OPÉRATION YEUX OUVERTS À NOUAKCHOTT POUR SA TROISIEME MISSION OPHTALMOLOGIQUE BAPTISÉE « YEUX OUVERTS », LA FONDATION SUISSE ALTHEA A MIS LE CAP SUR LA MAURITANIE. AU PROGRAMME, DES OPÉRATIONS DE CATARACTES, GLAUCOMES ET STRABISMES DANS UN PAYS QUI NE COMPTE QUE SEPT OPHTALMOGUES POUR DEUX MILLIONS SEPT CENT MILLE HABITANTS. « Alors, ça va la fatigue? » demande le gardien de nuit à aux membres de l’équipe médicale suisse qui regagnent leurs chambres après une promenade digestive et une longue journée d’opérations. Chef du service d’ophtalmologie de l’hôpital de la Chaux de Fonds, Jean Jacques Tritten que ses compagnons surnomment affectueusement le Professeur Tournesol n’en est pas à sa première mission humanitaire. Tchad, Erythrée, Soudan, Maroc… Il a déjà opéré des centaines, voire des milliers de personnes souffrant de cataractes céciteuses et autres maladies oculaires. Interrogé sur les raisons de sa motivation, il répond pudiquement qu’il n’est pas un passionné de golf puis évoque ses rêves de gosse et sa volonté d’échapper à un système occidental trop déshumanisé pour retrouver une pratique plus altruiste de la médecine. Enfin il rend grâce aux élans de solidarité dont jouit la fondation Althea qu’il copréside « Regardez ce que nous ont donné les fournisseurs, -s’exclame t-il en désignant la quarantaine de colis qu’il s’apprête à enregistrer aux comptoirs de l’aéroport de Cointrin-. Nous avons reçu l’équivalent de 80000 francs de matériel en implants, médicaments et consommables divers. » Sa conviction est communicative. La majorité des neuf médecins et infirmières qui l’accompagnent sont des collègues de travail et avouent avoir accepté de participer à ce projet sur sa simple demande, même Ralph Shibli, l’anesthésiste, présent malgré une cote cassée. Tous font ça bénévolement, pendant leurs congés et s’acquittent de la moitié, voire de la totalité des frais de transport. Seul l’hébergement est pris en charge par l’organisme qui les accueille. « Tous les Soins, Hospitalisations, Médicaments, Lunettes sont Totalement Gratuits ». La phrase écrite en français en arabe, orne la façade de l’hôpital ophtalmologique de la fondation Bouamatou, situé au nord de Nouakchott. La visite du centre est ponctuée par des exclamations sincèrement admiratives. Exceptée Jasmine, la responsable de la stérilisation qui s’inquiète de l’insuffisante température de l’autoclave, toute l’équipe vante la conception bien étudiée de l’établissement et la haute technicité de son équipement. « Monsieur Bouamatou, notre président, considère que ce n’est pas parce que les services sont gratuits et s’adressent aux plus démunis qu’ils doivent être faits au rabais », justifie Sidi Cheikh, le très chaleureux directeur adjoint de l’hôpital chargé de l’accueil. Depuis son ouverture en juillet 2001, l’hôpital Bouamatou a réalisé près de deux mille six cent opérations. Les cataractes cécitantes et autres maladies oculaires touchent près de trente mille personnes auxquelles viennent s’ajouter trois mille nouveaux cas par année. Elles sont essentiellement liées à des facteurs congénitaux ou provoquées par des excès d’exposition aux ultraviolets ou des déshydratations survenues lors de diarrhées infantiles. « Pour éradiquer ce fléau dans un délai raisonnable (dix ans), il faudrait effectuer six mille opérations annuelles, -commente Sidi Ali, le directeur de l’hôpital. Pour l’instant, avec les services de santé publics, nous n’en sommes qu’à quatre mille, c’est pour ça que nous avons besoin de missions telles que la votre ». Comme chaque matin, la salle d’accueil de l’hôpital Bouamatou est bondée, mais la confusion reste sous contrôle. Dans la salle de consultation, un ophtalmologue de Neuchâtel s’étonne de ces pathologies qu’il n’a pas vues depuis trente ans. D’ailleurs, les méthodes d’opération sont aussi très différentes. « Les ultra sons que nous utilisons en Suisse ne seraient ici d’aucune utilité –commente JJ Tritten-. La taille et la dureté des cristallins nous imposent une extraction manuelle ». L’opération consiste ensuite à remplacer le cristallin par un implant intraoculaire en matériau composite grâce auquel le patient retrouvera une netteté de vision. Lui travaille selon une méthode indienne qui consiste à réduire l’incision de la cornée, évitant ainsi la pose de points de sutures et réalisant une substantielle économie sur les fils qui coûtent plusieurs dizaines de francs à l’unité. Outre la réduction du coût et des contrôles post-opératoires, cette technique accélère le processus de cicatrisation et permet une guérison plus rapide. Et il compte bien l’enseigner à ses homologues mauritaniens car pour JJ Tritten, l’échange d’informations avec ses collègues reste un objectif majeur. Dès le troisième jour d’opération, l’équipe semble bien rodée. Jasmine a pu résoudre ses problèmes d’autoclave et les deux anesthésistes, Ralph et Boubakeur, malgré des produits un peu lourds, parviennent à réaliser quatre anesthésies générales par jour sur des enfants en bas age. Au bloc opératoire, la présence de l’équipe mauritanienne s’est faite plus discrète. JJ Tritten y voit une marque de confiance. « Et puis il faut bien comprendre qu’à force d’opérer des cataractes, ils finissent par en avoir marre. Rien à voir avec la Suisse où j’ai vu des internes en venir aux mains pour avoir le privilège d’en opérer une ! ». D’ailleurs leur intérêt pour le travail de l’équipe suisse connaîtra un net regain dès le sixième jour, en voyant les premiers patients opérés par le docteur Tritten qui présentent déjà de remarquables signes de rétablissement. Au retour, le groupe semble plutôt satisfait du travail accompli et de l’accueil chaleureux dont ils ont fait l’objet dans un pays réputé pour son sens de l’hospitalité. Le bilan sur huit jours d’opérations, fait état de cent quarante interventions réalisées par les membres d’Althea. « Un score honorable d’autant que certains patients présentaient des cas complexes, -conclut Tritten-. Et nos amis mauritaniens aimeraient bien qu’on revienne faire une mission à Atâr, dans le nord du pays où les besoins semblent très importants ». Mission à suivre… Pierre Abensur Fondation Althea Av. de Lavaux, 88 1009 Pully Switzerland Tél. ++ 41 21 728 16 83 Fax ++ 41 21 728 3188 www.fondation-althea.org e-mail : [email protected] Compte : Banque Cantonale Vaudoise N° Z 5042.90.83 clearing:767