UNITAR Programme de formation à l’application du droit international de l’environnement Cours 9 Environnement et commerce Agnès Michelot « LOGO » OFFICE FEDERAL SUISSE DE L’ENVIRONNEMENT, DES FORETS ET DU PAYSAGE « LOGO » PNUE « LOGO » Union mondiale pour la nature Ministerie van Buitenlandse Zaken Pays-Bas « LOGO » MINISTÈRE DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L’ENVIRONNEMENT 1 Programme de formation à l’application du droit international de l’environnement Le Programme UNITAR de formation à l’application du droit international de l’environnement est destiné à promouvoir le renforcement des composantes juridiques et institutionnelles nationales en vue d’une meilleure gestion de l’environnement dans la perspective du développement durable. Il a été conçu précisément pour répondre aux besoins des pays en développement et des pays à économie en transition. Le Programme a été conçu en partenariat avec la Commission du droit de l’environnement de l’Union mondiale pour la nature (UICN) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Il est mis en œuvre en coopération avec d’autres organisations partenaires dont l’Université des Nations unies (UNU). L’enseignement par correspondance est l’élément central du programme et vise à atteindre une large audience dans des organisations tant gouvernementales que non gouvernementales des pays du monde entier. Cet enseignement par correspondance sera complété par des ateliers et des séminaires spécialisés qui seront organisés au niveau régional et sous-régional parallèlement à des efforts ciblés de renforcement des capacités au niveau national en matière de droit de l’environnement. L’objectif du programme est de sensibiliser et d’approfondir les connaissances concernant les obligations et les perspectives afférentes au droit de l’environnement. Ces manuels de formation au droit de l’environnement contiennent des textes difficilement disponibles par ailleurs et sont largement distribués pour une utilisation autonome : Introduction au droit international de l’environnement Le rôle des organisations internationales dans l’évolution du droit de l’environnement Techniques et procédures en droit international de l’environnement Négociations internationales sur l’environnement Droit international de l’environnement : matériaux dangereux et déchets Droit international de l’environnement : diversité biologique Droit International de l’environnement : atmosphère, eau douce et sol Droit international de l’environnement : milieu marin, régions polaires et espace extra-atmosphérique Environnement et commerce Évolution et principales tendances du droit international de l’environnement 2 Environnement et commerce Agnès Michelot Soutenu financièrement par l’Agence fédérale suisse de l’environnement, des forêts et du paysage, le ministère néerlandais de la coopération pour le développement et le ministère de l’environnement de la France. Cours 9 du Programme UNITAR de formation à l’application du droit international de l’environnement, en coopération avec la Commission du droit de l’environnement de l’Union mondiale pour la nature (UICN) et du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR) Genève, Suisse Janvier, 2003 3 Publié par : recherche L’Institut des Nations Unies pour la formation et la Palais des Nations CH-1211 Genève 10 Suisse Copyright : Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche, 1998 Notice : Michelot, Agnès – Environnement et commerce – Genève, Suisse : UNITAR, 2003, …. p. ISBN : 92-9182-017-9 Mise en page : Brigitte Brunner, Strasbourg, France Imprimé par : Nations Unies Disponible auprès de : UNITAR, Palais des Nations CH- 1211 Genève 10 Suisse Les opinions exprimées dans ce volume sont celles d’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position du Secrétariat des Nations Unies, de l’UNITAR, ou d’aucun des autres bureaux des Nations Unies mentionnés dans ce volume. Dans cette publication, les termes employés et la présentation des textes n’impliquent pas l’expression d’une opinion de la part du Secrétariat des Nations Unies en ce qui concerne le statut juridique de quelque pays, territoire, ville ou région, que ce soit ou de leurs autorités ou en ce qui concerne la délimitation de leurs frontières. Cette publication est protégée par la législation internationale sur les droits d’auteur. Tous droits réservés. La reproduction, l’enregistrement sur une banque de données ou la transmission, même partiels, de cette publication, sous quelque forme que ce soit, et par quelque procédé que ce soit (électronique, mécanique, photocopie, enregistrement ou autre), ne sont pas permis sans l’autorisation écrite de l’UNITAR. Imprimé sur papier non chloré. 4 Abréviations Pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce AFTA ASEAN Free Trade Agreement AGCS Accord général sur le commerce des services (ou GATS) ALENA Accord de libre-échange nord-américain AME Accords multilatéraux sur l’environnement ANACDE Accord nord-américain de coopération et de développement sur l’environnement APEC Forum de coopération économique Asie-Pacifique ASEAN Association des Nations du Sud-Est asiatique (Association of South East Asian Nations) BanqueNAD Banque nord-américaine de développement BEAC Banque des États d’Afrique centrale CCE Comité du commerce et de l’environnement CCE Commission de coopération environnementale CCEF Commission de coopération environnementale transfrontière CEA Communauté économique africaine CEDEAO Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest CEEAC Communauté économique des États de l’Afrique centrale CEMAC Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale CEPGL Communauté économique des Pays des Grands Lacs CIJ Cour internationale de justice CITES Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction CJCE Cour de justice des Communautés européennes CMA Union monétaire commune CNUCED Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement CNUED Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement COI Commission de l’océan Indien COMESA Marché commun de l’Afrique orientale et australe CPJI Cour permanente de justice internationale CSA Canadian Standard Association EPA Agence fédérale de protection de l’environnement FAO Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture FSC Forest Stewardship Council GATT Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (General Agreement on Tariffs and Trade) GATS Accord général sur le commerce des services HCFC Hydrochlorofluorocarbone ISO International Organization for Standardization MAP Millenium African Plan MERCOSUR Marché commun du Sud (Mercado Comùn del Sur) NEPAD Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique OCDE Organisation de coopération et de développement économiques ACP ADPIC 5 OGM OMC OMPI ORD OTC OUA PECO PED PEFC PHARE PMA PMP PNUD PNUE REMA Organismes génétiquement modifiés Organisation mondiale du commerce Organisation mondiale de la propriété intellectuelle Organe de règlement des différends Obstacles techniques au commerce Organisation de l’unité africaine Pays d’Europe centrale et orientale Pays en développement Pan European Forest Certifications Scheme Poland and Hungary Assistance for the Reconstruction of the Economy Pays les moins avancés Normes environnementales sur procédés et méthodes de production Programme des Nations unies pour le developpement Programme des Nations unies pour l’environnement Réunion spécialisée sur l’environnement (Reunión Especializada de Medio Ambiente) SAADC Conférence pour la coordination du développement de l’Afrique australe SACU Union douanière de l’Afrique australe SADC Communauté de développement de l’Afrique australe (Southern African Development Community) SAO Substances appauvrissant la couche d’ozone SFI Sustainable Forestry Initiative SMC Accord sur les subventions et les mesures compensatoires SPS Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires UDEAC Union douanière et économique des États de l’Afrique centrale UEMOA Union économique et monétaire ouest-africaine UMA Union du Maghreb arabe UPOV Convention internationale pour la protection des obtentions végétales ZEP Zone d’échanges préférentiels de l’Afrique orientale et australe ZLEA Zone de libre-échange des Amériques 6 PRÉFACE Le droit international de l’environnement est un outil indispensable à la gestion et à l’administration du développement durable. Il sert de fondement aux politiques gouvernementales et aux actions de protection de l’environnement, qui garantissent un usage à la fois équitable et durable des ressources naturelles. Au cours des dernières années, le droit de l’environnement a connu un essor remarquable. Plus de cent traités multilatéraux ayant trait à l’environnement ont été conclus durant les vingt dernières années, sur des sujets aussi divers que la diversité biologique, la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, le droit de la mer, les changements climatiques, la désertification et la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, et un nombre encore bien plus élevé de traités environnementaux ont été adoptés au niveau régional ou sur une base bilatérale. De plus, de nombreux instruments de « soft law » relatifs à l’environnement ont été promulgués, comme la Charte mondiale de la nature de 1982 et la Déclaration de Rio de Janeiro sur l’environnement et le développement de 1992. Au niveau national, fort du soutien croissant du public, des pays du monde entier modifient ou complètent les dispositions législatives, réglementaires et administratives de leur ordre juridique interne dans le but d’améliorer la gestion de l’environnement. Pourtant, en dépit de ce développement rapide, de nombreux problèmes subsistent, en particulier en ce qui concerne l’application et la mise en œuvre des mesures législatives. Dans de nombreux pays en développement, ainsi que dans les pays à économie en transition, l’application du droit de l’environnement est sérieusement entravée, souvent par manque de personnel qualifié, réduisant ainsi l’efficacité des initiatives majeures adoptées pour la protection de l’environnement. Renforcer l’application des instruments et des mécanismes juridiques internationaux est l’un des objectifs principaux de l’Agenda 21, le plan d’action global pour l’environnement et le développement adopté au Sommet de la Terre de 1992 (cf. chapitre 39). En outre, les Principes 11 et 13 de la Déclaration de Rio soulignent l’importance du droit de l’environnement en tant qu’instrument indispensable à une saine répartition des bénéfices du développement durable. L’UNITAR estime qu’il est temps de prêter une attention croissante à la formation dans le domaine du droit de l’environnement. Afin de contribuer aux efforts des organisations partenaires, l’UNITAR a lancé ce Programme de formation à l’application du droit international de l’environnement, en insistant tout d’abord sur des cours d’enseignement par correspondance. Le Cours 9, Environnement et commerce, fait suite aux huit cours précédents et traite d’un sujet particulièrement important et délicat : les relations entre le commerce international et l’environnement. 7 Madame Agnès Michelot enseigne à l’Université de La Rochelle, avec laquelle l’UNITAR a signé un accord de coopération. Elle participe aux travaux de l’UNITAR depuis de nombreuses années et dispose d’une expertise reconnue dans la matière. L’objectif de ce Programme UNITAR est d’aider les pays qui s’efforcent d’améliorer l’application des dispositions du droit de l’environnement. La formation est un processus de longue durée. Nous espérons que, grâce à ces cours d’enseignement par correspondance, notre contribution à ce processus, bien qu’infime, sera utile. Marcel A. Boisard Directeur général de l’UNITAR Sous-Secrétaire général des Nations Unies 8 NOTE Ce volume est neuvième cours du Programme UNITAR/UICN/PNUE de formation à l’application du droit international de l’environnement. Il doit être étudié parallèlement aux autres cours de ce programme d’enseignement par correspondance (Cours 1 à 10) auxquels ce texte renvoie à plusieurs reprises. L’objectif de ce Cours est de fournir un outil pédagogique aux responsables gouvernementaux, aux universitaires, aux juristes, aux juges, aux planificateurs, et aux représentants des organisations non gouvernementales (ONG) travaillant dans le domaine du droit, de la politique et de l’administration de l’environnement. Le texte a été conçu pour permettre aux utilisateurs de s’engager plus efficacement dans les efforts déployés au plan national pour atteindre les objectifs du développement durable. Les cours par correspondance sont conçus de manière à ce que les participants puissent étudier selon leur propre rythme en tenant compte notamment de leurs contraintes professionnelles. A la fin de chaque volume les participants trouveront des questions auxquelles ils doivent répondre. Ils recevront ensuite un corrigé de leurs devoirs. A la fin du 10ème volume les candidats intéressés sont invités à écrire un travail personnel d’au moins une quinzaine de pages sur un thème de droit international de l’environnement. Celui-ci sera évalué par le Comité d’évaluation. Si le travail est accepté le candidat pourra recevoir un Certificat de Réussite. Les participants ayant suivi la formation mais ne désirant pas soumettre un travail personnel pourront obtenir une attestation de fréquentation. Nous espérons que ces nouvelles dispositions permettront à la formation d’être mieux appréciée par le monde académique et assureront aux participants une véritable reconnaissance des efforts fournis. La formation de l’UNITAR peut être consolidée par l’organisation d’ateliers de renforcement de capacités. Ces ateliers sont organisés en fonction des fonds disponibles. Mary Sancy Coordonnatrice de Programme UNITAR 9 L’auteur Angès Michelot, de nationalité française, est née à Dijon en 1968. Elle soutient sa thèse pour l’obtention du grade de docteur en droit public en 1997 à l’Université de Bourgogne et se voit décerner le prix Henri Gazin de la Faculté de droit et de science politique. Elle devient par la suite lauréate du prix de thèse de l’Association Française pour le droit de l’urbanisme (AFDRU) et de la Société Française de droit de l’environnement (SFDE). Sa recherche la conduit à réaliser des missions dans différentes régions du monde notamment en Afrique australe, en Inde et en Bolivie. Elle occupe depuis 1998 les fonctions de Maître de conférences en droit public à l’Université de La Rochelle où elle dispense des enseignements en droit international public, droit de l’environnement, droit européen et systèmes juridiques comparés. Elle prend en charge les relations internationales de la Faculté de droit et de sciences politique, économique et de gestion de l’Université de La Rochelle et occupe le poste de Directeur du Centre d’Etudes Juridiques Francophones. Ces fonctions l’amènent à mettre en place des collaborations dans le domaine du droit de l’environnement avec différentes universités étrangères en Europe mais aussi en Asie et en Amériques central, du nord et du sud. Elle participe à la mise en place puis au développement du volet francophone du programme de formation à l’application du droit international de l’environnement en tant qu’associée spéciale puis en qualité d’expert. Elle intervient dans les ateliers de formation du programme de l’UNITAR et contribue à l’organisation du premier atelier francophone qui se déroule en France à La Rochelle en 2001. Consultante pour l’UNESCO sur le programme L’Homme et la Biosphère (MAB), elle développe une expertise sur la mise en place du réseau de réserves de biosphère en Afrique de l’ouest. 10 TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION COMMERCE ET ENVIRONNEMENT DANS L’ORDRE JURIDIQUE INTERNATIONAL A. Contexte historique 1. L’antériorité de l’ordre économique international sur le droit de l’environnement 2. L’intégration du droit international de l’environnement dans l’ordre juridique international au côté du droit du commerce international B. Les étapes de la relation commerce / environnement C. Société internationale économique et environnement à l’épreuve de la mondialisation D. Le consensus mondial du développement 1. La coopération internationale pour le développement 2. Théorie du commerce mondial et enjeux de la protection de l’environnement : le développement durable E. L’unité de l’ordre juridique international 1. Incompatibilités entre accords multilatéraux de l’environnement et système commercial multilatéral : application du droit des traités 2. Le règlement des différends a. Les accord environnementaux et les procédés de règlement pacifique des différends b. Le système de règlement des litiges de l’Organisation mondiale du commerce c. Concurrence des mécanismes de règlement des différends 3. Les organisations régionales d’intégration Questions et réponses I. II. LE DROIT INTERNATIONAL DE L’ENVIRONNEMENT FACE AU REGIME DU COMMERCE INTERNATIONAL A. Les principes du système d’échange international 1. Principe de liberté du commerce 2. Les standards du commerce international 3. Les principes du système GATT/OMC B. De la Conférence de Stockholm au Sommet de Johannesburg : la prise en compte des impératifs économiques du développement 1. La Conférence des Nations unies sur l’environnement (1972) 2. La Conférence de Rio sur l’environnement et le développement (1992) 3. Le Sommet de Johannesburg (2002) C. Les mesures commerciales dans les accords environnementaux 1. AME relatifs à la biodiversité a. Les premières conventions : mesures de protection des espèces b. La Convention CITES : le système de contrôle des échanges c. Conventions d’appui à la CITES : réglementation des échanges, contingentements et coopération d. Ressources halieutiques et ressources biologiques de l’Antarctique : des mesures concernant les procédés et méthodes de production 11 e. Les forêts et le commerce du bois tropical : privilégier l’exploitation durable f. La diversité biologique i. La Convention sur la diversité biologique ii. Le Protocole de Cartagène sur la prévention des risques biotechnologiques, relatif à la Convention sur la diversité biologique (2000) 2. Les AME réglementant les substances et produits pouvant présenter un risque pour l’environnement a. Mesures commerciales pour la protection de l’air et de l’atmosphère b. Mesures commerciales pour le contrôle des déchets et des substances dangereuses D. Les mesures d’appui à la protection de l’environnement comme instrument de politique commerciale 1. Normes environnementales sur procédés et méthodes de production (normes PMP) 2. Écolabel et système de certification 3. Instruments économiques : taxes et subventions Questions et réponses III. L’ENVIRONNEMENT : UNE LACUNE DANS LE SYSTEME DU COMMERCE INTERNATIONAL A. Le GATT : l’environnement comme dérogation 1. Les exceptions de l’article XX du GATT 2. Interprétation restrictive des exceptions de l’article XX : les rapports des Groupes spéciaux a. L’affaire Mexique / États-Unis, relative aux restrictions à l’importation de thon, Groupe spécial du GATT, 3 septembre 1991 b. L’affaire Communauté européenne et Pays-Bas / Etats-Unis, Groupe spécial du GATT, 14 juillet 1992 3. Le rapport « Commerce et environnement » du GATT de 1992 B. Accords de l’Organisation mondiale du commerce : la prise en compte progressive mais limitée de l’environnement 1. Le commerce des marchandises a. Le GATT 1994 i. Continuité avec le GATT 1947 ii. Les exceptions de l’article XX b. L’Accord sur l’agriculture i. Contexte ii. Obligations des Parties iii. Référence à l’environnement c. L’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) i. Contexte et champ d’application ii. Contenu iii. L’Accord et le principe de précaution d. L’Accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC) i. Champ d’application ii. Dispositif iii. Procédure de notification 12 iv. Procédure de règlement des différends e. L’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires (SMC) i. Champ d’application ii. Catégorisation des subventions et différenciation des régimes iii. Conditions applicables aux aides en faveur de l’environnement iv. Régime applicable aux aides en faveur de l’environnement v. Procédure anti-subvention 2. Le commerce des services a. L’Accord général sur le commerce des services (AGCS ou GATS) : l’environnement, une exception non expressément prévue i. Les exceptions générales de l’article XIV ii. Décision sur le commerce des services et l’environnement (15 décembre 1994) b. L’AGCS et les services environnementaux i. Le secteur des services environnementaux visés ii. La portée élargie du principe du traitement de la nation la plus favorisée iii. L’objectif de libéralisation des mesures gouvernementales restreignant le commerce (article I.1 et XIX.1) c. La libéralisation des services environnementaux i. Enjeu pour les pays développés et contrainte pour les pays en développement ii. Formes de libéralisation des services environnementaux 3. Droits de propriété intellectuelle a. L’Accord sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC ou TRIPS) i. Contexte de l’ADPIC ii. Contenu de l’ADPIC : champ d’application et droit des brevets iii. La protection de l’environnement comme dérogation au libre-échange iv. Protection de l’environnement et transfert de technologie b. L’ADPIC, la Convention sur la diversité biologique et le droit des brevets i. OMC et CDB : la philosophie commune de la brevetabilité ii. CDB et ADPIC : divergences et limites c. Les systèmes sui generis i. Le modèle de législation de l’OUA ii. Un régime commun d’accès aux ressources génétiques pour la Communauté andine d. Les moyens de la mise en œuvre de l’ADPIC C. La prise en compte institutionnalisée de l’environnement 1. Le Comité du commerce et de l’environnement (CCE) a. Mandat du CCE b. Travaux du CCE 2. Évolution de la « jurisprudence » : des rapports des groupes spéciaux aux décisions de l’Organe de règlement des différends (ORD) a. États-Unis, Normes concernant l’essence, nouvelle et ancienne formule (WT/DS 2), 1996 b. États-Unis, Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, (WT/DS58), 1998 c. Communauté européenne, Amiante (WT/DS 135), 2000 13 Questions et réponses IV. LES ACCORDS REGIONAUX : LA RECHERCHE D’UN EQUILIBRE ENTRE COMMERCE ET ENVIRONNEMENT A. L’Europe 1. L’Union européenne a. L’intégration de l’environnement dans les politiques communautaires i. Le principe d’intégration ii. Le respect des engagements internationaux environnementaux b. L’environnement comme dérogation à la liberté du commerce et de la concurrence i. Le principe d’interdiction des atteintes à la liberté du commerce et à la concurrence ii. Les dérogations fondées sur la protection de l’environnement iii. Les mesures nationales de protection de l’environnement renforcées iv. Le contrôle de la mesure restrictive par le juge 2. La coopération économique internationale et la protection de l’environnement a. Les conventions de coopération entre la Communauté européenne et les États de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) i. Convention de Lomé IV, 15 décembre 1989 ii. L’Accord de Cotonou, 23 juin 2000 b. L’Union européenne et les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) i. L’appui de l’Union européenne dans la perspective d’un élargissement ii. L’Accord de libre-échange en Europe centrale B. L’Afrique 1. Le pluralisme du régionalisme africain 2. Le Traité d’Abuja : un régionalisme continental 3. Les organisations régionales tenant compte de l’environnement 4. Le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) C. Les Amériques 1. L’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) a. Le Traité ALENA : tentative de conciliation entre libéralisation des échanges et environnement i. Les dispositions liant commerce et environnement ii. Les rapports entre l’ALENA et les accords environnementaux multilatéraux b. L’ANACDE 2. Le MERCOSUR D. L’Asie 1. L’APEC 2. L’ASEAN Questions et réponses BIBLIOGRAPHIE EXAMEN FINAL 14 INTRODUCTION Droit du commerce international et droit international de l’environnement ont connu une évolution distincte marquée par l’antériorité de l’ordre économique international sur la construction du droit de l’environnement. A présent, le processus de mondialisation génère des questionnements éthique, philosophique et politique sur la construction et l’évolution de nos sociétés confrontées à la prédominance de la logique économique. Dans ce contexte aborder la question très complexe des relations entre commerce et environnement apparaît aussi essentiel qu’incroyablement difficile. Les difficultés se situent à différents niveaux en fonction des attentes que chacun peut faire valoir quant à l’étude d’un tel thème : attentes en termes d’explications, d’analyse et implicitement de positionnement sur un sujet particulièrement délicat et polémique à l’issue du sommet mondial sur le développement durable qui s’est tenu à Johannesburg en septembre 2002. Pour cette raison il nous faut préciser la démarche suivie pour aborder les liens entre l’environnement et le commerce. Dans le cadre d’une formation au droit international de l’environnement, l’approche est évidemment juridique et nous n’abordons pas les implications économiques, sociales et autres des régimes juridiques établis pour réglementer les échanges commerciaux ayant un impact sur les politiques d’environnement . De même nous ne pouvons pas présenter de manière approfondie l’impact des mesures environnementales sur le développement des échanges commerciaux. Cependant la prise en compte de ces interactions et de ces phénomènes a guidé la construction du cours. Nous avons tenté d’exposer les relations entre droit du commerce international et droit international de l’environnement, deux espaces normatifs qui se sont élaborés indépendamment au sein de l’ordre juridique international. Or c’est bien la prise en compte des enjeux des relations entre ces deux espaces normatifs pour l’évolution et la cohérence de l’ordre juridique international qui constituent le fil rouge de ce cours. 15 I. Commerce et environnement dans l’ordre juridique international A. Contexte historique 1. L’antériorité de l’ordre économique international sur le droit de l’environnement Les relations économiques internationales existent depuis toujours, elles ont précédé la mise en place d’une véritable société internationale organisée. À partir de ce constat bien pragmatique, certains ont pu prétendre que le commerce était même à l’origine du droit international. Les règles du droit international ont ainsi été le reflet des différentes doctrines dominantes et de la conception défendue par les États de leur rôle dans le domaine des échanges commerciaux. Du libéralisme à l’interventionnisme, différents courants influencèrent le corps des règles que l’on désigne par le droit international économique et même l’ordre international économique1. Les deux guerres mondiales ont cependant transformé le cadre des relations économiques internationales et plus généralement les fondements des relations internationales : une transformation en profondeur, cristallisée dans la rédaction de la Charte des Nations unies. L’Organisation des Nations unies a la responsabilité d’un mandat général dans les domaines économique et social comme le prévoit l’article 55 de la Charte. En posant la coopération économique comme l’un des buts et principes de l’ONU (article 1 al. 3) ainsi que le principe d’un « bon voisinage économique », la Charte établit sans ambiguïté le lien entre le développement des relations économiques et le maintien de la paix. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’objectif est d’établir un ordre international permettant d’assurer la paix, considérant que celle-ci repose sur l’édification d’un ordre économique international néolibéral organisé autour de trois grandes idées : la liberté des échanges et des paiements, l’égalité de traitement et la réciprocité des avantages. C’est ainsi que fut convoquée, sous les auspices du Conseil économique et social des Nations unies, la Conférence de La Havane destinée à élaborer une charte constitutive d’une organisation internationale du commerce. Signée en mars 1948, la « Charte de la Havane » n’entra jamais en vigueur suite au refus du Congrès américain de la ratifier. C’est pourtant sur la base de son chapitre IV, relatif aux échanges de produits manufacturés, que va se mettre en place le seul instrument multilatéral régissant le commerce mondial jusqu’en 1994 : l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (General Agreement on Tariffs and Trade : GATT). Signé le 30 octobre 1947, ce traité multilatéral en forme simplifiée est entré en vigueur le 1er janvier 1948 en vertu du Protocole d’application provisoire. Par la suite, le système du GATT s’est progressivement développé tant sur le plan institutionnel que substantiel par le biais des différents « rounds », conférences commerciales multilatérales organisées périodiquement et aboutissant à différents protocoles et textes complétant le GATT. Par voie conventionnelle, Ordre économique international, c’est-à-dire : « l’ensemble cohérent de règles juridiques orientées en fonction des finalités du système ». 1 16 les États s’engagent à libérer progressivement les transactions commerciales et leur financement, chaque pays devant participer au démantèlement des restrictions existantes. Le cadre juridique du commerce international apparaît alors comme dispersé et lacunaire, un droit constitué d’une mosaïque d’ensembles normatifs polymorphes et mouvants dont l’unique objectif est de favoriser le système de règles le plus favorable au commerce. L’environnement n’apparaît pas dans ce système même si certaines dérogations aux échanges – nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes, à celle des animaux ou à la préservation des végétaux – sont prévues. Il faut attendre la création de l’Organisation mondiale du commerce née des Accords de Marrakech du 15 avril 1995 pour institutionnaliser un cadre juridique commun et parvenir à un système commercial multilatéral organisé prenant en compte différents sujets et notamment l’environnement. Cette prise en compte a bien sûr été conditionnée par l’influence croissante et la structuration du droit international de l’environnement, un droit beaucoup plus récent2 qui connaît, lui aussi, une restructuration et de nouvelles orientations. Un droit qui a dû prendre sa place au sein d’un ordre juridique international reposant sur des principes bien établis du commerce international. 