Mélanie Riard L’assiette exotique des populations de Suisse romande Entre identité alimentaire régionale et multiculturalisme, qu’est-ce qui nous incite à utiliser les « cuisines d’ailleurs » dans la pratique socioculturelle ? Travail présenté à l’Ecole d’études sociales et pédagogiques de Lausanne pour l’obtention du Diplôme HES d’animatrice socioculturelle. Lausanne, le 26 janvier 2006 1 Remerciements Directeur de mémoire : José Marin, Docteur en anthropologie. Mes sincères remerciements au directeur de mémoire, Monsieur José Marin, ainsi qu’à Madame C. della Croce, référente, pour leurs précieux conseils et leur soutien durant l’élaboration du présent travail. Je remercie également tous les professionnels et toutes les personnes qui ont collaboré à répondre à mes questions ou qui ont suggéré de nouvelles pistes de réflexions. Merci à tous pour votre enthousiasme et votre contribution à l’élaboration de ce mémoire. Les opinions émises dans ce travail n’engagent que l’auteur. 2 Résumé Ce travail de recherche traite du thème de l’alimentation en lien avec l’identité affective, sociale et culturelle ; et plus particulièrement, des cuisines d’ailleurs, qui s’inscrivent dans un multiculturalisme qui va en s’accroissant. L’acte de « manger » est un besoin vital qui est d’abord physiologique. Toutefois, il comporte de nombreuses dimensions plus subjectives et symboliques, mais également nécessaires à notre bien-être psychique. Je peux dire que « manger » participe fortement au processus de la construction de notre identité affective, sociale et culturelle et par conséquent, à notre identité singulière et ceci par des apprentissages qui remontent à notre plus tendre enfance et même plus loin encore : in utero. D’une manière générale, l’analyse est orientée sur le rapport objectif ou subjectif que nous entretenons avec l'alimentation et plus particulièrement avec les cuisines « exotiques » ou « ethniques », que nous soyons de Suisse romande ou d’ailleurs, le but étant de comprendre quel sens nous donnons à ce type d’aliments et qu’est-ce que cela nous apporte. Ce mémoire aborde également quelques aspects de l'identité alimentaire spécifique à la Suisse romande et s'interroge, dans son entité, sur l'intérêt qu'ont les occidentaux pour les cuisines exotiques. Le présent travail apporte aussi une vision synthétique des processus d'acceptation et de refus des aliments et propose également des notions liées à l'émigration et à l'altérité culturelle, puisque la mise en valeur de la nourriture d’autrui est un moyen de retrouver une base importante de la culture des personnes immigrées et améliore, notamment, leurs conditions de vie sociale dans notre région. Enfin, et à partir de cette analyse, l’investigation est orientée sur la pratique professionnelle de tous les secteurs d'activités sur le terrain, concernés par la mixité des cultures; les cuisines étrangères étant des outils d’action permettant d'aborder des réflexions autour de différents thèmes tels que l'identité, la culture, l’appartenance, les coutumes, l’éducation, la santé, le goût, l’éthique, l'écologie, l'histoire, les rapports NordSud, les religions, les philosophies, etc. Le présent travail suggère aussi différentes interventions possibles, par le biais des cuisines exotiques, notamment avec des populations jeunes ou âgées. Mots-clés : cuisine – alimentation – identité – multiculturalisme – interculturalité – culture 3 Table des matières 1. Concepts théoriques 1.1 Introduction 1.1.1 Motivations personnelles 6 1.1.2 Contenu du mémoire 8 1.1.3 Question principale et problématique 9 1.1.4 Hypothèses et axe de travail 9 1.1.5 Méthodologie 10 1.1.6 Limites de la recherche 10 1.2 Identité alimentaire en Suisse romande 1.2.1 Eclairage sur l’alimentation contemporaine 11 1.2.2 La cuisine en Suisse romande 13 1.2.3 Préférences alimentaires des romands 15 1.2.4 Rapports des romands à la cuisine suisse 16 1.3 De l’uniformisation des goûts en quête d’exotisme 1.3.1 Universalisme alimentaire ou « Mac standards » 19 1.3.2 L'Occident en quête des cuisines d'ailleurs 21 1.3.3 La notion d'exotisme 22 1.4 Intégration de goûts et de pratiques alimentaires appartenant à une autre culture 1.4.1 Processus d'acceptation des aliments 24 1.4.2 De la construction du goût à la construction de soi 27 1.4.3 Du goût au dégoût 30 1.5 Représentations et interdits alimentaires 1.5.1 Moralisme et alimentation 33 1.5.2 Religions, philosophies et spiritualité 34 1.5.3 Végétarisme et végétalisme 35 4 2. Concepts théoriques et exemples dans la pratique 2.1 L’approche psychopédagogique de la mixité des cultures 2.1.1 Définition du multiculturalisme et des autres modèles 36 2.1.2 Identités, cultures et mondialisation 37 2.1.3 Emigration, disparité et altérité culturelle 38 2.1.4 Identité culturelle et appartenance 39 2.2 Les cuisines d’ailleurs dans l’action socioculturelle - (éducative) : motivations, limites et exemples 2.2.1 Interventions dans le cadre de l’école obligatoire 41 2.2.2 Expériences culinaires dans une école à Vevey 43 2.2.3 Interventions dans les centres de rencontres et d’animations et dans les milieux associatifs 43 2.2.4 Repas interculturels au Centre de rencontre et d’animation de Grand-Vennes à Lausanne 44 2.2.5 Interventions dans les salles à manger d’institutions diverses et d’établissements médicaux-sociaux 45 2.2.6 Repas gastronomiques au Centre de loisirs pour personnes âgées, « Panorama » à Vevey 46 2.2.7 La semaine du goût 47 2.2.8 Le projet « L’Europe se met à table » : multiculturalité, identité européenne et habitudes alimentaires 49 2.2.9 Tableau récapitulatif non exhaustif des avantages apportés au travers des cuisines « ethniques » dans la pratique socioprofessionnelle 51 3. Conclusions 3.1 Bilan du thème de l’objet d’étude 3.1.1 Vérification des 2 hypothèses 52 3.1.2 Commentaires sur l’axe de travail et conclusions 55 Références bibliographiques 56 Annexes Annexe 1 : Lexique des ingrédients du monde 59 Annexe 2 : Recettes du monde 65 5 1. Concepts théoriques 1.1 Introduction 1.1.1 Motivations personnelles Gourmande par nature et toujours curieuse de découvrir des cuisines d'ailleurs, grande amoureuse des voyages et habitante de la commune de Renens, où les migrants représentent la moitié de la population ; mon choix s’est rapidement porté sur la question des cuisines « exotiques » et du multiculturalisme. Aussi, je me suis aperçue que nous utilisons régulièrement des termes tels que « culture », « identité » ou « valeurs », sans nécessairement penser que tout cela se construit, depuis notre plus tendre enfance et tout au long de notre vie, dans une société que l'on considère de plus en plus comme « un village planétaire », dans lequel nous mettons en perspective notre culture d'origine avec celle de nombreuses autres communautés. Au départ, je me suis interrogée sur l’intérêt grandissant des diverses populations vivant en Suisse romande, à fréquenter des restaurants où l’on savoure des cuisines du monde entier ou à préparer des plats d'outre-mer et aussi à me demander si cela correspondait à un simple phénomène de mode ou si cela pouvait avoir un sens plus important. Dès lors, je me suis posé plusieurs questions et notamment celle de savoir en quoi les cuisines « d'ailleurs » pouvaient nous être utiles dans la pratique socioculturelle de nos jours. De plus, je me suis aperçue que si nos habitudes alimentaires font entièrement partie de notre culture, c’est qu’elles participent également à la construction de notre identité affective, individuelle et socioculturelle. Bien que la diététique soit une discipline passionnante, j’ai préféré aborder le thème de l’alimentation en lien avec l’identité culturelle. Par ailleurs, il y a actuellement peu d’ouvrages qui traitent de l’alimentation précisément sous cet aspect. Pour ma part, je suis convaincue que les cuisines « d’ailleurs » sont des outils d’action et de réflexions que nous pouvons utiliser dans notre pratique professionnelle; que nos différents usagers ont le droit de manger quelque chose qui leur rappelle leurs racines, et que cette connaissance de la nourriture des autres devrait être accessible à tous. Je pense que les cuisines de tous horizons peuvent créer, le temps d'un repas ou de la confection de celui-ci, un moyen d'évasion, d'échange et de découverte. C'est pour moi davantage un « voyage alimentaire », un « brise-routine », « un élargissement des connaissances du goût », c'est une opportunité d'encourager les mangeurs à aller vers l'inconnu, à oser goûter ce qui est différent, puisque les aliments passent par le corps et nécessitent donc une prise de confiance en l'autre. Il y a surtout dans mon approche, l’idée que la nourriture permet la réflexion, au sens où nous mangeons certains aliments mais pas d’autres, nous les transformons chacun d’une certaine façon et tout cela a une valeur plus profonde, que le simple fait de vouloir se nourrir. L'expression culturelle et identitaire qui se dégage d'un plat, permet, à mon avis, d'affirmer un « moi », à la fois individuel et social, ce qui facilite donc l'affirmation d'une identité singulière, en même temps que son appartenance à un groupe spécifique. 6 Le but de ma recherche n'est pas de dévaloriser notre nourriture locale, qui a tout son charme, cependant je fus très étonnée dans ma pratique, de constater qu'il n'y a parfois aucune place ou très peu d’intérêt pour les autres cuisines du monde, ce qui m’a amenée à me demander dans quelle mesure il serait possible d’intégrer davantage celles-ci dans notre pratique professionnelle ; puisque les différentes nourritures favorisent, à mon avis, une meilleure cohésion sociale. D'autre part, je pense qu'ajouter des cuisines d’ailleurs à une gamme locale déjà bien étoffée, ce n'est pas faire disparaître la culture alimentaire locale, mais la mettre en relief avec d'autres cultures nutritives, même si les cuisines ethniques ont été fortement occidentalisées. En espérant que la mondialisation n'aura pas pour effet de faire disparaître chaque particularité des saveurs d'ailleurs, en produisant des chaînes d’aliments quasi identiques dans le monde entier. Si toutefois cela devait se produire, ce ne sont pas seulement les populations qui perdraient leur identité alimentaire mais également l'aliment lui-même. De cette prise de conscience, en a découlé pour moi, une plus grande conviction dans la défense des pratiques alimentaires propres à chaque culture et à chaque personne. De plus, l'école obligatoire, les cantines et salles à manger des institutions, ainsi que les professionnels de l'action sociale au sens large du terme, ont la possibilité de promouvoir aussi bien leur cuisine régionale que les cuisines de tous horizons, les 2 formes étant, à mon avis, réciproquement nécessaires. L’idée étant, que la diversité alimentaire devrait être accessible à tous, quel que soit le milieu social d’où l’on vient. En conséquence, ce fut une vraie motivation pour moi que d'élaborer un travail de recherche qui se questionne sur les raisons qui peuvent nous inciter à transmettre les cuisines d’ailleurs à toute population, mettant ainsi en valeur les différentes cultures alimentaires, faites des images qu'elles véhiculent, de leurs odeurs singulières et de leurs goûts particuliers … Toutefois, l’approche sociologique et anthropologique de l’alimentation soulève plus de questions que de réponses et c’est donc uniquement dans cette optique qu’on peut l’aborder. 7 1.1.2 Contenu du mémoire Une première partie du présent mémoire se base essentiellement sur des concepts théoriques recueillis par le biais de divers ouvrages spécifiques à l’histoire et à la socioanthropologie de l’alimentation. J’ai tenté là, une description très synthétique et ciblée de l’identité alimentaire en Suisse romande, mais encore, de la manière dont nos goûts et nos représentations alimentaires se construisent. J’aborde également quelques analyses se rapportant à une société qui adopte des pratiques alimentaires à la fois traditionnelles et multiculturelles et qui tend à intégrer de plus en plus fréquemment les cuisines « exotiques » ou « ethniques » dans l’alimentation quotidienne. Une deuxième partie s’inspire à la fois de concepts théoriques et d’exemples pratiques, pour mettre en évidence ce qui peut nous inciter à utiliser les cuisines du monde dans l’action socioculturelle, en lien avec l’interculturalité ou encore avec d’autres thématiques qui peuvent être abordées par ce biais. Je tenterai dans cette partie de définir quelles sont les possibilités et les limites à utiliser les cuisines de tous horizons et les réflexions que cela suscite. La troisième et dernière partie contient la vérification des hypothèses de départ ainsi que mes commentaires sur l'axe de recherche. 8 1.1.3 Question principale et problématique Question principale : Entre identité alimentaire régionale et multiculturalisme, qu’est-ce qui nous incite à utiliser les cuisines d’ailleurs dans la pratique socioculturelle (et socio-éducative) ? Question secondaire : - En quoi les pratiques culinaires de Suisse romande peuvent-elles cohabiter avec la mise en valeur des différentes cuisines du monde dans les institutions ? Problématique : La problématique est construite sur la tension supposée entre la quête et la mise en valeur de sa propre identité culturelle alimentaire et l’intégration partielle d’autres cultures alimentaires générant d’autres représentations, d’autres habitudes et d’autres valeurs. Dans un second temps, la problématique se construit sur une certaine carence en alimentation multiculturelle dans les milieux institutionnalisés ou dans les cantines et les salles à manger en Suisse romande, dans le sens où toute personne n’a pas accès à la diversité alimentaire, selon le milieu socioculturel d’où elle provient. De plus, selon l’origine des personnes, celles-ci se voient obligées de s’adapter à notre nourriture et n’ont pas accès, dans les institutions, à une alimentation qui leur est familière. On constate notamment une augmentation des migrants dans les EMS. Ainsi, les animateurs socioculturels et de façon plus générale, les professionnels de l’action sociale, peuvent favoriser la mise en valeur des multiples pratiques alimentaires dans les institutions. 1.1.4 Hypothèses et axe de travail Les cuisines d’ailleurs sont des outils d’action et de réflexions essentiels dans l’approche de la mixité des cultures et devraient être mises en valeur au sein des diverses possibilités d’interventions socioculturelles. Entre autres, elles facilitent l’intégration et l’égalité des chances dans la participation. L’intérêt de nombreuses personnes en Suisse romande pour les cuisines d’ailleurs laisse supposer une possibilité de cohabitation des différentes pratiques alimentaires dans les institutions, les milieux associatifs, les centres de rencontres et d’animation, les cantines, les salles à manger et dans les écoles. Je vais donc tenter de vérifier ces deux hypothèses par une recherche théorique et argumentative qui pourrait confirmer ou infirmer ces suppositions. 9 1.1.5 Méthodologie Pour la réalisation de ce mémoire, j’ai procédé dans une première partie, à une recherche théorique par le biais de laquelle j’ai recueilli différents éléments d’analyse, qui m’ont permis de répondre aux 2 questions principales de mon investigation. La seconde partie s’appuie d'une part, sur une recherche théorique spécifique à l’émigration et à l’interculturalité et d'autre part, sur des exemples pratiques recueillis par le biais d’entretiens, de questionnaires semi-directifs, au travers de divers documents, ou encore au moyen de mes propres suggestions. Cette deuxième partie tente également de répondre aux questions du présent travail. Enfin, la troisième et dernière partie tient dans la vérification des 2 hypothèses de départ et comporte mes commentaires et mes conclusions. 1.1.6 Limites de la recherche - Limite géographique puisque ma recherche s'étend surtout à la Suisse romande. Elle prend donc en considération des pratiques alimentaires et des modes de prise en charge ou d'animations liées à notre région, à l’exception d’un projet lié à l’Union Européenne. - Limite liée à l'investigation dans un thème aussi vaste, complexe et diversifié qu'est celui de l'alimentation. Il y a énormément de facteurs qui déterminent nos choix alimentaires. Aucune théorie dans ce domaine ne peut faire l'objet de généralités. - Limite dans les domaines d'activité qui peuvent être abordés en lien avec l'alimentation. Il n'a pas été possible d'analyser les secteurs de la diététique, de la santé, de l'environnement et de l'économie mondiale. Toutefois, ces axes sont cités lorsque cela est nécessaire. - Limite dans l'échantillon des personnes interrogées et dans le nombre de questions posées, soit 5 questions à 5 professionnels de l'action sociale. Le présent travail se positionne du point de vue des professionnels. Des entretiens auprès d’usagers auraient été nécessaires si la recherche avait été investie en lien avec un projet concret dans ma pratique professionnelle. - Limite dans les exemples d'interventions cités en lien avec la pratique socioculturelle. 10 1.2.1 Eclairage sur l’alimentation contemporaine Avant d’aborder un sujet aussi vaste et complexe qu’est celui de l’alimentation et de l’identité alimentaire en général, il me semblait judicieux de repérer ici quelques notions historiques en vue de mieux comprendre nos modes alimentaires actuels, en déclinant uniquement leurs principaux aspects. Selon Amstalden et al. (2003), l’alimentation d’aujourd’hui, composée de sa large gamme de nutriments, de ses nombreux restaurants, marchés, épiceries spécialisées et de ses plats « à l’emporter », pourrait se résumer à une histoire de rencontres entre différents éléments, au fil du temps, de l’évolution des mœurs et à travers chaque époque. Il s’agit ici de rencontres entre de multiples civilisations ayant chacune leurs modes de production, évoluant avec les changements climatiques, s’appropriant de nouvelles techniques de transformation ou de conservation, bénéficiant de la recherche technologique et définissant des nouvelles manières de table. Nous savons qu’il y a fort longtemps, l’être humain vivait davantage de la cueillette de fruits, de noix, de différentes graines et de la chasse. Bien qu’en ce qui concerne la consommation de viande, certains tendent à dire que cela représentait la plus grande partie de l’alimentation, alors que selon Girard (1991), cela ne constituait que 10 à 20 % de la nourriture consommée par nos ancêtres. Quoi qu’il en soit, nous étions nomades et moins nombreux dans le monde, ce qui nous évitait d’avoir recours à l’agriculture. Avec la sédentarisation, il a fallu trouver de nouvelles façons de se nourrir, ce qui nous a amenés à développer l’agriculture et l’élevage des animaux. Par ailleurs, les civilisations arabes auraient été les précurseurs de la domestication du bétail et auraient transmis leur savoir au continent européen. L’industrialisation de la deuxième moitié du 18ème siècle a, quant à elle, modifié considérablement notre rapport avec la nourriture. Si aujourd’hui, une bonne majorité de suisses romands seraient probablement surpris à l’idée de manger du chien, je cite ici que cette pratique était fréquente dans la France du Moyen âge, mais pas majoritaire. Notons aussi que selon Flandrin & Montanari (1996), la propagation de la peste en France a probablement beaucoup influencé le fait de manger assis autour de la table, avec des couverts personnels et ceci à bonne distance d’autrui ! Par ailleurs, au Moyen-âge, les mets à la table des rois étaient composés d'ingrédients sucrés et salés; les deux saveurs étaient parfaitement mélangées. Bons nombres d'épices considérées aujourd'hui comme originales et rares étaient déjà très largement utilisées à cette époque. Il n’y avait pas d'assiette pour manger, une tranche de pain la remplaçait et on ne mettait pas de verres sur la table, certainement parce qu'il n'y avait plus assez de place et notamment en raison de risques d'empoisonnement. Les plats étaient disposés sur la table dans un complet désordre et on apportait les différents mets tous en même temps. (Flandrin 2003 ; Flandrin & Montanari 1996 ; France 3 2005 : Des racines et des ailes, 25 juillet). La volaille était énormément consommée à la cour du roi, y compris cygnes, cigognes et paons et les volatiles représentaient des animaux proches du ciel, donc appropriés aux rangs élevés de la société. Alors que le porc, animal terrestre et quelque peu sale, était réservé aux paysans et aux couches plus pauvres de la société. (Flandrin, 2003 ; Flandrin & Montanari, 1996 ; France 3, 2005 : Des racines et des ailes, 25 juillet). 11 Ce qui me semble intéressant ici, c'est qu’aujourd'hui encore, je constate que les personnes peu attirées par la viande, ont tendance à préférer la volaille, moins saignante, moins grasse et considérée comme plus saine. De plus, elle évoque probablement des horizons plus célestes que le sang morbide de la viande de bœuf ou de cheval. La période du Moyen-âge a donc énormément contribué à l'élaboration de la cuisine d'aujourd'hui telle qu'on la connaît. En fait, c'était une cuisine beaucoup plus raffinée que ce qu'on pourrait imaginer et certains de ses composants reviennent aujourd'hui, sous la forme de la « nouveauté » ! (France 3, 2005 : Des racines et des ailes, 25 juillet). L'éventail des épices consommées à cette époque était déjà très large, parfois, plus élaboré que celui d'aujourd'hui et ces dernières étaient très recherchées. On leur assimilait des propriétés spirituelles ou encore médicinales, contre certaines maladies mortelles. Elles étaient souvent utilisées comme monnaie d'échange. C’est à la fin du Moyen-âge que la France a cherché, avant ses voisins, à créer une cuisine qui se distingue de celle des autres, notamment en réduisant les épices utilisées jusque-là. (Flandrin, 2003 ; France 3, 2005 : Des racines et des ailes, 25 juillet). En conséquence, je peux dire que la quête d'exotisme dans nos pratiques culinaires d'aujourd'hui n'est pas un phénomène nouveau, mais plutôt une redécouverte des sociétés occidentales des saveurs issues du pré-colonialisme, puis du colonialisme. Selon une étude menée par Amstalden et al. (2003), ces facteurs historiques nous amènent à comprendre l’alimentation contemporaine qu'on peut résumer sous 5 aspects principaux : - Une meilleure maîtrise de la production des denrées, c’est-à-dire la fin des périodes d’abondance et de famine et de nouvelles techniques de conservation. - Une standardisation et une internationalisation des denrées, c'est-à-dire des aliments aux mêmes propriétés, cultivés selon des procédés quasi-identiques, ainsi que des fruits et légumes disponibles à toute période de l'année. Mais également, une importation et une exportation de produits plus ou moins exotiques, consommés au domicile ou au restaurant. - De nombreux intermédiaires intervenant depuis la production jusqu'à la consommation des aliments, c’est-à-dire tout le parcours, voire la transformation que subit l'aliment ainsi que l’étiquetage impersonnel de certaines denrées. Enfin, la médiatisation des produits qui oriente leur image ou leur « carte d'identité ». - Un rapport plus individuel avec l'alimentation, c’est-à-dire des possibilités et des choix individuels qui vont en s’accroissant (à chacun son repas, chacun à son heure, voire « snacks » ou plats « prêts à consommés »). De plus, les mangeurs se soucient davantage de l’équilibre alimentaire en faveur d’une bonne santé. - Une diversification de la consommation des aliments dans un court espacetemps, c’est-à-dire une extension et une augmentation des possibilités alimentaires dans une même journée ou semaine (manger dans la même journée un bircher, un kebab, une pizza et un ananas). 