ECONOMIE GENERALE

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ECONOMIE GENERALE
PLAN DU COURS
Introduction générale : l’économie ou science(s) économique(s) est elle une
science ? Qu’est ce que la science ? Rapport avec les autres disciplines ou
connaissances. Importance de l’économie dans la culture et le savoir en
général.
1) Les acteurs ou agents économiques : l’individu ; l’entreprise ; l’Etat ; les
sociétés ou entreprises multinationales.
2) Le marché : marché national ; marché international ; mondialisation ou
globalisation économique.
3) Le travail et le capital.
4) La marchandise.
5) Prix : valeur d’usage et valeur d’échange.
6) Le coût de revient : méthodes de détermination du coût de revient.
7) Bénéfice, déficit ou perte ; plus value et moins value.
8) La monnaie et les autres instruments d’échange.
9) La problématique du développement : notion de développement :
développement économique, social ; développement durable ;
développement humain ; obstacles et facteurs au développement.
10)
Le commerce électronique
11)
Aperçu sur le système fiscal au Maroc : la fiscalité de l’entreprise : TVA ;
Impôt sur les sociétés et Impôt sur le revenu ; autres impôts concernant
l’entreprise.
Introduction générale
L’économie est elle une science ? Peut-on parler de science (s) économique(s) ?
Peut-on appliquer des méthodes scientifiques dans le domaine de l’économie ?
1 Economie et sciences
Qu’est ce que la science ?
A l’époque antique (Antiquité grecque), l’esprit scientifique était détaché de sa
dimension utilitaire. Les mathématiques, la logique et l’astronomie se sont
développés comme sciences spéculatives sans lien direct avec la production
des richesses ou avec la satisfaction des besoins humains.
C’est au 17ème siècle que la science que la science va progressivement
s’accoupler avec le développement des forces productives. Les connaissances
scientifiques vont recevoir des applications pratiques, en rapport avec les
conditions de vie humaine. La science va devenir économiquement utile, c’set à
dire se mettre au service de la satisfaction des besoins humains. On parlera
alors de science empirique ou expérimentale. Dans ce sens, la science peut être
définie comme étant :
Une connaissance objective qui établit entre les phénomènes des rapports
universels et nécessaires autorisant la prévision de résultats (effets) dont on est
capable de maîtriser expérimentalement ou de dégager par l’observation la
cause.
La science est devenue une connaissance empirique, c'est-à-dire fondée sur
l’expérience immédiate (le feu brûle, la laine tient chaud). C’est aussi une
connaissance technique. Cependant la connaissance empirique et la
connaissance technique se définissent par les besoins auxquels elles
répondent. La connaissance scientifique n’a pas une application immédiate.
Elle est une opération purement intellectuelle même si elle est appelée à servir
par la suite des applications pratiques.
Par exemple, en vue d’améliorer le rendement des pièces d’artillerie, les
savants ont dû étudier la balistique. Ils ont dû dégager des lois générales,
valables pour tous les corps lancés.
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La science moderne suppose une division du travail.
Opérations intellectuelles …………………………………….Opérations matérielles
Connaissance
empirique/technique
scientifique……………………………………..Connaissance
Science………………………………………………………Technique
Savants………………………………………………..Techniciens
La connaissance scientifique est objective ou tout au moins tend vers
l’objectivité.
La science consiste en énoncés (lois) et/ ou en systèmes d’énoncés (théories)
qui doivent répondre à la fois à des critères de validité (cohérence logique
interne de l’énoncé ou du système d’énoncés) et à des critères de vérité
(adéquation entre l’énoncé et les faits). Ces deux types de critères sont ou
tendent à être (pour les seconds) indépendants de toute appréciation
subjective.
L’objectivité n’est pas donnée immédiatement à la connaissance scientifique,
mais est conquise peu à peu par rectifications successives des erreurs et par
affinement constant des théories.
La science laisse toujours en quelque endroit des zones qui peuvent donner
prise à la subjectivité : l’objectivité n’est donc pas un attribut essentiel de la
connaissance scientifique, elle est en quelque sorte le noyau dur de la science,
elles est du certain entouré du probable, du douteux, etc…Elle n’appartient pas
à l’être, mais elle est de l’ordre du devenir.
