Stimulation cérébrale profonde et psychiatrie : une revue de la littérature RESUME La stimulation cérébrale profonde est une technique qui permet une stimulation électrique focale de zones cérébrales bien délimitées Elle nécessite un geste chirurgical, mais l’électrode mise en place peut-être secondairement enlevée, ce qui en fait une technique relativement réversible en comparaison à d’autres approches neurochirurgicales. La stimulation proprement dite peut commencer deux semaines à un mois après l’implantation de l’électrode, après la résorption complète de l’oedème. La fréquence et l’intensité efficaces sont variables selon les troubles, la localisation, et diffèrent pour chaque patient. Les complications sévères sont rares. Les auteurs rapportent dans 1 à 4% des cas une hémorragie, une infection ou une crise convulsive qui répondent en général bien au traitement. Une reprise chirurgicale doit être envisagée en cas de déplacement de la sonde, ou de défaillance de la batterie implantée de façon sous-cutanée. Les effets indésirables neuropsychiatriques sont variables dans le temps comme dans leur présentation. On retrouve des spasmes, des paresthésies, des photopsies aussi bien que des modifications de la fluence verbale, en particulier au cours de la stimulation sub-thalamique. COMMENTAIRE Les applications de la stimulation cérébrale profonde en psychiatrie font l’objet de nombreuses études actuelles. Ces dernières dérivent essentiellement de quatre types d’approches. Premièrement, certains travaux tentent de reproduire les effets de la psychochirurgie lésionnelle du milieu du XXème siècle. Ces études s’affranchissent toutefois de la principale limite de l’approche lésionnelle : son caractère irréversible. Ainsi, la stimulation du noyau thalamique dans le syndrome de Gilles de la Tourette est en cours d’évaluation dans plusieurs centres. Deuxièmement, des équipes se sont intéressées aux zones cérébrales mises en évidence par les études d’imagerie fonctionnelle. C’est d’ailleurs le cas de la première étude de stimulation cérébrale profonde (2). Celle-ci était centrée sur le cortex cingulaire subgenual. En effet, des travaux préalables avaient montré une diminution du flux sanguin cérébral du cortex cingulaire subgenual dans la dépression. Troisièmement, des découvertes fortuites ont permis de mettre en évidence des effets bénéfiques inattendus chez des patients présentant une comorbidité. C’est le cas, par exemple, de l’amélioration de la symptomatologie dépressive chez un patient traité par stimulation cérébrale profonde pour un trouble obsessionnel compulsif résistant (3). Enfin, le développement de modèles animaux permettra probablement de découvrir de nouvelles cibles potentielles. Les aspects éthiques sont brièvement rappelés dans cette courte revue de la littérature. Les auteurs soulignent certains aspects particulièrement intéressant des techniques et des modalités de différents travaux de recherche en cours, et évoquent le caractère encore tout à fait préliminaire des applications de cette technique en psychiatrie. Référence bibliographique Hardesty DE, Sackeim HA: Deep Brain Stimulation in Movement and Psychiatric Disorders. Biol Psychiatry 2006 2. Mayberg HS, Lozano AM, Voon V, McNeely HE, Seminowicz D, Hamani C, Schwalb JM, Kennedy SH: Deep brain stimulation for treatment-resistant depression. Neuron 2005; 45(5):651-60 3. Greenberg BD, Malone DA, Friehs GM, Rezai AR, Kubu CS, Malloy PF, Salloway SP, Okun MS, Goodman WK, Rasmussen SA: Three-year outcomes in deep brain stimulation for highly resistant obsessive-compulsive disorder. Neuropsychopharmacology 2006; 31(11):2384-93 Pour un texte sur les TOC résistants et la stimulation cérébrale : http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/toc_rap.pdf Stimulation magnétique transcrânienne (SMT) et dépression (1) RESUME La nécessité de traitements moins invasifs que la sismothérapie se fait particulièrement sentir pour les sujets déprimés ne bénéficiant pas d'une rémission complète au décours d'un traitement par antidépresseur. Ainsi, la SMT utilise les pulsations magnétiques pour stimuler, à travers le squelette crânien et de façon spécifique, le cortex sous-jacent, et en particulier les régions cérébrales dont le fonctionnement est altéré au cours des troubles thymiques. L'application ne nécessite pas d'anesthésie, et les effets indésirables sont rares. On note toutefois la possibilité de crises convulsives chez les sujets épileptiques. Le sujet est assis pendant les 30 à 40 minutes nécessaires à la stimulation, et l'intensité appliquée est déterminée en fonction du seuil moteur, c'est à dire de l'intensité nécessaire à la contraction du muscle court abducteur du pouce lors de la stimulation du cortex moteur. Le champ magnétique est alors appliqué à la zone d'intérêt, c'est à dire au cortex préfrontal dorsolatéral gauche pour la plupart des travaux. L'efficacité des SMT a été évaluée par de nombreux travaux. Les auteurs présentent ainsi 7 études évaluant l'effet de la SMT contre sismothérapie, dont 6 suggèrent des résultats équivalents dans les deux groupes. Toutefois ces études présentent des limitations méthodologiques importantes, comme l'absence de double aveugle ou l'absence de groupe placebo pour certaines d'entre elles. De même, l'efficacité des SMT a été évaluée par différentes études portant sur des effectifs réduits. Six meta-analyses ont regroupé certaines de ces études et évalué l'efficacité des SMT. Quatre meta-analyses mettent en avant des résultats positifs. Ces résultats, parfois divergents, sont probablement à attribuer, au moins en partie, à l'insuffisance des effectifs ainsi qu'à l'inclusion d'études portant sur des paramètres de stimulation différents. La manière d'optimiser ces paramètres reste d'ailleurs discutée. Toutefois, il semble que les traitements d'une durée supérieure à 10 jours, appliqués avec une intensité supérieure à 100% du seuil moteur, et avec un nombre de pulsation par jour supérieur à 1200, soient plus efficaces. Les mécanismes physiopathologiques qui sous-tendent l'efficacité des SMT sont probablement comparables à ceux des traitements antidépresseurs. Ainsi, les traitements par SMT et par antidépresseurs sont similaires dans les réponses comportementales au cours du test de nage forcée (Porsolt) un modèles animal de dépression. Les modèles animaux biologiques montrent une augmentation du turn-over de certaines monoamines, une augmentation de synthèse du brain derived neurotrophic factor (BDNF) ainsi qu'une normalisation des effets du stress sur l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. COMMENTAIRE La section "Academic Highlights" du Journal of Clinical Psychiatry présente chaque mois les commentaires issus d'une conférence ou d'une téléconférence centrée sur un aspect clinique ou thérapeutique contemporain et animée par les plus grands experts internationaux. L'impact de la stimulation magnétique transcrânienne dans la dépression fait ainsi l'objet de cette récente monographie. L'avantage des SMT sur les sismothérapies repose sur un meilleur profil efficacité-tolérance, avec la possibilité de traitements ambulatoires ou adjuvants à un traitement antidépresseur, deux modalités thérapeutiques qui restent pour l'heure déconseillées dans le cadre des sismothérapies. La SMT pourrait ainsi rapidement devenir un traitement de deuxième ou troisième ligne, après échec d'un traitement par antidépresseur bien conduit. Référence bibliographique 1. Transcranial magnetic stimulation: potential new treatment for resistant depression. J Clin Psychiatry 2007; 68(2):315-330