12 En abordant l'alimentation contemporaine sous les aspects précités, cela me laisse déjà supposer, que l'intérêt d'une partie de la population en Suisse romande, pour les cuisines d’ailleurs, pourrait se traduire comme un besoin plus ou moins subjectif, de retourner à une nourriture plus authentique, plus significative, qui sous-entend ou qui évoque des images. Face à une perte de connaissances et de repères sur l'origine de l'aliment, ou encore face à tout ce qui se joue autour des denrées (qui ?, où ? comment ?), le mangeur chercherait-il à redonner du sens aux aliments ? - par exemple, en se rendant dans un restaurant asiatique, car la nourriture de ce dernier évoque des images plus symboliques et plus authentiques, alimentant une curiosité personnelle grandissante. Lorsque nous mangeons du riz parfumé, je pense qu’une suite d'images subjectives accompagne le sentiment d'authenticité ou d'exotisme, puisqu’on se représentera facilement le paysan vietnamien avec son chapeau traditionnel, marchant dans ses rizières, sur un fond de terrasses cultivées verdoyantes … ! Alors que le riz sec américain nous évoquera davantage un paysan moderne, sur son tracteur ultra sophistiqué propageant ses gaz d'échappements, sur un terrain agricole parfaitement plat, démontrant ainsi la productivité, l'uniformité, la conformité, la quantité, la banalité, bref, rien qui ne puisse nous faire rêver ! Il s'agit également pour moi de mettre en évidence ici les oppositions qu'il y a entre un aliment standard et un aliment spécifique, ou encore, un aliment régional et un aliment international - du point de vue de ses propriétés organoleptiques ou visuelles, ou du point de vue de son identité, de l'image qu'il véhicule et par conséquent, des représentations qu'il génère. En Suisse romande, comme partout ailleurs, je pense qu’on peut facilement distinguer la cuisine issue des produits du terroir, de la cuisine populaire, voire gastronomique, dont je propose ci-après une brève analyse. 1.2.2 La cuisine en Suisse romande Pour aborder l’antagonisme supposé entre la cuisine régionale et les cuisines d’ailleurs, il me semble intéressant ici de situer quelque peu les pratiques culinaires de Suisse romande dans leur contexte actuel. La description ci-après repose sur mes connaissances personnelles de la cuisine en Suisse romande, sur l’analyse de livres de recettes et sur la consultation de descriptions recueillies sur la page Web http://www.saveurs.sympatico.ca. (2005). Si la cuisine romande a ses spécialités du terroir, elle conserve néanmoins les traditions culinaires de l'ensemble du pays et se trouve notamment influencée par celle des pays environnants. La cuisine que l'on connaît dans la région romande et dans le reste de la Suisse, a aussi emprunté des pratiques alimentaires françaises, italiennes et allemandes pour l'essentiel, même si, la Suisse possède ses propres produits de terroir. La proximité avec la Savoie constitue, par ailleurs, un débat sur l'origine de la fondue au fromage. L'alimentation en Suisse est connue pour sa grande variété de fromages au lait de vache et des mets qui en découle, ses yaourts, sa grande diversité de pains, ses spécialités de viandes, ses différents gratins et ses nombreuses tartes, son chocolat, sans oublier sa production de vins variés. Même si l'origine des röstis semble être zurichoise, ce plat s'est largement répandu dans toute la Suisse, y compris en Romandie. La raclette, la fondue au fromage, la viande séchée ou les filets de perche sont consommés dans tout le pays. Chacun a sa recette personnelle pour la fondue ou son fromage fétiche pour la raclette. 13 Les filets de perche sont consommés parfois « meunière », « frits » ou « enrobés » de pâte à frire, accompagnés parfois d’amandes grillées ou d’une sauce originale. Si la cuisine populaire et gastronomique de Suisse romande s'est inspirée d'autres cuisines voisines, il n'en reste pas moins qu'en matière de haute gastronomie, je peux dire que la région romande a de quoi faire des envieux avec ses grands chefs Fredy Girardet et (son successeur) Philippe Rochat, sans compter ceux que je ne cite pas ici. D’un point de vue historique, il y a toujours eu une cuisine populaire et une cuisine gastronomique. La première dépendant essentiellement des ressources économiques des populations, la deuxième étant réservée aux classes aisées de la société et ayant notamment une fonction de distinction sociale et de quête gourmande (Flandrin & Montanari, 1996 ; Flandrin & Cobbi, 1999). De nos jours, je constate que la plupart des personnes peuvent accéder à des livres de recettes pour élaborer des mets qui vont d’une cuisine simple et savoureuse, à une cuisine sophistiquée et raffinée. Au sein de la majorité des pays occidentaux, il n’y a plus de périodes de famines et en principe, la plupart des populations ont accès aux divers ingrédients permettant d’élaborer des plats variés. Toutefois, la diversité alimentaire a un prix et demande parfois des connaissances culinaires spécifiques. Mais en principe, je peux dire que la cuisine populaire d’aujourd’hui est nettement plus diversifiée et originale que celle de nos proches ancêtres. Pour les plats plus spécifiques à la Suisse romande, j'ai tenté là, de lister quelques mets parmi les plus typiques et les plus traditionnels. Toutefois, chaque personne ayant ses habitudes et sa façon singulière de préparer un met; il ne sera pas possible ici d'évoquer toutes les variantes de la cuisine romande. Parmi les plats et les spécialités de Suisse romande ou consommés dans cette région, on trouve les filets de perche (apprêtés sous différentes formes), le gâteau aux oignons, le gâteau au fromage, le papet aux poireaux avec saucisse aux choux ou saucisson (papet vaudois), la tomme vaudoise en croûte pannée ou à la poêle, les malakoffs (steak de fromage enrobé de pâte à frire), le vacherin Mont d'Or au vin blanc, le gratin de cardons, le gratin de pommes de terre (apprêté sous différentes formes), la polenta, la salade de dent-de-lion aux œufs avec lardons et croûtons, la viande séchée, les tripes à la neuchâteloise, le gâteau au vin cuit, la tarte aux poires à la genevoise, les meringues à la crème de Gruyère, etc. (http://www. saveurs.sympatico.ca (2005); Amstalden et al., 2003) A ma connaissance, d'autres plats à base de certains poissons dont la truite, la féra et l'omble chevalier sont aussi parmi les nourritures les plus typiques en Romandie. Notons aussi que certains mets romands sont consommés également dans le reste de la Suisse. Par ailleurs, les romands sont eux aussi friands de « spätzlis », de « bircher-muesli » ou d'émincé à la zurichoise. Les fromages les plus répandus et les plus consommés dans toute la Suisse sont le Gruyère, l'Appenzell, l'Emmenthal, le Sbrinz, le Tilsit, le Vacherin fribourgeois, le Vacherin Montd'or, la Tête de Moine, la Tomme vaudoise, la Raclette, la Chaux d'Abel, le Schabziger, et l'Etivaz. D'autres fromages ont l'appellation de leur canton d'origine, par exemple : Jura, Tessin, Fribourg ou fromage du Valais. 14 La Suisse étant un petit pays où les différentes cultures se côtoient facilement, avec 3 cantons bilingues français et suisse-allemands, il serait laborieux de vouloir chercher à définir l'origine exacte de chaque met et ainsi de déterminer si celui-ci est à 100 % romand, étant donné les diverses influences culinaires entre cantons suisses et pays avoisinants. Ce sont néanmoins des plats qui sont consommés fréquemment en Suisse romande et qui me semblent suffisamment représentatifs de son identité alimentaire et de son terroir. En dehors de toute la nourriture que j’ai répertoriée ci-dessus, les romands utilisent également des pratiques culinaires des pays voisins au quotidien, ceci étant développé dans le prochain sous-chapitre. 1.2.3 Préférences alimentaires des romands Selon une étude menée en Suisse romande par la Faculté des sciences sociales de l'Université de Lausanne par Amstalden et al. en 20031, les préférences des romands (N =123) en matière d'alimentation sont dites composites, c'est-à-dire qu'ils préfèrent au moins 4 cuisines différentes, même si la cuisine helvétique ressort en première ou deuxième position. Dans cette enquête, il est ressorti qu'une majorité de personnes interrogées préfèrent la cuisine suisse (86,8 %), la cuisine asiatique (64,7 %), la cuisine italienne (61,8 %) et la cuisine française (57,4 %). Est compris dans la cuisine asiatique la cuisine chinoise, japonaise, thaïlandaise et indienne. Dans cette enquête, les répondants devaient donner 3 réponses au maximum par ordre de préférence et ils avaient le choix parmi les réponses suivantes : de votre région, de Suisse romande, de Suisse alémanique, des Grisons, française, italienne, espagnole, chinoise, japonaise, thaïlandaise, indienne, turque, mexicaine ou autre(s) à préciser. Pour le questionnaire, la cuisine italienne était comprise comme faisant partie de celle de la Suisse. Dans cette même recherche, il a été demandé aux personnes ce qui est important pour elles lors d'un repas ordinaire et lors d'un repas festif (N= 146). Pour cette question, les répondants pouvaient cocher 3 réponses au maximum pour chaque type de repas. Les critères étaient également suggérés en 20 possibilités : léger, appétissant, nourrissant, digeste, familier, sain, équilibré d'un point de vue nutritionnel, pas trop cher, original, une découverte, préparé avec des aliments frais, préparé avec des produits biologiques, préparé avec des produits du terroir, correspondant à votre budget, vite préparé, simple à préparer, partagé avec des personnes qui vous sont proches, apprécié par tous les convives, autre(s) à préciser. Il ressort que lors d'un repas ordinaire, il faut que le repas soit d'abord appétissant (37,6 %), puis équilibré d'un point de vue nutritionnel (31,9 %) et préparé avec des aliments frais (29,8 %). Lors d'un repas festif, il ressort que le plat doit être en premier appétissant (52,5 %), puis original (37,6 %) et partagé avec des personnes proches (36,9 %). Seulement 10,6 % des personnes interrogées pensent que le repas doit être familier. Les critères d'appréciation d'un repas varient donc selon qu'il s'agit d'un repas ordinaire ou d'un repas festif. 1 L'enquête respecte le profil socio-démographique des répondants au questionnaire : 51,2 % de femmes, 48,8 % d'hommes, respectivement, dont 37,8 % âgés entre 20-39 ans, 42,3 % âgés entre 40-64 ans et 19,9 % âgés de plus de 65 ans. Par contre la répartition entre cantons romands n'est pas proportionnelle. 15 Ce qui ressort le plus dans cet échantillon, c'est que le point commun entre les 2 formes de repas reste la prédominance pour l'aspect appétissant. Je souligne donc ici l’approche subjective dans l'acte de « manger », puisqu'il s'agit plus ici de l'apparence des mets et non de leurs qualités nutritives réelles. Ensuite, le repas ordinaire est perçu comme devant être équilibré et fait d'aliments frais, ce qui laisse entendre que lors d'un repas ordinaire, les aspects liés à la valeur réelle des aliments est prédominante; alors que lors d'un repas festif, il ressort que l'originalité et la convivialité prédominent. Lors d'un repas festif, l'importance se situe ici dans le fait de manger « avec les yeux » et « avec ses proches ». Cette enquête effectuée auprès d'un échantillon de romands montre que lors des repas ordinaires, l'aspect social n'est pas revendiqué, ce qui confirme la tendance actuelle a un rapport plus individuel avec la nourriture. Il semble qu'il y ait davantage un besoin de sécurité vis-à-vis de la qualité du repas dans ses propriétés nutritives, son équilibre et dans le contexte de la fraîcheur des denrées. Toutefois, si ce rapport aux aliments semble se situer dans une dimension plus objective, il ressort que l'allure appétissante des aliments reste une composante prédominante subjective de grande importance; car elle induit des questions d'attirance ou de répulsion vis-à-vis de la nourriture, aspect que je développerai ultérieurement dans le présent travail. Lorsqu’il s’agit de manger « avec les yeux », il est aussi intéressant d’observer à quel point la vaisselle choisie pour contenir la nourriture et la terminologie utilisée pour présenter un met sont importants pour les consommateurs. Ainsi, un met a priori banal, peut apparaître comme une nourriture raffinée et gastronomique, ce qu’on peut observer notamment en lisant la carte d’un bon restaurant. (Y. Schneider, communication personnelle, 22 août 2005). 1.2.4 Rapports des romands à la cuisine suisse Toujours selon cette enquête menée par l'Université de Lausanne par Amstalden et al. (2003), divers éléments sont ressortis dans le rapport qu'entretiennent les Romands avec la cuisine suisse (N= 146). Une question qui leur a été posée est la suivante : Que proposeriez-vous à vos invités pour leur faire découvrir une spécialité suisse, moyennant que vous ayez prévu un budget important ? (une seule réponse demandée) Puis il leur a été posé une deuxième question : Quelle est pour vous la spécialité culinaire de la Suisse ? (une seule réponse demandée) Les répondants devaient cocher une réponse pour chacune des 2 questions parmi le choix de plats suivants : Les röstis, le papet vaudois, la fondue au fromage, le plat bernois, la salade de cervelas, la raclette, les tripes à la neuchâteloise, les spätzlis, la compote de raves, les filets de perche, les schubligs, l'émincé à la zurichoise, la polenta, le gâteau au fromage, autre(s) à préciser. Pour la première question, les répondants proposeraient en premier la fondue au fromage (25,5 %), puis les filets de perches (20,6 %) et la raclette (15,6 %). Le papet vaudois arrive en 4ème position (12,1 %). Pour la deuxième question, il ressort que la fondue au fromage représente pour 53,2 % des personnes interrogées la spécialité culinaire de la Suisse. Vient juste derrière la raclette (13,5 %) puis les röstis (8,5 %). Toutefois une minorité de participants représentant 5,7 % de l'échantillon, pensent que le papet vaudois est la spécialité culinaire de la Suisse. 16 Les participants ont été amenés à préciser quelle est la raison qui les ont conduits à faire ce choix (réponses proposées): 27,7 % 22 % 17,7 % 12,1 % 5,7 % pour faire découvrir un aspect de la culture suisse à des amis parce que le plat est particulièrement bon parce que c'est un plat convivial parce que c'est un plat que tout le monde aime parce que c'est un plat appétissant Les autres possibilités de réponses proposées étaient : plat complet du point de vue nutritionnel, plat digeste, plat copieux, plat vite fait, autre(s) à préciser. Malheureusement cette enquête ne comporte pas de questions plus ciblées sur le rapport des Romands avec les cuisines d’ailleurs. Pour ma recherche, j'aurais imaginé la question suivante (sans suggérer la réponse) : Quel type de cuisine préparez-vous de préférence lorsque vous invitez des convives ? Il aurait été intéressant d'étudier les réponses et d'observer si les répondants privilégient des plats plus ou moins suisses ou au contraire, des cuisines d'ailleurs. Toutefois, ce qui apparaît clairement dans ces résultats, c'est qu'on retrouve toute l'importance du plaisir et de la convivialité autour du repas festif, plus que les propriétés nutritives. Ici, ce n'est pas l'aspect appétissant qui prédomine, mais le fait que le plat soit typiquement suisse. Cependant, je souligne ici que la manière dont la question a été posée influence beaucoup la réponse. Les participants à cette enquête ont peut-être focalisé leur choix sur l'aspect lié à un met typiquement suisse, plutôt qu'à un plat appétissant. A ce stade de ma recherche et en fonction des données recueillies précédemment, je constate que les Romands ont une alimentation plutôt variée, composée de plats traditionnels ou de terroir, de plats inspirés de la cuisine française et italienne, ainsi qu'un grand intérêt pour les cuisines asiatiques. Je conçois aisément que la cuisine suisse ne puisse se limiter aux pommes de terre et légumes du potager, aux fromages et aux poissons du lac. A mon avis, l’abondance et la variété des aliments que nous connaissons aujourd'hui a amené les Romands, comme beaucoup d'autres populations d'Europe, a élargir et varier leur répertoire alimentaire. Je pense aussi que le côté « pratique » de la cuisine italienne, savoureuse, bon-marché, plutôt saine et vite préparée (néanmoins en ce qui concerne les pâtes sauce napolitaine), fait de cette dernière un choix judicieux. Quant à la cuisine française, je peux dire qu’elle s'est distinguée depuis fort longtemps et nous profitons de ce savoir-faire et de la proximité de nos pays pour étayer notre alimentation. En ce qui concerne la cuisine asiatique, cela demande davantage de connaissances et de pratique, car cette dernière est plus récente pour les occidentaux. Par ailleurs, les cuisines asiatiques que nous mangeons en Suisse et dans le reste de l’Europe sont « occidentalisées », c’est-à-dire, adaptées à nos goûts en matière d’alimentation et aux produits que nous trouvons sur le marché. Toutefois, selon Marin (2005), il est plus judicieux de parler de « métissage culinaire », car on ne peut pas affirmer qu’il y a « une cuisine suisse » ou « une cuisine française ». Schneider (2005) souligne également que la cuisine est un secteur qui évolue très rapidement. (J. Marin, communication personnelle, 8 novembre 2005 ; Y. Schneider, communication personnelle, 22 août 2005). 17 Il me semble alors important de mettre en évidence le fait que les diverses cuisines du monde entier ont été élaborées avec l’histoire et avec les différents métissages culturels. La cuisine brésilienne illustre parfaitement ce phénomène de « métissage culinaire », puisqu’elle a évolué avec des influences portugaises, africaines et amer-indiennes. L’ouverture des romands pour les cuisines voisines et même lointaines me laisse émettre l’hypothèse que les mentalités et les goûts évoluent vers une cuisine pluridisciplinaire, qui laisse place au nouveau, à l'inconnu ou au connu retrouvé et retravaillé sous d’autres formes. Par ailleurs, une nouvelle cuisine a déjà envahi les restaurants « branchés » à travers la planète : la « cuisine fusion », dans laquelle divers ingrédients du monde entier se côtoient et se mélangent pour créer une cuisine originale, imaginative et transculturelle, qui confère aux plats des goûts et des senteurs évocatrices d'un « village planétaire » qui se profile à l'horizon. Toutefois, cette « cuisine fusion » soulève un débat de règles d’usages et surtout de goût, mais encore de compétences, à savoir si le mélange de différentes cultures alimentaires au cours d’un même repas n’enlève pas quelque peu « l’ambiance culturelle propre à chaque met ». Il serait alors nécessaire d’en faire l’expérience pour en juger… (Y. Schneider, communication personnelle, 22 août 2005) Ces nouvelles tendances culinaires me permettent de tirer la conclusion suivante : L’Occident, après avoir recherché une cuisine distinctive de terroir, s’oriente actuellement vers une alimentation qui se constitue d’environ un tiers de produits industrialisés (nationaux ou internationaux), un tiers de produits du terroir (régionaux ou nationaux) et d’un tiers de produits plus ou moins exotiques, après avoir connu une multitude de denrées et d’ingrédients venus des 4 coins du monde. De l’envie perpétuelle d’originalité et de renouveau, à la lassitude des produits uniformisés, je suppose que les mangeurs d’aujourd’hui sont quelque peu perdus devant les nombreux choix alimentaires qu’ils ont à faire. Si beaucoup de bons restaurants savent composer leurs menus avec des produits frais et de saison, il n’en reste pas moins que pour Monsieur et Madame Toulemonde ; faire ses courses au supermarché n’est plus une tâche si facile. Il faut d’abord choisir ses produits parmi les nombreux labels et les différents étiquetages de type : « bio », « équitable », « produit suisse », « élaboré en suisse », « purement végétal » et notamment être capable de se décider rapidement devant un rayon rempli d’œufs avec des prix qui vont du simple au double, selon que ceux-ci proviennent de Pologne, de France, de Suisse ou qu’ils soient encore « bios et suisses », si ne n’est pas « bios et polonais » ! Le problème, c’est qu’il est inutile d’acheter des œufs « bios » de Pologne, si on compte le carburant nécessaire pour les livrer jusqu’au magasin. « Voilà que je voulais simplement acheter des œufs et je me retrouve devant un vrai « casse-tête » et ce n’est ici qu’un exemple parmi tant d’autres … Dans le prochain chapitre, je propose une analyse des conséquences d’une alimentation universelle et standardisée et je tenterai, à partir de mes diverses lectures, d’expliquer ce que cherchent les occidentaux dans les cuisines d’ailleurs. 