Les concepts univoques font de la connaissance scientifique une connaissance
objective. Les concepts scientifiques s’opposent souvent aux concepts
linguistiques (langage courant) qui sont équivoques. Ex : concept d’inertie.
La science étudie des phénomènes, c'est-à-dire des choses ou des faits définis,
triés, classés par l’homme de science. La science établit des relations
universelles nécessaires : elle ignore les cas particulier et ne s’intéresse qu’aux
phénomènes qui se produisent toujours dans des conditions déterminées. Les
relations établies entre l’apparition du phénomène et les conditions qui le font
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apparaître sont nécessaires en ce sens que le phénomène ne peut pas ne pas
apparaître lorsque les conditions de son apparition sont réunies. La relation
ainsi dégagée porte le nom de loi. Certaines lois sont purement descriptives
alors que d’autres sont causales.
La science, à l’aide des lois qu’elle établit, permet la prévision. La prévision
suppose la maîtrise complète d’un processus, c'est-à-dire la connaissance d’une
cause et d’un effet, et elle a, par conséquent, un caractère absolu. Par exemple,
les éclipses sont prévues avec une extraordinaire précision de même que la
trajectoire des fusées spatiales.
Par son objectivité, par la nécessité absolue des relations qu’elle établit et des
prévisions qu’elle fait, mais aussi par la modestie et la prudence qui
accompagnent tout énoncé scientifique, la science est une connaissance d’une
tout autre nature que les autres connaissances, vraies ou fausses.
Spécificité de la connaissance scientifique
Science et opinion
La science ne peut exister qu’au prix d’une rupture épistémologique avec
l’opinion. Pour produire un savoir positif, elle doit nier un pseudo savoir
antérieur (G. Bachelard). L’opinion cherche un effet, là où la science établit une
relation. La science se préoccupe d’expliquer sans se soucier des effets alors
que l’opinion est indifférente à toute explication d’un phénomène : elle ne fait
que le constater et ne s’intéresse qu’à l’utilité qu’elle pet en tirer. La science
cherche des causes efficientes, l’opinion va droit aux causes finales.
Pour Bachelard, la science ne marque pas seulement une rupture avec l’opinion
au moment où elle se constitue : elle est perpétuelle rupture, une idée
scientifique pouvant toujours devenir, une fois consacrée, une opinion
stérilisante.
L’histoire de la pensée scientifique ne peut don être considérée comme celle
d’un progrès continu, mais au contraire, comme celle d’une révolution
permanente dans laquelle les idées viennent contredire d’autres idées, les faits
contredire d’autres faits (…). Cette dialectique perpétuelle définit le
mouvement même de la science qui est rectification incessante des idées par
les faits et des faits par les idées.
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A partir de ces éléments, peut on considérer l’économie comme une science ?
J.J.Rousseau, en 1755, a écrit un article destiné à l’Encyclopédie. L’économie
politique, en tant que donnée culturelle, apparait comme une négation de la
nature : la vie économique est une vie artificielle dans des rapports sociaux
artificiels. L’économie politique est un ensemble de phénomènes sociaux
traversés par des conflits d’intérêts.
L’Economie comme science
Il existe plusieurs conceptions de la science économique. Léon WALRAS en
distingue deux, diamétralement opposées. La première, celle d’Adam SMITH,
donne à l’économie, un objectif pratique : enrichir les particuliers et la nation.
Chez Adam SMITH, l’économie est un « art » (une pratique, une technique…)
qu’une véritable science.
Au contraire, J.B. SAY veut faire de l’économie une science naturelle, c’est à
dire ne voir dans les phénomènes économiques que des phénomènes aveugles
comme ceux de la physique, et en dégager des lois.
WALRAS donne une définition complexe mais complète de la science
économique. En tant que science, c’est une enquête désintéressée et sans but
pratique immédiat, excluant les fins assignées par A. SMITH (science pure, en
rapport avec les mathématiques). Mais WALRAS est aussi conscient que
l’économie, à cause de ses incidences pratiques ne peut rester une science
neutre et adopter le modèle des sciences naturelles. La spéculation
économique ne peut ignorer totalement les choix économiques. Autrement dit,
il y a lieu de distinguer entre les faits économiques et les choix économiques.
1.
Les acteurs ou agents économiques : l’individu ; l’entreprise ; l’Etat ;
les sociétés ou entreprises multinationales.
