Brève histoire de Saint-Michel et de Saint-Vallier Seigneurie, Paroisse et Village, Du 17e au 20e siècle Archives nationales du Canada, c. 2401. « L’installation des premiers colons » Préambule Arrivé depuis peu à Saint-Michel-de-Bellechasse l’auteur, par cet article, cherche à situer l’histoire de Saint-Vallier et de Saint-Michel dans le contexte plus large de l’Histoire du Canada. Il se promène dans l’espace et dans le temps et essaie de se faire une idée de la trace qui a mené les gens d’ici jusqu’ici à partir des écrits de ceux et celles qui avant lui on étudié l’ancêtre dans son milieu de vie. Grâce à eux il a réussi à identifier clairement certaines balises qui rendent ses randonnées beaucoup plus signifiantes et réconfortantes pour l’esprit vagabond qu’est le sien, en quête perpétuelle d’identité structurante. La seigneurie La Durantaye et son seigneur Maintenant Québécois établis comme citoyens municipaux dans la MRC de Bellechasse, les résidents du territoire de Saint-Vallier et de Saint-Michel entrent dans l’histoire du Canada comme colons-agriculteurs à la française dans la seigneurie d’Olivier Morel de La Durantaye en 1672. Pendant 47 ans, de 1672 à 1720, ils partagent le même destin : une seule seigneurie qui recouvre au moment de sa concession le territoire des deux municipalités actuelles. Pendant 35 ans, de 1678 à 1713, ils partagent également une même paroisse qui au fil des années s’appellera Saint-Michel de 1678 à 1693, SaintLaurent de 1693 à 1698 et Saint-Michel-de-La-Durantaye de 1698 à 1720, moment où elle prendra le nom de Saint-Michel à nouveau, en même temps que la seigneurie. 1672 est une année importante pour l’occupation du territoire. Près de 50 seigneuries sont concédées par Jean-Talon dont celles de Vincennes, Beaumont et La Durantaye. Noble de Bretagne, Olivier Morel de La Durantaye arrive en Nouvelle-France avec le régiment Carignan-Salières en 1665. Haut gradé de l'armée française, il fait plusieurs incursions en territoire iroquois pour imposer la paix au sud du Lac Champlain. Il est commandant du fort Michillimakinak dans la région des Grands Lacs au confluent des lacs Michigan, Supérieur et Huron. Il est aussi homme d'affaires, fait le commerce de la fourrure, du poisson et du bois de mâture, est membre du Conseil souverain et bien sûr seigneur de La Durantaye. C'est Jean Talon, intendant du roi français Louis XIV, qui lui concède la seigneurie. Elle mesure alors trois lieues de large (14,4 kilomètres), parallèle au fleuve entre Berthier et Beaumont, par deux lieues de profond (9,6 kilomètres). Plaine agricole de Saint-Vallier Du coureur de bois nomade au colon-agriculteur sédentaire Il est important ici de distinguer l’agriculteur du coureur de bois. Avant de s’établir en Nouvelle-France et de s’installer sur une terre pour élever une famille, en Bellechasse ou ailleurs, nos ancêtres français âgés dans la vingtaine sont épris de liberté. Pouvant gagner leur vie à courir les bois, ils ont rapidement fréquenté l’Indien et aimé l’Indienne appréciant de l’un et de l’autre une façon nouvelle de vivre les choses. Privés de tout en France par le seul fait d’être né de parents paysans ou de citadins ordinaires, ils sont en Europe maintenus sans espoir d’en sortir dans la misère et la pauvreté depuis des siècles et des générations par les gens de l’Église et de l’État d’avant la Révolution qui s’accaparent toutes les richesses du pays même s’ils ne représentent qu’un maigre 2% de la population. Déterminés à vivre autre chose, nos ancêtres Français trouvent ici l’abondance et l’immense satisfaction d’y avoir accès en toute liberté par la seule force de leur travail, encouragés en cela aussi bien par l’État et le Privé qui veulent avant toute chose structurer le très lucratif commerce de la fourrure que par l’Église qui veut convertir. Depuis Champlain, Hébert et Couillard, l’agriculture prend donc une bonne centaine d’années à s’organiser. Avant d’exploiter une terre, nos ancêtres ont d’abord vu du pays. Avant de se fixer, ils ont voyagé : pour se rendre jusqu’ici bien sûr en traversant l’Océan, mais aussi pour explorer le pays et en vivre grâce au commerce. Ils sont fascinés par les grands espaces boisés parsemés de lacs et de rivières et par une nature restée sauvage à perte de vue. Jeunes et célibataires, arrivés de France avec peu de moyens, mais beaucoup d’énergie, ils voient dans ce commerce des fourrures une excellente occasion d’amasser de l’argent avant de s’établir. Quand Jacques Cartier débarque au Canada en 1534, l’État français n’a pas les moyens de financer la colonisation. Il confie donc cette tâche aux Compagnies marchandes qui, en échange d’un monopole sur le commerce, doivent à même leur profit installer des colons à l’intérieur de seigneuries qu’elles se doivent également de concéder. À quelques exceptions près, ce sera un échec faute d’encadrement et de volonté réelle de peupler le territoire. Les Compagnies concèdent une cinquantaine de seigneuries, mais ils ne font rien pour inciter les seigneurs à en favoriser l’exploitation. Ce qui les intéresse ce sont les relations commerciales avec les Autochtones, la mise en place de leur réseau d’échange par l’intégration de celui-ci à celui déjà bien structuré de l’Indien et l’installation de garnisons à l’intérieur de forts pour contrôler les voies de circulation des fourrures qui à elles seules pendant les deux cents ans du régime français permettent d’amasser des fortunes. Le Canada n’a pas d’or à piller comme l’Amérique du Sud et ses Incas, mais grâce à l’Indien du nord il a le castor et autres fourrures. Jusqu’à 20,000 peaux de castor par année sont expédiées en Europe au plus fort du commerce. Ce n’est qu’en 1663 que l’État français réagit à la nécessité de peupler le territoire. Il retire alors la responsabilité de la colonisation seigneuriale aux Compagnies marchandes en créant, pour s’en occuper, une structure administrative royale : Gouverneur, Intendant et Conseil souverain composé des élites religieuses, militaires et marchandes. Il oblige ceux qui se sont vu concéder des seigneuries à la construction d’un manoir pour qu’eux- mêmes ou leur représentant puissent les habiter. Obligation leur est également faite, sous peine de perdre leur seigneurie, de peupler le territoire en recrutant et concédant gratuitement des terres aux colons qui le veulent et de mettre à leur disposition un moulin pour moudre les grains. En contrepartie, par l’intermédiaire des seigneurs, l’État oblige les colons à défricher, habiter et cultiver leur terre s’ils veulent en conserver l’usage. On veut éviter que les terres servent uniquement de territoire de chasse et de pêche comme ça se produit souvent sous le système des Compagnies plus intéressées à mousser le commerce de la fourrure que l’agriculture et l’élevage. Un colon coûte plus cher à la Compagnie et rapporte moins qu’un coureur de bois. Le commerce de la fourrure se poursuit donc hors seigneurie en territoire indien, du Golf Saint-Laurent au Golf du Mexique en passant par les Grands Lacs et la Louisiane ce qui commande des alliances et des relations particulièrement amicales avec les Autochtones pour la bonne marche de l’économie marchande des pelleteries durant tout le Régime français. Traitant d’abord avec les Hurons-Wendats qui, habiles commerçants,servent d’intermédiaire entre Français et Algonquiens jusqu’à la destruction de la Huronie par les Iroquois en 1645, événement qui forcera les survivants à s’installer à Loretteville, la France réussit ensuite à créer directement des alliances avec la majorité des tribus amérindiennes ce qui lui permet, avec très peu de gens originaires de la mère patrie, de constituer un véritable empire malgré la vive opposition des Anglo-Américains de dix fois supérieurs en nombre, mais confinés au 17e siècle entre les Appalaches et la côte Atlantique autour des seules villes de Boston, Albany, New York et Jameston. Sans la collaboration et le bon vouloir des Indiens amis, nos ancêtres n’auraient jamais pu s’implanter en Canada. Beaucoup de forces vives étant nécessaires pour constituer un tel empire, les Français et Canadiens, en nombre nettement insuffisant, vont s’allier l’Indien. La paix pour développer le pays devient dès lors une stratégie rentable. Au lieu de miser sur la force brute, la confrontation, les déportations de populations ou les mises en réserve, les Français privilégient la négociation d’ alliances et la cohabitation en partageant le territoire avec la société d’accueil. Impitoyables à l’égard des Anglais leurs ennemis héréditaires, ils seront pacifiques et pacifiant avec les Amérindiens. La diplomatie et le respect seront toujours au rendez-vous et l’attitude colonialiste, arrogante et méprisante du conquérant qu’on remarquait chez Jacques Cartier sera complètement absente chez Champlain et ses successeurs. « La descente des rapides », par Frances Anne Hopkins (ANC) C’est le commerce basé sur ces alliances à l’échelle du continent qui est responsable du métissage, culturel, mais aussi sanguin, entre les deux mondes : Européen et Amérindien. C’est lui qui contribue à faire du Français né ici un Canadien. Partout autour des Grands Lacs et tout au long du Mississippi jusqu’en Louisiane entre les Appalaches et les Rocheuses, dans ce qu’on appellera plus tard les grandes plaines de l’Ouest canadien et du Far West américaines, on trouve des coureurs de bois francophones. Une soixantaine de forts et de missions sont établis sur l’ensemble des terres explorées par les Canadiens. Certains de ces forts sont de simples relais, mais d’autres sont de véritables forteresses à l’intérieur desquelles sont construits de petits hameaux avec plusieurs maisons pour le commandant et les administrateurs, pour les officiers, pour les soldats, les marchands, les travailleurs de la fourrure, le chirurgien, le forgeron, l’armurier, etc. D’autres bâtiments sont également réservés à l’entreposage des marchandises de traite et des fourrures. À Détroit, fondé par l’administrateur français Cadillac, on cultive même la terre à l’extérieur du fort. D’autres peuplements en seigneurie seront également organisés dont celui de la Nouvelle-Orléans sur les rives du Mississippi et celui du lac Champlain. Le territoire actuel d’une trentaine d’états américains est alors soumis à l’influence française. Quand les Anglais s’emparent graduellement de la Nouvelle-France ou du Canada entre 1713 et 1763 l’Amérique du Nord est française, c’est-à-dire canadienne pour les trois quarts. Français + Amérindien = Canadien Au début du 18e siècle et même fin 17e, en 1685, les habitants nés en Amérique sont plus nombreux que les immigrants européens. Au fil des ans et de leur nouvelle façon de vivre, ils s’identifient davantage au Canada qu’à la France. Ce sont les premiers Canadiens « pure laine », les premiers « de-souche », les premiers « né-natif », les premiers métissés culturels (Européens-Indiens), les premiers Français nés ici qui, au contacte de l’Indien, forment en s’enracinant un nouveau peuple de langue française concentré aujourd’hui à l’intérieur des frontières du Québec moderne, mais aussi dispersé dans la francophonie à la grandeur de l’Amérique du Nord, plus ou moins assimilé maintenant à la culture anglo-saxonne tant canadienne qu’étatsunienne. Même dans les seigneuries, le Français d’origine emprunte à l’Indien un savoir indispensable à sa survie en terre d’Amérique: fourrure, cuir, canot, mocassin, raquette, traîne sauvage, récolte de l’eau d’érable, remède contre les maladies d’ici, culture du maïs, fascine pour la pêche, tressage des ceintures fléchées et de la babiche, séchage du poisson, boucanage de la viande, caveau à légume, techniques de chasse et de trappe, etc. Le climat, plus rude qu’en France, exige a lui seul pour s’y adapter, un changement dans la façon de vivre du Français. Il doit pour espérer survivre adopter les manières amérindiennes tant pour l’agriculteur qui souvent a fréquenté l’Indien avant d’être cultivateur que pour le coureur de bois qui lui s’intègre encore plus à la culture d’accueil que le colon puisqu’il vit chez l’Indien, apprend la langue, épouse l’Indienne et avec elle fait des enfants, encouragé en cela par les communautés autochtones qui voient d’un bon œil cette intégration des Français à leur culture. Les enfants, métissés ou non, étant pris en charge par la communauté, la femme amérindienne dispose librement de son corps et peut se donner à qui elle veut en toute liberté. Elle peut même sans problème avoir plusieurs hommes, car si l’enfant est toujours souhaité et désiré,le couple n’est pas la base de leur société, pas plus que la possession exclusive ne fait