18 1.3 De l’uniformisation des goûts en quête d’exotisme 1.3.1 Universalisme alimentaire ou « Mac standards » Pour mieux situer ce qu'est l' « universalisme alimentaire », il est très intéressant d'étudier le cas de la multinationale Mac Donald's corporation. Ariès (1997) a mené une enquête approfondie sur cette entreprise, qu'il restitue dans un ouvrage très complet intitulé « Les fils de McDo : la McDonalisation du Monde ». (pp. 9-50) Dans son ouvrage, Ariès exprime son inquiétude vis-à-vis de la réussite marketing de Mc Donald's, après en avoir préalablement analysé les mécanismes. Il souligne que la tendance pour ce type d'alimentation pourrait avoir des conséquences plus ou moins graves si cela devait s'étendre à d'autres géants du secteur agroalimentaire international, à savoir si le succès de McDo pourrait nous amener à modifier notre rapport à la nourriture. Il insiste notamment sur l'importance de la culture, propre à chaque groupe social et nécessaire à l'affirmation de la différence. Dans son ouvrage, Ariès donne avec précision toutes les étapes de transformation que subissent les aliments, de l'agriculteur jusqu'au consommateur et force est de constater que tous les aliments qui passent par McDo sont standardisés, du type de pomme de terre, du poids et de la forme des frites, de leur réfrigération, de leur temps exact de cuisson, de la température précise de l'huile à frire, de leur emballage standard, de l'attitude type du caissier, jusqu'au mangeur final. L'étude menée par Ariès (1997) explique comment Mc Donald's a su rendre ses aliments parfaitement identiques d'un bout à l'autre du globe. Selon lui, c'est précisément la perte de l'identité des aliments qui fait le succès de cette entreprise répandue dans environ 80 pays. Apparemment, le fait de manger un même hamburger à Genève, Sydney ou Istanbul, procure aux individus un sentiment de sécurité face à toutes les questions que soulève l'alimentation. De même, dans une société qui a tendance a décentrer les repas et à privilégier le grignotage ou le repas « sur le pouce », Mc Donald's offre une formule rassurante aux consommateurs, ceux-ci n'ayant plus à se poser de questions. Selon la pensée de Ariès, le concept marketing est volontairement basé sur des produits qui sont vidés de leur diversité et qui n’évoluent pas avec le temps. Distribuées dans le monde entier, ces denrées dont le goût, l'odeur, la consistance, l'aspect, la cuisson, le transport, l'emballage et le marketing sont contrôlés et préparés de telle sorte à ce que le résultat final débouche sur des produits parfaitement identiques, quelle que soit la ville dans laquelle se trouve le restaurant Mac Donald's et ceci sur la quasi-totalité de la planète. Par exemple : Mc Donald vend six grands types de produits (frites, sandwiches, salades, desserts, boissons et petits-déjeuners). A titre d'exemples, les pommes de terre sont sélectionnées pour fabriquer des frites identiques dans le monde entier, un « hamburger » pèse normalement 103 g et il mesure 10 centimètres. Un « cheeseburger » pèse 117 g, un « double cheeseburger » 166 g, peut importe l'endroit où l'on se trouve dans le monde. Enfin, l'épaisseur d'une tranche de pain est de 16 mm et ce dernier est toasté durant 35 secondes, exactement. (pp. 25-27) 19 Ce modeste résumé de données recueillies dans l'enquête de Ariès sur l'entreprise Mc Donald's et le succès que connaît cette multinationale démontre que l'universalisme alimentaire fonctionne très bien dans une société en perte de repères vis-à-vis de l'alimentation et du temps des repas. Selon l’idée de Ariès, Mc Donald's prive le mangeur de toutes les saveurs habituelles des aliments, car ceux-ci sont modifiés pour atteindre un goût unique. Le mangeur est également privé de la consistance naturelle de la viande ou du pain. Même l'odeur des frites a une odeur Mc Do. Ici, le mangeur est privé des sensations habituelles que l'on ressent devant une assiette garnie de nourriture normale. Le mangeur est donc aussi privé de toute image symbolique que pourrait lui évoquer ce qu'il mange, puisque presque rien de ce qu'il mange au Mc Do ne peut faire référence à d'autres mets, excepté ceux qu'il a mangés dans un autre Mc Do. Par conséquent, je pense qu’une alimentation standardisée va à l'encontre des cultures alimentaires singulières. Elle est même contraire à ce que nous enseigne la nature puisque celle-ci foisonne de diversité. Je pense aussi que le risque majeur de continuer à commercialiser des aliments standardisés, conséquence de la mondialisation et des techniques de production à grande échelle et en toute saison, est celui de voir disparaître le goût singulier d'un produit spécifique à une région, ainsi que les images significatives qu'il véhicule ; ses propriétés organoleptiques et son identification en tant qu'appartenant à un ou plusieurs groupes culturels. Je souligne notamment ici que la production massive d'aliments standardisés peut également déboucher sur des modifications importantes des techniques de production traditionnelles dans certaines régions du monde et de leur mode de vie, et soulever ainsi des questions d'ordre culturel, philosophique ou encore écologique. Contrairement à « l’universalisme alimentaire », je pense que le « culturalisme alimentaire » tend à conserver une mémoire de la richesse singulière et culturelle des ingrédients et des mets. Le plat standard « à l'emporter » ou « à manger sur le pouce » est bien pratique puisqu'il permet un gain de temps et d'argent (si consommé hors du domicile). Toutefois, je partage l’idée de Ariès selon laquelle la dimension sociale, c'est-àdire l'échange, la convivialité et la communication sont la plupart du temps absents. Par ailleurs, que peut-on échanger comme propos autour d'un menu standardisé prêt à être consommé en 10 minutes ? Il me semble qu’il sera difficile d'engager une conversation en ce qui concerne ce repas, car d'une certaine manière, il n'a pas d'histoire singulière et originale. Alors que, lorsqu'on prend le temps de confectionner un bon repas ou de se rendre dans un restaurant pour y manger quelque chose de spécifique, le cercle social aborde facilement des questions ou des affirmations génératrices de communication : - Mh Délicieux ton ragoût, tu vas chez quel boucher ? - Je ne suis jamais allée en Thaïlande, toi qui y es allé, tu me conseilles de choisir quoi ? - Je ne savais pas que tu étais végétarien, et pourquoi ce choix ? etc. 20 Cervera écrit : Les cultures culinaires du monde entier, précieux patrimoine, s’appauvrissent par l’élimination des produits les plus vulnérables et les plus coûteux en travail humain, par une coupure brutale dans la transmission des traditions familiales et professionnelles. […] La cuisine, depuis toujours lieu magique d’échanges, devrait pouvoir rester tout à la fois curiosité, miroir du monde, innovation. (1995, p. 113) 1.3.2 L'Occident en quête des cuisines d'ailleurs Comme je l’ai déjà mentionné dans le présent travail, depuis fort longtemps, l’Occident agrémente ses mets d'épices venues du Sud et souvent de l’Orient. Selon Cervera (1995), cette attirance pour les produits exotiques qui regagne de l'intérêt aujourd'hui, serait l'expression des individus d'une quête nostalgique d'un passé qu'ils n'ont peut-être pas connu. Cervera écrit : Nostalgiques d’un passé qu’ils n’ont probablement même pas connu, les hommes d’aujourd’hui se démarquent ainsi d’une routine, d’une uniformisation des produits qu’ils refusent. Le contact physique avec la nourriture, cette affectivité, cette exubérance, ce retour à des valeurs plus rêvées que réelles que l’Occidental, homme des villes, croit avoir perdues, ajoutent au bonheur qu’a cet éternel Ulysse d’explorer à travers les cuisines du Sud un immense espace géographique inclus dans l’imaginaire et le symbole. […] Les cuisines du Sud satisfont un désir moins brut, une sensualité totale plus absolue que l’appétit : l’odorat, stimulé par les surprenants mélanges, la vue que comble la luxuriance des couleurs, l’ouïe caressée par la magie des noms dans cette fête du goût et des papilles. (1995, pp. 110-111) Selon la pensée de Cervera (1995), le fait de renoncer à se gaver, se découvrir une nouvelle manière d'être, tout en se nourrissant, devenir autre en méditant sur le sens secret et profond d'un met rare et penser au symbolisme de sa présentation, sont autant d’éléments qui peuvent être contenu dans le simple acte de se nourrir. D'autres motifs peuvent être la cause de cette recherche de saveurs exotiques, dont notamment une certaine quête de pureté et d'écologie, que l'on retrouve aussi dans la pratique du végétarisme. Ainsi, selon l’idée de Cervera (1995), le mangeur occidental rêve de simplicité, de naturel et de végétal après avoir connu toutes sortes de denrées de haute qualité et ceci en abondance. On remarquera dans ce contexte que l'aliment prend aussi sa place au sein du débat médical et devient lui-même un « médicament préventif » ou « guérisseur », dans la représentation que s'en font de lui les mangeurs d'aujourd'hui. Selon la pensée de Cervera, il est également possible de comprendre la consommation de cuisines lointaines, comme l'envie d'avoir « bonne conscience », dans le sens où l'on fait un pas social vers des pays en difficulté. Mais selon Cervera (1995), il y a aussi une part liée au hasard, au voyage ou encore une quête gastronomique ou intellectuelle. Par ailleurs, je pense que le fait de connaître des mets aux noms plus ou moins exotiques et celui d’être capable d'expliquer à son cercle social ce que contient un plat, fait tout son effet ! Je pense également qu’il peut y avoir une forme de prestige social et d'image que l'on veut donner de soi aux autres ou simplement pour soi-même. 21 A l’inverse, ne rien connaître des cuisines d’ailleurs peut donner l'impression qu'une personne est fermée sur son propre petit monde et se montre peu curieuse de toute cette connaissance des saveurs et des aliments d’autrui. De plus, selon la pensée de Cervera (1995), le goût des cuisines exotiques rend plus curieuses nos cuisines régionales qui peuvent apparaître alors comme de beaux monuments. En d'autres termes, celles-ci permettent de différencier nos cuisines locales en même temps qu'elles contribuent à leur mise en valeur, car en principe, on ne perd pas l'attachement au terroir. On peut également comprendre que le terroir de l’un devient l’exotisme de l’autre et vice-versa. Un algérien me disait récemment que la fondue au fromage avait pour lui quelque chose de très exotique. Ci-après, je propose une analyse de l’exotisme tel qu’on peut le percevoir actuellement. 1.3.3 La notion d'exotisme Le mot exotique provient du grec : exo qui signifie « dehors » ou exôtikos « étranger ». En latin : exoticus . Le dictionnaire Robert (2004) en donne la définition suivante : « Qui (dans la perception occidentale) est perçu comme étrange et lointain et stimule l'imagination : qui est apporté de pays lointains. » (p. 660) L'altérité culturelle a ses aspects attirants et l'exotisme est aussi une mode littéraire et artistique. On entend souvent par exotisme, le pôle attirant de l'autre. Cette notion est apparue à l'époque pré-coloniale, puis coloniale, par l'Occident. Selon Hassoun et Raulin (1995) , ce dernier définit l'exotisme comme un appel aux saveurs et aux sens et non à la réflexion. Il y a là une illusion ambiguë qui voudrait que l'exotisme soit une démarche où l'autre est préféré à l'identique. Tzvetan Todorov, 1989, p. 297, cité par Hassoun & Raulin, 1995, p. 121 déclare : […]« La méconnaissance est incompatible avec l'exotisme, mais la méconnaissance est à son tour inconciliable avec l'éloge des autres, or c'est précisément ce que l'exotisme voudrait être, un éloge dans la méconnaissance. Tel est son paradoxe constitutif ». Il est vrai que plus on connaît la culture des autres (la cuisine plus particulièrement), moins elle est mystérieuse, moins elle est « dehors » et plus elle est « dedans », moins elle est exotique. Selon Hassoun et Raulin (1995), il est fondé de dire qu'à l'époque coloniale, l'exotisme s'était particulièrement développé, mais de nos jours, les supermarchés étalent les produits exotiques avec l'épicerie fine, ce qui placent ceux-ci dans le rang des produits « authentiques ». Au fil du temps, il y a eu une forme de provincialisation de la merguez, du couscous, du curry, du piment, de la noix de muscade, de l'ananas, des bananes et de bien d'autres aliments encore, qui viennent s’ajouter au fil de notre ère. Cela m'a particulièrement étonnée lors de mes recherches sur la notion d'exotisme : je me suis souvenue que les bananes que je mangeais lors de mon plus jeune âge ne m'avaient jamais semblé exotiques. Ces dernières faisaient tellement partie de mon alimentation, que j'ai passé la majorité de mon enfance a lire le mot « chiquita », sans même que cela ne me paraisse quelque peu exotique. Lorsque j'étais une jeune enfant, les bananes provenaient des cartons « chiquita » et à cette époque, cette explication semblait me suffire amplement. Je pense aussi au succès mythique de la sauce Tabasco, répandue aujourd'hui, un peu partout dans le monde. Sa commercialisation remonte à 1868. Son inventeur, Mellhenny, était un banquier américain de Louisiane, qui cultivait dans sa plantation de cannes à sucre, des piments. 22 Intrigué par leur robustesse, il envisagea de les conserver. Il les réduisit en purée, les fit macérer avec du sel pendant un mois, puis ajouta du vinaigre de vin français et les laissa reposer encore un mois. Il versa cette mixture dans une bouteille originale qui, fermée avec un bouchon de liège et de la cire verte, était utilisée auparavant pour contenir de l'Eau de Cologne. La recette du Tabasco et la forme de la bouteille étaient nées et la cuisine occidentale en fut quelque peu« pimentée ». (http://ouvroir.com/peschard/tabasco/inclus.html. 2005) De nos jours, je pense que l'usage de l'expression « y’a bon banania » nous choque certainement, mais autrefois, c'était un argument utilisé pour venter les mérites des produits exotiques qui sont devenus populaires et adoptés partout en Occident. Par ailleurs, les restaurants chinois ont marqué le début de cette popularité dans le secteur de la restauration. Actuellement, nous trouvons beaucoup de restaurants orientaux, extrêmeorientaux et notamment de nouvelles cuisines comme celle de l'Erythrée. A Yverdon-lesbains, je suis allée manger du kangourou, il y a environ, cinq ans en arrière. Cependant, ce n’est pas parce que la cuisine d’un restaurant est chinoise ou indienne que le cuisinier soit nécessairement chinois ou indien. Selon Hassoun & Raulin en 1995, cette proximité de l'exotisme dans nos pratiques alimentaires quotidiennes, rendent celui-ci presque invisible. Les cuisines qui peuvent encore être considérées comme exotiques, sont donc celles qui proviennent de pays non colonisés tels que l'Iran, l'Ethiopie, le Yémen, l'Indonésie, le Japon, etc. De plus, nos supermarchés contribuent également à faire disparaître l'exotisme par l'industrialisation, la production de masse et la mondialisation. Autrefois, certains produits étaient rares, originaux et difficiles d'accès. Je pense en conséquence que les différents acteurs sociaux d'aujourd'hui ont cette possibilité de transmettre et de cultiver la mémoire du dedans et du dehors. Celle de rappeler aux plus jeunes et même aux adultes, les origines culturelles du vaste choix d'aliments que nous trouvons aujourd'hui dans nos supermarchés, puisque selon Hassoun et Raulin (1995), nous vivons davantage un exotisme existentiel. Si de nos jours les bananes n'évoquent presque plus l'exotisme, je pense toutefois que celui-ci n'a rien perdu de sa valeur symbolique, pour autant que nous ayons conscience que ce qui se trouve à notre portée a un passé, une histoire. Avant que la mangue ou le fruit de la passion ne deviennent aussi banals que la banane ou l'ananas, avant que les chips de manioc n'aient le sort du couscous, il est possible de transmettre la fabuleuse histoire de la nourriture aux générations actuelles et suivantes, ou néanmoins de suggérer des réflexions, déjà en éducation enfantine ; car on ne mange par uniquement parce que c’est vital ou bon. A mon avis, c’est la « mémoire » des ingrédients lointains qui permet à l’exotisme de continuer à exister aujourd’hui. De plus, je pense que l’exotisme n’existe pas uniquement par le biais des ingrédients utilisés mais également dans la façon dont ils sont associés ou présentés sur l’assiette. Par exemple, lorsqu’un plat est préparé à base de plusieurs féculents. Cette pratique, que j’ai découverte lors d’un voyage au Pérou, m’a parue plutôt exotique, même si les aliments m’étais très familiers (pommes de terre, riz et pâtes). En conséquence, c’est aussi cette dimension qui fait le charme et l’exotisme de la cuisine des autres. « L'exotisme change et se réincarne, mais ne disparaît jamais. Car il faut sans cesse recréer l’Autre, jusqu’en soi-même parfois … ». (Hassoun & Raulin, 1995, p. 119). 23 1.4 Intégration de goûts et de pratiques alimentaires appartenant à une autre culture 1.4.1 Processus d'acceptation des aliments En 1995, Hossenlopp décrit le processus d'acceptation des aliments qui peut être perçu sous trois aspects principaux : L'IMAGINAIRE LE REEL LE SYMBOLIQUE Nous transférons des « propriétés » à nos aliments Nous avons un rapport « sensible et physique » à nos aliments Nous attribuons des « valeurs » à nos aliments Un aliment est bon lorsqu'il est bon à rêver. Un aliment est bon lorsqu'il est bon à manger. Un aliment est bon lorsqu'il est bon à penser. (p. 133) Hossenlopp écrit en 1995 :« […] Un aliment est bon quand il est à la fois bon à manger, bon à penser et bon à rêver. » (p. 134). Selon Hossenlopp, il s'agirait là d'une satisfaction totale, qui exprime un besoin de cohérence avec nous-mêmes. Pour qu'un aliment puisse passer la frontière du dehors au-dedans de nous, il faut donc que ce dernier respecte plus ou moins ces 3 principaux critères, car celui-ci va faire « un » avec notre corps. En somme, si l'on croit que le corps et l'esprit se nourrissent mutuellement l’un de l’autre, ce qu'on donne à notre corps, on le transmet aussi à notre esprit. Cette dimension peut se ressentir plus ou moins fortement, selon les différentes représentations et croyances des individus. Par exemple, certaines personnes refuseront de manger de l’autruche, pour ne pas lui ressembler, car celle-ci se cache la tête dans le sable ! Selon Hossenlopp (1995), on peut aussi aborder toutes les propriétés qui participent à nos choix alimentaires : idéologiques, santé et éthiques et fonctionnelles hygiène spirituelles prix, additifs, écologie, rangement, quantité, agents végétarisme, déchets, rapport conservateurs, critères de la recyclage qualité/prix pesticides, viande, des … … risques fruits et d'allergies, légumes, d’indigestions provenance, … image, histoire … (pp. 135-137) nutritionnelles sensorielles économiques valeur énergétique, protéines, vitamines, oligo-éléments … odeur, goût, apparence, couleur, forme, texture, arrière-goût … 24 Ces propriétés influencent nos choix dans l'achat et la consommation de nos aliments. Par ailleurs, les spécialistes du marketing du secteur agroalimentaire ont bien compris l'idée suivante, rapportée par Hossenlopp en 1995 : « Dis-moi ce que tu aimes manger et je te dirai ce que tu rêves d'être ou de paraître ». (p. 138) On connaît aussi cet aphorisme de Brillat-Savarin, cité par Bruegel et Laurioux (2002), exprimé un peu différemment : « Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es » (p. 9) Selon Hossenlopp (1995), nos représentations en matière d'alimentation se construisent par des fantasmes fréquents composés d'associations d'idées concernant des oppositions telles que : + O P P O S I T I O N S naturel artificiel industriel culinaire autrefois aujourd'hui biologique [chimique ]/pollué (p. 138) Ainsi, il en découle pour Hossenlopp (1995) que : « […] La réalité est toujours interprétée et maquillée pour chercher à justifier ou à expliquer nos choix alimentaires personnels. » (p.138). Par exemple, je pense que si nous nous limitions aux propriétés nutritionnelles de la fondue au fromage, ce plat ne devrait plus figurer dans nos habitudes alimentaires, car il est extrêmement gras et ne correspond pas, pour la majorité des gens, à leurs besoins nutritionnels par rapport à leurs modes de vie actuels. Par ailleurs, selon les métabolismes, il faudrait une semaine pour évacuer le sel contenu dans une portion de fondue au fromage. Pourtant, ce plat est largement consommé en dehors des repas festifs et pour certaines personnes, c'est un plat consommé fréquemment en hiver. Toutefois, je constate que le plaisir que procure ce plat, sa convivialité et sa dimension culturelle déguisent ou excusent sa forte teneur en graisse et en sel. D'autre part, la majorité des plats typiquement suisses ont une teneur élevée en graisse (raclette, röstis au beurre et lardons, filet de perches meunières avec frites, filets de perche frits et sauce tartare avec frites, saucisson vaudois ou autre …). On peut cependant imaginer remplacer les frites par des pommes vapeur ou du riz en ce qui concerne l'accompagnement des filets de perche. Cependant, le poisson « d’eau douce » (« de notre région »), considéré comme un aliment sain, vient contrebalancer les autres aspects du plat. L'association d'idée entre le poisson pêché dans le lac à proximité du restaurant et le naturel d'autrefois, confère à cet aliment toute sa valeur symbolique. 25 Il y aurait dans notre manière d’approcher les aliments divers fantasmes dont celui du Paradis perdu. Hossenlopp écrit (1995) : […] [Il s’agit] de la manipulation par des puissances extérieures impossibles à cerner, de la perte d’une identité et d’une culture, peut-être mythique, celui de l’angoisse de la solitude du mangeur en train d’avaler ce qui peut apporter la mort ou la maladie. Les « scoops » dans le domaine alimentaire « marchent » parce qu’ils nous concernent quotidiennement et au premier chef. Les journalistes le savent, qui en usent ou en abusent. (pp. 138-139) De plus, les mangeurs d’aujourd’hui ont toujours le sentiment que le pain d’autrefois était meilleur, certainement parce qu’il évoque le bon goût des aliments de notre enfance, ainsi que toutes les émotions intenses qui y sont associées. Toutefois, Hossenlopp (1995) rappelle qu’il ne faut pas rêver, car on ne peut pas retrouver cette même intensité de plaisir à l’âge adulte. En partant de la qualité d'un produit à la perception de la qualité de ce dernier, il y a tout un processus de reconnaissance basé sur des mécanismes d'apprentissages gustatifs et physiologiques et sur la mémoire. Nous avons donc tous un répertoire alimentaire unique et inaccessible aux autres. Il semble qu'aujourd'hui, nous pourrions dire, qu'aucun arôme ni aucune saveur ne sont des marqueurs positifs ou négatifs, transmis génétiquement. De plus, lorsqu'on parle de plaisir des sens, il ne faut pas oublier que la sensation physique de faim, le lieu et l'entourage (avec qui je mange) contribuent aussi au plaisir. Cependant, l'imaginaire fait toujours la différence entre un produit « maison », un produit « cuisiné » et un produit « fabriqué ». (Hossenlopp, 1995) De nos jours, une grande partie des apprentissages alimentaires se font à l'extérieur (à la cantine scolaire, dans les fast-foods et les restaurants) ou encore avec les parents, mais ceci souvent hors de la tradition familiale. Les ventes de plats surgelés et de produits transformés et prêts à consommer se multiplient. Hossenlopp (1995) constate que les goûts se sont largement uniformisés en raison d'une part, de la diminution des préparations culinaires domestiques et d'autre part, à la concentration de l'offre de produits par les grandes compagnies agroalimentaires. De manière paradoxale, ces dernières ont élargi les palettes des produits laitiers (yaourts, fromages, crèmes, desserts). Il y a donc une recherche de diversification de la palette des goûts, en même temps que cette dernière éloigne les individus des références culinaires et traditionnelles, ce qui induit l'introduction de nouvelles valeurs culturelles. Ainsi, l'évolution des modes de vie a d'ores et déjà modelé l'alimentation. Dès lors, Hossenlopp (1995) déplore une perte de repères chez certains enfants citadins, liés au temps et aux saisons. Les enfants et adolescents, groupes influençables par excellence, peuvent être des acteurs de changement et de rupture dans les cultures et les traditions alimentaires. Je peux aussi imaginer les habitudes alimentaires de parents immigrés et celle de leurs enfants, qui ont grandi dans le pays d'accueil, et qui ont acquis des références alimentaires différentes de celles de leurs parents : cela complexifie la relation qu’ont les jeunes avec la nourriture, d’un point de vue culturel et social. Face à toute cette « diversité alimentaire », Hossenlopp écrit en 1995 : « […] La peur de se tromper ou, pour d’autres, d’être trompés, a remplacé la peur de manquer de nos ancêtres. [Aujourd'hui, plus qu'autrefois], nous mangeons des rêves, des symboles, des signes et des nutriments. » (p.147) 26 Toutefois, je tiens à souligner ici, qu’il existe chez nous, une classe sociale appelée « quart-monde », pour laquelle la peur de manquer est encore une préoccupation de tous les jours. 