Est-il nécessaire d`établir des codes déontologiques pour appliquer

Est-il nécessaire d’établir des codes
déontologiques pour appliquer une éthique
professionnelle ?
Concours National 2011
Promotion de l’Ethique Professionnelle
Camille Larané
Elève ingénieur en Master de Paysagisme
Agrocampus-ouest, centre d’Angers
Institut National d’Horticulture et du Paysage
2
Explication personnelle du sujet
Dans quelques mois j’entamerai mon stage de fin d’études avant d’exercer en tant
qu’ingénieur paysagiste. Je serai alors amenée à concevoir des aménagements urbains qui
devront être en accord avec les enjeux environnementaux actuels. Tout en étant animée de
convictions personnelles, je devrai travailler au sein d’une équipe pour des mandataires qui
ont leurs valeurs et leurs désirs propres. C'est dans la composition avec autrui que se
poseront des questions d'éthiques professionnelle.
Après un séjour d’étude à Montréal, j’ai pu constater les différences de fonctionnements des
institutions du paysagisme. Contrairement à la France, il existe au Québec un ordre des
paysagistes, hiérarchisé, avec un comité d’éthique et un code déontologique. Les étudiants,
pour pouvoir exercer comme paysagistes doivent prêter serment sur le code et le respecter.
C’est à partir de ce constat que je me suis posée la question du rapport aux règlements en
matière d’éthique professionnelle. Est-il nécessaire de formaliser les points de vues des
professionnels sur des questions éthiques au moyen de codes déontologiques ?
Résumé du contenu de l’essai :
Dans un premier temps, l'étude de l'utilité des codes de déontologie met en évidence, à partir
de constatations actuelles dans différents domaines, les manques qui peuvent se présenter
dans certains secteurs dépourvus de codes de déontologie.
Ensuite, il s'agit d'étudier la méthode à mettre en place pour l'établissement de ces codes :
l'initiateur, la précision des codes, leur rapport à la loi.
Enfin, nous présenterons les limites de ces codes de déontologie.
Bibliographie :
Les pages les plus célèbres de la philosophie occidentale de Socrate à nos jours, Denis
Huisman et Marie-Agnès Malfray, Librairie Académique Perrin, 2000
Dictionnaire de la philosophie, Bertrand Vergely, édition Milan, 2004
Les grandes notions de la philosophie, Jean-Pierre Zarader Collectif, édition Ellipse, 2010
Droit et déontologies professionnelles, Collectif Jean-Louis Bergel, édition librairie de
l'université d'Aix-en-Provence, 1997
Le magazine littéraire numéro 504, Dossier : la Morale, Valère Novarina, Dominique
Fernandez, Philippe Sollers, Mathieu Lindon, janvier 2011
Sitographie :
http://www.universalis.fr/encyclopedie/ethique/
http://www.ordre-medecins.org.tn/pdf/CODE_DEONTOLOGIE_MEDICALE__2011.pdf
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Les premières traces des réflexions morales remontent à l'Égypte de la IVème dynastie
(XVIIIème siècle avant Jésus Christ). C'est à ce moment-là que des individus jugèrent leurs
actions avec le souci de correspondre à un certain idéal. Cela se traduisit par l'apparition
d'un genre littéraire, « la sagesse », qui préconisait l'exemplarité pour la vie. A partir de ce
moment, la morale, en introduisant des réflexions sur les comportements et sur les mœurs
dans une perspective hédoniste, participa au bien-être social et à la construction des
sociétés.
Aujourd’hui, du fait de la libéralisation des échanges, les questions sur les relations
humaines ne se cantonnent plus à des territoires isolés. Il est primordial de penser les
actions humaines de manière universelle, au-delà des particularismes sociaux et culturels.
C'est pourquoi l'Éthique trouve aujourd’hui une importance de taille. Dérivé du grec êthos qui
signifie « mœurs », « habitude », « coutume », l'Éthique renvoie à l'étude rationnelle des
différentes manières de vivre dans une optique de recherche du bien-être. Contrairement à la
morale qui renvoie à un système de normes imposées aux membres d'une communauté
particulière, l'Éthique se veut universelle et dynamique, capable de s'adapter aux courbures
du réel. Elle signale la volonté d’interroger les usages et d’orienter la marche à suivre pour
fonder une « communauéthique mondiale ». Sa réalisation concrète prend forme à travers
l'Éthique professionnelle, branche de l'Éthique qui s'intéresse aux problèmes moraux
particuliers qui se posent aux professionnels. Certaines professions, comme la médecine,
ont formalisé leurs restrictions éthiques dans des codes de déontologie, qui regroupent
l'ensemble des droits et devoirs qui régissent la conduite des professionnels mais aussi leurs
rapports avec les autres (clients et public), en vue du respect d'une éthique. Les orientations
éthiques d'une même profession doivent-elles être concrétisées au moyen de codes écrits
pour harmoniser les décisions de l'ensemble de ses acteurs?
