Références bibliographiques

publicité
Mélanie Riard
L’assiette exotique
des populations
de Suisse romande
Entre identité alimentaire
régionale et multiculturalisme,
qu’est-ce qui nous incite à utiliser
les « cuisines d’ailleurs » dans la
pratique socioculturelle ?
Travail présenté à l’Ecole d’études sociales et pédagogiques de Lausanne
pour l’obtention du Diplôme HES d’animatrice socioculturelle.
Lausanne, le 26 janvier 2006
1
Remerciements
Directeur de mémoire : José Marin, Docteur en anthropologie.
Mes sincères remerciements au directeur de mémoire, Monsieur José Marin, ainsi qu’à
Madame C. della Croce, référente, pour leurs précieux conseils et leur soutien durant
l’élaboration du présent travail.
Je remercie également tous les professionnels et toutes les personnes qui ont collaboré à
répondre à mes questions ou qui ont suggéré de nouvelles pistes de réflexions.
Merci à tous pour votre enthousiasme et votre contribution à l’élaboration de ce mémoire.
Les opinions émises dans ce travail n’engagent que l’auteur.
2
Résumé
Ce travail de recherche traite du thème de l’alimentation en lien avec l’identité affective,
sociale et culturelle ; et plus particulièrement, des cuisines d’ailleurs, qui s’inscrivent dans
un multiculturalisme qui va en s’accroissant.
L’acte de « manger » est un besoin vital qui est d’abord physiologique. Toutefois, il
comporte de nombreuses dimensions plus subjectives et symboliques, mais également
nécessaires à notre bien-être psychique. Je peux dire que « manger » participe fortement
au processus de la construction de notre identité affective, sociale et culturelle et par
conséquent, à notre identité singulière et ceci par des apprentissages qui remontent à
notre plus tendre enfance et même plus loin encore : in utero.
D’une manière générale, l’analyse est orientée sur le rapport objectif ou subjectif que
nous entretenons avec l'alimentation et plus particulièrement avec les cuisines
« exotiques » ou « ethniques », que nous soyons de Suisse romande ou d’ailleurs, le but
étant de comprendre quel sens nous donnons à ce type d’aliments et qu’est-ce que cela
nous apporte.
Ce mémoire aborde également quelques aspects de l'identité alimentaire spécifique à la
Suisse romande et s'interroge, dans son entité, sur l'intérêt qu'ont les occidentaux pour les
cuisines exotiques. Le présent travail apporte aussi une vision synthétique des processus
d'acceptation et de refus des aliments et propose également des notions liées à
l'émigration et à l'altérité culturelle, puisque la mise en valeur de la nourriture d’autrui est
un moyen de retrouver une base importante de la culture des personnes immigrées et
améliore, notamment, leurs conditions de vie sociale dans notre région.
Enfin, et à partir de cette analyse, l’investigation est orientée sur la pratique
professionnelle de tous les secteurs d'activités sur le terrain, concernés par la mixité des
cultures; les cuisines étrangères étant des outils d’action permettant d'aborder des
réflexions autour de différents thèmes tels que l'identité, la culture, l’appartenance, les
coutumes, l’éducation, la santé, le goût, l’éthique, l'écologie, l'histoire, les rapports NordSud, les religions, les philosophies, etc.
Le présent travail suggère aussi différentes interventions possibles, par le biais des cuisines
exotiques, notamment avec des populations jeunes ou âgées.
Mots-clés :
cuisine – alimentation – identité – multiculturalisme – interculturalité – culture
3
Table des matières
1.
Concepts théoriques
1.1
Introduction
1.1.1 Motivations personnelles
6
1.1.2 Contenu du mémoire
8
1.1.3 Question principale et problématique
9
1.1.4 Hypothèses et axe de travail
9
1.1.5 Méthodologie
10
1.1.6 Limites de la recherche
10
1.2
Identité alimentaire en Suisse romande
1.2.1 Eclairage sur l’alimentation contemporaine
11
1.2.2 La cuisine en Suisse romande
13
1.2.3 Préférences alimentaires des romands
15
1.2.4 Rapports des romands à la cuisine suisse
16
1.3
De l’uniformisation des goûts en quête d’exotisme
1.3.1 Universalisme alimentaire ou « Mac standards »
19
1.3.2 L'Occident en quête des cuisines d'ailleurs
21
1.3.3 La notion d'exotisme
22
1.4
Intégration de goûts et de pratiques alimentaires appartenant
à une autre culture
1.4.1 Processus d'acceptation des aliments
24
1.4.2 De la construction du goût à la construction de soi
27
1.4.3 Du goût au dégoût
30
1.5
Représentations et interdits alimentaires
1.5.1 Moralisme et alimentation
33
1.5.2 Religions, philosophies et spiritualité
34
1.5.3 Végétarisme et végétalisme
35
4
2.
Concepts théoriques et exemples dans la pratique
2.1
L’approche psychopédagogique de la mixité des cultures
2.1.1 Définition du multiculturalisme et des autres modèles
36
2.1.2 Identités, cultures et mondialisation
37
2.1.3 Emigration, disparité et altérité culturelle
38
2.1.4 Identité culturelle et appartenance
39
2.2
Les cuisines d’ailleurs dans l’action socioculturelle - (éducative) :
motivations, limites et exemples
2.2.1 Interventions dans le cadre de l’école obligatoire
41
2.2.2 Expériences culinaires dans une école à Vevey
43
2.2.3 Interventions dans les centres de rencontres et d’animations et
dans les milieux associatifs
43
2.2.4 Repas interculturels au Centre de rencontre et d’animation
de Grand-Vennes à Lausanne
44
2.2.5 Interventions dans les salles à manger d’institutions diverses
et d’établissements médicaux-sociaux
45
2.2.6 Repas gastronomiques au Centre de loisirs pour personnes âgées,
« Panorama » à Vevey
46
2.2.7 La semaine du goût
47
2.2.8 Le projet « L’Europe se met à table » : multiculturalité,
identité européenne et habitudes alimentaires
49
2.2.9 Tableau récapitulatif non exhaustif des avantages apportés au travers
des cuisines « ethniques » dans la pratique socioprofessionnelle
51
3.
Conclusions
3.1
Bilan du thème de l’objet d’étude
3.1.1 Vérification des 2 hypothèses
52
3.1.2 Commentaires sur l’axe de travail et conclusions
55
Références bibliographiques
56
Annexes
Annexe 1 : Lexique des ingrédients du monde
59
Annexe 2 : Recettes du monde
65
5
1.
Concepts théoriques
1.1
Introduction
1.1.1 Motivations personnelles
Gourmande par nature et toujours curieuse de découvrir des cuisines d'ailleurs, grande
amoureuse des voyages et habitante de la commune de Renens, où les migrants
représentent la moitié de la population ; mon choix s’est rapidement porté sur la question
des cuisines « exotiques » et du multiculturalisme. Aussi, je me suis aperçue que nous
utilisons régulièrement des termes tels que « culture », « identité » ou « valeurs », sans
nécessairement penser que tout cela se construit, depuis notre plus tendre enfance et tout
au long de notre vie, dans une société que l'on considère de plus en plus comme « un
village planétaire », dans lequel nous mettons en perspective notre culture d'origine avec
celle de nombreuses autres communautés.
Au départ, je me suis interrogée sur l’intérêt grandissant des diverses populations vivant
en Suisse romande, à fréquenter des restaurants où l’on savoure des cuisines du monde
entier ou à préparer des plats d'outre-mer et aussi à me demander si cela correspondait à
un simple phénomène de mode ou si cela pouvait avoir un sens plus important. Dès lors, je
me suis posé plusieurs questions et notamment celle de savoir en quoi les cuisines
« d'ailleurs » pouvaient nous être utiles dans la pratique socioculturelle de nos jours.
De plus, je me suis aperçue que si nos habitudes alimentaires font entièrement partie de
notre culture, c’est qu’elles participent également à la construction de notre identité
affective, individuelle et socioculturelle.
Bien que la diététique soit une discipline passionnante, j’ai préféré aborder le thème de
l’alimentation en lien avec l’identité culturelle. Par ailleurs, il y a actuellement peu
d’ouvrages qui traitent de l’alimentation précisément sous cet aspect.
Pour ma part, je suis convaincue que les cuisines « d’ailleurs » sont des outils d’action et
de réflexions que nous pouvons utiliser dans notre pratique professionnelle; que nos
différents usagers ont le droit de manger quelque chose qui leur rappelle leurs racines, et
que cette connaissance de la nourriture des autres devrait être accessible à tous. Je pense
que les cuisines de tous horizons peuvent créer, le temps d'un repas ou de la confection de
celui-ci, un moyen d'évasion, d'échange et de découverte.
C'est pour moi davantage un « voyage alimentaire », un « brise-routine », « un
élargissement des connaissances du goût », c'est une opportunité d'encourager les
mangeurs à aller vers l'inconnu, à oser goûter ce qui est différent, puisque les aliments
passent par le corps et nécessitent donc une prise de confiance en l'autre.
Il y a surtout dans mon approche, l’idée que la nourriture permet la réflexion, au sens où
nous mangeons certains aliments mais pas d’autres, nous les transformons chacun d’une
certaine façon et tout cela a une valeur plus profonde, que le simple fait de vouloir se
nourrir. L'expression culturelle et identitaire qui se dégage d'un plat, permet, à mon avis,
d'affirmer un « moi », à la fois individuel et social, ce qui facilite donc l'affirmation d'une
identité singulière, en même temps que son appartenance à un groupe spécifique.
6
Le but de ma recherche n'est pas de dévaloriser notre nourriture locale, qui a tout son
charme, cependant je fus très étonnée dans ma pratique, de constater qu'il n'y a parfois
aucune place ou très peu d’intérêt pour les autres cuisines du monde, ce qui m’a amenée
à me demander dans quelle mesure il serait possible d’intégrer davantage celles-ci dans
notre pratique professionnelle ; puisque les différentes nourritures favorisent, à mon avis,
une meilleure cohésion sociale.
D'autre part, je pense qu'ajouter des cuisines d’ailleurs à une gamme locale déjà bien
étoffée, ce n'est pas faire disparaître la culture alimentaire locale, mais la mettre en relief
avec d'autres cultures nutritives, même si les cuisines ethniques ont été fortement
occidentalisées.
En espérant que la mondialisation n'aura pas pour effet de faire disparaître chaque
particularité des saveurs d'ailleurs, en produisant des chaînes d’aliments quasi identiques
dans le monde entier. Si toutefois cela devait se produire, ce ne sont pas seulement les
populations qui perdraient leur identité alimentaire mais également l'aliment lui-même.
De cette prise de conscience, en a découlé pour moi, une plus grande conviction dans la
défense des pratiques alimentaires propres à chaque culture et à chaque personne.
De plus, l'école obligatoire, les cantines et salles à manger des institutions, ainsi que les
professionnels de l'action sociale au sens large du terme, ont la possibilité de promouvoir
aussi bien leur cuisine régionale que les cuisines de tous horizons, les 2 formes étant, à
mon avis, réciproquement nécessaires. L’idée étant, que la diversité alimentaire devrait
être accessible à tous, quel que soit le milieu social d’où l’on vient.
En conséquence, ce fut une vraie motivation pour moi que d'élaborer un travail de
recherche qui se questionne sur les raisons qui peuvent nous inciter à transmettre les
cuisines d’ailleurs à toute population, mettant ainsi en valeur les différentes cultures
alimentaires, faites des images qu'elles véhiculent, de leurs odeurs singulières et de leurs
goûts particuliers …
Toutefois, l’approche sociologique et anthropologique de l’alimentation soulève plus de
questions que de réponses et c’est donc uniquement dans cette optique qu’on peut
l’aborder.
7
1.1.2 Contenu du mémoire
Une première partie du présent mémoire se base essentiellement sur des concepts
théoriques recueillis par le biais de divers ouvrages spécifiques à l’histoire et à la socioanthropologie de l’alimentation. J’ai tenté là, une description très synthétique et ciblée
de l’identité alimentaire en Suisse romande, mais encore, de la manière dont nos goûts et
nos représentations alimentaires se construisent. J’aborde également quelques analyses se
rapportant à une société qui adopte des pratiques alimentaires à la fois traditionnelles et
multiculturelles et qui tend à intégrer de plus en plus fréquemment les cuisines
« exotiques » ou « ethniques » dans l’alimentation quotidienne.
Une deuxième partie s’inspire à la fois de concepts théoriques et d’exemples pratiques,
pour mettre en évidence ce qui peut nous inciter à utiliser les cuisines du monde dans
l’action socioculturelle, en lien avec l’interculturalité ou encore avec d’autres
thématiques qui peuvent être abordées par ce biais. Je tenterai dans cette partie de
définir quelles sont les possibilités et les limites à utiliser les cuisines de tous horizons et
les réflexions que cela suscite.
La troisième et dernière partie contient la vérification des hypothèses de départ ainsi que
mes commentaires sur l'axe de recherche.
8
1.1.3 Question principale et problématique
Question principale :
Entre identité alimentaire régionale et multiculturalisme, qu’est-ce qui nous incite à
utiliser les cuisines d’ailleurs dans la pratique socioculturelle (et socio-éducative) ?
Question secondaire :
- En quoi les pratiques culinaires de Suisse romande peuvent-elles cohabiter avec la mise
en valeur des différentes cuisines du monde dans les institutions ?
Problématique :
La problématique est construite sur la tension supposée entre la quête et la mise en valeur
de sa propre identité culturelle alimentaire et l’intégration partielle d’autres cultures
alimentaires générant d’autres représentations, d’autres habitudes et d’autres valeurs.
Dans un second temps, la problématique se construit sur une certaine carence en
alimentation multiculturelle dans les milieux institutionnalisés ou dans les cantines et les
salles à manger en Suisse romande, dans le sens où toute personne n’a pas accès à la
diversité alimentaire, selon le milieu socioculturel d’où elle provient. De plus, selon
l’origine des personnes, celles-ci se voient obligées de s’adapter à notre nourriture et
n’ont pas accès, dans les institutions, à une alimentation qui leur est familière. On
constate notamment une augmentation des migrants dans les EMS.
Ainsi, les animateurs socioculturels et de façon plus générale, les professionnels de
l’action sociale, peuvent favoriser la mise en valeur des multiples pratiques alimentaires
dans les institutions.
1.1.4 Hypothèses et axe de travail
Les cuisines d’ailleurs sont des outils d’action et de réflexions essentiels dans l’approche
de la mixité des cultures et devraient être mises en valeur au sein des diverses
possibilités d’interventions socioculturelles. Entre autres, elles facilitent l’intégration et
l’égalité des chances dans la participation.
L’intérêt de nombreuses personnes en Suisse romande pour les cuisines d’ailleurs laisse
supposer une possibilité de cohabitation des différentes pratiques alimentaires dans les
institutions, les milieux associatifs, les centres de rencontres et d’animation, les cantines,
les salles à manger et dans les écoles.
Je vais donc tenter de vérifier ces deux hypothèses par une recherche théorique et
argumentative qui pourrait confirmer ou infirmer ces suppositions.
9
1.1.5 Méthodologie
Pour la réalisation de ce mémoire, j’ai procédé dans une première partie, à une recherche
théorique par le biais de laquelle j’ai recueilli différents éléments d’analyse, qui m’ont
permis de répondre aux 2 questions principales de mon investigation.
La seconde partie s’appuie d'une part, sur une recherche théorique spécifique à
l’émigration et à l’interculturalité et d'autre part, sur des exemples pratiques recueillis
par le biais d’entretiens, de questionnaires semi-directifs, au travers de divers documents,
ou encore au moyen de mes propres suggestions. Cette deuxième partie tente également
de répondre aux questions du présent travail.
Enfin, la troisième et dernière partie tient dans la vérification des 2 hypothèses de départ
et comporte mes commentaires et mes conclusions.
1.1.6 Limites de la recherche
-
Limite géographique puisque ma recherche s'étend surtout à la Suisse romande. Elle
prend donc en considération des pratiques alimentaires et des modes de prise en
charge ou d'animations liées à notre région, à l’exception d’un projet lié à l’Union
Européenne.
-
Limite liée à l'investigation dans un thème aussi vaste, complexe et diversifié qu'est
celui de l'alimentation. Il y a énormément de facteurs qui déterminent nos choix
alimentaires. Aucune théorie dans ce domaine ne peut faire l'objet de généralités.
-
Limite dans les domaines d'activité qui peuvent être abordés en lien avec
l'alimentation. Il n'a pas été possible d'analyser les secteurs de la diététique, de la
santé, de l'environnement et de l'économie mondiale. Toutefois, ces axes sont cités
lorsque cela est nécessaire.
-
Limite dans l'échantillon des personnes interrogées et dans le nombre de questions
posées, soit 5 questions à 5 professionnels de l'action sociale. Le présent travail se
positionne du point de vue des professionnels. Des entretiens auprès d’usagers auraient
été nécessaires si la recherche avait été investie en lien avec un projet concret dans
ma pratique professionnelle.
-
Limite dans les exemples d'interventions cités en lien avec la pratique socioculturelle.
10
1.2.1 Eclairage sur l’alimentation contemporaine
Avant d’aborder un sujet aussi vaste et complexe qu’est celui de l’alimentation et de
l’identité alimentaire en général, il me semblait judicieux de repérer ici quelques notions
historiques en vue de mieux comprendre nos modes alimentaires actuels, en déclinant
uniquement leurs principaux aspects.
Selon Amstalden et al. (2003), l’alimentation d’aujourd’hui, composée de sa large gamme
de nutriments, de ses nombreux restaurants, marchés, épiceries spécialisées et de ses
plats « à l’emporter », pourrait se résumer à une histoire de rencontres entre différents
éléments, au fil du temps, de l’évolution des mœurs et à travers chaque époque. Il s’agit
ici de rencontres entre de multiples civilisations ayant chacune leurs modes de production,
évoluant avec les changements climatiques, s’appropriant de nouvelles techniques de
transformation ou de conservation, bénéficiant de la recherche technologique et
définissant des nouvelles manières de table.
Nous savons qu’il y a fort longtemps, l’être humain vivait davantage de la cueillette de
fruits, de noix, de différentes graines et de la chasse. Bien qu’en ce qui concerne la
consommation de viande, certains tendent à dire que cela représentait la plus grande
partie de l’alimentation, alors que selon Girard (1991), cela ne constituait que 10 à 20 %
de la nourriture consommée par nos ancêtres. Quoi qu’il en soit, nous étions nomades et
moins nombreux dans le monde, ce qui nous évitait d’avoir recours à l’agriculture.
Avec la sédentarisation, il a fallu trouver de nouvelles façons de se nourrir, ce qui nous a
amenés à développer l’agriculture et l’élevage des animaux. Par ailleurs, les civilisations
arabes auraient été les précurseurs de la domestication du bétail et auraient transmis leur
savoir au continent européen. L’industrialisation de la deuxième moitié du 18ème siècle a,
quant à elle, modifié considérablement notre rapport avec la nourriture.
Si aujourd’hui, une bonne majorité de suisses romands seraient probablement surpris à
l’idée de manger du chien, je cite ici que cette pratique était fréquente dans la France du
Moyen âge, mais pas majoritaire. Notons aussi que selon Flandrin & Montanari (1996), la
propagation de la peste en France a probablement beaucoup influencé le fait de manger
assis autour de la table, avec des couverts personnels et ceci à bonne distance d’autrui !
Par ailleurs, au Moyen-âge, les mets à la table des rois étaient composés d'ingrédients
sucrés et salés; les deux saveurs étaient parfaitement mélangées. Bons nombres d'épices
considérées aujourd'hui comme originales et rares étaient déjà très largement utilisées à
cette époque. Il n’y avait pas d'assiette pour manger, une tranche de pain la remplaçait et
on ne mettait pas de verres sur la table, certainement parce qu'il n'y avait plus assez de
place et notamment en raison de risques d'empoisonnement. Les plats étaient disposés sur
la table dans un complet désordre et on apportait les différents mets tous en même temps.
(Flandrin 2003 ; Flandrin & Montanari 1996 ; France 3 2005 : Des racines et des ailes, 25
juillet).
La volaille était énormément consommée à la cour du roi, y compris cygnes, cigognes et
paons et les volatiles représentaient des animaux proches du ciel, donc appropriés aux
rangs élevés de la société. Alors que le porc, animal terrestre et quelque peu sale, était
réservé aux paysans et aux couches plus pauvres de la société. (Flandrin, 2003 ; Flandrin &
Montanari, 1996 ; France 3, 2005 : Des racines et des ailes, 25 juillet).
11
Ce qui me semble intéressant ici, c'est qu’aujourd'hui encore, je constate que les
personnes peu attirées par la viande, ont tendance à préférer la volaille, moins saignante,
moins grasse et considérée comme plus saine. De plus, elle évoque probablement des
horizons plus célestes que le sang morbide de la viande de bœuf ou de cheval.
La période du Moyen-âge a donc énormément contribué à l'élaboration de la cuisine
d'aujourd'hui telle qu'on la connaît. En fait, c'était une cuisine beaucoup plus raffinée que
ce qu'on pourrait imaginer et certains de ses composants reviennent aujourd'hui, sous la
forme de la « nouveauté » ! (France 3, 2005 : Des racines et des ailes, 25 juillet).
L'éventail des épices consommées à cette époque était déjà très large, parfois, plus
élaboré que celui d'aujourd'hui et ces dernières étaient très recherchées. On leur assimilait
des propriétés spirituelles ou encore médicinales, contre certaines maladies mortelles.
Elles étaient souvent utilisées comme monnaie d'échange. C’est à la fin du Moyen-âge que
la France a cherché, avant ses voisins, à créer une cuisine qui se distingue de celle des
autres, notamment en réduisant les épices utilisées jusque-là. (Flandrin, 2003 ; France 3,
2005 : Des racines et des ailes, 25 juillet).
En conséquence, je peux dire que la quête d'exotisme dans nos pratiques culinaires
d'aujourd'hui n'est pas un phénomène nouveau, mais plutôt une redécouverte des sociétés
occidentales des saveurs issues du pré-colonialisme, puis du colonialisme.
Selon une étude menée par Amstalden et al. (2003), ces facteurs historiques nous amènent
à comprendre l’alimentation contemporaine qu'on peut résumer sous 5 aspects principaux :
-
Une meilleure maîtrise de la production des denrées, c’est-à-dire la fin des
périodes d’abondance et de famine et de nouvelles techniques de conservation.
-
Une standardisation et une internationalisation des denrées, c'est-à-dire des
aliments aux mêmes propriétés, cultivés selon des procédés quasi-identiques, ainsi
que des fruits et légumes disponibles à toute période de l'année. Mais également,
une importation et une exportation de produits plus ou moins exotiques,
consommés au domicile ou au restaurant.
-
De nombreux intermédiaires intervenant depuis la production jusqu'à la
consommation des aliments, c’est-à-dire tout le parcours, voire la transformation
que subit l'aliment ainsi que l’étiquetage impersonnel de certaines denrées. Enfin,
la médiatisation des produits qui oriente leur image ou leur « carte d'identité ».
-
Un rapport plus individuel avec l'alimentation, c’est-à-dire des possibilités et des
choix individuels qui vont en s’accroissant (à chacun son repas, chacun à son heure,
voire « snacks » ou plats « prêts à consommés »). De plus, les mangeurs se soucient
davantage de l’équilibre alimentaire en faveur d’une bonne santé.
-
Une diversification de la consommation des aliments dans un court espacetemps, c’est-à-dire une extension et une augmentation des possibilités alimentaires
dans une même journée ou semaine (manger dans la même journée un bircher, un
kebab, une pizza et un ananas).
12
En abordant l'alimentation contemporaine sous les aspects précités, cela me laisse déjà
supposer, que l'intérêt d'une partie de la population en Suisse romande, pour les cuisines
d’ailleurs, pourrait se traduire comme un besoin plus ou moins subjectif, de retourner à
une nourriture plus authentique, plus significative, qui sous-entend ou qui évoque des
images.
Face à une perte de connaissances et de repères sur l'origine de l'aliment, ou encore face à
tout ce qui se joue autour des denrées (qui ?, où ? comment ?), le mangeur chercherait-il à
redonner du sens aux aliments ? - par exemple, en se rendant dans un restaurant asiatique,
car la nourriture de ce dernier évoque des images plus symboliques et plus authentiques,
alimentant une curiosité personnelle grandissante.