1.4.2 De la construction du goût à la construction de soi Selon Chiva (1996), on peut dire aujourd’hui, que les apprentissages alimentaires participent aussi à la construction de l'identité. Le goût et l'odorat sont parmi les premières perceptions du nourrisson. Celui-ci affirme différentes mimiques selon qu'on lui propose une solution sapide sucrée, salée, acide ou amère, mimiques que l'on observe identiques auprès de différents nourrissons pour un même goût. Cette faculté gustative se développe in utéro, au cours du quatrième mois de grossesse et sera déjà opérationnelle dès la naissance. Il s'agit premièrement d'un réflexe qui s'exprime par le rejet de l'amertume et de l'affection du sucré. Chiva écrit en 1996 : […] La première tétée est à la fois un apport alimentaire et aussi une stimulation d'interaction sociale et affective. De ce fait l'acte alimentaire se situe, dès le premier instant, dans un contexte social et relationnel. […] Le nouveau-né est pré-programmé à ne pouvoir digérer, au départ, que des produits lactés et à préférer la saveur sucrée (Desor et coll., 1977, Beauchamp & Moran, 1982, Chiva, 1987). Mais au-delà de cette première « programmation » tout reste à apprendre, depuis l'utilisation des modalités sensorielles jusqu'à l'acquisition des manières de table. […] C'est l'apprentissage, la répétition des stimulations, leur situation dans le contexte général, leur association avec d'autres événements, qui leur donnent une signification. […] Nous ne pouvons jamais savoir ce que ressent exactement notre voisin, sinon à travers ce qu'il exprime, notamment sur le plan verbal, ce qui implique l'adoption d'un code commun. Ainsi le traitement cognitif de l'information sensorielle nécessite un apprentissage à divers niveaux, dont le dernier est l'adoption de vocabulaires et de conventions sociales et culturelles. […] La fraction d'intensité de la stimulation nécessaire pour apprécier [la différence de goût] est très variable d'un individu à l'autre, compte tenu de son équipement sensoriel initial. (pp. 11-17) Par la suite, l'enfant apprend d'abord ce qu'il a le droit de manger, par exemple du poulet mais pas du chat, du sel mais pas du piment. Il acquiert également des apprentissages sur la façon dont il doit le manger et sur les bonnes manières à table. L'appareil sensoriel, en particulier gustatif, varie énormément dans ses sensibilités, d'une personne à l'autre. Le goût de l'amertume, par exemple, sera perçu de manière particulièrement intense chez certaines personnes, comparé à d'autres et cela, dès le début de l'enfance. Selon Bellisle (2003), certains enfants développent ainsi un rejet de plusieurs produits alimentaires, en particulier les légumes, qui s'explique par le fait qu'ils ressentent intensément le goût de l'amertume de ces aliments, il s'agit donc d'un refus purement sensoriel. De plus, dans une tranche d'âge située entre 5 et 7 ans, les enfants sont moins disposés à accepter des aliments nouveaux, car durant cette période l'individu peut développer plus facilement une néophobie, c'est-à-dire un rejet des aliments nouveaux. Il s'agit là d'une phase normale du développement de l'enfant. 27 En conséquence, forcer un enfant à manger un aliment pour lequel il n'est pas prêt peut avoir une influence très négative sur la construction de son goût. Lors d'une rencontre scientifique de nutrition à l'Institut Danone, Bellisle (2003), psychologue expérimentale du comportement, insiste sur le fait de ne pas forcer à manger un aliment rejeté par l'enfant, y compris de ne pas le récompenser par un met sucré s'il accepte d’incorporer l'aliment qu'il refusait jusque là. Dès lors, il est préférable d’agir en connaissance de cause et de respecter les particularités sensorielles de chaque enfant en lui offrant régulièrement une grande variété d'aliments, en sachant que l'enfant n'acceptera pas l'ensemble des aliments du premier coup. Celui-ci acceptera plus facilement une nourriture dans un contexte agréable, détendu et exempt de contraintes trop fortes, ce qui fait que beaucoup d'enfants finissent par accepter des aliments qu'ils refusaient jusqu’alors et ceci peut encore se développer durant l'adolescence. Bellisle (2003), décrit, à partir des travaux effectués par Chiva depuis 1978, que chaque individu est muni d'un appareil sensoriel complexe et ces perceptions sensorielles vont former une « image sensorielle » propre à chaque aliment. L'expérience sensorielle des aliments, associée à des effets post-digestifs bénéfiques ou désagréables, va construire peu à peu chez l'enfant son goût. Le goût est par conséquent un ensemble intégré de sensations qui identifient chaque aliment pour chaque mangeur. Selon l'expérience postdigestive bénéfique ou désagréable, expérimentée depuis le début de la vie, l'individu va comprendre à quel effet métabolique il est associé (envie de vomir par exemple). Celui-ci est exposé, dès sa naissance, à un grand nombre d'aliments qui varie selon les ressources culturelles, économiques et climatiques du pays où il grandit. Selon Poulain (2005), sociologue et professeur à l'Université de Toulouse, croire que l'on a le pouvoir de contrôler en permanence son alimentation est une utopie, tant l'acte de manger est complexe et induit toutes sortes d'apprentissages conscients ou inconscients. La part de l'inconscient est très forte dans nos choix alimentaires, puisque lorsque nous mangeons certains aliments, nous pensons que ce sont des choix conscients (parce que la nourriture est savoureuse, saine d'un point de vue nutritionnelle …), alors qu'en réalité nous avons d'autres raisons qui nous échappent, comme par exemple le fait que notre mère nous en préparait lorsque nous étions enfants, ou parce que tel aliment est associé à de bons souvenirs. Poulain (2005) met en évidence que le processus de la construction de l'identité de l'individu induit à la fois des mécanismes de socialisation et des mécanismes d'individualisation. En apprenant à manger avec ses parents et ses proches, un enfant s'initie aux rites et aux codes de sa culture. De cette façon, il s'intègre à la société. Toutefois, à l'intérieur de ces mécanismes généraux, il dispose d'un espace de liberté individuelle, l'apprentissage du goût, qui lui permet d'affirmer sa position au sein du groupe et de la société. Cette construction identitaire s'effectue au cours des 15 premières années de la vie. Une fois l'âge adulte atteint, tout est presque défini de ce point de vue. Par contre, l'adulte peut avoir une incidence sur l'image qu'il veut avoir de lui-même et sur celle qu’il veut transmettre aux autres. Par exemple, la personne peut s'associer à une catégorie de référence, telle que les « gourmets », les « gourmands », « les bios », les « écolos », les « végétariens » etc. En résumé, le goût se construit par des apprentissages physiologiques gustatifs, par des effets biologiques et simultanément par des apprentissages symboliques générés par des « images sensorielles », selon les expériences que nous avons faites depuis notre prime enfance jusqu'à l'âge adulte. 28 En tant qu'adulte, l'individu choisi ses aliments et peut orienter ses choix sur une nourriture plus spécifique, correspondant à son identité, ou néanmoins, à ce à quoi il aspire. Cependant, son répertoire alimentaire est déjà fortement ancré en lui et sera la base de ses futurs choix alimentaires, même si ceux-ci pourront évoluer ou s'élargir, à condition qu'ils n'entravent pas les références essentielles du mangeur. Si je me réfère à ma propre expérience de ma relation à la nourriture, je peux sans conteste dire que je partage le point de vue du sociologue Poulain. En effet, la majorité des aliments que je n'aimais pas en tant qu'enfant ou adolescente sont encore aujourd'hui des aliments que je n'apprécie pas particulièrement. Je dirais même que le dégoût pour certaines nourritures durant mon enfance s’est renforcé pour moi à l'âge adulte. J'ai accepté au fil du temps certains aliments, mais je les mange uniquement à titre exceptionnel (melon, champignons chinois, jambon paysan … ). Il y a aussi une catégorie d'aliments dont je n'ai jamais voulu goûter étant enfant et c'est encore le cas aujourd'hui, ce sont les fruits de mer. En fait, après 3 tentatives de manger une crevette à l’âge adulte, j’y ai renoncé : après leur ingestion, j'ai immédiatement envie de vomir ; malheureusement pour moi, la crevette me fait penser à un vers gras. De plus, lorsqu’on observe les différences de goûts au sein d’une même culture, on imagine facilement les différences gustatives qu’il peut y avoir entre personnes de diverses origines. Nous sommes souvent surpris que quelqu’un puisse être dégoûté par un aliment que nous affectionnons beaucoup ou que celui-ci puisse aimer un aliment qui nous dégoûte ou nous répugne. « Lorsqu’on passe une frontière alimentaire ou vestimentaire forte, on sait qu’on passe une frontière culturelle forte » (Warnier, 1999, p. 20). Par ailleurs, je pense que la manière dont nous mangeons peut changer le regard d’autrui sur nous-mêmes, et cela peut générer des conflits liés a des incompréhensions. Il y a donc incontestablement un lien affectif entre l’identité et l’alimentation. Comme je l’ai présenté dans ce chapitre, nos apprentissages alimentaires se font très tôt et sont enregistrés dans notre conscience tout comme dans notre inconscient. On comprend donc aisément que les personnes qui ont émigré continuent, autant que cela est possible, de reproduire une cuisine qui leur est familière. Dans ce cas, la nourriture leur rappelle leur pays natal, leurs racines et le temps des repas devient un moment dans lequel elles se « réfugient ». (J. Marin, communication personnelle, 4 avril 2005) Toutefois, il arrive que des communautés d’ailleurs modifient leur cuisine dans le pays d’accueil, car elle est jugée trop riche. Par exemple, ceux-ci vont donc diminuer la quantité d’huile utilisée, pour éviter qu’on dise que leur cuisine est trop grasse. Par ailleurs, ceux-ci sont bien surpris des critiques reçues au sujet de leur alimentation, car ils constatent que les occidentaux mettent beaucoup de crème et de beurre dans leur propre cuisine. (Balland, 1997) Ci-après, je propose une analyse qui se rapporte aux questions de répulsion vis-à-vis de la nourriture. 29 1.4.3 Du goût au dégoût Absorber des aliments représente la valeur subjective « d’intégrer à soi », de la même façon qu’on pourrait penser que « l’on devient ce que l’on mange ». On peut interpréter le refus de manger du porc comme la crainte de s'identifier à lui, bien qu'il y ait là encore toute une dimension spirituelle ou religieuse, dont cette dernière représente la substance morale. Cependant il y a aussi une forme de distinction sociale dans le choix d'absorber ou non certains aliments. La suspicion des aliments inconnus est un réflexe que l'on retrouve chez tout individu. Selon Rozin (1995), la cuisine étrangère peut déstabiliser certains mangeurs et plus particulièrement certains voyageurs. Lorsqu'elles voyagent, plusieurs populations à travers le monde sont heureuses de trouver des restaurants dont la nourriture est familière, alors que d'autres préfèrent découvrir des mets nouveaux ou inhabituels. Rozin (1995) propose d'analyser le rejet des aliments sous trois aspects principaux : LE FACTEUR SENSORIELAFFECTIF (goût, odeur, consistance, apparence …) LES CONSEQUENCES ANTICIPEES DU RESULTAT DE L'INGESTION (effets physiques nutritifs et toxiques) LES CONNAISSANCES DES ORIGINES DE L'ALIMENT (rejet psychologique de la nourriture) Aliments inoffensifs ou Aliments dangereux : crainte Aliments dégoûtants : bénéfiques, acceptables sur de toxicité : allergies, motivations idéelles perçues leur nature et leur origine. digestion, odeur de l'ail, mauvaises au goût même si calories, cholestérol, on ne les goûte pas. champignons vénéneux, état Agressivité idéelle, par de décomposition, moisi … exemple à la vue de vers de terre frits. (p. 98-99) Selon Darwin en 1872 et Ekman en 1971, cités par Rozin, 1995, p. 100, la répulsion et le dégoût font partie des émotions de base. Angyal, cité par Rozin, 1995, p.100, écrit en 1941 : « C'est la répulsion à l'idée de l'incorporation (buccale) d'un objet agressif. L'objet de la répulsion a des propriétés contaminantes et s'il touche un aliment acceptable, ce dernier devient alors inacceptable ». Angyal, cité par Rozin, 1995, p. 101, dit au sujet du dégoût que ce dernier a pour objet central les excréments et autres produits du corps, il soutient que presque tous les objets de dégoûts, quelle que soit la culture, ont une origine animale. Si certains pensent qu'on est ce que l'on mange, le fait de manger différents animaux soulève quelques questions. Selon la pensée de Rozin (1995), il y a comme un acte agressif à ingérer des animaux. Cependant, cet acte peut être compensé par l'attirance sensorielle et la grande valeur nutritive de la viande. La viande serait à la fois l'aliment le plus apprécié et le plus tabou dans toutes les cultures. Ce met est, par ailleurs, le plus souvent apprêté de façon à masquer son origine. 30 La viande est retravaillée sous forme de hachis, de boulettes, de steak haché, de saucisses, de salaisons, de saucisson, de tranches fines de charcuterie, séchée, pannée, vidée de son sang (cascher) ou encore le plus souvent accompagnée de sauce. Une fois cuite et ainsi préparée, la viande n'a plus son apparence initiale de chair morte. En 1995, Rozin indique qu'en Europe, nous mangeons uniquement la chair de quelques animaux parmi toute la diversité qui s'offre à nous. En principe, nous n’incorporons pas de rongeurs et seuls quelques volatiles sont déposés sur nos assiettes. De plus, nous nous interdisons certaines parties des animaux comme par exemple les yeux, la cervelle ou le cœur. En revanche, certains mangeurs sont très friands de la langue, de la queue ou des rognons de bœuf, alors que beaucoup de consommateurs de viande en sont dégoûtés. En général, nous excluons plus facilement les animaux trop proches de l'homme ou trop éloignés de lui; ils sont alors considérés comme dégoûtants à manger. Nous avons, semblet-il, le même rejet pour l'incorporation d'animaux qui se nourrissent de matières en putréfaction et envers les animaux carnivores. Dans cette même optique, Rozin (1995) indique « que les produits animaux sont beaucoup plus enclins à la putréfaction que les [produits] végétaux. » (p. 101) (un légume en décomposition sera moins dégoûtant que la même dégradation d'un morceau de viande). D'autre part, la viande ou le poisson non-réfrigéré accumulera des bactéries nettement plus rapidement qu'un fruit ou un légume, étant donné que ces derniers se conservent parfaitement sans réfrigération durant quelques jours, selon les variétés. Dans le processus du rejet des aliments, on note un principe qui est celui de la « contamination ». La contamination dépasse la substance elle-même de l'aliment : le contact de l'aliment avec un élément contaminant (insectes ou personnes indésirables) rend ce dernier totalement pollué. Frazer (1890-1959) et Mauss (1902-1972), cités par Rozin, 1995, p. 102, décrivent les lois de la magie sympathique, dont la contagion, qui inclut la contamination et stipule « qu'un seul contact équivaut à un contact permanent ». Si un cafard a touché de la purée de pommes de terre, la purée se trouve « cafardisée ». Un contact bref va donc rendre l'objet dégoûtant pour toujours. Lorsque le dégoût s'exprime à l'idée de manger la nourriture de l'autre indésirable, voire dans certains cas, celle de l'étranger, on parle de « dégoût interpersonnel ». Il s'agit de la répugnance à l'idée de manger sa nourriture. On retrouve ce même type de dégoût lorsqu'il s'agit de porter un vêtement qui a déjà appartenu à quelqu'un d'autre. Certaines personnes ont le sentiment de sentir la présence d'un autre. La contagion interpersonnelle tient compte de la préparation, du toucher et du partage des aliments. Si des personnes nous sont étrangères ou indésirables et qu'elles ont eu un contact avec la nourriture, il est possible de ressentir une sensation de dégoût ou de rejet de ces aliments. Si l'on pousse ce raisonnement plus loin, on pourrait dire que si les aliments proviennent d'une classe sociale inférieure, les denrées peuvent sembler douteuses. Les aliments deviennent contaminés et, par conséquent, dégoûtants et inacceptables. Pour certains peuples, on considère que les propriétés d'une personne peuvent se transmettre si cette dernière a eu le moindre contact avec la nourriture. Par exemple chez les Hindous, avec leur système de castes inférieures. Mais dans ce cas, c'est davantage la préparation et la cuisson par une personne de statut inférieur qui « pollue » l'aliment. 31 En conséquence et selon Rozin (1995), le rejet des cuisines d’ailleurs ou de certaines d'entre-elles est sans doute le résultat combiné de la crainte et du risque devant la composition d'une nourriture inconnue et la répulsion envers cette dernière qui a été préparée par un autre. En fait, nous avons tous un sentiment de confort et de satisfaction associés à notre nourriture familière, ce qui est une forme de « conservatisme culinaire ». Pour les personnes immigrées, c'est souvent la cuisine d'origine qui est encore préférée dans le pays d'accueil. La plupart du temps, la cuisine d'adoption et la cuisine d'origine ne sont pas consommées au cours d'un même repas ; le jour le plus important de la semaine étant, semble-t-il, le plus souvent consacré à la cuisine de là-bas. Un chilien établi en France dit n'avoir jamais autant consommé de cuisine chilienne que depuis qu'il a quitté son pays. Là-bas, c'était la cuisine française qui était valorisée et qui permettait de se distinguer. Lorsque nous voulons aborder l'activité « cuisine » ou le « repas interculturel » dans notre pratique professionnelle, il est donc important de garder à l'esprit cette notion du dégoût, en essayant de respecter le répertoire des représentations et des interdits alimentaires de chacun. Il s'avère nécessaire d'en tenir compte dans la mise en place de l'activité, en créant un climat propice à la reconnaissance mutuelle et à la mise en confiance des membres du groupe. Par exemple, celui qui prépare sa spécialité culinaire devrait avoir l'occasion de la présenter aux autres pour sa mise en valeur. Toutefois, on ne peut en aucun cas forcer les participants à goûter quelque chose qui leur suscite du dégoût. On pourra seulement encourager l'aventure de la découverte du goût qui va de pair avec la découverte de l'autre. L'activité « cuisine » peut permettre d'aller au-delà des préjugés, car les participants peuvent observer autrui et s'apercevoir par eux-mêmes que la nourriture des autres n'est pas moins bonne que la-leur. Lors de la préparation des aliments, il me semble important de veiller à ce que chacun respecte la nourriture (par exemple avec les enfants et adolescents) et les mesures d'hygiène (principe de contamination). Je pense que cela contribue à démarrer les activités dans un climat de confiance mutuelle. Cette première étape passée, le groupe est prêt à commencer et toutes sortes de conversations enrichissantes peuvent alors émerger durant l'activité, puisque les personnes ont tendance à se livrer plus facilement en préparant un repas ou en le dégustant. 32 1.5 Représentations et interdits alimentaires 1.5.1 Moralisme et alimentation Le rapport à l'alimentation comporte une dimension anthropologique, décrite par Fischler (1996), qui comprend la pensée classificatoire, le principe d'incorporation, le paradoxe de l'omnivore et enfin le « moralisme alimentaire ». Fischler écrit en 1996 : […] – La pensée classificatoire […] c'est le fait que nous ne pouvons apparemment pas éviter dans notre façon d'appréhender le monde et le monde alimentaire en particulier, de procéder à des classifications, à la construction ou à l'application de catégories et de règles qui régissent les relations entre ces catégories. – Le principe d'incorporation [décrit] dès la fin du dix-neuvième siècle [par ] les pères fondateurs de l'anthropologie, en particulier Tylor, puis Frazer (Frazer 1911, Frazer, 1981), avaient noté chez les « primitifs » l'existence de croyances que ce dernier avait regroupées sous le nom de « magie sympathique ». Le principe d'incorporation relève de ces « lois de la magie sympathique » et il regroupe des croyances ou des représentations qui peuvent se résumer sous la formule « on est ce qu'on mange », soit l'idée que le mangeur absorbe analogiquement les caractéristiques du mangé en absorbant sa substance, qu'il s'agisse de caractéristiques physiques, morales ou symboliques. […] Le « moralisme alimentaire » [est] la tendance très fréquente sinon générale à moraliser le rapport à l'alimentation, à formuler des jugements moraux à son sujet ou en l'employant comme prétexte normatif. La même caractéristique apparaît très clairement dans d'autres fonctions que la nutrition et tout particulièrement dans la sexualité, soumise, notamment dans les traditions religieuses et morales occidentales, à des jugements moraux et des cadres normatifs dont chacun a aisément conscience. (pp. 31-32) Selon Fischler (1996), cette relation entre la morale et l'alimentation apparaît également dans les propos de Claude Thouvenot. La notion de terroir avait un contenu politique vers la fin du 19ème siècle et celle-ci avait été adoptée par une partie de la droite et de l'extrême droite. Fischler indique en 1996 : […] Derrière cette appropriation il y avait bien entendu l'adhésion à certaines valeurs et cette adhésion allait de pair avec des jugements moraux. Dans ce mouvement de pensée, ce qui est en cause, c'est une certaine vision de la société, un regard sur la civilisation actuelle qui, en général, est considérée comme déclinante, décadente, etc. Il s'agit donc de régénérer des valeurs d'authenticité, de vérité, de pureté, de tradition, de filiation et de généalogie, des valeurs identitaires. (p. 42) Cette dimension liée à la morale et aux jugements, moins perceptible au premier abord, participe fortement aux débats sur la nourriture, au-delà des motifs gastronomiques et/ou diététiques. 