Corinne Cristini
« Émergence et rôle de la photographie dans la littérature espagnole de 1839 au début
des années 1870 », soutenance en novembre 2004 à l’université de Paris-IV Sorbonne,
devant un jury composé de Sadi Lakhdari (Université Paris-IV-Sorbonne, Directeur),
Michel Ralle (Université Paris-IV-Sorbonne), Jean Tena (Université Montpellier III-
Paul-Valéry), Jacques Terrasa (Université de Provence/Aix-Marseille I).
Résumé :
Ces travaux de thèse ont trait aux rapports entre l’univers de la photographie et la
littérature espagnole marquée par le sceau du costumbrismo, comprise dans une période
qui va de l’avènement du médium photographique en 1839 jusqu’au début des années
1870. Lorsque ces recherches ont été entreprises, nous avons constaté que,
contrairement à la France, la relation entre la littérature du XIXe siècle et la
photographie naissante avait été peu étudiée en Espagne, alors qu’il existe des travaux
sur l’histoire de la photographie et sur son impact social. En effet, rares sont les
critiques à avoir souligné la présence de la photographie sous la plume des écrivains
espagnols durant cette période, qu’il s’agisse de simple référence, de métaphore ou de
thématique, considérant peut-être que cette image technique était aux antipodes de la
création artistique. Néanmoins, en s’intéressant de plus près aux textes de cette époque,
on s’aperçoit que la photographie commence à émerger dans la littérature espagnole dès
son avènement dans la société, mais de façon sous-jacente et plus difficilement
perceptible au cœur de l’écriture. Dans ce panorama littéraire, nous avons retenu les
ouvrages collectifs tels que Los españoles pintados por sí mismos (1843-1844), Los
valencianos pintados por sí mismos (1849), Los españoles de ogaño (1872) et Madrid
por dentro y por fuera (1873), les œuvres d’auteurs considérés comme proprement
costumbristas tels que Ramón de Mesonero Romanos et Antonio Flores, certains
articles et récits de Gustavo Adolfo Bécquer, et des œuvres moins connues de l’époque
comme Madrid al daguerreotipo (1849). À ces écrits s’ajoutent des textes provenant
des Almanachs du photographe Eusebio Juliá et des extraits de journaux et de revues.
Cette thèse a pour objectif de montrer comment un système de représentation
photographique émerge dans la littérature espagnole profondément imprégnée du
modèle pictural. Il est intéressant de voir comment les nouvelles images littéraires
créées par le médium traduisent le regard ambivalent des écrivains sur la photographie,
considérée à la fois comme fascinante et repoussante. Le rôle de la photographie
apparaît aussi à travers un nouveau thème symbolisé par un nouveau personnage : le
photographe. Enfin, nous avons confronté le texte et l’image (lithographies et gravures
d’après photos) dans deux ouvrages : Crónica del viaje de Sus Majestades y Altezas
Reales a las Islas Baleares, Cataluña y Aragón en 1860 d’Antonio Flores et Diario de
un testigo de la guerra de África de Pedro Antonio de Alarcón. Dans cette étude, nous
retiendrons deux idées essentielles. D’une part, nous avons mis l’accent sur l’oscillation
entre modernité et tradition que nous donne à voir l’émergence de la photographie dans
la littérature espagnole des années 1840-1870 et dont l’écrivain Antonio Flores se fait
l’écho. D’autre part, nous avons décelé ce qui était en germe dans les rapports entre
littérature et photographie, et que les auteurs du XXe siècle exploiteront pleinement.