2. L’intégration du droit international de l’environnement dans l’ordre juridique international au côté du droit du commerce international Tout comme le droit international économique, le droit de l’environnement se fonde sur un ensemble de sources de droit interne, de droit international ou autres qui concourent à son objet. Pour le droit commercial, il s’agit de la production et de la libre circulation des biens et des services, et pour le droit de l’environnement de la préservation des ressources naturelles et des équilibres écologiques. Par ailleurs, on constate que tout comme le droit destiné à régir les échanges commerciaux internationaux, le droit international de l’environnement s’appuie assez largement sur les principes généraux du droit et les actes des organisations internationales. Le recours à des engagements non contraignants est important dans les deux espaces normatifs même si, là encore, les raisons peuvent être totalement différentes (pour le droit de l’environnement, la réticence des États à s’engager ; pour le droit commercial, des exigences de rapidité et de technicité avec par exemple les réunions périodiques des ministres des finances des pays développés, créés pour répondre à ces impératifs). Peu de domaines du droit international ont connu un essor rapide participant au développement de l’ordre juridique international. Or, c’est le cas du droit international de l’environnement qui, d’une part emprunte à des concepts juridiques largement établis (comme les principes de bon voisinage ou de due diligence), et d’autre part élabore de nouveaux concepts et principes favorisant l’émergence d’une responsabilité de la communauté internationale vis-à-vis des générations futures3. 2 3 Voir historique du droit international de l’environnement, cours I UNITAR/ELP. Voir cours I UNITAR/ELP. 17 Le droit international de l’environnement présente aussi la particularité d’un droit désordonné qui s’est élaboré par à coups sous l’influence d’événements bien souvent dramatiques (sinistre du Torrey Canyon en 1967, catastrophe de l’Amoco-Cadiz en 1978, accident de l’usine chimique de Bhopal en 1984, explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl en 1986, etc.) et non de manière régulière. En découle un droit foisonnant, élaboré sans ordre logique évident et sans articulation spontanée avec d’autres secteurs du droit international, même si les liens avec les activités économiques apparaissent d’emblée évidents. La réglementation au préalable très sectorielle va s’orienter vers une approche plus globale avec la Conférence de Stockholm de 1972 pour peu à peu se structurer dans ses orientations. B. Les étapes de la relation commerce / environnement Ce bref rappel du contexte historique dans lequel s’inscrit la compréhension du lien entre les échanges commerciaux internationaux et la problématique environnementale tend à distinguer trois étapes essentielles dans l’évolution de cette relation : 4 une période de juxtaposition des règles régissant la protection de l’environnement considérant le caractère à la fois désordonné et lacunaire des deux espaces normatifs pouvant conduire à des frictions épisodiques mais aussi à une évolution parallèle et non concertée. Cette période précède la Conférence de Stockholm de 1972 et s’étend jusqu’en 1991, période à laquelle le Groupe spécial du GATT est confronté à l’examen des relations entre les mesures commerciales et les politiques environnementales4. Le constat apparaît alors clairement, le cadre juridique du commerce international ne permet pas aux Parties contractantes du GATT de privilégier leurs mesures environnementales par rapport à la liberté du commerce international ; une période d’enchevêtrements accompagnée d’une reconnaissance progressive des interactions liant commerce et environnement sous l’influence de la Conférence de Rio et avec la prise en compte d’une ouverture environnementale à la fin de l’Uruguay Round (1986-1993) qui aboutira à la Conférence de Marrakech en 1994 puis à l’entrée en vigueur des Accords de l’OMC en 1995. Cette seconde période est considérée comme celle de la prise de conscience du « problème environnemental » par les Parties contractantes du GATT, considérant les carences de l’Accord général dans un domaine susceptible d’affecter la liberté des échanges commerciaux ou de modifier les conditions de l’échange de manière discriminatoire ; enfin une période d’interactions positives ou espérées comme telles avec la Conférence de Singapour de l’OMC en 1996 et les résultats des travaux du Comité du commerce et de l’environnement mis en place par l’OMC. L’Organisation mondiale du commerce admet que la sauvegarde d’un système commercial multilatéral ouvert n’est pas incompatible avec la protection de l’environnement. Affaire « Restrictions à l’importation de thon I », BISD 39 S/155. 18 C. Société internationale économique et environnement à l’épreuve de la mondialisation L’évolution apparemment parallèle des deux espaces normatifs que constituent le droit international de l’environnement et le droit du commerce international ne pouvait continuer face à la nouvelle configuration des échanges quelle que soit leur nature. Cette nouvelle configuration résulte du phénomène de mondialisation qui fait de la terre une scène unique. Chaque expérience particulière prend une dimension universelle et, à l’inverse, les grands conflits se décomposent en une multitude d’impacts au niveau local au sein des États, à l’intérieur des groupes, entre les individus. Sous l’angle économique, la mondialisation se traduit par la globalisation financière, la transnationalisation des flux mais, en même temps, par la mise en concurrence d’économies très inégalement développées. Sous l’angle écologique, la mondialisation entraîne une répercussion des atteintes à l’environnement au niveau mondial (atteinte de la couche d’ozone, pollution des mers, menace sur la diversité biologique, etc.) et la nécessité de mettre en œuvre des politiques internationales transsectorielles de conservation. Concrètement, les deux ensembles normatifs que sont le droit international de l’environnement et le droit du commerce international ont intégré de nouvelles règles pour la production de leurs normes mettant en place parallèlement de nouveaux instruments pour leur application. La mondialisation influence le réseau des éléments et des partenaires à la fois destinataires et participants à la mise en œuvre des politiques commerciales et environnementales. On constate ainsi que la société internationale économique prend en considération différents types d’acteurs : les États, entendus dans leur diversité, car le droit international économique n’est pas seulement un droit interétatique, c’est un droit qui concerne directement ou indirectement les personnes privées. Par ailleurs, il aménage ses règles en distinguant les pays développés des pays en développement lesquels reçoivent un traitement plus favorable ; les organisations internationales économiques : ces organisations gouvernementales à vocation économique représentent un secteur foisonnant. On dénombre plus d’organisations à vocation économique que d’États : par exemple, les organisations mondiales comme le Fond monétaire international ou la Banque mondiale, les organisations régionales telles que l’Accord de libre-échange nord-américain, la CEE, l’OCDE, etc. ; les organisations internationales non gouvernementales à vocation économique : il s’agit de groupements créés à l’initiative de personnes privées (physiques ou morales) réunissant des membres de différentes nationalités en vue de l’exercice d’une activité internationale de caractère désintéressé et dotés de la personnalité juridique de droit interne mais non de droit international ; 19 les entreprises multinationales ou sociétés transnationales représentent les acteurs essentiels du système des relations internationales économiques. Elles se définissent comme des sociétés dont le siège se situe dans un pays déterminé et qui exercent leurs activités dans un ou plusieurs autres pays par l’intermédiaire de succursales ou de filiales qu’elles coordonnent5. Elle réalisent la quasi-totalité des investissements internationaux et elles sont à l’origine de l’essentiel des paiements internationaux. Ce sont les principaux opérateurs du commerce international. La particularité de la société internationale économique, reposant sur une multiplicité d’acteurs et donc une grande complexité des relations entre les sujets concernés, se retrouve dans les politiques de protection de l’environnement. L’Agenda 21, programme d’action adopté à la Conférence de Rio destiné à guider l’application des politiques environnementales et porteur d’une vision d’ensemble des perspectives de développement durable, dresse ainsi l’inventaire de la multiplicité des acteurs qu’il entend faire participer à sa mise en œuvre. De cette façon, il complète la Déclaration de Stockholm qui déjà s’adressait aux citoyens, aux collectivités, aux entreprises et aux institutions (point 7 de son préambule). Le rôle des États est pris en compte à différents niveaux. Une distinction est établie entre pays développés et pays en développement : le droit international de l’environnement leur reconnaît une responsabilité commune mais différenciée (par exemple dans la Convention sur la diversité biologique). Selon les actions à mener, les États peuvent apparaître comme les destinataires exclusifs des obligations contractées, c’est le cas par exemple pour la gestion écologiquement rationnelle des déchets radioactifs ; Les entreprises commerciales et industrielles y compris les sociétés transnationales sont particulièrement visées en lien avec le rôle des gouvernements ; Les organisations internationales et non gouvernementales (ONG) y compris les associations commerciales et scientifiques. Sont désignés notamment les organismes des Nations unies qui « devraient améliorer les mécanismes concernant les apports du commerce et de l’industrie et les processus de formulation des politiques et des stratégies afin de veiller à ce que les considérations écologiques occupent une plus grande place dans les investissements étrangers. » (chapitre 30.28) ; Et selon les objectifs fixés, les ménages, les femmes, les jeunes, les syndicats, les groupes d’utilisateurs ou de consommateurs, les milieux scientifiques (ingénieurs, concepteurs, etc.). Ce réseau très complexe d’acteurs pris en compte par le droit international de l’environnement rejoint à certains égards celui des relations économiques internationales, étant entendu que les perspectives et les moyens d’action sont différents. Des orientations Cette définition est inspirée d’un avis du Conseil économique et social français de 1972. Elle reflète une position assez générale des pays d’influence romano-germanique. Cependant, la définition des sociétés transnationales peut être sensiblement différente dans les pays dont le système juridique est d’influence anglo-saxonne. 5 20 communes déterminées au niveau de l’Organisation des Nations unies ont permis de dégager les perspectives de la relation commerce / environnement au sein de l’ordre juridique international. D. Le consensus mondial du développement Si le phénomène de la mondialisation marque l’évolution des interactions croissantes entre la sphère des échanges commerciaux mondiaux et les mesures globales de protection de l’environnement, le constat de la détérioration – tant de l’environnement mondial que du niveau de vie dans les pays en développement – conduit à une action normative pour le développement durable. Action fondée par l’article 55 de la Charte des Nations unies : « (…) les Nations unies favoriseront : a) le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et des conditions de progrès et de développement dans l’ordre économique et social ; b) la solution des problèmes internationaux dans les domaines économique, social, de la santé publique et autres problèmes connexes (…) ; ». C’est une mission des Nations unies dont on trouve une expression dans l’adoption de la Charte mondiale de la nature de 19826. 1. La coopération internationale pour le développement Plusieurs éléments ont contribué à rapprocher l’environnement du système du commerce international : la complexité croissante des relations internationales due notamment au phénomène de mondialisation qui conduit à percevoir tous les échanges dans un cadre interactif ; l’augmentation du nombre des accords multilatéraux d’environnement et la perspective globale qui les caractérise (par exemple les conventions de protection de l’air et de l’atmosphère comme la Convention de Vienne sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance de 1979 ou la Convention-cadre sur les changements climatiques de 1992) ; le développement, thème abordé par la Conférence de Stockholm de 1972 et mis au cœur des débats par le rapport Brundtland publié en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, commission créée à l’initiative de l’Assemblée générale des Nations unies7. Le lien est établi entre le développement et l’exploitation des ressources naturelles par la Conférence de Stockholm, le Rapport Brundtland met l’interdépendance au 6 Assemblée générale des Nations unies, Résolution 37/7 du 28 octobre 1982. Résolution adoptée par 111 voix contre une (États-Unis), avec 18 abstentions. 7 Commission mondiale sur l’environnement et le développement, Notre avenir à tous, 1987. Commission instituée par la résolution 38/161 du 19 décembre 1983 de l’Assemblée générale des Nations unies. Le mandat ambitieux de la Commission était de proposer des formes nouvelles de coopération internationale susceptible d’influencer les politiques et les événements dans le sens des changements nécessaires. 21 centre de ses recommandations reconnaissant l’interconnexion entre des sphères politiques jusqu’à présent traitées par des normes et des institutions différentes (telles que l’industrie, la protection des espèces et des ressources génétiques, l’énergie, etc.). Enfin, elle propose pour la première fois une conférence mondiale sur l’environnement et le développement. La conférence de Rio met en relation droit au développement et impératifs de protection de l’environnement. En ayant pour mission de donner une définition consensuelle du concept de développement durable, la Conférence sur l’environnement et le développement de 1992 met en présence différentes conceptions et notamment différentes approches du développement (approche économique, écologique, sociale, etc.). En dépit de l’absence d’une définition consensuelle dans un accord ayant force obligatoire, la Conférence établit clairement le lien entre le développement économique, dont les échanges commerciaux constituent une part essentielle, et les standards écologiques dans le cadre de conditions sociales. « Le droit au développement doit être réalisé de façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au développement et à l’environnement des générations présentes et futures. » (Principe 3, Déclaration de Rio, 1992) « Pour parvenir à un développement durable, la protection de l’environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée isolément. » (Principe 4, Déclaration de Rio, 1992) L’Agenda 21, programme d’action adopté à la Conférence de Rio, précise la responsabilité des États dans la mise en œuvre d’une politique de développement : « 2.4. Les gouvernements reconnaissent qu’un nouvel effort est fait à l’échelle mondiale pour lier les éléments du système économique international et la nécessité pour l’humanité de vivre dans un environnement naturel sûr et stable. C’est pourquoi les gouvernements sont résolus à poursuivre leurs efforts en vue de renforcer le consensus à l’intersection des domaines relatifs à l’environnement, au commerce et au développement dans les instances internationales, de même que dans la politique intérieure de chaque pays. » (Agenda 21, chapitre 2) Plus largement, la relation entre commerce et environnement au sein de l’ordre juridique international s’inscrit dans les fondements de la doctrine et des normes internationales du développement8 désormais ancrés dans le processus de mondialisation : Plusieurs déclarations marquent la doctrine commune dégagée par l’Organisation mondiale : la proclamation par l’Assemblée générale des Nations unies le 5 décembre 1980 de la troisième décennie pour le développement, la Déclaration sur la coopération économique internationale le 1 er mai 1990 ; la Stratégie pour la quatrième décennie des Nations unies pour le développement. 8 22 « Le développement économique, le développement social et la protection de l’environnement sont des composantes interdépendantes du développement durable qui se renforcent mutuellement ». (Résolution 51/240 du 20 juin 1997, Agenda pour le développement) Animé par une logique d’intégration des pays en développement au marché mondial nuancée par la prise en compte d’un développement durable, le consensus mondial pour le développement exprime la volonté commune des États de parvenir à un ordre juridique international fondé sur la coopération dont l’organisation des Nations unies serait le cadre. 2. Théorie du commerce mondial et enjeux de la protection de l’environnement : le développement durable Les débats autour du concept de développement durable, issus notamment de la Conférence de Rio de 1992, vont permettre de confronter les différentes théories sur lesquelles reposent le système du commerce mondial et les grandes orientations du droit international de l’environnement. La croissance économique est la condition du développement, notamment des pays en développement, car elle permet d’améliorer le niveau de vie en éliminant la pauvreté, la maladie, en donnant les moyens de faire progresser le niveau d’éducation et d’améliorer l’environnement. Comme le prévoit l’Agenda pour le développement, la protection de l’environnement fait partie intégrante du processus de développement et ne peut être envisagée séparément. Avec la Conférence de Genève sur le commerce et le développement et la création de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED) en 1964 apparaît une nouvelle conception du développement économique soutenue par les pays en voie de développement car beaucoup plus critique de la conception libérale. La CNUCED permet d’ouvrir les négociations dans le domaine des relations commerciales. La perspective est d’introduire davantage d’équité dans les échanges internationaux et d’assurer la croissance économique et intégrée de toute la planète. Par la suite se poursuit une politique d’intégration des pays en développement dans le marché mondial avec des périodes de crises plus ou moins fortes en matière de coopération multilatérale, résultat d’une contradiction entre la conscience d’un devenir commun englobant la planète et les intérêts particuliers des États. Reste cependant que la démocratie pluraliste fondée sur l’économie de marché reste le seul modèle de développement reconnu au niveau de l’organisation mondiale. Concernant la relation entre commerce et environnement, la théorie classique du libre-échange a été nuancée pour admettre des aménagements en lien avec la problématique environnementale. Théorie classique du libre-échange : La liberté des échanges en univers concurrentiel concourt à améliorer le bienêtre de toutes les Parties à l’échange. Cela induit que le commerce est un jeu à 23 somme positive, lui apporter des restrictions équivaut à porter atteinte au bienêtre collectif. Le principe de la liberté des échanges suppose que toutes les composantes du coût de production, y compris leurs effets négatifs sur l’environnement, sont internalisées par les producteurs. Or, il apparaît que tous les effets sur l’environnement ne peuvent être « internalisés » (c’est-à-dire intégrer dans les coûts) et, par conséquent, les règles du libreéchange n’induisent pas systématiquement des effets positifs notamment en matière d’environnement. Les perspectives restent cependant bien différentes selon qu’il s’agit de défendre l’environnement ou de favoriser l’accroissement des échanges. La relation commerce / environnement dans une perspective commerciale libérale : le commerce crée les conditions de la croissance économique nécessaires à l’amélioration du bien-être de l’homme et donc de l’environnement ; le commerce peut être utilisé pour améliorer les conditions de protection de l’environnement en permettant l’échange des connaissances, des techniques de production respectueuses de l’environnement ou encore en favorisant la diffusion de moyens de production moins polluants ; le commerce peut éviter le gaspillage en permettant la répartition des productions. La perspective environnementale de la relation commerce / environnement connaît plusieurs variantes selon l’approche théorique privilégiée et le caractère plus ou moins radical des objectifs poursuivis. De manière générale, il est considéré que le système commercial menace l’équilibre des écosystèmes : en favorisant l’augmentation de la production et de la consommation qui en découle (accroissement des activités extractives des ressources naturelles, production des déchets et gaspillages potentiels) ; en entraînant l’accroissement des pollutions par la multiplication des volumes transportés. La libéralisation des échanges entraîne une modification de l’échelle de la production et de la consommation laquelle a pour conséquence une démultiplication des effets dommageables pour l’environnement. Le risque identifié à un niveau plus général est celui de la modification de l’économie des pays qui les pousse à produire toujours plus sans qu’il y ait de contrôle au niveau de l’État de l’impact structurel de ce phénomène sur la qualité de l’environnement. D’emblée, l’économie est considérée comme un sous-système de la biosphère opérant dans un cadre fini. Cela implique nécessairement que toute extension du commerce accroît mécaniquement la pression sur l’environnement. 24 Face à ces deux perspectives, s’est dégagée peu à peu une démarche, sinon consensuelle du moins « intermédiaire », au sein de l’Organisation mondiale et dans différentes organisations intéressées (OCDE, OMC, CNUED) pour déterminer les politiques de développement durable selon lesquelles : les liens entre commerce et environnement sont multiples et complexes considérant le contexte de la mondialisation ; le commerce n’est pas en lui-même positif ou négatif pour l’environnement. Ses effets sur l’environnement dépendent des moyens déployés pour le rendre non seulement compatible mais également complémentaire des mesures environnementales dans une interaction positive. Cette orientation générale ne permet pas de résoudre les frictions répétées qui interviennent entre les deux espaces normatifs et surtout ne permet pas de traiter en profondeur les contradictions sur lesquelles reposent d’un côté le régime du commerce international, de l’autre la construction d’un modèle de développement qui privilégierait l’environnement9. L’ordre juridique international est donc confronté aux oppositions de ces deux espaces normatifs. E. L’unité de l’ordre juridique international L’élaboration du droit international de l’environnement s’étant effectuée principalement en parallèle de la mise en place du droit international économique et en partie de manière sectorielle, les conflits avec les règles régissant les échanges commerciaux doivent trouver une solution au sein de l’ordre juridique international dans le respect du droit international général. Cependant la mise en place, tant par les accords environnementaux que par les conventions de libre-échange établies au niveau international ou régional, de régimes spécifiques et autonomes semble menacer l’unité de l’ordre juridique international. 1. Incompatibilités entre accords multilatéraux de l’environnement et système commercial multilatéral : application du droit des traités Dans la mesure où les accords multilatéraux sur l’environnement (AME) se multiplient et abordent ou même recourent à diverses mesures commerciales, les interactions avec le système juridique international régissant les échanges internationaux sont inévitables. On notera cependant que, jusqu’à présent, aucun conflit opposant les dispositions d’un AME à des droits prévus par l’OMC n’a fait l’objet d’une procédure formelle de règlement des différends. Cette situation s’explique assez facilement par le Le problème crucial devient celui de l’évaluation des effets de l’interrelation entre commerce et environnement. Afin de mieux maîtriser la relation entre commerce et environnement sont prévus des groupes des travail au sein des organisations telles que l’OMC ou l’OCDE, chargés d’élaborer des méthodes d’évaluation de l’impact sur l’environnement de la libéralisation des échanges et réciproquement, c’est-à-dire des méthodes susceptibles de mesurer les effets sur l’environnement de la libéralisation des échanges. De telles initiatives, encore très récentes, ne permettent pas de donner des résultats précis et exhaustifs sur tous les secteurs d’activités. Par exemple, des études sont en cours sur l’agriculture, l’impact des pêcheries et les mesures forestières au sein du groupe de travail conjoint sur les échanges et l’environnement de l’OCDE. 9 25 souhait des gouvernements de ne pas remettre en cause des traités ayant recueilli une large approbation de la communauté internationale. Cependant, il faut rappeler qu’un traité ne peut être considéré isolément, ses dispositions doivent être confrontées avec d’autres normes juridiques avec lesquelles elles peuvent entrer en concurrence. Le droit des traités codifié par la Convention de Vienne du 23 mai 1969 permet d’appréhender le traitement des incompatibilités entre droits et obligations issus d’un accord international de protection de l’environnement et le système commercial multilatéral. L’article 30 de la Convention de Vienne relatif à « l’application des traités successifs portant sur la même matière » permet de guider la résolution du conflit : « Article 30 – Application de traités successifs portant sur la même matière 1. (…) 2. Lorsqu’un traité précise qu’il est subordonné à un traité antérieur ou postérieur ou qu’il ne doit pas être considéré comme incompatible avec cet autre traité, les dispositions de celui-ci l’emportent. 3. Lorsque toutes les Parties au traité antérieur sont également Parties au traité postérieur, sans que le traité antérieur ait pris fin ou que son application ait été suspendue en vertu de l’article 59, le traité antérieur ne s’applique que dans la mesure où ses dispositions sont compatibles avec celles du traité postérieur. 4. Lorsque les parties au traité antérieur ne sont pas toutes parties au traité postérieur : dans les relations entre les États Parties aux deux traités, la règle applicable est celle qui est énoncée au paragraphe 3 ; dans les relations entre un État Partie aux deux traités et un État Partie à l’un de ces traités seulement, le traité auquel les deux États sont Parties régit leurs droits et obligations réciproques. (…) ». (Convention de Vienne sur le droit des traités, 1969) Tout d’abord les Parties à un traité peuvent elles-mêmes prévoir des critères hiérarchiques ou des clauses de compatibilité afin de prévenir les conflits. C’est le cas notamment de la Convention sur la diversité biologique qui prévoit, très prudemment, une disposition particulière : « Article 22 – Relations avec d’autres conventions internationales 1. Les dispositions de la présente Convention ne modifient en rien les droits et obligations découlant pour une Partie contractante d’un accord international existant, sauf si l’exercice de ces droits ou le respect de ces obligations causait de sérieux dommages à la diversité biologique ou constituait pour elle une menace. » (Convention sur la diversité biologique, Rio, 1992) Cependant, ces clauses peuvent elles-mêmes soulever des incertitudes : en l’occurrence, comment apprécier les termes « la menace » ou les « sérieux dommages à la diversité biologique » et le lien de causalité avec l’application de mesures commerciales ? 26 En cas de silence des Parties, le droit des traités prévoit des règles précises destinées à s’appliquer presque mécaniquement pour déterminer quelle obligation conventionnelle doit s’appliquer lorsque deux ou plusieurs traités adoptés à des dates différentes mais ayant des dispositions contradictoires entrent en conflit. Cette règle d’application impose une hiérarchie faisant prévaloir le traité le plus récent. Exemple : dans le cas d’un conflit entre une obligation conventionnelle établissant une interdiction relative aux restrictions commerciales (comme prévue par le GATT/OMC) et d’un traité établissant certaines restrictions commerciales (comme les restrictions aux échanges prévues par la Convention de Bâle de 1989 concernant le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination), entre les Parties aux deux instruments, le dernier, c’est-à-dire la Convention de 1989, prévaudra. On précisera cependant que, dans le cas où deux États sont à la fois Partie à la Convention de Bâle et membre de l’OMC, il est fort improbable, dans la pratique, qu’ils contestent une mesure prise en vertu de leurs obligations issues de la Convention de Bâle. Par contre, le cas où les deux pays (A et B) sont membres de l’OMC mais dont un seul, (l’État A), est Partie à la Convention de Bâle, pourrait donner lieu à un conflit. En respectant ses obligations en vertu de la Convention de Bâle, l’État A pourrait se trouver dans l’impossibilité de respecter certaines obligations vis-à-vis de l’État B, membre de l’OMC, non Partie à la Convention de 1989. Ces mécanismes de hiérarchisation prévus par la Convention de Vienne s’articulent avec la règle coutumière selon laquelle la convention ayant un objet plus spécifique l’emporte sur celle ayant un objet plus général. Le principe pacta sunt servanda10 impose de respecter ses obligations conventionnelles de bonne foi. Par ailleurs l’article 31 de la Convention de Vienne prévoit que pour interpréter les accords et donc examiner leur incompatibilité éventuelle, il convient de prendre en considération – outre le contexte, les accords ultérieurs et la pratique – « toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les Parties ». Cette disposition consacre l’unité du droit international et insiste sur le fait que des règles issues de relations conventionnelles ne doivent pas être considérées comme isolées par rapport au droit international général. « Un instrument international doit être interprété et appliqué dans le cadre du système juridique tout entier tel qu’il était applicable au moment de son interprétation ». (CIJ, Avis consultatif, Éthiopie c. Afrique du Sud ; Liberia c. Afrique du Sud, 21 juin 197111) 10 Article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités : « Tout traité en vigueur lie les Parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ». 11 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud (Sud Ouest africain) en Namibie, nonobstant la résolution 276 du Conseil de sécurité, CIJ, Avis consultatif du 21 juin 1971, Rec. 1971, p. 16, § 31. Dans cette affaire, la Cour internationale a considéré que l’interprétation de l’Acte 27 Récapitulatif des règles applicables en cas de traités successifs portant sur le même sujet : le traité postérieur l’emporte sur le traité antérieur sauf précision particulière du traité ; le traité spécial l’emporte sur le traité général ; les traités doivent être appliqués et interprétés de bonne foi, de manière à leur donner tout leur effet. 