Pour répondre à cette question, nous étudierons dans un premier temps l'utilité de tels codes
dans la société et la méthode à mettre en place pour les établir, avant de voir quelles
entraves ils pourraient engendrer.
I. Quelle utilité aux règles déontologiques dans une société humaine ?
L'État de droit, à l’origine du fondement des sociétés
Selon Hobbes
1
, il existe à l'origine de l'humanité un état de nature dans lequel les hommes
n’obéissent qu’à leurs instincts. « L'Homme est un loup pour l’Homme »
2
écrit le philosophe,
signifiant par que les rapports humains sont régis par la loi du plus fort. Les sociétés
naissent lorsque, pour lutter contre la crainte de l'Autre, caractéristique de l'État de Nature,
les Hommes prennent conscience de la nécessité de s'unir sous l'égide d'un chef, gardien de
règles communes. L’établissement de ces règles, qui restreignent la liberté naturelle, permet
aux Hommes de devenir entièrement libres, en accord avec la volonté générale.
Cependant, le relativisme moral implique des lois différentes
Les règles établies pour le bon fonctionnement d’une société sont censées correspondre à
une morale. Cependant, celle-ci est relative aux cultures et aux temporalités d’une société
humaine.
Par exemple, l'article premier de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen qui
stipule que « tous les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », au
1
Thomas Hobbes (1588-1679)
Philosophe anglais
2
Hobbes, Léviathan, 1651, traduction de Tricaud, Sirey.
4
fondement de la société française, va à l’encontre de la polygamie inscrite dans la loi de
certains pays, comme le Sénégal
3
.
De fait, la mondialisation conduit des professionnels à exercer dans des pays dominés par
des cultures qui ne sont pas les leurs. Ils peuvent se trouver confrontés à des
questionnements éthiques dans des pays dont les lois correspondent à une morale
particulière.
Les codes de déontologie facilitent les consensus
En adoptant un comportement éthique, les professionnels, qui détiennent la connaissance
dans leur domaine, prennent conscience de leurs responsabilités vis-à-vis d’autrui pour faire
un exercice de leur profession le plus justement possible.
Universelle par nature, l’éthique doit fédérer les professionnels d’un même domaine autour
de valeurs partagées. Un moyen de la rendre immuable serait l’établissement de codes
déontologiques. Dans le domaine de l'environnement par exemple, la Charte de
l'environnement adjointe à la Constitution établit des règles et des objectifs universels et
consensuels: Pouvoirs publics, sociétés et citoyens savent à quoi s'en tenir dans ce
domaine, qu'il s'agisse des objectifs ou des méthodes.
Les codes de déontologie tempèrent l'arbitraire
Lors de questionnements éthiques, les codes de déontologie évitent de laisser le choix à une
autorité soumise à ses passions propres. A contrario, en France, peut-être par absence de
code déontologique, le domaine de l’urbanisme est encore très lié à l'arbitraire politique. Cela
s’est vu pour le projet du Grand Paris, lancé le 29 avril 2010 par le président de la
République qui a fait travailler dix cabinets d’architectes internationaux dans l’intention de
faire de Paris un modèle de métropole durable. Bien que hors compétition, c’est finalement le
projet du secrétaire d'État au développement de la région-capitale qui l’a emporté. Certains
voient dans ce projet de métro automatique autour de Paris, un projet autoritaire qui se
soucie plutôt de relier les territoires stratégiques que de résoudre les problèmes de transport
des parisiens. Malgré la polémique, il est certain qu’il est difficile pour un gouvernement de
se dire impartial, quand c’est lui qui impose ses choix dans un domaine de compétences qui
relève de différentes institutions. Si un code éthique dans le domaine de l'urbanisme avait
existé en France, peut-être aurait-on pu éviter de laisser le choix à une autorité soumise à
ses passions propres.
Les codes de déontologies évitent les conflits
Les codes de déontologie peuvent arbitrer de nombreuses situations controversées la loi
est elle-même incapable de juger une action.
