Enseignement Pierre Charignon - Eglise Catholique en Ardèche

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St Jean Marie Vianney :
Quels prêtres pour aujourd’hui ?
Préambule :
Message électronique de l’ami Fred (Frédéric SEILLER, prêtre ardéchois et pote de
séminaire) => MISSION IMPOSSIBLE
 Emetteur peu qualifié : l’évêque de Valence a été très marqué par une BD sur le Saint
Curé d’Ars qu’il a lue durant son enfance alors que j’étais déjà au Séminaire quand
j’ai vraiment entendu parler de Jean-Marie Vianney lors d’une sortie à Ars.
MAIS j’ai pu compter sur deux autres potes de séminaire de ce diocèse de Belley-Ars :
Roger, vicaire général, qui m’a ‘vendu’ ses notes d’une conférence qu’il a faite
récemment ; Pierre, auteur de « Prier 15 jours avec le Curé d’Ars » et, surtout, en cette
année sacerdotale, j’ai été invité à mieux découvrir le saint patron des prêtres, c’est donc
une chance que je saisis avec vous.
 Récepteurs pas forcément sur la bonne longueur d’onde : la majorité de l’auditoire a
très peu de chances de devenir prêtre or le curé d’Ars est le saint patron des prêtres.
MAIS dans la lettre du pape Benoît XVI qui annonçait l’année sacerdotale, on peut lire :
« Une telle année veut contribuer à promouvoir un engagement de renouveau intérieur pour
tous les prêtres afin de rendre plus incisif et plus vigoureux leur témoignage évangélique
dans le monde d’aujourd’hui ». C’est pour relancer les prêtres sur le chemin de
l’évangélisation que le pape donne en exemple le curé d’Ars. Or, toute l’évangélisation ne
passe pas par les prêtres, ne repose pas sur les prêtres ; elle est une tâche de tous les membres
de l’Eglise : les laïcs, les religieux, les diacres. Il n’empêche que ces différents acteurs doivent
se stimuler mutuellement. Le cardinal Hummes, préfet de la congrégation romaine pour le
clergé a cette belle formule : « Quand les prêtres se bougent, l’Eglise avance ! ». En
reprenant cette parole du cardinal, regardons ensemble l’histoire de ce prêtre qui s’est bougé
et nous en verrons alors toutes les conséquences pour l’évangélisation de sa paroisse. Avec le
curé d’Ars, c’est vraiment manifeste, un curé s’est bougé et l’Eglise a avancé !
 Thème écartelant : du singulier (un modèle unique) au pluriel (des prêtres très divers),
de l’historique au contemporain : le saint curé est mort il y a plus de 150 ans, quand il
n’y avait pas de… (liste). MAIS pour réduire cet écartèlement, vous avez votre rôle :
pensez maintenant à un ou deux prêtres que vous connaissez et gardez-les en mémoire
tout au long de mon intervention et tâchez de voir en quoi ils ressemblent à leur saint
patron. Pour ma part, et toujours pour réduire l’écartèlement dû à notre sujet, c’est le
prêtre d’aujourd’hui que je suis qui a fait un tri dans tout ce qu’on peut dire au sujet de
JMV j’ai trempé ce que j’ai à vous dire dans le bain d’une émission télé de ma
jeunesse ET qui existe encore…
Les chiffres et les lettres : chiffres (86, 59, 0), lettres (paroles, actions, personne)
1786 (naissance de JMV) / 1986 (livre Dupleix, ordinations presbytérales de F. SEILLER et
de P. CHARIGNON, Jean-Paul II à Ars) + 1859 (mort de JMV) / 1959 (naissances de P.
CHARIGNON et de F. SEILLER) = liens chiffrés de JMV avec 2 prêtres d’aujourd’hui.
Avec l’humour qui caractérisait le curé d’Ars, il aimait dire : « Je suis comme les zéros, je
n’ai de valeur que mis à côté des autres ! » On croit entendre St Paul dans la 2° aux
Corinthiens parler de ceux qui exercent le ministère : ils portent un véritable trésor mais dans
des poteries sans valeur.