33 1.5.2 Religions, philosophies et spiritualité La nourriture a toujours fait l'objet de quelques réglementations en lien avec la religion ou les croyances des individus. Dans une société multiculturelle telle que la nôtre, les professionnels de l'action socioculturelle et de l'éducation au sens large, sont confrontés aux interdits alimentaires des usagers qu'ils côtoient. Faire une cuisine « type » pour tout le monde, sous-entend que ceux qui ne peuvent pas manger de tout, n'ont qu'à faire un tri entre ce qui leur est permis de manger et ce qui ne l'est pas. Le problème des minorités est donc également au cœur du débat sur l'alimentation. Un article paru dans Le Monde des Religions en 2004 (sept.-oct., pp. 36-45) , résume les principaux aspects qui lient la nourriture et la spiritualité. Dans toutes les religions, certains aliments sont chargés de valeurs spirituelles fortement symboliques, qui incarnent le divin. Toutefois, certaines religions ont moins d'interdits que d'autres et c'est le cas du christianisme, bien que l'on note quelques différences entre protestants et catholiques. Les seconds respectent encore le carême alors que pour les premiers, le jeûne se pratique plus rarement, selon les besoins de chacun. Si la Bible donne beaucoup d'éléments concernant la nourriture et l'utilise davantage encore sous la forme de métaphores, le Coran est plus vague à ce sujet, puisqu’un seul verset contient le mot « manger ». Comme dans le judaïsme, on trouve l'interdiction de manger du porc, mais en plus, l'interdiction de boire du vin. En revanche, il est dit que ce dernier coulera à flot dans le Royaume d'Allah. En ce qui concerne le christianisme, le Nouveau Testament donne une consigne assez libre à ce sujet, puisque qu'il est permis de manger un aliment si on pense qu'il est bon, mais si toutefois il y a un doute, il vaut mieux ne pas en manger; celui qui mange d’un aliment le fait pour Dieu, de même, celui qui se prive d’un aliment le fait aussi pour Dieu. C'est donc à chacun de déterminer ce qui est bon ou non pour lui de manger, tel croyant n'étant plus alors sous la loi de Moïse. Le jeûne est présent dans toutes les religions et il précède souvent une fête où la nourriture se tient en abondance. L'abstinence à la viande est une base qui apparaît comme fondamentale dans l'hindouisme et on la retrouve également dans certaines voies du bouddhisme, en tout cas en ce qui concerne les moines. Toutefois, l'interdiction de manger du porc (hébreux et musulmans), ou l'obligation de vider la viande de son sang (hébreux), le processus à adopter pour tuer l'animal (hébreux et musulmans), n'interdisent pas pour autant la gourmandise et le savoir-faire en matière de préparation des aliments et ceci également dans toutes les religions. Par ailleurs, au Moyen-Age, les catholiques savaient inventer des recettes pour manger maigre et bon en même temps. Plus tard, la boisson au cacao était utilisée pour sa haute teneur en calories lors des périodes de carême. Les principaux aliments qui ont un sens symbolique profond et que l'on retrouve dans la plupart des religions ou philosophies sont le pain, le blé, le riz, le vin, l'agneau, le sel, le miel, le lait et l'huile. Le pain est très important dans toutes les sociétés, il montre la richesse ou la pauvreté de celles-ci : aux riches le froment et sa fine fleur, aux pauvres le pain d'orge, aux pasteurs et nomades les galettes. Le pain est l'instrument du partage, surtout s'il est « pur », c'està-dire sans levain. Le levain, qui provoque la fermentation, représente une forme de pourriture à l'œuvre, cette dernière étant impure pour le divin. Le pain a longtemps été un instrument de pouvoir par ceux qui surent mobiliser le grain nécessaire pour éviter les disettes. 34 Le lait, indispensable à la survie du bébé comme du jeune animal, représente l'aspect maternel du divin. Le miel, représente en partie la symbolique des abeilles qui vivent en société organisée et qui se soumettent à la reine, mais il est aussi évocateur de plaisir et de sensualité. L'huile est souvent utilisée pour l'onction et les offrandes, tout comme le sel, qui peut servir à purifier l'offrande. 1.5.3 Végétarisme et végétalisme Le végétarisme est un mode alimentaire excluant la consommation de viande, mais s'autorisant des produits animaux tels que les produits laitiers et les œufs, contrairement au végétalisme, qui exclut la totalité des produits animaux. Le choix du végétarisme peut être mis en oeuvre pour des motifs éthiques, religieux ou philosophiques, mais encore pour d'autres raisons telles que la santé, la défense des animaux et de l'environnement, ou encore pour des envies gastronomiques. De nos jours, je pense que la cuisine végétarienne ne figure plus au rang des nourritures de deuxième choix et n'est plus associée à des plats du type « riz complet-lentilles » qu'on lui attribuait autrefois. Par ailleurs, il y a aujourd'hui beaucoup de personnes qui ne consomment presque pas de viande et qui ne se considèrent pas comme « végétariennes ». On a tendance à nommer ces personnes : les « semi-végétariens » ou les « demivégétariens ». La cuisine végétarienne devient une discipline raffinée dont la plupart des recettes sont hautes en couleurs. La majorité des végétariens ont une alimentation variée. Avec un peu de pratique, ils savent composer leur alimentation de façon à répondre aux besoins de leur corps. Une bonne alimentation végétarienne se compose de fruits et de légumes de saison, de diverses farines, de céréales, de pâtes, de légumes secs, d'épices et d'herbes, de piments, de graines, de fruits secs, d'huiles, de vinaigres, de moutardes, de sauces, de produits laitiers et d'œufs. Tous ces ingrédients permettent de composer des plats savoureux et facile à préparer et ce ne sont pas les livres de recettes qui manquent à ce sujet. La cuisine végétarienne est donc moins compliquée qu'elle n'y paraît et il y a énormément de possibilités de satisfaire les besoins nutritionnels, même avec la contrainte de la suppression de la viande. Ci-dessous un tableau des 5 régimes végétariens les plus pratiqués : Régime Aliments de base Aliments tolérés Aliments exclus Ovolactovégétarien fruits, légumes, céréales produits laitiers, oeufs viande, poisson Lactovégétarien fruits, légumes, céréales produits laitiers viande, poisson, oeufs Ovovégétarien fruits, légumes, céréales oeufs viande, poisson, produits laitiers Pescovégétarien fruits, légumes, céréales viande Végétalien fruits, légumes, céréales poisson, produits laitiers, oeufs - viande, poisson, produits laitiers, oeufs (http ://www.lesieur.fr/nutrition/article.htm, 2005) 35 2. Concepts théoriques et exemples dans la pratique 2.1 L’approche psychopédagogique de la mixité des cultures 2.1.1 Définition du multiculturalisme et des autres modèles Le multiculturalisme est davantage une approche des problématiques liées à l'immigration et à la société d'accueil qu'une discipline en soi. C'est un concept, une philosophie dans l'approche des questions liées à la mixité des cultures. On trouve une longue définition du multiculturalisme dans le Dictionnaire suisse de politique sociale (Fragnière & Girod, 2002), dont voici un extrait : Le débat sur la création d'une société multiculturelle oppose deux écoles, les « culturalistes » et les « universalistes ». Alors que les premiers insistent sur le droit à l'autodétermination culturelle, les seconds considèrent que la réalisation de cette autodétermination mène à une impasse, impasse qui aboutit à l'exclusion et à la soumission. (p. 212) Il existe aujourd'hui 4 approches principales de la mixité des cultures, que l'on peut distinguer comme suit (Gohier & Schleifer, 1993) : L'approche multiculturaliste s'exprime par le maintien des cultures d'origines des personnes immigrées en les juxtaposant à la culture d'accueil. On obtient ainsi une large mosaïque des cultures. En anglais, on parle de « melting-pot ». L'approche interculturaliste met l'accent sur la nécessité réciproque des différentes cultures présentes, la majoritaire autant que les minoritaires, en tenant compte de la culture des autres, en apprenant à se connaître, à communiquer et à échanger. L'approche assimilationniste encourage l'apprentissage rapide par les immigrants de la culture majoritaire de la société d'accueil. L'approche transculturaliste fait parfois référence à la constitution par les populations émigrées et la population d'origine d'une nouvelle culture, parfois à un nouvel humanisme transculturel où l'être humain se retrouve et se reconnaît au-delà des autres cultures. Ces 4 définitions permettent de comprendre l'épistémologie des termes les plus utilisés par les professionnels du secteur social, par les pouvoirs politiques et par les médias en Suisse et à l'étranger. Ces 4 approches différentes sont sujettes à de nombreux débats politiques, quant au choix de la bonne « formule ». Fragnière & Girod (2002), relèvent que « L'approche interculturelle de l'éducation a été prônée […] en Suisse, par la Conférence suisse des Directeurs de l'Instruction Publique (1985). » (p. 185) 36 2.1.2 Identités, cultures et mondialisation Pour aborder les questions liées à la forte mixité des cultures en présence, il me semble approprié d'analyser ici quelques aspects qui découlent de la notion de « culture » et de l'identité sociale des individus, dans une société où cette « culture » se propage à l'échelle du globe. Pour cela, il est nécessaire, ici, de distinguer la « culture traditionnelle », reçue en héritage par son environnement socioculturel, de la « culture industrielle », issue de la modernité et du processus de la mondialisation. Warnier écrit en 1999 : L'expression de « mondialisation de la culture » désigne [la] circulation de produits culturels à l'échelle du globe. Elle suscite des réactions contrastées. Les uns y déchiffrent les promesses d'une planète démocratique unifiée par une culture universelle – une planète réduite par les médias aux dimensions d'un « village global », […] d'autres y voient la cause d'une inéluctable perte d'identité qu'ils déplorent. […] L'identité se définit comme l'ensemble des répertoires d'action, de langue et de culture qui permettent à une personne de reconnaître son appartenance à un certain groupe social et de s'identifier à lui. Mais l'identité ne dépend pas seulement de la naissance ou des choix opérés par les sujets. […] Il est sans doute plus pertinent de parler d'identification que d'identité, [car] l'identification est contextuelle et fluctuante. L'identification individuelle et collective par la culture a pour corollaire la production d'une altérité par rapport aux groupes dont la culture est différente. Le contact intercommunautaire suscite des réactions très diverses : idéalisation de l'autre, attrait de l'exotique, du « bon sauvage », mais aussi mépris, incompréhension, rejet, pouvant déboucher sur la xénophobie […] et l'anéantissement. (pp. 3-10) Selon la pensée de Warnier, la culture « traditionnelle » est celle apprise dans un espace géographique déterminé, possédant son propre terroir, sa politique et son histoire locale, ainsi que son inscription dans un contexte socialisé. Cette culture traditionnelle n'est pas figée, elle évolue avec le temps et les mœurs. En opposition, la culture « industrielle » est celle issue de produits culturels diffusés à plus ou moins grande échelle, à l'intérieur de sociétés très diverses, possédant elles-mêmes de multiples « cultures-tradition ». Les produits culturels industriels ont tendance à concurrencer les produits culturels locaux : par exemple, le sandwich contre le kebab, le lit contre le tatami, le pantalon contre le paréo, le docteur en médecine contre le guérisseur local. Lorsque la culture industrielle prend le dessus sur la culture locale, certains s'inquiètent que ce phénomène s'étende au monde entier et qu'il reproduise un système de « cocacolonisation » de la planète. Cependant, et selon Warnier, l'histoire a montré la formidable créativité des êtres humains, qui ont toujours sus innover, tout en s’appropriant leurs cultures singulières. Il me semble vrai qu'aujourd'hui le pantalon n'a pas fait disparaître le paréo, mais ce dernier c'est simplement répandu à travers le monde; on le retrouve notamment parmi les articles de mode et il est même fortement mis en valeur par les femmes occidentales. Au même titre, si un japonais change son tatami contre un lit occidental, bon nombre d'occidentaux changent leur lit contre un tatami. Ces réflexions montrent qu'il y a plus de risque de perdre quelques notions sur l'origine des biens culturels que de perdre ceux-ci. 37 2.1.3 Emigration, disparité et altérité culturelle Lorsqu’un individu quitte le pays où il a grandi pour des raisons qui peuvent être très différentes d’une personne à l’autre (asile politique, problèmes de précarité, recherche d’une qualité de vie meilleure, raisons professionnelles, hautes études, etc.), je suppose que celui-ci n’identifie pas encore très bien, au moment de son départ, les difficultés qu’il va rencontrer dans le pays d’accueil et lorsqu’il s’agit d’un départ d’urgence avec une demande d’asile politique, ceci est encore plus difficile à vivre. Il y a tout d’abord la barrière de la langue, qui peut engendrer des difficultés à mettre en place sa nouvelle vie. De plus, le système politique et administratif en vigueur dans le pays d’accueil, en l’occurrence ici en Suisse, nécessite des connaissances et des compétences qui ne s’acquièrent qu’avec le temps ou avec l’aide de quelqu’un. Toute personne qui quitte son pays pour aller s’installer ailleurs, quelles que soient ses raisons, va faire l’expérience d’un « choc culturel », puisque celle-ci vient avec ses propres références, son vécu, ses espoirs et tout « ce » et « ceux » qu’elle a dû laisser derrière elle dans son pays. Il y a donc une phase de deuil dans le processus d’intégration et surtout un phénomène d’altérité culturelle, mis en évidence par le changement de vie. Une attitude de bienveillance et de politesse dans une culture donnée peut se traduire comme une forme d’invasion de la sphère intime de l’autre au regard de la population du pays d’accueil. Ce type de différence dans les références sociales et culturelles des individus a pour effet de provoquer une certaine crainte chez les personnes venues d’un autre pays. La nourriture est alors l’une des rares choses dans laquelle l’individu peut se réfugier, en retrouvant une base importante de ses racines, de sa culture et de son histoire de vie. Gohier écrit en 1993: […] « L’identité ne se décline pas seulement sur le mode du Je ou du Nous mais également sur le mode des rapports qu’entretient le Je avec les différents Nous auxquels la personne participe ». (p. 23) Lorsqu’un enfant ou un jeune arrive en Suisse avec ses parents, il va rapidement devoir se familiariser avec le système scolaire et les codes culturels d’ici. La nourriture est également un élément de différence prédominant dans la démarche d’intégration. Ainsi, un enfant peut avoir le sentiment de trahir ses parents lorsqu’il adopte des habitudes alimentaires ou même vestimentaires du pays d’accueil. L’enfant sera toujours face à une dualité entre le fait de rester fidèle à sa culture et donc à ses proches, où de ressembler à ses nouveaux camarades, par soucis d’être accepté et intégré au groupe. Si l’enfant mange à la cantine de l’école ou dans un foyer, voire dans une quelconque institution (crèche, unité d’accueil de jour, etc.), il va très vite prendre les manières de table de son nouvel environnement. Dès lors, les parents sont parfois inquiets, à savoir, si cela n’interfère pas dans la manière dont ils veulent éduquer leurs enfants. Mais cela ne signifie pas que les enfants sont heureux de ses changements de manières de table et notamment par le fait qu’ils n’ont peut-être plus à aider à préparer le repas. Tous les enfants ne sont pas habitués à se faire servir des plats déjà préparés, où il n’y a plus qu’à s’asseoir, voire tout à plus, à mettre la table. Dans la culture africaine, « cuisiner » est un pouvoir. C’est souvent la femme qui prépare à manger. Grâce à cette responsabilité, cela lui permet de gérer une certaine somme d’argent pour les achats et de mettre en valeur ses compétences culinaires. 38 D’une certaine façon, être celle ou celui qui nourrit, confère un pouvoir de grande importance dans le contexte familial et social, puisque transformer les aliments et leur donner bon goût nécessite incontestablement des compétences. (Barou & Verhoeven, 1997) En résumé, le changement de style de vie engendré par l’émigration, constitue d’importantes différences culturelles dans les représentations des mœurs et des coutumes et plus encore dans les pratiques alimentaires. Pour apporter un soutien aux problèmes liés à l’altérité culturelle, les professionnels de l’action socioculturelle peuvent mettre en place des actions qui visent à une meilleure valorisation des personnes, en sachant que l’intégration des individus, passe davantage par le droit à la différence, plutôt qu’à l’exigence de la reconnaissance de celle-ci, ce que je développe ci-après. 2.1.4 Identité culturelle et appartenance L’identité est un processus constamment en mouvement, qui s’inscrit dans son histoire et son contexte affectif et socioculturel. Gohier écrit en 1993 : Notre thèse est que l’identité globale d’une personne se construit dans une interaction entre l’identité psycho-individuelle et l’identité sociale de l’individu, la première faisant référence surtout à la dimension affective de la personne, c’est-à-dire, à son sens ou sentiment d’identité, […] la deuxième, aux liens d’appartenance de l’individu à différentes communautés, et aux identifications culturelles qui s’ensuivent. Toutefois, l’une et l’autre dimension de l’identité doivent en dernier ressort être filtrées par la signification que l’individu leur confère, puisque ce n’est que par cette interprétation et cette distance qu’il pourra agir sur sa propre histoire personnelle et développer des stratégies en tant qu’acteur social. […] (p. 32) Le sens de l’identité nous apparaît […] devoir reposer plus sur l’adéquation de la personne à elle-même, à un moment précis de son histoire, que sur la reconnaissance, à travers le regard de l’Autre, d’une similitude qui s’inscrirait à travers le temps. L’identité positivement vécue, et non pas déformée par les exigences d’un faux « self », ne peut s’affirmer que s’il y a congruence entre ce que la personne dit et ce qu’elle fait, en tenant compte de sa propre narration de son histoire personnelle.[…] La personne ne serait sinon qu’une chimère figurant dans le théâtre de l’Autre. (p. 26) Le processus d’identisation […] repose sur la reconnaissance par l’Autre du droit à l’identité. C’est en fait strictement à partir de sa reconnaissance ou de la reconnaissance du droit à son identité par l’Autre que la personne peut se poser et accepter les interrelations avec l’Autre qui conduisent virtuellement à une transformation identitaire qu’elle peut accepter, à partir du moment où elle est reconnue pour ce qu’elle est. Dans ce sens, l’accent mis sur les ressemblances favorisera la rencontre avec l’Autre et l’acceptation par l’Autre. La personne pourra dès lors construire une identité affirmant à la fois des ressemblances et des différences. (p. 36) Dans la pratique professionnelle, il me paraît donc essentiel de faciliter l’intégration sociale en valorisant l’identité globale de la personne, en partant de son propre répertoire affectif et socioculturel. Selon la pensée de Gohier, l’individu ne peut en aucun càs vivre positivement des transformations identitaires, lorsque celles-ci ne concordent pas avec ce que la personne exprime et ce qu’elle fait. 39 Il me semble alors essentiel, qu’on ne peut pas imposer systématiquement une alimentation correspondant à notre culture, mais au contraire, laisser une fenêtre ouverte à l’expression culturelle et identitaire qui émane du répertoire alimentaire propre à chaque ethnie et à chaque membre de celle-ci. Selon la pensée de Gohier (1993), le processus d’une identité positivement vécue ne repose donc pas uniquement sur un besoin de reconnaissance par l’Autre d’une similitude, mais davantage par le droit d’être différent, mais encore, d’être libre de prendre le risque d’afficher cette différence. Toutefois, une démarche interculturelle ne peut mettre l’accent uniquement sur les différences. Cela ne ferait qu’accroître les antagonismes culturels. Il s’agit en conséquence de mettre en évidence à la fois les ressemblances et les différences. Par exemple, présenter un met d’une culture donnée et expliquer ce qu’il contient, ce qui représente une différence dans son essence, puis le présenter en tant que plat identitaire typique de son pays de provenance, ce qui représente une similitude par rapport à n’importe quelle autre culture, puisqu’en principe, on peut supposer que toute personne est assez fière de son plat régional ou national. Ci-après, je propose un schéma récapitulatif de l’approche de Gohier, 1993, pp. 26-36 : identité psycho-individuelle dimension affective sentiment d’identité identité sociale liens d’appartenance identifications culturelles identité globale reconnaissance par l’Autre du droit à cette identité transformations identitaires acceptées ce que la personne dit ce que la personne fait cohésion Construction d’une identité affirmant à la fois des différences et des ressemblances. 