St Jean Marie Vianney : Quels prêtres pour aujourd’hui ? Préambule : Message électronique de l’ami Fred (Frédéric SEILLER, prêtre ardéchois et pote de séminaire) => MISSION IMPOSSIBLE Emetteur peu qualifié : l’évêque de Valence a été très marqué par une BD sur le Saint Curé d’Ars qu’il a lue durant son enfance alors que j’étais déjà au Séminaire quand j’ai vraiment entendu parler de Jean-Marie Vianney lors d’une sortie à Ars. MAIS j’ai pu compter sur deux autres potes de séminaire de ce diocèse de Belley-Ars : Roger, vicaire général, qui m’a ‘vendu’ ses notes d’une conférence qu’il a faite récemment ; Pierre, auteur de « Prier 15 jours avec le Curé d’Ars » et, surtout, en cette année sacerdotale, j’ai été invité à mieux découvrir le saint patron des prêtres, c’est donc une chance que je saisis avec vous. Récepteurs pas forcément sur la bonne longueur d’onde : la majorité de l’auditoire a très peu de chances de devenir prêtre or le curé d’Ars est le saint patron des prêtres. MAIS dans la lettre du pape Benoît XVI qui annonçait l’année sacerdotale, on peut lire : « Une telle année veut contribuer à promouvoir un engagement de renouveau intérieur pour tous les prêtres afin de rendre plus incisif et plus vigoureux leur témoignage évangélique dans le monde d’aujourd’hui ». C’est pour relancer les prêtres sur le chemin de l’évangélisation que le pape donne en exemple le curé d’Ars. Or, toute l’évangélisation ne passe pas par les prêtres, ne repose pas sur les prêtres ; elle est une tâche de tous les membres de l’Eglise : les laïcs, les religieux, les diacres. Il n’empêche que ces différents acteurs doivent se stimuler mutuellement. Le cardinal Hummes, préfet de la congrégation romaine pour le clergé a cette belle formule : « Quand les prêtres se bougent, l’Eglise avance ! ». En reprenant cette parole du cardinal, regardons ensemble l’histoire de ce prêtre qui s’est bougé et nous en verrons alors toutes les conséquences pour l’évangélisation de sa paroisse. Avec le curé d’Ars, c’est vraiment manifeste, un curé s’est bougé et l’Eglise a avancé ! Thème écartelant : du singulier (un modèle unique) au pluriel (des prêtres très divers), de l’historique au contemporain : le saint curé est mort il y a plus de 150 ans, quand il n’y avait pas de… (liste). MAIS pour réduire cet écartèlement, vous avez votre rôle : pensez maintenant à un ou deux prêtres que vous connaissez et gardez-les en mémoire tout au long de mon intervention et tâchez de voir en quoi ils ressemblent à leur saint patron. Pour ma part, et toujours pour réduire l’écartèlement dû à notre sujet, c’est le prêtre d’aujourd’hui que je suis qui a fait un tri dans tout ce qu’on peut dire au sujet de JMV j’ai trempé ce que j’ai à vous dire dans le bain d’une émission télé de ma jeunesse ET qui existe encore… Les chiffres et les lettres : chiffres (86, 59, 0), lettres (paroles, actions, personne) 1786 (naissance de JMV) / 1986 (livre Dupleix, ordinations presbytérales de F. SEILLER et de P. CHARIGNON, Jean-Paul II à Ars) + 1859 (mort de JMV) / 1959 (naissances de P. CHARIGNON et de F. SEILLER) = liens chiffrés de JMV avec 2 prêtres d’aujourd’hui. Avec l’humour qui caractérisait le curé d’Ars, il aimait dire : « Je suis comme les zéros, je n’ai de valeur que mis à côté des autres ! » On croit entendre St Paul dans la 2° aux Corinthiens parler de ceux qui exercent le ministère : ils portent un véritable trésor mais dans des poteries sans valeur. 