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PARLEMENT WALLON
Commission des travaux publics, de l’agriculture, de la ruralité
et du patrimoine
- Séance du 07/04/2011 –
Audition de Mme G.Malburny, Juriste à l’A.P.W., Mr Bernard Balon, Ingénieur
circonscriptionnaire, Premier Directeur du Service technique provincial « Cours d’eau »
de la Province de Liège et Mr Michel Maréchal, Inspecteur général, Service technique
de la Province de Liège entendus dans le cadre de la problématique des inondations
Monsieur le Ministre,
Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs les Députés,
Tout d’abord, permettez-moi de vous remercier de nous avoir invités à participer, en
tant que représentants de l’Association des Provinces wallonnes, à cette audition
consacrée à la problématique des inondations.
L’Association des Provinces wallonnes tient à saluer la volonté du Parlement d’avoir
recours à l’avis des acteurs de terrain en la matière, ce qui ne peut qu’enrichir le
débat.
Les fortes intempéries du mois de novembre 2010 ont engendré des
inondations
d’une ampleur inhabituelle avec des conséquences dramatiques pour un grand nombre
de citoyens.
Ces inondations ont relancé la réflexion sur les moyens à mettre en œuvre par les
pouvoirs publics afin de tenter d’éviter que pareils évènements ne se reproduisent.
Dans ce cadre, l’APW, au fil de cette audition, dégagera un certain nombre de pistes
pour lutter contre ces phénomènes naturels que sont les inondations.
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I. Considérations préalables
La loi du 28 décembre 1967 relative aux cours d’eau non navigables confie la gestion
des cours d’eau de deuxième catégorie aux provinces.
Il faut savoir que cela représente, pour l’ensemble des provinces, 5.471 km de cours
d’eau.
Cette gestion implique la réalisation des travaux ordinaires de curage, d’entretien et
de réparation ainsi que la réalisation des travaux extraordinaires d’amélioration.
Elle comporte également la délivrance des autorisations nécessaires à la réalisation
des travaux extraordinaires de modification ainsi que l’analyse des dossiers
d’urbanisme situés à proximité des cours d’eau ou qui peuvent avoir une influence sur
ceux-ci.
Ces missions sont assumées par les Services techniques provinciaux et vous seront
détaillées par mes deux collègues.
A la demande de certaines communes, ces Services interviennent également sur les
cours d’eau de troisième catégorie dont elles ne savent assumer seules la gestion.
Ces Services disposent donc d’une réelle expertise en la matière et d’une
connaissance approfondie du terrain qui en font des partenaires incontournables.
Pourtant, lors des dernières inondations, certains ont pointé du doigt les provinces
comme responsables, du moins en partie, de la survenance de celles-ci.
Il leur était reproché un manque d’investissements en matière de cours d’eau suite à
la décision de la Région wallonne de leur reprendre la compétence sur ces derniers.
Elles n’auraient, entre autres, pas assumer leur obligation de curage.
Il échet de rappeler que, bien que la compétence sur les cours d’eau non navigables
leur ait été officiellement retirée par le décret du 12 février 2004 pour lequel aucun
arrêté d’exécution n’a été pris à ce jour, les provinces n’ont jamais été en défaut
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d’entretenir les cours d’eau dont elles assurent la gestion.
A l’inverse, elles se sont toujours montrées proactives dans ce domaine et poursuivent
une politique importante d’investissements en la matière.
En ce qui concerne plus spécifiquement la lutte contre les inondations, les provinces y
participent, notamment, par la construction de bassins d’orage, la création de zones
d’immersion temporaires, la mise en place de zones de stockage naturelles, les
systèmes d’alertes de crues (Plan SAPHIR),….
Les provinces collaborent également avec la Région wallonne et les communes en vue
de mettre en place une gestion concertée par bassin qui se veut plus efficace.
Elles n’ont jamais fui leurs responsabilités en la matière et n’ont pas l’intention de le
faire.
II. MISSIONS
L’aménagement du lit des cours d’eau est l’objectif 3 du plan PLUIES déjà évoqué par
les précédents orateurs.
Dans ce cadre, le nettoyage est une nécessité absolue. En effet, les branches et
autres objets qui sont véhiculés par le cours d’eau risquent d’obstruer les ponts ou les
canalisations. Ils doivent donc être enlevés.