40 2.2 Les cuisines d’ailleurs dans l’action socioculturelle – (éducative) : motivations, limites et exemples 2.2.1 Interventions dans le cadre de l’école obligatoire L’école est un lieu de socialisation et d’intégration pour l’enfant, quelles que soient ses origines ethniques. C’est le lieu idéal pour apprendre la tolérance vis-à-vis des autres, surtout lorsque les contacts s’inscrivent au sein d’un cadre pédagogique basé sur la volonté que tous les enfants soient sur un même pied d’égalité. L’enseignant, tout comme l’animateur, représente pour l’enfant un modèle « adulte ». Lorsque ce premier reconnaît l’enfant dans son ensemble et le place avec d’autres enfants de mêmes capacités, ce dernier s’en souviendra et pourra développer sa confiance en lui tout au long de sa scolarité. Par ailleurs, Vasquez, 1992, p. 162, cité par Gohier, 1993, p. 33, montre que « Les stratégies d’intégration seront différentes selon l’histoire spécifique de chaque personne, mais que, dans tous les cas, elles seront motivées par la valorisation de soi. Ce que chacun cherche est une reconnaissance sociale qui le valorise. » Si, à mon avis, la verbalisation permet la conscientisation, cette première méthode n’est pas suffisante pour que le sujet puisse aller à la rencontre de l’autre, dans une optique d’acceptation et de tolérance, car dans une approche verbale, il manque le contact physique avec l’Autre. Brief écrit en 1993 : […] Pour envisager une autre ethnie [ou une autre] culture, il faut établir auparavant des rapports sensoriels évacués de toute conceptualisation démarquante. […] Le corps à corps précède le face à face qui devance le côte à côte lorsque les relations [évoluent] entre êtres humains. […]. (p. 65) On comprend dans cette optique, que la pédagogie interculturelle passe aussi par le sensible et en conséquence, par des activités telles que le théâtre, les jeux de rôles, la danse ou encore l’activité « cuisine », puisque cette dernière propose que la nourriture qui a été préparée par l’Autre, va ensuite être incorporée par le corps. De plus, selon Marin (2005), l’interculturalité, au-delà du discours sur la théorie et la méthode, se situe avant tout dans une expérience existentielle. (J. Marin, communication personnelle, 7 novembre 2005). En dehors des cours de « culture, alimentation et société », les cuisines d’ailleurs et l’alimentation de manière plus générale, permettent une base de réflexion dans les domaines suivants : La santé : La pyramide alimentaire – Quels aliments faut-il beaucoup consommer et pourquoi ? Quels sont les aliments riches en fibres ? – Quels fruits et légumes contiennent des vitamines importantes ? – Quelles sont les huiles les plus saines à utiliser pour la cuisson ? – A quoi servent le fer et les protéines et quels sont les besoins en apport journalier ? - Comment faire une cuisine savoureuse et pas trop grasse ? – Pourquoi faut-il consommer des produits laitiers ? A quoi servent les vitamines du groupe B contenues dans le lait et les yaourts ? Les régimes sont-ils bons pour la santé et efficaces ? – Qu’est-ce que l’ostéoporose ? – Le mauvais cholestérol concerne-t-il aussi les jeunes ? etc. 41 L’écologie : Qu’est-ce que l’agriculture biologique ? – Quelle quantité d’énergie faut-il utiliser pour transporter 10 kg de pommes depuis la Nouvelle-Zélande ? – Pourquoi acheter des fruits et légumes de saison ? – Comment agir sur l’environnement lorsqu’on fait ses achats ? – Peuton cultiver des légumes dans n’importe quelle terre ? – Que signifie la mention « élevage respectueux du bétail et de l’environnement » ? - Qu’est-ce que le développement durable ? etc. Les rapports Nord-Sud, la géographie et l’éthique : Qui cultive les bananes, le café, le thé, les mangues et où ? – Qu’est-ce que le commerce équitable ? – Comment vit l’agriculteur et qui s’enrichi ? – Comment agir lorsqu’on fait ses achats ? – Combien y’ a -t-il d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur ? Dans quels pays cultive-t-on les avocats ? - Quels fruits trouve-t-on dans le commerce et quand est-ce la bonne saison ? – Comment faire pour avoir de l’eau potable ? – Comment poussent les ananas ? etc. L’histoire : D’où vient la pomme de terre et qu’elle rôle a-t-elle joué pour l’Occident ? - D’où viennent les épices et quelle place avaient-elles dans la culture occidentale ? - Pourquoi mange-t-on aujourd’hui assis autour de la table ? - Que mangeaient les rois et le peuple ? etc. Les religions et philosophies : Quels sont les croyances liées aux aliments ? – Quels sont les interdits alimentaires selon les différentes religions ? – Quels aliments trouve-t-on le plus dans les différentes pratiques religieuses ou philosophiques ? etc. Les sens : Jeux des odeurs et ateliers d’éveil sensoriel : l’odorat, le goût, la vue, le toucher et l’ouïe. Pour aborder ces thèmes, on peut accompagner la réflexion d’une activité ou d’une sortie. Il est aussi intéressant de demander à un élève d’amener une recette de son pays ou même d’inviter l’un de ses parents à venir confectionner ou présenter sa spécialité. Cela permet de respecter la réalité de la nourriture de l’enfant, car les recettes publiées dans certains ouvrages, ne correspondent pas toujours aux pratiques alimentaires des diverses régions du monde. Pour un même plat, les personnes ont plusieurs façon de l’apprêter et il n’y a donc pas « une seule recette » pour élaborer un met. De nos jours, les animateurs socioculturels sont amenés de plus en plus fréquemment à intervenir dans les écoles, souvent avec une fonction de « chargé de prévention ». On peut imaginer diverses interventions par des animateurs socioculturels au sein de l’école obligatoire, autour du thème de la mixité des cultures en lien avec les cuisines d’ailleurs. Par exemple, le professionnel pourrait se servir d’une « valise pédagogique » dans laquelle il déposerait au préalable différents ingrédients utilisés dans les cuisines ethniques, pour apporter un aspect ludique et visuel durant son exposé. Ci-après, un exemple d’intervention menée par un enseignant lors des cours d’économie familiale dans une école à Vevey. 42 2.2.2 Expériences culinaires dans une école à Vevey Yvan Schneider est formateur d’adultes à la HEP de Lausanne et enseignant en C.A.S. (culture, alimentation et société) à Vevey. Il a tenté diverses expériences de « cuisines du monde » avec des classes de 8ème et 9ème année secondaire. Lors d’un cours de C.A.S., celui-ci a invité une classe enfantine à confectionner un repas avec des élèves de 8ème année. Les plus grands prenaient leur rôle très au sérieux en aidant les plus jeunes et ce fut une réussite sur le plan pédagogique. Celui-ci m’a fait remarquer notamment, qu’on arrive presque toujours à proposer des cuisines d’ailleurs, en choisissant celles qui ne représentent pas trop de dégoût (par exemple, les jeunes ne mangent pas facilement du poulpe). Toutefois, préparer des cuisines du monde entier demande des connaissances et un peu d’organisation, ce qui n’est pas toujours facile à mettre en place pour les enseignants. Aussi, les cours de C.A.S. doivent respecter l’horaire, il faut assister les élèves dans leurs tâches, certains ayant davantage besoins d’aide, notamment pour les quantités de sel et d’épices à ajouter ou sur la manière dont il faut procéder. Tout cela mobilise beaucoup l’enseignant, mais il est toujours possible d’intégrer quelques réflexions. Il me fait part notamment, d’une expérience menée à l’Alimentarium de Vevey, par le biais de laquelle, il a été répertorié, toutes les préparations dont le contenu est enrobé d’un contenant comestible, sous formes de « petits paquets ». Par exemple, les rouleaux de printemps, les tortillas, les feuilletés, etc. L’idée était de réfléchir autour de ces enrobages en essayant d’imaginer à quoi cela pouvait bien servir à l’origine ou en émettant la supposition que cela servait à protéger la nourriture du feu (par exemple, à l’image des feuilles de bananier). (Y. Schneider, communication personnelle, 22 août 2005) 2.2.3 Interventions dans les centres de rencontres et d’animations et dans les milieux associatifs Les centres de rencontres et d’animations ainsi que les maisons de quartier sont des lieux qui permettent aux populations locales de se rencontrer, d’échanger et de prendre part à la vie associative du quartier. Dans l’approche interculturelle, la mise en valeur des diverses « cuisines d’origine » des bénéficiaires et le repas interculturel sont des moyens de valorisation bien connus de l’action socioculturelle et les avantages de cette pratique sont nombreux. Les repas interculturels permettent aux habitants d’un quartier aux diverses origines de se rencontrer, de créer des amitiés, de vivre un moment de convivialité, de s’intéresser à ce qui se passe dans le quartier, de mettre en valeur sa propre culture, de la transmettre à autrui et d’apporter quelque chose de soi qui fait aussi plaisir aux autres. De plus, les diverses communautés ont parfois tendance à rester entre elles et ces repas facilitent les échanges entre les différents groupes culturels et créent un « pont » entre - eux. « Cuisiner » pour les autres est aussi une façon de se présenter, car lorsque nous transformons les aliments, nous mettons aussi une part de notre personnalité, de par la manière dont nous apprêtons la nourriture et la disposons sur la table ou dans les assiettes. 43 L’activité « cuisines d’ailleurs » peut se dérouler aussi bien avec des enfants, des adolescents, des adultes ou des personnes âgées fréquentant un centre de rencontre et d’animation. Par ailleurs, les repas interculturels peuvent aussi servir à soutenir des projets d’entraide à l’étranger, par exemple, en vendant des spécialités culinaires d’un pays. Selon Marin (2005), les repas interculturels facilitent l’intégration, dans la mesure où l’on donne une place à l’usager et où on le reconnaît. C’est une façon de donner la parole, de créer des espaces d’estime de soi et d’expression. Cette reconnaissance de la cuisine de l’Autre lui permet d’exister et de s’ouvrir. Cela permet notamment de générer l’égalité des chances, au niveau de la participation et à partir de la cuisine. Ceci notamment lorsque des personnes « sans-papiers » sont obligées de se cacher : c’est un moyen de ne plus être invisible, de participer à la société et de créer une mémoire collective. La nourriture donne alors le « déclic » à une démarche participative. En conséquence, les repas interculturels favorisent la démocratie. (J. Marin, communication personnelle, 10 juin 2005) D’autre part, je pense que les différences dans les pratiques alimentaires entre les multiples communautés culturelles en Suisse romande, pourraient faire l’objet de débats très enrichissants au cours desquels les professionnels de l’action socioculturelle auraient la possibilité de donner la parole aux usagers, c’est-à-dire aux parents et aux enfants d’un quartier donné. De la même façon qu’on peut aborder différents thèmes à l’école par le biais des cuisines de tous horizons, il est possible de mettre en place divers projets dans les centres de rencontre et d’animation, par la même démarche. En effet, les cuisines d’ailleurs constituent un prétexte qui favorise la mise en évidence d’une culture et notamment les difficultés à laquelle celle-ci est confrontée, ainsi que les valeurs qu’elle véhicule. Par exemple, j’imagine un projet qui réunirait la confection de mets propre à une culture donnée, préparée par les personnes concernées, en lien avec une exposition photo, un film et un débat autour des questions et des valeurs concernant cette communauté. La démarche pourrait être identique dans les milieux associatifs. Lors de l’élaboration du présent travail, j’ai constaté à différentes reprises, qu’en général, les personnes parlent très volontiers de la nourriture et que c’est un thème qui facilite l’échange verbal, puisque nous avons tous des connaissances et une expérience personnelle avec l’alimentation. Ci-après, je propose une brève description d’une activité en lien avec les cuisines du monde, mise sur pied au Centre de rencontre et d’animation de Grand-Vennes à Lausanne. 2.2.4 Repas interculturels au Centre de rencontre et d’animation de Grand-Vennes à Lausanne Une animatrice socioculturelle du Centre de rencontre et d’animation de Grand-Vennes à Lausanne, a mis en place une activité « Cuisines du monde » qui se déroule une fois par mois en soirée. Ce sont essentiellement des femmes d’origines diverses qui participent à ces soirées. Certaines habitent le quartier, d’autres viennent de plus loin, grâce à un réseau d’amitié qui s’est créé au fil du temps. 44 Le principe est simple mais efficace, puisque chaque mois, une personne du groupe confectionne et apporte une spécialité de son pays ou tout simplement quelque chose qu’elle aime bien apprêter. Sur place, une cuisine équipée est à disposition pour terminer la préparation du repas. Les frais sont divisés entre tous à la fin de la soirée et ne dépassent rarement fr. 10.— par personne. Ces repas, auxquels j’ai participé, se déroulent dans la bonne humeur, on s’y amuse beaucoup et c’est l’occasion de rencontrer de nouvelles personnes dans un contexte purement convivial, où les discussions ne manquent pas ! Ceux-ci permettent notamment aux participantes, de faire une pause avec le quotidien et de se consacrer un moment pour elles. (M. Riard, observations personnelles, 5 octobre 2004, 4 novembre 2004) (S. Nguyen , communication personnelle, 10 novembre 2004.) 2.2.5 Interventions dans les salles à manger d’institutions diverses et d’établissements médicaux-sociaux Selon Ouzzi (1998), certaines institutions et notamment les foyers d’accueils d’urgence pour les enfants qui rencontrent des difficultés dans leur famille, sont confrontés à de fortes résistances des usagers vis-à-vis de la nourriture. Cela est d’autant plus difficile lorsqu’un lieu accueille des enfants dont les parents demandent l’asile et que ceux-ci ne savent pas s’ils vont pouvoir s’établir en Suisse ou s’ils devront repartir à l’étranger. Dans ce càs, les bénéficiaires ont de la difficulté à accepter une nourriture totalement inhabituelle, étant coupé à la fois de leur famille et à la fois de leur pays. Dans ce càs particulier, il peut s’avérer intéressant de mener une enquête auprès des bénéficiaires sur leurs habitudes alimentaires et d’essayer de mettre en place des repas qui vont dans ce sens. De plus, c’est un excellent moyen d’encourager la participation active des bénéficiaires. Les cuisines lointaines peuvent alors être présentées sous forme de repas ou encore en tant qu’activité éducative. Dans les établissements médico-sociaux et les unités d’accueil temporaire, on trouve actuellement une clientèle essentiellement suisse et européenne. Toutefois, on peut imaginer qu’il y aura davantage de bénéficiaires aux multiples origines dans les années à venir. En gérontologie, on essaie en général de proposer aux personnes âgées des activités qui les valorisent et qui sont basées sur des choses acquises et facilement reconnaissables, permettant notamment de mettre l’accent sur des souvenirs agréables. En ce sens, il sera peut-être nécessaire un jour de proposer à la table, des cuisines de tous horizons. De plus, ces usagers n’ont plus la possibilité de planifier eux-mêmes des sorties au restaurant. Par ailleurs, un nouveau concept est déjà entrain d’émerger, le « Manger Mains », qui a pour objectif de rendre autonome l’alimentation des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, de Parkinson ou de troubles psychomoteurs. Le but étant de permettre aux sujets dépendants qui ont des difficultés à manier les couverts, de retrouver leur autonomie en se servant de leurs doigts pour manger. Pour ce faire, il faut que les aliments soient présentés sous forme de bouchées, par exemple : des boulettes, des bâtonnets, des cubes, des galettes ou des quenelles. (F. Broggi, communication personnelle, 15 juillet 2005) 45 Dans les cuisines du Maghreb et du Moyen-Orient, on trouve beaucoup de préparations qui d’une part, se mangent avec les mains et d’autre part, qui sont faciles à mâcher ou à avaler (purée de pois-chiches, falafels, caviar d’aubergines …). Certains mets d’Amérique latine comptent également toutes sortes de galettes à base de semoule de maïs et aussi des boulettes de viande ou de fines tranches de bananes plantains rôties, qui peuvent également se manger avec les mains, tout en étant des nourritures saines et appétissantes. Sans oublier ici les fameux sushi(s) de la cuisine japonaise ! Toutefois, ce type de préparation en collectivité nécessite du temps, des ressources humaines et des moyens supplémentaires et c’est souvent cette contrainte qui fait que les cuisines lointaines sont moins présentes dans les institutions. 2.2.6 Repas gastronomiques au Centre de loisirs pour personnes âgées, « Panorama » à Vevey » Le Centre de jour du Panorama à Vevey comprend un Centre de loisirs, une Unité d’Accueil Temporaire et une Salle à manger. C’est dans ce lieu que j’ai effectué mon expérience pratique de 3ème année. Dans le cadre des activités du Centre de loisirs, une animatrice socioculturelle propose un soir par mois une activité intitulée « Repas gastronomique » durant laquelle des personnes âgées confectionnent et dégustent diverses spécialités culinaires. Les bénéficiaires se partagent équitablement la préparation du repas et c’est l’animatrice qui s’occupe des achats. Les recettes choisies peuvent se traduire par des mets européens ou d’Outre mer. Il y a toujours un apéritif, une entrée, un plat principal et un dessert. Les usagers du Centre de loisirs se montrent très motivés et particulièrement enthousiastes pour cette activité à laquelle ils participent fréquemment. Il y a également des bénéficiaires qui n’ont jamais vraiment cuisiné durant leur vie active et qui s’y adonnent, même plusieurs années après leur retraite. Ces repas, tout comme d’autres activités du Centre, leur offrent l’occasion de maintenir une vie sociale satisfaisante, d’éviter le « repli sur soi » et d’avoir encore quelques loisirs. Contrairement aux idées reçues et après avoir interrogé plusieurs personnes âgées sur leur rapport aux cuisines plus ou moins lointaines, celles-ci disent ne pas être dérangées par le côté « fort » de certaines nourritures du monde, à partir du moment où les plats ne sont pas exagérément épicés, car elles aiment ce qui est nouveau. Parmi les répondants que j’ai interrogés, il y en a quelques uns qui ont eu l’occasion de voyager et ont déjà une ouverture pour ce type d’alimentation. De plus, certains usagers m’ont confié qu’ils fréquentent régulièrement des restaurants chinois et achètent volontiers des plats « prêts à consommer » de type asiatique, lorsqu’ils font leurs courses. Mes répondants connaissaient pour la plupart les mets plus ou moins exotiques répandus en Occident. Avec parfois, une difficulté à se souvenir du nom du plat, c’est-à-dire qu’ils ont déjà goûté de la purée d’avocat aux tomates et aux oignons, mais ne font pas tout de suite le lien avec le nom de ce met : le « guacamole ». (M. Riard, observations personnelles et entretiens avec les bénéficiaires, 19 mai 2005). (B. Bremgartner, communication personnelle, 12 mai 2005) 46 2.2.7 La semaine du goût La « semaine du goût » se déroule en Suisse depuis 2001 et propose, en 2005, 695 événements dans tout le pays et ceci dans plus de 1000 lieux. Cette année, la semaine du goût s’est déroulée du 15 au 25 septembre et fut parrainée par Fredy Girardet. Les écoles sont notamment concernées par cette manifestation puisque le jeudi 15 septembre 2005 a été consacré à l’inauguration de la journée nationale du goût dans les écoles, et comprenait 5 activités : L’éveil sensoriel L’Odyssée Gourmande offre une démarche concrète d’expérimentation, qui permet l’éveil sensoriel d’enfants de 3ème primaire. Il met en évidence tous les sens impliqués dans l’acte de manger. Les enfants redécouvrent ainsi différents aliments de base et apprennent à nommer et décrire leurs perceptions avant et pendant la dégustation. L’objectif final étant de mener l’enfant à dépasser le simple « j’aime / j’aime pas » afin qu’il puisse se justifier « j’aime bien, parce que… / je n’aime pas, parce que… ». Durant la 1ère partie de l’Odyssée les enfants sont amenés à s’interroger en classe sur différents aspects du goût et sur leurs habitudes alimentaires. Puis, ils participeront à l’aide de leur 5 sens à des ateliers de découverte de fruits, légumes, céréales, produits laitiers et thés. Sous forme d’un jeu-concours inter-classes, l’Odyssée se déclinera en quatre étapes permettant de découvrir les ingrédients d’une recette-mystère. Initiation des enfants par les apprentis Le projet permet également la rencontre entre jeunes élèves et apprentis. Cet échange permet de mettre en valeur les compétences acquises par les apprentis au cours de leur formation et d’en mettre à l’honneur les métiers de la bouche. Reconnaissance des produits régionaux de saison Par cette initiative au goût, les enfants apprennent également à identifier, au contact des producteurs de la région, les produits de saison. Des apports multiples Cette rencontre entre enfants et apprentis mais aussi celle des apprentis et producteurs, celles des étudiants de la HEDS, filière diététiciennes et celle des apprentis permet de riches échanges, ouvertures, transmission de savoirs et sensibilisation mutuelle. Recette mystère Au cours des activités, les enfants identifient différents ingrédients qui leur permettront de découvrir la recette mystère, une délicieuse surprise concoctée par les apprentis-confiseurs. 47 Suivi pédagogique Lors de leur intervention en classe, les étudiantes diététiciennes suggéreront des pistes aux enseignants pour approfondir le sujet et bien préparer leurs élèves en vue de l’Odyssée Gourmande. Une fiche récapitulative reprenant les points essentiels des activités réalisées le 15 septembre 2005 sera remise à l’enseignant à la fin du parcours. Page Web : http ://www.gout.ch (2005) Lors de la semaine du goût, des élèves de différentes régions de Suisse auront notamment la possibilité de découvrir le goût par le biais de divers programmes dont : - Visite d’une exploitation agricole en passant par la boucherie et le fumoir et dégusteront des produits issus de la ferme. - Visite d’une exploitation de bisons et dégustation de saucisses et de terrine de bison. - Visite d’une fromagerie et de sa cave et dégustation de 4 spécialités dont la Tête de Moine. - 5 repas composés de 5 épices venant des 5 continents dans le but de découvrir ces 5 épices et de gagner un bon repas. - Découvrir l’infinie variété d’utilisation d’un produit : l’aubergine servie en entrée, en plat principal et en dessert. - Une « boîte à goût » mobile se déplace dans la ville et permet aux enfants de découvrir les 4 goûts de base. - Découverte d’un vignoble et des différentes variétés de raisin suivi d’une dégustation. - Visite d’un verger et fabrication de jus de pomme. - Distribution d’un plateau repas dans une cantine avec quelques produits à identifier suivi d’un concours avec une récompense à la clé. - A travers différentes activités pratiques, inviter les jeunes à se comporter en consommateurs responsables. - Découvrir la fabrication du pain de seigle valaisan. - Découverte de différentes épices dans le menu « Fourchette verte » d’un restaurant scolaire. - Découverte des épices orientales dans les menus « Fourchette verte » d’un restaurant scolaire. - 3 jours de découverte des produits de la ferme dans une « ferme pédagogique », fabrication de beurre, soupe aux légumes et tartes. (Association pour la Promotion du Goût, 2005, pp. 23-46) 48 L’édition 2005 de la « semaine du goût » comporte peu de cuisines d’ailleurs et met davantage en valeur les produits du terroir, toutefois on trouve au programme des « cuisines du monde » proposées par Caritas, mais encore, des spécialités du Maroc, d’Algérie, d’Iran, d’Inde, de Bali, de Thaïlande, du Brésil et du Vietnam, proposées par différents restaurants, ainsi que de nombreuses possibilités de découvrir le monde des épices. 