1
Introduction :
Savez-vous pourquoi l’évangile de Thomas n’a pas été retenu comme texte fondateur par
l’Eglise primitive ? Parce qu’il s’agissait d’une collection de paroles de Jésus alors que les
quatre évangiles qui ont été retenus présentent des paroles, des actions et la personne de Jésus
à travers une narration. C’est pourquoi j’ai gardé ces trois mots (paroles, actions, personne)
pour jouer avec les lettres et, surtout, pour approfondir notre connaissance du saint curé d’Ars
et ainsi enrichir notre relation au Christ dans ce que je dis, ce que je fais, ce que je suis.
1- Paroles
11- En lui apprenant sa nomination à Ars le vicaire général Courbon aura une parole
prophétique, il lui dit : « Il n’y a pas beaucoup d’amour du Bon Dieu, vous tâcherez d’en
mettre un peu ». C’était une manière de le prévenir qu’on ne lui avait pas fait un cadeau, mais
Jean-Marie accueillera cette parole comme sa feuille de route, son ministère à Ars n’aura
qu’un seul objectif : mettre de l’amour du Bon Dieu. Le jour où il arrive en février 1818,
c’était un jour de grand brouillard, il se perd et un petit berger Antoine Givre à qui il demande
son chemin. Lui ayant indiqué le chemin d’Ars, Jean-Marie Vianney lui dit : « tu m’as montré
le chemin d’Ars, je te montrerai le chemin du ciel ! » Montrer le chemin du ciel, ça sera aussi
l’un des axes de son ministère, montrer le chemin qui conduit à Dieu. Jean-Marie Vianney
n’est pas venu pour faire du social dans ce petit village et pourtant, nous le verrons, il va en
faire et de belle manière, il est venu évangéliser et évangéliser, c’est montrer le chemin du
ciel, montrer le chemin qui conduit à Dieu.
12- Dans la liturgie des Heures (4 août), extrait du catéchisme de JMV sur la prière : « Mes
enfants, vous avez un petit cœur, mais la prière l’élargit et le rend capable d’aimer Dieu… La
prière est un avant-goût du ciel, un écoulement du paradis. Elle ne nous laisse jamais sans
douceur. C’est un miel qui descend dans l’âme et adoucit tout. Les peines se fondent devant
une prière bien faite, comme la neige devant le soleil… ». Avec cette belle citation on imagine
le curé d’Ars nageant dans la prière comme un poisson dans l’eau. Or, il a connu comme tous
les mystiques, comme chacun de nous le combat de la prière ou la nuit obscure des sens ; il va
même jusqu’à dire : « Il y a certains jours où j’entrais dans mon église avec le dégoût de la
prière ». Mais il n’a jamais changé son programme pour donner moins de temps à la prière, au
contraire ! « Je l’avise, il m’avise » dialogue => liturgie communautaire = prière par
excellence.
13- « Je n’ai pas autre chose à vous prouver que l’indispensable obligation où nous sommes
de devenir des saints ». Dès que j’ai lu cette phrase, je n’ai pu m’empêcher de faire le
rapprochement avec une des rares citations bibliques que je connaisse par cœur : « La volonté
de Dieu, c’est votre sanctification » (1 Th 4,3). Nous sommes toutes et tous appelés à la
sainteté, et il nous faut désirer, vouloir cette sainteté car elle est la mise en pratique dans nos
vie de l’amour de Dieu, elle est union totale à Dieu, elle est prise au sérieux de notre vocation
et de notre mission de baptisés. Les passionnés de Dieu sont des gens qui dérangent, car ils
remettent en question la façon dont nous vivons notre vie. Ils dérangent car, comme le disait
JMV, « là où les saints passent, Dieu passe avec eux… ».
2
2- Actions
21- Il visite ses paroissiens. A cette époque, les curés n’allaient pas visiter leurs paroissiens.
Certains entretenaient des relations avec des grandes familles de bienfaiteurs et participaient à
des repas mondains, mais les curés n’allaient pas comme ça chez les gens sauf s’il y avait un
mourant. Le curé d’Ars, lui, va visiter systématiquement tous ses paroissiens. Il était luimême paysan et pouvait parler avec eux, il s’intéressait à leur vie concrète. Mais un témoin
atteste que dans ces visites d’où qu’il parte, il arrivait toujours à parler du Bon Dieu ! Et, dans
ces visites, il sera courageux pour dire à ses paroissiens ce qu’il croit nécessaire de leur dire,
même si ça ne leur fait pas bien plaisir, mais il le dira toujours avec amour et humour.