Lorsque nous mangeons du riz parfumé, je pense qu’une suite d'images subjectives
accompagne le sentiment d'authenticité ou d'exotisme, puisqu’on se représentera
facilement le paysan vietnamien avec son chapeau traditionnel, marchant dans ses
rizières, sur un fond de terrasses cultivées verdoyantes … ! Alors que le riz sec américain
nous évoquera davantage un paysan moderne, sur son tracteur ultra sophistiqué
propageant ses gaz d'échappements, sur un terrain agricole parfaitement plat, démontrant
ainsi la productivité, l'uniformité, la conformité, la quantité, la banalité, bref, rien qui ne
puisse nous faire rêver !
Il s'agit également pour moi de mettre en évidence ici les oppositions qu'il y a entre un
aliment standard et un aliment spécifique, ou encore, un aliment régional et un aliment
international - du point de vue de ses propriétés organoleptiques ou visuelles, ou du point
de vue de son identité, de l'image qu'il véhicule et par conséquent, des représentations
qu'il génère. En Suisse romande, comme partout ailleurs, je pense qu’on peut facilement
distinguer la cuisine issue des produits du terroir, de la cuisine populaire, voire
gastronomique, dont je propose ci-après une brève analyse.
1.2.2 La cuisine en Suisse romande
Pour aborder l’antagonisme supposé entre la cuisine régionale et les cuisines d’ailleurs, il
me semble intéressant ici de situer quelque peu les pratiques culinaires de Suisse romande
dans leur contexte actuel. La description ci-après repose sur mes connaissances
personnelles de la cuisine en Suisse romande, sur l’analyse de livres de recettes et sur la
consultation de descriptions recueillies sur la page Web http://www.saveurs.sympatico.ca.
(2005).
Si la cuisine romande a ses spécialités du terroir, elle conserve néanmoins les traditions
culinaires de l'ensemble du pays et se trouve notamment influencée par celle des pays
environnants. La cuisine que l'on connaît dans la région romande et dans le reste de la
Suisse, a aussi emprunté des pratiques alimentaires françaises, italiennes et allemandes
pour l'essentiel, même si, la Suisse possède ses propres produits de terroir. La proximité
avec la Savoie constitue, par ailleurs, un débat sur l'origine de la fondue au fromage.
L'alimentation en Suisse est connue pour sa grande variété de fromages au lait de vache et
des mets qui en découle, ses yaourts, sa grande diversité de pains, ses spécialités de
viandes, ses différents gratins et ses nombreuses tartes, son chocolat, sans oublier sa
production de vins variés.
Même si l'origine des röstis semble être zurichoise, ce plat s'est largement répandu dans
toute la Suisse, y compris en Romandie. La raclette, la fondue au fromage, la viande
séchée ou les filets de perche sont consommés dans tout le pays. Chacun a sa recette
personnelle pour la fondue ou son fromage fétiche pour la raclette.
13
Les filets de perche sont consommés parfois « meunière », « frits » ou « enrobés » de pâte
à frire, accompagnés parfois d’amandes grillées ou d’une sauce originale.
Si la cuisine populaire et gastronomique de Suisse romande s'est inspirée d'autres cuisines
voisines, il n'en reste pas moins qu'en matière de haute gastronomie, je peux dire que la
région romande a de quoi faire des envieux avec ses grands chefs Fredy Girardet et (son
successeur) Philippe Rochat, sans compter ceux que je ne cite pas ici.
D’un point de vue historique, il y a toujours eu une cuisine populaire et une cuisine
gastronomique. La première dépendant essentiellement des ressources économiques des
populations, la deuxième étant réservée aux classes aisées de la société et ayant
notamment une fonction de distinction sociale et de quête gourmande (Flandrin &
Montanari, 1996 ; Flandrin & Cobbi, 1999).
De nos jours, je constate que la plupart des personnes peuvent accéder à des livres de
recettes pour élaborer des mets qui vont d’une cuisine simple et savoureuse, à une cuisine
sophistiquée et raffinée. Au sein de la majorité des pays occidentaux, il n’y a plus de
périodes de famines et en principe, la plupart des populations ont accès aux divers
ingrédients permettant d’élaborer des plats variés. Toutefois, la diversité alimentaire a un
prix et demande parfois des connaissances culinaires spécifiques. Mais en principe, je peux
dire que la cuisine populaire d’aujourd’hui est nettement plus diversifiée et originale que
celle de nos proches ancêtres.
Pour les plats plus spécifiques à la Suisse romande, j'ai tenté là, de lister quelques mets
parmi les plus typiques et les plus traditionnels. Toutefois, chaque personne ayant ses
habitudes et sa façon singulière de préparer un met; il ne sera pas possible ici d'évoquer
toutes les variantes de la cuisine romande.
Parmi les plats et les spécialités de Suisse romande ou consommés dans cette région, on
trouve les filets de perche (apprêtés sous différentes formes), le gâteau aux oignons, le
gâteau au fromage, le papet aux poireaux avec saucisse aux choux ou saucisson (papet
vaudois), la tomme vaudoise en croûte pannée ou à la poêle, les malakoffs (steak de
fromage enrobé de pâte à frire), le vacherin Mont d'Or au vin blanc, le gratin de cardons,
le gratin de pommes de terre (apprêté sous différentes formes), la polenta, la salade de
dent-de-lion aux œufs avec lardons et croûtons, la viande séchée, les tripes à la
neuchâteloise, le gâteau au vin cuit, la tarte aux poires à la genevoise, les meringues à la
crème de Gruyère, etc. (http://www. saveurs.sympatico.ca (2005); Amstalden et al.,
2003)
A ma connaissance, d'autres plats à base de certains poissons dont la truite, la féra et
l'omble chevalier sont aussi parmi les nourritures les plus typiques en Romandie. Notons
aussi que certains mets romands sont consommés également dans le reste de la Suisse. Par
ailleurs, les romands sont eux aussi friands de « spätzlis », de « bircher-muesli » ou
d'émincé à la zurichoise.
Les fromages les plus répandus et les plus consommés dans toute la Suisse sont le Gruyère,
l'Appenzell, l'Emmenthal, le Sbrinz, le Tilsit, le Vacherin fribourgeois, le Vacherin Montd'or, la Tête de Moine, la Tomme vaudoise, la Raclette, la Chaux d'Abel, le Schabziger, et
l'Etivaz. D'autres fromages ont l'appellation de leur canton d'origine, par exemple : Jura,
Tessin, Fribourg ou fromage du Valais.
14
La Suisse étant un petit pays où les différentes cultures se côtoient facilement, avec
3 cantons bilingues français et suisse-allemands, il serait laborieux de vouloir chercher à
définir l'origine exacte de chaque met et ainsi de déterminer si celui-ci est à 100 %
romand, étant donné les diverses influences culinaires entre cantons suisses et pays
avoisinants. Ce sont néanmoins des plats qui sont consommés fréquemment en Suisse
romande et qui me semblent suffisamment représentatifs de son identité alimentaire et de
son terroir. En dehors de toute la nourriture que j’ai répertoriée ci-dessus, les romands
utilisent également des pratiques culinaires des pays voisins au quotidien, ceci étant
développé dans le prochain sous-chapitre.
1.2.3 Préférences alimentaires des romands
Selon une étude menée en Suisse romande par la Faculté des sciences sociales de
l'Université de Lausanne par Amstalden et al. en 20031, les préférences des romands
(N =123) en matière d'alimentation sont dites composites, c'est-à-dire qu'ils préfèrent au
moins 4 cuisines différentes, même si la cuisine helvétique ressort en première ou
deuxième position. Dans cette enquête, il est ressorti qu'une majorité de personnes
interrogées préfèrent la cuisine suisse (86,8 %), la cuisine asiatique (64,7 %), la cuisine
italienne (61,8 %) et la cuisine française (57,4 %). Est compris dans la cuisine asiatique la
cuisine chinoise, japonaise, thaïlandaise et indienne.
Dans cette enquête, les répondants devaient donner 3 réponses au maximum par ordre de
préférence et ils avaient le choix parmi les réponses suivantes : de votre région, de Suisse
romande, de Suisse alémanique, des Grisons, française, italienne, espagnole, chinoise,
japonaise, thaïlandaise, indienne, turque, mexicaine ou autre(s) à préciser. Pour le
questionnaire, la cuisine italienne était comprise comme faisant partie de celle de la
Suisse.
Dans cette même recherche, il a été demandé aux personnes ce qui est important pour
elles lors d'un repas ordinaire et lors d'un repas festif (N= 146). Pour cette question, les
répondants pouvaient cocher 3 réponses au maximum pour chaque type de repas. Les
critères étaient également suggérés en 20 possibilités : léger, appétissant, nourrissant,
digeste, familier, sain, équilibré d'un point de vue nutritionnel, pas trop cher, original, une
découverte, préparé avec des aliments frais, préparé avec des produits biologiques,
préparé avec des produits du terroir, correspondant à votre budget, vite préparé, simple à
préparer, partagé avec des personnes qui vous sont proches, apprécié par tous les
convives, autre(s) à préciser.
Il ressort que lors d'un repas ordinaire, il faut que le repas soit d'abord appétissant
(37,6 %), puis équilibré d'un point de vue nutritionnel (31,9 %) et préparé avec des aliments
frais (29,8 %).
Lors d'un repas festif, il ressort que le plat doit être en premier appétissant (52,5 %), puis
original (37,6 %) et partagé avec des personnes proches (36,9 %). Seulement 10,6 % des
personnes interrogées pensent que le repas doit être familier.
Les critères d'appréciation d'un repas varient donc selon qu'il s'agit d'un repas ordinaire ou
d'un repas festif.
1
L'enquête respecte le profil socio-démographique des répondants au questionnaire : 51,2 % de femmes, 48,8 %
d'hommes, respectivement, dont 37,8 % âgés entre 20-39 ans, 42,3 % âgés entre 40-64 ans et 19,9 % âgés de
plus de 65 ans. Par contre la répartition entre cantons romands n'est pas proportionnelle.
15
Ce qui ressort le plus dans cet échantillon, c'est que le point commun entre les 2 formes de
repas reste la prédominance pour l'aspect appétissant. Je souligne donc ici l’approche
subjective dans l'acte de « manger », puisqu'il s'agit plus ici de l'apparence des mets et non
de leurs qualités nutritives réelles. Ensuite, le repas ordinaire est perçu comme devant
être équilibré et fait d'aliments frais, ce qui laisse entendre que lors d'un repas ordinaire,
les aspects liés à la valeur réelle des aliments est prédominante; alors que lors d'un repas
festif, il ressort que l'originalité et la convivialité prédominent. Lors d'un repas festif,
l'importance se situe ici dans le fait de manger « avec les yeux » et « avec ses proches ».
Cette enquête effectuée auprès d'un échantillon de romands montre que lors des repas
ordinaires, l'aspect social n'est pas revendiqué, ce qui confirme la tendance actuelle a un
rapport plus individuel avec la nourriture. Il semble qu'il y ait davantage un besoin de
sécurité vis-à-vis de la qualité du repas dans ses propriétés nutritives, son équilibre et dans
le contexte de la fraîcheur des denrées. Toutefois, si ce rapport aux aliments semble se
situer dans une dimension plus objective, il ressort que l'allure appétissante des aliments
reste une composante prédominante subjective de grande importance; car elle induit des
questions d'attirance ou de répulsion vis-à-vis de la nourriture, aspect que je développerai
ultérieurement dans le présent travail.
Lorsqu’il s’agit de manger « avec les yeux », il est aussi intéressant d’observer à quel point
la vaisselle choisie pour contenir la nourriture et la terminologie utilisée pour présenter un
met sont importants pour les consommateurs. Ainsi, un met a priori banal, peut apparaître
comme une nourriture raffinée et gastronomique, ce qu’on peut observer notamment en
lisant la carte d’un bon restaurant. (Y. Schneider, communication personnelle, 22 août
2005).
1.2.4 Rapports des romands à la cuisine suisse
Toujours selon cette enquête menée par l'Université de Lausanne par Amstalden et al.
(2003), divers éléments sont ressortis dans le rapport qu'entretiennent les Romands avec la
cuisine suisse (N= 146).
Une question qui leur a été posée est la suivante : Que proposeriez-vous à vos invités pour
leur faire découvrir une spécialité suisse, moyennant que vous ayez prévu un budget
important ? (une seule réponse demandée)
Puis il leur a été posé une deuxième question : Quelle est pour vous la spécialité culinaire
de la Suisse ? (une seule réponse demandée)
Les répondants devaient cocher une réponse pour chacune des 2 questions parmi le choix
de plats suivants : Les röstis, le papet vaudois, la fondue au fromage, le plat bernois, la
salade de cervelas, la raclette, les tripes à la neuchâteloise, les spätzlis, la compote de
raves, les filets de perche, les schubligs, l'émincé à la zurichoise, la polenta, le gâteau au
fromage, autre(s) à préciser.
Pour la première question, les répondants proposeraient en premier la fondue au fromage
(25,5 %), puis les filets de perches (20,6 %) et la raclette (15,6 %). Le papet vaudois arrive
en 4ème position (12,1 %).
Pour la deuxième question, il ressort que la fondue au fromage représente pour 53,2 % des
personnes interrogées la spécialité culinaire de la Suisse. Vient juste derrière la raclette
(13,5 %) puis les röstis (8,5 %). Toutefois une minorité de participants représentant 5,7 %
de l'échantillon, pensent que le papet vaudois est la spécialité culinaire de la Suisse.
16
Les participants ont été amenés à préciser quelle est la raison qui les ont conduits à faire
ce choix (réponses proposées):
27,7 %
22 %
17,7 %
12,1 %
5,7 %
pour faire découvrir un aspect de la culture suisse à des amis
parce que le plat est particulièrement bon
parce que c'est un plat convivial
parce que c'est un plat que tout le monde aime
parce que c'est un plat appétissant
Les autres possibilités de réponses proposées étaient : plat complet du point de vue
nutritionnel, plat digeste, plat copieux, plat vite fait, autre(s) à préciser.
Malheureusement cette enquête ne comporte pas de questions plus ciblées sur le rapport
des Romands avec les cuisines d’ailleurs. Pour ma recherche, j'aurais imaginé la question
suivante (sans suggérer la réponse) : Quel type de cuisine préparez-vous de préférence
lorsque vous invitez des convives ?
Il aurait été intéressant d'étudier les réponses et d'observer si les répondants privilégient
des plats plus ou moins suisses ou au contraire, des cuisines d'ailleurs.
Toutefois, ce qui apparaît clairement dans ces résultats, c'est qu'on retrouve toute
l'importance du plaisir et de la convivialité autour du repas festif, plus que les propriétés
nutritives. Ici, ce n'est pas l'aspect appétissant qui prédomine, mais le fait que le plat soit
typiquement suisse. Cependant, je souligne ici que la manière dont la question a été posée
influence beaucoup la réponse. Les participants à cette enquête ont peut-être focalisé leur
choix sur l'aspect lié à un met typiquement suisse, plutôt qu'à un plat appétissant.
A ce stade de ma recherche et en fonction des données recueillies précédemment, je
constate que les Romands ont une alimentation plutôt variée, composée de plats
traditionnels ou de terroir, de plats inspirés de la cuisine française et italienne, ainsi qu'un
grand intérêt pour les cuisines asiatiques. Je conçois aisément que la cuisine suisse ne
puisse se limiter aux pommes de terre et légumes du potager, aux fromages et aux
poissons du lac.
A mon avis, l’abondance et la variété des aliments que nous connaissons aujourd'hui a
amené les Romands, comme beaucoup d'autres populations d'Europe, a élargir et varier
leur répertoire alimentaire. Je pense aussi que le côté « pratique » de la cuisine italienne,
savoureuse, bon-marché, plutôt saine et vite préparée (néanmoins en ce qui concerne les
pâtes sauce napolitaine), fait de cette dernière un choix judicieux.
Quant à la cuisine française, je peux dire qu’elle s'est distinguée depuis fort longtemps et
nous profitons de ce savoir-faire et de la proximité de nos pays pour étayer notre
alimentation. En ce qui concerne la cuisine asiatique, cela demande davantage de
connaissances et de pratique, car cette dernière est plus récente pour les occidentaux. Par
ailleurs, les cuisines asiatiques que nous mangeons en Suisse et dans le reste de l’Europe
sont « occidentalisées », c’est-à-dire, adaptées à nos goûts en matière d’alimentation et
aux produits que nous trouvons sur le marché.
Toutefois, selon Marin (2005), il est plus judicieux de parler de « métissage culinaire », car
on ne peut pas affirmer qu’il y a « une cuisine suisse » ou « une cuisine française ».
Schneider (2005) souligne également que la cuisine est un secteur qui évolue très
rapidement. (J. Marin, communication personnelle, 8 novembre 2005 ; Y. Schneider,
communication personnelle, 22 août 2005).
17
Il me semble alors important de mettre en évidence le fait que les diverses cuisines du
monde entier ont été élaborées avec l’histoire et avec les différents métissages culturels.
La cuisine brésilienne illustre parfaitement ce phénomène de « métissage culinaire »,
puisqu’elle a évolué avec des influences portugaises, africaines et amer-indiennes.
L’ouverture des romands pour les cuisines voisines et même lointaines me laisse émettre
l’hypothèse que les mentalités et les goûts évoluent vers une cuisine pluridisciplinaire, qui
laisse place au nouveau, à l'inconnu ou au connu retrouvé et retravaillé sous d’autres
formes.
Par ailleurs, une nouvelle cuisine a déjà envahi les restaurants « branchés » à travers la
planète : la « cuisine fusion », dans laquelle divers ingrédients du monde entier se côtoient
et se mélangent pour créer une cuisine originale, imaginative et transculturelle, qui
confère aux plats des goûts et des senteurs évocatrices d'un « village planétaire » qui se
profile à l'horizon.
Toutefois, cette « cuisine fusion » soulève un débat de règles d’usages et surtout de goût,
mais encore de compétences, à savoir si le mélange de différentes cultures alimentaires au
cours d’un même repas n’enlève pas quelque peu « l’ambiance culturelle propre à chaque
met ». Il serait alors nécessaire d’en faire l’expérience pour en juger…
(Y. Schneider, communication personnelle, 22 août 2005)
Ces nouvelles tendances culinaires me permettent de tirer la conclusion suivante :
L’Occident, après avoir recherché une cuisine distinctive de terroir, s’oriente actuellement
vers une alimentation qui se constitue d’environ un tiers de produits industrialisés
(nationaux ou internationaux), un tiers de produits du terroir (régionaux ou nationaux) et
d’un tiers de produits plus ou moins exotiques, après avoir connu une multitude de denrées
et d’ingrédients venus des 4 coins du monde. De l’envie perpétuelle d’originalité et de
renouveau, à la lassitude des produits uniformisés, je suppose que les mangeurs
d’aujourd’hui sont quelque peu perdus devant les nombreux choix alimentaires qu’ils ont à
faire.
Si beaucoup de bons restaurants savent composer leurs menus avec des produits frais et de
saison, il n’en reste pas moins que pour Monsieur et Madame Toulemonde ; faire ses
courses au supermarché n’est plus une tâche si facile. Il faut d’abord choisir ses produits
parmi les nombreux labels et les différents étiquetages de type : « bio », « équitable »,
« produit suisse », « élaboré en suisse », « purement végétal » et notamment être capable
de se décider rapidement devant un rayon rempli d’œufs avec des prix qui vont du simple
au double, selon que ceux-ci proviennent de Pologne, de France, de Suisse ou qu’ils soient
encore « bios et suisses », si ne n’est pas « bios et polonais » ! Le problème, c’est qu’il est
inutile d’acheter des œufs « bios » de Pologne, si on compte le carburant nécessaire pour
les livrer jusqu’au magasin. « Voilà que je voulais simplement acheter des œufs et je me
retrouve devant un vrai « casse-tête » et ce n’est ici qu’un exemple parmi tant d’autres …
Dans le prochain chapitre, je propose une analyse des conséquences d’une alimentation
universelle et standardisée et je tenterai, à partir de mes diverses lectures, d’expliquer ce
que cherchent les occidentaux dans les cuisines d’ailleurs.
18
1.3
De l’uniformisation des goûts en quête d’exotisme
1.3.1 Universalisme alimentaire ou « Mac standards »
Pour mieux situer ce qu'est l' « universalisme alimentaire », il est très intéressant d'étudier
le cas de la multinationale Mac Donald's corporation. Ariès (1997) a mené une enquête
approfondie sur cette entreprise, qu'il restitue dans un ouvrage très complet intitulé « Les
fils de McDo : la McDonalisation du Monde ». (pp. 9-50)
Dans son ouvrage, Ariès exprime son inquiétude vis-à-vis de la réussite marketing de Mc
Donald's, après en avoir préalablement analysé les mécanismes. Il souligne que la tendance
pour ce type d'alimentation pourrait avoir des conséquences plus ou moins graves si cela
devait s'étendre à d'autres géants du secteur agroalimentaire international, à savoir si le
succès de McDo pourrait nous amener à modifier notre rapport à la nourriture. Il insiste
notamment sur l'importance de la culture, propre à chaque groupe social et nécessaire à
l'affirmation de la différence. Dans son ouvrage, Ariès donne avec précision toutes les
étapes de transformation que subissent les aliments, de l'agriculteur jusqu'au
consommateur et force est de constater que tous les aliments qui passent par McDo sont
standardisés, du type de pomme de terre, du poids et de la forme des frites, de leur
réfrigération, de leur temps exact de cuisson, de la température précise de l'huile à frire,
de leur emballage standard, de l'attitude type du caissier, jusqu'au mangeur final.
L'étude menée par Ariès (1997) explique comment Mc Donald's a su rendre ses aliments
parfaitement identiques d'un bout à l'autre du globe. Selon lui, c'est précisément la perte
de l'identité des aliments qui fait le succès de cette entreprise répandue dans environ
80 pays. Apparemment, le fait de manger un même hamburger à Genève, Sydney ou
Istanbul, procure aux individus un sentiment de sécurité face à toutes les questions que
soulève l'alimentation. De même, dans une société qui a tendance a décentrer les repas et
à privilégier le grignotage ou le repas « sur le pouce », Mc Donald's offre une formule
rassurante aux consommateurs, ceux-ci n'ayant plus à se poser de questions.
Selon la pensée de Ariès, le concept marketing est volontairement basé sur des produits
qui sont vidés de leur diversité et qui n’évoluent pas avec le temps. Distribuées dans le
monde entier, ces denrées dont le goût, l'odeur, la consistance, l'aspect, la cuisson, le
transport, l'emballage et le marketing sont contrôlés et préparés de telle sorte à ce que le
résultat final débouche sur des produits parfaitement identiques, quelle que soit la ville
dans laquelle se trouve le restaurant Mac Donald's et ceci sur la quasi-totalité de la
planète.
Par exemple :
Mc Donald vend six grands types de produits (frites, sandwiches, salades, desserts, boissons
et petits-déjeuners). A titre d'exemples, les pommes de terre sont sélectionnées pour
fabriquer des frites identiques dans le monde entier, un « hamburger » pèse normalement
103 g et il mesure 10 centimètres. Un « cheeseburger » pèse 117 g, un « double
cheeseburger » 166 g, peut importe l'endroit où l'on se trouve dans le monde. Enfin,
l'épaisseur d'une tranche de pain est de 16 mm et ce dernier est toasté durant 35
secondes, exactement. (pp. 25-27)
19
Ce modeste résumé de données recueillies dans l'enquête de Ariès sur l'entreprise Mc
Donald's et le succès que connaît cette multinationale démontre que l'universalisme
alimentaire fonctionne très bien dans une société en perte de repères vis-à-vis de
l'alimentation et du temps des repas. Selon l’idée de Ariès, Mc Donald's prive le mangeur
de toutes les saveurs habituelles des aliments, car ceux-ci sont modifiés pour atteindre un
goût unique.
Le mangeur est également privé de la consistance naturelle de la viande ou du pain. Même
l'odeur des frites a une odeur Mc Do. Ici, le mangeur est privé des sensations habituelles
que l'on ressent devant une assiette garnie de nourriture normale. Le mangeur est donc
aussi privé de toute image symbolique que pourrait lui évoquer ce qu'il mange, puisque
presque rien de ce qu'il mange au Mc Do ne peut faire référence à d'autres mets, excepté
ceux qu'il a mangés dans un autre Mc Do.
