Sociologie de la consommation et des tendances 1
La consommation a des liens forts avec la vie des médias, des entreprises et des institutions. Les
représentations de la consommation ont des influences sur la manière de communiquer.
Introduction
La consommation est à la croisée des représentations de l'économie, du commerce, de l'objet, des
groupes sociaux, des ressources naturelles, des techniques et des croyances. L'objectif de la
sociologie de la consommation est de mettre en lumière l'hétérogénéité des pratiques de
consommation et de l'aborder autrement que sous l'angle privilégié du champ économique et des
pratiques gestionnaires. A travers la consommation, on peut voir les mutations sociales, les mœurs,
les modes de vie.
L'intérêt pour la consommation est ancien mais celui pour la sociologie de la consommation est
récent. Pour les historiens, pendant longtemps, la consommation n'était pas intéressante car la
matérialité, l'argent était considérée comme moins importante que les politiques. Il y a une réticence
vis-à-vis de la consommation et du marketing: il existe en effet un tabou autour des questions
d'échange et de valorisation marchande. On parle d'ambivalence de la consommation: il y a dans
notre culture, un paradoxe entre l'attrait et la valorisation de la consommation et d'autre part une
défiance qui prend racine dans notre histoire et ses racines judéo-chrétiennes européennes. En effet,
les marchands étaient chassés du Temple; au Moyen-Âge, le clergé qui détenait le pouvoir dans la
société était réticent vis-à-vis des marchands intermédiaires entre les élites et le peuple, et pourtant,
le clergé a en même temps facilité le développement du marché, du commerce en donnant
l'autorisation aux marchands de traverser certains territoires.
La sociologie intègre ces ambivalences et ces paradoxes car la consommation est
hétérogène dans sa perception et sa nature.
Paradigme: Cadre global des modèles théoriques mobilisés, point de vue, grille d'analyse, manière de voir.
Il y a quatre paradigmes fondamentaux. On peut voir la consommation comme:
une activité économique rationnelle,
un phénomène intégrateur,
un rapport de force,
une quête de sens.
Sociologie de la consommation et des tendances 2
La consommation comme activité économique rationnelle
Cette conception peut être mise en parallèle avec la rationalité en macro-économie. Le modèle
libéral d'Adam Smith (1723-1790) qu'il établit dans son œuvre Recherche sur la nature et les
causes de la richesse des nations est fondé sur un individu rationnel et soucieux de son intérêt. Le
marché est soumis à un ordre naturel l'offre et la demande d'un bien s'équilibrent naturellement.
L'offre excédentaire est supprimée rapidement sans demande. Il ne peut y avoir de conflits entre
l'intérêt individuel et l'intérêt collectif puisque tout le monde a intérêt à échanger. L'échange devient
le mode d'organisation de la société. Dans un contexte de division du travail, chaque homme ne peut
produire qu'une partie de ses besoins, il échange alors le surplus de ce qu'il produit contre d'autres
biens dont il a besoin pour vivre et qu'il ne produit pas. Chez Smith, chaque individu par la division
du travail et de l'échange devient un marchand et la société est commerçante. La division du travail
créerait une opulence générale et serait naturelle par le penchant commun à tous les hommes qui
porterait à échanger une chose pour une autre, à faire des trocs. En échangeant, en cherchant à
croitre leur richesse, les individus accroitraient la richesse générale. La société commerçante
envisage deux activités séparées: la production et la consommation, avec deux qualités des objets
qui les transforment en marchandises: l'utilité -valeur d'usage- (les marchandises servent à satisfaire
des besoins) et la valeur d'échange. L'homo economicus est pensé comme un individu libre,
responsable de ses choix mais envisagé en dehors de ses liens sociaux.
Smith évoque également la naturalité de la consommation: il y aurait un bonheur de
consommer. Cette notion a par ailleurs inondé la littérature du XVIIIème et du XIXème siècles.
Exemples: Montesquieu parlait dans L'esprit des lois du « doux commerce », il écrivait: « Partout
il y a des mœurs douces, il y a du commerce et partout il y a du commerce, il y a des mœurs
douces ». Émile Zola dans Au bonheur des dames s'est largement inspiré du Bon Marché de
Aristide Boucicaut il y avait un accueil récréatif des enfants pendant les courses des mères. Zola
écrit même tout un passage sur les hystéries provoquées par les soldes dans les magasins.
La consommation est perçue comme réjouissante mais avec un individu économiquement sous
contrainte. La contrainte est économique: on consomme suivant son revenu et l'innovation
technologique.
A la fin du XIXème siècle, Ernst Engel met en place une loi caractérisant le comportement du
consommateur. Il a classé les dépenses en 9 catégories: l'alimentation; l'habillement; l'habitation;
le chauffage et l'éclairage; l'outillage et les instruments de travail; l'éducation, le culte, les
divertissements culturels; les impôts; la santé (et les voyages) et enfin les services domestiques.