22- Il s’engage socialement. En arrivant à Ars, Jean-Marie Vianney constate que la pratique
dominicale est faible et surtout que le dimanche, tout le monde travaille. Alors il va
entreprendre une grande bataille pour que le dimanche soit respecté par tous, y compris par
les valets de ferme, les servantes et là ça va lui causer pas mal de problèmes. Les fermiers
propriétaires, au bout d’un moment, ont renoncé à travailler le dimanche et à venir plus
régulièrement à la messe. Cette situation ne contente pas le curé d’Ars, il veut aussi obtenir
que le dimanche soit libéré pour les valets, les servantes. Il ne lâchera pas le morceau et
arrivera à ses fins. Du coup, étant libres, le dimanche, les valets allaient se promener pour voir
leurs amis qui étaient eux-mêmes valets dans les villages environnants et ils leur expliquaient
qu’ils avaient obtenu un jour de congé grâce au curé d’Ars. Les valets des environs vont
mener toute une rébellion pour obtenir eux aussi le dimanche libéré. A l’époque, le curé d’Ars
n’était pas en odeur de sainteté dans toutes les fermes de la région : huit propriétaires terriens
vont tout mettre en œuvre pour le faire partir, ils font une pétition à l’évêché : mais de quoi se
mêle ce petit curé, qu’il s’occupe de sa sacristie ! Cette bataille est assez symptomatique de
ses convictions : on ne peut séparer l’amour de Dieu et l’amour des hommes. Il s’est battu
pour que le dimanche soit rendu à Dieu et quand on travaille pour Dieu, on travaille aussi
pour la promotion de l’homme.
23- Il a entrepris une sorte de croisade pour faire fermer les cabarets d’Ars et supprimer les
bals. Le cabaret était un café où on buvait un mauvais vin, il y en avait plusieurs à Ars alors
que le village était tout petit. Le curé d’Ars a vite compris que les hommes y dépensaient bien
trop d’argent, qu’ils se mettaient dans des états pas possibles qui entraînaient à leur retour à la
maison des scènes de ménage qui pouvaient se terminer en violences et qu’ils ruinaient leur
santé. Il va mener une longue bataille, et là encore, il obtiendra gain de cause, les cabarets
fermeront. Une enquête sociologique faite par le chanoine Boulard montrera qu’à la fin de son
ministère à Ars, l’espérance de vie avait augmenté de 10 ans ! Il ne s’est pas battu contre les
cabarets parce qu’il était austère mais parce qu’il aimait ses paroissiens et qu’il ne pouvait pas
supporter de les voir se détruire, détruire leurs foyers.
Une autre enquête du chanoine Boulard a montré qu’à Ars il y avait une proportion
anormalement élevée de filles-mères. C’était la conséquence des fins de bal. Le curé d’Ars a
vite compris que ces pauvres filles ruinaient leur vie. Avec un enfant sur les bras et pas de
mari, elles étaient vouées à être servantes toute leur vie. C’est pour arrêter ce cercle infernal
que le curé d’Ars va lutter contre le bal. Et il y mettra le prix, c’est le cas de le dire. Un jour, il
savait qu’il devait y avoir un bal avec un musicien qui venait d’un village voisin, il va à sa
rencontre et lui demande combien on allait lui donner pour jouer, il lui donne le double et lui
demande de repartir ! Avec quelques coups comme cela et les discussions qu’il aura dans les
familles au cours de ses visites chez les gens, peu à peu les bals vont s’arrêter. Pour
compenser la suppression du bal, il crée de multiples confréries pour occuper sainement et
pieusement les jeunes !
