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L’homme et l’Univers physique
Le monde est dangereux à vivre ! non pas tant à cause de ceux qui
font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire.
(Albert Einstein)
Ce texte est une conférence donnée au forum de philosophie de
Matane, 20 novembre 2010. Ces notes sont tirées substantiellement
de deux ouvrages de Claude Tresmontant, Les métaphysiques
principales et Problèmes du christianisme.
Ouvrages dont je recommande absolument l’achat…si ce n’est pas
déjà fait…
Nestor Turcotte
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Il existe, dans l’histoire de la pensée humaine, quelques métaphysiques (conceptions de
l’être humain) qui sont en nombre très restreint. Ces métaphysiques sont constantes à
travers les siècles. Il n’existe aussi que quelques types de solutions aux problèmes
posés.
J’ai choisi, pour illustrer mon propos, quelques documents particulièrement expressifs, de
préférence aux origines de la tradition philosophique, pour démontrer que ces archétypes
métaphysiques subsistent et traversent les âges. Il est permis de croire, (à condition
d’utiliser la bonne méthode, la seule méthode normale de la pensée, la méthode
expérimentale, la méthode scientifique), qu’il est possible de trouver des solutions
cohérentes et justes à ces questions.
La méthode scientifique qui est la méthode expérimentale consiste à ne pas tenir compte
des préférences subjectives de chacun dans l’analyse du donné. Plusieurs personnes
(qu’on appelle maladroitement des philosophes) sacrifient volontiers le donné objectif à
leurs préférences subjectives, à leurs amours ou à leurs haines pour tel ou tel courant de
pensée. Ils condamnent, souvent tel ou tel auteur, tel courant, sans l’avoir vraiment
étudié. Certains auteurs modernes (Nietzsche, Heidegger, Sartre, et bien d’autres par la
suite…) ont en horreur la méthode scientifique. Celle-ci exige que l’on parte du donné et
qu’on le respecte.
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Tous les savants du monde sont d’accord sur le fait que le point de départ de la
connaissance, c’est l’expérience objective; que le critère de la vérité, c’est l’expérience;
qu’il faut partir du donné, l’écouter, l’ausculter, l’explorer, et tirer ensuite des
conclusions.
Les philosophes qui règnent sur la Planète aujourd’hui ne sont plus d’accord sur rien,
même pas et surtout pas sur la question du point de départ de la connaissance
philosophique. Il n’y a plus d’espoir de ce côté-là.
Le seul espoir d’un renouvellement, d’une nouvelle jeunesse de la métaphysique, se
présente du des chercheurs, des scientifiques, qui ont vu, qui ont compris l’existence
et l’intérêt des problèmes métaphysiques, et qui aimeraient en traiter, comme on le faisait
au Moyen-âge (ce temps qu’on dit de…noirceur !)
Les scientifiques sérieux (ceux qui œuvrent dans les laboratoires) pensent que la
métaphysique n’est pas quelque chose de mystique, ni de magique ou d’irrationnel. La
métaphysique est tout simplement l’analyse logique, complète, intégrale, du donné de
notre expérience. (En passant, il y a deux ans, lors d’un deuxième voyage en Grèce, je
me suis arrêté, au retour du Mont Athos, dans le petit village de Stagire, lieu de naissance
d’Aristote. Si celui-ci revenait sur cette planète, lui fin observateur du réel, de tout le réel
de son temps, en utilisant les moyens de son temps, se précipiterait directement dans les
laboratoires scientifiques pour savoir ce qu’on y dit du monde, ce qu’on a couvert au
sujet de la vie, au sujet de l’astronomie, etc. Il s’ajusterait….)
La philosophie se sert tout simplement de ce qui donné dans l’expérience humaine, de
toute l’expérience humaine, et s’efforce, par la suite, de raisonner correctement.
L’Être et le Néant
Quel est, selon vous, le problème auquel la pensée humaine a été confrontée depuis
nombre de siècles ? Réponse : celui de l’être du néant.