2. Le règlement des différends Considérant d’une part les multiples interactions entre le droit international de l’environnement et le système commercial multilatéral et, d’autre part la mise en place par ces deux espaces normatifs de procédures et de principes qui leur sont propres, la question préliminaire des moyens de règlement pacifique des différends va avoir des conséquences importantes. a. Les accord environnementaux et les procédés de règlement pacifique des différends La plupart des conventions internationales relatives à l’environnement prévoient des dispositions particulières. Par exemple, la Convention sur la diversité biologique prévoit que si les Parties concernées ne peuvent parvenir à un accord par voie de négociation, elles peuvent conjointement faire appel aux médiations ou aux bons offices. Dans le cas d’un différend qui n’a pas été réglé par ces moyens, les Parties pourront recourir à l’arbitrage ou à la Cour internationale de justice. Dans l’hypothèse où un accord n’interviendrait pas selon ces procédés, le différend est soumis à la conciliation (procédure prévue à l’annexe II de la Convention). Il est de jurisprudence constante qu’avant qu’un différend fasse l’objet d’un recours en justice, son objet ait été défini lors de pourparlers diplomatiques12. Toutes les procédures juridictionnelles ou non juridictionnelles de règlement pacifique des différends sont ainsi assez largement rappelées dans la plupart des accords environnementaux (article 14 de la Convention sur les changements climatiques, article 20 de la Convention de Bâle de 1989, article 18 de la Convention CITES, article 28 de la Convention sur la lutte contre la désertification de 1994, etc.). b. Le système de règlement des litiges de l’Organisation mondiale du commerce constitutif de la Société des Nations et les institutions qu’elle établissait ne pouvaient rester imperméables aux développements juridiques intervenus ultérieurement, y compris la Charte des Nations unies et le droit coutumier. La Cour n’a pas eu recours à l’article 31 (3) de la Convention de Vienne qui n’était pas en vigueur à l’époque. Cette disposition n’a été invoquée que très rarement devant les juridictions internationales, sans doute parce que sa signification pratique est difficile à définir. 12 CPJI, ordonnance du 19 août 1929, Affaire des zones franches entre la France et la Suisse, Série A, n° 22 ; CPJI, 30 août 1924, Mavrommatis, Série A, n° 2 ; CIF, 26 novembre 1957, Droit de passage en territoire indien / exceptions préliminaires, Rec. 1957. 28 Le système multilatéral commercial a prévu un système particulier de règlement des litiges. Précédemment le GATT de 1947 instituait un système interne de règlement des différends commerciaux entre les Parties contractantes à base de conciliation. L’originalité en était la procédure prévue, interne à l’institution, et surtout sa nature non contentieuse. Le « Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends » annexé à l’OMC réforme profondément le système précédent. Il met en place un mécanisme général administré par un Organe de règlement des différends (ORD) sous le contrôle du Conseil général de l’OMC. La nature juridique sui generis de ce système de règlement des litiges apparaît car il s’agit de procédures à michemin entre la négociation diplomatique et le règlement juridictionnel. Les principales phases de règlement des litiges sont les suivantes : phase de consultations bilatérales : si cela n’aboutit pas dans les 60 jours suivant la date de la demande des consultations, la partie plaignante pourra demander la création d’un Groupe spécial (article 3 § 3 du Mémorandum) ; phase du Groupe spécial : une fois mis en place il devra élaborer son rapport dans un délai maximum de six mois (trois mois en cas d’urgence) (article 8 § 7 du Mémorandum) ; phase éventuelle d’appel du rapport du Groupe spécial devant l’Organe permanent d’appel (article 17 § 4 du Mémorandum) : l’appel ne peut concerner que des questions de droit couvertes par le rapport et les interprétations de droit données par le Groupe spécial (article 17 § 6)13 ; phase de mise en œuvre des recommandations du Groupe spécial ou de l’Organe d’appel permanent. Une fois que le rapport du Groupe spécial est adopté par l’ORD, la partie concernée doit notifier dans un délai de 30 jours ses intentions relatives à la mise en œuvre des recommandations. Si la partie concernée ne peut se conformer immédiatement aux recommandations, un délai raisonnable peut lui être accordé (délai qui peut être déterminé par arbitrage, article 23 § 3c du Mémorandum). En cas d’inexécution des recommandations dans le délai imparti, des modalités de mise en œuvre des compensations et des suspensions de concessions sont prévues (article 22 § 2 à 9 du Mémorandum). Il faut considérer la portée de ce mécanisme de règlement des différends. Ce mécanisme interétatique ne concerne pas les parties privées qui sont pourtant les agents quasi exclusifs des échanges commerciaux internationaux. Par ailleurs, il s’agit d’un mécanisme global qui s’applique à l’ensemble des différends issus de l’application des accords de Marrakech instituant l’OMC sous réserve des exclusions et précisions qui résultent de l’article 1er14. La vocation de l’ORD est de régler le contentieux commercial Le déroulement de l’ensemble de la procédure d’appel est régi par le « Règlement de la procédure d’appel » adopté le 15 février 1996 et ensuite rectifié le 28 février 1997. 14 Le Mémorandum ne s’applique pas ipso jure à quatre accords commerciaux plurilatéraux car l’application du mécanisme de règlement des différends est subordonné à une manifestation de volonté. Par ailleurs certains accords contiennent des procédures spéciales en matière de règlement des différends susceptibles d’entraîner des conflits entre règles et procédures. Le Mémorandum fournit quelques directives pour résoudre ces conflits. 13 29 international interétatique sur la base du droit spécial du commerce, excluant la compétence d’autres juridictions prévues dans d’autres accords, comme par exemple au plan régional celle de la Cour de justice des Communautés européennes. La création de juridictions spéciales ne devraient pas nuire à l’unité du droit international dès lors que le principe de spécialité15 des organisations internationales est strictement respecté. Concernant l’extension du mécanisme de l’OMC, et donc des compétences de l’ORD sur les politiques environnementales, le rapport du GATT publié en 1992 intitulé « Commerce et environnement » donne quelques indications. De manière générale, le rapport souligne que : « Les règles de l’Accord général visent essentiellement à empêcher la discrimination (…). On peut donc raisonnablement en conclure que, même s’il n’est pas fait explicitement mention de l’environnement dans l’Accord général, les politiques non discriminatoires suivies en la matière devraient normalement échapper à toute contrainte imposée dans le cadre du GATT. » Selon ce rapport, les règles du GATT ne s’opposent pas à l’adoption de politiques environnementales qui sont soutenues par la communauté internationale. Par contre, il en découle que toutes les mesures prises par un État à l’encontre d’un autre État en raison du laxisme des règles environnementales de ce dernier seront contraires au GATT, car cela serait assimilé à un soutien au protectionnisme et apparaîtrait en opposition totale avec l’Accord général. Cette approche sera d’ailleurs clairement appliquée dans un rapport du Groupe spécial concernant les restrictions à l’importation de thon de 199116. Le Groupe spécial jugera que les États-Unis avaient appliqué une mesure d’interdiction d’importation des thons à nageoires jaunes pêchés à la senne coulissante à des pêcheurs mexicains en application de la loi américaine sur la protection des mammifères marins mais en contradiction avec les dispositions de l’article XI du GATT sur l’interdiction des restrictions quantitatives. Par la suite, les travaux du Comité du commerce et de l’environnement (CCE) mis en place avec l’entrée en fonction de l’OMC en 1994, vont préciser les limites de l’OMC dans le domaine de l’environnement, considérant que cette organisation n’a pas pour objectif la protection de l’environnement. L’Organisation mondiale du commerce n’a donc vocation à s’y intéresser que si des politiques environnementales ont un impact sur le commerce de ses membres. (insérer tableau : La procédure de règlement des différends commerciaux de l’OMC) c. Concurrence des mécanismes de règlement des différends 15 Les organisations internationales (qui peuvent être des organisations régionales) sont régies par le principe de spécialité c’est à dire qu’elles sont dotées par les États qui les créent de compétences d’attribution dans les limites des fonctions qui leur sont dévolues. CIJ, avis OMS du 8 juillet 1996, Rec. 1996, p. 78. 16 BISD 39 S/55, non adopté. 30 Dans l’éventualité d’un conflit entre des mesures environnementales et le système commercial de l’OMC qui déboucherait sur une procédure de règlement des différends lancée par l’OMC, le Groupe spécial serait chargé de trancher la question dans le cadre des accords pertinents de l’OMC en faisant appel aux « règles coutumières d’interprétation du droit international public ». Cependant, en cas de dualité de systèmes normatifs applicables, quel mécanisme pourra prévaloir ? Le nouveau système de l’OMC n’évite pas le problème de la « mosaïque » qui caractérisait le GATT, c’est-à-dire qu’il fait référence à d’autres institutions internationales (comme l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, par exemple) ainsi qu’à différents accords multilatéraux, notamment environnementaux, qui peuvent contenir leur propre système de règlement des différends. Par ailleurs, certaines conventions internationales (comme la Convention de Montego Bay de 1982 sur le droit de la mer) ou des organisations régionales (Union européenne, ALENA) se référent au système du GATT tout en possédant leur propre système de règlement des différends. Devant la multiplication des systèmes de règlement des litiges et leur concurrence éventuelle, les États se verront en situation de choisir le mécanisme qui leur apparaîtra le plus favorable à leur cause. Cet effet pervers de la prolifération des juridictions sur l’unité de l’ordre international doit être nuancé du fait de la faible consistance du conflit de jurisprudence. Les juges internationaux, quel que soit leur organe de rattachement, endossent la responsabilité de respecter et de faire respecter l’ordre juridique international ; ils sont par ailleurs sélectionnés pour leur compétence technique notoire. En dehors de ces considérations d’ordre statutaire, la pratique judiciaire internationale, y compris de l’ORD, montre une certaine cohérence dans le respect du droit international et des interprétations des règles. Par exemple, l’instance d’appel de l’organe de règlement des différends de l’OMC s’est appuyé sur l’arrêt de la Cour internationale de justice du 25 septembre 1997 relatif au barrage Gabcikovo-Nagymaros pour rendre sa décision du 16 janvier 1998 relative aux mesures prises par la Communauté européenne concernant la viande aux hormones et prendre position sur le principe de précaution en droit international de l’environnement. Concernant la dualité des systèmes de règlement des différends pouvant intervenir entre le système OMC et le système prévu dans un accord multilatéral environnement, une réflexion au sein du Comité du commerce et de l’environnement a été engagée afin de solutionner les conflits potentiels. Il apparaît ainsi dans la section « Conclusions et recommandations » du rapport de décembre 1996 du Comité du commerce et de l’environnement de l’OMC, l’opinion selon laquelle « en cas de différend entre des membres de l’OMC Parties à un AME sur le recours aux mesures commerciales qu’ils appliquent mutuellement en vertu de l’AME, 31 ceux-ci doivent envisager de le régler par l’intermédiaire du mécanisme de règlement des différends prévu par l’AME »17. Il faut cependant souligner que plusieurs délégations ont exprimé des réserves sur certains paragraphes du rapport, notamment que dans le cas où plusieurs cadres institutionnels peuvent être envisagés pour régler un litige, le choix doit être libre. On peut ajouter que certaines organisations régionales ont explicitement envisagé cette question. Ainsi, les membres de l’ALENA précisent dans l’article 104 de l’accord que, dans la mesure où des accords sur l’environnement spécifiés comportent des procédures propres de règlement des différends, celles-ci prévalent sur les procédures applicables de règlement des différends prévues par l’ALENA. 3. Les organisations régionales d’intégration Les organisations régionales constituent un cadre très important pour les échanges commerciaux internationaux ; destinées à favoriser les échanges dans une région ou une sous-région, elles donnent une structure à l’élaboration de politiques environnementales concertées. Ces regroupements d’États peuvent revêtir différentes formes : zone de libre-échange qui consiste en l’élimination par plusieurs États des obstacles tarifaires et non tarifaires dans leurs échanges commerciaux mutuels. C’est le cas de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) ; union douanière qui ajoute aux caractéristiques de la zone de libre-échange une protection commune tarifaire et non tarifaire vis-à-vis des États non membres. Exemple du Bénélux créé par diverses conventions entre la Belgique, le Luxembourg et les Pays Bas ; marché commun, qui vise à supprimer toute restriction à la libre circulation des autres facteurs économiques et à la création d’un milieu économique homogène. Le MERCOSUR, (accord conclu en 1994 entre l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay) tente de mettre en place un marché commun, suivant les traces de l’expérience communautaire européenne ; union économique, qui est une véritable harmonisation commerciale, douanière mais aussi monétaire entraînant des conséquences politiques importantes (abandon de souveraineté). Depuis le Traité de Maastricht de 1992 ouvrant la voie à la création d’une union économique et monétaire, l’expérience communautaire a valeur d’exemple. La logique de l’intégration économique repose sur le fédéralisme économique car c’est la mise en place d’un marché unique entre États membres en s’appuyant sur l’harmonisation des conditions de production et de circulation des personnes, des biens et des services. Cette harmonisation implique des transferts de compétence au profit d’une structure régionale (plus ou moins élaborée selon les objectifs poursuivis). Toutes les régions du monde disposent à présent d’accords d’intégration régionale : l’Afrique avec l’Union économique et monétaire ouest-africaine, née le 10 janvier 1994 (UEMOA), la 17 Paragraphe 178 du Rapport de décembre 1996 du CCE (WT/CTE/1). Le Président du CCE a déclaré que ce rapport ne modifiait pas les droits et obligations des membres de l’OMC au titre des accords de l’OMC. 32 Communauté économique africaine (CEA, traité signé à Abuja le 3 juin 1991), la SADC (Southern African Development Community) établie par le traité du 17 août 1992, l’Asie avec l’ASEAN (Association of South East Asian Nations) créé en 1967, l’Amérique du Sud avec le MERCOSUR, l’Amérique du Nord avec l’ALENA. L’unité du droit international ne souffre pas a priori de ces structures aux objectifs déterminés, dont les organes se réfèrent au droit international général en tant que de besoin, considérant par ailleurs que les organisations régionales répondent aux critères et principes de fonctionnement des organisations internationales tels que prévus par le droit international général18. Le droit international de l’environnement trouve dans ces organisations les moyens de s’exprimer par des mesures concrètes organisées souvent par des programmes d’action régionaux (programmes d’autant plus élaborés que le niveau d’intégration régional est élevé ; l’exemple de la communauté européenne est significatif avec le lancement du premier programme en 1973 et la réalisation à présent d’un sixième programme)19. Par contre, une application universelle du traitement de la nation la plus favorisée tel qu’il résulte du système OMC (article 1 GATT 1994) interdirait aux membres de l’OMC d’être Parties à un accord économique régional. En effet, cela implique des liens préférentiels entre les membres de l’organisation ce qui est contraire au système OMC. Le GATT 1994 prévoit donc une exception de plein droit pour les intégrations régionales. « Les Parties contractantes reconnaissent qu’il est souhaitable d’augmenter la liberté du commerce en développant, par le moyen d’accords librement conclus, une intégration plus étroite des pays participant à de tels accords. » (Article XXIV, paragraphe 4, GATT 1994) Le Préambule du Mémorandum d’Accord sur l’interprétation de l’article XXIV, adopté lors de la Conférence de Marrakech en 1994, reconnaît « la contribution qu’une intégration plus étroite des économies des Parties à de tels accords peut apporter à l’expansion du commerce mondial ». Il ne considère pas pour autant que toutes les formes d’accords régionaux sont licites et n’admet comme exception de plein droit que les zones de libre-échange et les unions douanières. L’approche des deux espaces normatifs, droit de l’environnement et droit du commerce international, en ce qui concerne le rôle de l’intégration régionale dans la réalisation de leurs objectifs marque bien la différence de logique utilisée. Pour le système commercial multilatéral, la perspective est celle d’une liberté totale des échanges ; tout ce qui peut favoriser son développement est encouragé. Par contre toute structure visant à aller au delà de cette libéralisation, c’est-à-dire à construire un projet politique susceptible de 18 Toute organisation internationale est dotée dès sa naissance, de la personnalité juridique internationale. Cette personnalité est reconnue dans les traités constitutifs des organisations ou dans des instruments collatéraux (annexe ou protocole). La fonctionnalité des organisations est dérivée de la volonté des États. 19 De plus amples explications sur le contenu des mesures adoptées au plan régional seront données dans la partie V. 33 permettre la réalisation de véritables politiques organisées dans des domaines assez larges, n’est pas acceptée. Les politiques d’environnement trouvent au contraire dans le cadre régional les moyens d’une action organisée efficace pour sauvegarder l’environnement. La logique utilisée est celle de la protection et non de la libéralisation, ce qui implique une réglementation par opposition à tout processus de dérégulation soutenu par la logique néolibérale. Par conséquent, la mise en place de structures établissant une articulation des compétences pour la protection de l’environnement aux différents niveaux, c’est-à-dire local, national et international, est bénéfique dans la perspective d’une meilleure régulation ou d’un meilleur contrôle des activités nocives ou potentiellement nuisibles pour l’environnement. 34 QUESTIONS 1. Dans quelle mesure peut-on évoquer l’antériorité de l’ordre économique international sur le droit de l’environnement ? 2. Quelles sont les grandes étapes de la relation entre commerce et environnement ? 3. Comment résoudre les incompatibilités entre accords multilatéraux d’environnement et les règles du système commercial multilatéral? 4. Comment surmonter l’éventuelle concurrence des mécanismes de règlement des différends pour régler des conflits qui lient commerce international et environnement? 35 RÉPONSES 1. Les relations économiques internationales ont précédé la mise en place d’une véritable société internationale. L’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) a été signé en 1947, par la suite le système du GATT s’est progressivement développé par le biais de conférences multilatérales, les « rounds ». Le droit international de l’environnement ne s’est structuré que plus tard, dans les années 1960 et surtout à partir de la Conférence de Stockholm de 1972. 2. Période de juxtaposition des règles : période qui précède la Conférence de Stockholm de 1972 et s’étend jusqu’en 1991 ; une période d’enchevêtrement des règles jusqu’à la Conférence de Marrakech en 1994 qui conduit à une prise de conscience environnementale au sein du GATT. 3. Il faut se référer au droit des traités codifié par la Convention de Vienne. 4. Les organes compétents de l’OMC se réfèrent aux règles coutumières d’interprétation du droit international public pour déterminer l’instance compétente. Les États peuvent être amenés à choisir en fonction de leurs intérêts. Il n’existe pas de réponse tranchée sur la question. La tendance est de se référer aux dispositions prévues dans les AME, les procédures de règlement des différents pouvant prévaloir sur celle de l’OMC (travaux du CCE). 36 II. Le droit international de l’environnement face au régime du commerce international Le droit international de l’environnement, tel qu’il apparaît puis se construit à partir de la Conférence des Nations unies sur l’environnement humain en 1972, se voit d’emblée confronté au régime du commerce international établi sur le modèle libéral. Afin de percevoir les enjeux de la relation complexe entre l’environnement et le commerce, il faut, d’une part mieux connaître les principes qui gouvernent le système commercial international et d’autre part examiner la position du droit de l’environnement, élaboré tant au niveau international qu’au niveau national, par rapport au régime du commerce international. Avertissement : Le rappel des règles qui régissent le commerce international ne doit cependant pas faire oublier les « zones d’ombre » encore nombreuses dans la réglementation des échanges internationaux (certains secteurs sont encore « protégés », le commerce des services est loin d’être libre, etc.), ni le contexte économique mondial (la montée de l’endettement international, l’accroissement des inégalités entre pays développés et pays en développement, etc.) ainsi que le caractère parfois très flexible de ces règles en fonction de l’évolution des intérêts des Parties. Il faut aussi prendre en considération l’évolution de la structure des échanges, c’està-dire de ce qui peut faire l’objet d’une transaction commerciale licite (la mondialisation ayant hélas d’autres effets démultiplicateurs d’échanges : trafic d’esclaves, de drogue, etc.). Car si le volume des échanges a été multiplié par 100 en l’espace de 50 ans, le secteur des services (transport, tourisme, opérations d’assurances, services bancaires, télécommunications, informatique, etc.) joue un rôle croissant tant dans l’économie interne des pays20 que dans les échanges internationaux. Ce que l’on appelle le commerce invisible par opposition au commerce visible (commerce des biens ou des marchandises) représente à présent plus du tiers des échanges mondiaux ; il est dominé par les pays développés et concerne, par de nombreux aspects, la protection de l’environnement. A. Les principes du système d’échange international 1. Principe de liberté du commerce Le modèle qui a inspiré les fondateurs de l’ordre commercial international contemporain est celui de l’ère libérale (1815-1914) reposant sur l’idée d’une division internationale du travail réalisée par le jeu des forces du marché en fonction de l’avantage comparé. Cette approche a fondé les principes essentiels du système des échanges internationaux et constitue la philosophie sous-jacente de l’OMC. Le principe de la liberté du commerce a été défini par la CPJI : « la faculté en principe illimitée, de se livrer à toute activité commerciale, que celle-ci ait pour objet le négoce proprement dit, c’est-à-dire la vente et l’achat de 20 Pour les pays développés, le secteur des services représente 60 à 70% du Produit national brut. On observe que le développement va de pair avec l’accroissement du secteur tertiaire. 37 marchandises ou qu’elle s’applique à l’industrie (…), qu’elle s’exerce à l’intérieur ou qu’elle s’exerce à l’extérieur par importation ou exportation. » (Arrêt CPJI du 12 décembre 1934, affaire Oscar Chinn) Cependant, les sujets de droit international doivent faire passer cette liberté dans le droit positif par l’adoption de réglementations ou d’accords internationaux qui en prévoient les effets juridiques. 2. Les standards du commerce international Quelles que soient les orientations idéologiques, le principe d’une concurrence saine a été admis par l’ensemble de la communauté internationale et ce, même si la tentation protectionniste est permanente et si elle s’est déjà manifestée à plusieurs reprises21. C’est ainsi que l’Assemblée générale des Nations unies a approuvé le « code » relatif à l’ensemble des principes et des règles équitables convenus au niveau multilatéral pour le contrôle des pratiques commerciales restrictives en 198022. On retrouve dans ce code – ainsi que dans bon nombre de décisions unilatérales, conventions bilatérales, accords régionaux ou conventions multilatérales à vocation universelle – les standards du droit commercial, sorte de principes coutumiers dont la combinaison dans une même réglementation peut créer le régime juridique applicable aux échanges. Les principaux standards des relations commerciales internationales : le traitement de la nation la plus favorisée : implique que l’État doit accorder à celui auquel le lie la clause de la nation la plus favorisée, un traitement au moins égal à celui qu’il applique à un État tiers ; le traitement préférentiel : incompatible avec le traitement de la nation la plus favorisée sauf aménagement expressément prévu, il repose sur une collaboration privilégiée entre les partenaires. Il peut être réciproque ou consenti unilatéralement ; le traitement national : standard selon lequel un État doit accorder à ses partenaires et à leurs ressortissants les mêmes droits, avantages ou prestations que ceux qu’il accorde à ses nationaux ; le traitement réciproque : les États liés se consentent mutuellement les mêmes avantages ou prestations. Considérant leur valeur coutumière, ces principes constituent la base du régime applicable aux échanges commerciaux internationaux en dehors de tout système institutionnalisé comme celui mis en place par les Accords de Marrakech de 1994 pour l’Organisation mondiale du commerce. 3. Les principes du système GATT/OMC 21 Des politiques protectionnistes se sont développées notamment dans les années 1980, les États développés ont fait pression sur les pays développés pour qu’ils acceptent des « restrictions volontaires à l’exportation » ou des « arrangements de commercialisation ordonnée ». 22 Résolution 35/63, Assemblée générale des Nations unies, code élaboré par une conférence sous les auspices de la CNUCED, Genève, 1980. 38 Les accords de Marrakech de 1994 qui institutionnalisent l’Organisation mondiale du commerce distinguent trois catégories d’actes multilatéraux : les accords sur le commerce des marchandises qui intègrent les règles du GATT 1947 révisées par des Mémorandums et 12 accords conclus lors de la même conférence qui composent le GATT 1994 ; l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) ; l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce (ADPIC). Instrument par excellence de la libéralisation des échanges, le GATT met en place un régime juridique pour les échanges reposant sur les principes de non-discrimination, du désarmement douanier et d’interdiction des restrictions quantitatives considérant que ces principes se réalisent par l’application des standards internationaux et qu’ils peuvent connaître des aménagements ou des dérogations. – le principe de non-discrimination se décompose en trois règles : la clause de la nation la plus favorisée : l’article 1 du GATT 1947 repris dans le GATT 1994 (et article II.1 de l’AGCS) exige de tout État qui consent une concession douanière à l’un de ses partenaires du GATT d’en étendre le bénéfice à toutes les autres Parties. Cette disposition doit être tempérée du fait des négociations commerciales multilatérales qui peuvent conduire les États durant les « rounds » (cycle de négociations du GATT de Tokyo 1973-1979 ou de l’Uruguay 1986-1993, par exemple) à participer à l’un ou l’autre des accords conclu ; la réciprocité : un État peut ne faire de concessions qu’en contrepartie de concessions de la part d’autres Parties. Cette règle est très contestée par les pays en développement qui ont obtenu une dérogation générale et permanente ; le principe du traitement national, c’est-à-dire de la non-discrimination entre produits étrangers et nationaux similaires (article III § 4 du GATT, article 3.1 Accord ADPIC) ou directement concurrents ou « directement substituables ». – le désarmement douanier : les États doivent procéder sur une « base de réciprocité et d’avantages mutuels » à un abaissement général et progressif de leurs droits de douane par voie de négociation (article XXVIIIbis du GATT 1994). Par le jeu du traitement de la nation la plus favorisée, les concessions tarifaires que les Parties contractantes du GATT, puis les membres de l’OMC, se sont consenties mutuellement, sont étendues à tous les membres de l’OMC . Ces concessions, une fois négociées, sont intégrées dans des listes annexées au GATT 1994. – le principe de l’interdiction des restrictions quantitatives : il s’agit d’éviter de poser des limites à l’importation ou à l’exportation d’un produit (article XI 1, GATT 1994). Ce principe connaît des dérogations dans le sens de l’importation pour lutter contre les excédents agricoles, remédier aux déséquilibres de la balance des paiements et dans le sens de l’exportation pour remédier à la pénurie agricole, réaliser des accords sur les 39 produits de base ou maintenir la sécurité (mesures décidées par le Conseil de sécurité sur la base de la Charte des Nations unies). Ces trois principes doivent d’une manière générale être compris par rapport à l’acceptation d’un traitement différencié en faveur des pays en développement, des pays en transition ou des pays les moins avancés (PMA). Ces catégories sont identifiées tant au niveau des accords généraux (article IV AGCS) que dans les accords sectoriels (article 15 de l’Accord anti-dumping23, article 27 de l’accord sur les subventions et les mesures compensatoires (SMC)24, article 12 de l’Accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC)25, etc.). Dans l’accord particulier sur l’agriculture26, une distinction est établie entre PMA et pays en développement, les PMA étant dispensés de toute obligation aussi bien concernant les abaissements de droits de douane résultant de la tarification, qu’en ce qui concerne les réductions des soutiens internes et des subventions à l’exportation. Les pays en développement ont des obligations allégées. B. De la Conférence de Stockholm au Sommet de Johannesburg : la prise en compte des impératifs économiques du développement Les déclarations de principes ont une fonction particulière en droit international de l’environnement ; elles permettent de codifier des principes et des orientations autour desquels un consensus s’est formé. Ainsi les Conférences de Stockholm (1972) puis de Rio (1992) occupent une place centrale de part leur influence sur les négociations internationales ; elles indiquent la voie juridique en consacrant le droit coutumier de l’environnement et en participant au développement progressif du droit de l’environnement. En cela elles donnent les indicateurs de l’approche choisie pour aborder sous l’angle de la protection de l’environnement le système de la libéralisation des échanges. Le Sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg, qui s’est tenu du 2 au 4 septembre 2002, marque la dernière évolution des positions adoptées par les États pour la réalisation d’un développement durable au niveau mondial. 