partie de leurs valeurs. Le partage des richesses, biens et personnes a pour eux bien meilleur goût. Pour un millier de jeunes Français coureur de bois on n’hésite pas à parler d’assimilation à la culture d’accueil. Avec les années ils deviennent Indiens. Ceux-là ne reviendront jamais à la civilisation qui les a vus naître et seront appelés Indiens blancs. Même pour les autres, ceux qui voyagent entre les Pays d’en haut et la Vallée du Saint-Laurent qu’on évalue entre 10 et 12 milles tout au long du régime français, ceux qui s’adapteront sans s’assimiler et qui un jour abandonneront le bois pour venir vivre définitivement en seigneurie, les alliances sexuelles deviennent une condition presque nécessaire aux échanges commerciaux. Contrairement aux Anglais qui beaucoup plus nombreux et sédentaires abattent une quantité considérable d’arbres sur leur territoire pour s’installer en village et bousculer les Abénaquis les Malécites et les Micmacs qui s’y trouvent en Acadie et sur la côte Atlantique, les coureurs de bois canadiens moins nombreux et nomades n’effraient pas l’Indien à l’ouest des Appalaches. Hors des villes et seigneuries ils n’ont nul besoin pour la bonne marche du commerce de s’emparer ou de posséder le territoire amérindien. Il leur suffit de le partager. Même en seigneurie, à la campagne, les villages sont interdits aux fils et filles de cultivateurs ou aux citadins qui voudraient y venir. Contrairement aux religieux qui nient la spiritualité amérindienne en voulant leur imposer le catholicisme, les coureurs de bois canadiens ne sont pas menaçants. Ils sont simplement perçus par eux comme des membres d’une autre tribu à laquelle on peut s’associer et faire commerce. Même si le commerce est inégal puisque l’Indien n’amasse pas de capital, ne connaît pas le profit et ne fait pas fortune, les coureurs de bois apportent à l’Indien des biens de nature à augmenter sensiblement sa qualité de vie : le fer pour les chaudrons, la hache, le couteau et le clou, le fusil pour la chasse et la guerre, le textile pour les couvertures et les vêtements, les parures et l’eau de vie pour la beauté, la détente et la fête. Si on ne regarde que la valeur d’usage des marchandises échangées, le commerce est équitable. L’Indien apprend rapidement la valeur de ses fourrures et il demande davantage en échange au fil des ans. Guillaume Couture, interprète chez les Indiens. Dessein tiré de Guillaume Couture, premier colon de Pointe-Lévy (Lauzon) de Joseph-Edmond Roy,Lévis, Mercier et Cie,1884, p. 6a. Pour le paysan immigrant, surtaxé et exploité par l’élite dirigeante de son pays d’origine en France, la liberté d’action et de pensée dont il jouit en Amérique et qui lui donne accès aux richesses du pays, constitue une force d’attraction majeure qui l’incite à s’installer en Canada, même comme cultivateur. Une fois installé, l’habitant canadien a une qualité de vie supérieure au paysan français. Le système seigneurial bien que féodal est beaucoup moins contraignant ici qu’en France. Tant qu’elle sert l’agriculture et l’élevage, la seigneurie canadienne n’est rien d’autre qu’une structure d’entraide. Même pour le citadin d’origine, l’acquisition d’une terre productive a beaucoup d’attraits puisqu’elle permet l’autosubsistance à court terme en même temps que la possibilité de se constituer un patrimoine à long terme. Les ressources sont abondantes et encore une fois l’habitant y a accès. Le droit de chasse et pêche par exemple n’est plus réservé aux seigneurs comme en France et l’ensemble des cens et redevances de toutes sortes que l’agriculteur doit verser au seigneur correspond à seulement 10% de son revenu. Libre de gérer la terre à sa manière avec une perspective d’avenir pour lui, sa femme et ses enfants, le Canadien, par le seul fait de se sentir utile et en contrôle développe le sentiment de fierté nécessaire pour bâtir un nouveau pays en terre d’Amérique. La liberté, le travail rémunérateur, la réussite, l’entraide, le divertissement, et la coexistence pacifique sont ici possibles. L’arrivée du Régiment de Carignan en 1665 qui a comme tâche d’empêcher les Iroquois des Cinq Nations de s’attaquer aux colons et l’arrivée de femmes à marier entre 1665 et 1675, les Filles du roi au nombre d’environ 900 dont plusieurs sont pourvues d’une dote royale, favorisent beaucoup l’occupation du territoire par l’agriculteur. Après avoir instauré la paix dans la vallée du Saint-Laurent, près de 450 soldats sur les 1200 du régiment de Carignan resteront au pays s’ajoutant aux coureurs de bois, paysans, ouvriers et gens de métiers venus d’Europe ou nés ici. Ils peuvent se marier, défricher un premier lot et se bâtir sur des terres qu’ils reçoivent gratuitement des seigneurs moyennant qu’ils les mettent en valeur pour y installer une famille. Quant aux officiers comme Olivier Morel, ils se voient offrir des seigneuries à gérer avec également une obligation de résultat. Plusieurs de ces officiers devenus seigneurs verront leurs anciens soldats devenir censitaires. De plus, une politique familiale est développée par l’Intendant Talon pour favoriser les naissances et l’Église, par son enseignement moral, va dans le même sens. Faute d’une émigration française suffisante, nos ancêtres s’acquittent eux-mêmes de la tâche du peuplement en faisant beaucoup de bébés tant pour la Patrie que pour le Ciel au péril, faut bien le dire de la vie et de la santé de plusieurs mères. Plusieurs de ces enfants du pays nés de familles nombreuses issues d’agriculteurs qui oeuvrent en seigneurie suivent la tradition et vont dans les bois dès l’âge de 18 ans pour faire un peu d’argent avant de cultiver la terre à leur tour. Au 19e siècle, quand le commerce du bois remplace celui de la fourrure, c’est au chantier que les jeunes vont travailler pour améliorer leur niveau de vie. De retour dans le bois ils sont bûcherons ou draveurs. Au 20e siècle ce sera dans les usines et les manufactures qu’ils iront là où il y aura du travail, en NouvelleAngleterre ou ailleurs. Au fil des ans, accentuant davantage la mixité des cultures, plusieurs prisonniers de guerre amérindiens, hommes, mais surtout femmes, servant de monnaie d’échange entre tribus, sont amenés des Pays d’en haut en ville comme esclaves par les commerçants qui les ont reçus en guise de paiement. La Vérendrye en ramènera plusieurs. Ces esclaves donneront naissance à de nombreux enfants, souvent hors mariage. À l’abolition de l’esclavage en Nouvelle-France en 1833 on évalue à 4,100 le nombre de ces esclaves dont 2,700 Amérindiens venus de tribus encore ennemies comme celles des Renards et des Maskoutens près du lac Michigan, celles des Sioux habitants les Plaines de l’Ouest et celles des Pawnees de la vallée du Missouri. Les 1400 noirs viendront d’Afrique et des Antilles. Ces esclaves agissent comme domestiques au service des Canadiens mieux nantis de Québec, Montréal et Trois-Rivières: Gouverneur, Intendant, seigneurs, marchands, religieux. Selon le code noir, l’esclave est la propriété du Maître et il lui est interdit de le quitter sous peine de représailles. On sait que l’Intendant Bigot par exemple, complice de Michel-Jean-Hugues-Péan-de-Livaudière, troisième seigneur de SaintMichel, possède plusieurs esclaves. Madeleine de Verchères, dont les petits fils vivront à Saint-Vallier, a une esclave Renarde et Maurice Duplessis, ancien premier ministre du Québec au moment de la « grande noirceur » qui a précédé la Révolution tranquille des années 1960-70, descend lui-même d’un esclave Maskouten au service d’un marchand portant le nom de Gatineau dit Duplessis. Dans l’esprit des dirigeants français, les seigneuries sont là pour encourager la sédentarisation et la domestication du territoire par l’agriculture, l’élevage et la commercialisation des surplus générés par ces deux activités. Encore là, horticulteur et sédentaire vivant dans des maisons longues à l’intérieur de village pouvant contenir plusieurs milliers de personnes, l’Indien iroquoïen trace le chemin, car partout dans la Vallée du Saint-Laurent, du Cap-Tourmente aux rapides de Lachine, les Iroquoïens cultivent par la seule force de leurs bras et cela depuis 500 ans le maïs, le haricot, la courge et le tabac. Avant même l’arrivée des Européens la Huronie située autour du lac Huron sert de grenier à tout un continent et les Algonquiens (Algonquins, Montagnais, Cris, Atikamek, Abénaquis, etc.) restés chasseurs-cueilleurs y échangent leur viande séchée pour des légumes. Grâce à sa technologie venue d’Europe, l’agriculteur canadien intensifie la production utilisant la force animale d’abord puis la force motrice du vent, de l’eau, du feu pour la vapeur, de l’électricité, du pétrole et de l’éthanol. L’homme est de moins en moins soumis à une nature rendue de moins en moins sauvage. Cette nature, il essaie de la contrôler en la domestiquant au maximum de ses capacités. Si l’Indien des plaines de l’ouest dompte assez rapidement le cheval pour pouvoir s’y déplacer et chasser, l’Indien de la vallée du Saint-Laurent, si on fait exception du chien-loup, ne connaît pas l’animal domestique. Le fait de clôturer l’espace heurte évidemment de plein fouet la notion de libre circulation des biens et des personnes que les Amérindiens valorisent. Mais la colonisation canadienne se fait sans trop de mal au Québec du fait que les Iroquoïens du SaintLaurent, qui vivent dans la vallée du grand fleuve au moment où Jacques Cartier les rencontre en Gaspésie d’abord puis dans leur village de Stadaconé (Québec) en 1534 et d’Hochelaga (Montréal) en 1541 accompagné de Roberval, ont complètement disparus quand Champlain arrive au pays 60 ans plus tard. Les maladies européennes, comme la petite vérole, qui à elles seules ont tué 80% des autochtones de l’Amérique du Nord en sont peut-être la cause. Les survivants se seraient dispersés et intégrés aux autres tribus iroquoïennes ou algonquiennes par la suite. Toujours est-il que c’est à Kebec, mot Algonkien et non à Stadakone, mot Iroquoïen que Champlain érigera son « habitation ». Si le site est le même, l’appellation diffère en regard de l’occupant. En 1672, les premiers colons de Bellechasse à Beaumont, Saint-Michel et Saint-Vallier, vont donc profiter d’un territoire laissé mystérieusement vacant par ses anciens occupants. Seules certaines tribus nomades comme les Abénaquis, les Micmacs de la Gaspésie et de l’Acadie, les Malécites (Etchemins) du Maine, circuleront en Bellechasse voyageant entre le fleuve et la rivière Saint-Jean par la rivière du Sud, la rivière Etchemin et la rivière Chaudière. La place est donc libre et notre ancêtre français sans avoir à bousculer personne l’occupe vaillamment en toute quiétude pour graduellement devenir en le développant un Canadien pure laine, ni français, ni amérindien, mais un peu des deux. Dès le départ la ceinture fléchée du colon enraciné est tissée à l’indienne de laines européennes aux couleurs variées contribuant ainsi à la rendre unique, singulière et en constante évolution sous l’influence de l’autre, c’est-à-dire québécoise. Tributaire au départ de l’Indien et du Français, le Canadien d’origine devenu Québécois par proclamation royale de Londres en 1763 réussit depuis à se maintenir et se développer en intégrant progressivement d’autres cultures sur son territoire malgré la menace toujours présente d’une culture anglo-saxonne dominante en Amérique du Nord et qui tend à vouloir niveler les différences culturelles partout dans le monde. La Conquête anglaise du Canada verra la Compagnie de la Baie d'Hudson engager des coureurs de bois canadiens-français expérimentés, les « mangeux de lards », pour développer le territoire actuel de l’Ouest canadien ce qui donnera naissance au peuple métis dirigé par Louis Riel. Avec l’aide de Canadiens vivants sur place, l’indépendance américaine verra quant à elle les Étatsuniens conquérir tout l’espace compris entre les Appalaches et les Rocheuses, désigné territoire indien par Londres après la Conquête abandonnant à leur sort les Canadiens qui s’y trouvent. Décidés à s’imposer, les Anglais déporteront les Acadiens, pendront 12 patriotes, exileront les autres, pendront Louis Riel et viseront constamment l’assimilation des francophones à leur culture anglo-saxonne jugée supérieure par Lord Durham à la culture canadienne qualifiée d’inférieure parce que trop différente de la sienne, trop populaire, trop besogneuse, trop seigneuriale, trop française, trop catholique et trop amérindienne. Quant à l’Indien, pour éviter son extinction totale, on créera des réserves pour le contenir et mieux le contrôler. Sous le régime français, les Jésuites, les Récollets et les Sulpiciens, auront aussi ce réflexe d’isoler les