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3- Une personne sous plusieurs angles
(statue du saint curé qui prie)
(listes des angles utilisés par Pierre BLANC et André DUPLEIX)
31- Un homme du présent
Toute l’enfance de JMV est marquée par La Révolution française et ses conséquences et tout
son ministère se déroule dans un contexte politique fluctuant : empire, monarchie, république,
de nouveau empire. La France a du mal à trouver la paix véritable. Trois révolutions, deux
coups d’Etat, deux périodes de terreur ont marqué l’histoire entre 1786 et 1859. Sur le plan
religieux, l’anticléricalisme se manifeste à certaines périodes, en particulier 1830.
Ces grandes lignes historiques suffisent pour souligner combien Jean-Marie Vianney est
d’une grande actualité :
- On parle aujourd’hui d’une crise des vocations, et c’est vrai, mais n’oublions pas qu’au
temps du curé d’Ars, on est passé de 120 000 prêtres à 40 000 ! C’est dans cette situation
troublée qu’il sera un prêtre admirable.
- On parle d’une société déchristianisée dans laquelle l’Eglise n’est plus reconnue, est
chahutée et c’est vrai, mais n’oublions pas la manière dont l’Eglise a été traitée au cours de la
Révolution et ensuite par Napoléon. A titre d’exemple, rappelons-nous que le pape Pie VI a
été fait prisonnier, transporté en plusieurs lieux de captivité pour finir en France, à Valence. Il
va mourir épuisé, le 29 août 1799 et sera enterré civilement dans un premier temps !
Rappeler ce contexte troublé et dire que c’est dans ce contexte troublé d’une Eglise divisée,
contestée, affaiblie que Jean-Marie Vianney a voulu devenir prêtre et que Dieu en a fait un
Saint est plein d’espérance. Quand ça va mal, il ne faut pas faire le dos rond en attendant que
ça aille mieux ! Jean-Marie Vianney a affronté et relevé les défis de son temps. St François de
Sales, il y a 400 ans, disait : « Fleuris, là où Dieu t’a planté ! ». Il ne nous faut pas attendre
des temps meilleurs, des lieux plus propices pour fleurir, c’est ici et maintenant qu’il nous
faut fleurir car c’est là que Dieu nous a plantés. C’est le témoignage que donne Jean-Marie
Vianney. Aucune époque n’est une époque idéale, nous devons chasser de nos esprits le
mythe du bon vieux temps ou celui des lendemains meilleurs. Jean-Marie Vianney était un
homme, un prêtre, un curé du présent et il nous rappelle aujourd’hui que le chrétien est un
homme du présent parce que le Christ règne « maintenant et pour les siècles des siècles »,
parce que c’est le présent qui a saveur d’éternité.
32- Un homme présent
Il avance vers le village et dès qu’il a embrassé le sol, il s’exclame : Mon Dieu, que c’est
petit ! Il réalise bien qu’on ne lui a pas fait une promotion en le nommant ici ! 230 personnes,
c’est entre 30 et 40 maisons ! Pour ne pas se décourager, en arrivant, sa première visite est
pour l’église. Avant même de rentrer au presbytère et d’y déposer ses affaires, il va à l’église,
une église qu’il trouve dans un grand état de délabrement. Les témoins diront qu’il avait fait
de son église sa résidence principale. Au début, il habitait son église parce que, n’ayant pas
grand-chose à faire, il y passait le plus clair de son temps en prière, demandant au Seigneur de
lui accorder la conversion de sa paroisse. A Ecully, chez Mr Balley, il avait pris l’habitude,
donnée par ce saint prêtre, d’être dès 4h du matin à l’église pour un long temps d’oraison, la
prière du bréviaire et la célébration de la messe. Oui, mais à Ecully, c’était nécessaire de se
lever aussi tôt si on voulait donner un bon temps à la prière car le reste de la journée allait être
chargé pour ces prêtres. Mais, là, à Ars, dans la journée, il n’a pas grand chose à faire et
pourtant, il garde cette habitude. Du coup les paroissiens sont intrigués, même quand ils se
lèvent très tôt pour aller dans leurs champs, il y a déjà la lumière de la lanterne du curé dans
l’église. Alors, on va commencer à dire : «Il faut bien qu’il y trouve du plaisir pour y passer
tant de temps. » Il est en train de réussir sa mission par l’exemple de sa vie. Et puis, quelques
4
années après, aux plus beaux jours du pèlerinage, il habitera son église parce que, débordé par
l’afflux de pèlerins, il devra rester jusqu’à 17h par jour dans son confessionnal !