La pensée humaine a vu très vite que, du néant absolu, c’est-à-dire la négation de
tout être quel qu’il soit, il est impossible de concevoir la naissance, ou la genèse, ou
le surgissement, ou le commencement de quoi que ce soit. Les Latins disaient : Ex
nihilo nihil. (Cette expression est tirée d'une citation du philosophe latin Lucrèce : Ex
nihilo nihil, in nihilum posse reverti (Rien ne vient de rien, ni retourne à rien). Elle
résume la pensée atomiste qui était la sienne. L'expression a depuis souvent été
réutilisée, dans un sens contraire, par les créationnistes selon lesquels Dieu créa l'univers
à partir de rien).
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C’est peut-être LE SEUL POINT à propos duquel la pensée humaine est en accord avec
elle-même, en ses diverses branches, en ses divers rameaux.
DU NÉANT ABSOLU, AUCUN ÊTRE NE PEUT SURGIR. Il en résulte donc
forcément qu’il a toujours existé quelque être. Qu’il y a toujours eu de l’être. Sur la
nature de cet être qui existe nécessairement, et qui a toujours existé, la pensée humaine
diverge. Mais sur le principe de fond, à savoir que du néant absolu aucun être ne peut
surgir ou commencer d’être, elle est d’accord avec elle-même.
Nous sommes sur la frontière ultime de ce que l’intelligence humaine peut examiner et
explorer. Le problème de l’être et du néant est le problème ultime de l’intelligence
humaine. On ne peut aller plus loin. Si on y va, les réponses que l’on trouve vienne d’un
autre niveau : discours théologique, par exemple et interroge le monde de la foi.
Nous sommes donc, (problème de l’être et du néant), devant un axiome, un postulat, une
évidence première au-delà de laquelle on ne peut pas remonter. Une évidence première
ne se montre pas. Elle est le point de départ de toute démonstration. Il existe donc
une évidence que personne ne peut nier, c’est que quelque être est nécessaire ; parce
que le néant absolu est impossible, parce que le néant absolu ne peut pas être
premier, et que par conséquent il n’y a jamais eu de néant absolu.
Le concept de néant absolu est un pseudo-concept, une pseudo-idée, une pseudo-
représentation. Personne ne peut penser le néant absolu, tout simplement, parce
quelque être est nécessaire.
En d’autres mots, toutes les grandes ou principales traditions taphysiques sont
d’accord pour reconnaître qu’à partir du ANT ABSOLU, ou négation de tout
être quel qu’il soit, il est impossible de concevoir le commencement ou le
surgissement de quoi que ce soit.
A) La grande tradition métaphysique MONISTE et ACOSMIQUE (sans
relation avec le monde sensible) affirme l’existence d’un ÊTRE UNIQUE
qu’on appelle le Brahman. Tout le reste n’est qu’illusion ou apparence. Il
existe quelque être nécessaire qui n’a pas commencé, qui ne finira pas, qui ne
s’use pas, qui ne vieillit pas et qui n’évolue pas c’est le Brahman. Tout le
reste n’est qu’illusion - Pensée hindouiste et en partie bouddhiste. (NOTE :
(Le monisme est la doctrine fondée sur la thèse selon laquelle tout ce qui
existe - l'univers, le cosmos, le monde - est essentiellement Un, sans second,
et donc, notamment, qu'il est constitué d'une seule substance (réalité
fondamentale qui n'a besoin que d'elle-même pour exister). Le monisme
s'oppose à toutes les philosophies dualistes, qui séparent le monde matériel et
le monde spirituel (l'au-delà)…
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B) La grande tradition matérialiste affirme elle aussi qu’il existe quelque
être éternel dans le passé, éternel dans l’avenir, sans commencement,
sans évolution, sans vieillissement et sans usure, - c’est l’Univers
physique. Il est l’être à proprement parler et il n’y en a pas d’autres.