Indiens. Voyant que ceux-ci résistent à l’assimilation ils voudront protéger les Français d’origine contre toute contamination morale jugeant les façons de faire indiennes scandaleuses surtout en regard de l’amour libre qu’il pratique et de la spiritualité qui les guide. À partir de 1672, jusqu’à la grande paix de Montréal de 1701 plusieurs Amérindiens amis sont chassés de leur territoire par leurs frères ennemis, les Iroquois alliés des Anglais. Une partie de ces Iroquois prenant partis pour la cause française, viendront également s’y réfugier. Ils viennent donc s’installer en territoire ami sur les rives du fleuve et c’est alors que les religieux les rassemblent en seigneurie à l’intérieur de Missions autour de Québec, Trois Rivières et Montréal pour mieux les convertir (Sillery, Lauzon, rivière Saint-François, La Prairie, Lac des Deux Montagnes, etc.). En Bellechasse, Bermen de Lamartinière qui gère la seigneurie de Lauzon cèdera aux Jésuites une partie de la seigneurie à l’ouest pour faire place aux Indiens, réfugiés temporairement par millier aux chutes de la Chaudière. En compensation, il se fera donner une seigneurie à l’est de celle qu’il gère, en 1692. Contribuant également au mélange des cultures en partageant un même espace, ces autochtones appelés « domiciliés » par ce que rapatriés dans la Vallée du Saint-Laurent où la présence française est plus grande, combattent aux côtés de nos ancêtres contre l’Iroquois et l’Anglais. Certaines Amérindiennes converties sont baptisées et naturalisées françaises par le fait même. En épousant des Français d’origine, elles donnent naissance à des Canadiens métissés dont les petits-enfants après la Conquête deviennent Québécois. Viennent ensuite s’intégrer à la culture québécoise des Britanniques, des États-uniens loyalistes, des Allemands, des Écossais, des Irlandais en grand nombre, des Italiens, des Grecs, Vietnamiens, Chinois, Marocains, etc. Érection canonique d’une paroisse commune. Catholiques et francophones pour la très grande majorité, avec toujours un peu d’indien dans le cœur et parfois même dans le corps, les cultivateurs qui habitent la seigneurie La Durantaye deviennent paroissiens d’une paroisse sans titulaire appelée Saint-Michel, érigée canoniquement par Monseigneur de Laval en 1678, année où le territoire de la Vallée du Saint-Laurent est divisé en paroisses. Si l’État divise le territoire en seigneuries, l’Église le divise en paroisses. Le territoire d’une paroisse n’est pas nécessairement le même que celui d’une seigneurie. Une seigneurie peut contenir plusieurs paroisses et à l’inverse une paroisse peut chevaucher plusieurs seigneuries. Hommage à Étienne Corriveau au cimetière de Saint-Vallier La paroisse d’origine de Saint-Michel quant à elle, regroupe toutes les seigneuries concédées sur la Côte-du-Sud entre Beaumont et Rivière-du-Loup. Si les gens de Beaumont fêtent tous les 25 ans l’anniversaire de la concession de leur seigneurie en 1672, les gens de Saint-Michel soulignent pour leur part l’anniversaire de cette grande paroisse commune. Les services religieux sont alors dispensés par les missionnaires Récollets puisqu’il n’y a pas de presbytère, pas d’église et pas de curé. Pourquoi une si grande paroisse? C’est qu’il n’y a pas suffisamment de monde à l’intérieur de chaque seigneurie pour financer et entretenir ces institutions par la dîme, la quête et la corvée. C’est dans cette grande paroisse commune en 1678 qu’arrive Étienne, le père de tous les Corriveau d’Amérique. Construction du manoir Manoir de Beaumont En 1690, au retour du fort Michillimakinac qu’il commande dans la région des Grands Lacs pour sécuriser le territoire en vue de la traite des fourrures aux Pays d’en haut en amont de Montréal, Olivier Morel-de-La-Durantaye fait construire son manoir sur le site actuel de la propriété de M. Cormier à l’est de l’embouchure de la rivière Boyer à côté de la halte routière de Saint-Vallier. Aujourd’hui disparue, cette maison en pierre mesure 35 pieds de long par 23 pieds de large. Elle devait ressembler beaucoup au manoir actuel de Beaumont restauré par M. Rosaire Saint-Pierre. Une paroisse autonome appelée Saint-Laurent Si la seigneurie de Beaumont se détache de la grande paroisse commune et devient paroisse autonome en 1692 en adoptant Saint-Étienne comme patron, la seigneurie de La Durantaye le devient l’année suivante en 1693. Étienne Corriveau et avec lui tous les habitants baptisés établis dans la seigneurie La Durantaye deviennent pendant 5 ans, paroissiens d’une paroisse autonome qui sera appelée Saint-Laurent avec l’ouverture et le dépôt des premiers registres (consignation des actes de baptême, de mariage et de sépulture dans un grand livre) à Beaumont, par le missionnaire récollet Guillaume Beaudoin. Pourquoi le toponyme Saint-Laurent? On pense évidemment au fleuve du même nom, mais Marie-Antoine Roy pense plutôt que ce serait en hommage au Père Laurent, Grand Missionnaire en Canada, qui supervisait de Québec le travail des prêtres missionnaires récollets dans la région. Embouchure de la rivière des Mères nommée ruisseau Belle Chasse par Nicolas Marsolet en 1636 Le territoire de cette nouvelle paroisse recouvre entièrement celui de la seigneurie de La Durantaye entre la chute du Moulin Beaumont (chute Maillou) et l’anse de BerthierBellechasse (embouchure de la rivière des Mères autrefois baptisée ruisseau Belle Chasse par le truchement et ami des Montagnais Nicolas Marsolet, ancêtre de la chanteuse Madona et du comédien Roy Dupuis, qui sera seigneur de Bellechasse de 1637 à 1672 remplacé par le seigneur Berthier qui agrandira la seigneurie nommée alors BerthierBellechasse et connue maintenant sous le nom de Berthier-sur-Mer). Premier agrandissement de la seigneurie La Durantaye et de la paroisse Saint-Laurent Les paroissiens de Saint-Laurent et les cultivateurs-censitaires de La Durantaye occupent de plus en plus de territoire. Selon les règles du système seigneurial ils se sont vus concéder par le seigneur Olivier Morel, depuis 1672, une censive de 3 ou 4 arpents de large par 30 ou 40 arpents de profondeur moyennant qu’ils habitent, défrichent et cultivent la terre et qu’une fois l’an ils se rendent au manoir payer au seigneur de La Durantaye le cens et la rente. On paye souvent en biens (chapon, blé, etc.) car l’argent circule très peu faute de disponibilité des devises. Le troc à l’indienne est de mise. Plusieurs curés aux 18e et 19e siècles auront leur grange, parfois à même le presbytère comme à Saint-Anselme, pour engranger la dîme au grenier c'est-à-dire la farine de blé et autres produits issus de la ferme. Rivière Le Bras qui servira de frontière à l’ouest en 1713 entre les seigneuries de Beaumont et de Saint-Michel En prévision de leur expansion, les censitaires voient leur seigneurie et paroisse doubler en profondeur vers le sud, leur seigneur Olivier Morel ajoutant deux lieues aux deux lieues qu’elles avaient déjà sur une largeur de trois lieues le long du fleuve entre Beaumont et Berthier. Au total, le territoire de leur seigneurie et paroisse se retrouve avec une profondeur de 19,2 kilomètres sur une largeur de 14.4 kilomètres le long du fleuve, correspondant au territoire actuel des municipalités de Saint-Michel, La Durantaye, SaintVallier, et Saint-Raphaël. On allait chercher par cet agrandissement une partie importante de la rivière du Sud qui alimentera au fil des ans plusieurs moulins et centrales hydroélectriques dans le secteur de Saint-Raphaël. Le territoire s’enrichit également du lac Saint-Michel (maintenant Lac aux Canards) et de deux autres rivières : une partie de la Rivière Le Bras et du ruisseau de la Chute. Ruisseau de la Chute à Saint-Raphaël Un secteur de la rivière Boyer au sud de Beaumont appartenant aux terres de la Couronne est également annexé à la seigneurie La Durantaye : une lieue par une lieue de part et d’autre de la rivière soit 4,8 kilomètres par 4,8 kilomètres. Le seigneur Olivier Morel s’intéresse particulièrement à une pinède située le long de la Boyer au sud de Beaumont. De plus, la rivière Boyer traverse déjà la moitié de sa seigneurie en remontant d’est en ouest depuis son embouchure. Il est donc avantageux pour lui, sa famille et ses censitaires éventuels d’en posséder le droit d’accès plus en amont. On connaît l’importance des rivières à une époque où il n’y a pas de route. Avoir une rivière dans sa seigneurie présente toujours un avantage incontestable pour l’alimentation des moulins en énergie, la pêche qu’on peut y faire et l’usage multiple de son eau. Laval Marquis par exemple, propriétaire d’une pinède à Saint-Charles, se souvient d’avoir pêché le doré à la Boyer. La présence d’une telle rivière facilite grandement le peuplement. Olivier Morel demande donc l’agrandissement de sa seigneurie au sud-ouest en compensation de nombreux services rendus à l’État comme officier du Régiment de Carignan appelé constamment à faire campagne contre les Iroquois et il l’obtient. En lui concédant ce territoire les autorités royales compensent également pour les sommes déboursées dans la région des Grands Lacs à titre de commandant du fort Michillimakinak. Une partie de la rivière Boyer située à l’ouest du pont Picard de Saint-Charles sera annexée à la seigneurie La Durantaye en 1693. Une autre partie, plus à l’ouest encore, le sera trois ans plus tard. Deuxième agrandissement de la seigneurie et de la paroisse En 1696 le territoire de la seigneurie La Durantaye et par le fait même celui de la paroisse Saint-Laurent s’agrandit à nouveau au sud de Beaumont : deux lieues de profond qui s’ajoutent au sud de l’autre, concédée en 1693, et deux lieues de profond au sud Vincennes en ligne avec Beaumont, de part et d’autre de la rivière Boyer, sur une largeur d’une lieue d’est en ouest jusqu'à la seigneurie La Martinière. L’ensemble de l’augmentation correspond au territoire actuel de Saint-Gervais et de Saint-Charles en très grande partie. On est à même de constater que déjà en 1696 le territoire de la seigneurie La Durantaye est immense. Si elle a une largeur de 14,4 kilomètres (3 lieues) au fleuve entre Berthier et Beaumont elle en a une, plus au sud, de 24 Kilomètres (5 lieues) entre la ligne frontière de Saint-François, au sud de Berthier, et celle de Lamartinière à l’ouest, collée à la seigneurie de Lauzon. Faubourg des Moulins à Saint-Gervais le long du rang 1 (première Cadie) Par cet agrandissement, outre la rivière Boyer, on allait chercher une autre partie de la rivière Le Bras ainsi qu’un de ses principaux affluents à savoir la Rivière du Moulin qui alimente le Faubourg des Moulins au premier rang de ce qui deviendra Saint-Gervais et qu’on appellera Première Cadie en mémoire des pionniers Acadiens qui s’y installent en 1755-56 après avoir fui à travers bois la déportation des leurs. Aidés des Indiens malécites et micmacs, ils arriveront à Québec, pour être ensuite accueillis par le seigneur Péan fils, à la demande des autorités. On leur devrait entre autres l’introduction de la patate en Bellechasse. La majeure partie de la rivière Boyer située maintenant sur le territoire actuel de la municipalité de Saint-Charles passe donc dans la seigneurie de La Durantaye et dans la paroisse Saint-Laurent au moment de son augmentation en 1696 par Olivier Morel de La Durantaye. À l’époque, il faut se le rappeler, la seigneurie de Beaumont a seulement une profondeur d’une lieue et demie (7.2 kilomètres) à partir du fleuve. Elle rejoint à peine la rivière Boyer dans sa partie sud-est (voir les cartes 1, 2, 3 et 4). Des terres y auraient d’ailleurs été concédées par le seigneur Charles Couillard premier. Ce n’est qu’en 1713 que la seigneurie de Beaumont sera agrandie illégalement au sud jusqu’à la Rivière Le Bras, à même le territoire de cet agrandissement de la seigneurie La Durantaye. Comme toute seigneurie, celle d’Olivier Morel ne devient rentable qu’avec les années au fur et à mesure du peuplement. La paroisse Saint-Laurent prend le nom de Saint-Michel-de-La-Durantaye Seigneurie de Bellechasse, la plus vieille du Comté, face à l’île d’Orléans En 1698, la paroisse Saint-Paul de l’île d’Orléans change de nom pour prendre celui de Saint-Laurent. Le fait d’avoir Saint-Paul comme patron faisait en sorte que cette paroisse de l’île d’Orléans était toujours fêtée en même temps que Saint-Pierre de l’île, une seule fête étant prévue dans le calendrier liturgique pour les apôtres Pierre et Paul. Pour la paroisse de Saint-Paul, la seule solution envisageable pour avoir sa propre fête était de changer de saint patron et c’est ce qu’elle fait en 1698. Pour éviter toute confusion, la paroisse Saint-Laurent, sur la rive sud, change de nom à son