Questions législatives forêt _ Union des groupements pour le développement forestier en
Isère
Selon vous, quelles sont les trois fonctions principales de la Forêt ?
Les trois fonctions de la forêt son les fonctions économique, sociale et environnementales. Je
n’oublie pas que la forêt a été au cœur du processus de construction de la notion de
multifonctionnalité qui a ensuite été appliqué au secteur agricole. Nous l’avions redit dans la
loi d’orientation de la forêt, dont j’étais le rapporteur, en juillet 2001. Depuis, l’on peut avoir
le sentiment que la question de la forêt a été largement ignorée.
La fonction économique est évidemment la fonction productive. La production de bois doit
être au centre d’une reconquête industrielle de filière. L’on estime aujourd’hui que la France
sous-exploite très largement ses forêts alors même que le potentiel est très important. Nous
devons donc réinjecter de la volonté politique dans le secteur du bois.
La fonction sociale est représentée d’abord par les emplois liés à la gestion des forêts mais
aussi au caractère d’espace de loisir de celles-ci, et d’abord des forêts publiques. Dans la forêt
privée, de nombreuses activités de loisir se mettent aussi en place qui offrent à tous nos
concitoyens un accès à la nature.
Enfin, la fonction environnementale n’a plus à être mise en avant tant elle apparaît évidente.
Depuis l’émergence de la notion de développement durable, la forêt a pu acquérir un statut à
part dans les politiques environnementales. La captation du carbone qu’elle autorise est un
élément important de la lutte contre le réchauffement climatique. Mais l’utilisation du
matériau bois comme matériau durable, notamment dans la construction, est aussi un élément
de lutte pour une meilleure préservation de l’environnement. Par ailleurs, et en Isère nous le
savons bien, les forêts font partie des éléments de préservation des paysages et de la fertilité
des sols, elles empêchent l’érosion des sols…
Ces préoccupations sont européennes. Il faut rappeler à cet égard que le livre vert sur la
protection des forêt en Union Européenne, de 2010, expose que « la protection des forêts dans
l’UE doit consister à garantir que les forêts continuent, à l’avenir, de remplir les fonctions
socio-économiques, écologiques et de production qui sont les leurs. »
Pour l’une de ces trois fonctions (choix libre en vertu de l’importance que vous lui
donnez) quels rôles peuvent jouer les Pouvoirs Publics (Etat-Collectivités Territoriales-
Europe) pour reconnaître et conforter cette fonction ?
La priorité politique est aujourd’hui de recréer des filières de production bois dynamiques. Il y
a eu le discours d’Urmatt mais celui-ci a été sans lendemain pour la filière. Il nous faut
réfléchir à l’échelle des massifs, et réinventer les mécanismes d’une coopération entre
forestiers et transformateurs en France.
De façon tout aussi stratégique, nous devons reconquérir une place dominante dans le secteur
du design, qui est au fondement du dynamisme de l’industrie de l’ameublement par exemple.
Nul ne peut être satisfait de voir les grumes partir de France vers la Chine pour nous revenir
transformées.
Vous avez sans doute quelque idée sur l’organisation actuelle de la forêt (Privée-
Communale-Départementale-Domaniale) française. Cette organisation vous paraît-elle :
bonne, rationnelle, ou, au contraire pléthorique ou floue ? Merci d’argumenter votre
réponse de façon synthétique en n’oubliant pas de donner votre avis sur les aspects
fonciers.
L’organisation de la forêt française est issue de l’histoire de nos institutions. La forêt a été une
ressource stratégique pour la France, elle le demeure. Il est de ce fait logique que nous
trouvions des forêts domaniales, des forêts communales, départementales et bien entendu la
forêt privée. Cette organisation ne pose pas de problème véritable et n’apparaît pas floue. Il
est en revanche essentiel de simplifier l’administration de ce secteur. L’ONF doit avoir un
rôle renforcé, en partenariat avec les pouvoirs publics. La loi de 2001 a aussi mis en place des
instruments de gestion de la forêt privée que nous devons conforter.