1 Introduction : Savez-vous pourquoi l’évangile de Thomas n’a pas été retenu comme texte fondateur par l’Eglise primitive ? Parce qu’il s’agissait d’une collection de paroles de Jésus alors que les quatre évangiles qui ont été retenus présentent des paroles, des actions et la personne de Jésus à travers une narration. C’est pourquoi j’ai gardé ces trois mots (paroles, actions, personne) pour jouer avec les lettres et, surtout, pour approfondir notre connaissance du saint curé d’Ars et ainsi enrichir notre relation au Christ dans ce que je dis, ce que je fais, ce que je suis. 1- Paroles 11- En lui apprenant sa nomination à Ars le vicaire général Courbon aura une parole prophétique, il lui dit : « Il n’y a pas beaucoup d’amour du Bon Dieu, vous tâcherez d’en mettre un peu ». C’était une manière de le prévenir qu’on ne lui avait pas fait un cadeau, mais Jean-Marie accueillera cette parole comme sa feuille de route, son ministère à Ars n’aura qu’un seul objectif : mettre de l’amour du Bon Dieu. Le jour où il arrive en février 1818, c’était un jour de grand brouillard, il se perd et un petit berger Antoine Givre à qui il demande son chemin. Lui ayant indiqué le chemin d’Ars, Jean-Marie Vianney lui dit : « tu m’as montré le chemin d’Ars, je te montrerai le chemin du ciel ! » Montrer le chemin du ciel, ça sera aussi l’un des axes de son ministère, montrer le chemin qui conduit à Dieu. Jean-Marie Vianney n’est pas venu pour faire du social dans ce petit village et pourtant, nous le verrons, il va en faire et de belle manière, il est venu évangéliser et évangéliser, c’est montrer le chemin du ciel, montrer le chemin qui conduit à Dieu. 12- Dans la liturgie des Heures (4 août), extrait du catéchisme de JMV sur la prière : « Mes enfants, vous avez un petit cœur, mais la prière l’élargit et le rend capable d’aimer Dieu… La prière est un avant-goût du ciel, un écoulement du paradis. Elle ne nous laisse jamais sans douceur. C’est un miel qui descend dans l’âme et adoucit tout. Les peines se fondent devant une prière bien faite, comme la neige devant le soleil… ». Avec cette belle citation on imagine le curé d’Ars nageant dans la prière comme un poisson dans l’eau. Or, il a connu comme tous les mystiques, comme chacun de nous le combat de la prière ou la nuit obscure des sens ; il va même jusqu’à dire : « Il y a certains jours où j’entrais dans mon église avec le dégoût de la prière ». Mais il n’a jamais changé son programme pour donner moins de temps à la prière, au contraire ! « Je l’avise, il m’avise » dialogue => liturgie communautaire = prière par excellence. 13- « Je n’ai pas autre chose à vous prouver que l’indispensable obligation où nous sommes de devenir des saints ». Dès que j’ai lu cette phrase, je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec une des rares citations bibliques que je connaisse par cœur : « La volonté de Dieu, c’est votre sanctification » (1 Th 4,3). Nous sommes toutes et tous appelés à la sainteté, et il nous faut désirer, vouloir cette sainteté car elle est la mise en pratique dans nos vie de l’amour de Dieu, elle est union totale à Dieu, elle est prise au sérieux de notre vocation et de notre mission de baptisés. Les passionnés de Dieu sont des gens qui dérangent, car ils remettent en question la façon dont nous vivons notre vie. Ils dérangent car, comme le disait JMV, « là où les saints passent, Dieu passe avec eux… ». 2 2- Actions 21- Il visite ses paroissiens. A cette époque, les curés n’allaient pas visiter leurs paroissiens. Certains entretenaient des relations avec des grandes familles de bienfaiteurs et participaient à des repas mondains, mais les curés n’allaient pas comme ça chez les gens sauf s’il y avait un mourant. Le curé d’Ars, lui, va visiter systématiquement tous ses paroissiens. Il était luimême paysan et pouvait parler avec eux, il s’intéressait à leur vie concrète. Mais un témoin atteste que dans ces visites d’où qu’il parte, il arrivait toujours à parler du Bon Dieu ! Et, dans ces visites, il sera courageux pour dire à ses paroissiens ce qu’il croit nécessaire de leur dire, même si ça ne leur fait pas bien plaisir, mais il le dira toujours avec amour et humour. 