1. La Conférence des Nations unies sur l’environnement (1972) La Conférence de Stockholm marque la confrontation des perspectives et des objectifs de développement selon les pays. Une grande part des dégradations environnementales, comme la pollution de l’air ou la surexploitation des ressources naturelles renouvelables (forêts, poissons, etc.) et non renouvelables est due aux comportements de consommation et de production des pays industrialisés. Les pays industrialisés sont conscients de l’importance de préserver les ressources Accord de défense commerciale conclu à l’issue du Cycle du Tokyo Round en 1979. Entré en vigueur le 1er janvier 1995, il s’agit d’un accord-cadre fixant des règles qui doivent être transposées dans les législations nationales. 24 Accord sur les subventions et les mesures compensatoires, entré en vigueur le 1 er janvier 1995. 25 Accord entré en vigueur le 1er janvier 1995 qui élargit et précise l’accord qui avait le même intitulé et qui avait été conclu lors du Tokyo Round. 26 À la suite de l’échec de la Charte de La Havane, l’agriculture n’était comprise que très partiellement dans le GATT 1947. Il faut attendre les Accords de Marrakech en 1994 pour que soit conclu un accord sur l’agriculture. 23 40 environnementales qui « alimentent » leur économie. Les pays en développement ont pour perspective de développer leurs activités afin de prendre leur place dans les relations commerciales internationales et craignent l’utilisation de normes environnementales pour bloquer leur accès aux marchés et gêner leurs objectifs de développement. La Conférence de Stockholm a permis de relier les impératifs de développement économique à la protection de l’environnement sans faire cependant référence à la libéralisation des échanges ni au jeu de la concurrence mais aux « conditions de vie ». D’où le postulat selon lequel : « Le développement économique et social est indispensable si l’on veut assurer un environnement propice à l’existence et au travail de l’homme et créer sur la terre des conditions nécessaires à l’amélioration de la qualité de la vie. » (Principe 8, Déclaration de Stockholm, 1972) Par ailleurs, sont envisagés l’aspect négatif potentiel des mesures environnementales sur le plan économique et le rôle positif que devraient avoir au contraire les politiques de protection de l’environnement dans la perspective du développement. L’approche concertée est privilégiée pour résoudre cette difficulté en s’appuyant sur la responsabilité des États et des organisations internationales. « Les politiques nationales d’environnement devraient renforcer le potentiel de progrès actuel et futur des pays en voie de développement, et non l’affaiblir ou faire obstacle à l’instauration de meilleures conditions de vie pour tous. Les États et les organisations internationales devraient prendre les mesures voulues pour s’entendre sur les moyens de parer aux conséquences économiques que peut avoir, au niveau national et international, l’application de mesures de protection de l’environnement. » (Principe 11, Déclaration de la Conférence des Nations unies sur l’environnement, Stockholm, 1972) 2. La Conférence de Rio sur l’environnement et le développement (1992) La Conférence de Rio s’appuie sur les travaux de la Commission mondiale pour l’environnement et le développement pour souligner l’importance de l’intégration des préoccupations environnementales dans les activités de développement économique. Le concept de développement durable est au centre de toutes les dispositions. Les contours de la coopération internationale sont tracés autour des responsabilités communes mais différenciées des groupes d’États et selon les moyens de répartir les tâches et les bénéfices en tenant compte des intérêts des pays en développement. La Déclaration de Rio fait clairement référence aux standards du commerce international : un système ouvert fondé sur le multilatéralisme et respectant le principe de non-discrimination dans les échanges. « Les États devraient coopérer pour promouvoir un système économique international ouvert et favorable, propre à engendrer une croissance économique et un développement durable dans tous les pays, qui permettrait de mieux lutter contre les problèmes de dégradation de l’environnement. Les mesures de politique 41 commerciale motivées par des considérations relatives à l’environnement ne devraient pas constituer un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable, ni une restriction déguisée aux échanges internationaux. Toute action unilatérale visant à résoudre les grands problèmes écologiques au-delà de la juridiction du pays importateur devrait être évitée. Les mesures de lutte contre les problèmes écologiques transfrontières ou mondiaux devraient, autant que possible, être fondées sur un consensus international. » (Principe 12, Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, 1992) Le plan d’action mondial pour le développement durable, adopté lors de la Conférence de Rio, désigné par Agenda 21, établit l’inventaire des actions et stratégies à mettre en place. La référence à la libéralisation du commerce est expresse : « 2.3. L’économie internationale doit créer un climat international propice à la réalisation des objectifs en matière d’environnement et de développement : a) En encourageant le développement durable par une libéralisation du commerce ; b) En faisant en sorte que le commerce et l’environnement se soutiennent mutuellement ; (…). » Les principes d’action établis par le chapitre 2 de l’Agenda 21 prévoient la promotion du développement durable par le commerce et énoncent les principales règles animant le système d’échanges mondial : « 2.5. Un système commercial multilatéral ouvert, équitable, sûr, non discriminatoire, prévisible, compatible avec les objectifs du développement durable, et conduisant à une répartition optimale de la production mondiale selon les principes de l’avantage comparatif est bénéfique pour tous les partenaires commerciaux. De plus, un meilleur accès des exportations des pays en développement aux marchés des pays développés, allant de pair avec des politiques macro-économiques et environnementales rationnelles, aurait sur l’environnement une incidence bénéfique et apporterait de ce fait une contribution importante au développement durable. » Une condition de compatibilité entre le système commercial multilatéral et les objectifs de développement durable est présentée, considérant que l’objectif global recherché est celui d’une répartition optimale de la production mondiale, celle-ci devant intervenir en application des principes de l’avantage comparatif. L’ouverture du droit international de l’environnement lors de la Conférence de Rio non seulement aux impératifs de développement économique liés à l’accroissement des échanges mais à la reconnaissance d’un effet potentiellement bénéfique pour l’environnement marque la prise en compte de l’interrelation entre commerce et environnement. 3. Le Sommet de Johannesburg (2002) 42 Le Sommet mondial, qui s’est tenu en Afrique du Sud en septembre 2002, a réuni les délégations des États membres des Nations unies et Parties aux principaux accords internationaux environnementaux ainsi que de nombreux experts et représentants d’ONG. Le thème des relations entre commerce et environnement a été abordé dans les documents issus de la Conférence en se référant au contexte de mondialisation des échanges et aux engagements pris au sein de l’OMC. – la Déclaration de Johannesburg sur le développement durable évoque l’apport de la mondialisation pour relever les défis de l’environnement : « La mondialisation a ajouté une nouvelle dimension à ces problèmes. L’intégration rapide des marchés, la mobilité des capitaux et l’accroissement notable des flux d’investissements dans le monde entier sont sources de nouveaux défis, mais ouvrent aussi de nouvelles possibilités en matière de développement durable. » (Déclaration de Johannesburg, § 14) – le Plan d’application du Sommet mondial pour le développement durable, qui fait référence à un développement durable à l’ère de la mondialisation (Plan d’application, partie V, Le développement durable à l’ère de la mondialisation), s’appuie sur la Déclaration ministérielle de l’OMC de Doha du 20 novembre 2001. Il réaffirme le rôle d’un système commercial multilatéral équitable et non discriminatoire dans la réalisation du développement durable (partie V, § 47 a). Le plan précise que le commerce peut participer au développement durable et à l’éradication de la pauvreté, et qu’à ce titre il faut encourager les États membres de l’OMC à mettre en œuvre le programme d’action adopté lors de la 4e réunion ministérielle de l’OMC (partie X : Moyens d’exécution, § 90). Sur ce point, la spécificité des difficultés rencontrées par les pays en voie de développement est soulignée : « Conformément à la Déclaration de Doha ainsi qu’aux décisions pertinentes prises à Doha, nous sommes résolus à prendre des mesures concrètes pour aborder les questions et préoccupations soulevées par les pays en développement au sujet de l’application de certains accords et de certaines décisions de l’OMC, notamment les difficultés et les problèmes de ressources qu’ils rencontrent dans l’application de ces accords. » (Plan d’application du Sommet de Johannesburg, § 91) Les références répétées à la Déclaration de Doha sont en cohérence avec les positions exprimées au cours de la Conférence ministérielle de l’OMC : « Nous réaffirmons avec force notre engagement en faveur de l’objectif de développement durable, tel qu’il est énoncé dans le Préambule de l’Accord de Marrakech. Nous sommes convaincus que les objectifs consistant à maintenir et à préserver un système commercial multilatéral ouvert et non discriminatoire, et à œuvrer en faveur de la protection de l’environnement et de la promotion du développement durable peuvent et doivent se renforcer mutuellement. (…) » 43 (Conférence ministérielle de l’OMC27, Doha, 2001, § 6) Le sommet mondial de Johannesburg est marqué par l’approche économique néolibérale qui donne une nouvelle orientation au concept de développement durable. Celui-ci est en effet indissociablement lié dans ses objectifs au maintien d’un système commercial multilatéral ouvert. En dehors de cette orientation générale, différents accords multilatéraux environnementaux ont intégré la problématique commerciale dans leurs dispositions. C. Les mesures commerciales dans les accords environnementaux Le droit international de l’environnement, confronté à la réalité de la libéralisation des échanges, a adopté des mesures commerciales visant à régler différents problèmes environnementaux dans leur dimension nationale et internationale. Le terme « mesures commerciales » vise en général tout instrument qui impose des contraintes, des conditions ou des restrictions aux produits ou services importés ou exportés, ou au processus d’importation ou d’exportation de ces produits ou de ces services. Ainsi, les mesures commerciales peuvent prendre des formes très variées dans la perspective de la mise en place d’une politique environnementale : interdictions d’échanges, normes de produits, procédures de notification, etc. Par ailleurs les mesures commerciales peuvent jouer un rôle très différent d’une convention à l’autre selon les objectifs poursuivis par le texte et l’impact estimé des relations commerciales sur l’objectif environnemental poursuivi. On estime à plus de 180 les accords multilatéraux environnementaux, par conséquent les problèmes environnementaux abordés sont très divers, certains accords portant sur des points très spécifiques, d’autres traitant des activités économiques. De manière très générale, on peut établir une distinction entre : les accords visant à maîtriser et à contrôler les activités commerciales considérant que celles-ci constituent un facteur de surexploitation des ressources ou des richesses naturelles (espèces animales, végétales, ressources minérales, etc.) ; et les accords visant à lutter contre les activités commerciales comme source de pollution (déchets, pollution atmosphérique, etc.). Différents accords environnementaux internationaux ont prévu des mesures de restriction ou de contrôle du commerce afin de parvenir à remplir efficacement leurs objectifs. 1. AME relatifs à la biodiversité 27 WT/MIN(01)/DEC/1 20 novembre 2001. 44 Les échanges internationaux constituent un facteur non négligeable de l’extinction des espèces même s’ils ne représentent pas la première cause de recul de la biodiversité. Différents accords internationaux ont intégré des mesures commerciales pour limiter la pression de la demande internationale sur certaines espèces animales et végétales ou pour privilégier dans les échanges les modes de gestion durable des ressources naturelles. a. Les premières conventions : mesures de protection des espèces Historiquement, la Convention de Londres relative à la conservation de la faune et de la flore à l’état naturel du 8 novembre 1933 prévoyait déjà le contrôle et la réglementation de l’importation et de l’exportation d’objets provenant de trophées (article 9). Par la suite des conventions régionales ont tenté de mette en place des mécanismes de contrôle des échanges d’espèces. La Convention pour la protection de la flore, de la faune et des beautés panoramiques naturelles des pays de l’Amérique, adoptée à Washington le 12 octobre 1940, institue un système de contrôle par la délivrance de certificats autorisant l’exportation, le transit et l’importation de certaines espèces protégées de faune et de flore (article IX). La Convention africaine pour la conservation de la nature et des ressources naturelles, adoptée à Alger le 15 septembre 1968, prend des mesures destinées à réglementer le trafic (transport, commerce, exportation, etc.) de spécimens ou de trophées en établissant un système d’autorisations pour leur exportation et leur importation (article IX). Différentes annexes permettent d’établir des régimes d’autorisation de prises (plus stricts pour les espèces de la liste A que de la liste B, article VIII.1). b. La Convention CITES : le système de contrôle des échanges La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) ayant pour objectif principal de contrôler les échanges d’espèces menacées d’extinction, les mesures commerciales y jouent un rôle essentiel. Cette convention, signée à Washington le 3 mars 1973, réglemente et limite le commerce international de la faune et de la flore sauvages par un ensemble de mesures de contrôle applicables aux échanges d’espèces répertoriées dans trois annexes. La réglementation des échanges est organisée sur la base de permis d’importation et d’exportation, de contingents et de marques d’origine. – Les échanges inscrits à l’Annexe 1 sont interdits à de très rares exceptions près, définies strictement par l’article VII de la convention (acquisitions antérieures à l’entrée en vigueur du traité, spécimens élevés en captivité, etc.). Toute transaction réalisée sur une espèce inscrite dans cette annexe est présumée porter préjudice à sa survie ; il incombe donc aux acteurs de l’échange, importateurs et exportateurs, d’apporter la preuve que ce n’est pas le cas. La Convention CITES, particulièrement évolutive, a mis en place d’autres mécanismes non prévus par le texte, tels que les contingents nationaux. Ce mécanisme permet d’autoriser un volume limité d’échanges pour certaines populations animales d’une espèce inscrite à l’Annexe 1. Le régime de restrictions aux échanges appliqué à ces espèces est assoupli au plan national tout en maintenant un niveau de contrôle élevé au plan 45 mondial. L’objectif recherché est d’établir une distinction entre les différentes populations nationales d’une même espèce selon qu’elles sont gérées ou non de manière durable. Des catégories spécifiques de faune et de flore marquées ou identifiées – comme c’est le cas dans des programmes d’utilisation durable basés sur l’élevage extensif – peuvent appartenir au contingent autorisé en vue du commerce international sans menacer de surexploitation les espèces concernées. – L’Annexe 2 répertorie les espèces qui ne sont pas forcément menacées d’extinction actuellement mais qui pourraient le devenir si leur commerce n’était pas soumis à une réglementation stricte empêchant une exploitation susceptible de nuire à leur survie. Il s’agit de privilégier directement l’utilisation durable des espèces et de maintenir un contrôle sur les échanges les concernant. Dans cette perspective, un permis d’exportation, dont la délivrance repose sur le caractère non préjudiciable de la transaction, et la preuve de l’acquisition légale de l’exemplaire sont requis. – L’Annexe 3 regroupe les animaux et végétaux protégés dans des pays particuliers lesquels sollicitent l’aide des autres Parties à la CITES pour lutter contre le commerce illicite de ces espèces. La procédure de délivrance des permis d’importation est différente selon que le pays exportateur est ou non le pays d’origine de l’espèce, considérant que la CITES exige de tout autre État exportateur de se procurer un certificat d’origine émis par l’organe de gestion national. D’autres mesures de restrictions aux échanges sont prévues, notamment les restrictions aux échanges avec les États non Parties. Depuis la huitième conférence des Parties, le commerce avec des États non Parties des espèces inscrites à l’annexe 1 doit se limiter à des cas strictement délimités qui favorisent leur conservation. Par ailleurs le commerce avec un État non Partie est autorisé à la condition que celui-ci présente des documents comparables aux documents exigés par la CITES. Cette mesure vise à éviter que les pays non Parties ne servent de pays de transit pour des échanges illicites ainsi qu’à inciter les États à adhérer à la convention. Par ailleurs, des mesures commerciales peuvent être utilisées à titre de sanction à l’encontre des Parties ne respectant pas leurs obligations. Le Comité permanent de la CITES a ainsi recommandé l’interdiction des échanges d’une ou plusieurs espèces réglementées par la convention à l’encontre de certains États Parties. c. Conventions d’appui à la CITES : réglementation des échanges, contingentements et coopération La Convention CITES, quoique adoptée bien avant la Conférence de Rio de 1992, s’appuie sur des objectifs de développement durable. Ainsi le bon fonctionnement de la CITES repose sur l’évaluation des incidences du commerce international sur l’état des espèces et donc sur la prise en compte d’indicateurs scientifiques objectifs pour mieux percevoir la vulnérabilité et la viabilité des espèces. L’importance de la coopération avec d’autres conventions multilatérales environnementales est réaffirmée pour améliorer l’efficacité des mécanismes mis en place : la Convention sur la diversité biologique (Rio, 1992), la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel (Paris, 1972), la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (Bonn, 1979), etc. 46 D’autres conventions peuvent jouer un rôle d’appui ou de relais, par exemple l’Accord concernant une exécution commune de mesures visant à lutter contre le commerce illégal de faune et de flore sauvages, signé à Lusaka le 8 septembre 1994. Cette convention, dont l’objectif est de réduire et, à terme, d’éliminer le commerce illicite des espèces, donne pour obligation aux États de prendre les mesures appropriées pour enquêter sur les trafics et engager des poursuites (article 4.1). Par ailleurs, différentes conventions relatives à la protection des espèces ou plus généralement à la conservation de la biodiversité établissent des interdictions et des restrictions des échanges lorsque des pratiques risquent de menacer la préservation de certaines espèces. C’est le cas des dispositions du Protocole concernant la conservation et la gestion des zones marines protégées du Pacifique du Sud-Est (Paipa, 1989, articles 2 et 5) ou encore du Protocole sur les zones et la vie sauvage spécialement protégées du milieu marin des Caraïbes (Kingston, 1990). L’article 10 du Protocole de Kingston prévoit de réglementer, voire d’interdire, les activités néfastes aux espèces protégées, notamment les activités commerciales. Des mesures très concrètes de réglementation du commerce des espèces sauvages ont également été prises au niveau européen, notamment avec le règlement 348/81 du 20 janvier 1981 relatif à un régime commun applicable aux importations de cétacés et avec la directive 83/129 du 28 mars 1983 concernant l’importation dans les États membres de peaux de bébés phoques et de produits dérivés. d. Ressources halieutiques et ressources biologiques de l’Antarctique : des mesures concernant les procédés et méthodes de production Un procédé ou une méthode de production peut être interdit dans la mesure où il est susceptible de provoquer la disparition d’espèces migratrices ou de ressources biologiques partagées. À titre d’exemple, la Convention pour l’interdiction de la pêche au filet maillant dérivant de grande dimension dans le Pacifique Sud (Wellington, 1989) et les résolutions des Nations unies sur ce type de pêche28 prévoient des mesures en ce sens pour les régions où les ressources biologiques sont soumises à d’importantes pressions commerciales. La Convention de Wellington interdit la pêche au filet dérivant à grande échelle en haute mer car l’important volume de capture que permet l’usage de ces filets menace la viabilité de certaines espèces (exemple : le germon du Pacifique sud). La convention prévoit que les Parties peuvent prendre des mesures « conformes au droit international » pour interdire l’importation de poissons pêchés au filet dérivant. Dans le cadre de la protection d’un milieu et des ressources biologiques qui s’y trouvent, le système de protection de l’Antarctique, organisé autour de cinq accords29, comporte des normes de procédés particulières telles que les limitations à la capture du krill et des crabes dans le cadre des mesures de conservation et de gestion des pêcheries existantes et des pêcheries nouvelles et d’exploration. Le contingentement constitue une mesure essentielle dans le dispositif mis en place pour la conservation des ressources de l’Antarctique : ainsi la Convention de Canberra sur la conservation de la faune et de la 28 Résolutions 44/225 du 22 décembre 1989, 45/197 du 21 décembre 1990, 46/215 du 20 décembre 1991. Le système Antarctique : les Mesures concertées de 1964 pour la préservation de la faune et de la flore, la Convention pour la préservation des phoques de 1972, la Convention sur la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique de 1980, la Convention pour la réglementation des activités relatives aux ressources minérales de 1988, le Protocole sur l’Antarctique pour la protection de l’environnement de 1991. 29 47 flore marines de l’Antarctique de 1980 prévoit que le volume des captures ne doit pas compromettre le maintien des espèces exploitées à un niveau stable (article II). e. Les forêts et le commerce du bois tropical : privilégier l’exploitation durable La déforestation représente aujourd’hui l’une des préoccupations environnementales majeures ; les forêts tropicales humides abritent 50 à 90% des espèces vivantes de la planète et jouent un rôle essentiel dans la régulation du système climatique. L’approche internationale de la conservation des forêts se fait très progressivement. La Déclaration de principes, non juridiquement contraignante mais faisant autorité, pour un consensus mondial sur la gestion, la conservation et l’exploitation écologiquement viable de tous les types de forêts, adoptée à Rio en 1992, propose une exploitation durable mais surtout réaffirme des principes de libre exploitation et de libre commerce du bois pour que les pays producteurs puissent bénéficier des avantages du marché international sans contrainte. L’Agenda 21, quant à lui, aborde la question de la lutte contre le déboisement mais préconise surtout d’améliorer la coopération pour parvenir à une exploitation écologiquement viable. L’objectif demeure principalement la promotion d’une meilleure exploitation commerciale des bois d’œuvre. « Le commerce des produits forestiers devrait se fonder sur des règles et procédures non discriminatoires et multilatéralement acceptées, compatibles avec le droit et les pratiques commerciales internationales. Il conviendrait à cet égard de favoriser un commerce international ouvert et libre ; (…). » (Article 13.a, Déclaration de principes, Rio, 14 juin 1992). Parallèlement, les professionnels du bois ont tenté de réglementer le commerce des bois tropicaux en 1983 par le biais de l’Accord international sur les bois tropicaux, signé à Genève. Cet accord a été modifié le 26 janvier 1994 créant l’Organisation internationale des bois tropicaux destinée à réguler le marché afin de soutenir des politiques nationales de conservation. L’Accord vise à encourager le commerce du bois tropical mais aussi à promouvoir le développement durable : « ( …) les objectifs de l’Accord sont les suivants : (…) d) Renforcer la capacité des membres d’exécuter une stratégie visant à ce que, d’ici à l’an 2000, les exportations de bois et de produits dérivés des bois tropicaux proviennent de sources gérées de façon durable ; (…) k) Améliorer la commercialisation et la distribution des exportations de bois tropicaux provenant de sources gérées de façon durable ; (…). » (Article 1, Accord international sur les bois tropicaux, Genève, 26 janvier 1994) Par conséquent, on trouve dans l’accord de 1994 la perspective de restreindre les échanges de bois d’œuvre qui ne provient pas de forêts gérées d’une manière écologiquement viable et qui pourraient par conséquent contribuer à la diminution de la 48 biodiversité. Aucune interdiction unilatérale à l’importation de bois tropicale n’a cependant été prévue par le texte. En contrepartie, on est parvenu à éviter l’inscription d’une interdiction de principe des restrictions aux échanges. Cependant aucune disposition n’autorise expressément des mesures commerciales à caractère restrictif et, en cela, l’Accord se différencie des autres conventions environnementales qui donnent la faculté aux États de restreindre les échanges commerciaux pour réaliser les objectifs qu’elles se sont fixés. f. La diversité biologique i. La Convention sur la diversité biologique La Convention du 5 juin 1992 est marquée par l’orientation utilitariste et les principes mercantiles affirmés au cours de la Conférence de Rio et précisés par l’Agenda 21. S’agissant d’une convention-cadre, chaque État Partie est responsable de la mise en application de l’accord dans son ordre interne. La diversité biologique n’étant considérée que comme une « préoccupation de l’humanité » les États ont le droit souverain d’exploiter leurs propres ressources (article 3). Celles-ci sont donc clairement considérées et traitées en tant que ressource économique à laquelle il faut appliquer un régime d’exploitation compatible avec des objectifs de développement durable. Les évaluations économiques des bénéfices apportés par la diversité biologique portent notamment sur les plantes pharmaceutiques pour des usages médicaux potentiels ou déjà exploités. Dans une approche libérale, la valeur économique que représentent les ressources génétiques de la forêt tropicale pour l’industrie pharmaceutique justifie les mesures de protection de l’accès à la ressource comme de la ressource elle-même. À cet égard, la Convention de Rio, sans présenter de dispositions expresses sur le commerce des espèces animales ou végétales, fonde ses articles sur le lien entre le contrôle de l’accès, l’exploitation et les conditions de commercialisation de la ressource. Dans la perspective d’une « utilisation écologiquement rationnelle » ou commerciale, l’État est certes souverain sur ses ressources mais il ne peut en refuser systématiquement l’accès et doit au contraire le faciliter. « 2. Chaque Partie contractante s’efforce de créer les conditions propres à faciliter l’accès aux ressources génétiques aux fins d’utilisation écologiquement rationnelle par d’autres Parties contractantes et de ne pas imposer de restrictions allant à l’encontre des objectifs de la présente Convention. (…) 7. Chaque Partie contractante prend les mesures législatives, administratives ou de politique générale appropriées (…) pour assurer le partage juste et équitable des résultats de la recherche et de la mise en valeur ainsi que des avantages résultant de l’utilisation commerciale et autre des ressources génétiques avec la Partie contractante qui fournit ces ressources. Ce partage s’effectue selon des modalités mutuellement convenues. » (Article 15, Convention sur la diversité biologique) Cela permet aux États de passer des contrats avec des entreprises désireuses d’exploiter les ressources biologiques présentes sur leur territoire. C’est ainsi que se 49 multiplient les contrats de bioprospection. Pour favoriser ce nouveau secteur d’activité, la CNUCED a lancé le programme « biotrade initiative » lors de la troisième conférence des Parties de la Convention sur la diversité biologique. Ce programme a pour but d’aider les négociations entre des partenaires dont les connaissances et les moyens d’expertise sont souvent inégaux en proposant, par exemple, des modèles de contrats. Les pays concernés par ce nouveau domaine du commerce international pourront intégrer de nouveaux marchés, conformément à la théorie libérale des avantages comparatifs. Les limites à la volonté contractuelle dans les contrats d’exploitation de la biodiversité : pour les contrats de collecte de spécimens, les avantages sont aléatoires ; il ne faut pas surestimer le rôle du contrat comme moteur des politiques de valorisation ; la fiabilité du rapport économique institué par contrat peut être sujette à caution car il est difficile de contrôler le développement d’éventuelles inventions ; la liberté contractuelle est limitée par les dispositions législatives ou réglementaires du pays fournisseur. Cependant, si sous la poussée des biotechnologies, la Convention de 1992 a souscrit à une conception marchande de la biodiversité, elle prévoit également le