Engel établit un rapport entre le revenu et les différents postes de consommation: c'est la loi
d'Engel. Il pose par exemple que plus une famille est pauvre et plus la part consacrée à
l'alimentation est grande. Il fait cette étude en 1853. Il renouvelle l'expérience en 1891 pour
observer les évolutions. Les ménages qui étaient pauvres en 1853, ont en 1891 un niveau de
comparable des ménages aisés en 1853. La part consacrée à l'alimentation n'a pas augmentée ni
diminuée. En 1853, ils étaient en privation. Comme leur niveau de vie a augmenté, ils consomment
mieux, comme de la viande; donc la part consacrée à l'alimentation ne bouge pas.
Ceci met en perspective la notion du besoin de consommation.
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→ Qu'est-ce qu'un besoin de consommation?
Aujourd'hui, nos besoins sont en majorité satisfaits. Pourtant on continue à consommer. Notre
motivation de consommation n'est donc pas forcément basée sur le besoin mais aussi sur le désir.
Pendant longtemps, la théorie du besoin avait été établie avec l'idée d'une force interne qui nous
poussait à consommer. Abraham Maslow part de ce principe et fait, dans les années 1940, une
pyramide dans laquelle il entreprend une classification des besoins de l'homme. L'homme doit
d'abord satisfaire les premiers besoins de la pyramide pour passer aux besoins supérieurs.
Le besoin de s'accomplir est le besoin de se réaliser, de « devenir tout ce
qu'on est capable d'être ».
Le besoin d'appartenance est un besoin social.
Les besoins physiologiques visent la survie, le gite et le couvert.
Ce schéma est aujourd'hui critiqué car on peut douter que les individus éprouvent un besoin
d'affection que si leur besoin physiologiques sont satisfaits. On peut avoir plusieurs types de besoins
en même temps. D'autre part, on n'est pas homogène: certains ont des besoins forts alors que pour
d'autres, ces mêmes besoins seront plus faibles. C'est l'universalité du modèle qui est remise en
cause. En plus, nos besoins sont parfois contradictoires. Enfin, les individus n'achètent pas toujours
pour leurs besoins selon une rationalité mais sont captés par d'autres logiques marchandes.
Le niveau de revenu a une influence sur la partition et l'envie de combler ses besoins.
Exemples: Pour des personnes de revenus inférieurs à 11 000 euros par an, l'argent dépensé à l'hôtel,
au restaurant ou au café ne représente que 3,6% de leur budget. Pour les gens qui ont plus de 25 000
euros par an, cela représente 7% de leur budget. Sur le logement, on observe le phénomène inverse.
Les moins riches dépensent 25% de leur budget pour se loger alors que les ménages aisés en
dépensent un peu moins de 12%.
Les types de consommation sont minorés ou agrandis suivant les ressources.
Simon Langlois dans Consommer en France constate une différence entre besoin et désir de
consommation. Alexis de Tocqueville soulève le lien entre désir et besoin dans La démocratie en
Amérique quand il observe que le désir matériel augmente plus vite que le revenu.
Le besoin est toujours considéré comme une carence ou comme une représentation d'une carence.
Langlois identifie trois points essentiels pour le besoin:
Le besoin est une affaire de jugement.
Le besoin revêt un caractère nécessaire.
Tout ce qui est vital, qui assure le confort quotidien est considéré comme besoin. Pour certains, le
besoin peut paraître immatériel.
Les besoins latents sont proches du besoin mais se situent entre besoin et rêve.
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Exemple: « J'ai besoin de partir en vacances » révèle un besoin de changer d'air et un rêve des
Seychelles, qui ne sont pas nécessaires. C'est un besoin latent, entre besoin satisfait et rêve.
Le besoin est défini dans un espace social
Il y a une relation entre besoin et société. Le besoin est défini à une époque, dans un espace social et
au sein des groupes.
Exemple: Il y a 20 ans le téléphone portable n'était pas un besoin.
Finalement, un besoin est un désir qui a réussi. La société reconnaît le besoin à satisfaire.
Exemple: En France, le besoin de vacances est reconnu mais dans d'autres cultures, pays, il ne l'est
pas.
On consomme aujourd'hui 3 fois plus qu'il y a 50 ans et de manière différente.
La consommation de pain entre 1970 et 2006 est passée de 80kg/personne/an à 53kg/personne/an;
la consommation de sucre, de 20kg à 6kg et la consommation de vin de 95L/an/personne à
24L/an/personne. En 1960, l'alimentation représentait 38% du budget des ménages et en 2007, cette
part est de 25%. On ne consomme pas les mêmes denrées alimentaires: on consomme de moins en
moins de produits bruts et de plus en plus de produits élaborés. Aujourd'hui, le premier poste du
budget est le logement, à cause de la croissance des ménages propriétaires mais aussi de
l'augmentation du coût des loyers. Les dépenses de communication, de loisirs et de culture ont
connu la plus grande progression entre 1960 et 2007: elles sont passées de10% à 16%, elles ont
quintuplé pour ce qui concerne le poste de communication, seul. Le progrès technologique a fait
évoluer les choses mais aussi l'urbanisation, le travail des femmes, les mœurs.