2.2.8 Le projet « L’Europe se met à table » : multiculturalité, identité européenne et habitudes alimentaires Le projet « l’Europe se met à table. Multiculturalité, identité européenne et habitudes alimentaires » a pour but de donner un goût d’Europe aux jeunes. Il s’agit de les sensibiliser à l’identité/citoyenneté européenne, à une histoire – culinaire – commune, tout en insistant sur la diversité et la richesse des cultures locales, régionales et nationales. Il a entre autres pour objectifs : - Une approche de la société multiculturelle par la nourriture. - Favoriser l’intégration des jeunes dans l’Union européenne à travers l’apprentissage des identités plurielles (locale, régionale, nationale, européenne) dans un contexte multilingue, tout en renforçant la connaissance qu’ils ont de leur propre identité culturelle. - Enseigner les bonnes habitudes alimentaires, le respect du consommateur, l’éducation du goût. - Promouvoir l’enseignement professionnel et contribuer à la lutte contre l’exclusion sociale. - Encourager la mise en réseau des établissements scolaires, des autorités régionales et des associations/fondations/organismes oeuvrant dans le domaine de la citoyenneté européenne. - Renforcer les liens entre le monde de l’éducation et le monde du travail en ce qui concerne les métiers de l’alimentation et le secteur des loisirs en général. - Proposer un projet éducatif interdisciplinaire qui contribue à la fois à la préservation du patrimoine gastronomique européen, à l’éveil de la solidarité et au respect de la différence. A cette fin, le projet propose d’envisager l’enseignement de différentes disciplines du cursus normal du secondaire suivant une perspective innovante et transversale consacrée aux habitudes alimentaires. Il permettra, dans le cadre d’un partenariat européen entre écoles secondaires, écoles hôtelières / de restauration, professionnels de l’alimentation et autorités locales, de mettre en place des échanges réels et virtuels via le multimédia entre les différents acteurs du projet. Les cours d’histoire, de géographie, de français, de sciences, de technologies, de langues, sont devenus le siège d’évocations thématiques concernant l’alimentation, la gastronomie régionale, la découverte de produits artisanaux, l’histoire d’un mode de vie. 49 De simple matière première de travail ou de consommation, les produits ont acquis une histoire, un label, ils sont devenus des fenêtres par lesquelles les élèves ont pu comprendre divers phénomènes naturels (les fermentations, extractions, effets sur l’organisme, source d’énergie …), par lesquels ils ont eu accès à la culture (origine historique, géographie, économie des producteurs, exploitation littéraire, picturale …). Activités envisagées : - Mise en place et coordination d’un partenariat inter-scolaire au sein de l’U.E. en vue de sensibiliser les jeunes à la multiculturalité et à l’identité européenne par les habitudes culinaires. - Mise en place des synergies au niveau national entre établissements d’enseignement secondaire et enseignement professionnel en hôtellerie et restauration, partenaires du secteur privé (secteur de l’alimentation) et autorités locales. - Elaboration des contenus pédagogiques. - Etudes, analyses comparatives, recherches sur le patrimoine culinaire européen. - Echange « virtuel » entre les écoles par le biais des nouvelles technologies de l’information (viso-conférences, communication Internet, envoi de cassettes vidéo, etc.) - Rencontre entre les participants en fin d’année pour l’événement « Un goût d’Europe » : exposition, conférence, repas intégrant les recettes réalisées par les classes impliquées. - Publication d’un ouvrage présentant les différentes expériences réalisées dans le cadre du projet. - Réalisation d’un manuel pédagogique permettant de répéter l’expérience avec d’autres pays / d’autres classes. Le projet se termine le 19 mai 2001 par un événement intitulé « Un goût d’Europe ». (http://www.europatable.org/accueil.htm, 2004) 50 2.2.9 Tableau récapitulatif non exhaustif des avantages apportés au travers des cuisines ethniques dans la pratique socioprofessionnelle Elargissement de la culture générale et des connaissances : Aliments et ingrédients, cultures ethniques et coutumes, géographie, agriculture, éthique, environnement, santé, religions, histoire, etc. Lutte contre l’appauvrissement culturel et la globalisation. Alternative à l’esprit de consommation, cela permet une autre approche du rapport à l’alimentation. Permet une pédagogie active, Favorise les échanges et les expérience directe par le rassemblements de diverses mangeur, suivi d’une réaction communautés culturelles. ou d’un jugement. Facilite l’action Travail à partir de l’identité socioprofessionnelle dans de la personne. l’approche de la mixité des cultures. Accessibilité à tous d’une connaissance des cuisines du monde entier. Favorise une meilleure cohésion sociale. Prétexte à la réflexion, à l’échange, aux débats, suscite des réactions. Permet une prise de conscience : on se nourrit aussi de symboles, de rêves, de représentations et de souvenirs affectifs. Crée des espaces d’estime, de parole, d’expression et de démocratie. Favorise l’intégration et l’égalité des chances au niveau de la participation et à partir de la cuisine. Permet l’implication nécessaire Développement de et légitime des usagers. compétences autour de l’activité « cuisines du Respecte l’identité affective, monde ». culturelle et sociale des bénéficiaires. Permet une approche sensible Mieux se comprendre , se de la nourriture de l’ « Autre tolérer et se connaître en inconnu ». sachant que nos choix alimentaires dépendent de nos Intégration corporelle et codes culturels et de nos sensorielle d’une partie de la expériences acquis très jeune. culture de l’Autre. Mise en valeur et défense de toutes les cultures alimentaires. Suscite la curiosité et favorise Propose un développement de la notion de diversité l’argumentation au delà-du « alimentaire. j’aime » - « j’aime pas ». Peut faciliter l’alimentation de certaines personnes âgées, par le biais du « manger mains ». Ouvre une fenêtre sur le développement du goût. Droit à l’existence d’autres cultures alimentaires. C’est une façon de donner la parole. Permet l’affirmation de son identité alimentaire. Propose différentes approches : Nombreux supports documentaires à disposition (ouvrages et pages Web), ou Apport des cuisines ethniques création d’une « valise par un usager, un proche de pédagogique ». celui-ci, par un cuisinier, un animateur socioculturel ou un Accès à l’« Alimentarium » de enseignant. Vevey et une fois par année, à la « semaine du goût ». 51 Cohabitation possible des diverses cuisines, éventuellement en lien avec une campagne d’information ou de communication. Le terroir de l’un devient l’exotisme de l’autre et viceversa. 3. Conclusions 3.1 Bilan du thème de l’objet d’étude 3.1.1 Vérification des 2 hypothèses Hypothèse principale : Les cuisines d’ailleurs sont des outils d’action et de réflexions essentiels dans l’approche de la mixité des cultures et devraient être mises en valeur au sein des diverses possibilités d’interventions socioculturelles. Entre autres, elles facilitent l’intégration et l’égalité des chances dans la participation. Comme je l’ai décrit dans le présent travail, nos pratiques alimentaires se sont largement diversifiées et modernisées, ce qui signifie que nous avons beaucoup plus de choix à faire dans nos pratiques nutritionnelles par rapport à nos proches ancêtres. Paradoxalement, certains produits se sont uniformisés. Face à l’industrialisation des denrées et à la mondialisation, les enfants et les jeunes perdent quelque peu la notion des saisons et la notion du goût unique de chaque aliment. Ceux qui étaient considérés autrefois comme exotiques et originaux, apparaissent de nos jours comme des nourritures banales aux yeux des plus jeunes. En même temps, tous les enfants n’ont pas accès à une alimentation variée à leur domicile et il peut y avoir, pour certains, un appauvrissement culturel dans ce domaine. D’autre part, la mixité des cultures en présence, les habitudes alimentaires et les manières de table correspondant à chacune d’elles ; les difficultés engendrées par l’émigration, ont pour effet de provoquer une altérité culturelle entre les différentes populations en Suisse romande. La nourriture étant le domaine par excellence qui peut susciter aussi bien l’attirance que le dégoût, il me semble alors essentiel que cette dimension doit être abordée entre les populations d’origine et les populations émigrées. Les cuisines d’ailleurs peuvent alors créer un « pont » entre les différentes communautés. En même temps que ce type de cuisines favorise la réflexion et l’intégration, celles-ci permettent un élargissement des connaissances du monde, de l’humanité et des grandes questions soulevées par notre époque (agriculture, mondialisation, rapports Nord-Sud, écologie, diversité culturelle, etc). De plus, elles favorisent la rencontre interculturelle en créant un climat propice à l’ouverture d’esprit, à l’échange et à la convivialité. Toutefois, la mise en place d’interventions en lien avec les cuisines de tous horizons demande certaines connaissances et surtout du temps pour organiser les activités. Ces inconvénients peuvent être surmontés par la nombreuse documentation que l’on trouve à ce sujet. Par ailleurs, les cuisines « exotiques » que nous consommons en Europe sont fortement « occidentalisées », d’une part, pour répondre à nos goûts et habitudes alimentaires, d’autre part, parce qu’on ne trouve pas toujours les produits qu’il faudrait pour respecter les recettes avec exactitude. Cependant, elles restent intéressantes dans l’idée qu’elles permettent une diversification des connaissances du goût et qu’elles sont avant tout un prétexte pour aborder la culture des autres, la connaissance du monde et de l’environnement et elles sont un vecteur d’intégration et d’égalité des chances dans la participation. 52 Cependant, il me paraît nécessaire de préciser ici, qu’il ne faudrait pas, à l’inverse, stigmatiser l’alimentation des populations émigrées, de 1ère, 2ème ou 3ème génération, en supposant que celles-ci sont totalement déstabilisées par la nourriture qu’elles trouvent en Suisse romande. Bon nombre de personnes aux diverses origines apprécient quelques spécialités de notre région et parfois, celles-ci ne connaissent pas elles-mêmes, des plats qui proviennent pourtant de leur pays d’origine. C’est pourquoi je tiens à souligner ici qu’il est important d’être vigilants à ne pas créer davantage de clichés figés en ce qui concerne le rapport qu’entretiennent les diverses communautés culturelles de Suisse romande avec notre nourriture locale, puisque cette dernière leur offre également une part d’exotisme et leur permet de faire un pas en direction de la culture alimentaire suisse. Par conséquent, le choix de vouloir ou de refuser de s’identifier à une culture alimentaire donnée appartient définitivement à tout à chacun ; certaines personnes ayant davantage besoin de retrouver des mets issus de leurs racines culturelles, d’autres, en revanche, préférant adopter des pratiques alimentaires de notre région, certainement parce qu’elles apprécient cela et qu’elles peuvent plus facilement s’identifier à la culture dans laquelle elles évoluent au quotidien. Ce phénomène est encore plus prononcé lorsqu’une personne vit en Suisse romande depuis son plus jeune âge et se sent tout aussi proche de sa culture d’adoption que de sa culture d’origine. D’autre part, certains cuisiniers s’appliquent énormément à élaborer des mets variés, originaux et exotiques, alors que les bénéficiaires de ces repas n’apprécient pas cet effort et se contenteraient de plats beaucoup plus simples. Je pense notamment ici aux enfants, puisque ceux-ci sont encore dans une phase où ils développent leur goût et n’acceptent pas facilement certains aliments au caractère prononcé. Il est vrai que la tâche des cuisiniers dans les institutions se complexifie, puisque ceux-ci sont amenés à proposer des menus qui doivent être à la fois sains et variés du point de vue de la santé et qui puissent être apprécié des usagers. De plus, ils doivent encore prévoir des mets de substitution pour les bénéficiaires qui ne mangent pas de porc ou de viande, ainsi que pour ceux qui sont allergiques à certaines denrées. Ils sont amenés notamment à tenir compte des programmes « Fourchette verte » ou des menus « Fitness », entre autres, dans les salles à manger de certaines écoles. De plus, il est parfois difficile de mettre en place des consensus entre les règles établies par l’institution en ce qui concerne la prise des repas des usagers, ce que les bénéficiaires eux-mêmes souhaitent manger ou pas, ce que les proches des usagers souhaitent pour eux (s’il s’agit de mineurs ou de personnes sous tuteur), ou encore, selon les valeurs personnelles de l’animateur ou de l’éducateur en matière d’alimentation. La nourriture est donc une dimension très complexe en raison du rapport très individuel et très personnel que nous entretenons avec elle. C’est pourquoi, il est important de noter ici, que même si une institution fait beaucoup d’effort pour l’élaboration de ses repas, il ne sera jamais possible de satisfaire toutes les personnes impliquées autour de cette question. Toutefois, c’est précisément la mise en place d’une diversité des cultures alimentaires qui permet aux bénéficiaires de pouvoir retrouver, certains jours, quelque chose qui répond à leurs besoins. 53 Hypothèse secondaire : L’intérêt de nombreuses personnes en Suisse romande pour les cuisines d’ailleurs laisse supposer une possibilité de cohabitation des différentes pratiques alimentaires dans les institutions, les milieux associatifs, les centres de rencontres et d’animation, les cantines, les salles à manger et dans les écoles. La quête d’aliments et d’ingrédients plus ou moins exotiques n’est pas nouvelle, même si elle regagne de l’intérêt de nos jours. Cependant, il ne faut pas oublier que c’est aussi grâce à l’émigration, que nous profitons des restaurants et épiceries spécialisés dans les cuisines de tous horizons. Même s’il faut parfois adapter les recettes aux produits que nous trouvons en Suisse romande, je pense que la cohabitation des diverses pratiques culinaires dans les institutions est envisageable, d’une part parce que cela permet de diversifier la nourriture des romands, d’autre part, parce que cela représente la société multiculturelle d’aujourd’hui. De plus, il y a davantage de cuisiniers aux diverses origines et ceux-ci peuvent apporter leurs connaissances et leur savoir-faire dans ce domaine. Par ailleurs, il est ressorti de ma recherche, que les cuisines « ethniques » font apparaître nos pratiques alimentaires régionales comme de beaux monuments. C’est précisément cette mise en relief des différents modes alimentaires, qui contribue à mettre en valeur notre cuisine de Suisse romande et non à la faire disparaître, puisque en principe, on ne perd pas l’attachement à la nourriture de son terroir. Toutefois, la mise en place d’une alimentation aussi diversifiée au sein des différentes institutions, demande des ressources particulières ou supplémentaires (financement et formation du personnel de cuisine, collaboration et communication entre l’équipe d’animation/éducative et l’équipe en cuisine). Par conséquent, il me paraît nécessaire, avant toute démarche d’intégration des cuisines d’ailleurs dans l’alimentation quotidienne à l’intérieur des institutions, d’évaluer d’une part, les besoins des usagers dans ce domaine et d’autre part, les ressources supplémentaires à prévoir. 54 3.1.2 Commentaires sur l’axe de travail et conclusions Cette analyse, qui a été basée essentiellement à partir du point de vue des professionnels de l’action socioculturelle, de sociologues, anthropologues et historiens de l’alimentation, m’a permis de mieux comprendre la dimension symbolique dans l’acte de « manger » et surtout, la grande valeur affective que nous accordons à nos plats et ingrédients, issus de nos racines ou de nos préférences alimentaires. Cet aspect jouera un rôle très important pour moi dans mes futures approches professionnelles, quelques soient les populations avec lesquelles je serai amenée à collaborer ; puisque désormais, mon regard sur le rapport que nous entretenons avec la nourriture a changé. Jusqu’ici, je pensais encore que nous pouvions plus ou moins « maîtriser » notre alimentation, en effectuant des choix réfléchis. Cependant, la recherche menée pour le présent travail, m’a démontré le contraire ; puisque notre répertoire alimentaire se construit aussi en fonction de l’affection que nous avons eus pour certains mets et ingrédients, tout au long de notre vie. Je pense que lorsque nous mangeons ou que nous transformons de la nourriture, nous souhaitons, d’une manière consciente ou inconsciente, obtenir une certaine « cohérence » avec nous-mêmes et exprimons, simultanément, ce que nous sommes : Gourmands ? - gastronomes ? - bios ? - écolos ? - hédonistes ? - philosophes ? - spirituels ? rationnels ? - soucieux de notre santé ? - originaux ? - conservateurs ? - innovateurs ? curieux ? - généreux ? - parcimonieux ? - économes ? - dépensiers ? – créatifs ? – amoureux de nos racines ? – lassés de notre terroir ? – modernes ? – traditionnels ? – globe-trotters ? – ouverts ? - fermés ? – rêveurs ? - aventuriers ? – terre-à-terre ? - etc. Cette prise de conscience du lien identitaire qui existe entre le « mangeur » et le « mangé », me permettra de mieux évaluer les besoins des bénéficiaires, lorsque ceux-ci et moi-même, seront confrontés à toutes les représentations que comporte la nourriture. La principale difficulté de cette étude, était de décrire des aspects subjectifs ou symboliques, d’un acte très concret, à priori banal et vital, qui est celui de « manger » ; puisque d’ordinaire, nous parlons davantage des « diverses cuisines » sur le plan de la santé ou du plaisir des papilles. Toutefois, je ne regrette pas d’avoir choisi ce thème, même si celui-ci suscite toujours plus de curiosité pour moi, comme par exemple, l’envie de découvrir et de goûter de nouveaux plats, ou mieux encore, d’aller les déguster là où ils prennent leurs origines. Il est vrai, qu’au-delà des théories sur le goût, le mieux est encore d’en faire une expérience concrète. Alors … à vos fourchettes ! Mélanie Riard 55 Références bibliographiques Amstalden, M., Ayrton, R., Cullati, S. & Origoni, P. (2003). Cultures alimentaires en Suisse romande. (Rapport de recherche NO 2). Lausanne : Faculté des sciences sociales et politiques, Institut d’anthropologie et de sociologie. Ariès, P. (1997). 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(2005), Animatrice socioculturelle au Centre de jour du Panorama à Vevey. Nguyen, S. (2004), Animatrice socioculturelle au Centre de rencontre et d’animation de Grand-Vennes (CRAG) à Lausanne. Marin, J. (2004-2005), Docteur en anthropologie. Schneider, Y. (2005), Professeur à la Haute Ecole Pédagogique de Lausanne (HEP) et enseignant à l’Ecole Secondaire de Vevey. Membre du comité de l’Association pour la promotion du goût et la semaine du goût. Pour les autres communications personnelles, l’anonymat des personnes interrogées est respecté. 58 Annexe 1 : Lexique des ingrédients du monde 59 Lexique des ingrédients du monde Maghreb et Moyen-Orient : Eau de rose Liquide obtenu de la distillation de pétales de roses, possédant une saveur très parfumée. Assaisonnement très populaire au Moyen-Orient, elle aromatise les crèmes, pâtes, glaces et certains plats de volaille. Harissa Assaisonnement très fort qui contient des piments secs trempés et pilés, de l’ail et du sel. On y ajoute parfois de la coriandre, de l’huile d’olive et du carvi (cumin). Huile de carthame Extraite des graines de carthame, plante originaire d’Orient ; cette huile au parfum prononcé est surtout utilisée à froid. Ras El Hanout Sumac Mélange d’épices dont il existe plus d’une vingtaine de variétés, composé de boutons de roses, maniguette, lavande, cardamome, poivre long, poivre à queue, muscade, piment, cannelle, girofle, gingembre, curcuma et nigelle. Baies dont la couleur varie du rouge au brun ou au pourpre, provenant d’un arbuste de la région méditerranéenne. Goût légèrement acidulé rappelant celui du citron. Très apprécié en Syrie, au Liban et en Turquie. Afrique noire : Gombo Fruit qui existe en diverses variétés, on en consomme aussi les feuilles. D’abord blanchi, le fruit est passé au beurre, braisé au gras ou apprêté en purée. Giraumon Légume de la famille des courges, de chair ferme et douce. Huile de palme Obtenue à partir du fruit d’une espèce de palmier africain. Goût et parfum légers, utilisée de multiples façons. On la retrouve aussi dans la cuisine brésilienne. Igname Tubercule à la chair blanche, jaune ou rosée, qui existe en diverses variétés. Utilisée un peu comme la pomme de terre. Sert à la confection de purées, de beignets ou de frites. Manioc Plante dont on consomme les racines. La chair est blanche sous une écorce brune. Elle est pilée, réduite en semoule, sucrée ou salée. Elle est préparée en galettes ou en bouillies. Patate douce Tubercule à la peau violacée dont la chair est sucrée et farineuse. Utilisée comme toute pomme de terre. 60 Pâtisson Légume de la famille des courges qui rappelle le goût de l’artichaut. Blanchi, puis sauter à l’huile ou farci. Pois de bois Gousse contenant des graines vertes ou rouges. Consommés presque comme nos petits pois, en soupe ou en garniture. On en extrait aussi de la farine. Poivre des oiseaux Sorgho Poivre blanc provenant de la vallée volcanique du Penja au Cameroun. Il est doux, très fin, très élégant, rare et recherché. Céréale issue d’une graminée très résistante à la chaleur et à la sécheresse. Le Sorgho-grain est séché puis transformer en farine et sert à la confection des gâteaux-plats et des poudings. Il ne peut pas entrer dans la fabrication du pain. Caraïbes / Amérique du sud et centrale : Banane plantain Fruit à peau verte dont la chair se consomme en légume cuit, frite, en purée ou encore en dessert, cuite au four. Carambole Fruit dont la forme étoilée permet de décorer les assiettes. Il se consomme avec du sucre, en confiture ou pour accompagner divers plats. Chérimole Appelé aussi Anone, fruit en forme de cœur à l’allure d’un artichaut. Colombo Désigne à la fois un mélange d’épices et une série de plats créoles. La composition de ces épices peut varier, mais il contient généralement : coriandre, cumin, moutarde, fenugrec, riz, poivre et girofle ou encore : gingembre, cumin, muscade, cannelle et cardamome. On y ajoute le curcuma qui lui donne sa couleur jaune ainsi que de l’ail, du thym et des oignons. Parfois, on y ajoute encore du piment frais ou sec. Corossol Gros fruit pouvant aller jusqu’à 1 kg, de couleur vert sombre à jaunâtre à maturité. De saveur sucrée, à déguster cru, frit ou en beignets pour accompagner un poisson poêlé. Fruit à pain Fruit de l’arbre à pain, de forme ovale et de couleur verte à jaunâtre, à forte teneur en amidon, cuit à l’eau, préparé aussi en purée, frit ou en chips. Goyave Fruit du goyavier, de saveur douce et très parfumée, consommée fraîche ou cuite au four. Jaboticaba Fruit brésilien de couleur noire ou pourpre, dont la chair est translucide, blanchâtre ou rosâtre. Nourrissant et sucré, il se consomme comme du raisin. Maracuja Appelé aussi fruit de la passion, on en consomme le jus et les pépins. 