respect des droits de propriété intellectuelle de certains groupes ou communautés locales, des transferts technologiques des pays du Nord vers ceux du Sud (article 16) et l’instauration des conditions nécessaires pour assurer la compatibilité entre les utilisations actuelles et la conservation de la diversité biologique en privilégiant la conservation in situ (article 8). La convention a pu être considérée comme remettant en cause le droit des brevets et comme étant peu conforme aux droits de propriété intellectuelle, tels que prévus par l’Organisation mondiale du commerce30. ii. Le Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques, relatif à la Convention sur la diversité biologique (2000) Le Protocole a été adopté le 29 janvier 2000, 108 États en sont signataires. Suivant l’article 37, le texte n’entre en vigueur qu’après la ratification de 50 États ou organisations régionales d’intégration économique, Parties à la Convention sur la diversité biologique. L’accord vise la sécurité du transfert international et de l’utilisation « d’organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie moderne » considérant que les mouvements transfrontières de ces organismes peuvent avoir des « effets défavorables sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique » (Préambule). Afin de parvenir à cet objectif, des mesures de contrôle des échanges sont prévues par le Protocole sous forme d’une procédure obligatoire de notification par le pays exportateur, comprenant un rapport d’évaluation des risques, et d’une autorisation préalable par le pays importateur. Ce dernier dispose de 270 jours pour informer le demandeur de sa décision après avoir évaluer les risques mais il peut également exiger Ce point sera développé dans la partie III dans le paragraphe consacré à l’Accord sur les droits de propriété intellectuelle de l’OMC. 30 50 que l’exportateur procède à l’évaluation des risques pour prendre une décision (article 15.2). Le coût de l’évaluation des risques supplémentaires peut reposer sur le pays exportateur si l’auteur de la notification le demande (article 15.3). La décision qui doit en tout état de cause être motivée peut autoriser, avec ou sans condition, l’importation ou l’interdire. Le protocole fait application du principe de précaution, c’est-à-dire que l’absence de certitude scientifique ne conduit pas à autoriser le transfert. Il n’est pas imposé que les justifications apportées s’appuient sur les seuls éléments bénéficiant d’une certitude scientifique : « L’absence de certitude scientifique due à l’insuffisance des informations et connaissances scientifiques pertinentes concernant l’étendue des effets défavorables potentiels d’un organisme vivant modifié sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique dans la Partie importatrice, compte tenu également des risques pour la santé humaine, n’empêche pas cette Partie de prendre comme il convient une décision concernant l’importation de l’organisme vivant modifié en question comme indiqué au paragraphe 3 ci-dessus, pour éviter ou réduire au minimum ces effets défavorables potentiels. » (Article 10.6. du Protocole de Cartagena, 2000) Par ailleurs, de nouvelles informations scientifiques obtenues après la décision d’importation peuvent permettre à un État de revenir sur l’autorisation accordée. Le Protocole prévoit également que les États consultent le public lors de la prise de décision (article 23) et de la prise en compte des incidences socio-économiques des impacts éventuels sur la biodiversité (article 26). Le Protocole mettant en place des restrictions aux échanges en faisant pleine application du principe de précaution, la question demeure d’un potentiel recours auprès de l’OMC pour refus d’importer des OGM (Organismes génétiquement modifiés). Le texte du Protocole reste muet sur ce point précis. Cependant trois dispositions du Préambule laissent supposer qu’il n’existe pas une hiérarchie avec le droit de l’OMC : « Estimant que les accords sur le commerce et l’environnement devraient concourir conjointement à l’avènement d’un développement durable, Soulignant que le présent Protocole ne sera pas interprété comme impliquant une modification des droits et obligations d’une Partie en vertu d’autres accords internationaux pertinents, Considérant qu’il est entendu que le présent préambule ne vise pas à subordonner le Protocole à d’autres accords internationaux, (…). » Ce passage marque l’ambiguïté avec laquelle est abordée la confrontation des deux systèmes normatifs liant commerce et environnement, aucune solution n’étant véritablement prévue pour lever les difficultés de leur coexistence. Dans l’attente de l’entrée en vigueur du Protocole, le commerce des OGM continue de relever de l’OMC considérant qu’il est susceptible de relever de l’Accord sur les mesures sanitaires, de 51 l’Accord sur les obstacles techniques au commerce ou encore de l’Accord sur l’agriculture31. 2. Les AME réglementant les substances et produits pouvant présenter un risque pour l’environnement Les premiers accords internationaux prévoyant des restrictions aux échanges afin de protéger l’environnement concernent les substances qui détruisent la couche d’ozone et sont : – la Convention pour la protection de la couche d’ozone, de Vienne du 22 mars 1985, – le Protocole relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone, de Montréal du 16 septembre 1987, – la Convention-cadre sur les changements climatiques de 1992 et – le Protocole à la Convention-cadre sur les changements climatiques, de Kyoto de 199732. Par la suite des conventions globales ou régionales se sont intéressées aux mouvements transfrontières des déchets dangereux avec tout d’abord : – la Convention concernant le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination, signée à Bâle le 22 mars 1989, – la Convention sur l’interdiction d’importer des déchets dangereux et le contrôle de leurs mouvements transfrontières en Afrique, signée à Bamako le 30 janvier 1991, – l’Accord régional concernant les mouvements transfrontières des déchets dangereux, de Panama du 11 décembre 1992, – les accords élaborés pour les mers régionales (le Protocole du 1er octobre 1996 relatif à la prévention de la pollution de la mer Méditerranée par les mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination, la Convention de Waigani du 16 septembre 1995 interdisant l’importation dans les îles relevant des pays du Forum du Pacifique de déchets dangereux et de déchets radioactifs et soumettant à contrôle les mouvements transfrontières et la gestion des déchets dangereux dans le Pacifique Sud), – la Convention de Rotterdam du 10 septembre 1998 sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause, applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l’objet d’un commerce international. Dans le domaine de la protection de la couche d’ozone, les mesures visent à restreindre les échanges de produits fabriqués à l’aide de substances appauvrissant la couche d’ozone alors que dans le domaine de la gestion des déchets et du contrôle des substances chimiques ou dangereuses pour l’environnement, les mesures commerciales visent à restreindre directement le commerce de ces substances. Le premier domaine Ces accords de l’OMC sont traités dans la partie III. Protocole ouvert à la signature le 16 mars 1998. Il entrera en vigueur 90 jours après avoir été ratifié par au moins 55 Parties à la Convention sur les changements climatiques, parmi lesquelles les pays développés dont les émissions totales de dioxyde de carbone représentaient au moins 55% de la quantité globale de dioxyde de carbone émise en 1990 par ce groupe de pays. 31 32 52 implique des mesures susceptibles de limiter un dommage environnemental (appauvrissement de la couche d’ozone, changement climatique) au niveau mondial. En ce qui concerne les déchets et autres substances dangereuses, les dommages environnementaux peuvent être limités au territoire du pays impliqué dans le commerce de ces produits. Ainsi les mesures commerciales utilisées pourront varier en fonction du domaine concerné. a. Mesures commerciales pour la protection de l’air et de l’atmosphère Le régime juridique de protection de la couche d’ozone, à l’instar du régime européen relatif à la pollution atmosphérique à longue distance, repose sur une conventioncadre donnant des objectifs généraux et une base de coopération : la Convention-cadre de Vienne de 1985. Le Protocole de Montréal (1987) négocié ultérieurement prévoit quant à lui des objectifs de réduction des substances qui appauvrissent la couche d’ozone tout en laissant le choix aux États des moyens pour y parvenir. Les amendements adoptés successivement en 1990, 1992 et 1995 ont permis d’étendre le nombre de substances réglementées et de se rapprocher de l’objectif ultime, soit l’élimination de la production de ces substances. Dans cette perspective, les mesures de restrictions aux échanges sont au cœur du dispositif du Protocole de Montréal. Il interdit l’importation en provenance de pays, qui ne sont pas Parties au Protocole, de produits contenant des substances régies par celui-ci. Il vise à réduire progressivement la consommation et la production de substances appauvrissant la couche d’ozone (SAO) en mettant en place des calendriers prévoyant la réduction des importations et des exportations des substances réglementées entre Parties. Parallèlement, les échanges commerciaux avec les États non Parties au protocole sont limités pour éviter un déplacement de la production des États Parties vers les États non Parties. Les restrictions aux échanges expressément prévues par le texte concernent : les échanges avec les États non Parties. À l’origine, les mesures étaient conçues pour couvrir les SAO sous toutes leurs formes, produits chimiques et produits contenant ou fabriqués en utilisant des SAO ainsi que des technologies de production et d’utilisation des SAO ; l’engagement d’appliquer un système de licences aux échanges entre les Parties, l’objectif étant d’améliorer la qualité des informations recueillies sur les échanges de substances réglementées ; l’interdiction des exportations de substances usagées et recyclées applicable aux Parties qui ne sont pas en conformité avec les calendriers de réduction afin de lutter contre le commerce illicite. Le Protocole de Montréal est l’un des rares accords concernant la pollution transfrontière qui comporte des normes sur les produits et les processus de production aussi rigoureuses susceptibles de poser des problèmes de coûts et donc de compétitivité. Ainsi le Protocole a pour objectif d’encourager les États à devenir Parties en limitant le commerce des produits réglementés aux États Parties. 53 Le réchauffement planétaire appelant une réaction de l’ensemble de la communauté internationale, l’objectif poursuivi sera également de réunir un maximum d’États autour d’un accord commun. Ainsi, la Convention-cadre sur les changements climatiques (1992) vise à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation susceptible d’affecter dangereusement le système climatique (article 2). Elle met en place une responsabilité commune mais différenciée en divisant les États en trois groupes avec des devoirs spécifiques (article 4) tenant compte des priorités nationales et régionales de développement et de l’importance de maintenir une croissance économique durable. « Il appartient aux Parties de travailler de concert à un système économique international qui soit porteur et ouvert et qui mène à une croissance économique et à un développement durables de toutes les Parties, en particulier des pays en développement Parties, pour leur permettre de mieux s’attaquer aux problèmes posés par les changements climatiques. Il convient d’éviter que les mesures prises pour lutter contre les changements climatiques, y compris les mesures unilatérales, constituent un moyen d’imposer des discriminations arbitraires ou injustifiables sur le plan du commerce international, ou des entraves déguisées à ce commerce. » (Article 3.5., Convention-cadre sur les changements climatiques, 1992) Les objectifs et les obligations étant définis de manière très générale dans la convention, aucune mesure commerciale n’est prévue en dehors de cette disposition destinée à prévenir le conflit entre le système économique international et des mesures prises pour lutter contre les changements climatiques. La convention évoque donc simplement le risque d’utiliser les mesures environnementales de manière à entraver la libre concurrence et de remettre en cause les grands principes du commerce international sans prévoir clairement une obligation reposant sur les États. C’est en fait dans le Protocole de Kyoto de décembre 1997 que des obligations plus précises apparaissent avec des obligations en lien avec l’énumération des gaz à effet de serre, l’acceptation par les pays industrialisés d’objectifs de réduction des émissions sans contrepartie de la part des pays en développement, la possibilité de totaliser les émissions des pays industrialisés et la possibilité de céder les « droits d’émission » entre États Partie ou entre un État et une personne privée. Le Protocole de Kyoto présente la particularité de s’appuyer sur les stratégies de marché et donc avant tout sur une logique marchande pour parvenir à ses objectifs. La définition des objectifs de réduction d’émission a été accompagnée de la mise en place d’un mécanisme d’échanges d’unités de réduction consacrant le rôle du secteur privé comme partenaire. L’article 4 permet de globaliser les quotas d’émission au niveau du groupe de pays en répartissant les efforts. Cette souplesse donnée aux États par « catégories » permet aux agents économiques de parvenir aux objectifs fixés de la manière la moins coûteuse. Par contre, en fonction de l’attribution des objectifs fixés, il peut 54 apparaître des surplus de droits d’émission ; or la mise sur le marché de ces surplus peut entraîner une augmentation des émissions de l’ensemble des pays industrialisés33. Le Protocole fait place à la technique des échanges dans le cadre des relations entre les pays de l’Annexe I. Cependant de nombreuses critiques ont été émises sur cette technique qui conduit à « marchandiser » l’atmosphère. Par ailleurs, la Conférence des Parties de la convention, organe responsable des conditions d’application de la convention sur les changements climatiques, a décidé d’instaurer une phase pilote permettant aux pays industrialisés et aux pays en développement de conclure des accords visant à la satisfaction des obligations de réduction des émissions de gaz à effet de serre en participant à des projets d’investissement. Les États et le secteur privé pourront faire des investissements dans les pays en économie de transition ou en développement et obtenir en échange des crédits d’émission. Ces unités de réduction d’émissions seront soustraites de la quantité attribuée à la Partie qui procède à la cession (articles 3.10 et 3.12). D’autres techniques préconisées par le Protocole sont : l’imposition de taxes sur les émissions de dioxyde de carbone ; l’adoption de certaines normes de traitement ou d’émission notamment pour les émissions de gaz à effet de serre non réglementées par le Protocole de Montréal ; l’élimination des subventions et de toute pratique d’incitation fiscale qui iraient à l’encontre de l’objectif recherché. Le Protocole de Kyoto prévoit l’application de mesures de libéralisation du marché pour s’acquitter de ses engagements : « Réduction progressive ou suppression graduelle des imperfections du marché, des incitations fiscales, des exonérations d’impôt et de droits et des subventions qui vont à l’encontre de l’objectif de la Convention, dans tous les secteurs émettant des gaz à effet de serre et application d’instruments du marché ; » (Article 2.1.a)v), Protocole de Kyoto, 1997) Le texte du Protocole établit un lien direct entre l’application de mesures pour réduire les émissions et les conséquences sur le commerce international en respectant le principe très général énoncé par la convention-cadre de la compatibilité entre les systèmes de normes. Aucune instance de l’un des systèmes n’étant supposée prédominer sur l’autre, l’orientation est plus à la conciliation en cas de conflit. Le Protocole rappelle ainsi que les pays de l’Annexe I doivent limiter l’impact de leurs politiques et mesures sur le commerce international : Ainsi des pays comme l’Ukraine ou la Russie qui appartiennent à l’annexe I/B se sont vu attribuer des objectifs très supérieurs à leurs besoins. Ils disposeront donc d’un surplus de droits d’émission car leurs économies encore en transition sont en difficulté. 33 55 « Les Parties visées à l’annexe I s’efforcent d’appliquer les politiques et les mesures prévues dans le présent article de manière à réduire au minimum les effets négatifs, notamment les effets néfastes des changements climatiques, les répercussions sur le commerce international et les conséquences sociales, environnementales et économiques pour les autres Parties, surtout les pays en développement Parties (…). » (Article 2.3., Protocole de Kyoto, 1997) S’inscrivant clairement dans le respect des principes de libre-échange, l’une des caractéristiques du Protocole est de donner au secteur privé une importance particulière pour la mise en œuvre des stratégies de marché envisagées. Cependant, leur intervention peut conduire à se confronter à des problèmes de monopole ou d’abus de position dominante (par exemple si les sociétés d’un même groupe se retrouvent seules bénéficiaires de transferts de subsides ou de technologie). Des questions de responsabilité pénale ou civile peuvent également se poser pour les agents économiques impliqués dans la réalisation de prestations visant à la réduction des émissions à effet de serre. b. Mesures commerciales pour le contrôle des déchets et des substances dangereuses La production et l’utilisation de substances chimiques ayant connu une constante progression avec le développement industriel et l’évolution corrélative des modes de consommation, ces substances participent à un niveau non négligeable au commerce mondial. Des milliers de nouveaux produits sont commercialisés chaque année sans que l’on en connaisse toujours précisément les effets sur la santé ou l’environnement. Jusqu’à présent, il n’existe aucun texte de portée générale qui viserait tous les problèmes nés de la production, du transport, de l’utilisation et de l’élimination des substances toxiques ou dangereuses. La réglementation du commerce international des produits chimiques a connu une lente évolution depuis la Convention internationale concernant le transport de marchandises par chemin de fer de 1924 et le Règlement international relatif au transport des marchandises dangereuses par chemin de fer de 1924. Il faut attendre le début des années 1970 pour voir apparaître les premières mesures de contrôle des substances dangereuses pour l’homme et l’environnement (résolution du 18 mai 1971 de l’OCDE prévoyant une procédure de notification préalable et de consultation). Sous l’impulsion du PNUE et de la FAO, naît la Convention de Rotterdam du 10 septembre 199834 sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause, applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l’objet d’un commerce international. Cette convention permet de favoriser le partage des responsabilités pour le commerce de ces produits considérant que cette activité est conditionnée par les décisions nationales concernant l’importation et l’exportation. L’annexe III de la convention énumère les produits chimiques et autres produits (notamment des pesticides) extrêmement dangereux qui sont soumis à une procédure de consentement préalable (les articles 5 et 6 précisent la procédure qui prévoit l’intervention 34 Accord signé par plusieurs États mais encore non ratifié et donc non en vigueur. 56 d’un Comité d’étude des produits chimiques). Tout État, qui souhaite interdire l’importation d’un produit chimique ou soumettre l’importation à certaines conditions, doit appliquer cette décision à tous les États y compris les États tiers (articles 10 et 11). Des règles particulières sont prévues pour les produits chimiques interdits ou strictement réglementés par un État sans être inscrits à l’annexe III imposant la notification de l’exportation à l’État importateur, lequel doit en accuser réception (article 12). Ainsi les impératifs de protection de l’environnement ont pu aboutir à une réglementation du commerce de substances toxiques ou dangereuses permettant d’établir des restrictions aux échanges de certains produits malgré les enjeux économiques souvent importants pour les États importateurs comme pour les États exportateurs. Parallèlement à la difficile question des produits toxiques ou dangereux, la communauté internationale a dû se pencher sur la gestion et le contrôle des flux des déchets, devenus l’une des préoccupations majeures au niveau mondial. L’OCDE, le PNUE et les Communautés européennes ont élaboré des textes pour apporter certaines solutions en matière de planification, d’autorisation et de surveillance des déchets dangereux, mais la plupart n’ont pas d’effets contraignants (Recommandation du 28 septembre 1976 de l’OCDE, Principes directeurs du PNUE, Décision 14/30 du Conseil d’administration du 17 juin 1987, etc.). En matière de flux transfrontaliers de déchets toxiques ou dangereux, l’adoption de la Convention de Bâle, le 22 mars 1989, qui va reprendre plusieurs principes formulés dans les textes précédents, donne à la communauté internationale un instrument pour limiter le commerce international des déchets dangereux (149 États Parties35). Ces échanges préjudiciables pour l’environnement36, perçus comme injustes notamment pour les pays en développement qui, moyennant des redevances financières, acceptent d’importer des déchets dangereux, sont découragés, voire interdits, par différentes mesures. L’objectif général de la Convention de Bâle est celui de « protéger par un contrôle strict la santé humaine et l’environnement contre les effets nocifs qui peuvent résulter de la production et de la gestion des déchets dangereux et d’autres déchets » (Préambule). Plusieurs priorités sont identifiées par la convention, dont : le contrôle et la réduction au minimum des mouvements transfrontières de déchets dangereux et la prévention des mouvements illicites de déchets dangereux . Les mesures prévues pour y parvenir sont les suivantes : une procédure de notification et de consentement : l’État exportateur est tenu d’informer l’autorité compétente des États d’importation et de transit de tout mouvement transfrontière envisagé de déchets dangereux ou d’autres déchets. 35 149 États Parties à la Convention de Bâle au 2 janvier 2002. Il est cependant très difficile d’évaluer le volume total des déchets dangereux produits et transportés sur le plan international car les informations sur ce sujet sont peu nombreuses. Le Secrétariat de la Convention de Bâle estime le total mondial des déchets dangereux produits chaque année à plus de 400 millions de tonnes (estimation d’un rapport de 1997). 36 57 Les États importateurs et de transit accusent réception par écrit de la notification en consentant avec ou sans réserve au mouvement ou en demandant un complément d’information ; le droit souverain de l’État d’interdire l’entrée de déchets dangereux sur son territoire (article 4.1). Par ailleurs l’importation de déchets dangereux depuis un État non Partie est interdite (article 4.5) à moins qu’elle ne fasse l’objet d’un arrangement qui ne permette en aucun cas de déroger aux dispositions de la Convention (article 11). Enfin les Parties prennent les dispositions voulues pour empêcher les importations de déchets dangereux si elles ont des raisons de croire que les déchets « ne seront pas gérés selon des méthodes écologiquement rationnelles » (article 4.2.f)37 ; des obligations concernant le transport, l’élimination, l’emballage et l’étiquetage : les Parties doivent faire respecter les règles internationales en matière d’emballage, d’étiquetage et de transport pour les déchets dangereux et les autres déchets qui doivent faire l’objet d’un mouvement transfrontière (article 4.7) ; une réglementation des exportations : les États d’exportation ont l’obligation d’évaluer si la gestion est écologiquement rationnelle dans les États d’importation (article 4.10). Les dispositions opérationnelles de la Convention de Bâle qui visent à atteindre des objectifs écologiques, reposent donc sur des mesures commerciales. En l’occurrence, l’efficacité globale de la convention est conditionnée par la réalisation de restrictions aux échanges de produits. Le commerce de certains produits étant en soi dommageable pour l’environnement, c’est l’activité commerciale qu’il faut réglementer. Mesures commerciales dans les AME et relations avec les principes du système commercial multilatéral Mesures commerciales Permis ou licence d’importation Permis ou licence d’exportation Restriction aux exportations Restrictions aux importations AME (dispositions) CITES CITES CITES CITES Interdiction des échanges entre Parties et non Parties CITES Convention de Bâle Notification Consentement préalable Protocole de Montréal, Convention de Bâle Étiquetage Taxes Subventions Suppression des imperfections du marché Protocole de Kyoto Protocole de Kyoto D. Les mesures d’appui à la protection de l’environnement comme instrument de politique commerciale Des mesures commerciales sont adoptées pour restreindre, voire interdire des échanges dangereux ou potentiellement dangereux pour l’environnement. Inversement, des mesures environnementales peuvent participer au jeu du commerce international et des politiques nationales tout comme des mesures prévues par des accords multilatéraux 37 La convention définit la gestion écologiquement rationnelle et des directives techniques viennent préciser les pratiques écologiquement rationnelles. 58 peuvent renforcer la compétitivité de produits conformes à des normes environnementales et créer des conditions d’échange intégrant la dimension environnementale. 1. Normes environnementales sur procédés et méthodes de production (normes PMP) Des normes environnementales concernant les différentes étapes de la production d’un produit peuvent créer des critères supplémentaires qui influencent le marché. Une distinction peut être établie à cet égard entre les produits résultant de l’utilisation de procédés favorables au respect de l’environnement, considérés comme identiques aux produits commercialisés n’ayant pas utilisé de tels procédés, et les produits issus de ces procédés donnant un produit différencié dans sa qualité. Dans le second cas, le consommateur va choisir entre des produits différents alors que dans le premier, le critère écologique peut conditionner son choix sur des produits similaires dans le respect de la liberté du commerce. Par exemple, une pomme issue de l’agriculture biologique constitue un produit différent d’une pomme issue de l’agriculture traditionnelle (avec engrais chimiques, pesticides, etc.) alors qu’un bloc de papier, qu’il soit produit à base de papier recyclé ou de manière traditionnelle, constitue un produit identique dans sa qualité malgré la différence de procédé utilisé. Sur le plan de la protection de l’environnement, les normes concernant les procédés et méthodes de production répondent à une préoccupation élémentaire en terme d’efficacité : les industries doivent produire selon certains procédés moins polluants, les producteurs de bois doivent respecter des règles de coupes pour éviter la surexploitation, les entreprises minières doivent respecter des normes pour le traitement de leurs déchets et restaurer les sites exploités, etc. Toutes ces normes peuvent apparaître dans les réglementations nationales avec des objectifs clairs relatifs à la santé humaine, la sécurité et, de manière générale, aux conditions de vie et à la protection de l’environnement humain et naturel. Les instruments commerciaux fondés sur des normes PMP sont les suivants : Interdictions ou restrictions aux échanges : mesures visant les produits importés qui ne satisfont pas à une norme PMP d’environnement en vigueur dans le pays importateur. Ces restrictions au commerce peuvent viser non seulement les procédés et méthodes de production des produits, mais également l’exportation de produits lorsque le pays destinataire ne respecte pas certaines normes PMP, par exemple pour le traitement des déchets ; Sanctions commerciales : elles peuvent prendre la forme d’interdictions ou de restrictions portant sur des produits autres que le produit soumis à la norme PMP. Exemple : restriction d’importation de radio en provenance d’un État utilisant des méthodes de pêche destructrices pour la faune marine ; Tarifs douaniers : prélèvements financiers sur les produits importés qui pourraient être liés aux normes PMP d’environnement. Certains États sont favorables à l’instauration de « préférences tarifaires écologiques » permettant aux produits respectant des normes PMP protectrices de l’environnement de bénéficier de tarifs douaniers plus avantageux ; 59 Ajustements fiscaux aux frontières : pratiques fiscales qui ont pour effet de soumettre les biens importés aux taxes en vigueur dans le pays producteur et d’exempter les biens exportés des taxes en vigueur dans le pays exportateur. Afin de favoriser les importations des pays respectueux de normes PMP environnementales, on peut leur appliquer le régime fiscal le plus favorable, c’est-à-dire les exempter de taxes à l’importation ; Droits compensateurs : taxes perçues sur les produits importés pour compenser les subventions reçues dans le pays producteur et ainsi égaliser les coûts de production ; il a été proposé, par exemple, d’appliquer des droits compensateurs sur les exportations d’un pays qui appliquerait mal ou pas du tout des normes PMP protectrices de l’environnement ; Écolabels obligatoires : labels apposés sur les produits importés indiquant qu’ils ont respecté certaines normes de production ou qu’ils répondent à certains critères environnementaux au cours de leur cycle de vie. Dans ce cas, c’est le consommateur qui décide de la « restriction » dans les échanges. Inconvénients ou risques pour la libéralisation des échanges : Dans la pratique commerciale, de telles mesures peuvent conduire à une forme de discrimination basée sur des standards élaborés au niveau national et agir comme obstacle aux échanges internationaux. Le risque dénoncé est celui d’une utilisation de ces mesures à des fins protectionnistes, contraires à la libéralisation des échanges. Un État, après inventaire des procédés de production, pourrait décider de privilégier ceux qui favorisent les entreprises nationales. Autre crainte : les standards imposés pourraient se révéler inappropriés sur le plan environnemental pour des entreprises ou des producteurs étrangers en ce qui concerne leur niveau technologique, leurs ressources naturelles etc. Les standards environnementaux, adaptés à un contexte de production ou d’exploitation donné, peuvent avoir un tout autre impact, y compris contraire aux objectifs environnementaux, dans un autre contexte. Enfin, ces nouveaux standards apparaissent comme des contraintes supplémentaires pour les pays en développement qui sont le plus susceptibles de subir cette forme de « discrimination environnementale ». Très souvent, les pays du Sud invoquent d’autres priorités dans la structuration et le développement de leurs échanges extérieurs que celle d’une amélioration de leurs conditions de production ou d’exploitation sur le plan environnemental. Ils font valoir, notamment, le principe de souveraineté qui permet à l’État d’assumer des choix de développement, même s’ils peuvent apparaître contraires au maintien de la qualité de l’environnement, dès lors que le dommage environnemental est subi localement. Cette argumentation a pu être utilisée notamment pour l’exploitation des forêts. 