Par conséquent, je pense qu’une alimentation standardisée va à l'encontre des cultures
alimentaires singulières. Elle est même contraire à ce que nous enseigne la nature puisque
celle-ci foisonne de diversité. Je pense aussi que le risque majeur de continuer à
commercialiser des aliments standardisés, conséquence de la mondialisation et des
techniques de production à grande échelle et en toute saison, est celui de voir disparaître
le goût singulier d'un produit spécifique à une région, ainsi que les images significatives
qu'il véhicule ; ses propriétés organoleptiques et son identification en tant qu'appartenant
à un ou plusieurs groupes culturels.
Je souligne notamment ici que la production massive d'aliments standardisés peut
également déboucher sur des modifications importantes des techniques de production
traditionnelles dans certaines régions du monde et de leur mode de vie, et soulever ainsi
des questions d'ordre culturel, philosophique ou encore écologique.
Contrairement à « l’universalisme alimentaire », je pense que le « culturalisme
alimentaire » tend à conserver une mémoire de la richesse singulière et culturelle des
ingrédients et des mets. Le plat standard « à l'emporter » ou « à manger sur le pouce » est
bien pratique puisqu'il permet un gain de temps et d'argent (si consommé hors du
domicile). Toutefois, je partage l’idée de Ariès selon laquelle la dimension sociale, c'est-àdire l'échange, la convivialité et la communication sont la plupart du temps absents. Par
ailleurs, que peut-on échanger comme propos autour d'un menu standardisé prêt à être
consommé en 10 minutes ?
Il me semble qu’il sera difficile d'engager une conversation en ce qui concerne ce repas,
car d'une certaine manière, il n'a pas d'histoire singulière et originale. Alors que, lorsqu'on
prend le temps de confectionner un bon repas ou de se rendre dans un restaurant pour y
manger quelque chose de spécifique, le cercle social aborde facilement des questions ou
des affirmations génératrices de communication :
- Mh Délicieux ton ragoût, tu vas chez quel boucher ?
- Je ne suis jamais allée en Thaïlande, toi qui y es allé, tu me conseilles de choisir quoi ?
- Je ne savais pas que tu étais végétarien, et pourquoi ce choix ?
etc.
20
Cervera écrit :
Les cultures culinaires du monde entier, précieux patrimoine, s’appauvrissent par
l’élimination des produits les plus vulnérables et les plus coûteux en travail humain,
par une coupure brutale dans la transmission des traditions familiales et
professionnelles. […] La cuisine, depuis toujours lieu magique d’échanges, devrait
pouvoir rester tout à la fois curiosité, miroir du monde, innovation. (1995, p. 113)
1.3.2 L'Occident en quête des cuisines d'ailleurs
Comme je l’ai déjà mentionné dans le présent travail, depuis fort longtemps, l’Occident
agrémente ses mets d'épices venues du Sud et souvent de l’Orient. Selon Cervera (1995),
cette attirance pour les produits exotiques qui regagne de l'intérêt aujourd'hui, serait
l'expression des individus d'une quête nostalgique d'un passé qu'ils n'ont peut-être pas
connu.
Cervera écrit :
Nostalgiques d’un passé qu’ils n’ont probablement même pas connu, les hommes
d’aujourd’hui se démarquent ainsi d’une routine, d’une uniformisation des produits
qu’ils refusent. Le contact physique avec la nourriture, cette affectivité, cette
exubérance, ce retour à des valeurs plus rêvées que réelles que l’Occidental, homme
des villes, croit avoir perdues, ajoutent au bonheur qu’a cet éternel Ulysse d’explorer
à travers les cuisines du Sud un immense espace géographique inclus dans l’imaginaire
et le symbole. […] Les cuisines du Sud satisfont un désir moins brut, une sensualité
totale plus absolue que l’appétit : l’odorat, stimulé par les surprenants mélanges, la
vue que comble la luxuriance des couleurs, l’ouïe caressée par la magie des noms dans
cette fête du goût et des papilles. (1995, pp. 110-111)
Selon la pensée de Cervera (1995), le fait de renoncer à se gaver, se découvrir une
nouvelle manière d'être, tout en se nourrissant, devenir autre en méditant sur le sens
secret et profond d'un met rare et penser au symbolisme de sa présentation, sont autant
d’éléments qui peuvent être contenu dans le simple acte de se nourrir. D'autres motifs
peuvent être la cause de cette recherche de saveurs exotiques, dont notamment une
certaine quête de pureté et d'écologie, que l'on retrouve aussi dans la pratique du
végétarisme.
Ainsi, selon l’idée de Cervera (1995), le mangeur occidental rêve de simplicité, de naturel
et de végétal après avoir connu toutes sortes de denrées de haute qualité et ceci en
abondance. On remarquera dans ce contexte que l'aliment prend aussi sa place au sein du
débat médical et devient lui-même un « médicament préventif » ou « guérisseur », dans la
représentation que s'en font de lui les mangeurs d'aujourd'hui. Selon la pensée de Cervera,
il est également possible de comprendre la consommation de cuisines lointaines, comme
l'envie d'avoir « bonne conscience », dans le sens où l'on fait un pas social vers des pays en
difficulté.
Mais selon Cervera (1995), il y a aussi une part liée au hasard, au voyage ou encore une
quête gastronomique ou intellectuelle. Par ailleurs, je pense que le fait de connaître des
mets aux noms plus ou moins exotiques et celui d’être capable d'expliquer à son cercle
social ce que contient un plat, fait tout son effet ! Je pense également qu’il peut y avoir
une forme de prestige social et d'image que l'on veut donner de soi aux autres ou
simplement pour soi-même.
21
A l’inverse, ne rien connaître des cuisines d’ailleurs peut donner l'impression qu'une
personne est fermée sur son propre petit monde et se montre peu curieuse de toute cette
connaissance des saveurs et des aliments d’autrui.
De plus, selon la pensée de Cervera (1995), le goût des cuisines exotiques rend plus
curieuses nos cuisines régionales qui peuvent apparaître alors comme de beaux
monuments. En d'autres termes, celles-ci permettent de différencier nos cuisines locales
en même temps qu'elles contribuent à leur mise en valeur, car en principe, on ne perd pas
l'attachement au terroir. On peut également comprendre que le terroir de l’un devient
l’exotisme de l’autre et vice-versa. Un algérien me disait récemment que la fondue au
fromage avait pour lui quelque chose de très exotique. Ci-après, je propose une analyse de
l’exotisme tel qu’on peut le percevoir actuellement.
1.3.3 La notion d'exotisme
Le mot exotique provient du grec : exo qui signifie « dehors » ou exôtikos « étranger ». En
latin : exoticus . Le dictionnaire Robert (2004) en donne la définition suivante : « Qui (dans
la perception occidentale) est perçu comme étrange et lointain et stimule l'imagination :
qui est apporté de pays lointains. » (p. 660)
L'altérité culturelle a ses aspects attirants et l'exotisme est aussi une mode littéraire et
artistique. On entend souvent par exotisme, le pôle attirant de l'autre. Cette notion est
apparue à l'époque pré-coloniale, puis coloniale, par l'Occident. Selon Hassoun et Raulin
(1995) , ce dernier définit l'exotisme comme un appel aux saveurs et aux sens et non à la
réflexion. Il y a là une illusion ambiguë qui voudrait que l'exotisme soit une démarche où
l'autre est préféré à l'identique.
Tzvetan Todorov, 1989, p. 297, cité par Hassoun & Raulin, 1995, p. 121 déclare : […]« La
méconnaissance est incompatible avec l'exotisme, mais la méconnaissance est à son tour
inconciliable avec l'éloge des autres, or c'est précisément ce que l'exotisme voudrait être,
un éloge dans la méconnaissance. Tel est son paradoxe constitutif ». Il est vrai que plus on
connaît la culture des autres (la cuisine plus particulièrement), moins elle est mystérieuse,
moins elle est « dehors » et plus elle est « dedans », moins elle est exotique.
Selon Hassoun et Raulin (1995), il est fondé de dire qu'à l'époque coloniale, l'exotisme
s'était particulièrement développé, mais de nos jours, les supermarchés étalent les
produits exotiques avec l'épicerie fine, ce qui placent ceux-ci dans le rang des produits
« authentiques ». Au fil du temps, il y a eu une forme de provincialisation de la merguez,
du couscous, du curry, du piment, de la noix de muscade, de l'ananas, des bananes et de
bien d'autres aliments encore, qui viennent s’ajouter au fil de notre ère.
Cela m'a particulièrement étonnée lors de mes recherches sur la notion d'exotisme : je me
suis souvenue que les bananes que je mangeais lors de mon plus jeune âge ne m'avaient
jamais semblé exotiques. Ces dernières faisaient tellement partie de mon alimentation,
que j'ai passé la majorité de mon enfance a lire le mot « chiquita », sans même que cela
ne me paraisse quelque peu exotique. Lorsque j'étais une jeune enfant, les bananes
provenaient des cartons « chiquita » et à cette époque, cette explication semblait me
suffire amplement.
Je pense aussi au succès mythique de la sauce Tabasco, répandue aujourd'hui, un peu
partout dans le monde. Sa commercialisation remonte à 1868. Son inventeur, Mellhenny,
était un banquier américain de Louisiane, qui cultivait dans sa plantation de cannes à
sucre, des piments.
22
Intrigué par leur robustesse, il envisagea de les conserver. Il les réduisit en purée, les fit
macérer avec du sel pendant un mois, puis ajouta du vinaigre de vin français et les laissa
reposer encore un mois. Il versa cette mixture dans une bouteille originale qui, fermée
avec un bouchon de liège et de la cire verte, était utilisée auparavant pour contenir de
l'Eau de Cologne. La recette du Tabasco et la forme de la bouteille étaient nées et la
cuisine occidentale en fut quelque peu« pimentée ».
(http://ouvroir.com/peschard/tabasco/inclus.html. 2005)
De nos jours, je pense que l'usage de l'expression « y’a bon banania » nous choque
certainement, mais autrefois, c'était un argument utilisé pour venter les mérites des
produits exotiques qui sont devenus populaires et adoptés partout en Occident. Par
ailleurs, les restaurants chinois ont marqué le début de cette popularité dans le secteur de
la restauration. Actuellement, nous trouvons beaucoup de restaurants orientaux, extrêmeorientaux et notamment de nouvelles cuisines comme celle de l'Erythrée. A Yverdon-lesbains, je suis allée manger du kangourou, il y a environ, cinq ans en arrière. Cependant, ce
n’est pas parce que la cuisine d’un restaurant est chinoise ou indienne que le cuisinier soit
nécessairement chinois ou indien.
Selon Hassoun & Raulin en 1995, cette proximité de l'exotisme dans nos pratiques
alimentaires quotidiennes, rendent celui-ci presque invisible. Les cuisines qui peuvent
encore être considérées comme exotiques, sont donc celles qui proviennent de pays non
colonisés tels que l'Iran, l'Ethiopie, le Yémen, l'Indonésie, le Japon, etc.
De plus, nos supermarchés contribuent également à faire disparaître l'exotisme par
l'industrialisation, la production de masse et la mondialisation. Autrefois, certains produits
étaient rares, originaux et difficiles d'accès.
Je pense en conséquence que les différents acteurs sociaux d'aujourd'hui ont cette
possibilité de transmettre et de cultiver la mémoire du dedans et du dehors. Celle de
rappeler aux plus jeunes et même aux adultes, les origines culturelles du vaste choix
d'aliments que nous trouvons aujourd'hui dans nos supermarchés, puisque selon Hassoun et
Raulin (1995), nous vivons davantage un exotisme existentiel.
Si de nos jours les bananes n'évoquent presque plus l'exotisme, je pense toutefois que
celui-ci n'a rien perdu de sa valeur symbolique, pour autant que nous ayons conscience que
ce qui se trouve à notre portée a un passé, une histoire. Avant que la mangue ou le fruit
de la passion ne deviennent aussi banals que la banane ou l'ananas, avant que les chips de
manioc n'aient le sort du couscous, il est possible de transmettre la fabuleuse histoire de la
nourriture aux générations actuelles et suivantes, ou néanmoins de suggérer des
réflexions, déjà en éducation enfantine ; car on ne mange par uniquement parce que c’est
vital ou bon. A mon avis, c’est la « mémoire » des ingrédients lointains qui permet à
l’exotisme de continuer à exister aujourd’hui.
De plus, je pense que l’exotisme n’existe pas uniquement par le biais des ingrédients
utilisés mais également dans la façon dont ils sont associés ou présentés sur l’assiette. Par
exemple, lorsqu’un plat est préparé à base de plusieurs féculents. Cette pratique, que j’ai
découverte lors d’un voyage au Pérou, m’a parue plutôt exotique, même si les aliments
m’étais très familiers (pommes de terre, riz et pâtes). En conséquence, c’est aussi cette
dimension qui fait le charme et l’exotisme de la cuisine des autres.
« L'exotisme change et se réincarne, mais ne disparaît jamais. Car il faut sans cesse
recréer l’Autre, jusqu’en soi-même parfois … ». (Hassoun & Raulin, 1995, p. 119).
23
1.4
Intégration de goûts et de pratiques alimentaires appartenant à une
autre culture
1.4.1 Processus d'acceptation des aliments
En 1995, Hossenlopp décrit le processus d'acceptation des aliments qui peut être perçu
sous trois aspects principaux :
L'IMAGINAIRE
LE REEL
LE SYMBOLIQUE
Nous transférons des
« propriétés » à nos
aliments
Nous avons un rapport
« sensible et physique » à
nos aliments
Nous attribuons des
« valeurs » à nos aliments
Un aliment est bon lorsqu'il
est bon à rêver.
Un aliment est bon lorsqu'il
est bon à manger.
Un aliment est bon lorsqu'il
est bon à penser.
(p. 133)
Hossenlopp écrit en 1995 :« […] Un aliment est bon quand il est à la fois bon à manger, bon
à penser et bon à rêver. » (p. 134). Selon Hossenlopp, il s'agirait là d'une satisfaction
totale, qui exprime un besoin de cohérence avec nous-mêmes.
Pour qu'un aliment puisse passer la frontière du dehors au-dedans de nous, il faut donc que
ce dernier respecte plus ou moins ces 3 principaux critères, car celui-ci va faire « un »
avec notre corps. En somme, si l'on croit que le corps et l'esprit se nourrissent
mutuellement l’un de l’autre, ce qu'on donne à notre corps, on le transmet aussi à notre
esprit. Cette dimension peut se ressentir plus ou moins fortement, selon les différentes
représentations et croyances des individus. Par exemple, certaines personnes refuseront
de manger de l’autruche, pour ne pas lui ressembler, car celle-ci se cache la tête dans le
sable !
Selon Hossenlopp (1995), on peut aussi aborder toutes les propriétés qui participent à nos
choix alimentaires :
idéologiques,
santé et
éthiques et fonctionnelles
hygiène
spirituelles
prix,
additifs,
écologie,
rangement,
quantité,
agents
végétarisme,
déchets,
rapport
conservateurs, critères de la
recyclage
qualité/prix
pesticides,
viande, des
…
…
risques
fruits et
d'allergies,
légumes,
d’indigestions provenance,
…
image,
histoire
…
(pp. 135-137)
nutritionnelles sensorielles économiques
valeur
énergétique,
protéines,
vitamines,
oligo-éléments
…
odeur,
goût,
apparence,
couleur,
forme,
texture,
arrière-goût
…
24
Ces propriétés influencent nos choix dans l'achat et la consommation de nos aliments.
Par ailleurs, les spécialistes du marketing du secteur agroalimentaire ont bien compris
l'idée suivante, rapportée par Hossenlopp en 1995 :
« Dis-moi ce que tu aimes manger et je te dirai ce que tu rêves d'être ou de paraître ».
(p. 138)
On connaît aussi cet aphorisme de Brillat-Savarin, cité par Bruegel et Laurioux (2002),
exprimé un peu différemment :
« Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es » (p. 9)
Selon Hossenlopp (1995), nos représentations en matière d'alimentation se construisent par
des fantasmes fréquents composés d'associations d'idées concernant des oppositions telles
que :
+ O P P O S I T I O N S naturel
artificiel
industriel
culinaire
autrefois
aujourd'hui
biologique
[chimique ]/pollué
(p. 138)
Ainsi, il en découle pour Hossenlopp (1995) que : « […] La réalité est toujours interprétée
et maquillée pour chercher à justifier ou à expliquer nos choix alimentaires personnels. »
(p.138).
Par exemple, je pense que si nous nous limitions aux propriétés nutritionnelles de la
fondue au fromage, ce plat ne devrait plus figurer dans nos habitudes alimentaires, car il
est extrêmement gras et ne correspond pas, pour la majorité des gens, à leurs besoins
nutritionnels par rapport à leurs modes de vie actuels. Par ailleurs, selon les
métabolismes, il faudrait une semaine pour évacuer le sel contenu dans une portion de
fondue au fromage. Pourtant, ce plat est largement consommé en dehors des repas festifs
et pour certaines personnes, c'est un plat consommé fréquemment en hiver.
Toutefois, je constate que le plaisir que procure ce plat, sa convivialité et sa dimension
culturelle déguisent ou excusent sa forte teneur en graisse et en sel. D'autre part, la
majorité des plats typiquement suisses ont une teneur élevée en graisse (raclette, röstis au
beurre et lardons, filet de perches meunières avec frites, filets de perche frits et sauce
tartare avec frites, saucisson vaudois ou autre …). On peut cependant imaginer remplacer
les frites par des pommes vapeur ou du riz en ce qui concerne l'accompagnement des filets
de perche. Cependant, le poisson « d’eau douce » (« de notre région »), considéré comme
un aliment sain, vient contrebalancer les autres aspects du plat. L'association d'idée entre
le poisson pêché dans le lac à proximité du restaurant et le naturel d'autrefois, confère à
cet aliment toute sa valeur symbolique.
25
Il y aurait dans notre manière d’approcher les aliments divers fantasmes dont celui du
Paradis perdu. Hossenlopp écrit (1995) :
[…] [Il s’agit] de la manipulation par des puissances extérieures impossibles à cerner,
de la perte d’une identité et d’une culture, peut-être mythique, celui de l’angoisse de
la solitude du mangeur en train d’avaler ce qui peut apporter la mort ou la maladie.
Les « scoops » dans le domaine alimentaire « marchent » parce qu’ils nous concernent
quotidiennement et au premier chef. Les journalistes le savent, qui en usent ou en
abusent. (pp. 138-139)
De plus, les mangeurs d’aujourd’hui ont toujours le sentiment que le pain d’autrefois était
meilleur, certainement parce qu’il évoque le bon goût des aliments de notre enfance, ainsi
que toutes les émotions intenses qui y sont associées. Toutefois, Hossenlopp (1995)
rappelle qu’il ne faut pas rêver, car on ne peut pas retrouver cette même intensité de
plaisir à l’âge adulte.
En partant de la qualité d'un produit à la perception de la qualité de ce dernier, il y a tout
un processus de reconnaissance basé sur des mécanismes d'apprentissages gustatifs et
physiologiques et sur la mémoire. Nous avons donc tous un répertoire alimentaire unique
et inaccessible aux autres. Il semble qu'aujourd'hui, nous pourrions dire, qu'aucun arôme ni
aucune saveur ne sont des marqueurs positifs ou négatifs, transmis génétiquement. De
plus, lorsqu'on parle de plaisir des sens, il ne faut pas oublier que la sensation physique de
faim, le lieu et l'entourage (avec qui je mange) contribuent aussi au plaisir. Cependant,
l'imaginaire fait toujours la différence entre un produit « maison », un produit « cuisiné »
et un produit « fabriqué ». (Hossenlopp, 1995)
De nos jours, une grande partie des apprentissages alimentaires se font à l'extérieur (à la
cantine scolaire, dans les fast-foods et les restaurants) ou encore avec les parents, mais
ceci souvent hors de la tradition familiale. Les ventes de plats surgelés et de produits
transformés et prêts à consommer se multiplient.
Hossenlopp (1995) constate que les goûts se sont largement uniformisés en raison d'une
part, de la diminution des préparations culinaires domestiques et d'autre part, à la
concentration de l'offre de produits par les grandes compagnies agroalimentaires. De
manière paradoxale, ces dernières ont élargi les palettes des produits laitiers (yaourts,
fromages, crèmes, desserts). Il y a donc une recherche de diversification de la palette des
goûts, en même temps que cette dernière éloigne les individus des références culinaires et
traditionnelles, ce qui induit l'introduction de nouvelles valeurs culturelles. Ainsi,
l'évolution des modes de vie a d'ores et déjà modelé l'alimentation.
Dès lors, Hossenlopp (1995) déplore une perte de repères chez certains enfants citadins,
liés au temps et aux saisons. Les enfants et adolescents, groupes influençables par
excellence, peuvent être des acteurs de changement et de rupture dans les cultures et les
traditions alimentaires. Je peux aussi imaginer les habitudes alimentaires de parents
immigrés et celle de leurs enfants, qui ont grandi dans le pays d'accueil, et qui ont acquis
des références alimentaires différentes de celles de leurs parents : cela complexifie la
relation qu’ont les jeunes avec la nourriture, d’un point de vue culturel et social.
Face à toute cette « diversité alimentaire », Hossenlopp écrit en 1995 :
« […] La peur de se tromper ou, pour d’autres, d’être trompés, a remplacé la peur de
manquer de nos ancêtres. [Aujourd'hui, plus qu'autrefois], nous mangeons des rêves, des
symboles, des signes et des nutriments. » (p.147)
26
Toutefois, je tiens à souligner ici, qu’il existe chez nous, une classe sociale appelée
« quart-monde », pour laquelle la peur de manquer est encore une préoccupation de tous
les jours.
1.4.2 De la construction du goût à la construction de soi
Selon Chiva (1996), on peut dire aujourd’hui, que les apprentissages alimentaires
participent aussi à la construction de l'identité. Le goût et l'odorat sont parmi les
premières perceptions du nourrisson. Celui-ci affirme différentes mimiques selon qu'on lui
propose une solution sapide sucrée, salée, acide ou amère, mimiques que l'on observe
identiques auprès de différents nourrissons pour un même goût. Cette faculté gustative se
développe in utéro, au cours du quatrième mois de grossesse et sera déjà opérationnelle
dès la naissance. Il s'agit premièrement d'un réflexe qui s'exprime par le rejet de
l'amertume et de l'affection du sucré.
Chiva écrit en 1996 :
[…] La première tétée est à la fois un apport alimentaire et aussi une stimulation
d'interaction sociale et affective. De ce fait l'acte alimentaire se situe, dès le premier
instant, dans un contexte social et relationnel. […] Le nouveau-né est pré-programmé
à ne pouvoir digérer, au départ, que des produits lactés et à préférer la saveur sucrée
(Desor et coll., 1977, Beauchamp & Moran, 1982, Chiva, 1987). Mais au-delà de cette
première « programmation » tout reste à apprendre, depuis l'utilisation des modalités
sensorielles jusqu'à l'acquisition des manières de table. […] C'est l'apprentissage, la
répétition des stimulations, leur situation dans le contexte général, leur association
avec d'autres événements, qui leur donnent une signification. […] Nous ne pouvons
jamais savoir ce que ressent exactement notre voisin, sinon à travers ce qu'il exprime,
notamment sur le plan verbal, ce qui implique l'adoption d'un code commun. Ainsi le
traitement cognitif de l'information sensorielle nécessite un apprentissage à divers
niveaux, dont le dernier est l'adoption de vocabulaires et de conventions sociales et
culturelles. […] La fraction d'intensité de la stimulation nécessaire pour apprécier [la
différence de goût] est très variable d'un individu à l'autre, compte tenu de son
équipement sensoriel initial. (pp. 11-17)
Par la suite, l'enfant apprend d'abord ce qu'il a le droit de manger, par exemple du poulet
mais pas du chat, du sel mais pas du piment. Il acquiert également des apprentissages sur
la façon dont il doit le manger et sur les bonnes manières à table. L'appareil sensoriel, en
particulier gustatif, varie énormément dans ses sensibilités, d'une personne à l'autre. Le
goût de l'amertume, par exemple, sera perçu de manière particulièrement intense chez
certaines personnes, comparé à d'autres et cela, dès le début de l'enfance.