22- Il s’engage socialement. En arrivant à Ars, Jean-Marie Vianney constate que la pratique dominicale est faible et surtout que le dimanche, tout le monde travaille. Alors il va entreprendre une grande bataille pour que le dimanche soit respecté par tous, y compris par les valets de ferme, les servantes et là ça va lui causer pas mal de problèmes. Les fermiers propriétaires, au bout d’un moment, ont renoncé à travailler le dimanche et à venir plus régulièrement à la messe. Cette situation ne contente pas le curé d’Ars, il veut aussi obtenir que le dimanche soit libéré pour les valets, les servantes. Il ne lâchera pas le morceau et arrivera à ses fins. Du coup, étant libres, le dimanche, les valets allaient se promener pour voir leurs amis qui étaient eux-mêmes valets dans les villages environnants et ils leur expliquaient qu’ils avaient obtenu un jour de congé grâce au curé d’Ars. Les valets des environs vont mener toute une rébellion pour obtenir eux aussi le dimanche libéré. A l’époque, le curé d’Ars n’était pas en odeur de sainteté dans toutes les fermes de la région : huit propriétaires terriens vont tout mettre en œuvre pour le faire partir, ils font une pétition à l’évêché : mais de quoi se mêle ce petit curé, qu’il s’occupe de sa sacristie ! Cette bataille est assez symptomatique de ses convictions : on ne peut séparer l’amour de Dieu et l’amour des hommes. Il s’est battu pour que le dimanche soit rendu à Dieu et quand on travaille pour Dieu, on travaille aussi pour la promotion de l’homme. 23- Il a entrepris une sorte de croisade pour faire fermer les cabarets d’Ars et supprimer les bals. Le cabaret était un café où on buvait un mauvais vin, il y en avait plusieurs à Ars alors que le village était tout petit. Le curé d’Ars a vite compris que les hommes y dépensaient bien trop d’argent, qu’ils se mettaient dans des états pas possibles qui entraînaient à leur retour à la maison des scènes de ménage qui pouvaient se terminer en violences et qu’ils ruinaient leur santé. Il va mener une longue bataille, et là encore, il obtiendra gain de cause, les cabarets fermeront. Une enquête sociologique faite par le chanoine Boulard montrera qu’à la fin de son ministère à Ars, l’espérance de vie avait augmenté de 10 ans ! Il ne s’est pas battu contre les cabarets parce qu’il était austère mais parce qu’il aimait ses paroissiens et qu’il ne pouvait pas supporter de les voir se détruire, détruire leurs foyers. Une autre enquête du chanoine Boulard a montré qu’à Ars il y avait une proportion anormalement élevée de filles-mères. C’était la conséquence des fins de bal. Le curé d’Ars a vite compris que ces pauvres filles ruinaient leur vie. Avec un enfant sur les bras et pas de mari, elles étaient vouées à être servantes toute leur vie. C’est pour arrêter ce cercle infernal que le curé d’Ars va lutter contre le bal. Et il y mettra le prix, c’est le cas de le dire. Un jour, il savait qu’il devait y avoir un bal avec un musicien qui venait d’un village voisin, il va à sa rencontre et lui demande combien on allait lui donner pour jouer, il lui donne le double et lui demande de repartir ! Avec quelques coups comme cela et les discussions qu’il aura dans les familles au cours de ses visites chez les gens, peu à peu les bals vont s’arrêter. Pour compenser la suppression du bal, il crée de multiples confréries pour occuper sainement et pieusement les jeunes ! 