Si l'Éthique est relative à une pensée, inséparable d’une méthode théorique, quelle
méthode permettrait l’établissement de règles déontologiques ?
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L'article 133 du Code de la famille du Sénégal dispose que le mariage peut être conclu soit sous le
régime de la polygamie (quatre épouses maximum), soit sous le régime de la limitation de la
polygamie (deux ou trois épouses), soit sous le régime de la monogamie.
5
II. Comment établir des codes déontologiques?
Qui serait habilité à instaurer ces règlements éthiques ?
Dans un premier temps, la question se porte sur l’initiateur de ces règles. L’élaboration de
ces règles serait-elle tributaire d’un savoir ?
Il paraît évident que les questions éthiques propres à un domaine spécifique, doivent être
résolues par des professionnels, détenteurs de la connaissance. Mais dans ce cas se pose
le risque d'un conflit d'intérêts. Peut-on être impartial lorsque l'on est professionnel et de ce
fait porteur d'avis personnels sur des sujets controversés? Nous citerons l'exemple d'Axel
Kahn
4
qui, en 1997, alors président de la Commission du génie biomoléculaire, avait, en tant
que professionnel, un avis personnel sur la question des organismes génétiquement modifiés
(OGM). Lorsque des débats eurent lieu au sein de la Commission au sujet des OGM il
affirma son point de vue de professionnel et démissionna de la Commission par dépit en
1997, n'ayant pas reçu l'autorisation de cultiver des OGM en France. Quelques mois plus
tard il fut employé par Rhône-Poulenc, une société qui était impliquée dans la création
d'OGM depuis dix ans.
Cet exemple montre deux choses.
La première, que l’établissement d’un code de déontologie suppose une connaissance et
une expérience dans le domaine concerné, mais aussi une réflexion plus large sur les
conditions humaines. Platon
5
l'avait déjà précisé dans son ouvrage la République. Pour lui, le
dirigeant de Kallipolis, cité idéale, est avant tout philosophe
6
. Ainsi, tout professionnel devrait
être philosophe, apte à méditer sur les conditions humaines et l'impact de leurs actions sur
autrui dans un souci d'humanité.
La deuxième, que l'initiateur de codes de déontologie doit faire bon usage de sa raison et
cela suppose qu'il soit détaché de ses passions. Pour Descartes
7
la raison est un instrument
universel : « les règles ne sont pas celles du mode d’emploi des facultés, mais de la
possibiliou de la nécessité d’en bien user, affirmant qu’il revient à chacun d’en faire bon
usage »
8
.
Finalement, n’est-ce pas quelques privilégiés, détachés de leurs passions, qui sont aptes à
faire usage de leurs raisons pour mettre en place des codes de déontologie ?
Quelle durabilité aux codes de déontologie?
Une autre question concerne le rapport au temps et à l'évolution des techniques et enjeux
contextuels. Peut-on établir un code de déontologie immuable alors que le contexte est
changeant? La médecine montre qu'il n'en est rien : le code de déontologie médicale est
régulièrement révisé pour s'adapter à l'évolution des techniques et de la société. La dernière
révision du code de déontologie médicale de 1993 a été amorcée en 2007 et a duré deux
ans. Elle a concerné notamment le rapport à la mort
9
, les interruptions volontaires de
grossesse
10
... qui sont des sujets ancrés dans les enjeux sociaux actuels.
4
Axel Kahn (1944_)
scientifique, médecin généticien, et essayiste français
5
Platon (428 - 427 av. J.-C., 347 - 346 av. J.-C)
Philosophe grec
6
Platon, La République, V, 473c, trad. L. Robin.
7
René Descartes (1596-1650)
mathématicien, physicien et philosophe français
8
René Descartes, Le discours de la méthode, Étienne Gilson - 1989 - 146 pages
9
Article 58 : [Article (nouveau) :] En toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les
souffrances physiques et morales de son malade. Il lui doit l’assistance et les soins appropriés à son
état de santé sans obstination dans les investigations ou la thérapeutique
10
Article 70 : [Article (nouveau) :] L’interruption de grossesse doit se faire dans des conditions
garantissant la sécurité et la continuité des soins ainsi qu’un soutien psychologique adéquat
L’utilisation du produit de l’avortement à des fins scientifiques ou thérapeutiques doit avoir é
soumise à un comité d’éthique médicale. Elle ne peut en aucun cas conditionner ni le moment ni la
technique ni les modalités générales de l’intervention.
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