Selon Bellisle (2003), certains enfants développent ainsi un rejet de plusieurs produits
alimentaires, en particulier les légumes, qui s'explique par le fait qu'ils ressentent
intensément le goût de l'amertume de ces aliments, il s'agit donc d'un refus purement
sensoriel.
De plus, dans une tranche d'âge située entre 5 et 7 ans, les enfants sont moins disposés à
accepter des aliments nouveaux, car durant cette période l'individu peut développer plus
facilement une néophobie, c'est-à-dire un rejet des aliments nouveaux. Il s'agit là d'une
phase normale du développement de l'enfant.
27
En conséquence, forcer un enfant à manger un aliment pour lequel il n'est pas prêt peut
avoir une influence très négative sur la construction de son goût. Lors d'une rencontre
scientifique de nutrition à l'Institut Danone, Bellisle (2003), psychologue expérimentale du
comportement, insiste sur le fait de ne pas forcer à manger un aliment rejeté par l'enfant,
y compris de ne pas le récompenser par un met sucré s'il accepte d’incorporer l'aliment
qu'il refusait jusque là.
Dès lors, il est préférable d’agir en connaissance de cause et de respecter les particularités
sensorielles de chaque enfant en lui offrant régulièrement une grande variété d'aliments,
en sachant que l'enfant n'acceptera pas l'ensemble des aliments du premier coup. Celui-ci
acceptera plus facilement une nourriture dans un contexte agréable, détendu et exempt
de contraintes trop fortes, ce qui fait que beaucoup d'enfants finissent par accepter des
aliments qu'ils refusaient jusqu’alors et ceci peut encore se développer durant
l'adolescence.
Bellisle (2003), décrit, à partir des travaux effectués par Chiva depuis 1978, que chaque
individu est muni d'un appareil sensoriel complexe et ces perceptions sensorielles vont
former une « image sensorielle » propre à chaque aliment. L'expérience sensorielle des
aliments, associée à des effets post-digestifs bénéfiques ou désagréables, va construire
peu à peu chez l'enfant son goût. Le goût est par conséquent un ensemble intégré de
sensations qui identifient chaque aliment pour chaque mangeur. Selon l'expérience postdigestive bénéfique ou désagréable, expérimentée depuis le début de la vie, l'individu va
comprendre à quel effet métabolique il est associé (envie de vomir par exemple). Celui-ci
est exposé, dès sa naissance, à un grand nombre d'aliments qui varie selon les ressources
culturelles, économiques et climatiques du pays où il grandit.
Selon Poulain (2005), sociologue et professeur à l'Université de Toulouse, croire que l'on a
le pouvoir de contrôler en permanence son alimentation est une utopie, tant l'acte de
manger est complexe et induit toutes sortes d'apprentissages conscients ou inconscients.
La part de l'inconscient est très forte dans nos choix alimentaires, puisque lorsque nous
mangeons certains aliments, nous pensons que ce sont des choix conscients (parce que la
nourriture est savoureuse, saine d'un point de vue nutritionnelle …), alors qu'en réalité
nous avons d'autres raisons qui nous échappent, comme par exemple le fait que notre mère
nous en préparait lorsque nous étions enfants, ou parce que tel aliment est associé à de
bons souvenirs.
Poulain (2005) met en évidence que le processus de la construction de l'identité de
l'individu induit à la fois des mécanismes de socialisation et des mécanismes
d'individualisation. En apprenant à manger avec ses parents et ses proches, un enfant
s'initie aux rites et aux codes de sa culture. De cette façon, il s'intègre à la société.
Toutefois, à l'intérieur de ces mécanismes généraux, il dispose d'un espace de liberté
individuelle, l'apprentissage du goût, qui lui permet d'affirmer sa position au sein du
groupe et de la société. Cette construction identitaire s'effectue au cours des 15 premières
années de la vie. Une fois l'âge adulte atteint, tout est presque défini de ce point de vue.
Par contre, l'adulte peut avoir une incidence sur l'image qu'il veut avoir de lui-même et sur
celle qu’il veut transmettre aux autres. Par exemple, la personne peut s'associer à une
catégorie de référence, telle que les « gourmets », les « gourmands », « les bios », les
« écolos », les « végétariens » etc.
En résumé, le goût se construit par des apprentissages physiologiques gustatifs, par des
effets biologiques et simultanément par des apprentissages symboliques générés par des
« images sensorielles », selon les expériences que nous avons faites depuis notre prime
enfance jusqu'à l'âge adulte.
28
En tant qu'adulte, l'individu choisi ses aliments et peut orienter ses choix sur une
nourriture plus spécifique, correspondant à son identité, ou néanmoins, à ce à quoi il
aspire. Cependant, son répertoire alimentaire est déjà fortement ancré en lui et sera la
base de ses futurs choix alimentaires, même si ceux-ci pourront évoluer ou s'élargir, à
condition qu'ils n'entravent pas les références essentielles du mangeur.
Si je me réfère à ma propre expérience de ma relation à la nourriture, je peux sans
conteste dire que je partage le point de vue du sociologue Poulain. En effet, la majorité
des aliments que je n'aimais pas en tant qu'enfant ou adolescente sont encore aujourd'hui
des aliments que je n'apprécie pas particulièrement. Je dirais même que le dégoût pour
certaines nourritures durant mon enfance s’est renforcé pour moi à l'âge adulte. J'ai
accepté au fil du temps certains aliments, mais je les mange uniquement à titre
exceptionnel (melon, champignons chinois, jambon paysan … ).
Il y a aussi une catégorie d'aliments dont je n'ai jamais voulu goûter étant enfant et c'est
encore le cas aujourd'hui, ce sont les fruits de mer. En fait, après 3 tentatives de manger
une crevette à l’âge adulte, j’y ai renoncé : après leur ingestion, j'ai immédiatement envie
de vomir ; malheureusement pour moi, la crevette me fait penser à un vers gras.
De plus, lorsqu’on observe les différences de goûts au sein d’une même culture, on
imagine facilement les différences gustatives qu’il peut y avoir entre personnes de diverses
origines. Nous sommes souvent surpris que quelqu’un puisse être dégoûté par un aliment
que nous affectionnons beaucoup ou que celui-ci puisse aimer un aliment qui nous dégoûte
ou nous répugne.
« Lorsqu’on passe une frontière alimentaire ou vestimentaire forte, on sait qu’on passe
une frontière culturelle forte » (Warnier, 1999, p. 20).
Par ailleurs, je pense que la manière dont nous mangeons peut changer le regard d’autrui
sur nous-mêmes, et cela peut générer des conflits liés a des incompréhensions. Il y a donc
incontestablement un lien affectif entre l’identité et l’alimentation. Comme je l’ai
présenté dans ce chapitre, nos apprentissages alimentaires se font très tôt et sont
enregistrés dans notre conscience tout comme dans notre inconscient.
On comprend donc aisément que les personnes qui ont émigré continuent, autant que cela
est possible, de reproduire une cuisine qui leur est familière. Dans ce cas, la nourriture
leur rappelle leur pays natal, leurs racines et le temps des repas devient un moment dans
lequel elles se « réfugient ». (J. Marin, communication personnelle, 4 avril 2005)
Toutefois, il arrive que des communautés d’ailleurs modifient leur cuisine dans le pays
d’accueil, car elle est jugée trop riche. Par exemple, ceux-ci vont donc diminuer la
quantité d’huile utilisée, pour éviter qu’on dise que leur cuisine est trop grasse. Par
ailleurs, ceux-ci sont bien surpris des critiques reçues au sujet de leur alimentation, car ils
constatent que les occidentaux mettent beaucoup de crème et de beurre dans leur propre
cuisine. (Balland, 1997)
Ci-après, je propose une analyse qui se rapporte aux questions de répulsion vis-à-vis de la
nourriture.
29
1.4.3 Du goût au dégoût
Absorber des aliments représente la valeur subjective « d’intégrer à soi », de la même
façon qu’on pourrait penser que « l’on devient ce que l’on mange ». On peut interpréter le
refus de manger du porc comme la crainte de s'identifier à lui, bien qu'il y ait là encore
toute une dimension spirituelle ou religieuse, dont cette dernière représente la substance
morale.
Cependant il y a aussi une forme de distinction sociale dans le choix d'absorber ou non
certains aliments. La suspicion des aliments inconnus est un réflexe que l'on retrouve chez
tout individu.
Selon Rozin (1995), la cuisine étrangère peut déstabiliser certains mangeurs et plus
particulièrement certains voyageurs. Lorsqu'elles voyagent, plusieurs populations à travers
le monde sont heureuses de trouver des restaurants dont la nourriture est familière, alors
que d'autres préfèrent découvrir des mets nouveaux ou inhabituels.
Rozin (1995) propose d'analyser le rejet des aliments sous trois aspects principaux :
LE FACTEUR SENSORIELAFFECTIF
(goût, odeur, consistance,
apparence …)
LES CONSEQUENCES
ANTICIPEES DU RESULTAT
DE L'INGESTION
(effets physiques nutritifs
et toxiques)
LES CONNAISSANCES DES
ORIGINES DE L'ALIMENT
(rejet psychologique de la
nourriture)
Aliments
inoffensifs
ou Aliments dangereux : crainte
Aliments dégoûtants :
bénéfiques, acceptables sur
de toxicité : allergies,
motivations idéelles perçues
leur nature et leur origine.
digestion, odeur de l'ail,
mauvaises au goût même si
calories, cholestérol,
on ne les goûte pas.
champignons vénéneux, état
Agressivité idéelle, par
de décomposition, moisi … exemple à la vue de vers de
terre frits.
(p. 98-99)
Selon Darwin en 1872 et Ekman en 1971, cités par Rozin, 1995, p. 100, la répulsion et le
dégoût font partie des émotions de base. Angyal, cité par Rozin, 1995, p.100, écrit en
1941 : « C'est la répulsion à l'idée de l'incorporation (buccale) d'un objet agressif. L'objet
de la répulsion a des propriétés contaminantes et s'il touche un aliment acceptable, ce
dernier devient alors inacceptable ». Angyal, cité par Rozin, 1995, p. 101, dit au sujet du
dégoût que ce dernier a pour objet central les excréments et autres produits du corps, il
soutient que presque tous les objets de dégoûts, quelle que soit la culture, ont une origine
animale.
Si certains pensent qu'on est ce que l'on mange, le fait de manger différents animaux
soulève quelques questions. Selon la pensée de Rozin (1995), il y a comme un acte agressif
à ingérer des animaux. Cependant, cet acte peut être compensé par l'attirance sensorielle
et la grande valeur nutritive de la viande. La viande serait à la fois l'aliment le plus
apprécié et le plus tabou dans toutes les cultures. Ce met est, par ailleurs, le plus souvent
apprêté de façon à masquer son origine.
30
La viande est retravaillée sous forme de hachis, de boulettes, de steak haché, de
saucisses, de salaisons, de saucisson, de tranches fines de charcuterie, séchée, pannée,
vidée de son sang (cascher) ou encore le plus souvent accompagnée de sauce. Une fois
cuite et ainsi préparée, la viande n'a plus son apparence initiale de chair morte.
En 1995, Rozin indique qu'en Europe, nous mangeons uniquement la chair de quelques
animaux parmi toute la diversité qui s'offre à nous. En principe, nous n’incorporons pas de
rongeurs et seuls quelques volatiles sont déposés sur nos assiettes. De plus, nous nous
interdisons certaines parties des animaux comme par exemple les yeux, la cervelle ou le
cœur. En revanche, certains mangeurs sont très friands de la langue, de la queue ou des
rognons de bœuf, alors que beaucoup de consommateurs de viande en sont dégoûtés.
En général, nous excluons plus facilement les animaux trop proches de l'homme ou trop
éloignés de lui; ils sont alors considérés comme dégoûtants à manger. Nous avons, semblet-il, le même rejet pour l'incorporation d'animaux qui se nourrissent de matières en
putréfaction et envers les animaux carnivores.
Dans cette même optique, Rozin (1995) indique « que les produits animaux sont beaucoup
plus enclins à la putréfaction que les [produits] végétaux. » (p. 101) (un légume en
décomposition sera moins dégoûtant que la même dégradation d'un morceau de viande).
D'autre part, la viande ou le poisson non-réfrigéré accumulera des bactéries nettement
plus rapidement qu'un fruit ou un légume, étant donné que ces derniers se conservent
parfaitement sans réfrigération durant quelques jours, selon les variétés.
Dans le processus du rejet des aliments, on note un principe qui est celui de la
« contamination ». La contamination dépasse la substance elle-même de l'aliment : le
contact de l'aliment avec un élément contaminant (insectes ou personnes indésirables)
rend ce dernier totalement pollué.
Frazer (1890-1959) et Mauss (1902-1972), cités par Rozin, 1995, p. 102, décrivent les lois
de la magie sympathique, dont la contagion, qui inclut la contamination et stipule « qu'un
seul contact équivaut à un contact permanent ». Si un cafard a touché de la purée de
pommes de terre, la purée se trouve « cafardisée ». Un contact bref va donc rendre l'objet
dégoûtant pour toujours. Lorsque le dégoût s'exprime à l'idée de manger la nourriture de
l'autre indésirable, voire dans certains cas, celle de l'étranger, on parle de « dégoût
interpersonnel ». Il s'agit de la répugnance à l'idée de manger sa nourriture.
On retrouve ce même type de dégoût lorsqu'il s'agit de porter un vêtement qui a déjà
appartenu à quelqu'un d'autre. Certaines personnes ont le sentiment de sentir la présence
d'un autre. La contagion interpersonnelle tient compte de la préparation, du toucher et du
partage des aliments. Si des personnes nous sont étrangères ou indésirables et qu'elles ont
eu un contact avec la nourriture, il est possible de ressentir une sensation de dégoût ou de
rejet de ces aliments.
Si l'on pousse ce raisonnement plus loin, on pourrait dire que si les aliments proviennent
d'une classe sociale inférieure, les denrées peuvent sembler douteuses. Les aliments
deviennent contaminés et, par conséquent, dégoûtants et inacceptables. Pour certains
peuples, on considère que les propriétés d'une personne peuvent se transmettre si cette
dernière a eu le moindre contact avec la nourriture. Par exemple chez les Hindous, avec
leur système de castes inférieures. Mais dans ce cas, c'est davantage la préparation et la
cuisson par une personne de statut inférieur qui « pollue » l'aliment.
31
En conséquence et selon Rozin (1995), le rejet des cuisines d’ailleurs ou de certaines
d'entre-elles est sans doute le résultat combiné de la crainte et du risque devant la
composition d'une nourriture inconnue et la répulsion envers cette dernière qui a été
préparée par un autre. En fait, nous avons tous un sentiment de confort et de satisfaction
associés à notre nourriture familière, ce qui est une forme de « conservatisme culinaire ».
Pour les personnes immigrées, c'est souvent la cuisine d'origine qui est encore préférée
dans le pays d'accueil. La plupart du temps, la cuisine d'adoption et la cuisine d'origine ne
sont pas consommées au cours d'un même repas ; le jour le plus important de la semaine
étant, semble-t-il, le plus souvent consacré à la cuisine de là-bas. Un chilien établi en
France dit n'avoir jamais autant consommé de cuisine chilienne que depuis qu'il a quitté
son pays. Là-bas, c'était la cuisine française qui était valorisée et qui permettait de se
distinguer.
Lorsque nous voulons aborder l'activité « cuisine » ou le « repas interculturel » dans notre
pratique professionnelle, il est donc important de garder à l'esprit cette notion du dégoût,
en essayant de respecter le répertoire des représentations et des interdits alimentaires de
chacun. Il s'avère nécessaire d'en tenir compte dans la mise en place de l'activité, en
créant un climat propice à la reconnaissance mutuelle et à la mise en confiance des
membres du groupe.
Par exemple, celui qui prépare sa spécialité culinaire devrait avoir l'occasion de la
présenter aux autres pour sa mise en valeur. Toutefois, on ne peut en aucun cas forcer les
participants à goûter quelque chose qui leur suscite du dégoût. On pourra seulement
encourager l'aventure de la découverte du goût qui va de pair avec la découverte de
l'autre. L'activité « cuisine » peut permettre d'aller au-delà des préjugés, car les
participants peuvent observer autrui et s'apercevoir par eux-mêmes que la nourriture des
autres n'est pas moins bonne que la-leur.
Lors de la préparation des aliments, il me semble important de veiller à ce que chacun
respecte la nourriture (par exemple avec les enfants et adolescents) et les mesures
d'hygiène (principe de contamination). Je pense que cela contribue à démarrer les
activités dans un climat de confiance mutuelle. Cette première étape passée, le groupe
est prêt à commencer et toutes sortes de conversations enrichissantes peuvent alors
émerger durant l'activité, puisque les personnes ont tendance à se livrer plus facilement
en préparant un repas ou en le dégustant.
32
1.5
Représentations et interdits alimentaires
1.5.1 Moralisme et alimentation
Le rapport à l'alimentation comporte une dimension anthropologique, décrite par Fischler
(1996), qui comprend la pensée classificatoire, le principe d'incorporation, le paradoxe de
l'omnivore et enfin le « moralisme alimentaire ».
Fischler écrit en 1996 :
[…] – La pensée classificatoire […] c'est le fait que nous ne pouvons apparemment pas
éviter dans notre façon d'appréhender le monde et le monde alimentaire en
particulier, de procéder à des classifications, à la construction ou à l'application de
catégories et de règles qui régissent les relations entre ces catégories. – Le principe
d'incorporation [décrit] dès la fin du dix-neuvième siècle [par ] les pères fondateurs de
l'anthropologie, en particulier Tylor, puis Frazer (Frazer 1911, Frazer, 1981), avaient
noté chez les « primitifs » l'existence de croyances que ce dernier avait regroupées
sous le nom de « magie sympathique ». Le principe d'incorporation relève de ces « lois
de la magie sympathique » et il regroupe des croyances ou des représentations qui
peuvent se résumer sous la formule « on est ce qu'on mange », soit l'idée que le
mangeur absorbe analogiquement les caractéristiques du mangé en absorbant sa
substance, qu'il s'agisse de caractéristiques physiques, morales ou symboliques.
[…] Le « moralisme alimentaire » [est] la tendance très fréquente sinon générale à
moraliser le rapport à l'alimentation, à formuler des jugements moraux à son sujet ou
en l'employant comme prétexte normatif. La même caractéristique apparaît très
clairement dans d'autres fonctions que la nutrition et tout particulièrement dans la
sexualité, soumise, notamment dans les traditions religieuses et morales occidentales,
à des jugements moraux et des cadres normatifs dont chacun a aisément conscience.
(pp. 31-32)
Selon Fischler (1996), cette relation entre la morale et l'alimentation apparaît également
dans les propos de Claude Thouvenot. La notion de terroir avait un contenu politique vers
la fin du 19ème siècle et celle-ci avait été adoptée par une partie de la droite et de
l'extrême droite.
Fischler indique en 1996 :
[…] Derrière cette appropriation il y avait bien entendu l'adhésion à certaines valeurs
et cette adhésion allait de pair avec des jugements moraux. Dans ce mouvement de
pensée, ce qui est en cause, c'est une certaine vision de la société, un regard sur la
civilisation actuelle qui, en général, est considérée comme déclinante, décadente,
etc. Il s'agit donc de régénérer des valeurs d'authenticité, de vérité, de pureté, de
tradition, de filiation et de généalogie, des valeurs identitaires. (p. 42)
Cette dimension liée à la morale et aux jugements, moins perceptible au premier abord,
participe fortement aux débats sur la nourriture, au-delà des motifs gastronomiques et/ou
diététiques.
33
1.5.2 Religions, philosophies et spiritualité
La nourriture a toujours fait l'objet de quelques réglementations en lien avec la religion
ou les croyances des individus. Dans une société multiculturelle telle que la nôtre, les
professionnels de l'action socioculturelle et de l'éducation au sens large, sont confrontés
aux interdits alimentaires des usagers qu'ils côtoient. Faire une cuisine « type » pour tout
le monde, sous-entend que ceux qui ne peuvent pas manger de tout, n'ont qu'à faire un tri
entre ce qui leur est permis de manger et ce qui ne l'est pas. Le problème des minorités
est donc également au cœur du débat sur l'alimentation.
Un article paru dans Le Monde des Religions en 2004 (sept.-oct., pp. 36-45) , résume les
principaux aspects qui lient la nourriture et la spiritualité. Dans toutes les religions,
certains aliments sont chargés de valeurs spirituelles fortement symboliques, qui
incarnent le divin. Toutefois, certaines religions ont moins d'interdits que d'autres et c'est
le cas du christianisme, bien que l'on note quelques différences entre protestants et
catholiques. Les seconds respectent encore le carême alors que pour les premiers, le
jeûne se pratique plus rarement, selon les besoins de chacun.
Si la Bible donne beaucoup d'éléments concernant la nourriture et l'utilise davantage
encore sous la forme de métaphores, le Coran est plus vague à ce sujet, puisqu’un seul
verset contient le mot « manger ». Comme dans le judaïsme, on trouve l'interdiction de
manger du porc, mais en plus, l'interdiction de boire du vin. En revanche, il est dit que ce
dernier coulera à flot dans le Royaume d'Allah. En ce qui concerne le christianisme, le
Nouveau Testament donne une consigne assez libre à ce sujet, puisque qu'il est permis de
manger un aliment si on pense qu'il est bon, mais si toutefois il y a un doute, il vaut mieux
ne pas en manger; celui qui mange d’un aliment le fait pour Dieu, de même, celui qui se
prive d’un aliment le fait aussi pour Dieu. C'est donc à chacun de déterminer ce qui est
bon ou non pour lui de manger, tel croyant n'étant plus alors sous la loi de Moïse.
Le jeûne est présent dans toutes les religions et il précède souvent une fête où la
nourriture se tient en abondance. L'abstinence à la viande est une base qui apparaît
comme fondamentale dans l'hindouisme et on la retrouve également dans certaines voies
du bouddhisme, en tout cas en ce qui concerne les moines. Toutefois, l'interdiction de
manger du porc (hébreux et musulmans), ou l'obligation de vider la viande de son sang
(hébreux), le processus à adopter pour tuer l'animal (hébreux et musulmans), n'interdisent
pas pour autant la gourmandise et le savoir-faire en matière de préparation des aliments
et ceci également dans toutes les religions. Par ailleurs, au Moyen-Age, les catholiques
savaient inventer des recettes pour manger maigre et bon en même temps. Plus tard, la
boisson au cacao était utilisée pour sa haute teneur en calories lors des périodes de
carême.
Les principaux aliments qui ont un sens symbolique profond et que l'on retrouve dans la
plupart des religions ou philosophies sont le pain, le blé, le riz, le vin, l'agneau, le sel, le
miel, le lait et l'huile.
Le pain est très important dans toutes les sociétés, il montre la richesse ou la pauvreté de
celles-ci : aux riches le froment et sa fine fleur, aux pauvres le pain d'orge, aux pasteurs
et nomades les galettes. Le pain est l'instrument du partage, surtout s'il est « pur », c'està-dire sans levain. Le levain, qui provoque la fermentation, représente une forme de
pourriture à l'œuvre, cette dernière étant impure pour le divin. Le pain a longtemps été
un instrument de pouvoir par ceux qui surent mobiliser le grain nécessaire pour éviter les
disettes.
34
Le lait, indispensable à la survie du bébé comme du jeune animal, représente l'aspect
maternel du divin. Le miel, représente en partie la symbolique des abeilles qui vivent en
société organisée et qui se soumettent à la reine, mais il est aussi évocateur de plaisir et
de sensualité. L'huile est souvent utilisée pour l'onction et les offrandes, tout comme le
sel, qui peut servir à purifier l'offrande.
1.5.3 Végétarisme et végétalisme
Le végétarisme est un mode alimentaire excluant la consommation de viande, mais
s'autorisant des produits animaux tels que les produits laitiers et les œufs, contrairement
au végétalisme, qui exclut la totalité des produits animaux. Le choix du végétarisme peut
être mis en oeuvre pour des motifs éthiques, religieux ou philosophiques, mais encore pour
d'autres raisons telles que la santé, la défense des animaux et de l'environnement, ou
encore pour des envies gastronomiques.