Dans la vie économique, il existe plusieurs acteurs ou agents qui effectuent des
actes économiques : consommation ; production ou épargne.
Le premier acteur économique a toujours été l’individu qui est nécessairement
un consommateur, mais qui peut aussi produire directement ou indirectement,
physiquement ou intellectuellement. Selon son comportement, il peut
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consommer la totalité de son revenu, comme il peut en consommer une partie
uniquement. Dans ce cas, il s’agit d’épargne.
11. L’individu
L’individu est un être vivant qui se distingue des autres mais qui a toujours
besoin de l’autre pour se différencier mais aussi pour se compléter. La notion
économique et surtout politique d’individu n’est pas très ancienne. Elle date du
siècle des Lumières en Europe avec le développement de la pensée libérale qui
consacre la liberté individuelle comme fondement de la vie en société qui
devient possible grâce au contrat social (voir JJ Rousseau, Voltaire, J. Locke…).
Auparavant, il était plutôt question de « sujet ». Avec l’effondrement des
structures féodales et le développement des nouveaux rapports sociaux basés
principalement sur la propriété privée individuelle et la propriété privée des
moyens de production, et parallèlement à la libération de la force de travail qui
permet la transformation du serf en salarié libre, c’est-à-dire en individu doté
d’une volonté libre, de travailler (au sens juridique), l’individu devient le centre
de la société.
Sur le plan économique, ce sera l’homo-economicus, c’est-à-dire un individu
qui a un comportement économique rationnel, qui fait des choix en
raisonnant…
Les individus vont dorénavant se rencontrer sur des marchés pour négocier les
prix des marchandises. Les uns offrent des marchandises, les autres demandent
des marchandises pour satisfaire leurs besoins ou désirs. Les uns offrent leur
force de travail, les autres offrent un emploi et des revenus ou salaires.
Ces échanges se déroulent sur la base de règles contractuelles mais surtout sur
la base de règles juridiques dont le respect est garanti par l’Etat, c’est-à-dire la
force publique, l’autorité publique. Mais les individus peuvent décider de se
regrouper, de travailler ou de produire ensemble. Ils décident alors de créer
une entreprise.
12. L’entreprise
L’individu a déjà vécu depuis les anciens temps en groupe sous forme de horde,
de clan ou de tribu. Cette forme de regroupement est historiquement
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nécessaire. La forme contemporaine de ce regroupement est la nation,
actuellement menacée par la mondialisation ou globalisation économique et
financière.
Avec le développement du capitalisme, les individus vont décider de se
regrouper volontairement pour optimiser leurs ressources. Partageant la même
vision et les mêmes objectifs, ils se regroupent pour produire et partager les
revenus récompensant leurs efforts. Ce sera la naissance de l’entreprise. Celleci peut être individuelle, lorsque les moyens de production appartiennent à un
individu, généralement une famille représentée par un individu. C’est le cas de
la plupart des PME (petites et moyennes entreprises). On parlera alors de
personne physique exerçant une activité professionnelle.
Le développement économique va donner naissance à de nouvelles formes
juridiques de regroupement. L’entreprise capitaliste est née de l’ouverture des
marchés, du développement des techniques et de la division du travail. Pour
l’entrepreneur, c‘est le moment de rassembler des capitaux, des machines et
des compétences de façon innovante et le plus efficace possible. Des métiers
naguère indépendants sont réunis ; les paysans arrivent en masse à l’usine.
Progressivement apparaissent des systèmes de production et d’échange
concentrés et séparés des réseaux traditionnels de sociabilité. Source des
traumatismes historiques que l’on sait, ces évènements ont aussi contribué à
faire de l’entreprise l’un des foyers de la société industrielle : ce que révèle par
exemple dans la France du XIXème siècle l’essor du paternalisme, confiant aux
patrons des responsabilités d’organisation sociale qui surpassaient leur rôle
économique.
Un siècle plus tard et en pleine mutation de la société salariale, le courant
français de la sociologie de l’entreprise s’est donné pour but d’apprécier ce
qu’il est advenu de cette fonction d’organisation sociale dévolue aux
institutions productives (Sainsaulieu 1990, Segrestin 1996). La période des
trente glorieuses n’avait pas été propice à un tel état des lieux : le mouvement
social anti capitaliste déniait alors à l’entreprise toute légitimité
institutionnelle ; sel comptait l’état du compromis salarial. La situation a
changé avec la montée du chômage et l’ouverture des marchés, redoublées du
reflux des identités ouvrières. De nouveau, les entreprises ont été désignées
comme des lieux structurants de la vie collective et du destin public. Les
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sociologues ont renoué avec l’idée que les espaces industriels étaient aussi des
lieux de création collective et d’apprentissage culturel. Ils ont fait en cela écho
aux stratégies des dirigeants.