Je rappelle que l’espace forestier s’accroît en France. Nous devons nous doter d’instruments
plus efficaces pour sa gestion durable.
On a l’habitude courante de parler de filière bois ; (de l’amont à l’aval) ce vocable vous
paraît-il représentatif de la réalité observée ? Pouvez-vous dire pourquoi de manière
brève ?
Oui, il y a une filière bois, qui part du forestier à la PME de transformation et au vendeur.
Nous sommes à cet égard dans une relative identité avec les filières agricoles et
agroalimentaires qui partent de la production du vivant jusqu’au consommateur. Les forestiers
devraient sans doute être mieux insérés dans les productions aval, dans la découpe du bois,
dans la pâte à papier, dans l’ameublement... Ils devraient aussi peut-être s’inquiéter plus de la
certification des bois, qui est un sujet aujourd’hui important.
Mais si nous voulons véritablement développer ces filières, il va sans doute falloir passer
aussi par la création d’outils collectifs, coopératifs, pour regrouper les sylviculteurs de nos
régions. Leur taille réduite leur rend très souvent le marché difficile d’accès pour certaines
productions. Peut-être pouvons-nous innover pour développer une sylviculture de groupe.
Actuellement la forêt (privée ou autre) demeure une compétence de l’Etat, c’est un fait.
Cette compétence vous paraît-elle bien remplie ? Précisez S.V.P. les éléments observés
vous permettant de donner cette réponse (celle-ci peut être différenciée selon les
différents statuts des forêts), voire de faire le cas échéant quelques propositions
d’amélioration et / ou de changement.
L’Etat doit préserver un rôle de coordination de la politique forestière car il en va aussi de
l’aménagement du territoire tant sur le plan économique que social et environnemental.
Des améliorations de gestion peuvent être apportées. L’ONF a été abandondepuis dix ans,
malgré les discours. Il doit être au cœur de la nouvelle politique comme gestionnaire de cet
espace forestier.
Je voudrais rappeler quelques termes de l’article 1 la loi du 9 juillet 2001 :
« La politique forestière participe à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'autres politiques en
matière notamment de développement rural, de défense et de promotion de l'emploi, de lutte
contre l'effet de serre, de préservation de la diversité biologique, de protection des sols et des
eaux et de prévention des risques naturels. Elle prend en considération les modifications et
phénomènes climatiques.
« Elle prend en considération les spécificités respectives de la forêt relevant du régime
forestier, notamment domaniale et communale, et de la forêt privée. Elle développe
activement les conditions favorables au regroupement technique et économique des
propriétaires forestiers et encourage l'organisation interprofessionnelle.
« Sa mise en oeuvre peut être adaptée au niveau régional ou local, en accordant une
importance différente aux trois fonctions susmentionnées selon les enjeux identifiés au niveau
régional ou local et les objectifs prioritaires des propriétaires. Elle tient compte notamment
des spécificités ou des contraintes naturelles d'exploitation des forêts montagnardes,
méditerranéennes et tropicales et des forêts soumises à une forte fréquentation du public. »
L’Etat est évidemment le plus à même de porter cette politique.
Il y a aussi les centres régionaux de la propriété forestière, qui doivent être partie intégrante de
la définition des politiques forestières. Maintenant, il faut aussi se poser la question de
l’organisation en massif.
La fiscalité forestière (taxe foncière imposition sur le revenu) vous paraît-elle bien
adaptée à ce secteur économique ? Vous pouvez argumenter brièvement votre ponse
et faire, si vous le jugez nécessaire, une ou deux propositions pour « faire mieux ».
La fiscalité forestière apparaît aujourd’hui adaptée à ce secteur. Je ne crois pas que la fiscalité
soit au cœur des enjeux de la forêt française demain. En revanche, elle doit prendre en compte
le temps de l’activité. Le forestier ne peut pas rechercher la rentabilité immédiate. Il est inscrit
dans une activité qui, par nature, exige le temps long. Yves Peillon, le Président de l’union
des forestiers privés du Rhône a raison de dire que « La forêt est un bon investissement si et
seulement si elle est bien gérée ». L’Etat doit mettre les outils en place pour facilité cette
gestion.