tour. Elle s’appellera désormais Saint-Michel-de-La-Durantaye : Saint-Michel en référence à l’archange SaintMichel son nouveau saint patron emprunté à la paroisse commune de 1678 en remplacement de Saint-Laurent, et La Durantaye en référence à la seigneurie d’Olivier Morel. Ce n’est qu’au 19e siècle qu’on parlera de Saint-Michel-de-Bellechasse au moment de la création du District de Comté de Bellechasse en 1845 remplacé, après l’abolition du système seigneurial en 1854, par le Conseil de Comté, remplacé à son tour par La Municipalité Régionale de Comté (MRC) en 1982. Bellechasse fait référence au comté créé sous le nom d’Hertford en 1791 et rebaptisé Bellechasse en 1829 du nom de sa plus vieille seigneurie à l’époque (maintenant Berthier-sur-Mer) avant que celle-ci ne passe dans le comté de Montmagny en 1850. Première chapelle de Saint-Michel-de-La-Durantaye En 1702, la laiterie de Jacques Corriveau sert aux missionnaires devant célébrer la messe lors de leur passage à Saint-Michel-de-La-Durantaye. On est alors sur la terre de Jacques, fils d’Étienne et capitaine de milice, située à l’est de l’embouchure de la rivière Boyer. Une petite chapelle dédiée à Sainte Anne y est également construite. Population de la seigneurie La Durantaye en 1706 On assiste petit à petit à l’augmentation de la population. En 1663 l’État reprend la colonisation en main et la population du Canada augmente. En 1673 elle aura doublé. Ici en Bellechasse, au recensement de 1706, on compte 225 personnes dans la paroisse et seigneurie de Saint-Michel-de-La-Durantaye, de part et d’autre de l’embouchure de la rivière Boyer. Selon la carte géographique de Gédéon Catalogne réalisée par JeanBaptiste de Couagne en 1709, la presque totalité des terres riveraines est occupée et un deuxième rang est déjà amorcé au sud, à l’ouest de l’embouchure de la rivière Boyer, rang 2 de l’actuelle municipalité de Saint-Michel. Outre les Corriveau et les Champagne on y trouve des noms comme Carrier, Boutin, Roy, Marchand, Breton, Leblond, Laverdière, Miraux, Tibot, Gendreau, Beaudet, Marquet, Fontaine, Lacroix, Gauvin, Labri, Boulanger, Lafleur, et d’autres. La première route : le Chemin du Roi Le fleuve, seule voie de communication pendant 200 ans À partir de 1713 les habitants peuvent emprunter un chemin tracé par le Grand Voyer (ingénieur royal) Robineau de Bécancour. C’est le Chemin du Roi qui devient le premier rang et qui doit être entretenu par les habitants-censitaires obligés également à la corvée par le système seigneurial. Les milices paroissiales dirigées par un capitaine et composées d’hommes valides en âge de porter une arme, c'est-à-dire des recrutés de 16 ans et plus, font observer la loi seigneuriale en obligeant les récalcitrants éventuels. Aucune autre route n’existe alors; seulement des sentiers empruntés par les Indiens de passage et les colons avoisinants. Ce chemin du Roi ne peut d’ailleurs pas servir de substitut à la route fluviale avant que les ponts ne soient construits au début du 19e siècle. Durant 200 ans le fleuve est donc à toutes fins utiles la seule voie de communication. Après les bateaux à voiles, les goélettes et les vapeurs, viennent le chemin de fer, les routes de terre, les voitures, les autos-neiges, le camion avec le déneigement des routes durant l’hiver, l’autobus et l’avion. Création de la paroisse Saint-Philippe, Saint-Jacques En 1713-1714, les paroissiens de Saint-Michel-de-La-Durantaye situés à l’est de l’embouchure de la rivière Boyer, les Michelois d’en bas (en aval du fleuve) deviennent paroissiens de la paroisse Saint-Philippe et Saint-Jacques créée par Monseigneur de Saint-Vallier, deuxième évêque de Québec. Pourquoi créer une nouvelle paroisse? La rivière Boyer empêche les Michelois d’en haut (en amont du fleuve) d’aller le dimanche à la chapelle située de l’autre côté de la rivière (en aval). L’intendant Raudot avait bien ordonné la construction d’un pont, mais cette ordonnance n’avait pas encore été suivie. Elle le sera seulement 100 ans plus tard en 1800. Faute de pont, l’Église crée une nouvelle paroisse forçant ainsi les Michelois d’en haut à se construire une autre chapelle dans la seigneurie, à l’ouest de la Rivière, sur un terrain que le cultivateur Louis Lacroix donne à la nouvelle fabrique en 1712-1713 correspondant au site de l’église actuelle du village à Saint-Michel. La maison de la famille Théberge, située sur la 132 à Saint-Michel au bout de la Rue de l’Église, est témoin de la naissance de cette paroisse puisqu’elle date de 1712. Ayant appartenu à la famille Théberge depuis 4 générations, on pense même que cette maison aurait eu le cultivateur Louis Lacroix comme premier propriétaire. Maison Théberge, 1712, possiblement celle de Louis Lacroix Pendant 7 ans donc et à partir de 1713, la seigneurie de La Durantaye compte en son sein deux paroisses : Saint-Michel-de-La-Durantaye et Saint-Philippe-Saint-Jacques. Construction d’une première église dans la seigneurie La Durantaye Première église de Saint-Philippe et Saint-Jacques, 1716-1904, construite sur le site actuel du cimetière de Saint-Vallier Du côté est de la rivière, en remplacement de la laiterie Corriveau devenue presbytère et de la petite chapelle Sainte-Anne, on construit une première église en 1712. Elle sera achevée en 1716 sur une partie de terre appartenant à Laurent Taraut, dit Champagne, voisin de Jacques Corriveau. Chose remarquable, cette église en pierre, située sur le site actuel du cimetière de Saint-Vallier, sert au culte de la paroisse Saint-Philippe et SaintJacques pendant près de deux cents ans, jusqu’en 1904, année où elle est démolie pour agrandir le cimetière. Presbytère de Saint-Vallier construit en 1849 en remplacement de l’ancien Un presbytère est également construit à côté de l’église qui sera remplacée en 1849 et déménagée au Quatre Chemins par la suite au début du 20e siècle. Le domaine seigneurial de la seigneurie La Durantaye Halte routière de Saint-Vallier, site de l’ancien domaine seigneurial On sait depuis la carte du militaire Gédéon Catalogne que le domaine seigneurial d’Olivier Morel est situé de part et d’autre de l’embouchure de la rivière Boyer : trois terres à l’ouest dans la paroisse Saint-Michel-de-La-Durantaye, trois terres à l’est dans la paroisse Saint-Philippe-Saint-Jacques. Le manoir seigneurial ayant été construit à l’est de la rivière (site actuel de la halte routière de Saint-Vallier) le seigneur Olivier Morel devient donc paroissien de Saint-Philippe-Saint-Jacques et c’est sous son banc, à l’église nouvellement construite dans cette paroisse toute récente, qu’il est inhumé en 1716, dans sa seigneurie de La Durantaye. Création de la seigneurie de Saint-Vallier En 1720, une nouvelle seigneurie est créée à même le territoire de la seigneurie La Durantaye. Tous les colons-censitaires de La Durantaye, situés entre l’embouchure de la rivière Boyer et la seigneurie de Berthier-Bellechasse dans la paroisse Saint-Philippe et Saint-Jacques créée en 1713, deviennent des censitaires de la seigneurie de Saint-Vallier avec comme nouveau seigneur : les religieuses de la Communauté des Augustines Hospitalières de l’Hôpital Général de Québec. La seigneurie a 3 lieues de profond (14.4 kilomètres) La seigneurie de La Durantaye change de nom pour Saint-Michel C’est à la suite de cette perte de territoire que la seigneurie La Durantaye change de nom. On l’appellera désormais seigneurie de Saint-Michel, car le territoire de la seigneurie recouvre le même territoire que celui de la paroisse Saint-Michel-de-La-Durantaye qui elle aussi se fera appeler Saint-Michel avant de prendre le nom de Saint-Michel-deBellechasse au 19e siècle. Malgré la perte de Saint-Vallier, le territoire de la seigneurie et de la paroisse SaintMichel demeure immense. Il contourne la seigneurie de Saint-Vallier au sud-est sur une profondeur d’une lieue jusqu’au territoire actuel d’Armagh et sur une largeur d’une lieue et quart jusqu’au territoire actuel de Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud. Le territoire contourne également la seigneurie de Beaumont à l’ouest, au sud de la rivière Le Bras, jusqu’au territoire de la seigneurie Lamartinière collée à celle de Lauzon. En profondeur elle rejoint le 4e rang actuel de Saint-Gervais au sud de la Rivière Le Bras et de part et d’autre de la rivière du Moulin. C’est de là, dans la tête des colons du 4e rang, que germera l’idée de fonder la nouvelle paroisse de Saint-Lazare, siège actuel des bureaux de la MRC de Bellechasse. L’église de Saint-Gervais est trop loin de leur profit. Ils en réclament une nouvelle, plus accessible. Agrandissement « illégal » de la seigneurie de Beaumont vers le sud Domaine seigneurial de Beaumont Il est important de noter ici que la seigneurie de Beaumont en 1720 est déjà agrandie jusqu’à la rivière Le Bras à même le territoire de la seigneurie La Durantaye. Puisque personne ne s’était encore établi là de part et d’autre de la rivière Boyer à part quelques colons qu’il prétendait y avoir lui-même installés par ignorance des limites de sa seigneurie, le seigneur Charles Couillard en avait fait la demande de concession aux autorités de Québec croyant sans doute que ces terres appartenaient à la Couronne. Le Gouverneur et l’Intendant n’ont pas fait vérifier l’appartenance de ce territoire et ont accordé la possession de ces terres au seigneur Charles Couillard. Les terres, à lui non concédées tel que libellé dans la demande de concession aux autorités, deviennent les terres non concédées dans le libellé de l’acte de concession. Personne n’a contesté et l’agrandissement est passé à l’histoire. Charles Couillard doublait ainsi sa seigneurie d’une lieue et demie au sud sans avoir à payer un sou au Seigneur Olivier Morel de La Durantaye à qui appartenait pourtant ces terres depuis 1693 et 1696. (Voir en annexe les actes de concession accompagnés de commentaires.) Heureusement pour Charles Couillard et sa famille, car on dit qu’il n’était pas très fortuné. N’’ayant pas rendu de services particuliers à l’État il n’aurait pas pu accéder aux terres convoitées à moins de les acheter. On peut se demander pourquoi le seigneur de La Durantaye n’a pas contesté l’agrandissement de Beaumont en 1713. Tentative de réponse : Olivier Morel, vivant audessus de ses moyens comme plusieurs nobles de l’époque, n’a ni l’argent ni l’énergie pour aller en procès. Il a des dettes et pour les payer il est obligé de vendre la maison qu’il possède à Québec. Il est aussi au terme de sa vie puisqu’il meurt 3 ans plus tard en 1716. De plus, il avait concédé les terres convoitées par Charles Couillard en sous-fiefs à ses enfants et ceux-ci étaient retournés en France peu empressés à s’occuper de leurs affaires en Canada. Deux autres agrandissements de la seigneurie de Saint-Michel : 1744 et 1752 Ce n’est qu’en 1736, lors d’un encan, que la partie ouest de la seigneurie La Durantaye, appelée alors Saint-Michel, est vendue, amputée de l’agrandissement de Beaumont, à Michel-Jacques-Hugues-Péan-de-Livaudière qui devient le deuxième seigneur de SaintMichel après Olivier Morel de La Durantaye. Jacques Péan meurt en 1747 après avoir agrandi la seigneurie Saint-Michel d’une demie lieue (2,4 kilomètres) au sud-ouest et d’une autre demie lieue derrière Vincennes, en 1744, à la suite d’un jugement de cour contre Lafontaine de Belcour qui à l’instar de Charles Couillard s’était lui aussi fait concéder des terres qui appartenaient à quelqu'un d’autre. Il semble que ce soit pratique courante à l’époque, car Madame Boisseau fera de même avec son petit fief de Vitré ou Montapeine en 1751. Voir à ce sujet la carte No 8. Alors qu’il mesure à peine une demilieue de profondeur c’est-à-dire 40 arpents, elle le vend à gros prix (1800 livres) à son voisin, le seigneur de Vincennes, en lui donnant une profondeur de 6 lieues soit 504 arpents. Le seigneur de Lamartinière proteste énergiquement et madame Boisseau se voit forcer de reprendre son petit fief de 10 arpents de large par 40 arpents de profond quelques années plus tard. Celui-ci sera vendu ensuite pour une somme ridicule (cent chelins) au seigneur Fraser et intégré à sa seigneurie de Lamartinière. Le parc Jean Drapeau à l’extrême ouest de la municipalité de Beaumont est situé sur l’ancien territoire de ce petit fief Vitré accolé à l’ancienne seigneurie de Vincennes. La rue qui nous y conduit à partir de la 132 porte le nom de Vitré. Moulin de Beaumont autorisé par Charles-Joseph Descheneaux, co-seigneur de SaintMichel Après avoir démoli le vieux moulin de la rivière Boyer à l’est de sa seigneurie pour en récupérer la machinerie, Michel-Jacques-Hugues-Péan-de-Livaudière construit le moulin Péan au pied de