L’assimilation de l’entreprise à une institution sociale reste pourtant
controversée. L’entreprise est actuellement confrontée à de nouveaux défis
dans le contexte de mondialisation.
L’entreprise sous forme de société regroupant plusieurs individus ou associés
sera la réponse adéquate à cette évolution. Entre individus particuliers ou
associés, ou entre plusieurs personnes morales, ce sera une entreprise privée.
Lorsque c’est l’Etat qui est à l’origine de sa création, ce sera une entreprise
publique.
L’entreprise privée peut être définie comme étant une unité de décision
économique qui peut prendre des formes différentes ; elle utilise et rémunère
travail et capital pour produire et vendre des biens et des services sur le
marché dans un but de profit et de rentabilité. Elle constitue l’institution
centrale du capitalisme.
Les formes d’entreprise sont très variées et il est possible d’opérer des
distinctions selon la taille, le secteur d’activité, le statut juridique (entreprise
individuelle, SARL, société anonyme, coopérative, entreprises publiques…). La
forme de propriété influe sur le mode de fonctionnement de l’entreprise ; dans
les économies capitalistes développées, c’est la société anonyme privée qui est
la forme dominante.
En fait, la notion économique d’entreprise peut renvoyer à trois niveaux
d’analyse : l’établissement, unité et lieu physique d’organisation de la
production (usine, bureau…), la société, réalité juridique, fiscale et comptable,
et le groupe, réalité financière. Dans le cas de l’entreprise financièrement
indépendante et ne comprenant qu’un établissement, ces trois niveaux sont
confondus alors que, dans d’autres cas, certaines décisions sont prises au
niveau de l’établissement (organisation de la production), d’autres au niveau
de la société, les orientations stratégiques étant définies au niveau du groupe.
Bien qu’il existe des entreprises dans les économies planifiées, on considère en
général que la notion d’entreprise est étroitement liée à celle de marché :
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l’entreprise achète des biens, du travail et du capital, et vend des produits sur
différents marchés.
On dit que l’entreprise combine les facteurs de production, travail et capital,
c’est à dire qu’elle les associe dans le processus de production en fonction de
données techniques (telle machine suppose tant d’opérateurs) et en fonction
du prix des facteurs (un coût de travail élevé favorise la substitution du travail
par le capital). Mais cette notion de combinaison de facteurs de production ne
doit pas conduire à une vision symétrique du travail et du capital : le travail
salarié est organisé dans le cadre d’une division du travail hiérarchisé.
L’objectif principal de l’entreprise est la recherche du profit, qui est distribué
aux actionnaires ou réinvesti dans l’entreprise (autofinancement). Ce dernier
cas permet la croissance et l’indépendance de la firme. Mais l’entreprise peut
rechercher à maximiser, soit la masse des profits, soit le ratio profit sur capital,
c'est-à-dire un indicateur de rentabilité.
L’entreprise publique est une entreprise du secteur marchand contrôlées par
l’Etat (ou par une collectivité publique). La notion de contrôle renvoie soit à la
détention par l’Etat de la totalité ou de la majorité du capital, soit quand il n’y a
pas de capital social, à la tutelle plus ou moins étroite exercée par la puissance
publique sur la gestion de l’entreprise.
Les entreprises publiques se distinguent des administrations publiques, qui ne
vendent pas, comme les premières, leurs biens et leurs services sur le marché.
L’entreprise est aussi une organisation. Il ne peut y avoir d’entreprise sans
organisation.
En effet, au sein de l’entreprise, et selon l’activité principale exercée, il y a une
répartition des tâches entre les différents individus qui œuvrent au sein de
cette entreprise dans le processus de création de richesses. C’est la division du
travail. Certains individus décident. D’autres exécutent les décisions prises.
D’autres encore assurent la gestion, ou le contrôle, en veillant à la bonne
application des décisions prises au sein de l’entreprise.
