert et March, 1963). Si
le slack fait partie du jeu, le plan, qui le dénoncerait, est malvenu. Cela tombe bien : il est cher
et lassant. Les plans et les budgets deviennent ainsi une routine pour négocier un avenir
relativement aisé à construire, une gestion de l’incertitude et du conformisme, pas forcément
de la performance. Si le processus budgétaire peut être, pour des entreprises dominantes, un
bon relais de certaines stratégies dans certains environnements, il n’est pas le vecteur idéal
d’une stratégie d’abaissement rapide des coûts. C’est aussi pour cela, dans le contexte des
années 1980 et 1990, qu’il a suscité la critique. Les relations entre les stratégies et les
contrôles doivent reposer sur bien d’autres liens que la planification.
1.3. Les interactions avec les attributs de la stratégie par activité
Les stratégies d’activité se déclinent en facteurs clés de succès, guides permanents aptes à
consolider, sinon à remplacer, le guide du plan (Bouquin, 1986). La vision en processus
apporte une méthodologie (Lorino 1991, 1997) et le vocable de " contrôle de gestion
stratégique " est significatif, puisqu’il ne désigne pas celui qui intéresse les managers
officiellement en charge des choix stratégiques, mais celui qui s’applique aux opérations, en
soulignant l’importance d’insuffler le souci de la stratégie aux comportements des