la falaise de la chute à Maillou à la frontière ouest de sa seigneurie et celle de Beaumont sa voisine. La chute Maillou étant sur le territoire de la seigneurie de Beaumont à la suite d’un jugement de cour que Charles Couillard premier avait gagné contre Olivier Morel soixante ans auparavant, Péan-de-Livaudière père achète le droit de mouture du seigneur Couillard second . Son fils Michel-Jean-Hugues-Péan-de-Livaudière lui succède et agrandit la seigneurie Saint-Michel au sud sur le territoire actuel des municipalités de Saint-Nérée, Saint-Lazare et Saint-Damien Nord en 1752. En 1831, L’arpenteur et cartographe Joseph Bouchette donne le nom d’augmentation à l’agrandissement des secteurs de Saint-Gervais et Livaudière jusqu’à Saint-Damien. En tout ou en partie, à l’abolition de la tenure seigneuriale en 1854 la seigneurie de SaintMichel compte 6 paroisses : Saint-Michel, Saint-Raphaël, Saint-Nérée, Saint-Damien, Saint-Lazare, et Saint-Charles. Quand la paroisse et le village de La Durantaye sont créés sur son territoire en 1910 en lieu et place du hameau Saint-Michel–Station, la tenure seigneuriale a été abolie et la seigneurie La Durantaye a disparu, remplacée par une municipalité à l’intérieur d’un Conseil de Comté puis d’une Municipalité Régionale de Comté (MRC). Village de Saint-Lazare, sur un territoire qui sera annexé à Saint-Michel en 1752 Le domaine des religieuses à Saint-Damien sur le territoire qui sera annexé à la seigneurie de Saint-Michel en 1752 Le territoire de la municipalité de Saint-Nérée sera annexé à la seigneurie Saint-Michel en 1752 Complice de l’intendant Bigot, dont il épouse la maîtresse, et de son secrétaire Brassard Descheneaux, Péan fils utilise le moulin Péan pour son commerce illégal de farine jusqu’à la Conquête, de 1745 à 1759. Un quai sur la batture vis-à-vis du moulin sert à exporter les poches de farine par bateaux malgré un interdit royal promulgué à cet effet pour éviter la pénurie et la famine. On peut affirmer sans trop se tromper que Péan, Bigot et Descheneaux ont contribué à affaiblir le Canada au moment de la Conquête en exploitant honteusement leurs censitaires confrontés à la pénurie de céréales et donc à la famine. On voit alors plusieurs hommes, femmes et enfants mendier le pain. Après le départ de Péan et de Bigot en France où ils seront jugés et condamnés, Brassard Deschenaux, resté au Canada, échappe à la justice bien que jugé coupable à son tour par contumace. Il acquiert la seigneurie de Saint-Michel en 1765. Il lègue la seigneurie à ses quatre enfants dont Charles-Joseph, curé de l’Ancienne Lorette qui en 1821 autorise comme co-seigneur la construction d’un moulin à carder en haut de la falaise. Le moulin Péan cesse ses activités en 1889. Onésime Poulin devenu propriétaire du moulin à carder (maintenant appelé moulin de Beaumont) prend la machinerie du moulin Péan et l’ajoute à son moulin d’en haut. En 1933, Adjutor Breton achète le moulin de Beaumont et le revend en 1947 à Arthur Labrie. C’est à ce dernier que nous devons la restauration et la mise en marche du magnifique moulin que nous connaissons. Multifonctionnel, puisqu’une scie verticale et une ponceuse y furent également installées, ce Moulin de Beaumont nous rappelle encore aujourd’hui la très grande utilité de ces engins qui au cours des siècles, comme outil de transformation de la matière première, ont servi à nous vêtir (moulin à carder), à nous bâtir (moulin à scie) et à nous nourrir (moulin à farine). Une présence amérindienne dans la paroisse de Saint-Michel De 1745 à 1747, des Indiens micmacs et malécites (Etchemins) viennent s’établir près de l’anse Mercier à l’est de la paroisse. Chassés de leur coin de pays par les Anglais après le traité d’Utrecht qui leur cède l’Acadie, ils se réfugient dans la paroisse de Saint-Michel. Ils y resteront deux ans avant de s’en retourner près de la rivière Saint-Jean qui traverse tout le Nouveau-Brunswick avant de se jeter dans la baie de Fundy. Tout se passe bien, car les Canadiens ont une longue tradition de cohabitation avec l’Indien. Déjà au temps de Champlain en 1618 le chef des Algonquins de Trois Rivières dont les siens séjournaient fréquemment au lac Saint-Pierre invitait le fondateur de Québec à venir bâtir une « habitation » à côté de leur campement. Champlain aurait répondu à leur invitation en ces termes : « …alors nos garçons se marieront à vos filles et nous ne serons plus qu’un peuple ». Contrairement à Cartier et Roberval, Dugua de Mons et Champlain avaient reçu un mandat clair des autorités françaises à l’effet de vivre en bonne intelligence avec les autochtones du Canada. Ce mandat royal les obligeait à créer des alliances et à sans cesse favoriser la paix entre les tribus et eux-mêmes. C’est ce qu’ils feront dès le départ en fumant le calumet de paix avec les Montagnais (Innus) alliés des Hurons à Tadoussac en 1600, avec les Micmacs à Port Royal en 1604 dans la Baie de Fundy et avec les Hurons de la région des Grands Lacs dans les années qui suivent la fondation de Québec en 1608. Les Seigneuresses de Saint-Vallier Moulin du Petit Canton, propriété des Sœurs Hospitalières, seigneuresses de Saint-Vallier La nouvelle seigneurie de Saint-Vallier, léguée par Olivier Morel à son fils aîné LouisJoseph Morel, est achetée pour 16,000 livres (environ 96,000 dollars canadiens selon les données de l’historien Marcel Trudel qui nous suggère de multiplier par 6 le nombre de livres). C’est Monseigneur de Saint-Vallier qui l’achète au nom des Sœurs Augustines Hospitalières de Québec qui en deviennent les Seigneuresses. La seigneurie mesure environ une lieue et quart de large au fleuve par trois lieues de profond c'est-à-dire environ 7 kilomètres de large par 14,4 kilomètres de profond. Les religieuses font construire le Moulin du Petit Canton alimenté par l’eau du Lac Saint-Michel (maintenant Lac aux Canards) et cultivent les terres de leur domaine seigneurial pour nourrir leur communauté responsable de l’Hôpital Général de Québec fondé à l’initiative de Monseigneur Saint-Vallier. Maison qui aurait servi de Manoir aux Sœurs Hospitalières, seigneuresses de SaintVallier On pense que les religieuses ont habité la maison située à l’ouest de l’embouchure de la rivière Boyer sur le site du domaine d’Olivier Morel. Elles auraient également habité le premier bâtiment construit sous le régime français sur le site actuel du domaine Amos, à la frontière est de Saint-Vallier, avant que la famille Tarieu de Lanaudière n’y établisse leur demeure pour constituer, avec l’ajout d’une chapelle, le manoir actuel. Manoir de Lanaudière habité jadis par les petites-filles de Madeleine de Verchères On sait qu’Olivier Morel, en plus de son domaine à la rivière Boyer, s’est réservé cet endroit à la limite est de cette partie de seigneurie avant que son fils héritier ne la vende aux religieuses par l’intermédiaire de Monseigneur de Saint-Vallier. La Conquête anglaise de 1755 à 1763 et Marie-Josephte Corriveau Maison de ferme (maintenant à Beaumont) qu’aurait habitée Marie-Josephte Corriveau à Saint-Vallier Depuis plusieurs années déjà avant la bataille décisive des plaines d’Abraham la résistance s’organise partout sur la rive sud à Saint-Vallier comme ailleurs. MarieJosephte Corriveau fait sa part en allumant des feux sur la grève pour avertir l’armée française des déplacements de la flotte anglaise. Ni le sémaphore, ni le télégraphe, ni le téléphone n’existant encore sur le continent, on s’arrange autrement pour communiquer. En 1759 le Major Scott, débarqué à Kamouraska, brûle près de 1000 bâtiments (maisons et granges) situés le long du chemin du Roy entre Kamouraska et Saint-Thomas (Montmagny). La Côte-du-Sud est en feu. Aidés des milices canadiennes, les soldats français essaient de résister, mais sans l’aide d’un renfort espéré qui ne vient pas c’est peine perdue. Après avoir cédé la Baie d’Hudson, Terre-Neuve et l’Acadie, à l’Angleterre par le traité d’Utrecht en 1713, la France abandonne maintenant le reste du Canada et c’en est fait de la Nouvelle-France. Elle signe le traité de Paris en 1763 et le territoire du Canada est réduit à la Vallée du Saint-Laurent, là où il y avait la majorité des seigneuries dans ce qui sera appelé par les Anglais : The Province of Quebec. Tous ceux et celles qui vivent et vivront à l’intérieur des frontières plusieurs fois modifiées de la Province de Québec s’appelleront désormais Québécois et formeront une nation distincte reconnue tout récemment en 2007 par le parlement canadien. En cette même année 1763, Marie Josephte Corriveau de Saint-Vallier est arrêtée, jugée en anglais par le tribunal militaire et injustement reconnue coupable d’avoir assassiné son deuxième mari. Si le procès avait été équitable, elle aurait bénéficié d’un non-lieu pour absence totale de preuve ou encore d’acquittement pour légitime défense compte tenu du fait que son mari la battait. Au lieu de cela elle est pendue et son corps est suspendu dans une cage de fer à Pointe Lévis pour servir d’exemple. huile 16 po x 20 po, 1998. Oeuvre de Françoise Pascals Autour de ces faits, une légende prend naissance. Jeune, jolie femme qui aime se promener régulièrement sur la batture à dos de cheval pour goûter à la vie et déjà perçue à cause de sa joie de vivre comme une femme aux mœurs légères par une partie de son entourage aussi catholique que le pape, Josephte Corriveau est soudainement métamorphosée en femme de mauvaise vie. Elle devient la corriveau, l’incarnation du mal, celle par qui le scandale arrive, l’objet de concupiscence, la provocatrice, la damnée, la pécheresse, la femme « pestiférée » la méchante sorcière qui, la nuit, décroche sa cage de la potence et s’attaque aux passants. Avant d’être arrêtée et jugée, elle se serait d’ailleurs vengée du mépris de ses concitoyens en tuant 7 de ses amants, à la manière de Barbe Bleue qui avait tué 7 de ses femmes. Nouveau seigneur : La famille Tarieu de Lanaudière. Manoir Henderson à Saint-Malachie Après la Conquête, en 1767, les religieuses n’ont pas les moyens de maintenir la seigneurie. Les dépenses occasionnées par les soins accordés aux blessés de la guerre de 7 ans avaient été trop élevées. Elles vendent donc la seigneurie de Saint-Vallier à Charles-Francois-Xavier-Tarrieu de Lanaudière, fils de Madeleine de Verchères. Celui-ci n’habitera jamais cette seigneurie, trop occupé à entretenir la sienne dans Lanaudière, mais ses enfants font construire une résidence à la pointe de Saint-Vallier là où Olivier Morel de La Durantaye s’est déjà réservé un espace en plus de son domaine à la rivière Boyer. Ajoutée à deux autres bâtiments, dont l’un construit sous le régime français, elle forme le manoir que l’on peut voir aujourd’hui. La famille Lanaudière le garde jusqu’en 1850. Plusieurs propriétaires se succèdent ensuite, plusieurs notables de Québec, puis le notaire Larue, à qui on doit la terrasse, la famille Duchesne jusqu’en 1923 et la famille Amos, qui l’habite encore en 2008. À l’heure actuelle ce manoir seigneurial est le seul encore debout en Bellechasse avec celui de Beaumont. Celui qu’on appelle Manoir Henderson à Saint-Malachie n’est pas un manoir seigneurial, mais un « manoir » cantonal habité par un chef de Canton. La confusion vient du fait que le major Henderson, en plus d’être chef de Canton, est aussi propriétaire d’une seigneurie ailleurs. Il était seigneur mais pas seigneur de Saint-Malachie. Si les termes domaine et manoir sont maintenant utilisés pour désigner des propriétés cossues, ils désignaient uniquement jadis les terres et la maison du seigneur. Le moulin du « Grand-Sault ». Moulin du « Grand-Sault » devenu centrale hydro-électrique à la Rivière-du-Sud dans le secteur de Saint-Raphaël En 1796-97, le seigneur de Saint-Vallier, Charles-Gaspard Tarieu de Lanaudière, petitfils de Madeleine de Verchères et frère des demoiselles Marie-Louise-Agathe et Charlotte-Marguerite qui habiteront le manoir, fait construire un nouveau moulin à eau le long de la rivière du Sud sur un site qui appartient maintenant à la municipalité de paroisse de Saint-Raphaël. La construction d’un deuxième moulin devient nécessaire pour répondre à la demande de farine, car le moulin du Petit Canton ne produit pas suffisamment. Une requête est adressée alors par la famille Tarieu de Lanaudière au Grand Voyer pour qu’il autorise la construction d’une route permettant de se rendre du lieu appelé Vide Poches où est construit le moulin du Petit Canton au nouveau moulin qu’on appelle maintenant moulin du Grand-Sault. L’occupation américaine et la légende des excommuniés Les vieux fusils, huile 16 po x 20 po, 1998. Oeuvre de Françoise Pascals. «À l'heure où le passé et le présent se