L’entreprise produit des biens ou des services et consomme des ressources
(matières premières, produits intermédiaires, services, machines, main
d’œuvre …).
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L’entreprise crée de la richesse qui sera ensuite distribuée dans la société à
travers le marché.
L’entreprise est actuellement indispensable à la vie économique. Elle se situe
entre l’individu et l’Etat. Ce dernier est aussi un acteur économique. Certes sa
fonction principale est d’ordre politique : garantir le paix sociale ; protéger les
libertés individuelles et publiques ; protéger les frontières ; établir des relations
diplomatiques avec d’autres Etats, veiller au respect des lois…
Néanmoins, c’est aussi un acteur économique car il est appelé à consommer
des ressources, à collecter des impôts, à assurer des dépenses publiques, à
emprunter, à procéder à de grands travaux d’infrastructures, à assurer des
services publics, c'est-à-dire des services nécessaires, à caractère administratif
ou marchand, ne pouvant pas être toujours assurés par des entreprises
privées : services administratifs ; service de santé publique ; service
d’enseignement public ; transport public ; recherche scientifique…
13. L’Etat
Au point de vue sociologique, l’Etat est une espèce particulière de société
politique résultant de la fixation sur une territoire déterminé d’une collectivité
humaine relativement homogène (Nation) régie par un pouvoir
institutionnalisé comportant le monopole de la contrainte organisée
(spécialement le monopole de la force armée).
Au point de vue juridique, l’Etat est une personne morale de droit public
titulaire de la souveraineté.
Dans un sens plus étroit et concret : ensemble des organes politiques, des
gouvernants, par opposition aux gouvernés.
Selon la conception marxiste : appareil d’oppression au service de la classe
dominante ; en régime capitaliste, instrument de la bourgeoisie en vue de
l’exploitation du prolétariat. (Mais l’instauration d’une société sans classes doit
entraîner le dépérissement de l’Etat).
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L’Etat Nation désigne le type d’organisation politique considéré comme
légitime depuis les révolutions américaine et française de la fin du XVIIIème
siècle. Les révolutions en Europe ont alors substitué à la légitimité dynastique
ou religieuse de l’Ancien Régime un principe de légitimité proprement
politique, celui de la souveraineté des peuples. En affirmant le droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes, ils posaient comme idéal que l’organisation
de l’entité politique, ou l’Etat, coïncidât avec le peuple, ou la nation. C’est au
nom de l’effort pour que se confonde effectivement appartenance à une nation
et allégeance à un Etat national qu’ont été menés les combats pour
l’indépendance des pays européens et américains au XIXème siècle et ceux des
pays asiatiques et africains au XXème siècle.
Il s’agissait d’un principe de légitimation de l’organisation politique, non d’une
description de la réalité sociale ou politique. Les exemples d’Etat Nation
toujours cités comme exemplaires, la France et le Japon, ont proclamé l’idée et
l’idéal de l’Etat Nation, mais ils ne l’ont jamais réalisé. Les rois de France,
pendant des siècles, puis les républicains à l’époque moderne, ont travaillé à
homogénéiser culturellement et politiquement la population, mais cet effort
n’a jamais totalement abouti. Malgré l’action de l’école républicaine pour
imposer une même culture et les mêmes références nationales aux élèves, on
parlait encore 14 langues sur le territoire national en 1914. Il n’est pas interdit
de penser qu’on faisait d’autant plus référence à l’homogénéité de la nation
que les populations restaient objectivement diverses. Les différentiations
culturelles et les identités particulières restent a fortiori encore plus fortes dans
d’autres pays, même les plus anciennement constitués, tel le Royaume Uni, qui
regroupe quatre nations différentes.
La valeur accordée à l’Etat Nation depuis le début du XIXème siècle est
étroitement liée au principe de légitimité moderne. Toutes les formes
d’empire, même tolérantes, sont contraires aux valeurs d’une société de
citoyens. Les hommes de l’âge démocratique, comme l’a remarqué justement I.
Berlin, préfèrent être commandés, même durement, par des membres de leur
nation, de leur religion ou de leur classe plutôt que de rester soumis à la tutelle
de maîtres d’un autre pays, d’une autre religion ou d’une autre classe
(Schnapper 1994 ). L’Etat Nation apparaissait comme la meilleure formule
politique pour que les citoyens d’un Etat se reconnaissent dans leurs
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gouvernants, dans la mesure où ces derniers appartenaient à la même nation
qu’eux.