Le bois est une ressource qui a besoin d’un fort développement en termes de débouchés et en
termes de prix des productions. C’est d’abord par une politique volontariste en matière
industrielle que nous améliorerons l’économie forestière. Il ne faut pas tout attendre de la
fiscalité.
Vous aspirez à un mandat national par lequel vous serez amené(e) à prendre des
décisions sur l’avenir énergétique du pays. Le bois source d’énergie, vous paraît-il à
même de remplir un rôle important en sa qualité de ressource renouvelable ? Dites
pourquoi en étayant sommairement votre réponse.
François Hollande, que je soutiens, a mis en avant sa volonté de diversifier les sources de
production d’énergie en France. La biomasse aura un rôle de premier plan à jouer dans ce
nouveau mix énergétique. La forêt et l’agriculture sont de ce point de vue très
complémentaire. Il y a déjà des coopératives qui travaillent à partir de la biomasse forestière
et agricole. Le bois de chauffage est un produit de proximité. A ce titre, il faut encourager le
plus possible son développement. C’est ce que font les propriétaires forestiers dans notre
région, peut-être mieux qu’ailleurs. Nous devons permettre que cette saine gestion de notre
économie forestière continue. Cette valorisation de la biomasse, c’est de l’emploi, de la
création de richesses supplémentaires pour nos régions. Nous sommes typiquement dans
des démarches de relocalisation de l’emploi.
Je vais encore citer la loi de 2001, son article 7, qui dit que « La gestion dynamique des forêts
et l'utilisation massive du bois dans la construction, l'ameublement et le chauffage bois-
énergie contribuant efficacement à la lutte contre l'effet de serre, l'Etat et les collectivités
locales encouragent les initiatives concourant à l'accroissement de la production et de
l'utilisation rationnelle du bois :
- par la mise en oeuvre d'une politique du bois-énergie englobant tous les types d'installations
de chauffage ;
- par des incitations financières en faveur de la gestion durable des forêts et de l'utilisation du
bois, notamment dans les bâtiments bénéficiant de financements publics ».
J’ai l’impression que, malgré le Grenelle de l’environnement, nous avons pris dix ans de
retard sur cette volonté définie en 2001. Nous allons y revenir.
Cela répond en outre à la nécessité de développer une économie de filière qui prenne en
compte l’ensemble des aménités positives de la forêt et de l’agriculture. L’utilisation de
déchets pour générer de l’énergie est ce que nous pouvons faire de mieux en termes de
développement durable. C’est pourquoi j’insiste sur la nécessaire production de bois dans
notre pays.
Un des handicaps du bois énergie est actuellement la faible rémunération de la matière
première fournie par le propriétaire forestier. Par rapport à une énergie d’origine
fossile (moins vertueuse au plan écologique) quel effort du point de vue prix d’achat du
bois (en pourcentage) vous semble raisonnable ou acceptable ? Une fois affirmé votre
point de vue, seriez-vous prêt à le défendre dans la continuité ?
Il ne faut pas le cacher, nous sommes dans un marché ouvert. Le prix du bois est donc aussi
dépendant des prix mondiaux. Je tiens cependant à dire que la préservation d’outils de
transformation sur notre sol permet une meilleure valorisation donc d’obtenir le prix le plus
rémunérateur possible.
En terme d’emploi on dit couramment que 300 m3 de bois exploité génèrent trois
emplois induits sur l’ensemble de la chaîne (ou filière). Ce rapport vous paraît-il
intéressant, voire performant ? Comparativement aux secteurs industriels, agricoles,
touristiques ? En quelques lignes, argumentez votre réponse en l’appuyant si vous le
souhaitez sur des montants d’investissements comparés.