confondent au coeur de la nuit bleue, ils veillent sur leur village dans l'espoir qu'un jour, une nuit, les âmes engourdies des villageois entendent la voix des vieux fusils, ceux qui refusent de se rendre ». Cette légende des Vieux Fusils ou des Excommuniés prend son origine dans un événement qui s'est passé dans l'église de Saint-Michel au moment où l'armée du Congrès américain envahit le Québec en 1775 dans le but de le conquérir pour en faire sa 14e Colonie. Afin d’éviter que les Canadiens de la Vallée du Saint-Laurent, nommés Québécois par les Anglais, deviennent Étatsuniens, Sa Majesté britannique Georges III donne force de loi au Quebec Act en juin 1774. Désastreux pour tous les Canadiens hors Québec dépossédés de leur statut de Canadien, L'Acte de Québec est avantageux pour les Québécois. Il abolit le serment du Test qui oblige les catholiques à nier l'infaillibilité du Pape, la virginité de Marie et la présence réelle du Christ dans l'hostie pour obtenir un poste dans la haute fonction publique. Ce serment du Test est remplacé par le serment d'allégeance. L'Acte de Québec redonne aux Québécois le libre exercice de la religion catholique et à l'Église le droit de percevoir la dîme. Les lois civiles françaises sont rétablies et le régime seigneurial maintenu. Enfin, le territoire du Québec est agrandi pour inclure la région des Grands Lacs dont une partie deviendra plus tard le Haut-Canada (1791), maintenant province de l’Ontario, avec l'idée stratégique géopolitique d'encercler les Québécois pour mieux les contrer. Dans le même esprit et la même stratégie d'encerclement, les Anglais restés fidèles à la Couronne britannique après l'indépendance américaine (les loyalistes) occuperont les terres situées autour des seigneuries à l'intérieur de cantons qui seront appelés les Cantons de l'Est. Les Anglo-Saxons ne veulent pas vivre avec les Québécois. Dans la MRC de Bellechasse, ces cantons ont pour nom : Armagh, Mailloux, Buckland et Standon. Progressivement les Québécois francophones, catholiques et amérindianisés connaîtront une expansion démographique telle qu’ils occuperont les cantons ce qui rendra très difficile au Québec la vie de ceux qui refuseront de s’intégrer à la culture québécoise. Devenus minoritaires, ceux qui pourront s’intégrer resteront et les autres partiront. Déjà catholiques pour une grande part, les Irlandais s’intègreront plus facilement. Bien que stratégique, l’Acte de Québec est généreux puisqu'il consolide les bases de la nation québécoise. Toutefois, certains paroissiens restés amers après la Conquête voient dans l'occupation américaine l'occasion de renverser le gouvernement britannique en Canada. De Kamouraska à Beaumont, la Côte-du-Sud est alors le théâtre d'une guerre civile. Pères contre fils, frères contre frères : 170 se joignent à la milice probritannique, dirigée par le seigneur Beaujeu de l'île aux Grues, contre 150 qui se joignent à la milice proaméricaine. Cinq de ces 150 miliciens refusent de capituler et sont excommuniés par monseigneur Briand, septième évêque de Québec, pour avoir manifesté publiquement leur désaccord avec l'Église qui prônait la collaboration avec l'armée anglaise du gouverneur Carleton. «C'est assez longtemps prêché pour les Anglais», crièrent-ils au prédicateur jésuite, invité pour la circonstance, en pleine messe dominicale. Chassés de la communauté, ils vécurent reclus dans le sud de la seigneurie. À leur mort, ils furent enterrés dans un champ du quatrième rang de Saint-Michel (aujourd'hui La Durantaye) sur la propriété de monsieur Cadrin. Leurs restes furent exhumés en 1880 et inhumés de nouveau dans le cimetière de Saint-Michel à l'endroit réservé aux enfants morts sans baptême. Depuis, certains ont assuré avoir vu les corps sortir de leur tombe et errer dans la nuit. Encore aujourd'hui, par les soirs de brume et de pleine lune, on peut voir les cinq excommuniés, ou plutôt leurs fantômes, se promener autour de l'église avec leurs vieux fusils français (mousquets) sur l'épaule. Pareille légende devait fournir le sujet d'un long poème au poète Louis Fréchette. Ce poème intitulé Les excommuniés fut publié en 1887 dans La légende d'un peuple. Notons enfin que les Michelois ont déjà porté le surnom de feux-follets ainsi nommés par les habitants de l'Île d'Orléans qui, par les soirs de beau temps, voient sur la grève plusieurs feux allumés par les gens de Saint-Michel pour se réchauffer le coeur. Évidemment, pour les gens de Saint-Michel les feux-follets ce sont les habitants de l'île d’Orléans qui eux aussi allumaient des feux sur la grève. Un premier pont à la rivière Boyer Autour des années 1800, un premier pont en bois est construit à la rivière Boyer. Avant cela on traversait à ses risques : à gué aux heures de marée basse et à l’aide d’une embarcation aux heures de marée haute. En 1812 M. Gosselin, agissant au nom de la famille Riverin qui avait payé le pont initial, accepte de faire les réparations qui s’imposent à ses frais moyennant que le pont devienne payant. Il le sera pendant 25 ans. Le Bourg (village) de Saint-Michel Village de Saint-Michel vu de la marina Le bourg de Saint-Michel, le premier en Bellechasse, ne prend forme qu’au début du 19e siècle autour de 1800. Il faut rappeler ici, comme on le mentionne plus haut, que durant tout le régime français on interdit les villages c’est-à-dire les agglomérations de maisons autour des églises ainsi que les hameaux. Pour se bâtir, il faut avoir une terre, c'est-à-dire un terrain d’au moins 1 arpent et demi de large par 30 arpents de profond. On fait cela pour que le territoire, en friche, soit domestiqué plus rapidement. Une fois celui-ci défriché, cultivé, habité et suffisamment peuplé, on peut alors autoriser le développement des bourgs et hameaux pour qu’artisans, commerçants et professionnels puissent s’y installer, allégeant du coup la lourde tâche des cultivateurs qui, avant cela, sont forcés de tout faire eux-mêmes. Au Québec, l’interdit de se bâtir sur de petits terrains pour des fins autres qu’agricoles est levé seulement sous le régime anglais, quelque temps après la Conquête. Ainsi, aux 17e et 18e siècles, à Saint-Vallier et Saint-Michel, comme partout ailleurs en Bellechasse et au Québec, les gens ont leurs lieux de culte (église et presbytère) où ils vont tous les dimanches, mais pas de village, c’est-à-dire pas de maisons autour de ces institutions religieuses et donc pas de boutique d’artisans et pas de commerce. Le censitaire est condamné à l’autonomie pour se développer. C’est le système ADIC : autonomie, débrouillardise, ingéniosité, créativité. C’est ce qui explique que le rang et la paroisse ont davantage servi de pôle identitaire aux Québécois que le village, apparu plus tardivement au 19e siècle. Les gens se rendent à l’église tous les dimanches, mais ils vivent le long des rangs à l’intérieur de leur paroisse et seigneurie respectives. Chaque terre est une sorte de PME familiale et on en sort pour aller : soit à l’église pour les offices religieux, l’enseignement moral et la quête, soit au manoir pour payer annuellement le cens et la rente, soit au moulin seigneurial pour faire moudre le grain qui permet le pain, soit chez le voisin pour l’entraide, la fête ou les corvées, soit au fleuve pour la pêche, la chasse, le foin de mer, le commerce et les voyages. Dans les concessions riveraines, comme à Saint-Vallier et Saint-Michel, les terres vont jusqu’au fleuve. C’est généralement un cultivateur qui donne ou vend une partie de sa terre à la Fabrique pour l’érection d’une église et d’un presbytère, institutions qui deviennent au 19e siècle le cœur des villages autorisés. Quand les Anglais arrivent pour la conquête en 1755 il n’y a que 3 villages au Québec : Québec (7,200 baptisés), Montréal (5,000 baptisés), Trois-Rivières (700 baptisés). Charlesbourg et Beauport présentent une exception. Une tentative de village en disposant les terres en pointes de tarte autour du cœur institutionnel avait été faite sous le régime français, mais ce modèle de développement circulaire n’a pas été repris par la suite. À part cela, il n’y a que des forts qui servent de garnison, de poste de traite et de mission : une soixantaine d’établissements canadiens où vivent militaires, marchands, coureurs de bois autorisés (voyageurs), gens de métiers) et des villages indiens où vivent autochtones et coureurs de bois plus ou moins assimilés. Maison d’allure suisse-allemande construite en 1812 par Michel Germain À Saint-Michel, sur la carte que le Gouverneur Murray fait faire au lendemain de la Conquête en 1763, on constate qu’il n’y a qu’une maison dans la « cuvette », endroit désigné bourg en 1754. Ce n’est qu’à la fin du 18e et début du 19e siècle, autour de 1800 que les premières maisons font leur apparition près des institutions religieuses pour constituer graduellement le village. Au recensement de 1815 il y a 12 maisons autour de l’église et la maison d’allure suisse-allemande construite par le tanneur Michel Germain, fils d’un mercenaire allemand venu se battre contre les Américains en 1775-76, est du nombre. Vers 1830 l’arpenteur géographe Joseph Bouchette y dénombre une trentaine de maisons et en 1851 on en compte 104. Selon Serge Courville Saint-Michel et SaintThomas (qui deviendra Montmagny) constituent les deux plus grosses agglomérations de la Côte-du-Sud. À la fin du 19e siècle, le village de Saint-Michel comprend 170 emplacements à l’intérieur d’un espace tricoté serré de rues étroites. C’est ce qu’on appelle le caractère urbain du village. À l’avant-plan : maison du registraire. À l’arrière-plan : Cour de justice (maintenant Bibliothèque Benoît-Lacroix) En 1849 Saint-Michel est choisi pour être le chef-lieu du comté de Bellechasse, ce qui mène à la construction d'une cour de justice (1859) et à l'établissement de notables dans le village : juge, avocat, huissier et registraire qui s'ajoutent au médecin et notaire déjà présents. C'est également au 19e siècle que sont construits le collège (1853), le quai (1858), le lieu de pèlerinage Notre-Dame-de-Lourdes (1879) en remplacement de la chapelle Saint-Joachim située alors au coin sud-ouest de la Rue Principale et de l'Avenue de la Grève, et le couvent (1890) qui remplace à son tour celui de 1861 qui avait été déménagé là en 1865. Comme pour le bourg qui devient village en 1845 la paroisse devient municipalité de paroisse en 1855 à la suite de l'abolition du système seigneurial. Saint-Michel-de-La-Durantaye s'appellera dès lors Saint-Michel-de-Bellechasse. Si La Durantaye faisait référence à la seigneurie, Bellechasse fait référence au comté d'abord créé sous le vocable Hertford en 1791 et rebaptisé Bellechasse en 1829 en souvenir de sa plus ancienne seigneurie, celle de Bellechasse (Berthier). Le comté continuera de s'appeler Bellechasse, mais il perdra Berthier-Bellechasse en 1854 au profit du comté de Montmagny. Jetée en remplacement du quai Au 20e siècle on ajoute aux institutions une deuxième chapelle Sainte-Anne (1905) en remplacement de la première située plus à l'ouest. On installe l'électricité en 1923. On ajoute une école primaire (1960) en lieu et place de l’hôtel « Les Champs Élysés » qualifié de lieu de perdition par le curé, un hôpital (1966), une caisse populaire au 76, rue Principale (1973) en remplacement de l'ancienne au 59, rue Principale (1937), un Centre communautaire (1976), une jetée et marina (1991) en remplacement du quai, un golf (1991-1992), un Théâtre d'été (1975), plusieurs commerces et de nombreux hôtels (transformés maintenant en résidences privées) pour recevoir pèlerins et visiteurs. Le Hameau de Saint-Vallier Boulangerie « La Levée du Jour », au cœur du faubourg de Saint-Vallier Contrairement à l’habitude et de façon tout à fait exceptionnelle, le village de SaintVallier ne s’est jamais développé comme bourg autour de l’église et du presbytère situés au premier plateau (site du cimetière actuel) mais comme faubourg (hors du site normalement désigné à cet effet), plus haut, au sud, près du chemin de la rue Principale actuelle, au deuxième plateau, à la suite d’une modification probable du tracé initial du Chemin du Roi. Un chemin qu’on appelle aujourd’hui l’avenue de L’Église et autrefois Chemin de La Grève, part du fleuve, croise le Chemin du Roi, devenu Rue Principale, en direction sud jusqu’à la voie de contournement qu’on appelle la 132 avant de poursuivre sa course vers Saint-Vallier Station par la côte des Canons ainsi appelée après que l’armée américaine et sa milice y aient laissé un canon enlisé dans la boue dans les années 1775-1776. La coopérative La Mauve à Saint-Vallier Le hameau de Saint-Vallier se constitue autour de 1830. Sur la