Dans beaucoup de pays, l’Etat Nation apparait aujourd’hui insuffisant pour
intégrer par la citoyenneté commune les populations, par définition diverses,
réunies par le même Etat. Même en Europe où il est né, on l’accuse d’avoir nié
les spécificités et l’authenticité des populations qu’il regroupe. Il est critiqué
pour être trop éloigné des populations en ce qui concerne la gestion
quotidienne, mais, en même temps, trop faible pour disposer d’une véritable
autonomie politique dans un monde qui tend à se globaliser. Peu démocratique
dans ses pratiques quotidiennes, l’Etat Nation serait devenu un acteur politique
impuissant. La construction d’une entité politique régionale, regroupant
plusieurs Etats, dans laquelle les Nations continueraient à exister mais
délégueraient une part de leur souveraineté à une autorité supranationale,
serait, un moyen d’inventer une nouvelle forme politique qui permettrait de
dépasser la formule de l’Etat Nation traditionnel et de rompre le lien qui,
depuis deux siècles, apparaissait nécessaire entre l’Etat et la Nation.
Ainsi, l’Etat est la forme institutionnalisée du pouvoir suprême, qui, par le
monopole de la violence légale, crée l’ordre social par la loi. Le pouvoir d’Etat
s’exerce dans les limites d’un territoire (souveraineté territoriale) et il
correspond le plus souvent à une nation (forme moderne de l’Etat Nation).
Institution, il se manifeste concrètement comme un ensemble d’organes
politiques et administratifs : le gouvernement, le Chef d’Etat, le Parlement, les
administrations, etc. Cet appareil d’Etat s’incarne dans des hommes, les
représentants de l’Etat, avec lequel ceux-ci ne se confondent pas dans un Etat
de droit.
Pourquoi cette invention de l’Etat ?
Selon G. Burdeau, l’homme aurait inventé ce pouvoir abstrait pour assurer, par
delà la personne du chef, du monarque, la continuité du pouvoir et pour
masquer sanctifier et donc faciliter l’obéissance concrète à un autre homme. En
présentant le pouvoir politique comme d’essence arbitraire, supra humaine,
voire divine aux origines, on lui a conféré une légitimité pouvant justifier son
caractère absolu.
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Avec l’Etat moderne, la substitution d’une légitimité humaine, sociale,
populaire même, à la légitimité divine, a représenté depuis le XVIIIème siècle,
une telle révolution qu’elle n’est pas encore totalement entrée aujourd’hui
dans les esprits. Et l’Etat républicain a conservé parfois les ors, les pompes et le
paternalisme de la monarchie afin que la magie de l’obéissance continue
d’opérer sur un peuple désormais proclamé souverain.
En démocratie, l’exercice du pouvoir constituant par le peuple n’a pas aboli la
distinction entre gouvernants et gouvernés, même si désormais les seconds
désignent les premiers au suffrage universel. Les gouvernants, agissant au nom
de l’Etat, qu’ils incarnent temporairement, sont soumis à la Constitution et aux
lois (principe de légalité des actes administratifs), sous le contrôle du juge
(Conseil constitutionnel et Conseil d’Etat) : l’Etat démocratique est un Etat de
droit, il exclut l’arbitraire.
Le contrat social constitutif de l’Etat moderne traduit en principe l’adhésion
volontaire à un projet de vouloir vivre ensemble, formalisé dans la constitution,
et fondé, non sur une contrainte venue d’en haut, mais sur la conscience
civique des avantages mutuels que procure la vie sociale : l’Etat devient la
nation organisée par elle-même.
L’Etat démocratique, produit u contrat que passent entre eux les membres de
la société civile, est l’institution dont celle-ci se dote pour produire du droit,
c'est-à-dire un ordre juridique d’une rationalité supérieure, en subordonnant le
pouvoir de chacun au pouvoir suprême de tous.
Selon l’analyse marxiste, la distinction entre l’Etat, abstraction au service de
l’intérêt général, et ses organes, son appareil, ses représentants, est une
mystification, une illusion. D’un point de vue matérialiste, l’Etat n’apparait plus
que comme l’instrument de domination d’une classe sur une autre, caché
derrière la façade de l’intérêt général. Il se réduit à ses organes de répression
(justice, armée, police…) et de domination idéologique (presse, Eglise, école…).