De nos jours, je pense que la cuisine végétarienne ne figure plus au rang des nourritures de
deuxième choix et n'est plus associée à des plats du type « riz complet-lentilles » qu'on lui
attribuait autrefois. Par ailleurs, il y a aujourd'hui beaucoup de personnes qui ne
consomment presque pas de viande et qui ne se considèrent pas comme « végétariennes ».
On a tendance à nommer ces personnes : les « semi-végétariens » ou les « demivégétariens ». La cuisine végétarienne devient une discipline raffinée dont la plupart des
recettes sont hautes en couleurs.
La majorité des végétariens ont une alimentation variée. Avec un peu de pratique, ils
savent composer leur alimentation de façon à répondre aux besoins de leur corps. Une
bonne alimentation végétarienne se compose de fruits et de légumes de saison, de diverses
farines, de céréales, de pâtes, de légumes secs, d'épices et d'herbes, de piments, de
graines, de fruits secs, d'huiles, de vinaigres, de moutardes, de sauces, de produits laitiers
et d'œufs. Tous ces ingrédients permettent de composer des plats savoureux et facile à
préparer et ce ne sont pas les livres de recettes qui manquent à ce sujet. La cuisine
végétarienne est donc moins compliquée qu'elle n'y paraît et il y a énormément de
possibilités de satisfaire les besoins nutritionnels, même avec la contrainte de la
suppression de la viande.
Ci-dessous un tableau des 5 régimes végétariens les plus pratiqués :
Régime
Aliments de base
Aliments tolérés
Aliments exclus
Ovolactovégétarien fruits, légumes,
céréales
produits laitiers,
oeufs
viande, poisson
Lactovégétarien
fruits, légumes,
céréales
produits laitiers
viande, poisson, oeufs
Ovovégétarien
fruits, légumes,
céréales
oeufs
viande, poisson,
produits laitiers
Pescovégétarien
fruits, légumes,
céréales
viande
Végétalien
fruits, légumes,
céréales
poisson, produits
laitiers, oeufs
-
viande, poisson,
produits laitiers,
oeufs
(http ://www.lesieur.fr/nutrition/article.htm, 2005)
35
2.
Concepts théoriques et exemples dans la pratique
2.1
L’approche psychopédagogique de la mixité des cultures
2.1.1 Définition du multiculturalisme et des autres modèles
Le multiculturalisme est davantage une approche des problématiques liées à l'immigration
et à la société d'accueil qu'une discipline en soi. C'est un concept, une philosophie dans
l'approche des questions liées à la mixité des cultures.
On trouve une longue définition du multiculturalisme dans le Dictionnaire suisse de
politique sociale (Fragnière & Girod, 2002), dont voici un extrait :
Le débat sur la création d'une société multiculturelle oppose deux écoles, les
« culturalistes » et les « universalistes ». Alors que les premiers insistent sur le droit à
l'autodétermination culturelle, les seconds considèrent que la réalisation de cette
autodétermination mène à une impasse, impasse qui aboutit à l'exclusion et à la
soumission. (p. 212)
Il existe aujourd'hui 4 approches principales de la mixité des cultures, que l'on peut
distinguer comme suit (Gohier & Schleifer, 1993) :
L'approche multiculturaliste s'exprime par le maintien des cultures d'origines des
personnes immigrées en les juxtaposant à la culture d'accueil. On obtient ainsi une large
mosaïque des cultures. En anglais, on parle de « melting-pot ».
L'approche interculturaliste met l'accent sur la nécessité réciproque des différentes
cultures présentes, la majoritaire autant que les minoritaires, en tenant compte de la
culture des autres, en apprenant à se connaître, à communiquer et à échanger.
L'approche assimilationniste encourage l'apprentissage rapide par les immigrants de la
culture majoritaire de la société d'accueil.
L'approche transculturaliste fait parfois référence à la constitution par les populations
émigrées et la population d'origine d'une nouvelle culture, parfois à un nouvel humanisme
transculturel où l'être humain se retrouve et se reconnaît au-delà des autres cultures.
Ces 4 définitions permettent de comprendre l'épistémologie des termes les plus utilisés par
les professionnels du secteur social, par les pouvoirs politiques et par les médias en Suisse
et à l'étranger. Ces 4 approches différentes sont sujettes à de nombreux débats politiques,
quant au choix de la bonne « formule ».
Fragnière & Girod (2002), relèvent que « L'approche interculturelle de l'éducation a été
prônée […] en Suisse, par la Conférence suisse des Directeurs de l'Instruction Publique
(1985). » (p. 185)
36
2.1.2 Identités, cultures et mondialisation
Pour aborder les questions liées à la forte mixité des cultures en présence, il me semble
approprié d'analyser ici quelques aspects qui découlent de la notion de « culture » et de
l'identité sociale des individus, dans une société où cette « culture » se propage à l'échelle
du globe. Pour cela, il est nécessaire, ici, de distinguer la « culture traditionnelle », reçue
en héritage par son environnement socioculturel, de la « culture industrielle », issue de la
modernité et du processus de la mondialisation.
Warnier écrit en 1999 :
L'expression de « mondialisation de la culture » désigne [la] circulation de produits
culturels à l'échelle du globe. Elle suscite des réactions contrastées. Les uns y
déchiffrent les promesses d'une planète démocratique unifiée par une culture
universelle – une planète réduite par les médias aux dimensions d'un « village global »,
[…] d'autres y voient la cause d'une inéluctable perte d'identité qu'ils déplorent. […]
L'identité se définit comme l'ensemble des répertoires d'action, de langue et de culture
qui permettent à une personne de reconnaître son appartenance à un certain groupe
social et de s'identifier à lui. Mais l'identité ne dépend pas seulement de la naissance
ou des choix opérés par les sujets. […] Il est sans doute plus pertinent de parler
d'identification que d'identité, [car] l'identification est contextuelle et fluctuante.
L'identification individuelle et collective par la culture a pour corollaire la production
d'une altérité par rapport aux groupes dont la culture est différente. Le contact
intercommunautaire suscite des réactions très diverses : idéalisation de l'autre, attrait
de l'exotique, du « bon sauvage », mais aussi mépris, incompréhension, rejet, pouvant
déboucher sur la xénophobie […] et l'anéantissement. (pp. 3-10)
Selon la pensée de Warnier, la culture « traditionnelle » est celle apprise dans un espace
géographique déterminé, possédant son propre terroir, sa politique et son histoire locale,
ainsi que son inscription dans un contexte socialisé. Cette culture traditionnelle n'est pas
figée, elle évolue avec le temps et les mœurs. En opposition, la culture « industrielle » est
celle issue de produits culturels diffusés à plus ou moins grande échelle, à l'intérieur de
sociétés très diverses, possédant elles-mêmes de multiples « cultures-tradition ». Les
produits culturels industriels ont tendance à concurrencer les produits culturels locaux :
par exemple, le sandwich contre le kebab, le lit contre le tatami, le pantalon contre le
paréo, le docteur en médecine contre le guérisseur local.
Lorsque la culture industrielle prend le dessus sur la culture locale, certains s'inquiètent
que ce phénomène s'étende au monde entier et qu'il reproduise un système de « cocacolonisation » de la planète. Cependant, et selon Warnier, l'histoire a montré la formidable
créativité des êtres humains, qui ont toujours sus innover, tout en s’appropriant leurs
cultures singulières. Il me semble vrai qu'aujourd'hui le pantalon n'a pas fait disparaître le
paréo, mais ce dernier c'est simplement répandu à travers le monde; on le retrouve
notamment parmi les articles de mode et il est même fortement mis en valeur par les
femmes occidentales. Au même titre, si un japonais change son tatami contre un lit
occidental, bon nombre d'occidentaux changent leur lit contre un tatami. Ces réflexions
montrent qu'il y a plus de risque de perdre quelques notions sur l'origine des biens culturels
que de perdre ceux-ci.
37
2.1.3
Emigration, disparité et altérité culturelle
Lorsqu’un individu quitte le pays où il a grandi pour des raisons qui peuvent être très
différentes d’une personne à l’autre (asile politique, problèmes de précarité, recherche
d’une qualité de vie meilleure, raisons professionnelles, hautes études, etc.), je suppose
que celui-ci n’identifie pas encore très bien, au moment de son départ, les difficultés qu’il
va rencontrer dans le pays d’accueil et lorsqu’il s’agit d’un départ d’urgence avec une
demande d’asile politique, ceci est encore plus difficile à vivre.
Il y a tout d’abord la barrière de la langue, qui peut engendrer des difficultés à mettre en
place sa nouvelle vie. De plus, le système politique et administratif en vigueur dans le pays
d’accueil, en l’occurrence ici en Suisse, nécessite des connaissances et des compétences
qui ne s’acquièrent qu’avec le temps ou avec l’aide de quelqu’un.
Toute personne qui quitte son pays pour aller s’installer ailleurs, quelles que soient ses
raisons, va faire l’expérience d’un « choc culturel », puisque celle-ci vient avec ses
propres références, son vécu, ses espoirs et tout « ce » et « ceux » qu’elle a dû laisser
derrière elle dans son pays. Il y a donc une phase de deuil dans le processus d’intégration
et surtout un phénomène d’altérité culturelle, mis en évidence par le changement de vie.
Une attitude de bienveillance et de politesse dans une culture donnée peut se traduire
comme une forme d’invasion de la sphère intime de l’autre au regard de la population du
pays d’accueil. Ce type de différence dans les références sociales et culturelles des
individus a pour effet de provoquer une certaine crainte chez les personnes venues d’un
autre pays. La nourriture est alors l’une des rares choses dans laquelle l’individu peut se
réfugier, en retrouvant une base importante de ses racines, de sa culture et de son histoire
de vie.
Gohier écrit en 1993: […] « L’identité ne se décline pas seulement sur le mode du Je ou du
Nous mais également sur le mode des rapports qu’entretient le Je avec les différents Nous
auxquels la personne participe ». (p. 23)
Lorsqu’un enfant ou un jeune arrive en Suisse avec ses parents, il va rapidement devoir se
familiariser avec le système scolaire et les codes culturels d’ici. La nourriture est
également un élément de différence prédominant dans la démarche d’intégration. Ainsi,
un enfant peut avoir le sentiment de trahir ses parents lorsqu’il adopte des habitudes
alimentaires ou même vestimentaires du pays d’accueil. L’enfant sera toujours face à une
dualité entre le fait de rester fidèle à sa culture et donc à ses proches, où de ressembler à
ses nouveaux camarades, par soucis d’être accepté et intégré au groupe.
Si l’enfant mange à la cantine de l’école ou dans un foyer, voire dans une quelconque
institution (crèche, unité d’accueil de jour, etc.), il va très vite prendre les manières de
table de son nouvel environnement. Dès lors, les parents sont parfois inquiets, à savoir, si
cela n’interfère pas dans la manière dont ils veulent éduquer leurs enfants. Mais cela ne
signifie pas que les enfants sont heureux de ses changements de manières de table et
notamment par le fait qu’ils n’ont peut-être plus à aider à préparer le repas. Tous les
enfants ne sont pas habitués à se faire servir des plats déjà préparés, où il n’y a plus qu’à
s’asseoir, voire tout à plus, à mettre la table.
Dans la culture africaine, « cuisiner » est un pouvoir. C’est souvent la femme qui prépare à
manger. Grâce à cette responsabilité, cela lui permet de gérer une certaine somme
d’argent pour les achats et de mettre en valeur ses compétences culinaires.
38
D’une certaine façon, être celle ou celui qui nourrit, confère un pouvoir de grande
importance dans le contexte familial et social, puisque transformer les aliments et leur
donner bon goût nécessite incontestablement des compétences. (Barou & Verhoeven,
1997)
En résumé, le changement de style de vie engendré par l’émigration, constitue
d’importantes différences culturelles dans les représentations des mœurs et des coutumes
et plus encore dans les pratiques alimentaires. Pour apporter un soutien aux problèmes liés
à l’altérité culturelle, les professionnels de l’action socioculturelle peuvent mettre en
place des actions qui visent à une meilleure valorisation des personnes, en sachant que
l’intégration des individus, passe davantage par le droit à la différence, plutôt qu’à
l’exigence de la reconnaissance de celle-ci, ce que je développe ci-après.
2.1.4 Identité culturelle et appartenance
L’identité est un processus constamment en mouvement, qui s’inscrit dans son histoire et
son contexte affectif et socioculturel.
Gohier écrit en 1993 :
Notre thèse est que l’identité globale d’une personne se construit dans une interaction
entre l’identité psycho-individuelle et l’identité sociale de l’individu, la première
faisant référence surtout à la dimension affective de la personne, c’est-à-dire, à son
sens ou sentiment d’identité, […] la deuxième, aux liens d’appartenance de l’individu
à différentes communautés, et aux identifications culturelles qui s’ensuivent.
Toutefois, l’une et l’autre dimension de l’identité doivent en dernier ressort être
filtrées par la signification que l’individu leur confère, puisque ce n’est que par cette
interprétation et cette distance qu’il pourra agir sur sa propre histoire personnelle et
développer des stratégies en tant qu’acteur social. […] (p. 32)
Le sens de l’identité nous apparaît […] devoir reposer plus sur l’adéquation de la
personne à elle-même, à un moment précis de son histoire, que sur la reconnaissance,
à travers le regard de l’Autre, d’une similitude qui s’inscrirait à travers le temps.
L’identité positivement vécue, et non pas déformée par les exigences d’un faux
« self », ne peut s’affirmer que s’il y a congruence entre ce que la personne dit et ce
qu’elle fait, en tenant compte de sa propre narration de son histoire personnelle.[…]
La personne ne serait sinon qu’une chimère figurant dans le théâtre de l’Autre. (p. 26)
Le processus d’identisation […] repose sur la reconnaissance par l’Autre du droit à
l’identité. C’est en fait strictement à partir de sa reconnaissance ou de la
reconnaissance du droit à son identité par l’Autre que la personne peut se poser et
accepter les interrelations avec l’Autre qui conduisent virtuellement à une
transformation identitaire qu’elle peut accepter, à partir du moment où elle est
reconnue pour ce qu’elle est. Dans ce sens, l’accent mis sur les ressemblances
favorisera la rencontre avec l’Autre et l’acceptation par l’Autre. La personne pourra
dès lors construire une identité affirmant à la fois des ressemblances et des
différences. (p. 36)
Dans la pratique professionnelle, il me paraît donc essentiel de faciliter l’intégration
sociale en valorisant l’identité globale de la personne, en partant de son propre répertoire
affectif et socioculturel. Selon la pensée de Gohier, l’individu ne peut en aucun càs vivre
positivement des transformations identitaires, lorsque celles-ci ne concordent pas avec ce
que la personne exprime et ce qu’elle fait.
39
Il me semble alors essentiel, qu’on ne peut pas imposer systématiquement une
alimentation correspondant à notre culture, mais au contraire, laisser une fenêtre ouverte
à l’expression culturelle et identitaire qui émane du répertoire alimentaire propre à
chaque ethnie et à chaque membre de celle-ci.
Selon la pensée de Gohier (1993), le processus d’une identité positivement vécue ne
repose donc pas uniquement sur un besoin de reconnaissance par l’Autre d’une similitude,
mais davantage par le droit d’être différent, mais encore, d’être libre de prendre le risque
d’afficher cette différence. Toutefois, une démarche interculturelle ne peut mettre
l’accent uniquement sur les différences. Cela ne ferait qu’accroître les antagonismes
culturels. Il s’agit en conséquence de mettre en évidence à la fois les ressemblances et les
différences.
Par exemple, présenter un met d’une culture donnée et expliquer ce qu’il contient, ce qui
représente une différence dans son essence, puis le présenter en tant que plat identitaire
typique de son pays de provenance, ce qui représente une similitude par rapport à
n’importe quelle autre culture, puisqu’en principe, on peut supposer que toute personne
est assez fière de son plat régional ou national.
Ci-après, je propose un schéma récapitulatif de l’approche de Gohier, 1993, pp. 26-36 :
identité psycho-individuelle
dimension affective
sentiment d’identité
identité sociale
liens d’appartenance
identifications culturelles
identité globale
reconnaissance par l’Autre
du droit à cette identité
transformations identitaires acceptées
ce que la personne dit
ce que la personne fait
cohésion
Construction d’une identité affirmant à la fois
des différences et des ressemblances.
40
2.2
Les cuisines d’ailleurs dans l’action socioculturelle – (éducative) :
motivations, limites et exemples
2.2.1 Interventions dans le cadre de l’école obligatoire
L’école est un lieu de socialisation et d’intégration pour l’enfant, quelles que soient ses
origines ethniques. C’est le lieu idéal pour apprendre la tolérance vis-à-vis des autres,
surtout lorsque les contacts s’inscrivent au sein d’un cadre pédagogique basé sur la volonté
que tous les enfants soient sur un même pied d’égalité.
L’enseignant, tout comme l’animateur, représente pour l’enfant un modèle « adulte ».
Lorsque ce premier reconnaît l’enfant dans son ensemble et le place avec d’autres enfants
de mêmes capacités, ce dernier s’en souviendra et pourra développer sa confiance en lui
tout au long de sa scolarité. Par ailleurs, Vasquez, 1992, p. 162, cité par Gohier, 1993, p.
33, montre que « Les stratégies d’intégration seront différentes selon l’histoire spécifique
de chaque personne, mais que, dans tous les cas, elles seront motivées par la valorisation
de soi. Ce que chacun cherche est une reconnaissance sociale qui le valorise. »
Si, à mon avis, la verbalisation permet la conscientisation, cette première méthode n’est
pas suffisante pour que le sujet puisse aller à la rencontre de l’autre, dans une optique
d’acceptation et de tolérance, car dans une approche verbale, il manque le contact
physique avec l’Autre.
Brief écrit en 1993 :
[…] Pour envisager une autre ethnie [ou une autre] culture, il faut établir auparavant
des rapports sensoriels évacués de toute conceptualisation démarquante. […] Le corps
à corps précède le face à face qui devance le côte à côte lorsque les relations
[évoluent] entre êtres humains. […]. (p. 65)
On comprend dans cette optique, que la pédagogie interculturelle passe aussi par le
sensible et en conséquence, par des activités telles que le théâtre, les jeux de rôles, la
danse ou encore l’activité « cuisine », puisque cette dernière propose que la nourriture qui
a été préparée par l’Autre, va ensuite être incorporée par le corps.
De plus, selon Marin (2005), l’interculturalité, au-delà du discours sur la théorie et la
méthode, se situe avant tout dans une expérience existentielle. (J. Marin, communication
personnelle, 7 novembre 2005).
En dehors des cours de « culture, alimentation et société », les cuisines d’ailleurs et
l’alimentation de manière plus générale, permettent une base de réflexion dans les
domaines suivants :
La santé :
La pyramide alimentaire – Quels aliments faut-il beaucoup consommer et pourquoi ? Quels
sont les aliments riches en fibres ? – Quels fruits et légumes contiennent des vitamines
importantes ? – Quelles sont les huiles les plus saines à utiliser pour la cuisson ? – A quoi
servent le fer et les protéines et quels sont les besoins en apport journalier ? - Comment
faire une cuisine savoureuse et pas trop grasse ? – Pourquoi faut-il consommer des produits
laitiers ? A quoi servent les vitamines du groupe B contenues dans le lait et les yaourts ? Les régimes sont-ils bons pour la santé et efficaces ? – Qu’est-ce que l’ostéoporose ? – Le
mauvais cholestérol concerne-t-il aussi les jeunes ? etc.
41
L’écologie :
Qu’est-ce que l’agriculture biologique ? – Quelle quantité d’énergie faut-il utiliser pour
transporter 10 kg de pommes depuis la Nouvelle-Zélande ? – Pourquoi acheter des fruits et
légumes de saison ? – Comment agir sur l’environnement lorsqu’on fait ses achats ? – Peuton cultiver des légumes dans n’importe quelle terre ? – Que signifie la mention « élevage
respectueux du bétail et de l’environnement » ? - Qu’est-ce que le développement
durable ? etc.
Les rapports Nord-Sud, la géographie et l’éthique :
Qui cultive les bananes, le café, le thé, les mangues et où ? – Qu’est-ce que le commerce
équitable ? – Comment vit l’agriculteur et qui s’enrichi ? – Comment agir lorsqu’on fait ses
achats ? – Combien y’ a -t-il d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur ? Dans quels pays cultive-t-on les avocats ? - Quels fruits trouve-t-on dans le commerce et
quand est-ce la bonne saison ? – Comment faire pour avoir de l’eau potable ? – Comment
poussent les ananas ? etc.
L’histoire :
D’où vient la pomme de terre et qu’elle rôle a-t-elle joué pour l’Occident ? - D’où viennent
les épices et quelle place avaient-elles dans la culture occidentale ? - Pourquoi mange-t-on
aujourd’hui assis autour de la table ? - Que mangeaient les rois et le peuple ? etc.
Les religions et philosophies :
Quels sont les croyances liées aux aliments ? – Quels sont les interdits alimentaires selon
les différentes religions ? – Quels aliments trouve-t-on le plus dans les différentes pratiques
religieuses ou philosophiques ? etc.
Les sens :
Jeux des odeurs et ateliers d’éveil sensoriel : l’odorat, le goût, la vue, le toucher et l’ouïe.
Pour aborder ces thèmes, on peut accompagner la réflexion d’une activité ou d’une sortie.
Il est aussi intéressant de demander à un élève d’amener une recette de son pays ou même
d’inviter l’un de ses parents à venir confectionner ou présenter sa spécialité. Cela permet
de respecter la réalité de la nourriture de l’enfant, car les recettes publiées dans certains
ouvrages, ne correspondent pas toujours aux pratiques alimentaires des diverses régions du
monde. Pour un même plat, les personnes ont plusieurs façon de l’apprêter et il n’y a donc
pas « une seule recette » pour élaborer un met.
De nos jours, les animateurs socioculturels sont amenés de plus en plus fréquemment à
intervenir dans les écoles, souvent avec une fonction de « chargé de prévention ». On peut
imaginer diverses interventions par des animateurs socioculturels au sein de l’école
obligatoire, autour du thème de la mixité des cultures en lien avec les cuisines d’ailleurs.
Par exemple, le professionnel pourrait se servir d’une « valise pédagogique » dans laquelle
il déposerait au préalable différents ingrédients utilisés dans les cuisines ethniques, pour
apporter un aspect ludique et visuel durant son exposé.
Ci-après, un exemple d’intervention menée par un enseignant lors des cours d’économie
familiale dans une école à Vevey.
42
2.2.2
Expériences culinaires dans une école à Vevey
Yvan Schneider est formateur d’adultes à la HEP de Lausanne et enseignant en C.A.S.
(culture, alimentation et société) à Vevey. Il a tenté diverses expériences de « cuisines du
monde » avec des classes de 8ème et 9ème année secondaire. Lors d’un cours de C.A.S.,
celui-ci a invité une classe enfantine à confectionner un repas avec des élèves de 8ème
année. Les plus grands prenaient leur rôle très au sérieux en aidant les plus jeunes et ce
fut une réussite sur le plan pédagogique.
Celui-ci m’a fait remarquer notamment, qu’on arrive presque toujours à proposer des
cuisines d’ailleurs, en choisissant celles qui ne représentent pas trop de dégoût (par
exemple, les jeunes ne mangent pas facilement du poulpe). Toutefois, préparer des
cuisines du monde entier demande des connaissances et un peu d’organisation, ce qui
n’est pas toujours facile à mettre en place pour les enseignants. Aussi, les cours de C.A.S.
doivent respecter l’horaire, il faut assister les élèves dans leurs tâches, certains ayant
davantage besoins d’aide, notamment pour les quantités de sel et d’épices à ajouter ou
sur la manière dont il faut procéder. Tout cela mobilise beaucoup l’enseignant, mais il est
toujours possible d’intégrer quelques réflexions.
Il me fait part notamment, d’une expérience menée à l’Alimentarium de Vevey, par le
biais de laquelle, il a été répertorié, toutes les préparations dont le contenu est enrobé
d’un contenant comestible, sous formes de « petits paquets ». Par exemple, les rouleaux
de printemps, les tortillas, les feuilletés, etc. L’idée était de réfléchir autour de ces
enrobages en essayant d’imaginer à quoi cela pouvait bien servir à l’origine ou en
émettant la supposition que cela servait à protéger la nourriture du feu (par exemple, à
l’image des feuilles de bananier).