2. Écolabel et système de certification Alors que les standards sur les processus et procédés passent par une réglementation nationale ou par des obligations internationales imposées par des accords internationaux, l’écolabel et les programmes de certification présentent la particularité de 60 s’adresser directement au consommateur pour influencer son choix38. Il s’agit donc plus d’incitations commerciales qui font appel à la conscience écologique des acteurs du marché que de mesures coercitives développées par l’autorité publique. En l’occurrence, ces normes peuvent être préconisées par des organismes professionnels en dehors de tout système réglementaire obligatoire. L’exemple en est fourni par l’ISO (International Organization for Standardization) qui met en place au niveau international la série des normes 14000 prévoyant l’audit environnemental, le suivi des produits et l’octroi d’un label. Trois types d’écolabels selon l’ISO, organisation non gouvernementale regroupant des organismes nationaux, publics et privés : Type 1 : labels comparant les produits dans la même catégorie en indiquant ceux qui ont respecté des normes environnementales au cours de leur cycle de production. Les critères ont été fixés par un organe indépendant et contrôlé par une procédure de certification ou d’audit ; Type II : labels environnementaux utilisés pour la vente de produits, élaborés par les producteurs ou distributeurs. Ils ne sont pas contrôlés de manière indépendante et n’utilisent pas des références ou des critères prédéterminés et acceptés par des organismes indépendants (exemple : un produit peut être présenté comme biodégradable sans que le terme ne soit défini) ; Type III : label présentant une liste des impacts environnementaux d’un produit au cours de l’ensemble de son cycle de vie. Les catégories d’informations peuvent être établies par le secteur industriel ou par des organismes indépendants. Les consommateurs sont libres d’interpréter les informations (exemple : évaluer si un produit est moins dommageable pour l’environnement, si les émissions de sulfure sont moins dangereuses que les émissions de cadmium). Le système de certification s’inscrit dans la démarche du management environnemental. Il s’agit d’un système qui implique pour les entreprises de suivre les principes environnementaux et plus précisément des orientations conformes à ces principes dans la conduite de leurs affaires. On distingue entre des programmes de certification fondés sur des normes de procédures et des programmes basés sur des normes de performance, notamment dans le domaine de la gestion forestière. Par exemple, l’approche centrée sur les résultats obtenus (normes de performance) est utilisée par le Forest Stewardship Council (FSC), organisation internationale à but non lucratif créée en 1993 avec l’appui de l’organisation écologiste WWF. Le FSC a pour rôle d’évaluer et de contrôler l’activité d’organismes indépendants de certification des forêts. Lorsque ces organismes reçoivent l’accréditation du FSC, ils peuvent certifier des exploitations en déterminant des critères de bonne gestion forestière établis en fonction des règles déterminées par le FSC. D’autres programmes de certification pour les espaces forestiers se sont mis en place principalement dans les pays développés tels que le PEFC (Pan European Forest Certifications Scheme), le CSA (Canadian Standard Association) ou le SFI (Sustainable Forestry Initiative) attestant du développement d’un véritable marché de la certification de la foresterie durable. 38 Voir cours UNITAR 3, p. 58 et suiv. 61 Entre le système de certification et les écolabels apparaît une nouvelle catégorie de certification environnementale par secteur : pêche, agriculture organique, foresterie, etc. Une entreprise peut obtenir la certification si un organisme indépendant réalise un audit favorable qui atteste du respect des normes prévues par le programme. Cela l’autorise à placer un label sur ces produits attestant de son adhésion au programme environnemental. Inconvénients ou risques pour la liberté du commerce : Comme pour les normes de procédé, les écolabels et programmes de certification peuvent conduire à des pratiques discriminatoires. La plupart de ces programmes sont développés au niveau national sur la base de réalités économiques et environnementales précises. Par conséquent, les critères utilisés peuvent se révéler inadaptés par rapport aux priorités environnementales d’autres pays ; Les procédures pour obtenir les labels peuvent imposer de se soumettre à des tests impliquant l’utilisation de technologies, d’infrastructure et une expertise dont tous les pays ne disposent pas ; Même si les coûts pour remplir les conditions imposées par les programmes peuvent être assumés, ils vont entraîner une augmentation importante des coûts à la production qu’il faudra répercuter sur les produits, d’où une baisse de compétitivité que ne subiraient pas tous les acteurs économiques de la même façon ; Le problème du fonctionnement des organismes indépendants chargés de faire respecter les programmes demeure dès lors que leur coût est élevé et implique une participation d’experts que tous les États ne peuvent se permettre d’affecter à cette tâche. Par conséquent, des pays en développement sont sousreprésentés dans ces organismes. 3. Instruments économiques : taxes et subventions Les instruments économiques comme les subventions représentent un terrain particulier de la rencontre entre enjeux commerciaux et protection de l’environnement. En effet, ils peuvent se révéler très utiles pour soutenir des mesures de coopération en faveur de l’environnement ou, au contraire, provoquer des dégâts majeurs sur le plan économique. Ainsi, la Déclaration de Rio de 1992 enjoint les autorités nationales à promouvoir « l’utilisation d’instruments économiques, en vertu du principe selon lequel c’est le pollueur qui doit, en principe, assumer le coût de la pollution » (principe 16). Les instruments économiques peuvent être utilisés par les États comme moyens d’action de leur politique environnementale pour orienter les producteurs et les consommateurs vers des comportements plus respectueux de l’environnement. Ils peuvent prendre la forme de subventions, de prêts, de redevances, d’avantages fiscaux ou au contraire de taxes afin d’influencer le marché. Inconvénients pour le commerce : 62 Les subventions peuvent avoir un effet pervers car elles influencent les prix artificiellement. Elles peuvent, en soutenant certains secteurs comme par exemple l’agriculture, la foresterie ou la pêche, produire des effets contraires à la protection de l’environnement en conduisant par exemple à la surexploitation des ressources ; Le consommateur ne paie pas en achetant le produit le coût environnemental induit par sa production ; Les subventions apportées à certaines productions énergétiques comme l’énergie fossile ou le nucléaire sont autant de moyens que l’on ne met pas à la recherche d’alternatives comme l’énergie solaire. L’ensemble de ces mesures commerciales destinées à promouvoir la protection de l’environnement au niveau national ou international a pris la forme d’un véritable instrument de politique commerciale au cœur de la relation dynamique entre l’enjeu écologique et la liberté des échanges internationaux. Le régime juridique du commerce international mis en place par le GATT puis par l’Organisation mondiale du commerce se voit donc confronté à des mesures environnementales présentant une dimension commerciale et stratégique susceptible d’affecter ses principes fondamentaux. Précédent concernant l’incompatibilité d’un texte national utilisant la certification et des mesures économiques à des fins environnementales comme critère de ses échanges : L’Autriche a adopté une loi exigeant d’une part que le bois tropical importé soit certifié, d’autre part qu’il soit taxé à hauteur de 70%. En réaction à cette initiative, l’Association des États du Sud-Est Asiatique (ASEAN), le Canada, le Japon, la Nouvelle-Zélande et l’Australie ont considéré qu’il s’agissait d’un texte créant une discrimination à l’encontre du bois tropical par rapport au bois indigène qui lui, bénéficiait d’un traitement plus favorable. Face à l’hostilité de ces États menaçant l’Autriche de sanctions commerciales, le texte fut abrogé avant même la saisine d’un Groupe spécial du GATT. Normes environnementales et commerce Normes de procédé et normes de produit jouent un rôle direct dans le fonctionnement des marchés : Les normes de procédé sont des normes qui ont pour objet de définir des spécifications auxquelles doivent répondre des installations fixes. Il s’agit d’une obligation de moyen. Ces normes imposent l’utilisation de certaines techniques considérées comme moins dommageables pour l’environnement. En cela, elles se distinguent par exemple des normes d’émission qui imposent un résultat quantifiable sans préciser les moyens à utiliser pour réaliser l’obligation. Les normes de produit fixent les propriétés physiques ou chimiques d’un produit, ou encore les règles de conditionnement, d’emballage ou d’identification (notamment pour les 63 produits toxiques). Elles peuvent également indiquer les propriétés en matière de limitation de production de gaz polluant. Normes de qualité et normes d’émission ont des objectifs de protection de l’environnement clairs et induisent des modifications dans les comportements de production et de consommation qui vont indirectement influencer les échanges commerciaux : Les normes de qualité fixent les niveaux maximaux de pollution dans les milieux récepteurs : sol, air, eau. Les normes d’émission indiquent la quantité de polluants ou leur concentration dans les effluents qui peut être rejetée. Ces normes établissent des obligations de résultat laissant libre le pollueur de choisir et d’utiliser les moyens les plus adéquats pour y parvenir. Les instruments économiques Les subventions, les taxes, les redevances, les avantages fiscaux, les autorisations transférables, etc. permettent d’influencer les marchés en modifiant les comportements des producteurs ou des consommateurs. 64 QUESTIONS 1. Quels sont les principes du système GATT/OMC ? 2. Dans quelle mesure peut-on considérer que la Conférence de Rio de 1992 a intégré les standards du commerce international ? 3. Quels sont les principaux accords multilatéraux environnementaux (AME) ayant prévu des mesures de restriction ou de contrôle du commerce ? 4. Quelle est la particularité du Protocole de Kyoto sur le plan des mesures commerciales par rapport aux autres AME ? 5. Présentez les avantages et les inconvénients de l’application de standards environnementaux sur les procédés et méthodes de production. 65 RÉPONSES 1. Principe de non-discrimination qui se décompose en trois règles : la clause de la nation la plus favorisée, la réciprocité, le principe du traitement national. Le désarmement douanier doit permettre de procéder à l’abaissement des droits de douanes. Enfin, le principe de l’interdiction des restrictions quantitatives doit pouvoir libérer les échanges en évitant les restrictions à l’importation ou aux exportations. 2. La Conférence de Rio fait clairement référence aux règles du commerce international. Le principe 12 de la Déclaration de Rio ainsi que différents chapitres de l’Agenda 21 évoquent la promotion d’un système économique international ouvert, compatible avec les objectifs du développement durable. Les principes d’action de l’Agenda 21 prévoient de promouvoir un système commercial multilatéral non discriminatoire conduisant à une répartition optimale de la production mondiale selon les principes de l’avantage comparatif. 3. Concernant la diversité biologique : CITES, Convention sur la diversité biologique, Protocole de Cartagena. AME réglementant les substances et produits pouvant présenter un risque pour l’environnement : Protocole de Montréal, Convention sur les changements climatiques, Protocole de Kyoto, Convention de Bâle. 4. Le Protocole de Kyoto s’appuie sur les stratégies de marché et donc avant tout sur une logique marchande. Il met en place un mécanisme d’échange d’unités de production et, en outre, l’utilisation d’autres techniques économiques : taxes sur les émissions, élimination des subventions. 5. Avantages : ces standards répondent à une préoccupation environnementale essentielle, contrôler les productions dès l’origine afin de limiter leur impact sur l’environnement. Inconvénients : des risques de discrimination en créant des normes plus favorables pour les producteurs nationaux, des règles inappropriées sur le plan environnemental, risque de créer des contraintes supplémentaires pour les pays en développement. 66 III. L’environnement : une lacune dans le système du commerce international Les règles régissant les échanges internationaux ont encore aujourd’hui pour principale origine l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1947, et constituent toujours le fondement du droit matériel applicable pour les États Parties. Les principes du libre-échange et l’interdiction des mesures discriminatoires s’appliquent aux échanges de ressources naturelles. Or le régime juridique établi par le GATT 1947 puis par le GATT 1994 ainsi que par tous les accords multilatéraux adoptés par les États lors de la Conférence de Marrakech en avril 1994 semble aller à l’encontre de toute mesure commerciale qu’un État pourrait adopter en vue de protéger l’environnement au niveau national ou même international. Les étapes de formation du système commercial multilatéral : l’échec de la Charte de la Havane après la seconde guerre mondiale et l’entrée en vigueur du GATT en 1948 : organisation provisoire, non dotée de la personnalité juridique et dépendant de l’Organisation internationale du commerce (ICITO, Commission intérimaire de l’Organisation internationale du commerce) ; le développement du système du GATT par des négociations commerciales multilatérales (les « Rounds ») de 1948 à 1994 ; la Conférence de Marrakech de 1994 et l’entrée en vigueur des Accords du cycle de l’Uruguay, mise en place de l’OMC disposant de la personnalité juridique en tant qu’organisation internationale et non comme Institution spécialisée des Nations unies. Le système GATT/OMC a dû cependant peu à peu s’ouvrir à la problématique environnementale tout en soulignant, par le biais de ses différents organes, qu’il n’a pas vocation à évaluer des politiques environnementales dans leurs implications commerciales mais bien à faire respecter les principes essentiels de non-discrimination dans les échanges permettant l’accès libre au marché. Le système commercial multilatéral, à présent représenté par l’Organisation mondiale du commerce, regroupe plus de 140 États (les Parties contractantes au GATT sont devenues automatiquement membres originels de l’OMC). L’adhésion de la Chine39 et de nombreux nouveaux membres depuis 1995 marquent la dimension mondiale de l’Organisation et son rôle prépondérant dans les orientations prises dans le domaine commercial. Dans cette perspective, toutes les mesures et politiques environnementales développées tant sur le plan national qu’international se trouvent confrontées à l’application des règles de cette organisation dont la plupart des États sont membres. A. Le GATT : l’environnement comme dérogation Comme la plupart des traités et accords qui ont régi les relations économiques internationales après la seconde guerre mondiale, le GATT a été mis au service du Protocole d’accession de la Chine à l’OMC le 11 décembre 2001,conformémement à la procédure d’accession prévue à l’article XII de l’Accord instituant l’OMC. 39 67 développement des échanges internationaux en affirmant le principe de libre-échange comme fondement de la croissance et du développement. La prise en considération de l’influence des mesures et politiques environnementales sur le commerce international n’apparaît que dans les années 1970 avec la création d’un groupe de travail sur les mesures environnementales et le commerce international en 1971. Ce groupe ne connaîtra aucune activité jusqu’à sa réactivation, vingt ans plus tard, dans le cadre de sa participation à la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement (CNUED). Initialement le GATT, tel que signé en 1947, ne fait aucune référence à l’environnement. Seuls deux standards internationaux prévalent en dehors de l’interdiction des restrictions quantitatives aux échanges : le traitement de la nation la plus favorisée selon lequel les pays contractants acceptent de s’octroyer mutuellement les bénéfices des avantages commerciaux supplémentaires qu’ils accorderaient ultérieurement à des pays tiers, et le traitement national qui suppose que les produits importés ne soient pas défavorisés dans leur accession au marché par rapport aux produits nationaux. 1. Les exceptions de l’article XX du GATT Dans la perspective de l’instauration de la liberté des échanges, les deux exceptions majeures à l’application de ces principes sont les préférences commerciales accordées aux pays en développement et les zones de libre-échange ou unions douanières. Seul l’article XX de l’Accord général permet une approche de la problématique environnementale par la dérogation : « Sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international, rien dans le présent Accord ne sera interprété comme empêchant l’adoption ou l’application par toute Partie contractante des mesures : (…) b) nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux ; (…) g) se rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables, si de telles mesures sont appliquées conjointement avec des restrictions à la production ou à la consommation nationales ; (…). » L’article XX, à défaut de mentionner la protection de l’environnement, permet l’application de mesures discriminatoires en autorisant une Partie contractante à appliquer des mesures restrictives aux échanges : lorsqu’elles sont strictement nécessaires à la protection de la vie des personnes, des animaux ou à la préservation des végétaux ; lorsqu’elles se rapportent à la conservation des ressources naturelles. Des restrictions importantes sont apportées à la mise en œuvre de cette dérogation : le critère de nécessité d’une mesure s’apprécie au regard de différentes conditions. La mesure ne doit constituer ni une discrimination arbitraire, ni une discrimination 68 injustifiable, ni une restriction déguisée au commerce international. Par conséquent, cette mesure doit être celle qui interfère le moins dans les échanges. Par ailleurs, elle ne doit pas pouvoir être remplacée par une autre qui présenterait moins d’incompatibilité avec les dispositions de l’Accord. Avec de telles restrictions à son interprétation, l’utilisation d’une telle dérogation est extrêmement difficile dans la mesure où il devient presque impossible de justifier une mesure commerciale contraire aux règles de l’Accord ayant pour objectif la protection de l’environnement. Dès lors, toutes les mesures commerciales adoptées par les conventions multilatérales de l’environnement peuvent apparaître en contravention avec les dispositions du GATT. Bien qu’aucun recours n’ait été intenté concernant l’incompatibilité de mesures prises sur la base d’un AME et de l’Accord, les groupes spéciaux ont été saisis à plusieurs occasions pour analyser ce critère de nécessité sans pour autant dégager une définition commune40. Il ressort des conclusions adoptées au cours des différentes affaires, que l’article XX constitue une exception limitée et conditionnelle qu’il faut interpréter de manière très restrictive. 2. Interprétation restrictive des exceptions de l’article XX : les rapports des Groupes spéciaux Sur la base de l’article XXIII, alinéa 2 du GATT des groupes spéciaux composés d’experts étaient chargés d’assister les États en cas de litige afin de favoriser une conciliation. À l’issue de la procédure qui présente la particularité d’être extrêmement souple, les « panels » (ou groupes spéciaux) adoptent des rapports dont l’analyse permet de dégager une sorte de jurisprudence sur l’interprétation de l’article XX dans les affaires soulevant des problèmes d’incompatibilité entre mesures environnementales et dispositions de l’Accord général. a. L’affaire Mexique / États-Unis, relative aux restrictions à l’importation de thon, Groupe spécial du GATT, 3 septembre 199141 Dans la zone tropicale orientale de l’océan Pacifique, les dauphins se déplacent avec les thons à nageoires jaunes, ce qui induit la capture accidentelle des dauphins pêchés à la senne coulissante. Afin de remédier à cette situation, la loi américaine de 1972 sur la protection des mammifères marins (MMPA), révisée en 1988 et 199042, établit des normes de protection des dauphins applicables à la flotte de pêche nationale comme aux bateaux de pêche étrangers qui capturent les thons dans cette zone. 40 Dans le cadre du règlement des litiges des panels du GATT : affaires cigarettes de Thaïlande, Instruments de base et documents divers, IBDD (publications du GATT), 37, p. 214 et suiv. ; Les mesures affectant l’exploitation des harengs et des saumons non préparés, IBDD, 35, p. 106 et suiv. 41 Après consultations bilatérales avec les États-Unis, le Mexique a demandé le 25 janvier 1990 aux Parties contractantes du GATT l’établissement d’un Groupe spécial sur la base de l’article XXIII § 2 de l’Accord. La création du groupe a été décidée par le conseil, le 6 février 1991. 42 Marine Mammal Protection Act of the United States (MMPA). 69 La loi américaine autorise la prise accidentelle de dauphins par les thoniers nationaux à hauteur d’un maximum de 20 500 têtes par an afin de favoriser le développement d’autres techniques de pêche. La loi vise également les pêcheurs étrangers dans la mesure où elle prévoit l’interdiction de l’importation de poissons ou de produits à base de poissons issus de la pêche effectuée par des techniques ayant pour effet de blesser ou tuer un nombre de mammifères supérieur aux normes établies. Par ailleurs, la loi sur l’information du consommateur pour la protection des dauphins permet aux produits exportés ou vendus aux États-Unis de porter une étiquette « sans risque pour les dauphins » (« Dolphin Safe ») destinée à indiquer que la pêche n’a pas porté atteinte aux populations de dauphins. Après avoir précisé que « sa tâche se limitait à examiner la question à la lumière des dispositions de l’Accord général applicables en l’espèce et, par conséquent, n’appelait pas de constatation quant à l’adéquation des politiques de conservation des États-Unis et du Mexique en tant que telles » (§ 6.1 du Rapport), le Groupe spécial a répondu en trois étapes aux thèses des Parties : – tout d’abord, il a estimé que les mesures restrictives instituées par les États-Unis au titre de la MMPA ne constituaient pas des mesures intérieures visées par l’article III de l’Accord général, mais s’apparentaient bel et bien à des restrictions quantitatives ; – ensuite il a conclu que ces restrictions étaient incompatibles avec les dispositions de l’article XI § 1 du GATT ; – enfin, il estime que les exceptions de l’article XX b) ou g) ne sont pas applicables et que, par conséquent, les restrictions quantitatives prévues par les États-Unis sont illicites. En effet, selon le Groupe spécial, il aurait été possible d’une part de recourir à des accords de coopération internationale (comme l’invoquait le Mexique), et d’autre part il n’était pas « nécessaire » de limiter les échanges en fonction de conditions telles que fixées par la loi américaine MMPA. Le Groupe considère que les conditions concernant notamment le taux maximal de prises accidentelles revêtent un caractère fluctuant et imprévisible ne pouvant être considéré comme nécessaire. Il estime qu’une limitation des échanges fondée sur des conditions aussi imprévisibles ne peut pas être considérée comme visant principalement à la conservation des dauphins (§ 5.28). Étant donné que l’étiquetage « Dolphin Safe » s’appliquait à tous les navires opérant dans la zone, sans distinction entre les produits mexicains ou ceux originaires d’autres pays, le Groupe spécial a considéré qu’il était compatible avec les termes de l’Accord (article I § 1). En conséquence, il se dégage de cette affaire la conclusion suivante : « une Partie contractante ne pouvait pas limiter les importations d’un produit simplement parce que celui-ci provenait d’un pays dont les politiques en matière d’environnement étaient différentes des siennes » (§ 6.2 du Rapport). b. L’affaire Communauté européenne et Pays-Bas / Etats-Unis, Groupe spécial du GATT, 14 juillet 1992 Par la suite, le Conseil du GATT dut instaurer un autre Groupe spécial, le 14 juillet 1992, pour examiner une plainte émanant de la Communauté européenne et des Pays-Bas 70 concernant une nouvelle fois des restrictions à l’importation de thon décidée par les ÉtatsUnis. Dans ce nouveau différend impliquant les mesures des États-Unis visant à protéger les dauphins, le Groupe spécial a pris en considération une justification au regard de l’article XX g). Il a ainsi conclu : – que la politique américaine visait à la protection des dauphins et donc, à ce titre, à la conservation des ressources naturelles épuisables, reconnaissant ainsi que l’Accord ne condamne pas les mesures relatives à des objets ou à des actions à l’extérieur de la juridiction territoriale de la Partie à l’origine de la mesure ; – par contre, les mesures d’embargo ayant pour but d’inciter, voire d’imposer à d’autres pays un changement de leur politique, ne peuvent être considérées comme visant essentiellement la protection d’une espèce, et l’article XX g) est donc considéré comme inapplicable. Dans ces deux rapports, ainsi que dans son dernier rapport adopté avant l’instauration de l’Organisation mondiale du commerce (Taxes ou impositions appliquées aux automobiles, rapport du 24 septembre 1994), il apparaît que l’interprétation de l’article XX ne permet pas une prise en considération de la problématique environnementale et que ses dispositions s’avèrent insuffisantes pour réaliser toute évolution du GATT dans ce domaine. 3. Le rapport « Commerce et environnement » du GATT de 1992 Le début des années 1990 marque le début de la prise de conscience de l’importance pour le GATT de se positionner par rapport aux conflits potentiels et même déjà bien réels entre politique de protection de l’environnement – adoptée au plan national comme au plan international – et liberté du commerce. Ainsi, en 1992, le Secrétaire général du GATT publie un rapport sur le thème « Commerce et environnement » qui relève plusieurs aspects : la croissance du revenu par habitant et l’accroissement du commerce sont des facteurs favorables pour la protection de l’environnement à condition qu’une politique environnementale appropriée soit mise en œuvre ; la coopération internationale est essentielle ; dans cette perspective, il n’est pas nécessaire d’adopter des politiques nationales ayant des effets extraterritoriaux ; les restrictions commerciales ne doivent pas être considérées comme un moyen efficace de protection de l’environnement ; les règles du GATT visant à empêcher la discrimination et les politiques non discriminatoires suivies en matière d’environnement devraient « normalement » échapper à toute contrainte imposée dans le cadre du GATT. Le rapport conclut que commerce et protection de l’environnement peuvent ne pas être incompatibles tout en développant une analyse généralement méfiante à l’égard de toute action prise en faveur de l’environnement, considérée comme susceptible de couvrir des objectifs protectionnistes. Il n’est sans doute pas inutile de préciser que ce rapport a suscité de nombreuses contestations de la part des ONG de protection de l’environnement qui ont considéré les conclusions du rapport comme beaucoup trop orientées sur la défense 71 de la liberté du commerce, sans considération pour les impératifs écologiques. Ainsi, le rapport peut conduire à comprendre que l’Accord général constitue un cadre adapté pour assurer la réalisation d’objectifs environnementaux. Par ailleurs, il conduit à cautionner l’interdiction de toute réglementation environnementale ayant un effet extraterritorial et ne reconnaît pas les normes de procédés. Cependant le débat sur le thème commerce et environnement est lancé, relayé par différentes organisations telles que l’ONU, l’OCDE, la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement (CNUED), le PNUE, etc. B. Accords de l’Organisation mondiale du commerce : la prise en compte progressive mais limitée de l’environnement Le système multilatéral du GATT s’est développé à la suite de différentes conférences commerciales multilatérales (« Rounds ») organisées périodiquement depuis 1947 afin d’intégrer d’autres domaines ou de procéder à des aménagements des accords. Après le Kennedy Round (1963-1967) ayant porté principalement sur l’abaissement des droits de douane relatifs aux produits manufacturés et le Tokyo Round (1973-1979) concernant les domaines tarifaires et non tarifaires des produits manufacturés, ainsi que la réforme du système institutionnel du GATT, l’Uruguay Round (1986-1993) a couvert des domaines beaucoup plus étendus aboutissant à la signature des Accords de Marrakech les 14 et 15 avril 1994. À cette occasion, les États adoptèrent une décision sur le commerce et l’environnement reconnaissant ainsi la problématique environnementale comme incontournable dans les orientations de développement économique. « Rappelant le Préambule de l’Accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui dispose que “les rapports [des Membres] dans le domaine commercial et économique devraient être orientés vers le relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein emploi et d’un niveau élevé et toujours croissant du revenu réel et de la demande effective, et l’accroissement de la production et du commerce de marchandises et de services, tout en permettant l’utilisation optimale des ressources mondiales conformément à l’objectif de développement durable, en vue à la fois de protéger et de préserver l’environnement et de renforcer les moyens d’y parvenir d’une manière qui soit compatible avec leurs besoins et soucis respectifs à différents niveaux de développement économique”, (…) Désireux de coordonner les politiques dans le domaine du commerce et de l’environnement, et cela sans dépasser le cadre du système commercial multilatéral, qui est limité aux politiques commerciales et aux aspects des politiques environnementales qui touchent au commerce et qui peuvent avoir des effets notables sur les échanges de ses membres, (…). » (Décision sur le commerce et l’environnement, Conférence de Marrakech, 14 avril 1994) La structure des accords de l’OMC 72 Droit institutionnel : 2 accords concernent à titre principal la personnalité juridique, les structures, les compétences de l’Organisation : – l’Accord instituant l’OMC ; – le Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends. Droit substantiel : normes conventionnelles résultant des accords, droit devant être transposé dans les législations et les réglementations nationales des États membres – les accords multilatéraux : * les accords sur le commerce de marchandises (GATT 1994 ; accords sectoriels (agriculture, mesures sanitaires et phytosanitaires, textiles) ; accords portant sur certaines mesures non tarifaires ; accord sur les mesures concernant les investissements et liées au commerce ; accords de défense commerciale (accord antidumping ; accord sur les subventions et les mesures compensatoires) ; * l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) ; * l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) – les accords commerciaux plurilatéraux : * accord sur le commerce des aéronefs civils ; * accord sur les marchés publics. (insérer tableau : Les structures internes de l’OMC) Les normes conventionnelles des accords de Marrakech touchent à différents domaines souvent fortement liés à la problématique environnementale et générateurs de nombreux conflits tant au niveau du commerce de marchandises (avec comme enjeu essentiel l’agriculture) qu’au niveau du commerce des services, secteur commercial en pleine expansion. Plus récemment, de nombreux enjeux sont apparus dans le domaine de la propriété intellectuelle en lien direct avec l’application de la Convention sur la diversité biologique. Ce sont donc ces thèmes qui seront abordés prioritairement afin de confronter le système commercial multilatéral aux politiques environnementales et de comprendre les implications de leurs relations parfois dynamiques et souvent difficiles. 