33- Humble
S’il est un modèle, c’est aussi en raison de cette conscience aiguë qu’il aura de la grandeur du
sacerdoce, une grandeur invraisemblable et en même temps, il aura une conscience parfois
maladive de son indignité. C’est ce qui le tiendra dans une très très grande humilité même
quand il y aura beaucoup de monde, quand il aura beaucoup de succès. L’humilité est la clé
de la fécondité en matière d’évangélisation. Quand l’orgueil prend le dessus, plus ou moins
consciemment, c’est à nous que nous conduisons les gens et non plus à Dieu.
Nous connaissons ses paroles admirables sur le sacerdoce : « Le sacerdoce, c’est l’amour du
cœur de Jésus. » Ou encore : « Mon Dieu que le prêtre est grand, nous ne le comprendrons
bien qu’au ciel. » Un grand, un très grand sacerdoce mais exercé par un petit, un tout petit, du
moins telle était sa conviction.
Il aura une grande idée du sacerdoce et pourtant il aura à souffrir de ses confrères,
particulièrement de son auxiliaire Mr Raymond. Un jour répondant à des gens qui lui faisaient
remarquer que cet auxiliaire était vraiment trop dur avec lui, il répond : « Oh, il ne faut pas
exagérer il ne m’a encore jamais battu ! » Un jeune confrère d’une paroisse voisine lui dira
devant tout le monde : « Quand on a aussi peu de théologie que vous, on ne devrait pas entrer
dans un confessionnal. » Et ces confrères qui le critiquaient, qui interdisaient à leurs
paroissiens de venir à Ars, il les remplacera à chaque fois qu’ils en auront besoin. C’est bien
parce qu’il avait cette haute idée du sacerdoce qu’il était capable de dépasser le côté si
méchant de certains confrères, ils étaient peut-être méchants, mais ils étaient prêtres ! Et en
plus, Jean-Marie ne voulait pas se contenter de parler des Ecritures, il voulait les vivre !
Quand St Paul nous dit : « Sois vainqueur du mal par le bien » Rm 12,21, ce n’est pas de la
littérature, de la poésie, ça doit devenir notre ligne de conduite, en tout cas, ce fut celle du
curé d’Ars.
S’il a été critiqué, humilié par ses confrères, il sera beaucoup soutenu par ses évêques
successifs. « Le curé d’Ars n’est peut-être pas très instruit, mais il est éclairé ! » dira l’un
d’eux. Et à un repas où il mangeait à côté de l’évêque, mal fagoté comme à son habitude, il
n’avait pas mis la ceinture de sa soutane, ses confrères se moquent de lui : il est à côté de
l’évêque et regarde à quoi il ressemble ! L’évêque entend ces reproches et dit d’un ton
cinglant : « Mr Vianney sans ceinture vaut bien d’autres prêtres avec ceinture ! »
34- Parmi les humbles
Son amour des pauvres et particulièrement des mendiants de passage qui viennent chez lui est
remarquable. Il avait été à bonne école chez ses parents : il y avait toujours des pauvres à la
table familiale. On était dans cette époque troublée de la Révolution, certains avaient tout
perdu, la maison Vianney était connue comme une maison accueillante et c’est ainsi que sera
accueilli celui qui deviendra St Benoît-Joseph Labre. La caractéristique du curé d’Ars, c’est
qu’il faisait la charité en respectant la dignité de ceux à qui il donnait. Par exemple, il achetait
les croûtons de pain rassis des pauvres, prétextant un mal d’estomac qui l’empêchait de
manger du pain frais et ainsi il ne les humiliait pas par un don impossible à rendre.