(Y. Schneider, communication personnelle, 22 août 2005)
2.2.3 Interventions dans les centres de rencontres et d’animations et dans les milieux
associatifs
Les centres de rencontres et d’animations ainsi que les maisons de quartier sont des lieux
qui permettent aux populations locales de se rencontrer, d’échanger et de prendre part à
la vie associative du quartier. Dans l’approche interculturelle, la mise en valeur des
diverses « cuisines d’origine » des bénéficiaires et le repas interculturel sont des moyens
de valorisation bien connus de l’action socioculturelle et les avantages de cette pratique
sont nombreux.
Les repas interculturels permettent aux habitants d’un quartier aux diverses origines de se
rencontrer, de créer des amitiés, de vivre un moment de convivialité, de s’intéresser à ce
qui se passe dans le quartier, de mettre en valeur sa propre culture, de la transmettre à
autrui et d’apporter quelque chose de soi qui fait aussi plaisir aux autres. De plus, les
diverses communautés ont parfois tendance à rester entre elles et ces repas facilitent les
échanges entre les différents groupes culturels et créent un « pont » entre - eux.
« Cuisiner » pour les autres est aussi une façon de se présenter, car lorsque nous
transformons les aliments, nous mettons aussi une part de notre personnalité, de par la
manière dont nous apprêtons la nourriture et la disposons sur la table ou dans les assiettes.
43
L’activité « cuisines d’ailleurs » peut se dérouler aussi bien avec des enfants, des
adolescents, des adultes ou des personnes âgées fréquentant un centre de rencontre et
d’animation. Par ailleurs, les repas interculturels peuvent aussi servir à soutenir des
projets d’entraide à l’étranger, par exemple, en vendant des spécialités culinaires d’un
pays.
Selon Marin (2005), les repas interculturels facilitent l’intégration, dans la mesure où l’on
donne une place à l’usager et où on le reconnaît. C’est une façon de donner la parole, de
créer des espaces d’estime de soi et d’expression. Cette reconnaissance de la cuisine de
l’Autre lui permet d’exister et de s’ouvrir. Cela permet notamment de générer l’égalité
des chances, au niveau de la participation et à partir de la cuisine. Ceci notamment
lorsque des personnes « sans-papiers » sont obligées de se cacher : c’est un moyen de ne
plus être invisible, de participer à la société et de créer une mémoire collective. La
nourriture donne alors le « déclic » à une démarche participative. En conséquence, les
repas interculturels favorisent la démocratie. (J. Marin, communication personnelle,
10 juin 2005)
D’autre part, je pense que les différences dans les pratiques alimentaires entre les
multiples communautés culturelles en Suisse romande, pourraient faire l’objet de débats
très enrichissants au cours desquels les professionnels de l’action socioculturelle auraient
la possibilité de donner la parole aux usagers, c’est-à-dire aux parents et aux enfants d’un
quartier donné.
De la même façon qu’on peut aborder différents thèmes à l’école par le biais des cuisines
de tous horizons, il est possible de mettre en place divers projets dans les centres de
rencontre et d’animation, par la même démarche. En effet, les cuisines d’ailleurs
constituent un prétexte qui favorise la mise en évidence d’une culture et notamment les
difficultés à laquelle celle-ci est confrontée, ainsi que les valeurs qu’elle véhicule.
Par exemple, j’imagine un projet qui réunirait la confection de mets propre à une culture
donnée, préparée par les personnes concernées, en lien avec une exposition photo, un film
et un débat autour des questions et des valeurs concernant cette communauté. La
démarche pourrait être identique dans les milieux associatifs.
Lors de l’élaboration du présent travail, j’ai constaté à différentes reprises, qu’en général,
les personnes parlent très volontiers de la nourriture et que c’est un thème qui facilite
l’échange verbal, puisque nous avons tous des connaissances et une expérience personnelle
avec l’alimentation.
Ci-après, je propose une brève description d’une activité en lien avec les cuisines du
monde, mise sur pied au Centre de rencontre et d’animation de Grand-Vennes à Lausanne.
2.2.4 Repas interculturels au Centre de rencontre et d’animation
de Grand-Vennes à Lausanne
Une animatrice socioculturelle du Centre de rencontre et d’animation de Grand-Vennes à
Lausanne, a mis en place une activité « Cuisines du monde » qui se déroule une fois par
mois en soirée. Ce sont essentiellement des femmes d’origines diverses qui participent à
ces soirées. Certaines habitent le quartier, d’autres viennent de plus loin, grâce à un
réseau d’amitié qui s’est créé au fil du temps.
44
Le principe est simple mais efficace, puisque chaque mois, une personne du groupe
confectionne et apporte une spécialité de son pays ou tout simplement quelque chose
qu’elle aime bien apprêter. Sur place, une cuisine équipée est à disposition pour terminer
la préparation du repas.
Les frais sont divisés entre tous à la fin de la soirée et ne dépassent rarement fr. 10.— par
personne. Ces repas, auxquels j’ai participé, se déroulent dans la bonne humeur, on s’y
amuse beaucoup et c’est l’occasion de rencontrer de nouvelles personnes dans un contexte
purement convivial, où les discussions ne manquent pas !
Ceux-ci permettent notamment aux participantes, de faire une pause avec le quotidien et
de se consacrer un moment pour elles.
(M. Riard, observations personnelles, 5 octobre 2004, 4 novembre 2004)
(S. Nguyen , communication personnelle, 10 novembre 2004.)
2.2.5 Interventions dans les salles à manger d’institutions diverses
et d’établissements médicaux-sociaux
Selon Ouzzi (1998), certaines institutions et notamment les foyers d’accueils d’urgence
pour les enfants qui rencontrent des difficultés dans leur famille, sont confrontés à de
fortes résistances des usagers vis-à-vis de la nourriture. Cela est d’autant plus difficile
lorsqu’un lieu accueille des enfants dont les parents demandent l’asile et que ceux-ci ne
savent pas s’ils vont pouvoir s’établir en Suisse ou s’ils devront repartir à l’étranger. Dans
ce càs, les bénéficiaires ont de la difficulté à accepter une nourriture totalement
inhabituelle, étant coupé à la fois de leur famille et à la fois de leur pays.
Dans ce càs particulier, il peut s’avérer intéressant de mener une enquête auprès des
bénéficiaires sur leurs habitudes alimentaires et d’essayer de mettre en place des repas
qui vont dans ce sens. De plus, c’est un excellent moyen d’encourager la participation
active des bénéficiaires. Les cuisines lointaines peuvent alors être présentées sous forme
de repas ou encore en tant qu’activité éducative.
Dans les établissements médico-sociaux et les unités d’accueil temporaire, on trouve
actuellement une clientèle essentiellement suisse et européenne. Toutefois, on peut
imaginer qu’il y aura davantage de bénéficiaires aux multiples origines dans les années à
venir.
En gérontologie, on essaie en général de proposer aux personnes âgées des activités qui les
valorisent et qui sont basées sur des choses acquises et facilement reconnaissables,
permettant notamment de mettre l’accent sur des souvenirs agréables. En ce sens, il sera
peut-être nécessaire un jour de proposer à la table, des cuisines de tous horizons. De plus,
ces usagers n’ont plus la possibilité de planifier eux-mêmes des sorties au restaurant.
Par ailleurs, un nouveau concept est déjà entrain d’émerger, le « Manger Mains », qui a
pour objectif de rendre autonome l’alimentation des personnes atteintes de la maladie
d’Alzheimer, de Parkinson ou de troubles psychomoteurs. Le but étant de permettre aux
sujets dépendants qui ont des difficultés à manier les couverts, de retrouver leur
autonomie en se servant de leurs doigts pour manger. Pour ce faire, il faut que les
aliments soient présentés sous forme de bouchées, par exemple : des boulettes, des
bâtonnets, des cubes, des galettes ou des quenelles.
(F. Broggi, communication personnelle, 15 juillet 2005)
45
Dans les cuisines du Maghreb et du Moyen-Orient, on trouve beaucoup de préparations qui
d’une part, se mangent avec les mains et d’autre part, qui sont faciles à mâcher ou à
avaler (purée de pois-chiches, falafels, caviar d’aubergines …). Certains mets d’Amérique
latine comptent également toutes sortes de galettes à base de semoule de maïs et aussi
des boulettes de viande ou de fines tranches de bananes plantains rôties, qui peuvent
également se manger avec les mains, tout en étant des nourritures saines et appétissantes.
Sans oublier ici les fameux sushi(s) de la cuisine japonaise !
Toutefois, ce type de préparation en collectivité nécessite du temps, des ressources
humaines et des moyens supplémentaires et c’est souvent cette contrainte qui fait que les
cuisines lointaines sont moins présentes dans les institutions.
2.2.6
Repas gastronomiques au Centre de loisirs pour personnes âgées,
« Panorama » à Vevey »
Le Centre de jour du Panorama à Vevey comprend un Centre de loisirs, une Unité d’Accueil
Temporaire et une Salle à manger. C’est dans ce lieu que j’ai effectué mon expérience
pratique de 3ème année. Dans le cadre des activités du Centre de loisirs, une animatrice
socioculturelle propose un soir par mois une activité intitulée « Repas gastronomique »
durant laquelle des personnes âgées confectionnent et dégustent diverses spécialités
culinaires. Les bénéficiaires se partagent équitablement la préparation du repas et c’est
l’animatrice qui s’occupe des achats. Les recettes choisies peuvent se traduire par des
mets européens ou d’Outre mer. Il y a toujours un apéritif, une entrée, un plat principal et
un dessert.
Les usagers du Centre de loisirs se montrent très motivés et particulièrement enthousiastes
pour cette activité à laquelle ils participent fréquemment. Il y a également des
bénéficiaires qui n’ont jamais vraiment cuisiné durant leur vie active et qui s’y adonnent,
même plusieurs années après leur retraite. Ces repas, tout comme d’autres activités du
Centre, leur offrent l’occasion de maintenir une vie sociale satisfaisante, d’éviter le « repli
sur soi » et d’avoir encore quelques loisirs.
Contrairement aux idées reçues et après avoir interrogé plusieurs personnes âgées sur leur
rapport aux cuisines plus ou moins lointaines, celles-ci disent ne pas être dérangées par le
côté « fort » de certaines nourritures du monde, à partir du moment où les plats ne sont
pas exagérément épicés, car elles aiment ce qui est nouveau. Parmi les répondants que
j’ai interrogés, il y en a quelques uns qui ont eu l’occasion de voyager et ont déjà une
ouverture pour ce type d’alimentation.
De plus, certains usagers m’ont confié qu’ils fréquentent régulièrement des restaurants
chinois et achètent volontiers des plats « prêts à consommer » de type asiatique, lorsqu’ils
font leurs courses.
Mes répondants connaissaient pour la plupart les mets plus ou moins exotiques répandus en
Occident. Avec parfois, une difficulté à se souvenir du nom du plat, c’est-à-dire qu’ils ont
déjà goûté de la purée d’avocat aux tomates et aux oignons, mais ne font pas tout de suite
le lien avec le nom de ce met : le « guacamole ».
(M. Riard, observations personnelles et entretiens avec les bénéficiaires, 19 mai 2005).
(B. Bremgartner, communication personnelle, 12 mai 2005)
46
2.2.7 La semaine du goût
La « semaine du goût » se déroule en Suisse depuis 2001 et propose, en 2005, 695
événements dans tout le pays et ceci dans plus de 1000 lieux. Cette année, la semaine du
goût s’est déroulée du 15 au 25 septembre et fut parrainée par Fredy Girardet.
Les écoles sont notamment concernées par cette manifestation puisque le jeudi 15
septembre 2005 a été consacré à l’inauguration de la journée nationale du goût dans les
écoles, et comprenait 5 activités :
L’éveil sensoriel
L’Odyssée Gourmande offre une démarche concrète d’expérimentation, qui permet
l’éveil sensoriel d’enfants de 3ème primaire. Il met en évidence tous les sens impliqués
dans l’acte de manger. Les enfants redécouvrent ainsi différents aliments de base et
apprennent à nommer et décrire leurs perceptions avant et pendant la dégustation.
L’objectif final étant de mener l’enfant à dépasser le simple « j’aime / j’aime pas »
afin qu’il puisse se justifier « j’aime bien, parce que… / je n’aime pas, parce que… ».
Durant la 1ère partie de l’Odyssée les enfants sont amenés à s’interroger en classe sur
différents aspects du goût et sur leurs habitudes alimentaires. Puis, ils participeront à
l’aide de leur 5 sens à des ateliers de découverte de fruits, légumes, céréales, produits
laitiers et thés. Sous forme d’un jeu-concours inter-classes, l’Odyssée se déclinera en
quatre étapes permettant de découvrir les ingrédients d’une recette-mystère.
Initiation des enfants par les apprentis
Le projet permet également la rencontre entre jeunes élèves et apprentis. Cet
échange permet de mettre en valeur les compétences acquises par les apprentis au
cours de leur formation et d’en mettre à l’honneur les métiers de la bouche.
Reconnaissance des produits régionaux de saison
Par cette initiative au goût, les enfants apprennent également à identifier, au contact
des producteurs de la région, les produits de saison.
Des apports multiples
Cette rencontre entre enfants et apprentis mais aussi celle des apprentis et
producteurs, celles des étudiants de la HEDS, filière diététiciennes et celle des
apprentis permet de riches échanges, ouvertures, transmission de savoirs et
sensibilisation mutuelle.
Recette mystère
Au cours des activités, les enfants identifient différents ingrédients qui leur
permettront de découvrir la recette mystère, une délicieuse surprise concoctée par les
apprentis-confiseurs.
47
Suivi pédagogique
Lors de leur intervention en classe, les étudiantes diététiciennes suggéreront des
pistes aux enseignants pour approfondir le sujet et bien préparer leurs élèves en vue
de l’Odyssée Gourmande. Une fiche récapitulative reprenant les points essentiels des
activités réalisées le 15 septembre 2005 sera remise à l’enseignant à la fin du
parcours. Page Web : http ://www.gout.ch (2005)
Lors de la semaine du goût, des élèves de différentes régions de Suisse auront notamment
la possibilité de découvrir le goût par le biais de divers programmes dont :
- Visite d’une exploitation agricole en passant par la boucherie et le fumoir et
dégusteront des produits issus de la ferme.
- Visite d’une exploitation de bisons et dégustation de saucisses et de terrine de bison.
- Visite d’une fromagerie et de sa cave et dégustation de 4 spécialités dont la Tête de
Moine.
- 5 repas composés de 5 épices venant des 5 continents dans le but de découvrir ces
5 épices et de gagner un bon repas.
- Découvrir l’infinie variété d’utilisation d’un produit : l’aubergine servie en entrée, en
plat principal et en dessert.
- Une « boîte à goût » mobile se déplace dans la ville et permet aux enfants de
découvrir les 4 goûts de base.
- Découverte d’un vignoble et des différentes variétés de raisin suivi d’une dégustation.
- Visite d’un verger et fabrication de jus de pomme.
- Distribution d’un plateau repas dans une cantine avec quelques produits à identifier
suivi d’un concours avec une récompense à la clé.
- A travers différentes activités pratiques, inviter les jeunes à se comporter en
consommateurs responsables.
- Découvrir la fabrication du pain de seigle valaisan.
- Découverte de différentes épices dans le menu « Fourchette verte » d’un restaurant
scolaire.
- Découverte des épices orientales dans les menus « Fourchette verte » d’un restaurant
scolaire.
- 3 jours de découverte des produits de la ferme dans une « ferme pédagogique »,
fabrication de beurre, soupe aux légumes et tartes.
(Association pour la Promotion du Goût, 2005, pp. 23-46)
48
L’édition 2005 de la « semaine du goût » comporte peu de cuisines d’ailleurs et met
davantage en valeur les produits du terroir, toutefois on trouve au programme des
« cuisines du monde » proposées par Caritas, mais encore, des spécialités du Maroc,
d’Algérie, d’Iran, d’Inde, de Bali, de Thaïlande, du Brésil et du Vietnam, proposées par
différents restaurants, ainsi que de nombreuses possibilités de découvrir le monde des
épices.
2.2.8 Le projet « L’Europe se met à table » : multiculturalité,
identité européenne et habitudes alimentaires
Le projet « l’Europe se met à table. Multiculturalité, identité européenne et habitudes
alimentaires » a pour but de donner un goût d’Europe aux jeunes. Il s’agit de les
sensibiliser à l’identité/citoyenneté européenne, à une histoire – culinaire – commune,
tout en insistant sur la diversité et la richesse des cultures locales, régionales et
nationales. Il a entre autres pour objectifs :
- Une approche de la société multiculturelle par la nourriture.
- Favoriser l’intégration des jeunes dans l’Union européenne à travers l’apprentissage
des identités plurielles (locale, régionale, nationale, européenne) dans un contexte
multilingue, tout en renforçant la connaissance qu’ils ont de leur propre identité
culturelle.
- Enseigner les bonnes habitudes alimentaires, le respect du consommateur,
l’éducation du goût.
- Promouvoir l’enseignement professionnel et contribuer à la lutte contre l’exclusion
sociale.
- Encourager la mise en réseau des établissements scolaires, des autorités régionales et
des associations/fondations/organismes oeuvrant dans le domaine de la citoyenneté
européenne.
- Renforcer les liens entre le monde de l’éducation et le monde du travail en ce qui
concerne les métiers de l’alimentation et le secteur des loisirs en général.
- Proposer un projet éducatif interdisciplinaire qui contribue à la fois à la préservation
du patrimoine gastronomique européen, à l’éveil de la solidarité et au respect de la
différence.
A cette fin, le projet propose d’envisager l’enseignement de différentes disciplines du
cursus normal du secondaire suivant une perspective innovante et transversale
consacrée aux habitudes alimentaires. Il permettra, dans le cadre d’un partenariat
européen entre écoles secondaires, écoles hôtelières / de restauration, professionnels
de l’alimentation et autorités locales, de mettre en place des échanges réels et
virtuels via le multimédia entre les différents acteurs du projet.
Les cours d’histoire, de géographie, de français, de sciences, de technologies, de
langues, sont devenus le siège d’évocations thématiques concernant l’alimentation, la
gastronomie régionale, la découverte de produits artisanaux, l’histoire d’un mode de
vie.
49
De simple matière première de travail ou de consommation, les produits ont acquis
une histoire, un label, ils sont devenus des fenêtres par lesquelles les élèves ont pu
comprendre divers phénomènes naturels (les fermentations, extractions, effets sur
l’organisme, source d’énergie …), par lesquels ils ont eu accès à la culture (origine
historique, géographie, économie des producteurs, exploitation littéraire, picturale
…).
Activités envisagées :
- Mise en place et coordination d’un partenariat inter-scolaire au sein de l’U.E. en vue
de sensibiliser les jeunes à la multiculturalité et à l’identité européenne par les
habitudes culinaires.
- Mise en place des synergies au niveau national entre établissements d’enseignement
secondaire et enseignement professionnel en hôtellerie et restauration, partenaires
du secteur privé (secteur de l’alimentation) et autorités locales.
- Elaboration des contenus pédagogiques.
- Etudes, analyses comparatives, recherches sur le patrimoine culinaire européen.
- Echange « virtuel » entre les écoles par le biais des nouvelles technologies de
l’information (viso-conférences, communication Internet, envoi de cassettes vidéo,
etc.)
- Rencontre entre les participants en fin d’année pour l’événement « Un goût
d’Europe » : exposition, conférence, repas intégrant les recettes réalisées par les
classes impliquées.
- Publication d’un ouvrage présentant les différentes expériences réalisées dans le
cadre du projet.
- Réalisation d’un manuel pédagogique permettant de répéter l’expérience avec
d’autres pays / d’autres classes.
Le projet se termine le 19 mai 2001 par un événement intitulé « Un goût d’Europe ».
(http://www.europatable.org/accueil.htm, 2004)
50
2.2.9 Tableau récapitulatif non exhaustif des avantages apportés au travers des
cuisines ethniques dans la pratique socioprofessionnelle
Elargissement
de la culture générale
et des connaissances :
Aliments et ingrédients,
cultures ethniques et
coutumes, géographie,
agriculture, éthique,
environnement, santé,
religions, histoire, etc.
Lutte contre l’appauvrissement
culturel et la globalisation.
Alternative à l’esprit de
consommation, cela permet
une autre approche du rapport
à l’alimentation.
Permet une pédagogie active, Favorise les échanges et les
expérience directe par le
rassemblements de diverses
mangeur, suivi d’une réaction communautés culturelles.
ou d’un jugement.
Facilite l’action
Travail à partir de l’identité
socioprofessionnelle dans
de la personne.
l’approche de la mixité des
cultures.
Accessibilité à tous d’une
connaissance des cuisines du
monde entier.
Favorise une meilleure
cohésion sociale.
Prétexte à la réflexion, à
l’échange, aux débats,
suscite des réactions.
Permet une prise de
conscience : on se nourrit
aussi de symboles, de rêves,
de représentations et de
souvenirs affectifs.
Crée des espaces d’estime, de
parole, d’expression et de
démocratie.
Favorise l’intégration et
l’égalité des chances au
niveau de la participation et
à partir de la cuisine.
Permet l’implication nécessaire Développement de
et légitime des usagers.
compétences autour de
l’activité « cuisines du
Respecte l’identité affective,
monde ».
culturelle et sociale des
bénéficiaires.
Permet une approche sensible Mieux se comprendre , se
de la nourriture de l’ « Autre tolérer et se connaître en
inconnu ».
sachant que nos choix
alimentaires dépendent de nos
Intégration corporelle et
codes culturels et de nos
sensorielle d’une partie de la expériences acquis très jeune.
culture de l’Autre.
Mise en valeur et défense de
toutes les cultures
alimentaires.
Suscite la curiosité et favorise Propose un développement de
la notion de diversité
l’argumentation au delà-du «
alimentaire.
j’aime » - « j’aime pas ».
Peut faciliter l’alimentation
de certaines personnes âgées,
par le biais du « manger
mains ».
Ouvre une fenêtre sur le
développement du goût.
Droit à l’existence d’autres
cultures alimentaires. C’est
une façon de donner la
parole.
Permet l’affirmation de son
identité alimentaire.
Propose différentes
approches :
Nombreux supports
documentaires à disposition
(ouvrages et pages Web), ou
Apport des cuisines ethniques création d’une « valise
par un usager, un proche de
pédagogique ».
celui-ci, par un cuisinier, un
animateur socioculturel ou un Accès à l’« Alimentarium » de
enseignant.
Vevey et une fois par année, à
la « semaine du goût ».
51
Cohabitation possible des
diverses cuisines,
éventuellement en lien avec
une campagne d’information
ou de communication.
Le terroir de l’un devient
l’exotisme de l’autre et viceversa.
3.
Conclusions
3.1
Bilan du thème de l’objet d’étude
3.1.1
Vérification des 2 hypothèses
Hypothèse principale :
Les cuisines d’ailleurs sont des outils d’action et de réflexions essentiels dans l’approche
de la mixité des cultures et devraient être mises en valeur au sein des diverses
possibilités d’interventions socioculturelles. Entre autres, elles facilitent l’intégration et
l’égalité des chances dans la participation.
Comme je l’ai décrit dans le présent travail, nos pratiques alimentaires se sont largement
diversifiées et modernisées, ce qui signifie que nous avons beaucoup plus de choix à faire
dans nos pratiques nutritionnelles par rapport à nos proches ancêtres. Paradoxalement,
certains produits se sont uniformisés. Face à l’industrialisation des denrées et à la
mondialisation, les enfants et les jeunes perdent quelque peu la notion des saisons et la
notion du goût unique de chaque aliment. Ceux qui étaient considérés autrefois comme
exotiques et originaux, apparaissent de nos jours comme des nourritures banales aux yeux
des plus jeunes. En même temps, tous les enfants n’ont pas accès à une alimentation
variée à leur domicile et il peut y avoir, pour certains, un appauvrissement culturel dans
ce domaine.
D’autre part, la mixité des cultures en présence, les habitudes alimentaires et les
manières de table correspondant à chacune d’elles ; les difficultés engendrées par
l’émigration, ont pour effet de provoquer une altérité culturelle entre les différentes
populations en Suisse romande. La nourriture étant le domaine par excellence qui peut
susciter aussi bien l’attirance que le dégoût, il me semble alors essentiel que cette
dimension doit être abordée entre les populations d’origine et les populations émigrées.
Les cuisines d’ailleurs peuvent alors créer un « pont » entre les différentes communautés.