1. Le commerce des marchandises Le commerce des marchandises entretient, à bien des égards, une relation étroite avec la problématique environnementale. En effet, le commerce des marchandises conditionne les conditions d’exploitation sur le plan quantitatif comme sur le plan des procédés utilisés. Ainsi les modifications de la réglementation internationale dans le domaine de l’agriculture ont-elles un impact majeur sur le développement durable considérant qu’elles concernent autant les pays industrialisés exportateurs et importateurs 73 de produits agricoles que les pays en développement souvent très dépendants des marchés internationaux pour l’exportation de leurs produits de base. Les accords de la Conférence de Marrakech sur le commerce des marchandises marquent le renforcement de l’approche néolibérale en réaffirmant les principes liés à la liberté des échanges dans le respect desquels doivent pouvoir s’inscrire les mesures environnementales. a. Le GATT 1994 i. Continuité avec le GATT 1947 L’article XX n’ayant pas été modifié par l’accord de Marrakech, on y retrouve les conditions cumulatives et restrictives du GATT 1947. Les dispositions visent à exclure certains produits du libre-échange en raison de leur spécificité, comme c’est le cas pour les ressources naturelles épuisables (article XX g), d’autres visent à garantir la défense des intérêts légitimes des États qui concernent l’ordre public (article XX b). ii. Les exceptions de l’article XX Quoi qu’il en soit, les mesures environnementales, pour être acceptées, doivent subir un double contrôle dans la mesure où après avoir été considérées comme satisfaisant aux exigences de l’alinéa b) ou g), elles doivent ensuite répondre aux conditions du chapeau de l’article XX. Au titre de l’article XX b) : l’adoption ou le maintien de mesures environnementales n’est admis que si ces mesures sont « nécessaires » et si elles obéissent à un objectif sanitaire ou environnemental ; Au titre de l’article XX g) : les mesures environnementales ne sont acceptées que si elles ont trait à la conservation d’une ressource épuisable et si elles sont appliquées conjointement à des restrictions à la production ou à la consommation nationales. Dans les deux cas, il faut ensuite que ces mesures répondent aux conditions de sincérité et d’opportunité pour parvenir à l’objectif environnemental visé, mais également qu’elles ne constituent pas un moyen de discrimination arbitraire ou injustifié. En aucun cas, les mesures adoptées à des fins environnementales ne doivent conduire à une restriction déguisée au commerce international. Les autres accords du système GATT/OMC contiennent, quant à eux, des dispositifs ponctuels qui se veulent plus spécifiquement adaptés aux objectifs qu’ils poursuivent, le problème étant d’articuler les dispositions des différents accords43. b. L’Accord sur l’agriculture 43 Cette articulation a le plus souvent été prévue par les accords eux-mêmes, sous la forme de formules telles que : « exception faite de ce qui est prévue dans l’accord (…) », « nonobstant », « le présent article ne e s’applique pas (…) ». 74 i. Contexte À la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement, tenue en 1992, il avait été soutenu que la libéralisation des échanges agricoles et la protection de l’environnement pouvaient se compléter, voire se renforcer mutuellement dans le cadre d’une stratégie concertée. Afin de parvenir à une démarche cohérente et dynamique entre politique commerciale et politique environnementale, il est prévu notamment de procéder à une réduction substantielle et progressive des aides dans le secteur agricole. L’idée émise lors de la Conférence de Rio et reprise dans l’Accord sur l’agriculture de l’OMC est que les subventions à l’exportation non seulement ne peuvent en aucune façon être bénéfiques pour l’environnement, mais qu’elles présentent de surcroît un coût environnemental important. Arguments développés pour soutenir la réduction des aides à l’agriculture44 : l’utilisation des ressources serait plus efficiente (obtenir la même production en exploitant moins de ressources naturelles) sans subvention, par conséquent la pression sur l’environnement diminuerait ; avec la suppression des subventions, c’est la fin des excédents de production qu’entraînent les politiques agricoles subventionnées, donc l’abandon de la pratique de déversement des excédents sur le marché international provoquant des perturbations sur le marché avec des effets particulièrement néfastes pour les pays en développement ; un environnement économique international est plus propice à l’encouragement des investissements à long terme dans une production agricole rationnelle ; les subventions à l’exportation sont une des causes de la faiblesse des revenus ruraux en aggravant l’instabilité des prix sur les marchés ; les subventions ont un effet dissuasif sur l’investissement dans le secteur agricole ; les subventions à l’exportation sapent les efforts que font d’autres États pour développer leurs secteurs agricoles dans des conditions écologiquement viables. S’appuyant sur cette argumentation, l’Agenda 21 fait référence à la nécessité de procéder à la réduction des subventions à l’exportation et des autres mesures de soutien qui faussent les conditions du commerce et renforcent les tendances protectionnistes. ii. Obligations des Parties Aux termes de l’Accord de l’OMC sur l’agriculture, les membres doivent : 44 Ces arguments sont bien sûr à manier avec précaution, ils sont fondés le plus souvent sur des études réalisées par des organisations économiques. Cette énumération est destinée à expliquer le contexte de la relation entre agriculture et environnement telle qu’elle peut être appréhendée dans le cadre de l’Accord. 75 abaisser la protection aux frontières : les mesures non tarifaires appliquées aux produits agricoles doivent être converties en droits de douane pour un meilleur accès au marché ; procéder à la réduction des équivalents tarifaires ; réduire les dépenses budgétaires consacrées aux subventions et le volume des exportations subventionnées, et honorer les engagements de réduction prévus par les listes établies avec des objectifs différents pour les pays développés et les pays en développement, les pays les moins avancés n’étant pas tenus de prendre des engagements de réduction des subventions à l’exportation. Il faut considérer que le régime de subvention à l’exportation peut varier considérablement selon les pays et selon les produits agricoles. iii. Référence à l’environnement La protection de l’environnement fait partie intégrante de l’Accord sur l’agriculture dans la mesure où il y est fait référence à la fois dans le Préambule (§ 6), qui prévoit que les engagements doivent prendre en considération l’environnement, et dans l’article 20 prévoyant que les négociations sur la poursuite de la réforme du programme doivent tenir compte des aspects non commerciaux, ce qui implique l’environnement. Par ailleurs, l’Annexe 2 prévoyant les aides ne donnant pas lieu à une action (subventions de la boîte verte) énumère diverses mesures de soutien dont les versements au titre de la protection de l’environnement. Ainsi les politiques agro-environnementales qui ont un impact faible sur la production ou le commerce peuvent rentrer dans cette catégorie. De manière plus générale, une réflexion tend à être menée par les États pour comprendre les effets tant négatifs que positifs de la libéralisation des échanges sur l’environnement. À titre d’exemple, la Corée avait appliqué une politique de la « ceinture verte » qui délimitait certaines zones agricoles et forestières et en interdisait l’aménagement. Ce pays estime que le déclin de l’agriculture résultant d’une libéralisation du commerce agricole dans un petit espace territorial très peuplé comme celui de la Corée, pourrait conduire à des risques de réaffectation des terres agricoles à des usages potentiellement beaucoup plus nuisibles à l’environnement. c. L’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) i. Contexte et champ d’application L’innovation technologique, la globalisation de l’offre alimentaire, le relèvement du niveau de vie et une conscience accrue des risques de maladie d’origine alimentaire ont entraîné une plus grande méfiance des consommateurs dans les pays développés et le développement de véritables politiques phytosanitaires. Ainsi, dans le cadre des négociations commerciales du cycle de l’Uruguay Round, un nouvel accord est conclu sur les mesures sanitaires et phytosanitaires afin de mettre en place une réglementation dans ce domaine au niveau international. Le contenu de la mesure sanitaire ou phytosanitaire est entendu de la manière la plus large, c’est-à-dire qu’il vise le produit final et tous les procédés et méthodes de production. 76 ii. Contenu Le principe fondateur de l’Accord SPS est que les pays peuvent adopter les mesures qui leur semblent nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux, et à la préservation des végétaux. Cependant, partagé entre la préoccupation légitime de protéger le marché de produits dont la sûreté suscite des doutes et l’importance de prévenir les abus, l’Accord prévoit des restrictions : une condition de proportionnalité (article 2 § 2) : la mesure doit être appliquée que « dans la mesure nécessaire pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux » ; elle ne doit pas limiter le commerce plus que nécessaire pour obtenir le niveau de protection approprié (article 5 § 6) un principe de sincérité et de non-discrimination (article 3 § 2) : la mesure ne doit pas constituer un protectionnisme déguisé ; la justification scientifique (article 5 § 2) : la mesure doit reposer sur des preuves scientifiques suffisantes. iii. L’Accord et le principe de précaution L’accord SPS constitue d’une certaine manière en lui-même une application de l’article XX b) du GATT dans la mesure où il s’applique à « toutes les mesures sanitaires et phytosanitaires qui peuvent, directement ou indirectement, affecter le commerce international. » (article 1 § 1). Très logiquement, le problème de l’application du principe de précaution s’est posé dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord pour les risques nouveaux qui ne font pas encore l’objet d’un consensus scientifique. Ce principe est, d’une certaine manière, pris en compte dans l’article 5 § 7 : « Dans les cas où les preuves scientifiques pertinentes seront insuffisantes, un Membre pourra provisoirement adopter des mesures sanitaires ou phytosanitaires sur la base des renseignements pertinents disponibles, y compris ceux qui émanent des organisations internationales compétentes ainsi que ceux qui découlent des mesures sanitaires et phytosanitaires appliquées par d’autres Membres. Dans de telles circonstances, les Membres s’efforceront d’obtenir les renseignements additionnels nécessaires pour procéder à une évaluation plus objective du risque et examineront en conséquence la mesure sanitaire ou phytosanitaire dans un délai raisonnable. » Un membre peut donc adopter provisoirement de telles mesures pendant qu’il cherche à obtenir les renseignements additionnels nécessaires pour procéder à une évaluation plus juste du risque. Cependant, comme il s’agit d’une disposition qui, par nature, vise une situation provisoire, et face au souhait des associations de consommateurs de voir reconnaître le principe de précaution, l’Union européenne a proposé une clarification sur ce point. L’affaire de la viande aux hormones a permis de dégager une position de l’organe d’appel sur cette difficile question. 77 Communauté européenne – Mesures concernant les viandes et les produits carnés (hormones) (WT/DS26/AB/R ; WT/DS48/AB/R), 1998. Les États-Unis et le Canada ont protesté contre les mesures prises par l’Union européenne concernant l’interdiction d’importation et de commerce au sein du territoire de l’Union des viandes aux hormones et de produits carnés provenant d’animaux auxquels ont été administrés des hormones. Le Canada et les États-Unis ont protesté contre les directives communautaires en se fondant sur l’accord SPS. De son côté, l’Union européenne a plaidé pour l’application du principe de précaution comme règle coutumière ou du moins comme principe général du droit applicable en l’espèce. L’organe d’appel a repris et approfondi la position du Groupe spécial visant à ne pas accorder au principe de précaution une autonomie par rapport à l’Accord SPS. Il souligne que le principe fait encore l’objet d’un débat, appuyant ainsi la constatation du Groupe spécial selon laquelle le principe de précaution « du moins en dehors du droit international de l’environnement, n’a pas encore fait l’objet d’une formulation faisant autorité »45. L’ORD a adopté le rapport de l’organe d’appel selon lequel l’interdiction d’importer de la viande aux hormones, décidée par la Communauté européenne, est incompatible avec l’Accord SPS au motif que « l’évaluation des risques » pour la santé humaine ne justifie pas pleinement les mesures adoptées. L’organe d’appel a cependant considéré que l’Union européenne ne pouvait être considérée comme responsable d’actes de protectionnisme en admettant que l’évaluation des risques ne consiste pas uniquement à évaluer le risque vérifiable en laboratoire, mais aussi « le risque pour les sociétés humaines telles qu’elles existent ». d. L’Accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC) i. Champ d’application L’Accord élaboré en lien avec le Code de normalisation, adopté en 1979 lors du Tokyo Round, concerne la préparation et l’adoption des exigences techniques relatives aux produits industriels et agricoles (article 1.3). En revanche, ne sont pas couvertes par l’accord les spécifications en matière d’achat prévues par les organismes gouvernementaux qui sont couvertes par l’Accord sur les marchés publics ainsi que les mesures sanitaires et phytosanitaires couvertes par l’Accord SPS. Ce texte se révèle essentiel pour tous les aspects commerciaux des politiques environnementales et, en particulier, pour tout ce qui implique des normes techniques. En effet, il vise aussi bien les règlements techniques qui énoncent les caractéristiques d’un produit ou les procédés et méthodes de production s’y rapportant (Annexe I.1), que les normes, c’est-à-dire des documents approuvés par un organisme reconnu qui fournit pour des usages communs et répétés des lignes directrices ou des caractéristiques pour des produits ou des procédés de production connexes (Annexe I.2). ii. Dispositif 45 Rapport du Groupe spécial, 1998 , § 18-157. 78 Il prévoit que les États membres puissent prendre des mesures pouvant constituer des obstacles techniques au commerce, nécessaires à leur politique de santé publique ou d’environnement, mais sous certaines conditions (l’article 2.2 établit une liste d’« objectifs légitimes »). Les États ne peuvent appliquer ces mesures de manière discriminatoire car ils sont tenus de respecter le principe de traitement national et la clause de la nation la plus favorisée. Les mesures techniques imposées par l’État et qui revêtent donc un caractère obligatoire doivent répondre à un critère de proportionnalité par rapport aux objectifs poursuivis et ne pas constituer de barrières techniques aux échanges. Par ailleurs, il est prévu que ces mesures soient adoptées en toute transparence pour éviter un éventuel impact négatif sur des opérations écologiques. iii. Procédure de notification Une procédure de notification est prévue pour permettre aux opérateurs économiques d’ajuster leurs exportations aux exigences techniques requises (article 2.9) et, à la demande d’un État membre, l’État auteur de la mesure devra justifier le règlement technique susceptible d’avoir un effet sur le commerce de cet État (article 2.5). C’est ainsi que dans le cadre de l’OMC, de nombreuses mesures environnementales ayant un effet sur le commerce ont été notifiées : mesures concernant les procédés, les écolabels, la lutte contre la pollution, la conservation de l’énergie, la gestion des déchets, les instruments économiques ainsi que les mesures adoptées en application des accords multilatéraux environnementaux. Par ailleurs, l’Accord encourage, sans imposer, l’utilisation de normes internationales pour limiter l’augmentation des exigences techniques nationales susceptibles de perturber le marché. iv. Procédure de règlement des différends En cas de litige, un groupe spécial peut, de sa propre initiative, ou à la demande de l’une des Parties, établir un groupe d’experts techniques qui devra l’assister (article 14.2)46. Dans le domaine de l’environnement où les mesures adoptées présentent de plus en plus un haut niveau de technicité, notamment avec le développement des normes PMP et des écolabels, cette disposition prend un relief tout particulier. e. L’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires (SMC) Les subventions peuvent jouer un rôle important dans la protection de l’environnement dans la mesure où elles peuvent soutenir une politique dans différents secteurs économiques, notamment en favorisant le respect de normes PMP compatibles avec des exigences écologiques ou encore en soutenant des activités permettant de lutter contre la pollution, la destruction du milieu naturel, etc. Or l’Accord SMC, qui a pour objet 46 L’Annexe 2 de l’Accord OTC fixe les procédures applicables aux groupes d’experts techniques. 79 de contrôler et de restreindre les possibilités de recourir aux subventions, s’il se réfère explicitement à l’environnement, ne prévoit un régime favorable (les subventions sont tolérées) que pour certaines mesures environnementales et dans des conditions précises. i. Champ d’application Pour qu’une mesure relève de l’Accord SMC, il faut qu’elle soit une subvention telle que définie à l’article 1. Une subvention sera réputée exister : s’il y a une contribution financière des pouvoirs publics ou de tout organisme public du ressort territorial d’un membre ; ou s’il y a une forme quelconque de soutien des revenus ou des prix au sens de l’article XVI du GATT 1994 ; si un avantage est ainsi conféré. Constitue une subvention selon l’article XVI.1 du GATT 1994 : « toute forme de soutien des revenus ou des prix, qui a directement ou indirectement pour effet d’accroître les exportations d’un produit du territoire de ladite Partie contractante ou de réduire les importations de ce produit sur son territoire ». ii. Catégorisation des subventions et différenciation des régimes En établissant trois catégories de subventions, les rédacteurs de l’Accord se sont inspirés de l’approche utilisée par la Communauté européenne en la matière (article 192 du Traité de l’Union européenne et jurisprudence communautaire sur les aides d’État). les subventions prohibées (« boîte rouge ») : elles comprennent les subventions à l’exportation et les subventions subordonnées à l’utilisation de produits nationaux plutôt qu’à celles de produits importés (article 3) ; les subventions pouvant donner lieu à une action (« boîte jaune ») : subventions qui ne sont pas illicites en elles-mêmes, mais qui peuvent avoir des effets défavorables, c’est-à-dire qui peuvent causer un dommage à une branche de production d’un État membre ou annuler certains effets de l’application des dispositions du GATT de 1994 (article 6) ; les subventions ne donnant pas lieu à action (« boîte verte ») : elles visent les subventions qui ne sont pas limitées à certaines entreprises ou à certains groupes d’entreprises ou branche de production, c’est-à-dire les subventions qui sont accordées de manière automatique en fonction de critères objectifs et neutres ainsi que trois groupes d’aide licites : aides à la recherche, aides aux régions défavorisées, aides à l’environnement (article 8). iii. Conditions applicables aux aides en faveur de l’environnement L’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires prévoit dans l’une de ses dispositions une nouvelle catégorie d’aide non actionnable, c’est-à-dire non susceptible de fonder une action (subventions de la « boîte verte ») : 80 « aide visant à promouvoir l’adaptation d’installations existantes à de nouvelles prescriptions environnementales imposées par la législation et/ou la réglementation qui se traduisent pour les entreprises par des contraintes plus importantes et une charge financière plus lourde (…) » (article 8.2.c). Pour être licite, l’aide doit remplir certaines conditions (article 8.2) : avoir le caractère de mesure ponctuelle ; être limitée à 20% du coût du remplacement et de l’exploitation (qui doit être à la charge de l’entreprise) ; être proportionnée à la réduction des nuisances ou de la pollution ; être offerte à toutes les entreprises pouvant adopter le nouveau matériel permettant les adaptations aux prescriptions environnementales. iv. Régime applicable aux aides en faveur de l’environnement Régime applicable (article 8.3) : les programmes de subventions doivent être notifiés par les Membres au Comité des subventions avant leur mise en œuvre47 ; si le programme n’est pas accepté par le Comité, tout Membre peut demander un arbitrage contraignant pour déterminer le statut du programme ; l’organe d’arbitrage doit rendre sa décision dans un délai de 120 jours. Il y a possibilité d’une procédure spécifique sur la base de l’article 9 si la mise en œuvre d’un programme de subventions, reconnu comme ne donnant pas lieu à action, cause des effets défavorables à une branche de production d’un Membre. v. Procédure anti-subvention Cette procédure n’est pas appliquée aux subventions de la « boîte verte » qui ne peuvent faire l’objet d’une action dans le cadre de la procédure prévue à la partie V de l’Accord (voie 1) et à l’article 7 (voie 2). La procédure de la voie 1 comprend trois phases : l’engagement de la procédure par les autorités du Membre importateur (article 11) à la suite d’une plaine comportant des éléments de preuve suffisants de l’existence d’une subvention (article 11), le montant de la subvention doit être suffisamment important ; l’enquête : le plaignant devra démontrer l’existence d’une subvention actionnable, l’existence d’un préjudice et un lien de causalité les unissant (articles 12 à 15) ; 47 En 1995, le Comité des subventions a approuvé un modèle de notification pour les subventions ne donnant pas lieu à une action. 81 les résultats de l’enquête peuvent conduire au rejet de la plainte, à la conclusion d’engagements acceptés par le plaignant ou à l’imposition de droits compensateurs si la plainte est fondée (article 19). La procédure de la voie 2 : Il s’agit d’une action pouvant conduire à l’institution de « contre-mesures proportionnelles » à l’encontre des subventions prohibées. Les étapes sont les mêmes que pour la voie 1, mais avec des délais plus longs et des procédures particulières pour la collecte de renseignements dans les cas de préjudice grave (Annexe V de l’Accord). 2. Le commerce des services Le secteur des services joue un rôle croissant dans les échanges internationaux comme dans les économies internes des pays. Il représente plus du tiers des échanges mondiaux et se compose d’un ensemble économique hétérogène (de la garde d’enfant à domicile à la vente de services financiers internationaux). Le caractère immatériel des services induit des modalités d’échanges différentes de celles s’appliquant aux marchandises, d’où un régime juridique présentant des spécificités. Par ailleurs, historiquement, ce secteur constitue l’un des domaines d’intervention privilégié de l’État à la fois prestataire de services, directement ou indirectement, et responsable de la réglementation à tendance protectionniste dans ce domaine. Du fait de son caractère hétérogène et de l’interventionnisme omniprésent de l’État, le secteur des services a intégré d’une façon particulière la problématique environnementale. L’environnement apparaît dans l’Accord sur les services de l’OMC à la fois sous l’aspect d’une exception très conditionnée aux principes de liberté des échanges et comme une rubrique de services susceptibles d’être libéralisés. Le développement de services environnementaux constitue un enjeu important pour les prochaines décennies, en même temps qu’il cristallise des conflits idéologiques sur la manière de concevoir et mettre en œuvre des politiques de protection de l’environnement. a. L’Accord général sur le commerce des services (AGCS ou GATS) : l’environnement, une exception non expressément prévue i. Les exceptions générales de l’article XIV Comme dans les autres accords de l’OMC, des exceptions au régime de libéralisation du commerce sont prévues. L’article XIV de l’Accord reprend un certain nombre d’exceptions générales qui figurent dans l’article XX du GATT : la protection de la moralité publique, le maintien de l’ordre public, la protection de la santé des personnes et des animaux, la préservation des végétaux. Une note sous l’article XIV précise les situations dans lesquelles l’ordre public peut être invoqué : « cas où une menace véritable et suffisamment grave pèse sur l’un des intérêts fondamentaux de la société » (formulation que l’on ne trouve pas dans le GATT). Par contre, l’exception relative aux « ressources naturelles épuisables » prévue par le GATT n’apparaît pas. 82 Dans l’article XIV de l’AGCS comme dans l’article XX du GATT, aucune référence n’est faite directement à l’environnement. Afin de prévenir les problèmes liés à l’interprétation de cet article de l’Accord sur le commerce des services, et conscient des conflits potentiels de l’Accord avec des mesures environnementales, le Conseil du commerce des services adopte dès le 15 avril 1994 une décision. ii. Décision sur le commerce des services et l’environnement (15 décembre 1994) « Le Conseil du commerce des services, Reconnaissant que les mesures nécessaires à la protection de l’environnement peuvent entrer en conflit avec les dispositions de l’Accord, et Notant que, puisque les mesures nécessaires à la protection de l’environnement se caractérisent par le fait qu’elles ont pour objectif la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou la préservation des végétaux, il n’est peut-être pas nécessaire de prévoir d’autres dispositions que celles de l’alinéa b) de l’article XIV, Décide ce qui suit : 1. Pour déterminer s’il serait nécessaire de modifier l’article XIV de l’Accord afin de tenir compte de ces mesures, (…) invite le Comité du commerce et de l’environnement à examiner les relations entre le commerce et l’environnement, y compris la question du développement durable (…) ». La Décision prévoit donc de s’en remettre aux travaux du Comité du commerce et de l’environnement pour modifier la disposition dérogatoire afin de l’ouvrir de façon explicite aux mesures environnementales. b. L’AGCS et les services environnementaux L’Accord général sur le commerce des services constitue une composante essentielle du système GATT/OMC dont la structure institutionnelle commune est l’OMC (préambule et article II.1 de l’OMC). Il établit un cadre juridique multilatéral qui transpose au secteur des services les principes essentiels du GATT, c’est-à-dire la clause de la nation la plus favorisée, le traitement national et la transparence des législations. Ce dernier principe oblige de porter à la connaissance du public toute réglementation ayant une incidence sur le fonctionnement de l’accord. Ce texte se présente comme un code de bonne conduite que ses membres sont invités à suivre et à concrétiser par des accords portant sur des services spécifiques. i. Le secteur des services environnementaux visés Une liste classifiant par secteur les services a été annexée à l’Accord suite aux négociations de l’Uruguay Round. Le secteur des services environnementaux comprend quatre catégories : les services de drainage ; les services d’élimination des déchets ; les services sanitaires assimilés ; autres. 