Il ne faut pas comparer les apports en emploi selon les secteurs dans des rapports de
productivité qui n’ont guère à voir les uns avec les autres. Ce qui compte c’est de savoir si
nous pouvons créer de l’emploi avec la forêt française. La réponse est oui. Il y a une demande
de matériaux bois en augmentation actuellement. A nous d’en tirer profit et de ne pas laisser
nos concurrent venir nous prendre nos marchés. C’est à partir de ce dynamisme de notre
sylviculture et des entreprises partenaires de transformation que nous pourrons créer de
l’emploi, de l’emploi dans des territoires trop souvent gravement touchés par le chômage et la
désertification des services publics.
Gagner de l’emploi sur ces territoires, c’est gagner de la richesse collective. Je n’oppose en
outre pas le bois et la forêt à l’industrie et au Tourisme. La forêt est un élément de
l’attractivité touristique, du loisir, qui génèrent de l’emploi. C’est aussi une ressource pour
notre industrie, la ressource qui permet de recréer de l’industrie de transformation, de lancer
des PME traditionnelles ou innovantes.
On manque de bûcherons et de débardeurs qualifiés. Les entrepreneurs de travaux
forestiers (E.T.F.) sont dans la plupart des cas des travailleurs indépendants. Ce statut
comporte avantages et inconvénients. Dans la mesure de votre connaissance du sujet,
pouvez-vous formuler deux ou trois propositions capables de rendre cette profession
plus attractive pour les jeunes ?
L’attractivité des métiers est d’abord liée à l’image que ces métiers renvoie, nous le savons
tous, auprès des jeunes mais aussi des parents. Au-delà de rémunérations relativement
modestes, nous devons donc dire que ces métiers durs physiquement sont aussi des métiers de
la nature qui offrent des débouchés à de nombreux jeunes qui aspirent à travailler en contact
avec la nature.
Le statut de travailleur indépendant ne me paraît pas être un handicap, au contraire. Il autorise
en effet une grande souplesse pour ceux qui se lancent. Nous avons par exemple proposé de
réformer le statut de l’auto-entrepreneur pour en faire un vrai statut incubateur pour faire
naître des entreprises artisanales durables. Je me battrai pour cela. Encore faut-il ne pas mentir
sur l’exigence de sérieux et de responsabilité qu’il implique dans la marche de l’entreprise
créée.
C’est aussi dans les lycées professionnels qu’il faut faire la promotion de ces métiers qui
peuvent n’être guère attractif pour les adolescents mais peuvent le devenir pour de jeunes
adultes. C’est l’enjeu aussi du développement de la formation tout au long de la vie.
A une brève exception près (Monsieur René SOUCHON secrétaire d’Etat à la forêt) il
n’y a jamais eu un ministère de la forêt, de l’économie et de l’écologie forestière.
Pourtant la forêt privée française compte 3 millions 500 mille propriétaires dont 92
mille en Isère et génère environ 400 mille emplois. L’importance de ce secteur
d’activités vous paraît-elle justifier la mise en place d’un tel portefeuille ministériel ?
Précisez votre réponse : positive ou négative en l’illustrant par quelques arguments.
Il est de coutume de placer la forêt sous la tutelle du ministère de l’agriculture. Le fait que
François Mitterrand ait choisi de nommer un ministre délégué à la forêt montre toute
l’importance du secteur. René Souchon y a fait un excellent travail. Rapporteur de la dernière
loi d’orientation sur la forêt et Isérois, je ne peux que défendre cette idée d’un ministère. Au-
delà du symbole fort que cela serait, un tel portefeuille permettrait aussi de se consacrer
pleinement à la reconstruction de notre filière forêt bois.
L’architecture choisie par le Président Hollande est de confier la forêt au ministre de
l’agriculture. Le fait que nous ayons en outre un ministre du redressement productif permet et
dire qu’ils pourront travailler ensemble sur la question du développement de l’économie de la
forêt en lien avec le ministère de l’environnement.
On peut aussi considérer que le Président de l’ONF doit être porteur d’une vision qui
transcende la forêt publique et agir avec tous les acteurs institutionnels et privés pour défendre
la montée en puissance de la filière bois.
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