En même temps que ce type de cuisines favorise la réflexion et l’intégration, celles-ci
permettent un élargissement des connaissances du monde, de l’humanité et des grandes
questions soulevées par notre époque (agriculture, mondialisation, rapports Nord-Sud,
écologie, diversité culturelle, etc). De plus, elles favorisent la rencontre interculturelle en
créant un climat propice à l’ouverture d’esprit, à l’échange et à la convivialité.
Toutefois, la mise en place d’interventions en lien avec les cuisines de tous horizons
demande certaines connaissances et surtout du temps pour organiser les activités. Ces
inconvénients peuvent être surmontés par la nombreuse documentation que l’on trouve à
ce sujet. Par ailleurs, les cuisines « exotiques » que nous consommons en Europe sont
fortement « occidentalisées », d’une part, pour répondre à nos goûts et habitudes
alimentaires, d’autre part, parce qu’on ne trouve pas toujours les produits qu’il faudrait
pour respecter les recettes avec exactitude. Cependant, elles restent intéressantes dans
l’idée qu’elles permettent une diversification des connaissances du goût et qu’elles sont
avant tout un prétexte pour aborder la culture des autres, la connaissance du monde et de
l’environnement et elles sont un vecteur d’intégration et d’égalité des chances dans la
participation.
52
Cependant, il me paraît nécessaire de préciser ici, qu’il ne faudrait pas, à l’inverse,
stigmatiser l’alimentation des populations émigrées, de 1ère, 2ème ou 3ème génération, en
supposant que celles-ci sont totalement déstabilisées par la nourriture qu’elles trouvent en
Suisse romande. Bon nombre de personnes aux diverses origines apprécient quelques
spécialités de notre région et parfois, celles-ci ne connaissent pas elles-mêmes, des plats
qui proviennent pourtant de leur pays d’origine. C’est pourquoi je tiens à souligner ici qu’il
est important d’être vigilants à ne pas créer davantage de clichés figés en ce qui concerne
le rapport qu’entretiennent les diverses communautés culturelles de Suisse romande avec
notre nourriture locale, puisque cette dernière leur offre également une part d’exotisme
et leur permet de faire un pas en direction de la culture alimentaire suisse.
Par conséquent, le choix de vouloir ou de refuser de s’identifier à une culture alimentaire
donnée appartient définitivement à tout à chacun ; certaines personnes ayant davantage
besoin de retrouver des mets issus de leurs racines culturelles, d’autres, en revanche,
préférant adopter des pratiques alimentaires de notre région, certainement parce qu’elles
apprécient cela et qu’elles peuvent plus facilement s’identifier à la culture dans laquelle
elles évoluent au quotidien. Ce phénomène est encore plus prononcé lorsqu’une personne
vit en Suisse romande depuis son plus jeune âge et se sent tout aussi proche de sa culture
d’adoption que de sa culture d’origine.
D’autre part, certains cuisiniers s’appliquent énormément à élaborer des mets variés,
originaux et exotiques, alors que les bénéficiaires de ces repas n’apprécient pas cet effort
et se contenteraient de plats beaucoup plus simples. Je pense notamment ici aux enfants,
puisque ceux-ci sont encore dans une phase où ils développent leur goût et n’acceptent
pas facilement certains aliments au caractère prononcé. Il est vrai que la tâche des
cuisiniers dans les institutions se complexifie, puisque ceux-ci sont amenés à proposer des
menus qui doivent être à la fois sains et variés du point de vue de la santé et qui puissent
être apprécié des usagers. De plus, ils doivent encore prévoir des mets de substitution pour
les bénéficiaires qui ne mangent pas de porc ou de viande, ainsi que pour ceux qui sont
allergiques à certaines denrées. Ils sont amenés notamment à tenir compte des
programmes « Fourchette verte » ou des menus « Fitness », entre autres, dans les salles à
manger de certaines écoles.
De plus, il est parfois difficile de mettre en place des consensus entre les règles établies
par l’institution en ce qui concerne la prise des repas des usagers, ce que les bénéficiaires
eux-mêmes souhaitent manger ou pas, ce que les proches des usagers souhaitent pour eux
(s’il s’agit de mineurs ou de personnes sous tuteur), ou encore, selon les valeurs
personnelles de l’animateur ou de l’éducateur en matière d’alimentation.
La nourriture est donc une dimension très complexe en raison du rapport très individuel et
très personnel que nous entretenons avec elle. C’est pourquoi, il est important de noter
ici, que même si une institution fait beaucoup d’effort pour l’élaboration de ses repas, il
ne sera jamais possible de satisfaire toutes les personnes impliquées autour de cette
question. Toutefois, c’est précisément la mise en place d’une diversité des cultures
alimentaires qui permet aux bénéficiaires de pouvoir retrouver, certains jours, quelque
chose qui répond à leurs besoins.
53
Hypothèse secondaire :
L’intérêt de nombreuses personnes en Suisse romande pour les cuisines d’ailleurs laisse
supposer une possibilité de cohabitation des différentes pratiques alimentaires dans les
institutions, les milieux associatifs, les centres de rencontres et d’animation, les cantines,
les salles à manger et dans les écoles.
La quête d’aliments et d’ingrédients plus ou moins exotiques n’est pas nouvelle, même si
elle regagne de l’intérêt de nos jours. Cependant, il ne faut pas oublier que c’est aussi
grâce à l’émigration, que nous profitons des restaurants et épiceries spécialisés dans les
cuisines de tous horizons.
Même s’il faut parfois adapter les recettes aux produits que nous trouvons en Suisse
romande, je pense que la cohabitation des diverses pratiques culinaires dans les
institutions est envisageable, d’une part parce que cela permet de diversifier la nourriture
des romands, d’autre part, parce que cela représente la société multiculturelle
d’aujourd’hui.
De plus, il y a davantage de cuisiniers aux diverses origines et ceux-ci peuvent apporter
leurs connaissances et leur savoir-faire dans ce domaine. Par ailleurs, il est ressorti de ma
recherche, que les cuisines « ethniques » font apparaître nos pratiques alimentaires
régionales comme de beaux monuments.
C’est précisément cette mise en relief des différents modes alimentaires, qui contribue à
mettre en valeur notre cuisine de Suisse romande et non à la faire disparaître, puisque en
principe, on ne perd pas l’attachement à la nourriture de son terroir.
Toutefois, la mise en place d’une alimentation aussi diversifiée au sein des différentes
institutions, demande des ressources particulières ou supplémentaires (financement et
formation du personnel de cuisine, collaboration et communication entre l’équipe
d’animation/éducative et l’équipe en cuisine).
Par conséquent, il me paraît nécessaire, avant toute démarche d’intégration des cuisines
d’ailleurs dans l’alimentation quotidienne à l’intérieur des institutions, d’évaluer d’une
part, les besoins des usagers dans ce domaine et d’autre part, les ressources
supplémentaires à prévoir.
54
3.1.2 Commentaires sur l’axe de travail et conclusions
Cette analyse, qui a été basée essentiellement à partir du point de vue des professionnels
de l’action socioculturelle, de sociologues, anthropologues et historiens de l’alimentation,
m’a permis de mieux comprendre la dimension symbolique dans l’acte de « manger » et
surtout, la grande valeur affective que nous accordons à nos plats et ingrédients, issus de
nos racines ou de nos préférences alimentaires.
Cet aspect jouera un rôle très important pour moi dans mes futures approches
professionnelles, quelques soient les populations avec lesquelles je serai amenée à
collaborer ; puisque désormais, mon regard sur le rapport que nous entretenons avec la
nourriture a changé. Jusqu’ici, je pensais encore que nous pouvions plus ou moins
« maîtriser » notre alimentation, en effectuant des choix réfléchis. Cependant, la
recherche menée pour le présent travail, m’a démontré le contraire ; puisque notre
répertoire alimentaire se construit aussi en fonction de l’affection que nous avons eus pour
certains mets et ingrédients, tout au long de notre vie.
Je pense que lorsque nous mangeons ou que nous transformons de la nourriture, nous
souhaitons, d’une manière consciente ou inconsciente, obtenir une certaine « cohérence »
avec nous-mêmes et exprimons, simultanément, ce que nous sommes :
Gourmands ? - gastronomes ? - bios ? - écolos ? - hédonistes ? - philosophes ? - spirituels ? rationnels ? - soucieux de notre santé ? - originaux ? - conservateurs ? - innovateurs ?
curieux ? - généreux ? - parcimonieux ? - économes ? - dépensiers ? – créatifs ? – amoureux
de nos racines ? – lassés de notre terroir ? – modernes ? – traditionnels ? – globe-trotters ? –
ouverts ? - fermés ? – rêveurs ? - aventuriers ? – terre-à-terre ? - etc.
Cette prise de conscience du lien identitaire qui existe entre le « mangeur » et le
« mangé », me permettra de mieux évaluer les besoins des bénéficiaires, lorsque ceux-ci
et moi-même, seront confrontés à toutes les représentations que comporte la nourriture.
La principale difficulté de cette étude, était de décrire des aspects subjectifs ou
symboliques, d’un acte très concret, à priori banal et vital, qui est celui de « manger » ;
puisque d’ordinaire, nous parlons davantage des « diverses cuisines » sur le plan de la
santé ou du plaisir des papilles.
Toutefois, je ne regrette pas d’avoir choisi ce thème, même si celui-ci suscite toujours
plus de curiosité pour moi, comme par exemple, l’envie de découvrir et de goûter de
nouveaux plats, ou mieux encore, d’aller les déguster là où ils prennent leurs origines.
Il est vrai, qu’au-delà des théories sur le goût, le mieux est encore d’en faire une
expérience concrète. Alors … à vos fourchettes !
Mélanie Riard
55
Références bibliographiques
Amstalden, M., Ayrton, R., Cullati, S. & Origoni, P. (2003). Cultures alimentaires en Suisse
romande. (Rapport de recherche NO 2). Lausanne : Faculté des sciences sociales et
politiques, Institut d’anthropologie et de sociologie.
Ariès, P. (1997). Les fils de McDo : La McDonalisation du Monde. Paris : L’Harmattan.
Balland, C. (1997). Enquête alimentaire sur les juifs originaires de Tunisie à Belleville.
Ethnologie française, 1, 64-71.
Barou, J. & Verhoeven, M. (1997). Alimentation et rôles familiaux : la cuisine familiale des
immigrés africains. Ethnologie française, 1, 96-102.
Brief, J.-C. (1993). Identité, théorie de la connaissance et éducation interculturelle. In
Gohier & Schleifer (Ed.), La Question de l’identité : Qui suis-je ? Qui est l’autre ?. (pp. 6192). Québec : Logiques.
Bruegel, M. & Laurioux, B. (2002). Histoire et identités alimentaires en Europe. Paris :
Hachette.
Cervera, S. (1995). Cuisines et identités culturelles. Voyage des aliments. (Mille et une
bouches, NO 154, pp. 106-113). Paris : Autrement.
Chiva, M., (1996), Le mangeur et le mangé : la complexité d’une relation fondamentale. In
Giachetti, I. (Ed.), Identités des mangeurs – Images des aliments (pp. 13-17). Paris :
Polytechnica.
Cobbi, J. & Flandrin, J.-L. (1999). Tables d’hier, tables d’ailleurs. Paris : Odile Jacob.
Dinh, T.-H. (1997). Notre quotidien exotique : les repères culturels dans l’alimentation de
l’ « Asie en France ». Ethnologie française, 1, 27-38.
Fischler, C. (1996), Alimentation, morale et société. In Giachetti, I. (Ed.), Identités des
mangeurs – Images des aliments (pp. 31-52). Paris : Polytechnica.
Fischler, C. (2001). L’homnivore. Paris : Odile Jacob.
Fischler, C. (2003). Le paradoxe de l’abondance. Sciences humaines, 135, 22-27.
Fischler, C., Chiva, M., Perlès, C., Le Roy Ladurie, E., Nahoum, V., Gaulin S,. J.-C., Katz,
S.-H., De Garine, I., Aimez, P., Métaillié, G., Peeters, A., Douglas, M. & PiattelliPalmarini, M. (1979). La nourriture : pour une anthropologie bioculturelle de
l’alimentation. Paris : Seuil.
Flandrin, J.-L. & Montanari, M. (1996). Histoire de l’alimentation. Paris : Fayard.
Flandrin, J.-L. & Cobbi, J. (Ed.)(1999). Tables d’hier, tables d’ailleurs. Paris : Odile Jacob.
Flandrin, J.-L. (2003). Le goût a une histoire. Sciences humaines, 135, 32-35.
56
Fragnière, J.-P & Girod, R. (Eds) (2002). Dictionnaire suisse de politique sociale.
Lausanne : Réalités sociales.
Garabuau-Moussaoui, I., Palomares,
contemporaines. Paris : L’Harmattan.
E.
&
Desjeux,
D.
(2002),
Alimentations
Girard, J.-P. (1991). L’Alimentation : je mange donc je suis. Suisse : Georg.
Gohier, C., Schleifer, M., Brief, J.-C., Brunel, M.-L., Weber, S., Turgeon, M., Aboud, F.-E.
& Doyle, A.-B. (1993). La question de l’identité : Qui suis-je ? Qui est l’autre ? . Québec :
Logiques.
Hanicotte, C. (Ed.). (2005) Larousse des cuisines du monde. Paris : Larousse.
Hassoun, J.-P. & Raulin, A. (1995). Cuisines et identités culturelles. Homo exoticus. (Mille
et une bouches, NO 154, pp. 119-129). Paris : Autrement.
Hossenlopp, J. (1995). Cuisines et identités culturelles. Autre produit, autre « goût ».
(Mille et une bouches, NO 154, pp. 132-147). Paris : Autrement.
Hubert, A. (1995). Cuisines et identités culturelles. Destins transculturels. (Mille et une
bouches, NO 154, pp. 114-118). Paris : Autrement.
Jardin, E. (2002). Dis-moi comment tu manges. Sciences humaines, 133, 8-9.
Les saveurs du sacré. (2004). Le Monde des religions, sept.-oct., 36-45.
La semaine du goût (2005). Brochure officielle 2005. Suisse : Association pour la Promotion
du Goût.
Morvan, D. (Ed.) (2004). Le Robert : Dictionnaire pratique de la langue française. Paris :
France loisirs.
Ouzzi, A. (1998). Assiette, mon miroir : adaptation des enfants africains à la nourriture
occidentale. Mémoire de diplôme en éducation spécialisée, Ecole d’études sociales et
pédagogiques de Lausanne.
Poulain, J.-P. (2002). Sociologie de l’alimentation. Paris : PUF.
Mucchielli, A. (1986). L’identité. Vendôme : Presses universitaires de France.
Raimundo, D. & Perret-Clermont, A.-N. (1987). Psychopédagogie interculturelle. Fribourg :
Delval.
Rigal, N. (2000). La naissance du goût : comment donner aux enfants le plaisir de manger ?
Paris : Noesis.
Rozin, P. (1995). Cuisines et identités culturelles. Des goûts et dégoûts. (Mille et une
bouches, NO 154, pp. 96-105). Paris : Autrement.
Semprini, A. (1997). Le multiculturalisme. Vendôme : Presses universitaires de France.
Warnier, J.-P. (1999). La mondialisation de la culture. France : La découverte.
57
Sources Internet :
Ahmarani C., Fleurot, D., Moret, C. & Schopfer, F. (2003, 10 novembre). Alimentation à
texture modifiée, version « Manger Mains ». [Page Web].
Accès : http://www.aroval.net/promotions/classeur_alimentation_chap2003.pdf
Association pour la promotion du goût et la semaine du goût (2005, 17 août). [Page Web].
Accès : http://www.gout.ch
Bellisle (2003, 18 décembre). XIIèmes Rencontres scientifiques de nutrition. [Page Web].
Accès : http://www.institutdanone.org/avenir/colloques_scientifiques/rencontres_
scientifiques_de_nutrition/2003_edition_012_img_XIIemesRNS_FranceBellisle.pdf
Histoire du tabasco. (2005, 10 avril). [Page Web]
Accès : htpp://www.ouvroir.com/peschard/tabasco/inclus.html
Keseman, A. (2004, 19 novembre). L’Europe se met à table : Multiculturalité, identité
européenne et habitudes alimentaires. [Page Web]. Accès : http://www.europatable.org/
accueil.htm
Poulain, J.-P. (2005, 15 juillet). Influence sur l’image de soi. [Page Web]. Accès : http://
www.lesieur.fr/nutrition/article.html
Poulain, J.-P. (2005, 10 août). Le Végétarisme : Qu’est-ce que c’est ?. [Page Web]. Accès :
http://www.lesieur.fr/nutrition/article.html
Serre, M. (2002, 5 septembre). Saveurs du monde : traditions culinaires du monde [Page
Web]. Accès : http://www. saveurs.sympatico.ca
Communications personnelles :
Broggi, F. (2005), Animatrice socioculturelle au Centre de jour du Panorama à Vevey.
Bremgartner, B. (2005), Animatrice socioculturelle au Centre de jour du Panorama à
Vevey.
Nguyen, S. (2004), Animatrice socioculturelle au Centre de rencontre et d’animation de
Grand-Vennes (CRAG) à Lausanne.
Marin, J. (2004-2005), Docteur en anthropologie.
Schneider, Y. (2005), Professeur à la Haute Ecole Pédagogique de Lausanne (HEP) et
enseignant à l’Ecole Secondaire de Vevey. Membre du comité de l’Association pour la
promotion du goût et la semaine du goût.
Pour les autres communications personnelles, l’anonymat des personnes interrogées est
respecté.
58
Annexe 1 : Lexique des ingrédients du monde
59
Lexique des ingrédients du monde
Maghreb et Moyen-Orient :
Eau de rose
Liquide obtenu de la distillation de pétales de roses, possédant une saveur
très parfumée. Assaisonnement très populaire au Moyen-Orient, elle
aromatise les crèmes, pâtes, glaces et certains plats de volaille.
Harissa
Assaisonnement très fort qui contient des piments secs trempés et pilés, de
l’ail et du sel. On y ajoute parfois de la coriandre, de l’huile d’olive et du
carvi (cumin).
Huile
de carthame Extraite des graines de carthame, plante originaire d’Orient ; cette huile au
parfum prononcé est surtout utilisée à froid.
Ras El
Hanout
Sumac
Mélange d’épices dont il existe plus d’une vingtaine de variétés, composé de
boutons de roses, maniguette, lavande, cardamome, poivre long, poivre à
queue, muscade, piment, cannelle, girofle, gingembre, curcuma et nigelle.
Baies dont la couleur varie du rouge au brun ou au pourpre, provenant d’un
arbuste de la région méditerranéenne. Goût légèrement acidulé rappelant
celui du citron. Très apprécié en Syrie, au Liban et en Turquie.
Afrique noire :
Gombo
Fruit qui existe en diverses variétés, on en consomme aussi les feuilles.
D’abord blanchi, le fruit est passé au beurre, braisé au gras ou apprêté en
purée.
Giraumon
Légume de la famille des courges, de chair ferme et douce.
Huile
de palme
Obtenue à partir du fruit d’une espèce de palmier africain. Goût et parfum
légers, utilisée de multiples façons. On la retrouve aussi dans la cuisine
brésilienne.
Igname
Tubercule à la chair blanche, jaune ou rosée, qui existe en diverses variétés.
Utilisée un peu comme la pomme de terre. Sert à la confection de purées,
de beignets ou de frites.
Manioc
Plante dont on consomme les racines. La chair est blanche sous une écorce
brune. Elle est pilée, réduite en semoule, sucrée ou salée. Elle est préparée
en galettes ou en bouillies.
Patate
douce
Tubercule à la peau violacée dont la chair est sucrée et farineuse. Utilisée
comme toute pomme de terre.
60
Pâtisson
Légume de la famille des courges qui rappelle le goût de l’artichaut.
Blanchi, puis sauter à l’huile ou farci.
Pois de bois
Gousse contenant des graines vertes ou rouges. Consommés presque comme
nos petits pois, en soupe ou en garniture. On en extrait aussi de la farine.
Poivre
des oiseaux
Sorgho
Poivre blanc provenant de la vallée volcanique du Penja au Cameroun. Il est
doux, très fin, très élégant, rare et recherché.
Céréale issue d’une graminée très résistante à la chaleur et à la sécheresse.
Le Sorgho-grain est séché puis transformer en farine et sert à la confection
des gâteaux-plats et des poudings. Il ne peut pas entrer dans la fabrication
du pain.
Caraïbes / Amérique du sud et centrale :
Banane
plantain
Fruit à peau verte dont la chair se consomme en légume cuit, frite, en purée
ou encore en dessert, cuite au four.
Carambole
Fruit dont la forme étoilée permet de décorer les assiettes. Il se consomme
avec du sucre, en confiture ou pour accompagner divers plats.
Chérimole
Appelé aussi Anone, fruit en forme de cœur à l’allure d’un artichaut.
Colombo
Désigne à la fois un mélange d’épices et une série de plats créoles. La
composition de ces épices peut varier, mais il contient généralement :
coriandre, cumin, moutarde, fenugrec, riz, poivre et girofle ou encore :
gingembre, cumin, muscade, cannelle et cardamome. On y ajoute le
curcuma qui lui donne sa couleur jaune ainsi que de l’ail, du thym et des
oignons. Parfois, on y ajoute encore du piment frais ou sec.
Corossol
Gros fruit pouvant aller jusqu’à 1 kg, de couleur vert sombre à jaunâtre à
maturité. De saveur sucrée, à déguster cru, frit ou en beignets pour
accompagner un poisson poêlé.
Fruit
à pain
Fruit de l’arbre à pain, de forme ovale et de couleur verte à jaunâtre, à
forte teneur en amidon, cuit à l’eau, préparé aussi en purée, frit ou en
chips.
Goyave
Fruit du goyavier, de saveur douce et très parfumée, consommée fraîche ou
cuite au four.
Jaboticaba
Fruit brésilien de couleur noire ou pourpre, dont la chair est translucide,
blanchâtre ou rosâtre. Nourrissant et sucré, il se consomme comme du
raisin.
Maracuja
Appelé aussi fruit de la passion, on en consomme le jus et les pépins.
61
Asie :
Ajowan
Plante qui ressemble un peu au persil dont les graines brunes-rouges ont une
saveur plus proche du thym, dès qu’elles sont pilées.
Asa-fœtida
Résine séchée, extraite des rhizomes de 2 espèces de fenouil géants, qui
poussent en Inde et en Iran. Parfume les légumes, les poissons et les sauces
indiennes.
Bergamote
Fruit du bergamotier à la forme d’une poire de couleur jaune. Le zeste est
utilisé dans la confection de la pâte de curry.
Cannelle
Ecorce du cannelier, arbuste originaire du Sri Lanka.
Cardamome
Buisson qui donne de petits fruits récoltés avant maturité. Une fois séchés,
ceux-ci prennent l’aspect de graines vertes, blanches ou brunes, au goût
légèrement camphré.
Curcuma
Il est extrait de la tige souterraine d’une plante vivace. Le rhizome est
découpé puis cuit à la vapeur avant d’être séché et réduit en poudre.
Daikon
Appelé aussi radis du Japon, plante potagère dont on consomme la racine
oblongue et blanche.
5 Epices
Mélange d’épices chinois de couleur brun-roux, composé de poivre de
Sechuan, clou de girofle, fenouil, cannelle, cardamome, gingembre, réglisse
et anis étoilé (badiane). Très utilisé en Chine et au Vietnam.
Fenugrec
Plante qui donne de petites graines jaunes dont l’arôme rappelle celui du
céleri et de la Livèche.
Feuilles de
curry
Galanga
Garam
masala
De couleurs vertes, elles proviennent d’un arbuste que l’on trouve à l’état
sauvage dans le sud de l’Inde et au pied de l’Himalaya.
Epice qui provient d’un rhizome à la pulpe orange dont l’arôme rappelle un
peu celui du safran.
Mélange d’épices du nord de l’Inde, qui se compose traditionnellement de
coriandre, de cardamome, de poivre noir, de clous de girofle, de laurier et
de cannelle. Il en existe plusieurs variantes plus ou moins épicées, qui
peuvent rassembler jusqu’à 12 épices.