61 Asie : Ajowan Plante qui ressemble un peu au persil dont les graines brunes-rouges ont une saveur plus proche du thym, dès qu’elles sont pilées. Asa-fœtida Résine séchée, extraite des rhizomes de 2 espèces de fenouil géants, qui poussent en Inde et en Iran. Parfume les légumes, les poissons et les sauces indiennes. Bergamote Fruit du bergamotier à la forme d’une poire de couleur jaune. Le zeste est utilisé dans la confection de la pâte de curry. Cannelle Ecorce du cannelier, arbuste originaire du Sri Lanka. Cardamome Buisson qui donne de petits fruits récoltés avant maturité. Une fois séchés, ceux-ci prennent l’aspect de graines vertes, blanches ou brunes, au goût légèrement camphré. Curcuma Il est extrait de la tige souterraine d’une plante vivace. Le rhizome est découpé puis cuit à la vapeur avant d’être séché et réduit en poudre. Daikon Appelé aussi radis du Japon, plante potagère dont on consomme la racine oblongue et blanche. 5 Epices Mélange d’épices chinois de couleur brun-roux, composé de poivre de Sechuan, clou de girofle, fenouil, cannelle, cardamome, gingembre, réglisse et anis étoilé (badiane). Très utilisé en Chine et au Vietnam. Fenugrec Plante qui donne de petites graines jaunes dont l’arôme rappelle celui du céleri et de la Livèche. Feuilles de curry Galanga Garam masala De couleurs vertes, elles proviennent d’un arbuste que l’on trouve à l’état sauvage dans le sud de l’Inde et au pied de l’Himalaya. Epice qui provient d’un rhizome à la pulpe orange dont l’arôme rappelle un peu celui du safran. Mélange d’épices du nord de l’Inde, qui se compose traditionnellement de coriandre, de cardamome, de poivre noir, de clous de girofle, de laurier et de cannelle. Il en existe plusieurs variantes plus ou moins épicées, qui peuvent rassembler jusqu’à 12 épices. Ghee Beurre clarifié utilisé essentiellement dans la cuisine indienne. Forme de beurre dont on a enlevé l’eau et les éléments solides du lait par la chaleur et la filtration. Utilisé solide ou liquide, on peut aussi le remplacer par du beurre classique ou de l’huile. Gingembre Herbe dont on utilise le rhizome, c’est-à-dire la racine, dont la forme est charnue et bosselée 62 Hijiki Petites algues noires qui apportent du goût aux légumes, aux salades et au poulet. Jaque Enorme fruit dont la chair, une fois cuite, a un peu la saveur du pain et s’accommode le plus souvent en beignets. Kaki Fruit national du Japon, très coloré et de la taille d’une tomate. Konbu Variété de varech comestible à grandes feuilles qui entre dans la composition de divers bouillons. Kumquat Agrume nain à l’apparence et au goût de l’orange. Mangoustan Fruit rond à peau épaisse et rouge sombre de la taille d’une mandarine, dont la pulpe blanche-rosée est juteuse. Nashi Poire chinoise. Nèfle du Japon Fruit jaunâtre dont la chair de couleur crème ou orangée est aigrelette, sucrée et rafraîchissante. Son goût rappelle celui de la cerise ou de la prune. Les pépins ne sont pas comestibles. Nigelle Graines noires d’oignon sauvage au goût piquant, parsemées sur le pain et les gâteaux. Nori Algue marine comestible qui sert à envelopper les aliments, notamment les sushi(s) et les maki(s). Pak-Choi Choux chinois blanc. Pâte de curry Pavot Poivre noir Sarawak Poivre de Sechuan De couleur rouge, jaune ou verte selon le piment utilisé, sa saveur vient en partie du zeste de bergamote qui entre dans sa composition. Petites graines noires et dures qui entrent dans la composition des mélanges d’épices. Réduites en poudre, elles servent aussi à lier les sauces. Poivre de Bornéo en Indonésie, aux notes fraîches et boisées. Il fait partie des meilleurs poivres du monde. Poivre très aromatique à l’enveloppe rouge et au noyau noir plus amer. Comme son nom l’indique, il provient de la région de Séchuan en Chine (appelé parfois poivre de Chine). Safran Plante dont la fleur, presque violette, possède des stigmates orangés très fragiles. Recueillis à la main, puis séchés, ils sont utilisés en filaments pour parfumer et colorer toutes sortes de sauces. Ramboustan Fruit rouge, cousin du litchi. 63 Tamarin Fruit du tamarinier, gousse brune de forme allongée dont la pulpe à saveur aigre-douce sert à rehausser le goût de certains mets. Tofu Pâte blanche obtenue à partir de graines de soja trempées et écrasées en purée. Celle-ci est ensuite bouillie et coagulée à l’aide d’un gélifiant. Vadouvan Mélange d’épices et d’oignons séchés pour aromatiser les currys de poissons et de viande. Wakame Algue vert foncé tirant sur le brun, vendue séchée et devant être réhydratée pour entrer dans la composition des mets. Wasabi Condiment en pâte de couleur verte à la saveur fortement poivrée, obtenu à partir de la racine d’une plante vivace à fleurs blanches, dont le goût rappelle celui du raifort. Il accompagne divers mets du Japon. 64 ANNEXE 2 : RECETTES DU MONDE 65 RECETTES DU MONDE ANTILLES Poulet sauté aux bananes plantains pour 4 personnes préparation 25 min cuisson 50 min 1 poulet de 1,250 kg 2 bananes plantains 100 g de lard 50 g de beurre 12 échalotes 1 cuill. à soupe de graines de cardamome 1 cuill. à soupe de cumin 1 cuill. à soupe de macis 1 bouquet de persil sel, poivre 1. Pelez les bananes, en retirant les filaments blancs. Mettez-les dans une casserole avec du sel, couvrez d’eau. Faites-les cuire 30 min. Egouttez-les. Coupez-les en rondelles de 2 cm d’épaisseur. 2. Coupez le poulet en morceaux. Détaillez le lard en petits cubes. Faites fondre le beurre dans une cocotte et faites-y revenir le poulet et le lard. Salez, poivrez et mélangez. 3. Lavez soigneusement le persil et pelez les échalotes. Ajoutez-les dans la cocotte, arrosez de 10 cl d’eau. Couvrez et laissez mijoter 40 min à feu doux, en mélangeant de temps en temps. Ajoutez un peu d’eau si nécessaire. 4. Rajoutez les épices et les rondelles de banane 10 min avant la fin de la cuisson. 5. Retirez le bouquet de persil et servez directement dans la cocotte. Accompagnez de haricots rouges, d’ignames, de choux de Chine et de riz créole. 66 BOLIVIE Humitas pour 4 personnes préparation 15 min cuisson 20 min 330 g de grains de maïs 2 poivrons rouges 3 échalotes 10 cl de lait huile 2 œufs piment fort en poudre 75 g de sardo (fromage sec) sel 1. Faites griller les poivrons à la flamme du gaz ou sous le gril du four pendant 10 min Pelez-les, ôtez les pédoncules, les graines et les filaments blancs. Pelez les échalotes. Hachez-les avec les poivrons. 2. Rincez et égouttez le maïs. Passez-le au mixer en y incorporant le lait. 3. Faites chauffer 10 cl d’huile dans une poêle. Faites-y revenir le hachis de poivrons et d’échalotes 5 min en remuant de temps en temps. 4. Cassez les œufs et battez-les en omelette. Versez la purée de maïs dans la poêle puis les œufs battus. Assaisonnez de piment selon votre goût. Salez. Prolongez la cuisson 2 ou 3 min pour que les œufs cuisent. 5. Râpez le fromage et incorporez-le à la purée. Mélangez. Retirez aussitôt du feu et servez. Traditionnellement, les humitas se préparent dans des feuilles de maïs. Le sardo est un fromage sec, proche du cantal par le goût. 67 BRESIL Crêpes de potiron pour 6 personnes préparation 20 min repos 1 h cuisson 30 min 750 g de potiron 200 g de farine 4 oeufs 4 cuill. à soupe d’huile 1 cuill. à café de levure en poudre 50 cl. de lait piment en poudre sel 1. Retirez l’écorce du potiron, les graines et la partie fibreuse. Coupez la pulpe en morceaux. Faites cuire 20 min à la vapeur. Passez au mixer. 2. Mélangez la farine à la purée de potiron. 3. Incorporez au mélange les œufs l’un après l’autre, 2 cuillerées à soupe d’huile et, en dernier, la levure. Mélangez. 4. Versez le lait en filet. Vous devez obtenir une pâte lisse. Salez, poivrez et saupoudrez de piment. Mélangez de nouveau. 5. Couvrez d’un linge, laissez reposer la pâte pendant 1 h. 6. Faites chauffer une poêle très légèrement enduite d’huile. 7. Versez-y une bonne louche de pâte. Ces crêpes doivent être épaisses. Dès que la pâte commence à prendre, faites des trous à la surface avec une fourchette. 8. Cuisez les crêpes 4 ou 5 min en les retournant à la mi-cuisson. 9. Maintenez les crêpes au chaud entre 2 assiettes posées sur une casserole d’eau bouillante pour qu’elles ne se dessèchent pas. 68 CANADA Chaudronnée de poisson pour 4 personnes préparation 30 min cuisson 40 min 1 kg de poissons de mer préparés par le poissonnier : cabillaud, merluche (colin) et merlan 2 oignons 4 gousses d’ail 1 gros bouquet de persil 1 poireau 1 brin de thym frais 1 feuille de laurier 100 g de beurre 2 citrons sel, poivre 1. Pelez l’ail et les oignons. Lavez et équeutez le persil. Puis hachez ensemble ail, oignons et persil. Versez le tout dans une cocotte. 2. Nettoyez les poissons, posez-les sur le lit d’aromates. Couvrez d’eau tiède. 3. Lavez le poireau, ôtez la racine et l’extrémité dure des feuilles, fendez-le en 2. Coupez-le en tronçons de 5 cm de longueur. 4. Dans la cocotte ajoutez le thym, le laurier et le poireau. Salez et poivrez à votre goût. 5. Couvrez, portez à ébullition, puis laissez cuire 40 min. 6. En fin de cuisson, au moment de servir, ajoutez le beurre en petits morceaux. 7. Lavez les citrons, coupez-les en quartiers, mettez-les au fond d’un plat de service creux, versez la chaudronnée dessus. Accompagnez avec du riz créole. 69 GRECE Moussaka pour 6 personnes préparation 1 h 30 dégorgement 1h cuisson 2 h 10 1 kg d’aubergines 1 gros oignon 30 cl d’huile d’olive 500 g de bœuf (ou de mouton) haché 500 g de tomates 1 cuill. à café de cannelle en poudre noix de muscade 3 cuill. à soupe de chapelure 100 g de fromage kefalotyri râpé sel, poivre 1. Lavez et essuyez les aubergines. Otez les pédoncules. Coupez la chair des aubergines en rondelles. Salez-les et faites-les dégorger dans une passoire pendant 1 h. 2. Pelez et émincez l’oignon. Faites chauffer un peu d’huile dans une sauteuse et faites-y revenir l’oignon puis la viande hachée. Salez, poivrez et mélangez à l’aide d’une cuillère en bois pour que la viande s’émiette. 3. Plongez les tomates 1 minute dans de l’eau bouillante, pelez-les, épépiniez-les et concassez-les. Versez-les dans la sauteuse. Saupoudrez de cannelle et de muscade râpée, mélangez et couvrez. Prolongez la cuisson à feu doux pendant 40 min. en remuant légèrement. 4. Rincez les aubergines et épongez-les. Faites-les frire dans une poêle dans le reste de l’huile chaude. 5. Préchauffez le four à 180° (therm. 5). 6. Huilez un grand plat à gratin et parsemez-le avec la moitié de la chapelure. Disposez-y la moitié des aubergines. Recouvrez-les avec la sauce à la viande, parsemez avec la moitié du fromage râpé et terminez par une autre couche d’aubergines. Saupoudrez avec le reste de fromage mélangé à la chapelure. 7. Enfournez. Surveillez le plat. Dès l’ébullition, baissez le thermostat à 130° C (therm. 23) et faites cuire environ 1 h. 8. Mettez le thermostat sur la position gril. Remontez le plat à gratin sur la partie haute du four et laissez gratiner 5 min environ. Sortez du four et servez chaud. Ce plat est aussi consommé en Turquie et dans les Balkans. On peut aussi recouvrir la moussaka d’une couche épaisse de béchamel avant de parsemer de fromage râpé. 70 HONGRIE Goulasch pour 4 personnes préparation 10 min cuisson 1 h 500 g de bœuf dans la culotte 12 petits oignons blancs 125 g de saindoux 2 cuill. à soupe de paprika 1 cuill. à café de cumin en poudre 1 cuill. à soupe de marjolaine 30 cl de vin rouge corsé 250 g de pommes de terre 5 tomates 2 poivrons verts 1 cube de bouillon de bœuf sel 1. Pelez les oignons, coupez-les en fines rondelles. Faites fondre le saindoux dans une cocotte, faites-y revenir les oignons 5 min en remuant avec une spatule. 2. Coupez le bœuf en cubes de 6 cm de côté. Ajoutez-les dans la cocotte et faites-les revenir. Assaisonnez avec le paprika, le cumin et la marjolaine. Salez. Arrosez de vin et poursuivez la cuisson pendant 20 min sur feu doux en remuant de temps à autre avec une spatule en bois. 3. Pelez les pommes de terre, coupez-les en morceaux. Plongez les tomates pendant 1 min dans de l’eau bouillante, pelez-les, épépinez-les et concassez-les. 4. Lavez les poivrons, ôtez les pédoncules, fendez-les en 4, éliminez les graines et les filaments blancs, coupez la chair en lanières. 5. Ajoutez ces légumes dans la cocotte. Arrosez de 4 cuillerées à soupe d’eau. Emiettez le cube de bouillon et remuez pour qu’il se dissolve bien. Prolongez la cuisson à petits bouillons pendant 25 min. Versez dans un plat creux et servez. Accompagnez le goulasch de pâtes, d’une purée de pommes de terre ou de knödel. 71 INDE Curry de Madras pour 4 personnes préparation 30 min repos 30 min cuisson 30 min 4 blancs de poulet 2 poivrons verts 2 poivrons rouges 1 oignon 2 cuill. à soupe de ghee (ou d’huile) sel pour la poudre de curry de Madras : 2 piments rouges secs 25 g de graines de coriandre 15 g de graines de cumin 1 cuill. à café de graines de moutarde 15 g de grains de poivre noir 2 feuilles de curry fraîches (ou de laurier) 1 grosse pincée de gingembre moulu 1 cuill. à café de curcuma moulu 1. Préparez la poudre de curry. Otez les pédoncules des piments secs. Faites griller à sec les piments, la coriandre, le cumin, les graines de moutarde et le poivre. 2. Versez-les dans un mortier, pilez finement. 3. Faites griller à sec dans la même poêle les feuilles de curry. Pilez-les, ajoutez-les au mélange précédent, ainsi que le gingembre moulu et le curcuma. Mélangez. 4. Enduisez les blancs de poulet de poudre de curry, laissez reposer 30 min. 5. Lavez les poivrons, fendez-les en 4, ôtez les pédoncules, les graines et les filaments blancs. Coupez-les en petits dés. Pelez et émincez l’oignon. 6. Dans une sauteuse, faites-le dorer dans le ghee. Emincez les blancs de poulet. Ajoutezles dans la sauteuse avec les poivrons. Laissez dorer quelques minutes. Arrosez de 25 cl d’eau chaude et portez à ébullition. 7. Baissez le feu, salez, couvrez et faites cuire 20 min. Versez dans un plat creux et servez chaud. Accompagnez d’un riz blanc. La poudre de curry préparée dans cette recette peut servir à d’autres plats de viande, de légumes ou de poisson. 72 IRAN Glace au safran pour 8 personnes préparation 25 min congélation 4 h 30 pour la crème épaisse : 15 cl de lait 150 g de crème fraîche pour la glace : 3 jaunes d’œufs 75 g de sucre semoule 45 cl de lait 150 g de crème fraîche ½ cuill. à café d’extrait de vanille ½ cuill. à café de safran en poudre 1,5 cl d’eau de rose 1. Préparez la crème épaisse. Mélangez le lait et la crème fraîche. Faites durcir ce mélange au congélateur. 2. Préparez la glace. Battez les jaunes d’œufs et le sucre jusqu’à ce que le mélange devienne bien mousseux. 3. Portez le lait, la crème fraîche et la vanille à ébullition. Baissez le feu. 4. Versez peu à peu le mélange œufs-sucre dans la casserole en remuant jusqu’à épaississement. Retirez du feu. 5. Diluez le safran dans un peu d’eau chaude. Versez dans la casserole ainsi que l’eau de rose. 6. Mélangez le tout et versez dans la sorbetière. Placez dans le compartiment à glace du réfrigérateur ou au congélateur pendant environ 3 h. 7. Sortez la crème épaisse déjà prise et coupez-la en petits morceaux. Remettez ceux-ci au froid. 8. Sortez la glace et la crème épaisse du congélateur 30 min avant de servir. Disposez la glace dans des coupes individuelles. Parsemez de morceaux de crème épaisse. Mettez dans le réfrigérateur jusqu’au moment de servir. Décorez avec des feuilles de menthe fraîche. 73 MALAISIE Légumes frits aux cacahuètes pour 6 personnes préparation 35 min cuisson 30 min 150 g de cacahuètes fraîches 8 oignons blancs 1 concombre 125 g de haricots verts 2 carottes 2 gousses d’ail 8 échalotes 1 mangue 2 cuill. à soupe d’huile 1 cuill. à café de curcuma moulu 1 cuill. à café de sucre semoule 1 cuill. à café de vinaigre de riz (ou vinaigre blanc) 25 cl de bouillon végétal sel 1. Sortez les graines de cacahuètes de leurs cosses. Enlevez la peau rouge qui les entoure. Faites-les griller à sec dans une poêle pendant quelques minutes sans cesser de les remuer. Versez-les dans un mortier et concassez-les grossièrement. 2. Pelez les oignons, coupez les tiges vertes. Epluchez le concombre, coupez-le en 2 en longueur, évidez-le de ses graines et coupez la chair en bâtonnets. 3. Effilez les haricots verts. Coupez-les en 2. Grattez les carottes, lavez-les et coupez-les en rondelles. Pelez et écrasez l’ail. Pelez et émincez les échalotes. 4. Epluchez la mangue. Coupez-là en 2, retirez le noyau et découpez la chair en morceaux. 5. Faites chauffez l’huile dans un wok. Faites-y revenir les carottes et les oignons jusqu’à ce qu’ils prennent couleur. Ajoutez le curcuma et le sucre, l’ail, les échalotes, puis mouillez de vinaigre, salez et poursuivez la cuisson à feu vif pendant 1 min. 6. Ajoutez les dés de mangue, le concombre, les haricots et les cacahuètes. Arrosez de bouillon. Baissez le feu et prolongez la cuisson environ 15 min jusqu’à ce que les légumes soient tendres. Servez chaud. 74 NOUVELLE - ZELANDE Agneau au kiwi pour 6 personnes préparation 1 h repos 1 h cuisson 15 min 6 côtelettes d’agneau 2 kiwis 150 g de camembert sel, poivre pour 300 g de pâte feuilletée : 200 g de farine tamisée farine ordinaire 100 g de beurre sel 1 jaune d’œuf 1. Préparez la pâte feuilletée. Versez la farine dans une terrine et faites un puits. Mettezy 5 cl d’eau et 1 pincée de sel. Délayez progressivement avec une spatule, puis à la main. Travaillez rapidement et formez une boule. Laissez-la reposer 20 min. Farinez le plan de travail et abaissez la pâte en lui donnant la forme d’un rectangle plus épais au centre. Placez le beurre mou au milieu de la pâte. Rabattez celle-ci par-dessus et soudez les bords. Etalez ensuite ce pâton en un rectangle de 1 cm d’épaisseur. Pliez-le en 3. Tournez la pâte de ¼ de tour vers la droite et donnez tout de suite le deuxième tour, c’est-à-dire recommencez la même opération (étalez en 1 rectangle, etc.). Laissez reposer 20 min au frais, puis redonnez 2 tours. Laisser à nouveau reposer 20 min. 2. Préchauffez votre four à température moyenne (180° C, therm. 5). Placez les côtelettes dans un plat allant au four et faites-les cuire 5 min. 3. Pelez les kiwis et coupez leur chair en tranches. Enlevez la croûte de camembert et découpez-le en 6 portions égales. 4. Abaissez la pâte feuilletée à environ 5 mm d’épaisseur. Découpez-y 6 grands rectangles. 5. Sortez les côtelettes du four. Sur chaque rectangle de pâte, posez une portion de camembert et deux tranches de kiwi. Posez une côtelette par-dessus, salez, poivrez et refermez la pâte pour former des chaussons. Laissez dépasser l’os des côtelettes. 6. Montez le four à 240°C (therm. 8). Passez le jaune d’œuf au pinceau sur le dessus de chaque chausson et enfournez. Faites cuire pendant 10 min et servez. 75 TOGO Gboma dessi pour 6 personnes préparation 30 min cuisson 2 h 30 1,5 kg de bœuf à braiser 1 kg d’épinards en branches ( ou surgelés) 1 oignon 2 gousses d’ail 1 morceau de gingembre frais (2 cm) 1 cuill. à soupe de 5 épices 3 cubes de bouillon de bœuf 2 feuilles de laurier 5 cl d’huile d’arachide 400 g de tomates concassées 200 g de crevettes roses décortiquées 4 filets de maquereau fumés sel, poivre 1. Découpez la viande en morceaux. Faites décongeler les épinards. Pelez l’oignon, hachez-en la moitié très finement et coupez l’autre moitié en rondelles. Pelez les gousses d’ail et hachez-en 1. 2. Dans un marmite, mettez les morceaux de viande, l’oignon haché, la gousse d’ail entière, le gingembre, la cuillerée de cinq-épices, 2 cubes de bouillon, les feuilles de laurier, 1 pincée de sel et du poivre ; mélangez. Couvrez d’eau et faites cuire 2 h. Remuez souvent et rajoutez si besoin 2 ou 3 verres d’eau. 3. Dans une autre marmite, versez l’huile. Ajoutez les rondelles d’oignon, l’ail haché, la pulpe de tomate, le dernier cube de bouillon et du sel. Faites cuire à feu doux, tout en remuant, jusqu’à ce que la pulpe de tomate ait bien réduit. 4. Ajoutez les épinards et laissez cuire pendant 15 min. En fin de cuisson, mettez le contenu da la première marmite dans la seconde, puis les crevettes roses et les filets de maquereau. Remuez, laissez cuire encore 15 min. Servez avec du riz ou du gali (semoule de manioc grillé). 76 TUNISIE Tajine d’agneau pour 6 personnes préparation 30 min cuisson 1 h 45 1 épaule d’agneau désossée 200 g d’oignons 3 gousses d’ail huile d’olive 4 tomates 6 pommes de terre 1 cuill. à café de cannelle 1 cuill. à café de cumin 250 g de fèves 4 citrons confits 4 fonds d’artichauts 1 bouquet de coriandre fraîche sel, poivre 1. Coupez la viande en morceaux. Pelez et hachez les oignons et l’ail. 2. Faites chauffer 6 cuillerées à soupe d’huile dans un tajine (ou dans une cocotte). Mettez les morceaux de viande à dorer avec les oignons émincés. 3. Lavez les tomates, puis coupez-les en quartiers. Epluchez et lavez les pommes de terre. Coupez-les en gros morceaux. 4. Mettez les pommes de terre, les tomates et les épices dans le tajine. Salez, poivrez et arrosez de 20 cl d’eau. Couvrez et laissez mijoter à feu doux pendant 1 h. 5. Epluchez et dérobez les fèves. Coupez les citrons confits en 4. Ajoutez-les dans le tajine après 1 h de cuisson, ainsi que les fonds d’artichauts. Prolongez la cuisson pendant 30 min. 6. Lavez et équeutez la coriandre. En fin de cuisson, parsemez le tajine de coriandre et servez aussitôt. 77 VIET NAM Bœuf aux oignons pour 4 personnes préparation 20 min marinade 15 min cuisson 15 min 600 g de rumsteck 3 oignons 3 gousses d’ail 1 morceau de gingembre 4 ou 5 cuill. à soupe d’huile 1 grosse pincée de fécule de riz 5 cl de bouillon de bœuf pour la marinade : 3 cuill. à soupe de sauce soja 1 cuill. à soupe de vinaigre de riz (ou vinaigre blanc) 2 cuill. à café de sucre semoule 1 cuill. à café d’huile sel, poivre 1. Détaillez la viande en fines lamelles. Déposez-la dans un plat creux. 2. Préparez la marinade. Dans une jatte, versez la sauce soja, le vinaigre, le sucre, l’huile, du sel et du poivre. Mélangez. Arrosez la viande avec la marinade et laissez reposer pendant 15 min. 3. Pelez les oignons et coupez-les en fines lamelles. Pelez et hachez l’ail. Epluchez le gingembre et détaillez-le en petits bâtonnets. 4. Dans un wok ou dans une sauteuse, faites chauffer 3 cuill. à soupe d’huile et faites-y revenir le gingembre et les oignons à feu vif. Ajoutez l’ail et poursuivez la cuisson quelques instants. Transvasez dans un plat et réservez. 5. Remettez le reste d’huile dans le wok. Faites-la chauffer et mettez-y la viande à dorer en la retournant souvent. Recouvrez du mélange d’oignons réservé et laissez cuire 1 min en remuant sans cesse. 6. Délayez la fécule dans le bouillon. Versez ce mélange dans le wok. Laissez-le épaissir en remuant. Servez aussitôt. 78