carte que le Gouverneur Murray fait faire au lendemain de la Conquête en 1763 on constate qu’il n’y a que quelques maisons au premier plateau du bas de la côte, rien qui pourrait faire croire à la présence d’un bourg dans la seigneurie. Ce n’est qu’en 1830 loin de l’église et du presbytère, à la croisée des chemins du plateau sud donc, qu’une école et des maisons d’artisans, commerçants et professionnels sont construites. C’est là au Quatre Chemins que le hameau prend forme. Le Faubourg (village) de Saint-Vallier Église de Saint-Vallier En 1900-1901 on commence la construction de l’église actuelle à l’intersection nordouest du Quatre-Chemins sur un terrain appartenant déjà à la fabrique. En juin 1902 on est secoué par une grande catastrophe. Un énorme glissement de terrain engloutit le moulin Bilodeau et avec lui deux personnes, en bordure de la rivière Blanche qui se jette dans la rivière des Mères. En 1904 on détruit la vieille église de 1716. Quant au presbytère qui avait été construit près de la vieille église du premier plateau en 1849, on le déménagera derrière la nouvelle église à son site actuel. Ainsi donc et de façon inhabituelle, ce qui devait être le cœur institutionnel du bourg (église et presbytère) allait rejoindre les maisons du hameau au Quatre-Chemins et constituer progressivement le village actuel de Saint-Vallier que certains appellent encore faubourg, c’est-à-dire une agglomération constituée en-dehors de l’enceinte prévue pour le bourg, une sorte de banlieue, comme le faubourg Saint-Roch ou le faubourg SaintJean-Baptise situés hors les murs du Vieux-Québec à la différence qu’à Saint-Vallier on n’attend pas que le bourg se constitue avant de créer son faubourg et son village. En 1906 on construit un quai pour faciliter les liens commerciaux sur le Saint-Laurent entre villes et villages. Un accès public au fleuve est alors créé. Il porte le nom de « chemin du quai » et mesure plus de 22 pieds de large. En 1960 on entreprend au Québec, en Bellechasse comme partout ailleurs, une révolution tranquille, pacifique et démocratique qui consacrera la séparation de l’Église et de l’État, aidés en cela par des catholiques progressistes. Un vaste mouvement de sécularisation s’en suivra et des valeurs nord-américaines tant décriées par la morale catholique à l’époque des interdits multiples associés à la Grande Noirceur, comme la sexualité, la réussite matérielle, la spiritualité sans Dieu, l’égalité des droits, le divertissement et l’impérieux besoin d’augmenter sans cesse la qualité de sa vie avant la mort en éliminant la souffrance, seront socialement acceptées. Conclusion Qu’il me suffise en guise de conclusion de remercier nos ancêtres qui ont si bien su développer le pays pour notre plus grande satisfaction à tous et à toutes. Le peuplement de Bellechasse a commencé au fleuve, Beaumont, Saint-Michel, Saint-Vallier, pour ensuite s’étendre dans les hauts jusqu’aux Appalaches entre la rivière Etchemin et la Rivière-du-Sud. C’est une région magnifique où il fait bon vivre et qui mérite qu’on s’y intéresse pour sans cesse la faire progresser. Recherche et rédaction : Paul St-Arnaud, philosophe de formation, artiste-photographe de profession et historien autodidacte de passion. Membre administrateur de la Société Historique de Bellechasse, coauteur du livre Bellechasse et d’une publication sur le patrimoine bâti de Saint-Michel-de-Bellechasse en collaboration avec Clermont Bourget. Janvier 2008. ____________________ Annexe 1) Actes de concession confirmant l’augmentation de la seigneurie de La Durantaye au sud de Beaumont de part et d’autre de la Rivière Boyer en 1693 et 1696, 1744 et 1752 A) 1693 L’acte de concession signé par l’intendant Bochard Champigny le 1er mai 1693 et concernant l’augmentation de la seigneurie La Durantaye se lit comme ceci : « deux lieues de terre de profondeur à prendre au bout où se termine la profondeur de son fief de La Durantaye, sur pareille largeur du dit fief, qui a environ trois lieues de front, borné d’un côté au sud-ouest aux terres de Beaumont et au nord-est à celles de Berthier; et, en outre, une autre terre d’une lieue de front avec autant de profondeur au haut de la rivière Boyer à cause d’une pinière qui s’y trouve, dont il désirerait se servir, ensemble concession de la dite rivière Boyer dans les endroits où elle passe sur son fief et sur les terres ci-dessus … » Pièces et documents relatifs à la tenure seigneuriale p. 409. Commentaire : 1) Dans les textes des 17e et 18e siècles les termes haut et bas appliqués à un cours d’eau réfèrent toujours à l’amont et à l’aval de celui-ci. C’est dans ce sens précis du terme qu’on parlait par exemple des gens d’en haut et des gens d’en bas pour désigner les paroissiens de Saint-Michel-de-La-Durantaye qui vivaient en amont ou en aval du fleuve de part et d’autre de l’embouchure de la rivière Boyer. Les gens d’en haut se situaient à l’ouest et donc en amont et les gens d’en bas se situaient à l’est c'est-à-dire en aval. C’est aussi dans ce sens précis qu’on parlera du Bas-Saint-Laurent ou encore des Pays d’en haut pour désigner la région des Grands Lacs. Cet usage des termes à l’époque nous interdit donc d’interpréter « …au haut de la rivière Boyer » dans le sens « …d’en arrière la rivière Boyer » comme si les terres concédées ne concernaient en rien la Rivière Boyer. 2) L’agrandissement dont il s’agit ici « …une lieue de front par autant de profondeur » est nommé ainsi : « …ensemble concession de la dite rivière Boyer… » pour bien signifier que l’augmentation accordée concerne les terres situées de part et d'autre de la rivière Boyer au sud de Beaumont et non ailleurs. B) 1698 Trois ans plus tard, Bochard Champigny et le Gouverneur Frontenac augmentent encore la seigneurie le 7 mai 1696 : « une lieue de terre de front sur deux de profondeur vis-à-vis celle à lui déjà accordée au haut de la rivière Boyer, avec une autre lieue de front attenant la dite de chaque côté de la dite rivière sur deux lieues de profondeur en lieux non concédés, tenant du côté sud-ouest aux terres de la côte de Lauzon et de celui du nord-est à celles de la seigneurie de Beaumont… » Pièces et documents relatifs à la tenure seigneuriale p.424. Commentaire : Encore ici il est impossible que les mots suivants: une autre lieue de front attenant la dite…, servent à désigner d’autres terres que celles réparties de chaque côté de la rivière Boyer jusqu’à la côte de Lauzon (seigneurie Lamartinière) d’autant plus que l’acte de concession prend la peine de mentionner, pour éviter toute ambiguïté, que ces terres sont bornées au nord-est par la seigneurie de Beaumont qui n’a à l’époque qu’une lieue et demie de profondeur à partir du fleuve. Les bornes sont ainsi désignées : …tenant du côté sud-ouest aux terres de la côte de Lauzon et de celui du nord-est à celles de la seigneurie de Beaumont… » C) 1744 Voici ce qu’écrit Pierre Georges Roy par rapport à la seigneurie de Livaudière : « les commencements de la seigneurie de la Livaudière furent assez mouvementés. Le 10 octobre 1736, MM. De Beauharnois et Hockart, gouverneur et intendant de la NouvelleFrance avaient accordé au sieur Lafontaine de Belcourt, conseiller au Conseil Supérieur, une seigneurie de trois quarts de lieue de front sur trois lieues de profondeur, en arrière de la seigneurie de Vincennes. M. Péan de la Livaudière s’aperçut bientôt que la seigneurie accordée à M. Lafontaine de Belcour se trouvait presque entièrement dans la partie de la seigneurie qui avait été adjugée à sa femme par la Prévôté de Québec quelques semaines auparavant, soit le 14 août 1736. Bien en cour, il se plaignit énergiquement à MM. De Beauharnois et Hocckart. Ceux-ci ne prirent pas de temps à constater que leur bonne foi avait été trompée, mais ils ne pouvaient revenir sur leur erreur puisque leur acte de concession avait été ratifié par le Roi lui-même le 30 avril 1737. Il n’y avait plus pour M. Péan de la Livaudière qu’à avoir recours aux tribunaux. Le procès fut long et coûteux puisqu’il alla jusqu’au Conseil d’État de Sa Majesté. Toutefois, M. Péan de Livaudière gagna son point et M. Lafontaine de Belcour fut dépossédé de sa seigneurie. C’est pour éviter des contestations futures que M. Péan de la Livaudière se fit accorder une nouvelle concession de la Seigneurie de la Livaudière, le 20 septembre 1744. L’acte de concession obtenu par M. Péan de la Livaudière donnait à sa seigneurie une étendue de trois quarts de lieue de front ou environ sur trois lieues de profondeur et la bornait par devant à la seigneurie de Vincennes au nord-est à la seigneurie de Beaumont, au sud-ouest à la seigneurie de Vitré ou Montapeine, et en arrière aux terres non concédées (Saint-Gervais). Encore d’après l’acte de concession, la seigneurie de la Livaudière ne devait faire qu’une même et seule seigneurie avec la moitié de la seigneurie de La Durantaye qui avait été adjugée à Madame Péan de la Livaudière le 14 août 1736. D) 1752 Acte d’augmentation de la seigneurie de Saint-Michel Septembre 20, 1752. ----- A M. Péan, d’un terrain en deux parties derrière Beaumont, St. Michel et Livaudière. Le Mrs. Duquesne, &e. Vû la requeste à nous présentée par Michel Jean Hugues Péan, ecuyer, capitaine d’infanterie et ayde major des villes et gouvernement de Québec, contenant qu’il possède la seigneurie de St. Michel, située sur le fleuve St.Laurent, d’une lieue et demye de front sur quatre de profondeur, et une autre seigneurie appelée Livaudière, de trois quarts de lieue de front sur trois lieues de profondeur, à prendre au bout du fief de Vincennes qui a une lieue de profondeur; que l’intention de Sa Majesté est que ces deux seigneuries n’en fassent qu’une, suivant qu’il appert par le brevet de concession des de. trois quarts de lieue de front cy-dessus, mais qu’elles se trouvent séparées par la seigneurie de Beaumont, qui est de deux lieues de front sur trois de profondeur seulement, ensorte qu’il reste un terrain non concédé derrière cette dernière seigneurie, du même front d’icelle, sur une lieue de profondeur pour joindre le trait quarré des profondeurs des ds. seigneuries de St_Michel et de Livaudière, et par le moyen duquel terrein le suppliant fairoit une communicatio à ses d.deux seigneuries, et comme il est dans le dessein d’établir cette partie de terrain et les profondeurs de ses de.seigneuries; il nous suplie de luy acorder et concéder le susdit terrain de deux lieues de front sur une lieue de profondeur, à prendre derrière la dte. seigneurie de Beaumont et qui se trouve enclavée entre les lignes de St.Michel et de Livaudière, et en outre quatre lieues un quart de front ou environ sur trois liees de profondeur des ds. seigneuries de St. Michel et de Livaudière et du terrain cy-dessus demandé, ensorte que le supliant possedera la dte. seigneurie de St. Michel sur sept lieues de profondeur, ensuite deux lieues de front, à prendre au bout de la seigneurie de Beaumont sur quatre lieues de profondeur à la dte seigneurie de Livaudière, de trois quarts de lieue de front sur six lieues de profondeur, pour lesquelles seigneuries déjà possédées et le terrain cy-dessus demandé, ne faire qu’une seule et même seigneurie, avec droit de pesche, chasse et traite avec les sauvages dans toute l’etendue du dt. terrain et aux droits de redevance accoutumés ; Nous, en vertu du pouvoir à nous donné conjointement par SA a Majesté, et sous son bon plaisir, avons par ces présentes donné, accordé, et concédé, donnons, accordons et concédons au dit S. Péan le terrain non concédé derrière la seigneurie de Beaumont, et qui se trouve enclavé entre les lignes des seigneuries de St.Michel, au N.E., et de Livaudière au S.O., ce qui compose deux lieues de front sur une lieue seulement de profondeur, laquelle lieue de proffondeur joint la ligne du trait quarré des profondeurs des dt. seigneuries de. St. Michel et de Livaudière, et en outre quatre lieues un quart de front ou environ sur trois lieues de proffondeur, à prendre au bout des profondeurs de St.Michel, des deux lieues cy-dessus concédées et de la seigneurie de Livaudière ; laquelle etendue de terrain de quatre lieues un quart de front ou environ, sera borné pardevant au trait quarré des lignes de proffondeur de St. Michel des deux lieues cy-dessus concédées et de Livaudière, par derrière par une ligne droite et paralelle, joignant aux terres non concédées, au N.E. par la continuation de la ligne de separation des seigneuries de St. Vallier et de St. Michel, et au S.O. également par la continuation de la ligne de séparation de la dt. Seigneurie de Livaudière à celle nouvellement concédé à Mde. La Martiniere ; lesquels terrains de deux lieues de front sur une lieue