Ghee
Beurre clarifié utilisé essentiellement dans la cuisine indienne. Forme de
beurre dont on a enlevé l’eau et les éléments solides du lait par la chaleur
et la filtration. Utilisé solide ou liquide, on peut aussi le remplacer par du
beurre classique ou de l’huile.
Gingembre
Herbe dont on utilise le rhizome, c’est-à-dire la racine, dont la forme est
charnue et bosselée
62
Hijiki
Petites algues noires qui apportent du goût aux légumes, aux salades et au
poulet.
Jaque
Enorme fruit dont la chair, une fois cuite, a un peu la saveur du pain et
s’accommode le plus souvent en beignets.
Kaki
Fruit national du Japon, très coloré et de la taille d’une tomate.
Konbu
Variété de varech comestible à grandes feuilles qui entre dans la
composition de divers bouillons.
Kumquat
Agrume nain à l’apparence et au goût de l’orange.
Mangoustan
Fruit rond à peau épaisse et rouge sombre de la taille d’une mandarine,
dont la pulpe blanche-rosée est juteuse.
Nashi
Poire chinoise.
Nèfle du
Japon
Fruit jaunâtre dont la chair de couleur crème ou orangée est aigrelette,
sucrée et rafraîchissante. Son goût rappelle celui de la cerise ou de la prune.
Les pépins ne sont pas comestibles.
Nigelle
Graines noires d’oignon sauvage au goût piquant, parsemées sur le pain et
les gâteaux.
Nori
Algue marine comestible qui sert à envelopper les aliments, notamment les
sushi(s) et les maki(s).
Pak-Choi
Choux chinois blanc.
Pâte de
curry
Pavot
Poivre noir
Sarawak
Poivre
de Sechuan
De couleur rouge, jaune ou verte selon le piment utilisé, sa saveur vient en
partie du zeste de bergamote qui entre dans sa composition.
Petites graines noires et dures qui entrent dans la composition des mélanges
d’épices. Réduites en poudre, elles servent aussi à lier les sauces.
Poivre de Bornéo en Indonésie, aux notes fraîches et boisées. Il fait partie
des meilleurs poivres du monde.
Poivre très aromatique à l’enveloppe rouge et au noyau noir plus amer.
Comme son nom l’indique, il provient de la région de Séchuan en Chine
(appelé parfois poivre de Chine).
Safran
Plante dont la fleur, presque violette, possède des stigmates orangés très
fragiles. Recueillis à la main, puis séchés, ils sont utilisés en filaments pour
parfumer et colorer toutes sortes de sauces.
Ramboustan
Fruit rouge, cousin du litchi.
63
Tamarin
Fruit du tamarinier, gousse brune de forme allongée dont la pulpe à saveur
aigre-douce sert à rehausser le goût de certains mets.
Tofu
Pâte blanche obtenue à partir de graines de soja trempées et écrasées en
purée. Celle-ci est ensuite bouillie et coagulée à l’aide d’un gélifiant.
Vadouvan
Mélange d’épices et d’oignons séchés pour aromatiser les currys de poissons
et de viande.
Wakame
Algue vert foncé tirant sur le brun, vendue séchée et devant être réhydratée
pour entrer dans la composition des mets.
Wasabi
Condiment en pâte de couleur verte à la saveur fortement poivrée, obtenu à
partir de la racine d’une plante vivace à fleurs blanches, dont le goût
rappelle celui du raifort. Il accompagne divers mets du Japon.
64
ANNEXE 2 : RECETTES DU MONDE
65
RECETTES DU MONDE
ANTILLES
Poulet sauté aux bananes plantains
pour 4 personnes
préparation 25 min
cuisson 50 min
1 poulet de 1,250 kg
2 bananes plantains
100 g de lard
50 g de beurre
12 échalotes
1 cuill. à soupe de graines de cardamome
1 cuill. à soupe de cumin
1 cuill. à soupe de macis
1 bouquet de persil
sel, poivre
1. Pelez les bananes, en retirant les filaments blancs. Mettez-les dans une casserole avec
du sel, couvrez d’eau. Faites-les cuire 30 min. Egouttez-les. Coupez-les en rondelles de 2
cm d’épaisseur.
2. Coupez le poulet en morceaux. Détaillez le lard en petits cubes. Faites fondre le beurre
dans une cocotte et faites-y revenir le poulet et le lard. Salez, poivrez et mélangez.
3. Lavez soigneusement le persil et pelez les échalotes. Ajoutez-les dans la cocotte,
arrosez de 10 cl d’eau. Couvrez et laissez mijoter 40 min à feu doux, en mélangeant de
temps en temps. Ajoutez un peu d’eau si nécessaire.
4. Rajoutez les épices et les rondelles de banane 10 min avant la fin de la cuisson.
5. Retirez le bouquet de persil et servez directement dans la cocotte.
Accompagnez de haricots rouges, d’ignames, de choux de Chine et de riz créole.
66
BOLIVIE
Humitas
pour 4 personnes
préparation 15 min
cuisson 20 min
330 g de grains de maïs
2 poivrons rouges
3 échalotes
10 cl de lait
huile
2 œufs
piment fort en poudre
75 g de sardo (fromage sec)
sel
1. Faites griller les poivrons à la flamme du gaz ou sous le gril du four pendant 10 min
Pelez-les, ôtez les pédoncules, les graines et les filaments blancs. Pelez les échalotes.
Hachez-les avec les poivrons.
2. Rincez et égouttez le maïs. Passez-le au mixer en y incorporant le lait.
3. Faites chauffer 10 cl d’huile dans une poêle. Faites-y revenir le hachis de poivrons et
d’échalotes 5 min en remuant de temps en temps.
4. Cassez les œufs et battez-les en omelette. Versez la purée de maïs dans la poêle puis
les œufs battus. Assaisonnez de piment selon votre goût. Salez. Prolongez la cuisson 2 ou 3
min pour que les œufs cuisent.
5. Râpez le fromage et incorporez-le à la purée. Mélangez. Retirez aussitôt du feu et
servez.
Traditionnellement, les humitas se préparent dans des feuilles de maïs. Le sardo est un
fromage sec, proche du cantal par le goût.
67
BRESIL
Crêpes de potiron
pour 6 personnes
préparation 20 min
repos 1 h
cuisson 30 min
750 g de potiron
200 g de farine
4 oeufs
4 cuill. à soupe d’huile
1 cuill. à café de levure en poudre
50 cl. de lait
piment en poudre
sel
1. Retirez l’écorce du potiron, les graines et la partie fibreuse. Coupez la pulpe en
morceaux. Faites cuire 20 min à la vapeur. Passez au mixer.
2. Mélangez la farine à la purée de potiron.
3. Incorporez au mélange les œufs l’un après l’autre, 2 cuillerées à soupe d’huile et, en
dernier, la levure. Mélangez.
4. Versez le lait en filet. Vous devez obtenir une pâte lisse. Salez, poivrez et saupoudrez
de piment. Mélangez de nouveau.
5. Couvrez d’un linge, laissez reposer la pâte pendant 1 h.
6. Faites chauffer une poêle très légèrement enduite d’huile.
7. Versez-y une bonne louche de pâte. Ces crêpes doivent être épaisses. Dès que la pâte
commence à prendre, faites des trous à la surface avec une fourchette.
8. Cuisez les crêpes 4 ou 5 min en les retournant à la mi-cuisson.
9. Maintenez les crêpes au chaud entre 2 assiettes posées sur une casserole d’eau
bouillante pour qu’elles ne se dessèchent pas.
68
CANADA
Chaudronnée de poisson
pour 4 personnes
préparation 30 min
cuisson 40 min
1 kg de poissons de mer préparés par le poissonnier :
cabillaud, merluche (colin) et merlan
2 oignons
4 gousses d’ail
1 gros bouquet de persil
1 poireau
1 brin de thym frais
1 feuille de laurier
100 g de beurre
2 citrons
sel, poivre
1. Pelez l’ail et les oignons. Lavez et équeutez le persil. Puis hachez ensemble ail, oignons
et persil. Versez le tout dans une cocotte.
2. Nettoyez les poissons, posez-les sur le lit d’aromates. Couvrez d’eau tiède.
3. Lavez le poireau, ôtez la racine et l’extrémité dure des feuilles, fendez-le en 2.
Coupez-le en tronçons de 5 cm de longueur.
4. Dans la cocotte ajoutez le thym, le laurier et le poireau. Salez et poivrez à votre goût.
5. Couvrez, portez à ébullition, puis laissez cuire 40 min.
6. En fin de cuisson, au moment de servir, ajoutez le beurre en petits morceaux.
7. Lavez les citrons, coupez-les en quartiers, mettez-les au fond d’un plat de service
creux, versez la chaudronnée dessus.
Accompagnez avec du riz créole.
69
GRECE
Moussaka
pour 6 personnes
préparation 1 h 30
dégorgement 1h
cuisson 2 h 10
1 kg d’aubergines
1 gros oignon
30 cl d’huile d’olive
500 g de bœuf (ou de mouton) haché
500 g de tomates
1 cuill. à café de cannelle en poudre
noix de muscade
3 cuill. à soupe de chapelure
100 g de fromage kefalotyri râpé
sel, poivre
1. Lavez et essuyez les aubergines. Otez les pédoncules. Coupez la chair des aubergines en
rondelles. Salez-les et faites-les dégorger dans une passoire pendant 1 h.
2. Pelez et émincez l’oignon. Faites chauffer un peu d’huile dans une sauteuse et faites-y
revenir l’oignon puis la viande hachée. Salez, poivrez et mélangez à l’aide d’une cuillère
en bois pour que la viande s’émiette.
3. Plongez les tomates 1 minute dans de l’eau bouillante, pelez-les, épépiniez-les et
concassez-les. Versez-les dans la sauteuse. Saupoudrez de cannelle et de muscade râpée,
mélangez et couvrez. Prolongez la cuisson à feu doux pendant 40 min. en remuant
légèrement.
4. Rincez les aubergines et épongez-les. Faites-les frire dans une poêle dans le reste de
l’huile chaude.
5. Préchauffez le four à 180° (therm. 5).
6. Huilez un grand plat à gratin et parsemez-le avec la moitié de la chapelure. Disposez-y
la moitié des aubergines. Recouvrez-les avec la sauce à la viande, parsemez avec la moitié
du fromage râpé et terminez par une autre couche d’aubergines. Saupoudrez avec le reste
de fromage mélangé à la chapelure.
7. Enfournez. Surveillez le plat. Dès l’ébullition, baissez le thermostat à 130° C (therm. 23) et faites cuire environ 1 h.
8. Mettez le thermostat sur la position gril. Remontez le plat à gratin sur la partie haute
du four et laissez gratiner 5 min environ. Sortez du four et servez chaud.
Ce plat est aussi consommé en Turquie et dans les Balkans. On peut aussi recouvrir la
moussaka d’une couche épaisse de béchamel avant de parsemer de fromage râpé.
70
HONGRIE
Goulasch
pour 4 personnes
préparation 10 min
cuisson 1 h
500 g de bœuf dans la culotte
12 petits oignons blancs
125 g de saindoux
2 cuill. à soupe de paprika
1 cuill. à café de cumin en poudre
1 cuill. à soupe de marjolaine
30 cl de vin rouge corsé
250 g de pommes de terre
5 tomates
2 poivrons verts
1 cube de bouillon de bœuf
sel
1. Pelez les oignons, coupez-les en fines rondelles. Faites fondre le saindoux dans une
cocotte, faites-y revenir les oignons 5 min en remuant avec une spatule.
2. Coupez le bœuf en cubes de 6 cm de côté. Ajoutez-les dans la cocotte et faites-les
revenir. Assaisonnez avec le paprika, le cumin et la marjolaine. Salez. Arrosez de vin et
poursuivez la cuisson pendant 20 min sur feu doux en remuant de temps à autre avec une
spatule en bois.
3. Pelez les pommes de terre, coupez-les en morceaux. Plongez les tomates pendant 1 min
dans de l’eau bouillante, pelez-les, épépinez-les et concassez-les.
4. Lavez les poivrons, ôtez les pédoncules, fendez-les en 4, éliminez les graines et les
filaments blancs, coupez la chair en lanières.
5. Ajoutez ces légumes dans la cocotte. Arrosez de 4 cuillerées à soupe d’eau. Emiettez le
cube de bouillon et remuez pour qu’il se dissolve bien. Prolongez la cuisson à petits
bouillons pendant 25 min. Versez dans un plat creux et servez.
Accompagnez le goulasch de pâtes, d’une purée de pommes de terre ou de knödel.
71
INDE
Curry de Madras
pour 4 personnes
préparation 30 min
repos 30 min
cuisson 30 min
4 blancs de poulet
2 poivrons verts
2 poivrons rouges
1 oignon
2 cuill. à soupe de ghee (ou d’huile)
sel
pour la poudre de curry de Madras :
2 piments rouges secs
25 g de graines de coriandre
15 g de graines de cumin
1 cuill. à café de graines de moutarde
15 g de grains de poivre noir
2 feuilles de curry fraîches (ou de laurier)
1 grosse pincée de gingembre moulu
1 cuill. à café de curcuma moulu
1. Préparez la poudre de curry. Otez les pédoncules des piments secs. Faites griller à sec
les piments, la coriandre, le cumin, les graines de moutarde et le poivre.
2. Versez-les dans un mortier, pilez finement.
3. Faites griller à sec dans la même poêle les feuilles de curry. Pilez-les, ajoutez-les au
mélange précédent, ainsi que le gingembre moulu et le curcuma. Mélangez.
4. Enduisez les blancs de poulet de poudre de curry, laissez reposer 30 min.
5. Lavez les poivrons, fendez-les en 4, ôtez les pédoncules, les graines et les filaments
blancs. Coupez-les en petits dés. Pelez et émincez l’oignon.
6. Dans une sauteuse, faites-le dorer dans le ghee. Emincez les blancs de poulet. Ajoutezles dans la sauteuse avec les poivrons. Laissez dorer quelques minutes. Arrosez de 25 cl
d’eau chaude et portez à ébullition.
7. Baissez le feu, salez, couvrez et faites cuire 20 min. Versez dans un plat creux et servez
chaud.
Accompagnez d’un riz blanc. La poudre de curry préparée dans cette recette peut
servir à d’autres plats de viande, de légumes ou de poisson.
72
IRAN
Glace au safran
pour 8 personnes
préparation 25 min
congélation 4 h 30
pour la crème épaisse :
15 cl de lait
150 g de crème fraîche
pour la glace :
3 jaunes d’œufs
75 g de sucre semoule
45 cl de lait
150 g de crème fraîche
½ cuill. à café d’extrait de vanille
½ cuill. à café de safran en poudre
1,5 cl d’eau de rose
1. Préparez la crème épaisse. Mélangez le lait et la crème fraîche. Faites durcir ce
mélange au congélateur.
2. Préparez la glace. Battez les jaunes d’œufs et le sucre jusqu’à ce que le mélange
devienne bien mousseux.
3. Portez le lait, la crème fraîche et la vanille à ébullition. Baissez le feu.
4. Versez peu à peu le mélange œufs-sucre dans la casserole en remuant jusqu’à
épaississement. Retirez du feu.
5. Diluez le safran dans un peu d’eau chaude. Versez dans la casserole ainsi que l’eau de
rose.
6. Mélangez le tout et versez dans la sorbetière. Placez dans le compartiment à glace du
réfrigérateur ou au congélateur pendant environ 3 h.
7. Sortez la crème épaisse déjà prise et coupez-la en petits morceaux. Remettez ceux-ci
au froid.
8. Sortez la glace et la crème épaisse du congélateur 30 min avant de servir. Disposez la
glace dans des coupes individuelles. Parsemez de morceaux de crème épaisse. Mettez dans
le réfrigérateur jusqu’au moment de servir. Décorez avec des feuilles de menthe fraîche.
73
MALAISIE
Légumes frits aux cacahuètes
pour 6 personnes
préparation 35 min
cuisson 30 min
150 g de cacahuètes fraîches
8 oignons blancs
1 concombre
125 g de haricots verts
2 carottes
2 gousses d’ail
8 échalotes
1 mangue
2 cuill. à soupe d’huile
1 cuill. à café de curcuma moulu
1 cuill. à café de sucre semoule
1 cuill. à café de vinaigre de riz (ou vinaigre blanc)
25 cl de bouillon végétal
sel
1. Sortez les graines de cacahuètes de leurs cosses. Enlevez la peau rouge qui les entoure.
Faites-les griller à sec dans une poêle pendant quelques minutes sans cesser de les remuer.
Versez-les dans un mortier et concassez-les grossièrement.
2. Pelez les oignons, coupez les tiges vertes. Epluchez le concombre, coupez-le en 2 en
longueur, évidez-le de ses graines et coupez la chair en bâtonnets.
3. Effilez les haricots verts. Coupez-les en 2. Grattez les carottes, lavez-les et coupez-les
en rondelles. Pelez et écrasez l’ail. Pelez et émincez les échalotes.
4. Epluchez la mangue. Coupez-là en 2, retirez le noyau et découpez la chair en morceaux.
5. Faites chauffez l’huile dans un wok. Faites-y revenir les carottes et les oignons jusqu’à
ce qu’ils prennent couleur. Ajoutez le curcuma et le sucre, l’ail, les échalotes, puis
mouillez de vinaigre, salez et poursuivez la cuisson à feu vif pendant 1 min.
6. Ajoutez les dés de mangue, le concombre, les haricots et les cacahuètes. Arrosez de
bouillon. Baissez le feu et prolongez la cuisson environ 15 min jusqu’à ce que les légumes
soient tendres. Servez chaud.
74
NOUVELLE - ZELANDE
Agneau au kiwi
pour 6 personnes
préparation 1 h
repos 1 h
cuisson 15 min
6 côtelettes d’agneau
2 kiwis
150 g de camembert
sel, poivre
pour 300 g de pâte feuilletée :
200 g de farine tamisée
farine ordinaire
100 g de beurre
sel
1 jaune d’œuf
1. Préparez la pâte feuilletée. Versez la farine dans une terrine et faites un puits. Mettezy 5 cl d’eau et 1 pincée de sel. Délayez progressivement avec une spatule, puis à la main.
Travaillez rapidement et formez une boule. Laissez-la reposer 20 min. Farinez le plan de
travail et abaissez la pâte en lui donnant la forme d’un rectangle plus épais au centre.
Placez le beurre mou au milieu de la pâte. Rabattez celle-ci par-dessus et soudez les
bords. Etalez ensuite ce pâton en un rectangle de 1 cm d’épaisseur. Pliez-le en 3. Tournez
la pâte de ¼ de tour vers la droite et donnez tout de suite le deuxième tour, c’est-à-dire
recommencez la même opération (étalez en 1 rectangle, etc.). Laissez reposer 20 min au
frais, puis redonnez 2 tours. Laisser à nouveau reposer 20 min.
2. Préchauffez votre four à température moyenne (180° C, therm. 5). Placez les côtelettes
dans un plat allant au four et faites-les cuire 5 min.
3. Pelez les kiwis et coupez leur chair en tranches. Enlevez la croûte de camembert et
découpez-le en 6 portions égales.
4. Abaissez la pâte feuilletée à environ 5 mm d’épaisseur. Découpez-y 6 grands rectangles.
5. Sortez les côtelettes du four. Sur chaque rectangle de pâte, posez une portion de
camembert et deux tranches de kiwi. Posez une côtelette par-dessus, salez, poivrez et
refermez la pâte pour former des chaussons. Laissez dépasser l’os des côtelettes.
6. Montez le four à 240°C (therm. 8). Passez le jaune d’œuf au pinceau sur le dessus de
chaque chausson et enfournez. Faites cuire pendant 10 min et servez.
75
TOGO
Gboma dessi
pour 6 personnes
préparation 30 min
cuisson 2 h 30
1,5 kg de bœuf à braiser
1 kg d’épinards en branches ( ou surgelés)
1 oignon
2 gousses d’ail
1 morceau de gingembre frais (2 cm)
1 cuill. à soupe de 5 épices
3 cubes de bouillon de bœuf
2 feuilles de laurier
5 cl d’huile d’arachide
400 g de tomates concassées
200 g de crevettes roses décortiquées
4 filets de maquereau fumés
sel, poivre
1. Découpez la viande en morceaux. Faites décongeler les épinards. Pelez l’oignon,
hachez-en la moitié très finement et coupez l’autre moitié en rondelles. Pelez les gousses
d’ail et hachez-en 1.
2. Dans un marmite, mettez les morceaux de viande, l’oignon haché, la gousse d’ail
entière, le gingembre, la cuillerée de cinq-épices, 2 cubes de bouillon, les feuilles de
laurier, 1 pincée de sel et du poivre ; mélangez. Couvrez d’eau et faites cuire 2 h. Remuez
souvent et rajoutez si besoin 2 ou 3 verres d’eau.
3. Dans une autre marmite, versez l’huile. Ajoutez les rondelles d’oignon, l’ail haché, la
pulpe de tomate, le dernier cube de bouillon et du sel. Faites cuire à feu doux, tout en
remuant, jusqu’à ce que la pulpe de tomate ait bien réduit.
4. Ajoutez les épinards et laissez cuire pendant 15 min. En fin de cuisson, mettez le
contenu da la première marmite dans la seconde, puis les crevettes roses et les filets de
maquereau. Remuez, laissez cuire encore 15 min. Servez avec du riz ou du gali (semoule
de manioc grillé).
76
TUNISIE
Tajine d’agneau
pour 6 personnes
préparation 30 min
cuisson 1 h 45
1 épaule d’agneau désossée
200 g d’oignons
3 gousses d’ail
huile d’olive
4 tomates
6 pommes de terre
1 cuill. à café de cannelle
1 cuill. à café de cumin
250 g de fèves
4 citrons confits
4 fonds d’artichauts
1 bouquet de coriandre fraîche
sel, poivre
1. Coupez la viande en morceaux. Pelez et hachez les oignons et l’ail.
2. Faites chauffer 6 cuillerées à soupe d’huile dans un tajine (ou dans une cocotte). Mettez
les morceaux de viande à dorer avec les oignons émincés.
3. Lavez les tomates, puis coupez-les en quartiers. Epluchez et lavez les pommes de terre.
Coupez-les en gros morceaux.
4. Mettez les pommes de terre, les tomates et les épices dans le tajine. Salez, poivrez et
arrosez de 20 cl d’eau. Couvrez et laissez mijoter à feu doux pendant 1 h.
5. Epluchez et dérobez les fèves. Coupez les citrons confits en 4. Ajoutez-les dans le tajine
après 1 h de cuisson, ainsi que les fonds d’artichauts. Prolongez la cuisson pendant 30 min.
6. Lavez et équeutez la coriandre. En fin de cuisson, parsemez le tajine de coriandre et
servez aussitôt.
77
VIET NAM
Bœuf aux oignons
pour 4 personnes
préparation 20 min
marinade 15 min
cuisson 15 min
600 g de rumsteck
3 oignons
3 gousses d’ail
1 morceau de gingembre
4 ou 5 cuill. à soupe d’huile
1 grosse pincée de fécule de riz
5 cl de bouillon de bœuf
pour la marinade :
3 cuill. à soupe de sauce soja
1 cuill. à soupe de vinaigre de riz (ou vinaigre blanc)
2 cuill. à café de sucre semoule
1 cuill. à café d’huile
sel, poivre
1. Détaillez la viande en fines lamelles. Déposez-la dans un plat creux.
2. Préparez la marinade. Dans une jatte, versez la sauce soja, le vinaigre, le sucre, l’huile,
du sel et du poivre. Mélangez. Arrosez la viande avec la marinade et laissez reposer
pendant 15 min.
3. Pelez les oignons et coupez-les en fines lamelles. Pelez et hachez l’ail. Epluchez le
gingembre et détaillez-le en petits bâtonnets.
4. Dans un wok ou dans une sauteuse, faites chauffer 3 cuill. à soupe d’huile et faites-y
revenir le gingembre et les oignons à feu vif. Ajoutez l’ail et poursuivez la cuisson
quelques instants. Transvasez dans un plat et réservez.
5. Remettez le reste d’huile dans le wok. Faites-la chauffer et mettez-y la viande à dorer
en la retournant souvent. Recouvrez du mélange d’oignons réservé et laissez cuire 1 min
en remuant sans cesse.
6. Délayez la fécule dans le bouillon. Versez ce mélange dans le wok. Laissez-le épaissir en
remuant. Servez aussitôt.
78
Téléchargement