Exemple: Aujourd'hui, un divorce fait gagner de l'argent à Darty ou à Ikea.
Pourtant, ces dernières années, les Français ont un sentiment de restriction et de frustration. Ce
sentiment est présent depuis le premier choc pétrolier 1974, mais est de plus en plus important.
Les besoins ne sont donc pas stationnaires, ils se transforment et ils varient selon le
profil des consommateurs.
Les travaux du BIPE, société d'étude économique et de conseil en stratégies se penchent sur le
pouvoir d'achat. Celui-ci a augmenté depuis 2000 mais il y a un décrochage dans la perception.
Plusieurs éléments permettent de l'expliquer:
Il y a une différence entre le pouvoir d'achat par ménage et des ménages. L'INSEE
raisonne en terme macro alors que les ménages raisonnent par ménage. On assiste à
l'augmentation globale de la population et des divorces, donc du nombre de ménages.
L'effet euro a entraîné, au début des années 2000, une perte de repères.
L'effet qualité est l'évolution de la structure de consommation sur des produits innovants
mais plus chers alors que l'indice des prix est calculé à panier constant.
Il y a aussi une différence entre pouvoir d'achat et vouloir d'achat: achat des marques de
distributeurs au lieu des 'vraies' marques.
On note un écart très important entre le revenu disponible et le revenu libéré. Le revenu
libéré est le revenu disponible moins le revenu précontraint dans lequel il y a le poste
logement, assurances, électricité, eau, transports. Ce budget est précontraint sur lequel
l'individu n'a pas de possibilité d'arbitrage. Le revenu libéré est le revenu pour les dépenses
on a la sensation de consommer. Or, on assiste à l'augmentation des dépenses
précontraintes. Il y a donc une frustration portant sur ce revenu libéré. Depuis le début des
années 2000, les dépenses contraintes ont progressé plus vite que les revenus. Elles
représentent environ 35% du revenu disponible, c'est une moyenne.
Il y a des disparités liées à l'habitat, selon la géographie, liées à la structure familiale.
Le pouvoir d'achat moyen n'existe pas dans la réalité.
Aujourd'hui, l'homo economicus est en forme. Avec la crise économique, est apparue l'idée qu'on est
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dans le « smart shopping », le shopping intelligent. On le voit beaucoup dans la communication
avec la valorisation d'un individu très calculateur. L'homo economicus agit rationnellement en
cherchant les meilleures affaires, notamment sur Internet. Les critères du choix sont objectifs et
sont donc le prix, le rapport qualité/prix, la durabilité, l'accessibilité.
Attention, demeure la différence entre un achat impliquant, comme une voiture pour laquelle on se
renseigne avant d'acheter) et un achat d'impulsion, comme les bonbons en tête de gondole.
Le luxe et le tabac sont tout deux marchés essentiels de l'irrationalité. Néanmoins on observe des
comportements rationnels tout de même: un individu fumeur v,a par exemple, préférer acheter du
tabac en zone duty free lors de voyages parce qu'il y est moins cher.
Actuellement, les grandes tendances que l'on peut constater sont:
la sensibilité à la promotion
Nous sommes dans une époque qui valorise les réductions, les offres promotionnelles, les soldes qui
sont quasi permanentes dans certains secteurs. Internet joue un rôle avec des sites comme
venteprivée qui propose des objets déstockés toute l'année. De plus, on peut y trouver des sites
spécialisés comparateurs de prix. Leclerc joue -dessus avec quiestlemoinscher.com. Normalement
réservé à des acteurs indépendants, cela montre l'assurance de la marque.
la sensibilité aux informations données par d'autres consommateurs
Les phénomènes de bouche-à-oreille sont très puissants et peuvent avoir un impact très important
sur les marques, leurs offres, leurs prix. On dit souvent aujourd'hui qu'il y a une valorisation de
l'information plus que de la communication.
le recyclage
Le statut de l'objet évolue aux différentes périodes: l'objet neuf, usé et l'objet recyclé, réintroduit. Il
y a un engouement pour ce dernier et donc pour les brocantes, vide-greniers et revente sur Internet
ainsi que le troc. Ainsi le SEL a 30 000 adhérents, c'est un phénomène marginal qui gène le travail
des artisans et qui est considéré comme une arme anti-crise et anti-solitude.
la prise en compte de l'impact sur l'environnement
On observe notamment des mouvements locavores qui militent pour éviter les produits qui ont
amené à beaucoup de rejet de CO2.
le glanage
Cela constitue en la récupération des produits invendus auprès des marchés et des supermarchés.
Il y a des modes de cupération alimentaire par des personnes d'horizons beaucoup plus variés que
ceux qu'on imagine: étudiants, retraités, personnes insérées avec un travail, adeptes de la
décroissance qui considèrent que consommation ce n'est pas bien.
Les degrés de rationalité sont différents selon les pays. Par exemple, les allemands achètent pour
Noël en amont des Français, eux même achetant en amont des Espagnols.
Le consommateur est un individu rationnel plein d'irrationalités. La rationalité
économique ne suffit pas à analyser les comportements de consommation.
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