Cette tâche revient aux autorités gestionnaires que sont la Région wallonne, les
provinces et les communes.
Les provinces réalisent les travaux ordinaires, soit par des équipes de cantonniers, soit
par des entreprises privées.
Le curage du cours d’eau consiste à enlever les sédiments déposés et à lui rendre son
lit naturel et sa capacité d’écoulement tandis que le dragage consiste à approfondir le
lit pour augmenter la capacité d’écoulement.
Lorsqu’elles sont indiquées, ces mesures n’ont qu’une efficacité locale et parfois
éphémère car nous sommes tributaires du niveau aval.
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Elles permettent d’améliorer localement la capacité hydraulique du cours d’eau.
Un curage général sur l’ensemble du linéaire est utopiste et un non sens.
Lors de la réalisation de ces travaux il faut prendre en compte le fait que
l’approfondissement du lit cause des problèmes de stabilité des berges qu’il faut
également maîtriser.
Le gestionnaire a également en charge la stabilité des digues et des berges. Etant
donné l’importance que peuvent atteindre les débits et les vitesses d’écoulement, les
berges s’érodent.
Leur stabilisation se fait par différentes techniques suivant la hauteur et l’inclinaison
des berges, la nature des terrains et des zones traversées…..
Dans la mesure du possible, nous favorisons les techniques végétales. Mais on ne
peut faire pousser un végétal sur un substrat rocheux ou en pleine agglomération.
Alors nous réalisons le placement d’enrochements et de blocs murs.
Les travaux ordinaires d’entretien et les travaux extraordinaires sont élaborés en
concertation avec le Service Public de Wallonie et, plus particulièrement, la Direction
des Cours d’Eaux Non Navigables et le Département Nature et Forêt.
III. CONDITIONS D’INTERVENTION
Le gestionnaire du cours d’eau est confronté à des problèmes d’accès pour pouvoir
réaliser les travaux de nettoyage, de curage ou de stabilisation des berges.
Peu de cours d’eau sont situés en bordure d’une voirie. La plupart d’entre eux
traversent les propriétés privées et leur accès est rendu de plus en plus difficile. C’est
d’autant plus vrai que ceux-ci sont petits.
En zone rurale, de nombreux champs ont été lotis et bâtis. Avant, le gestionnaire
prenait accord avec le cultivateur pour définir l’endroit de passage et la période de
réalisation des travaux. La bande longeant le cours d’eau était facilement accessible.
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Après lotissement, la réalisation de travaux de curage ou de dragage nécessite le
contact avec les nouveaux propriétaires et il n’est plus possible de circuler le long de
l’eau. La bande riveraine est occupée par des abris de jardin et les parcelles sont
clôturées.
En zone urbaine, les cours d’eau de 2ème et de 3ème catégorie sont enclavés dans les
propriétés privées ou recouverts. Leur accès est très difficile, voire impossible à
certains endroits. La plupart de nos villes sont ainsi traversées par des cours d’eau
voûtés, dont l’entretien est difficile, dangereux et, de plus, onéreux.
L’ouvrage de génie civil qui permet le voûtement du cours d’eau est un ouvrage privé
aux termes de la loi du 28 décembre 1967. Certains de ces ouvrages sont en mauvais
état d’entretien et parfois à l’origine d’inondations ponctuelles.
IV. INONDATIONS
Voici quelques années, le Service Cours d’eau de la Province de Liège a été confronté
à un problème d’inondation d’une habitation. Un trou s’est formé dans un jardin et
l’eau est sortie à l’amont de celui-ci.
Le ruisseau passait sous le jardin et s’écoulait dans une canalisation en béton qui avait
été recouverte de 4m de terre. Elle avait été posée sans fondations, ni assisses
latérales. Au fil du temps, elle s’était fissurée en haut, en bas et sur les deux côtés.
Sous le poids, elle s’est ovalisée, s’est fissurée et puis effondrée, provoquant
l’obstruction du cours d’eau.
Il a fallu dégager le bouchon situé à 5m de profondeur avec des bâtiments à
proximité.
Les cours d’eau et les zones inondables concentrent l’eau lors des précipitations. Ils ne
sont qu’une petite partie du territoire. Mais la pluie tombe sur tout le territoire et donc
si l’on veut essayer de gérer au mieux les inondations, il faut analyser l’ensemble du
bassin versant et ne pas se limiter au seul cours d’eau, car les causes d’inondations
sont multiples.
