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II. Comment établir des codes déontologiques?
Qui serait habilité à instaurer ces règlements éthiques ?
Dans un premier temps, la question se porte sur l’initiateur de ces règles. L’élaboration de
ces règles serait-elle tributaire d’un savoir ?
Il paraît évident que les questions éthiques propres à un domaine spécifique, doivent être
résolues par des professionnels, détenteurs de la connaissance. Mais dans ce cas se pose
le risque d'un conflit d'intérêts. Peut-on être impartial lorsque l'on est professionnel et de ce
fait porteur d'avis personnels sur des sujets controversés? Nous citerons l'exemple d'Axel
Kahn
qui, en 1997, alors président de la Commission du génie biomoléculaire, avait, en tant
que professionnel, un avis personnel sur la question des organismes génétiquement modifiés
(OGM). Lorsque des débats eurent lieu au sein de la Commission au sujet des OGM il
affirma son point de vue de professionnel et démissionna de la Commission par dépit en
1997, n'ayant pas reçu l'autorisation de cultiver des OGM en France. Quelques mois plus
tard il fut employé par Rhône-Poulenc, une société qui était impliquée dans la création
d'OGM depuis dix ans.
Cet exemple montre deux choses.
La première, que l’établissement d’un code de déontologie suppose une connaissance et
une expérience dans le domaine concerné, mais aussi une réflexion plus large sur les
conditions humaines. Platon
l'avait déjà précisé dans son ouvrage la République. Pour lui, le
dirigeant de Kallipolis, cité idéale, est avant tout philosophe
. Ainsi, tout professionnel devrait
être philosophe, apte à méditer sur les conditions humaines et l'impact de leurs actions sur
autrui dans un souci d'humanité.
La deuxième, que l'initiateur de codes de déontologie doit faire bon usage de sa raison et
cela suppose qu'il soit détaché de ses passions. Pour Descartes
la raison est un instrument
universel : « les règles ne sont pas celles du mode d’emploi des facultés, mais de la
possibilité ou de la nécessité d’en bien user, affirmant qu’il revient à chacun d’en faire bon
usage »
.
Finalement, n’est-ce pas quelques privilégiés, détachés de leurs passions, qui sont aptes à
faire usage de leurs raisons pour mettre en place des codes de déontologie ?
Quelle durabilité aux codes de déontologie?
Une autre question concerne le rapport au temps et à l'évolution des techniques et enjeux
contextuels. Peut-on établir un code de déontologie immuable alors que le contexte est
changeant? La médecine montre qu'il n'en est rien : le code de déontologie médicale est
régulièrement révisé pour s'adapter à l'évolution des techniques et de la société. La dernière
révision du code de déontologie médicale de 1993 a été amorcée en 2007 et a duré deux
ans. Elle a concerné notamment le rapport à la mort
, les interruptions volontaires de
grossesse
... qui sont des sujets ancrés dans les enjeux sociaux actuels.
Axel Kahn (1944_)
scientifique, médecin généticien, et essayiste français
Platon (428 - 427 av. J.-C., 347 - 346 av. J.-C)
Philosophe grec
Platon, La République, V, 473c, trad. L. Robin.
René Descartes (1596-1650)
mathématicien, physicien et philosophe français
René Descartes, Le discours de la méthode, Étienne Gilson - 1989 - 146 pages
Article 58 : [Article (nouveau) :] En toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les
souffrances physiques et morales de son malade. Il lui doit l’assistance et les soins appropriés à son
état de santé sans obstination dans les investigations ou la thérapeutique
Article 70 : [Article (nouveau) :] L’interruption de grossesse doit se faire dans des conditions
garantissant la sécurité et la continuité des soins ainsi qu’un soutien psychologique adéquat
L’utilisation du produit de l’avortement à des fins scientifiques ou thérapeutiques doit avoir été
soumise à un comité d’éthique médicale. Elle ne peut en aucun cas conditionner ni le moment ni la
technique ni les modalités générales de l’intervention.