Et puis il y a eu sa maison de Providence où il recueillait les orphelines pour les instruire, leur
apprendre à travailler, à tenir une maison. Il avait tant reçu de sa mère qu’il savait que les
filles auraient une place décisive dans l’éducation, la transmission des valeurs, bref que les
femmes jouaient un rôle déterminant dans la vie en société. Cette maison de la Providence a
été l’œuvre de sa vie, il a donné le meilleur de lui-même et Dieu va faire des miracles. Il n’a
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pas voulu que ce soient des religieuses qui fassent l’école dans sa maison. Il disait que les
religieuses, c’étaient des dames de bonnes familles et qu’elles ne comprendraient pas ses
petites orphelines paysannes. Il a choisi deux filles du peuple, Benoîte Lardet et Catherine
Lassagne, elles savaient à peine lire et écrire, il les a envoyées se former, pas très longtemps
d’ailleurs car il était pressé d’ouvrir. Sa joie fut grande de voir ces jeunes femmes comprendre
ces petites filles.
35- Un homme eucharistique
L’Eucharistie célébrée et adorée. Il ne passait pas un temps infini à la célébration de la
messe : ½ heure en semaine disait-il, c’est suffisant. Mais il célébrait avec une telle foi en la
présence réelle de Jésus dans ce sacrement que cette foi devenait contagieuse. « Il n’y a rien
de si grand que l’Eucharistie » disait-il et il insistait sur la présence de Dieu par l’eucharistie
en répétant : « Dieu est là,… Jésus est là… ». Parole et présence étaient liées. La prédication
se nourrissait de la présence. L’autel et la chaire étaient les deux appels de Dieu. Il finissait
rarement un sermon ou un catéchisme sans parler de l’eucharistie. Il accordait une très grande
importance à la qualité de la célébration (« Rien n’est trop beau pour Dieu ») et il savait
qu’une liturgie peut convertir celui qui y participe mais cette qualité trouve sa source dans la
vie intérieure de celui qui célèbre. L’eucharistie, sacrement de la vie et de la renaissance est
un don de Dieu à la création, c’est Dieu tout entier (Trinité) qui vient rencontrer l’homme et
lui proposer son Amour et ce rapport entre l’Eternité et l’humanité devient une occasion
d’émerveillement et de reconnaissance.
36- Heureux le miséricordieux
Le confesseur infatigable qu’il a été révèle un grand pilier de la vie de JMV : la miséricorde,
la miséricorde reçue et donnée. La miséricorde (tendresse fidèle), c’est le souffle de Dieu qui
vient balayer tout ce qui encombre notre cœur. « Quelle grande bonté de Dieu : son bon cœur
est un océan de miséricorde ; ainsi quelque grands pécheurs que nous puissions être, ne
désespérons jamais de notre salut ». Assurés de la miséricorde de Dieu, il n’y a aucun
empêchement à répondre avec enthousiasme à l’appel de St Paul : « Laissez-vous réconcilier
avec Dieu » (2 Co 5,20 – 2ème lecture du mercredi des Cendres)
En guise de conclusion, ouverture…
Paul VI dans Evangelii Nuntiandi avait affirmé : « Le monde contemporain écoute plus
volontiers les témoins que les maîtres ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont aussi
des témoins. » Cela résume tellement bien la vie du curé d’Ars que, à son procès de
canonisation, un paroissien dira ce bel éloge : « Notre curé, il faisait ce qu’il disait ! »
Accorder nos paroles à nos actes, ce que je dis à ce que je fais, c’est bien la partie visible de
notre iceberg, la partie invisible étant notre personnalité profonde, ce que je suis. Avancer
vers la sainteté, à la manière de JMV, c’est laisser le Christ construire l’unité de notre
personne.
C’est Jean-Paul II qui avait dit en venant à Ars en 1986 : « Le Curé d’Ars demeure pour tous
les pays un modèle hors pair, à la fois de l’accomplissement du ministère et de la sainteté du
ministre ». Il est un modèle parce qu’il a vécu jusqu’au bout ce qu’on appelle la charité
pastorale. Qu’est-ce que la charité pastorale ? Jean-Paul II en a donné une définition dans
Pastores Dabo Vobis : « c’est la vertu par laquelle les ministres ordonnés imitent le Christ
dans son don de soi et dans son service, ... c’est la vertu qui détermine notre façon de penser
et d’agir, ... c’est le principe intérieur et dynamique capable d’unifier les diverses et multiples
activités du prêtre, ... c’est un choix d’amour par lequel l’Église et les âmes deviennent son
intérêt principal ». (PDV n°23).
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