3 3- Une personne sous plusieurs angles (statue du saint curé qui prie) (listes des angles utilisés par Pierre BLANC et André DUPLEIX) 31- Un homme du présent Toute l’enfance de JMV est marquée par La Révolution française et ses conséquences et tout son ministère se déroule dans un contexte politique fluctuant : empire, monarchie, république, de nouveau empire. La France a du mal à trouver la paix véritable. Trois révolutions, deux coups d’Etat, deux périodes de terreur ont marqué l’histoire entre 1786 et 1859. Sur le plan religieux, l’anticléricalisme se manifeste à certaines périodes, en particulier 1830. Ces grandes lignes historiques suffisent pour souligner combien Jean-Marie Vianney est d’une grande actualité : - On parle aujourd’hui d’une crise des vocations, et c’est vrai, mais n’oublions pas qu’au temps du curé d’Ars, on est passé de 120 000 prêtres à 40 000 ! C’est dans cette situation troublée qu’il sera un prêtre admirable. - On parle d’une société déchristianisée dans laquelle l’Eglise n’est plus reconnue, est chahutée et c’est vrai, mais n’oublions pas la manière dont l’Eglise a été traitée au cours de la Révolution et ensuite par Napoléon. A titre d’exemple, rappelons-nous que le pape Pie VI a été fait prisonnier, transporté en plusieurs lieux de captivité pour finir en France, à Valence. Il va mourir épuisé, le 29 août 1799 et sera enterré civilement dans un premier temps ! Rappeler ce contexte troublé et dire que c’est dans ce contexte troublé d’une Eglise divisée, contestée, affaiblie que Jean-Marie Vianney a voulu devenir prêtre et que Dieu en a fait un Saint est plein d’espérance. Quand ça va mal, il ne faut pas faire le dos rond en attendant que ça aille mieux ! Jean-Marie Vianney a affronté et relevé les défis de son temps. St François de Sales, il y a 400 ans, disait : « Fleuris, là où Dieu t’a planté ! ». Il ne nous faut pas attendre des temps meilleurs, des lieux plus propices pour fleurir, c’est ici et maintenant qu’il nous faut fleurir car c’est là que Dieu nous a plantés. C’est le témoignage que donne Jean-Marie Vianney. Aucune époque n’est une époque idéale, nous devons chasser de nos esprits le mythe du bon vieux temps ou celui des lendemains meilleurs. Jean-Marie Vianney était un homme, un prêtre, un curé du présent et il nous rappelle aujourd’hui que le chrétien est un homme du présent parce que le Christ règne « maintenant et pour les siècles des siècles », parce que c’est le présent qui a saveur d’éternité. 32- Un homme présent Il avance vers le village et dès qu’il a embrassé le sol, il s’exclame : Mon Dieu, que c’est petit ! Il réalise bien qu’on ne lui a pas fait une promotion en le nommant ici ! 230 personnes, c’est entre 30 et 40 maisons ! Pour ne pas se décourager, en arrivant, sa première visite est pour l’église. Avant même de rentrer au presbytère et d’y déposer ses affaires, il va à l’église, une église qu’il trouve dans un grand état de délabrement. Les témoins diront qu’il avait fait de son église sa résidence principale. Au début, il habitait son église parce que, n’ayant pas grand-chose à faire, il y passait le plus clair de son temps en prière, demandant au Seigneur de lui accorder la conversion de sa paroisse. A Ecully, chez Mr Balley, il avait pris l’habitude, donnée par ce saint prêtre, d’être dès 4h du matin à l’église pour un long temps d’oraison, la prière du bréviaire et la célébration de la messe. Oui, mais à Ecully, c’était nécessaire de se lever aussi tôt si on voulait donner un bon temps à la prière car le reste de la journée allait être chargé pour ces prêtres. Mais, là, à Ars, dans la journée, il n’a pas grand chose à faire et pourtant, il garde cette habitude. Du coup les paroissiens sont intrigués, même quand ils se lèvent très tôt pour aller dans leurs champs, il y a déjà la lumière de la lanterne du curé dans l’église. Alors, on va commencer à dire : «Il faut bien qu’il y trouve du plaisir pour y passer tant de temps. » Il est en train de réussir sa mission par l’exemple de sa vie. Et puis, quelques 4 années après, aux plus beaux jours du pèlerinage, il habitera son église parce que, débordé par l’afflux de pèlerins, il devra rester jusqu’à 17h par jour dans son confessionnal ! 