de profondeur et quatre lieues un quart de front sur trois lieues de profondeur cy-dessus désignées, ne feront avec les seigneuries de St.Michel et de Livaudière appartenant dejà au suppliant qu’une seule et même seigneurie, pour par luy en jouir, ses hoirs et ayant cause, à perpétuité et à toujours, à titre de fief et seigneurie, haute, moyenne et basse justice, avec droit de pesche, chasse et traite avec les sauvages dans toute l’étendue de la dt. Concession ; à la charge de porter foy et hommage au château St.Louis de Québec, duquel il relevera aux droits et redevances accoutumées, suivant la Coutume de Paris suivie en ce pays ; de conserver et faire conserver par ses tenanciers les bois de chesne propres pour la construction des vaisseaux du roy ; de donner avis à Sa Majesté des mines, minières et minéraux si aucuns se trouvent dans l’etendue de la dt. Concession ; que les appellations du juge qui y sera étably ressortiront en la prévosté de Québec ; d’y tenir feu et lieu et l’y faire tenir par ses tenanciers, et faire déserter la dt. terre ; à faute de quoy la présente concession sera et demeurera nulle et comme non avenue ; laisser les chemins du roy et autres jugés nécessaires pur l’utilité publique, et de faire insérer pareilles conditions dans les concessions qu’il faira à ses tenanciers, aux cens, rentes et redevances accoutumées par arpent de terre de front sur quarante de profondeur ; laisser les greves libres à tous pescheurs, à l’exception de celles dont il aura besoin pour sa peche, et en cas que Sa Majesté ait besoin par la suite d’aucune partie du dit terrein pour y faire construire des forts, batteries, place d armes, magasins et ouvrages publiques, Sa Majesté pourra les prendre aussi bien que les arbres nécessaires pour les dt. ouvrages, et le bois de chauffage pour la garnison des forts, sans estre tenue à aucun dédommagement ; réservons pareillement au non de Sa Majesté la liberté de prendre sur la ditte concession les bois de chesne, mature et générallement tous les bois qui seront propres pour la construction et armement de ses vaisseaux, sans etre egalement tenue à aucune indemnité ; le tout sous le bon plaisir de Sa Majesté, de laquelle il sera tenu de prendre confirmation des présentes dans l an. En témoin de quoy, &c. Fait à Québec le 20 7bre. 1752. Commentaires : Pour obtenir cet agrandissement de la seigneurie de Saint-Michel, Jean Hugues Péan a trompé les autorités de Québec, car ses intentions non avouées étaient purement spéculatives à l’encontre de l’esprit qui régissait la concession des seigneuries qui avaient comme seul objectif de coloniser le territoire par l’agriculture et l’élevage. Or la seigneurie de Saint-Michel était déjà très grande et un seul seigneur avait déjà peine à suffire à la tâche de mise en valeur. Pour justifier l’injustifiable, Péan a donc menti dans les motifs qui l’ont amené à vouloir les terres convoitées au sud de Saint-Gervais. Il a prétendu que Livaudière et Saint-Michel formaient deux seigneuries séparées sans possibilité de passer de l’une à l’autre et qu’alors il lui fallait le secteur de Saint-Gervais pour former une seule seigneurie. Or il possédait déjà ce secteur qu’Olivier Morel avait obtenu en 1696. Même après l’agrandissement de Beaumont en 1713 il restait à la seigneurie Saint-Michel une profondeur de 7,2 kilomètres plus au sud. Il n’avait donc pas à se faire re-concéder le secteur de Saint-Gervais et encore moins les territoires de ce qui allait devenir Saint-Nérée, Saint-Lazare et Saint-Damien Nord. Déjà dans l’acte de concession de 1744 il était spécifié que le territoire de Livaudière et celui de Saint-Michel formaient une seule et même seigneurie. Cet acte de concession de 1752, embrouillé à ne plus rien comprendre a semé beaucoup de confusion par la suite. Quand Joseph Bouchette a fait sa carte du Bas-Canada, il s’est fié à cet acte de concession de 1752 sans regarder les actes de concessions antérieures de 1693, 1696 et 1744. Il aurait compris qu’une seule seigneurie existait alors concédée en 1672, agrandie des territoires de SaintRaphaël, Saint-Gervais et Saint-Charles en 1696 sous le nom de La Durantaye, amputée du territoire de Saint-Vallier en 1720 prenant alors le nom de Saint-Michel, amputée à nouveau du territoire sud de Beaumont en 1713, augmentée d’une lieue dans le secteur ouest appelé Livaudière et augmentée enfin du territoire de Saint-Nérée, Saint-Lazare et Saint-Damien nord en 1752. Ajoutons que l’agrandissement « illégal » de Beaumont à même le territoire de la seigneurie de Saint-Michel ainsi que les prétentions territoriales de Lafontaine de Belcourt qui force Le seigneur Péan père à agrandir et rebaptiser Livaudière une partie de la seigneurie de Saint-Michel pour éviter toutes contestations futures, n’ont pas aidé à clarifier la situation. Dans le cas du petit fief vitré, la méprise a été telle que l’agrandissement accordé à madame Boisseau qui faisait passé la grandeur de son terrain d’une demie lieue à six lieues à même le territoire de la seigneurie de Lamartinière, a paru sur une carte officielle du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles datée de 1983. 2) Saint-Vallier En ce qui concerne la seigneurie de Saint-Vallier on la décrit comme suit : « située au sud du fleuve Saint-Laurent, contenant une lieue et 27 arpents de front environ sur trois lieues de profondeur, tenant du côté du nord-est au fief de Bellechasse appartenant au sieur de Rigauville et du côté du sud-ouest à l’autre moitié du dit fief de La Durantaye appartenant aux enfants et héritiers du dit feu sieur de La Durantaye à titre de fief et seigneuries. » Archives publiques du Canada. Actes de foy et hommage, vol deux, p. 336. Commentaire : La Nouvelle Seigneurie de Saint-Vallier créée en 1720 à même le territoire de la seigneurie La Durantaye a donc une profondeur de trois lieues. Puisque la seigneurie de La Durantaye avait 4 lieues de profond à cet endroit depuis l’agrandissement de 1693 il reste donc une lieue de profond par une lieue et 27 arpents de front, derrière Saint-Vallier au sud, qui appartient à la seigneurie La Durantaye. Ceci nous indique que le territoire appartenant maintenant à la municipalité de Saint-Raphaël était tout entier contenu dans la seigneurie de La Durantaye au moment où Olivier Morel décède en 1716. En 1720 la partie nord-est du territoire de la municipalité actuelle de Saint-Raphaël passe dans la seigneurie de Saint-Vallier. Lorsque la paroisse SaintRaphaël sera créée, elle chevauchera donc le territoire de deux seigneuries : Saint-Michel et Saint-Vallier. Elle sera créée à même le territoire de trois paroisses : Saint-Michel, Saint-Philippe et Saint-Jacques, Saint Gervais et Protais. La paroisse de La Durantaye n’est pas encore créée. Elle le sera en 1910 empruntant au territoire des municipalités de Saint-Michel, Saint-Raphaël. 3) Voici 9 cartes illustrant l’évolution des seigneuries de 1672 à 1854. Ces cartes dessinées par l’auteur Paul St-Arnaud s’inspirent d’une carte déjà existante tirée du Manuel des seigneuries de 1923 et illustrée ici sous le nom de carte 0. Pour bien les comprendre il faut savoir que : Les noms en italique désignent les paroisses. Les noms et dates en gras désignent les seigneuries et les rivières. Il faut également garder bien en tête que les seigneuries de La Durantaye, Saint-Michel, Livaudière ou Saint-Gervais, n’ont jamais constitué des seigneuries séparées comme le suggèrent malheureusement certains écrits et certaines cartes officielles. Au plus, elles ont été des secteurs d’une seule et même seigneurie appelée Saint-Michel, qui au fil des ans, des rapetissements et des agrandissements a été nommée de différentes façons : La Durantaye au départ en 1672, puis Saint-Michel à partir de 1720, Livaudière dans sa partie ouest en 1744, augmentation Livaudière et augmentation Saint-Michel en 1752. L’agrandissement de la seigneurie Saint-Michel en 1752 sera la dernière. Elle annexera alors le territoire actuel des municipalités Saint-Nérée, Saint-Lazare en grande partie et Saint-Damien dans sa partie nord. La rue Principale au village sert de frontière entre la seigneurie et le canton. Carte 0, tirée du Manuel des seigneuries Carte 1 Carte 2 Carte 3 Carte 4 Carte 5 Carte 6 Carte 7 Carte 8 Carte 9 Voici quelques informations utiles pour comprendre les références au système seigneurial : Les seigneuries étaient mesurées en lieues et arpents : Une lieue = 84 arpents = 4,8 (4,828) kilomètres. Une terre ou censive comprend habituellement 3 ou 4 arpents de front le long d’un cours d’eau (fleuve ou rivière) par 30 ou 40 arpents de profond perpendiculaires au cours d’eau. Le cens et la rente annuelle que les censitaires (cultivateurs féodalisés) doivent verser au seigneur une fois l’an et qui représentaient au total, avec les autres redevances, de 10 à 12% du revenu moyen d’un cultivateur se détaillent comme ceci : Le cens = 1 sol par arpent de front. C’est peu, mais le cens avait une valeur symbolique. On disait des cultivateurs qu’ils étaient censitaires pour indiquer qu’ils étaient féodalisés c’est-à-dire obligés à rendre des comptes à un seigneur, qui lui-même devait rendre des comptes au Gouverneur, représentant du Roi en Nouvelle-France. Le cens symbolisait cette servitude ou dépendance à l’égard des seigneurs. La rente = 20 sols (une livre) par arpent de front, ou l’équivalent en nature, blé, chapon, etc. (un chapon=1 livre.) La livre = 20 sols Le sol = 12 deniers Une livre = environ 6 dollars canadiens. Le moulin banal. On dit du moulin qu’il est banal (du mot ban qui veut dire droit de dominer) pour signifier que seul le seigneur a le droit de gérance sur le moulin. Comme le dit l’historien Marcel Trudel : « nul moulin sans seigneur ». Les seigneurs se sont vus accorder le monopole sur les moulins, car c’était là leur principal revenu qu’ils pouvaient tirer de la seigneurie. Le seigneur avait l’obligation de construire ce moulin à ses frais, de voir à son entretien, et d’engager un meunier. Encore fallait-il que le moulin soit payant pour lui et il le devenait au fur et à mesure que les colons s’installaient dans la seigneurie pour cultiver la terre. Chaque cultivateur devait en effet donner au seigneur le quatorzième minot de sa production. La division seigneuriale du territoire. À l’intérieur des seigneuries et divisées en rectangles perpendiculaires au fleuve ou autres rivières, ces terres ou censives étaient étroites pour que le plus de cultivateurs possible puissent profiter des ressources du fleuve ou de la rivière. Non seulement le fleuve était-il la seule voie de communication, mais on y pêchait le saumon, le doré, l’esturgeon, le bar rayé, l’anguille et bien d’autres. On y chassait également l’oie des neiges, l’outarde et le canard, on y prélevait aussi le foin de mer en complément de fourrage pour nourrir les bêtes l’hiver. Autre avantage de cette division étroite des terres : plus près les uns des autres on pouvait facilement se voisiner et s’entraider au besoin. Encore aujourd’hui on peut observer ce découpage seigneurial du territoire qui vu des airs ressemble à un clavier de piano alors que la division des terres par cantons ressemble davantage à un damier. _______________________________________________________ Bibliographie COMITÉ ORGANISATEUR DES FÊTES DU 250e DE SAINT-CHARLES-DEBELLECHASSE INC. Auteur et éditeur de la monographie paroissiale Saint-Charles-deBellechasse, 250e, 1749-1999. CROTEAU, André, et PASCALS, Françoise, Légendes…le long du Saint-Laurent. Éditions Beaux-livres, Henri Rivard, Ville d’Anjou, août 1999. DESCHÊNES, Gaston, L’année des Anglais, La Côte-du-Sud à l’heure de la Conquête. Éditions du Septentrion, Sillery, Québec, 2e édition 1998. DESCHÊNES, Gaston, Les voyageurs d’autrefois sur la Côte-du-Sud. Éditions du Septentrion, Sillery, Québec, 2001. GERMAIN, Michel, Les coureurs de bois. GUILLET, Bertrand, POTHIER, Louise, france nouvelle-France, naissance d’un peuple français en Amérique. 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Ce livre peut être consulté à la Bibliothèque Luc-Lacoursière à Beaumont. On le trouve également sur internet sur le site Nos Racines. TREMBLAY, Roland, Les Iroquoiens du Saint-Laurent, peuple du maïs. Éditions Pointeà-Callière, Musée d’archéologie et d’histoire de Montréal, 2006, et Les Éditions de l’Homme, une division du Groupe Sogides Inc., filiale du Groupe Livre Québécor Media Inc., (Montréal, Québec). TRUDEL, Marcel, La tentation américaine, 1774-1783 textes commentés. Éditions du Septentrion, Sillery, Québec, 2006. TRUDEL, Marcel, Mythes et réalités dans l’histoire du Québec, Tome 3. Éditions Hurtubise HMH Limitée, Montréal, 2006.