La démocratie et les libertés bourgeoises sont formelles, théoriques…
A cette vision, on a pu opposer que, sans libertés formelles, c'est-à-dire
reconnues juridiquement, il ne peut y avoir de libertés réelles, et que la
violence interindividuelle, présente dans toute la société, légitime l’existence
de l’Etat.
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Les libéraux restent méfiants à l’égard du pouvoir d’Etat. Ils souhaitent que
celui-ci soit limité par l’équilibre entre ses organes, par la séparation des
pouvoirs agissant comme contre-pouvoirs (seul le pouvoir arrête le pouvoir).
Ils souhaitent un Etat minimal dans ses fonctions (défense, justice, police…) :
celles d’un Etat gendarme, appliquant en arbitre, les règles générales d’un jeu
social conçu pour le plein exercice des libertés individuelles ; un Etat de laisser
faire, laisser passer, qui s’en remet, pour le reste et l’essentiel, à la négociation
contractuelle entre individus libres et égaux en droit, c'est-à-dire au marché : le
bien être collectif, affaire privée, ne peut être que la résultante des nécessaires
égoïsmes individuels, soumis aux compromis négociés du marché. Les services
publics, à l’exception, controversée, de la justice, de la police et de l’armée, ne
devraient bénéficier d’aucun monopole, et même être remis dans l’économie
de marché, pour plus d’efficacité dans la gestion, et plus de liberté de choix
pour l’usager, qui ne paierait qu’en fonction et proportion de sa consommation
et non de ses revenus.
A cette conception libérale ancienne, mais renaissante au cœur de la crise,
s’oppose la conception social démocrate, d’inspiration socialiste et
keynésienne, de l’Etat providence (Welfare state).
Les crises constituant la preuve que la régulation économique et sociale par le
marché est insuffisante, les décisions micro économiques ne se fondant pas
harmonieusement et nécessairement en optimum, l’Etat élargit son champ
d’action par les nombreux moyens de la politique économique et sociale
(Budget, crédit, réglementation, incitations, formation, Sécurité sociale…).
L’Etat, par ses interventions dans la vie économique et sociale, par la gestion
partiellement fiscalisée de services publics, assure les équilibres macro
économiques et macro sociaux nécessaires au maintien de la cohésion sociale,
à la survie d’un secteur privé rentabilisé par la socialisation des pertes, et, en
définitive, à la sauvegarde de la démocratie.
Au Maroc, l’Etat est un acteur économique. Dans ses fonctions classiques, il
collecte les impôts, assure les dépenses publiques de fonctionnement et
d’investissement, donc consomme et crée de la richesse, mobilise des
ressources, emprunte et prête, reçoit des dons, accorde des subventions (…). Il
intervient aussi dans la régulation du marché en réglementant le prix des
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produits de base, et en cas de crise, il peut se substituer à des acteurs
économiques privés. Ainsi, l’Etat marocain se fixe actuellement comme
principal objectif, la lutte contre la pauvreté, notamment la lutte contre
l’habitat insalubre, la création de conditions favorables à l’investissement et
donc à l’emploi (..).
2. Le Marché
Individus, entreprises, Etats, collectivités locales et autres acteurs socio
économiques se rencontrent pour vendre ou acheter, échanger des
marchandises. Cette rencontre a lieu grâce au marché.
Le marché est actuellement une institution fondamentale du système
capitaliste.
C’est le lieu de rencontre entre une offre et une demande qui aboutit à la
formation d’un prix.
Il existe plusieurs sortes de marchés qui se différencient par l’objet de
l’échange.
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Le marché d’un produit particulier : matière première telles que le pétrole ou le
cuivre, ou marché d’un produit fini (marché du livre).
Le marché des biens et services où sont mises en relations l’offre et la demande
globale : dans la perspective keynésienne, l’ajustement se fait par le niveau de
la production et par le niveau général des prix.
Le marché du travail met en relation l’offre et la demande de travail : cette
confrontation aboutit à la formation d’un salaire et à la fixation d’un niveau
d’emploi qui ne veut pas dire plein emploi.
Le marché des changes sur lequel s’échangent les devises les unes contre les
autres et se forment les taux de change.
Le marché financier, lieu d’émission et d’échange des valeurs mobilières,
principalement les actions et les obligations.