33- Humble S’il est un modèle, c’est aussi en raison de cette conscience aiguë qu’il aura de la grandeur du sacerdoce, une grandeur invraisemblable et en même temps, il aura une conscience parfois maladive de son indignité. C’est ce qui le tiendra dans une très très grande humilité même quand il y aura beaucoup de monde, quand il aura beaucoup de succès. L’humilité est la clé de la fécondité en matière d’évangélisation. Quand l’orgueil prend le dessus, plus ou moins consciemment, c’est à nous que nous conduisons les gens et non plus à Dieu. Nous connaissons ses paroles admirables sur le sacerdoce : « Le sacerdoce, c’est l’amour du cœur de Jésus. » Ou encore : « Mon Dieu que le prêtre est grand, nous ne le comprendrons bien qu’au ciel. » Un grand, un très grand sacerdoce mais exercé par un petit, un tout petit, du moins telle était sa conviction. Il aura une grande idée du sacerdoce et pourtant il aura à souffrir de ses confrères, particulièrement de son auxiliaire Mr Raymond. Un jour répondant à des gens qui lui faisaient remarquer que cet auxiliaire était vraiment trop dur avec lui, il répond : « Oh, il ne faut pas exagérer il ne m’a encore jamais battu ! » Un jeune confrère d’une paroisse voisine lui dira devant tout le monde : « Quand on a aussi peu de théologie que vous, on ne devrait pas entrer dans un confessionnal. » Et ces confrères qui le critiquaient, qui interdisaient à leurs paroissiens de venir à Ars, il les remplacera à chaque fois qu’ils en auront besoin. C’est bien parce qu’il avait cette haute idée du sacerdoce qu’il était capable de dépasser le côté si méchant de certains confrères, ils étaient peut-être méchants, mais ils étaient prêtres ! Et en plus, Jean-Marie ne voulait pas se contenter de parler des Ecritures, il voulait les vivre ! Quand St Paul nous dit : « Sois vainqueur du mal par le bien » Rm 12,21, ce n’est pas de la littérature, de la poésie, ça doit devenir notre ligne de conduite, en tout cas, ce fut celle du curé d’Ars. S’il a été critiqué, humilié par ses confrères, il sera beaucoup soutenu par ses évêques successifs. « Le curé d’Ars n’est peut-être pas très instruit, mais il est éclairé ! » dira l’un d’eux. Et à un repas où il mangeait à côté de l’évêque, mal fagoté comme à son habitude, il n’avait pas mis la ceinture de sa soutane, ses confrères se moquent de lui : il est à côté de l’évêque et regarde à quoi il ressemble ! L’évêque entend ces reproches et dit d’un ton cinglant : « Mr Vianney sans ceinture vaut bien d’autres prêtres avec ceinture ! » 34- Parmi les humbles Son amour des pauvres et particulièrement des mendiants de passage qui viennent chez lui est remarquable. Il avait été à bonne école chez ses parents : il y avait toujours des pauvres à la table familiale. On était dans cette époque troublée de la Révolution, certains avaient tout perdu, la maison Vianney était connue comme une maison accueillante et c’est ainsi que sera accueilli celui qui deviendra St Benoît-Joseph Labre. La caractéristique du curé d’Ars, c’est qu’il faisait la charité en respectant la dignité de ceux à qui il donnait. Par exemple, il achetait les croûtons de pain rassis des pauvres, prétextant un mal d’estomac qui l’empêchait de manger du pain frais et ainsi il ne les humiliait pas par un don impossible à rendre. Et puis il y a eu sa maison de Providence où il recueillait les orphelines pour les instruire, leur apprendre à travailler, à tenir une maison. Il avait tant reçu de sa mère qu’il savait que les filles auraient une place décisive dans l’éducation, la transmission des valeurs, bref que les femmes jouaient un rôle déterminant dans la vie en société. Cette maison de la Providence a été l’œuvre de sa vie, il a donné le meilleur de lui-même et Dieu va faire des miracles. Il n’a 5 pas voulu que ce soient des religieuses qui fassent l’école dans sa maison. Il disait que les religieuses, c’étaient des dames de bonnes familles et qu’elles ne comprendraient pas ses petites orphelines paysannes. Il a choisi deux filles du peuple, Benoîte Lardet et Catherine Lassagne, elles savaient à peine lire et écrire, il les a envoyées se former, pas très longtemps d’ailleurs car il était pressé d’ouvrir. Sa joie fut grande de voir ces jeunes femmes comprendre ces petites filles. 