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Les inondations sont des phénomènes naturels survenant lors de précipitations
importantes caractérisées par leur intensité et leur durée.
Il y a deux types de précipitation:
-
la précipitation de longue durée et de faible intensité qui cause de gros problèmes
aux cours d'eau tels la Meuse, l'Escaut, aux non navigables de première catégorie,
mais également aux cours d’eau de 2ème et 3ème catégorie ;
-
la précipitation de faible durée et de forte intensité qui cause de gros problèmes
aux cours d'eau non navigables de 2ème et 3ème catégorie ;
A titre d’exemple, citons la précipitation du 29 mai 2008 sur le plateau du Sart Tilman
à Tilff et Seraing. Elle a provoqué de gros dégâts mais n’a pas eu de conséquence sur
la Meuse et l’Ourthe qui en étaient le réceptacle.
La combinaison de l’intensité et de la durée donne les quantités d’eau qui doivent être
absorbées par le bassin versant, sous forme d’infiltration, de ruissellement, de
stockage ou d’écoulement dans les cours d’eau.
Lorsque les débits envoyés vers ceux-ci sont supérieurs au débit capable du cours
d’eau, il sort de son lit mineur et prend possession de son lit majeur qui est la zone
adjacente au cours d’eau. Il constitue une zone de stockage et d’écoulement. Lorsque
ce lit majeur est une prairie, c’est acceptable. Par contre l’inondation d’une zone bâtie
est dramatique pour les habitants.
V. AMELIORATION DES CONNAISSANCES
L’objectif 1 du plan PLUIES est d’améliorer la connaissance des risques de crues et
d’inondations.
Le Gouvernement wallon a approuvé les cartes de l’aléa d’inondation, élaboré par le
Groupe Transversal Inondation, dont a parlé Mr DEWIL.
Les zones d’aléa situées en bordure des cours d’eau de 2ème et 3ème catégorie
correspondent au lit majeur de ceux-ci et sont en majorité d’aléa faible.
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L'homme ne maîtrise pas les phénomènes naturels, telles que les précipitations.
Monsieur DEWIL vous a présenté les actions sur lesquelles l’Homme a une prise.
Le Département de l’Agriculture a élaboré les cartes ERUISSOL qui reprennent les
axes d’écoulements dans les zones agricoles.
Ces axes ne sont pas à proprement parler des cours d’eau, mais ils concentrent
néanmoins les eaux de pluie lorsque le sol est gelé ou saturé en eau.
Ce type d’inondations est également repris sous l’appellation « coulées boueuses ».
VI. RUISSELLEMENT
L’objectif 2 du plan PLUIES est de diminuer et de ralentir le ruissellement de l’eau. Il
peut se réaliser sur l’ensemble du territoire.
Avant d’arriver au cours d’eau, la goutte de pluie parcourt un trajet dont les
caractéristiques peuvent varier fortement en fonction des caractéristiques physiques
du territoire traversé.
Une partie de ces gouttes de pluie arrive finalement au cours d’eau. Elles doivent
s’évacuer si possible sans dégâts. C’est la tâche du gestionnaire, mais celui-ci ne peut
agir que sur le cours d’eau et non sur le reste du territoire où il n’a pas prise.
Le bassin d’orage appelé aussi bassin de régulation, de retenue, ou encore,
d’expansion de crue a comme fonction le stockage des eaux durant l’épisode pluvieux.
Par après, ces eaux sont évacuées sans dégâts.
Les réseaux d’égouts sont en majorité unitaires. Ils sont dimensionnés pour
l’évacuation des eaux de pluies et permettent la récolte des eaux usées. Si les eaux
usées sont envoyées vers les stations d’épuration, les eaux de pluies sont souvent
envoyées directement au cours d’eau avec pour conséquence une augmentation des
débits, une déstabilisation des berges et des inondations dans le pire des cas.
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Le rejet des eaux d’un lotissement de 10ha n’a pas le même effet sur un cours d’eau
de 1ère catégorie (plus de 5000ha) que sur un cours d’eau de 2ème ou 3ème
catégorie (plus de 100ha).