Le marché monétaire, compartiment à court terme du marché des capitaux :
les institutions financières, à court de monnaie banque nationale, les trouvent
sur ce marché tandis que les institutions ayant des excédents les placent
moyennant une rémunération (taux d’intérêt). De plus les entreprises peuvent
intervenir pour emprunter (billets de trésorerie), ou placer des fonds.
Différentes structures de marché, correspondant aux caractéristiques de l’offre
et de la demande, peuvent être dégagées. L’analyse néoclassique définit ainsi
la concurrence pure et parfaite, modèle idéal de marché qui se distingue du
monopole, de l’oligopole, du monopsone, de l’oligopsone, du monopole
bilatéral. En fait, les marchés peuvent être qualifiés de marchés de concurrence
monopolistique, de marchés administrés ou de marchés segmentés.
La concurrence est la rivalité entre les vendeurs ou entre les acheteurs d’un
même produit.
En théorie, on distingue différents degrés de concurrence en fonction des
hypothèses que l’on pose.
Dans le modèle de concurrence pure et parfaite, la concurrence est pure
lorsque trois hypothèses sont vérifiées simultanément :
L’atomicité (multitude d’offreurs et de demandeurs, tous de petite dimension
par rapport au marché) ;
L’homogénéité du produit (les entreprises proposent toutes le même produit,
qui n’est pas différencié et présente et présente les mêmes caractéristiques et
les mêmes performances) ;
La libre entrée dans l’industrie (aucune barrière juridique ou institutionnelle
n’est opposée à l’entrée ou à la sortie de nouveaux concurrents).
La concurrence parfaite est liée aux deux hypothèses suivantes :
La transparence du marché (les agents économiques sont parfaitement
informés sur les qualités et prix de tous les produits concurrents) ;
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La mobilité des facteurs de production (travail et capital se dirigent vers les
emplois les mieux rémunérés).
La concurrence imparfaite : le caractère irréaliste de ces hypothèses a conduit
les théoriciens à étudier des cas plus concrets de concurrence imparfaite qui ne
réalisent pas toutes les conditions précitées. Les plus notables sont :
La concurrence monopolistique ou monopole : cette expression apparemment
contradictoire signifie que concurrence et monopole ne s’excluent pas
totalement ;
Il y a concurrence parce qu’il existe un grand nombre de vendeurs ; mais cette
concurrence est monopolistique parce que la différenciation du produit par son
aspect, par sa marque protégée, par ses lieux et modes de distribution, etc, fait
que le vendeur se trouve en situation de quasi monopole et acquiert une
certaine liberté pour fixer son prix.
L’oligopole est un marché sur lequel l’offre n’est réalisée que par un très petit
nombre de vendeurs (marché de l’automobile par exemple).
Dans ce cas, il y a interdépendance entre l’action des différentes entreprises ;
le prix dépend de la stratégie adoptée : en période de compétition on se
rapproche d’une situation de concurrence, en période d’entente d’une
situation de monopole.
Dans l’absence de concurrence, le monopole caractérise une situation dans
laquelle l’offreur (le vendeur) intervient seul sur le marché : il n’y a plus
concurrence. C’est l’hypothèse d’une telle situation qui a justifié le principe
d’éventuelles nationalisations.
Si le monopoleur retrouve une grande capacité d’intervention sur les prix et a
ainsi un rôle inflationniste, il reste cependant tributaire, dans la fixation du prix,
de l’élasticité de la demande de son produit.
Pour certains, le monopole entraîne, à long terme, une baisse globale de la
production.
En effet, le monopoleur ne produit que tant qu’il obtient un profit marginal, il
exerce ainsi un rôle malthusien. Pour d’autres, le surprofit obtenu permet au
contraire de financer la recherche et le progrès technique.
L’oligopsone désigne une situation du marché sur lequel se trouve un nombre
limité d’acheteurs : concurrence imparfaite du côté de la demande ;
Le monopsone caractérise une situation du marché sur lequel il n’y a qu’un sel
acheteur : il n’y a plus de concurrence.
Offreurs
Un
Plusieurs
Demandeurs
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Multitude
Un
Monopole
bilatéral
Monopsone
contrarié
Monopsone
Plusieurs
Monopole
contrarié
Oligopole
bilatéral
Oligopsone
Multitude
Monopole
Oligopole
Concurrence
parfaite
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