35- Un homme eucharistique L’Eucharistie célébrée et adorée. Il ne passait pas un temps infini à la célébration de la messe : ½ heure en semaine disait-il, c’est suffisant. Mais il célébrait avec une telle foi en la présence réelle de Jésus dans ce sacrement que cette foi devenait contagieuse. « Il n’y a rien de si grand que l’Eucharistie » disait-il et il insistait sur la présence de Dieu par l’eucharistie en répétant : « Dieu est là,… Jésus est là… ». Parole et présence étaient liées. La prédication se nourrissait de la présence. L’autel et la chaire étaient les deux appels de Dieu. Il finissait rarement un sermon ou un catéchisme sans parler de l’eucharistie. Il accordait une très grande importance à la qualité de la célébration (« Rien n’est trop beau pour Dieu ») et il savait qu’une liturgie peut convertir celui qui y participe mais cette qualité trouve sa source dans la vie intérieure de celui qui célèbre. L’eucharistie, sacrement de la vie et de la renaissance est un don de Dieu à la création, c’est Dieu tout entier (Trinité) qui vient rencontrer l’homme et lui proposer son Amour et ce rapport entre l’Eternité et l’humanité devient une occasion d’émerveillement et de reconnaissance. 36- Heureux le miséricordieux Le confesseur infatigable qu’il a été révèle un grand pilier de la vie de JMV : la miséricorde, la miséricorde reçue et donnée. La miséricorde (tendresse fidèle), c’est le souffle de Dieu qui vient balayer tout ce qui encombre notre cœur. « Quelle grande bonté de Dieu : son bon cœur est un océan de miséricorde ; ainsi quelque grands pécheurs que nous puissions être, ne désespérons jamais de notre salut ». Assurés de la miséricorde de Dieu, il n’y a aucun empêchement à répondre avec enthousiasme à l’appel de St Paul : « Laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2 Co 5,20 – 2ème lecture du mercredi des Cendres) En guise de conclusion, ouverture… Paul VI dans Evangelii Nuntiandi avait affirmé : « Le monde contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont aussi des témoins. » Cela résume tellement bien la vie du curé d’Ars que, à son procès de canonisation, un paroissien dira ce bel éloge : « Notre curé, il faisait ce qu’il disait ! » Accorder nos paroles à nos actes, ce que je dis à ce que je fais, c’est bien la partie visible de notre iceberg, la partie invisible étant notre personnalité profonde, ce que je suis. Avancer vers la sainteté, à la manière de JMV, c’est laisser le Christ construire l’unité de notre personne. C’est Jean-Paul II qui avait dit en venant à Ars en 1986 : « Le Curé d’Ars demeure pour tous les pays un modèle hors pair, à la fois de l’accomplissement du ministère et de la sainteté du ministre ». Il est un modèle parce qu’il a vécu jusqu’au bout ce qu’on appelle la charité pastorale. Qu’est-ce que la charité pastorale ? Jean-Paul II en a donné une définition dans Pastores Dabo Vobis : « c’est la vertu par laquelle les ministres ordonnés imitent le Christ dans son don de soi et dans son service, ... c’est la vertu qui détermine notre façon de penser et d’agir, ... c’est le principe intérieur et dynamique capable d’unifier les diverses et multiples activités du prêtre, ... c’est un choix d’amour par lequel l’Église et les âmes deviennent son intérêt principal ». (PDV n°23). 6