Puisqu’on ne peut concevoir le commencement de l’Être (ici l’être du monde)
à partir du Néant absolu, et puisque l’Univers physique est l’Être lui-même et
tout l’Être, il en résulte évidemment que l’Univers physique n’a pas
commencé. Il est incréé, puisqu’il est l’Être lui-même. Il est inusable,
impérissable. C’est lui l’Être nécessaire, l’Être absolu. Le néant n’existe donc
pas…
C) La tradition hébraïque (que vous retrouvez surtout dans la Bible et la Torah
juive) affirme qu’il existe bien quelque être qui est nécessaire, qui n’a pas
commencé, qui ne finira pas, qui n’évolue pas, qui ne s’use pas, qui ne vieillit
pas. Mais la tradition hébraïque pense que cet Être qui est l’Être
nécessaire, n’est pas l’Univers physique. C’est ainsi qu’elle se distingue de
la grande tradition idéaliste, moniste et acosmique, par le fait qu’elle affirme
l’existence réelle et objective de l’Univers physique.
Nous sommes donc en présence de trois thèses, de trois doctrines ou de trois écoles, de
trois métaphysiques principales, de trois conceptions de l’être humain (et il n’y en a pas
d’autres)
1. Ceux qui disent que l’Univers physique en réalité n’existe pas. Il est
une grande illusion ou une apparence. L’Être absolu, le Brahman,
est autre que l’Univers, qui n’est qu’une représentation, un rêve, un
cauchemar.
2. Ceux qui disent que l’Univers physique existe objectivement,
réellement et que c’est lui l’Être absolu et nécessaire.
3. Ceux qui disent que l’Univers physique existe réellement et
objectivement, mais que ce n’est pas lui l’Être absolu et nécessaire.
L’Être absolu est tout autre que l’Univers. C’est même lui qui créée
l’Univers. Il est celui qui englobe toutes choses et tout être.
La pensée hébraïque (la pensée chrétienne) se trouve entre la grande tradition idéaliste et
acosmique, et la grande tradition matérialiste. C’est la raison pour laquelle cette tradition
sera toujours à travers les siècles et jusqu’à aujourd’hui objet d’exécration ou d’aversion.
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Il faut prendre le temps d’étudier en profondeur ces trois courants ou trois thèses. Elles ne
peuvent être vraies en même temps. Elles peuvent contenir certains éléments qui se
recoupent, mais elles ne sont pas interchangeables. Les gens ont l’habitude de dire
que chacun est bien libre de choisir celle qu’il veut parmi les trois. Par affectivité.
On ne fait pas un bon travail de philosophie sans exposer correctement les trois thèses et
chercher où se trouve la vérité.
La tradition idéaliste moniste acosmique et la
tradition matérialiste
Les premiers témoignages écrits que nous possédons remontent aux Védas, à l’époque de
l’entrée des Aryens dans l’Inde et elles ont être rédigées entre le IVe et le Xe siècle
avant Jésus-Christ. On retrouve le même type d’enseignement dans la Bhagavad-Gîtâ. Je
vous en donne un extrait :
Upanishad 6.8 Chândogya : Tu es Cela
Uddalaka Aruni s'adressa à son fils : "Apprends de moi, mon cher
Shvétakétu, ce que c'est que le sommeil. Quand ici-bas, un homme
dort, on dit :
"Il est en fait uni à l'Être, il s'est résorbé en lui-même et c'est pour
cela qu'on dit de lui : il dort. Il s'est résorbé en lui-même.
" Et de même qu'un oiseau, un fil à la patte, vole de-ci de-là, ne
trouvant où se réfugier, finalement se pose là même où le fil est lié, "
" De même, mon cher, notre pensée vole de-ci de-là et ne trouvant où
se réfugier, finalement se pose sur le souffle même, car c'est au
souffle (à l’Être) qu'elle est liée.
...
"Là, mon cher Shvétakétu, considère que ton corps est un plant qui a
poussé. Ce plan ne peut-être dépourvu de racine. Et cette racine,
serait-elle sinon dans l'eau ?
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