Les bassins d’orage ont un effet régulateur bénéfique pour les cours d’eau de 2ème et
3ème catégorie et les zones situées en aval.
Il serait utile que tous les réseaux d’égouts soient pourvus d’un ouvrage de régulation
des eaux de pluie avant leur rejet dans le cours d’eau de 2ème et de 3ème catégorie
récepteur. D’ailleurs, le Code civil mentionne que le fonds inférieur doit recevoir les
eaux mais que le propriétaire du fonds supérieur ne peut rien faire qui aggrave la
servitude du fonds inférieur.
Une autre manière de stocker l’eau de pluie est de l’envoyer vers une citerne avec
ajutage.
Il n’y a pas si longtemps, les routes de nos campagnes étaient bordées de fossés qui
récoltaient l’eau de ruissellement, la stockaient provisoirement et l’évacuaient après
l’orage. Ces fossés ont été remplacés par des tuyaux en béton et des drains.
L’eau n’a plus de place et, dès lors, s’évacue directement vers l’aval. A certains
endroits, des débits importants sont ainsi envoyés dans le cours d’eau qui n’a pas la
capacité de les évacuer sans dégâts.
Nous sommes également confrontés à de nombreuses demandes de remblai le long
des cours d’eau. Ces zones inondables jouent un effet tampon non négligeable. Elles
constituent des bassins de stockage naturels. Lorsqu’elles sont remblayées, le pouvoir
public doit les compenser en réalisant des bassins d’expansion de crues.
VII. VULNERABILITE
L’objectif 4 du plan PLUIES est de diminuer la vulnérabilité dans les zones inondables.
Dans le cadre des permis d’urbanisme, les gestionnaires de cours d’eau sont sollicités
pour émettre leur avis sur les nouvelles constructions établies le long de ceux-ci.
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Le Groupe Transversal Inondations a élaboré un canevas permettant au gestionnaire
de remettre un avis sur les demandes de permis d’urbanisme qui lui sont soumises.
Suivant l’aléa d’inondation dans laquelle se situe la parcelle du demandeur, certains
travaux reçoivent un avis défavorable ou un avis favorable conditionnel.
Le principe de précaution veut que la partie habitable de la construction soit établie au
dessus du niveau d’inondabilité.
L’implantation de l’habitation en fonction de la topographie des lieux doit également
être analysée. Il n’est pas conseillé d’établir son habitation sur un axe repris dans la
cartographie ERUISSOL.
La lutte contre les inondations n'est pas seulement une question d'entretien de cours
d'eau, ni même d’aménagement. Si la solution ne portait que sur les cours d’eau, je
ne doute pas qu’elle aurait déjà été réalisée et que nous n’aurions plus à subir leurs
conséquences dommageables.
Au delà des propos tenus par nos collègues de Service Public de Wallonie, auxquels
l’Association des Provinces wallonnes adhère totalement, les provinces estiment que,
afin de réduire l’impact des inondations, il est essentiel de :
-
entretenir les cours d’eau ;
-
maintenir un accès pour permettre leur entretien ;
-
ne pas couvrir les cours d’eau ;
-
construire des bassins d’orage ;
-
placer des citernes d’eau de pluie ;
-
interdire le remblai dans les zones d’aléa d’inondation ;
-
poursuivre la réflexion sur l’aménagement des zones d’aléa d’inondation ;
-
avoir une concertation générale sur la problématique ;
-
tenir
compte
de
l’avis
des
gestionnaires
provinciaux
qui
ont
une
connaissance approfondie du terrain.
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Comme les petits cours d’eau forment les grandes rivières, je crois que c’est un
ensemble de petites mesures, prises sur le cours d’eau et sur l’ensemble de son
bassin versant, qui permettront de diminuer l’impact calamiteux des inondations.
Permettez-moi d’insister : nous avons à gérer un phénomène naturel, on peut
diminuer le risque mais pas le supprimer.
Pour terminer, il nous apparaît que les gestionnaires de cours d’eau provinciaux ont
une connaissance approfondie de leur territoire.
Il importe, dès lors, de tenir compte de l’avis technique qu’ils rendent, à la fois en
matière de cours d’eau et de gestion parcimonieuse du sol.
Le caractère de « territoire pertinent » que l’on accorde aujourd’hui aux provinces
prend tout son sens.
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