83 La catégorie « autres » visent les services tels que le nettoyage des gaz d’échappement, la diminution du bruit, la protection du paysage, etc. Les services concernés se trouvent susceptibles de faire l’objet d’engagements de la part des États souhaitant favoriser leur libéralisation et faciliter l’accès au marché. Par ailleurs, il faut considérer que, au delà de cette catégorisation, de nombreux autres secteurs peuvent concerner directement l’environnement : la recherche, l’ingénierie, la construction, etc. Ces secteurs peuvent se voir appliquer le régime de libéralisation des services du GATS et éventuellement rentrer dans le cadre de l’application de l’Accord plurilatéral sur les marchés publics, entré en vigueur en 1996. Cet accord a pour objectif que les passations de marchés publics relevant de l’Accord s’effectuent dans des conditions de concurrence équitables et non discriminatoires. ii. La portée élargie du principe du traitement de la nation la plus favorisée « (…) chaque Membre accordera immédiatement et sans condition (…) un traitement non moins favorable que celui qu’il accorde aux services similaires et fournisseurs de services similaires de tout autre pays. » (article II.1). Le GATS présente un effet direct dans la mesure où les personnes physiques et morales, fournisseurs de services, sont visées par le régime mis en place. L’égalité de traitement doit être totale entre fournisseurs étrangers et fournisseurs nationaux sans dérogation pour les accords d’intégration économique. iii. L’objectif de libéralisation des mesures gouvernementales restreignant le commerce (article I.1 et XIX.1) Contrairement au commerce des marchandises, le commerce des services est souvent très réglementé et l’AGCS, loin de l’interdire, reconnaît les réglementations nationales de services. Cependant, celles-ci ne doivent pas constituer des moyens de discrimination ni des restrictions déguisées aux échanges. Or, les services font souvent l’objet de réglementations nationales qui peuvent faire obstacle au commerce et, dès lors, agir comme des barrières non tarifaires. Pour lutter contre ce phénomène, plusieurs dispositions ont été adoptées : chaque État membre dispose d’un droit à l’information sur la pratique de ses partenaires (article III.4), sauf renseignements confidentiels (article III bis) ; l’administration des mesures affectant le commerce doit être « raisonnable, objective et impartiale » (article VI.1), avec possibilité de recours juridictionnels effectifs des fournisseurs affectés par une mesure préjudiciable (article VI.2) ; les qualifications, normes ou licences ne doivent pas constituer des obstacles déguisés au commerce des services (article VI.4). c. La libéralisation des services environnementaux 84 i. Enjeu pour les pays développés et contrainte pour les pays en développement Les plus importantes organisations internationales économiques se penchent sur le rôle « gagnant/gagnant » (win/win) de la libéralisation des échanges dans la protection de l’environnement et du développement économique. L’intérêt du développement des services environnementaux, et surtout de la libéralisation des marchés dans ce domaine, tient notamment à l’accroissement des débouchés pour les entreprises des pays industrialisés. En ce qui concerne l’intérêt pour les pays en développement, certaines organisations comme la Banque mondiale et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), soutiennent que la participation du secteur privé à des prestations de services relatifs à l’environnement leur apporterait plusieurs avantages : apport de compétences techniques et de gestion dans le secteur concerné ; injection massive de capital et plus grande efficacité dans l’emploi de ce capital ; réduction des subventions dans le secteur ; meilleure capacité d’ajustement aux besoins et préférences des consommateurs. ii. Formes de libéralisation des services environnementaux L’ouverture du marché des services peut prendre plusieurs formes : privatisation des entreprises de service public détenues par l’État ; concession de ces entreprises au secteur privé qui les exploite ; cession de marchés publics à des entreprises privées qui assurent la fourniture des services ; octroi de concessions à des entreprises privées qui proposent des services privés. Ces formes de libéralisation du marché sont adaptées aux secteurs de la gestion de l’eau et des déchets. Pour d’autres services environnementaux, des formes de délégation, par les pouvoirs publics, des services d’aide à l’élaboration de programmes ou des services pour la mise en place d’obligations particulières sont envisageables. Il apparaît le plus souvent que les décisions portant autorisation de la participation du secteur privé sont motivées par la gravité de certains problèmes qui réclament des solutions urgentes. En matière de gestion de l’eau et des déchets, les gouvernements soumis à d’importantes contraintes budgétaires, disposent de très peu de marge de manœuvre pour faire face à la pression des besoins humains décuplés par la croissance démographique et, en ce qui concerne le milieu urbain, par les flux migratoires. 3. Droits de propriété intellectuelle 85 L’évolution économique et le progrès technique font que les produits et les services ne peuvent aborder les marchés de manière compétitive que pour autant qu’ils bénéficient d’une innovation technologique ou d’une création intellectuelle. L’économie mondiale s’oriente vers une économie de l’immatériel reposant sur la création, l’échange et l’exploitation du savoir. Le développement des États, l’amélioration de la compétitivité, des performances des entreprises, l’ouverture vers de nouvelles possibilités de développement du secteur privé dépendent de plus en plus des ressources technologiques. La propriété intellectuelle est l’expression de ces capacités d’innovation dans lesquelles apparaissent les nouvelles perspectives de richesse des nations. Or, du fait de la globalisation des marchés, la propriété intellectuelle revêt une importance considérable dans le dynamisme du commerce mondial. Constituant un enjeu essentiel dans cette perspective du fait du potentiel de découvertes des ressources biologiques et de l’apport des connaissances des sociétés traditionnelles, le statut des ressources naturelles et le régime de leur exploitation vont être « saisis » par le système commercial multilatéral. Le système commercial international s’intéresse progressivement à la propriété intellectuelle : pour le GATT 1947 : la protection de la propriété intellectuelle peut constituer une exception aux principes de libre-échange aux conditions fixées par l’article XX d), la démarche étant uniquement dérogatoire ; en 1986 : la Déclaration de Puntal del Este, qui lance l’Uruguay Round, mentionne la propriété intellectuelle parmi les nouveaux thèmes de négociations. Elle n’a cependant pas de place autonome et se trouve dans la partie consacrée au commerce des marchandises ; 1994 : conclusion de l’Accord sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC ou TRIPS). Il traite de l’existence, de la portée, de l’acquisition et du respect des droits de propriété intellectuelle, ainsi que de la prévention d’un usage abusif de ces droits (article 63). a. L’Accord sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC ou TRIPS) i. Contexte de l’ADPIC L’Accord ADPIC a pour but d’harmoniser la protection de la propriété intellectuelle à l’échelle mondiale alors que le sujet suscite des conflits d’intérêt : pour les pays développés : la protection de la propriété intellectuelle signifie le renforcement de leurs avantages comparatifs et l’accroissement des revenus de leurs entreprises en éliminant les pertes résultant de la contrefaçon ; les pays en voie de développement craignent de voir se renforcer les difficultés d’accès aux nouvelles technologies et de subir une augmentation des prix sur leurs marchés intérieurs ; la CNUCED dénonce la propriété intellectuelle soutenant l’idée d’une technologie « patrimoine commun de l’humanité ». 86 Les États (notamment les pays en développement, les pays de l’Europe de l’Est) ont évolué sur la question au cours des quinze dernières années. Certains considèrent à présent que la propriété intellectuelle est un élément moteur de leur politique économique, leur permettant de favoriser les investissements étrangers et les transferts de technologies. D’autres sont toujours réticents à accepter le principe du dépôt de brevets sur les ressources biologiques. Pour la protection de la propriété intellectuelle, leur préférence les porte plus vers des systèmes sui generis garantissant en particulier le privilège du fermier (le droit de replanter gratuitement les semences issues de la récolte précédente) et l’exemption de la recherche. Enfin, d’autres conventions internationales avaient été conclues avant que le GATT ne s’intéresse à la propriété intellectuelle, d’où certaines difficultés d’articulation des différents textes internationaux : Convention de Paris sur la protection industrielle, 1967 ; Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires, 1971. Ces deux conventions sont administrées par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), une organisation spécialisée des Nations unies. L’Accord ADPIC va ainsi incorporer les principales dispositions des grandes conventions multilatérales sur la propriété intellectuelle (article 2) : le Traité de Washington sur la propriété intellectuelle en matière de circuits intégrés, 1989 ; la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales, 1961 (UPOV) ; l’Engagement international de la FAO sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, 1983. L’engagement de la FAO cherche à garantir la liberté de la recherche, le libre accès aux ressources et les droits des paysans. La Convention UPOV établit un régime des droits d’obtention végétale permettant de protéger l’obtenteur des variétés végétales tout en reconnaissant l’exemption de recherche et le privilège de l’agriculteur. Quant à la Convention sur la diversité biologique de 1992, elle présente des dispositions favorables à la brevetabilité et se trouve donc à l’opposé de la position prise dans l’engagement de la FAO. L’Accord de l’OMC naît donc dans un contexte déjà chargé de conflits potentiels et riche sur le plan normatif. Cependant, dès lors que la propriété intellectuelle va faire partie des nouveaux secteurs administrés par l’OMC, laquelle l’aborde sous l’angle du commerce international (« trade related »), la question des ressources biologiques va basculer dans le champ économique. La problématique environnementale, le questionnement éthique pour l’exploitation des ressources génétiques, apparaissent à la marge du système normatif mis en place sous l’influence d’un instrument juridique beaucoup plus efficace : l’Accord sur les aspects des droits de propriété qui touchent au commerce. 87 ii. Contenu de l’ADPIC : champ d’application et droit des brevets L’Accord couvre presque tous les domaines de la propriété intellectuelle à l’exception des obtentions végétales et des modèles d’utilité : droits d’auteur, droits connexes, marques, indications d’origine, dessins et modèles, brevets, topographie, protection des renseignements non divulgués. D’une manière générale, les solutions adoptées correspondent aux principales règles communes des pays développés en la matière. Dans le domaine particulièrement délicat des brevets, des avancées importantes sont obtenues avec l’extension des domaines de brevetabilité. Le brevet : titre qui confère à l’auteur d’une invention industrielle le droit d’exploitation pour un temps déterminé, vingt ans dans le cadre de l’ADPIC. Il donne le monopole de fabriquer, de vendre, d’utiliser et d’importer cette innovation pendant cette période. Les brevets, au départ appliqués aux matières inanimées, s’étendent à tous les organismes vivants pluricellulaires non humains qui sont des produits de l’ingéniosité de l’homme et à des parties extraites des organismes vivants. « 1. (…) un brevet pourra être obtenu pour toute invention, de produit ou de procédé, dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle » (Article 27 § 1 ADPIC) Les exclusions de la brevetabilité sont : les inventions qui sont contraires à l’ordre public, à la moralité ou qui portent atteinte à l’environnement (article 27.2) ; les méthodes diagnostiques, thérapeutiques et chirurgicales pour le traitement des personnes ou des animaux ; les végétaux et les animaux autres que les micro-organismes, et les procédés essentiellement biologiques d’obtention de végétaux ou d’animaux autres que les procédés non biologiques et micro biologiques (article 27.3). Il en découle que les variétés végétales doivent être protégées par des brevets ou par un système sui generis. Par ailleurs, les inventions relatives aux produits pharmaceutiques n’étant pas excluent, sont brevetables. Cet aspect est évidemment essentiel si l’on considère les bénéfices énormes des industries pharmaceutiques tirés de l’exploitation des ressources biologiques essentiellement situées dans les pays en développement. iii. La protection de l’environnement comme dérogation au libre-échange « 2. Les Membres pourront exclure de la brevetabilité les inventions dont il est nécessaire d’empêcher l’exploitation commerciale sur leur territoire pour protéger l’ordre public ou la moralité, y compris pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux, ou pour éviter de graves 88 atteintes à l’environnement, à condition que cette exclusion ne tienne pas uniquement au fait que l’exploitation est interdite par leur législation. » (Article 27 § 2 ADPIC) L’environnement apparaît une fois de plus dans une démarche dérogatoire, mais cette fois nettement plus souple, puisque la seule condition posée est que la justification de l’exclusion de la brevetabilité ne s’appuie pas uniquement sur l’existence d’une réglementation nationale. Par contre, l’exception n’est possible que pour éviter de « graves atteintes à l’environnement » et non pour des atteintes à l’environnement en général, ce qui a un effet restrictif sur l’application de la disposition dérogatoire. iv. Protection de l’environnement et transfert de technologie D’autres dispositions de l’ADPIC concernant la protection de l’environnement visent l’accès à la technologie ainsi que son transfert. L’Accord doit promouvoir le transfert et la diffusion de la technologie, en particulier vers les pays les moins avancés (PMA) (article 66). Il vise à stimuler la recherche et le développement par la protection des droits de propriété intellectuelle considérant que les résultats des investissements effectués dans la mise au point d’une technologie nouvelle respectueuse de l’environnement pourront permettre d’offrir de nouvelles perspectives de production et de transfert de technologie écocompatibles. b. L’ADPIC, la Convention sur la diversité biologique et le droit des brevets La Convention sur la diversité biologique (CDB) et l’ADPIC comportent des dispositions convergentes de par l’acceptation commune de la brevetabilité des ressources biologiques, et divergentes de par leurs objectifs distincts. i. OMC et CDB : la philosophie commune de la brevetabilité La Convention sur la diversité biologique est fondée sur un compromis entre la reconnaissance du principe de souveraineté des États sur leurs ressources naturelles et l’accès aux ressources génétiques pour l’ensemble des États tout en prévoyant le partage des avantages. Le postulat de la CDB énonce le rattachement de la biodiversité à la propriété en général et aux droits de propriété intellectuelle en particulier ; l’idée qui sous-tend la convention est que la propriété intellectuelle, en stimulant le commerce de la diversité biologique, va favoriser les politiques de conservation et d’utilisation durable par les États du Sud. Le dispositif de la CDB a donc pour objectif de permettre aux États et à leurs communautés de développer le marché des ressources biologiques tout en en gardant le contrôle pour en retirer les bénéfices. Le régime applicable aux ressources biologiques prévu par la CDB apparaît donc à bien des égards cohérent avec l’OMC. L’ADPIC, de par son article 27, permet l’exclusion de la brevetabilité des plantes et des animaux, laissant toute liberté aux États de légiférer dans ce domaine. 89 ii. CDB et ADPIC : divergences et limites L’Accord est orienté vers la protection des innovations et l’application des principes de droit commercial international alors que la CDB est fondée sur la notion de bien commun, d’une nécessaire protection de la diversité biologique et enfin sur le rééquilibrage des relations nord/sud. Les nombreuses défaillances de la CDB : la protection des droits de propriété intellectuelle des technologies et connaissances traditionnelles (article 15) s’avère difficile. L’accès aux ressources génétiques appartient au gouvernement et est régi par la législation nationale. Il est conditionné par le consentement préalable de celui qui fournit les ressources. Cependant la marge de manœuvre des fournisseurs est en fait très réduite car ils doivent « créer les conditions propres à faciliter l’accès » (article 15 § 2). Une fois l’accès accordé, l’accès doit être régi par « des conditions convenues d’un commun accord » (article 15 § 4) ; le partage des avantages (articles 8j et 15 § 7) entre pays du Nord et pays du Sud n’est pas assuré par les dispositions de la CBD. Aucune d’elle ne permet de garantir la participation des pays en développement aux bénéfices de l’exploitation de produits dérivés. Le versement des redevances des contrats de bioprospection est finalement largement conditionné par le dépôt de brevets. Les contrats mal maîtrisés par les pays fournisseurs n’empêchent pas la biopiraterie ; L’accès et les transferts de technologie au bénéfice des pays en développement (article 16) reposent sur l’adoption de législation adaptée protégeant la propriété intellectuelle ce qui réclame des connaissances et des compétences très particulières souvent difficiles à mobiliser efficacement. Or il apparaît qu’il n’a été procédé, pour le moment, à aucun transfert de technologie dans le cadre de l’article 1648. Les contraintes de l’ADPIC et ses contradictions avec la CDB : les États membres ne peuvent exclure de la brevetabilité les micro-organismes ainsi que les procédés non biologiques et microbiologiques d’obtention de végétaux ou d’animaux. Or les progrès du génie génétique font que les différences entre micro-organismes et espèces végétales et animales n’ont plus beaucoup de sens ; les États membres doivent accorder un système de protection aux variétés végétales, soit par brevet, soit par un système sui generis ou encore par une combinaison des deux ; il n’est fait aucune référence au principe du consentement préalable pour l’accès aux ressources. En ne réglementant pas la question, l’Accord peut favoriser la biopiraterie. Par ailleurs, le respect du principe de souveraineté des États sur leurs ressources est compromis dans la mesure où l’État Rapport du groupe d’experts sur l’accès et le partage des avantages, Convention sur la diversité biologique, UNEP/CBD/COP/5/4, 9 juillet 1999. 48 90 détenteur de ressources doit appliquer l’ADPIC et donner accès à ses ressources ; il n’y a pas de référence au principe de partage des bénéfices. L’Accord ne reconnaît aucun droit de propriété intellectuelle à l’égard des connaissances autochtones et locales. Les connaissances traditionnelles, qui sont le plus souvent des connaissances collectives, ne peuvent jouir d’aucune protection dans le cadre de l’Accord. c. Les systèmes sui generis Face aux lacunes de l’ADPIC et aux insuffisances de la CDB, des pays en développement ont tenté de réagir craignant les effets désastreux pour leur économie de l’application de l’Accord OMC : augmentation du prix des denrées alimentaires (car il faudrait payer des royalties sur les semences par exemple), du prix des médicaments, etc. i. Le modèle de législation de l’OUA Les pays du continent africain, dont un grand nombre sont des pays moins avancés, ont dû trouver un système sui generis panafricain efficace pour la protection des ressources génétiques. C’est ainsi que l’Organisation de l’unité africaine (OUA) a souhaité se doter d’un « Modèle de législation sur les droits des communautés et l’accès aux ressources génétiques »49. Ce modèle refuse d’admettre la brevetabilité du vivant et ne fait pas obstacle au privilège de l’agriculteur. Il affirme la nécessité, non seulement du consentement préalable de l’État, mais aussi des communautés locales et autochtones. En cas d’absence d’un système garantissant un partage équitable des bénéfices, les États doivent prendre des mesures visant à développer un système collectif/communautaire des droits de propriété intellectuelle en s’appuyant sur la consultation et la participation des communautés locales. Ce Modèle, qui s’appuie sur les principaux principes de la CDB en opposition avec l’ADPIC, exclut le secteur privé du débat sur l’accès aux ressources génétiques, ce qui est contraire à la position dominante des pays industrialisés. Pour maintenir le contenu du Modèle, le groupe africain doit résister à la pression des pays développés qui souhaitent que la Convention UPOV soit appliquée comme seul système sui generis conforme à l’ADPIC. ii. Un régime commun d’accès aux ressources génétiques pour la Communauté andine Le « Système commun sur l’accès aux ressources génétiques » a été adopté en 1996 par les membres du Pacte andin (Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou et Vénézuela). Ce système proclame les droits souverains des États sur leurs ressources génétiques et leur droit d’en déterminer les conditions d’accès. La Décision n° 391 du Pacte andin étend le droit souverain de l’État aux produits dérivés des ressources, c’est-à-dire à toute molécule – assemblage ou composition de molécules naturelles y compris les extraits d’organismes vivants ou morts d’origine biologique – dérivée du métabolisme des organismes vivants. Ne sont pas seulement visés les produits ayant subi une transformation ou manipulation, mais des bio-composants peuvent également faire l’objet d’un recours de la part de la 49 Modèle ayant reçu l’accord du Conseil des ministres de l’OUA, Ouagadougou (Burkina Faso), juin 1998. 91 Communauté andine. La Décision reconnaît également la contribution des communautés traditionnelles à la conservation et à l’utilisation durable de la diversité biologique. d. Les moyens de la mise en œuvre de l’ADPIC Selon l’Accord, les États membres doivent faire en sorte que leur législation nationale comporte des procédures susceptibles de faire respecter les droits de propriété intellectuelle dans leur ordre juridique (article 41). Les caractéristiques de ces procédures sont précisées : elles doivent être équitables, contradictoires, ne pas être inutilement complexes, ne pas comporter de délais déraisonnables et les décisions doivent être motivées et susceptibles de révision judiciaire. Les articles 42 à 46 prévoient une longue liste de mesures législatives, administratives et judiciaires que les États membres sont invités à prendre pour assure le respect des droits de propriété intellectuelle. Par ailleurs, le Conseil ADPIC se voit accorder différentes compétences : examiner les législations nationales de mise en œuvre de l’Accord ; étudier les notifications relatives aux droits exclusifs de commercialisation relatifs aux brevets portant sur les brevets pharmaceutiques et les produits chimiques agricoles (article 70) ; assurer le suivi de l’Accord et procéder à des consultations selon les besoins exprimés. On notera enfin que Mémorandum d’accord sur le règlement des différends est applicable aux litiges relatifs à l’ADPIC. C. La prise en compte institutionnalisée de l’environnement La Conférence de Marrakech marque un tournant dans la relation souvent difficile entre le système commercial multilatéral et la problématique environnementale, d’une part en adoptant une décision particulière sur la question, et d’autre part en créant un organe spécial de statut équivalent au Comité sur les services et au Comité pour la propriété intellectuelle. Un autre facteur vient renforcer la prise en compte de plus en plus précise de la protection de l’environnement : la jurisprudence des organes de l’OMC en charge du règlement des conflits qui, de plus en plus, sont amenés à apporter des réponses quant à la compatibilité entre mesures environnementales et système du GATT/OMC. 1. Le Comité du commerce et de l’environnement (CCE) La Décision sur le commerce et l’environnement, adoptée à Marrakech en 1994, consacre l’instauration d’un Comité du commerce et de l’environnement. 92 Son statut est celui d’un organe subsidiaire du Conseil général. Il est chargé de mettre en application le mandat qui lui a été confié par la Décision sur le commerce et l’environnement du 15 avril 1994. a. Mandat du CCE identifier les relations entre les mesures commerciales et les mesures environnementales de manière à promouvoir le développement durable ; faire des recommandations appropriées pour déterminer s’il y a lieu de modifier les dispositions du système commercial multilatéral, en en respectant le caractère ouvert, équitable et non discriminatoire. Le CCE peut faire des recommandations pour ce qui concerne notamment : la nécessité d’élaborer des règles pour accroître les interactions positives des mesures commerciales et environnementales afin de promouvoir le développement durable en tenant spécialement en compte des besoins des pays en développement ; la prévention des mesures commerciales protectionnistes ; la surveillance des mesures commerciales appliquées à des fins de protection de l’environnement ainsi que des aspects des mesures environnementales qui touchent au commerce. Le CCE a pour mandat de traiter au départ : les rapports entre le système commercial multilatéral et les accords multilatéraux environnementaux ; les rapports entre les dispositions du système OMC et les impositions et taxes appliquées à des fins de protection de l’environnement, ainsi que les rapports du système avec les prescriptions établies à des fins environnementales relatives aux produits, normes et règlements techniques et les prescriptions en matière d’emballage, d’étiquetage et de recyclage ; des dispositions du système commercial concernant la transparence des mesures commerciales appliquées à l’environnement et des mesures environnementales ayant des effets notables sur l’environnement ; des rapports entre les mécanismes de règlement des différends du système commercial multilatéral et ceux prévus par les AME ; des effets des mesures environnementales sur l’accès aux marchés ; de la question des exportations de produits interdits. b. Travaux du CCE Les travaux du CCE, tels qu’ils sont présentés dans son rapport adopté le 8 novembre 1996, se fondent sur la considération selon laquelle le maintien d’un système commercial ouvert et la préservation de l’environnement ne sont pas incompatibles. Les 93 limites des fonctions et des objectifs de l’OMC bornent les compétences du CCE, celui-ci ne devant s’intéresser à l’environnement que dans la mesure où les politiques environnementales ont un effet sur le commerce et les échanges de ces membres. Les travaux ont eu tendance à montrer que le système commercial multilatéral avait la capacité d’intégrer les considérations environnementales et d’améliorer sa contribution à la promotion du développement durable. Par ailleurs, ces travaux soulignent que les États membres doivent conserver leurs normes et politiques environnementales et qu’il serait peu opportun de relâcher ces réglementations pour soutenir les échanges commerciaux. Principales conclusions des travaux du CCE (1996) sur la base des points visés par la Décision sur le commerce et l’environnement : sur les relations OMC/AME (points 1 et 5) : il n’est pas nécessaire de modifier les dispositions de l’OMC pour éviter les incompatibilités avec les AME. Pour améliorer les relations entre le système commercial multilatéral et les AME, il faut renforcer la coopération multilatérale. En cas de différends entres les Parties sur une mesure commerciale, l’affaire doit être portée d’abord devant l’institution en charge du règlement des différends de l’AME. Les groupes spéciaux doivent se doter des compétences nécessaires en matière de protection de l’environnement ; sur les relations entre les politiques environnementales qui intéressent le commerce et les mesures environnementales ayant des effets notables sur le commerce et le système commercial (points 2 et 3) : les permis négociables, les instruments fiscaux, les systèmes de consignes, les subventions ont été examinés. Les États sont libres de poursuivre leur politique fiscale. Il faut surtout améliorer la transparence de ces mesures à la fois dans la préparation, l’adoption et l’application des programmes. Cela apparaît surtout pour les éco-labels et les programmes de certification ou encore pour l’éco-étiquetage. Il est important de respecter l’Accord sur les obstacles techniques au commerce ; La transparence des mesures commerciales appliquées à des fins de protection de l’environnement (point 4) : les dispositions en vigueur sur la transparence ne doivent pas être remises en cause. Le secrétariat de l’OMC doit gérer une base de données disponible pour tous les États membres regroupant toutes les notifications de mesures environnementales liées au commerce ; L’effet des mesures environnementales sur l’accès aux marchés (point 6) : l’élimination des restrictions aux échanges doit permettre une utilisation plus efficace des ressources et favoriser ainsi le développement durable. Il faut renforcer les possibilités d’accéder au marché pour les pays en développement en soutenant des politiques de développement adéquates et en favorisant la diversification de leur économie. Dans différents secteurs – agricole, textile, pêche, produits forestiers – l’adoption de mesures environnementales ne constituent pas des restrictions commerciales déguisées ; La question des exportations de produits interdits sur le marché intérieur (point 7) : les pays en développement étant particulièrement vulnérables dans 94 la mesure où ils ne disposent pas des informations nécessaires, il faut renforcer l’assistance technique et le transfert de technologie ; Les dispositions pertinentes de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (point 8) : l’AGCS pourrait favoriser la mise au point de techniques et de produits écologiques, devrait faciliter l’accès à ces techniques et produits ; il faut connaître les techniques et produits dangereux pour l’environnement et promouvoir la création d’incitations à la conservation de la diversité biologique. Un échange d’informations entre les secrétariats de la CDB et de l’OMC est recommandé ; Programme de travail envisagé dans la Décision sur le commerce des services et l’environnement (point 9) : travaux encore insuffisants pour émettre des recommandations, notamment sur le caractère adapté de l’article XIV ; Sur les relations avec les organisations intergouvernementales et non gouvernementales visées à l’article V de l’OMC (point 10) : il faut augmenter la coopération avec les ONG. Le public doit pouvoir accéder dans de meilleures conditions aux informations de l’OMC concernant l’environnement. Les documents du CCE doivent être accessibles. Les travaux du CCE se sont poursuivis après la Conférence de Singapour sur un certain nombre de points, en les regroupant par thème : Sur la question de l’accès au marché : les membres du Comité ont souhaité dégager une analyse environnementale des accords commerciaux. Les effets des programmes d’éco-labellisation sur l’accès au marché et leur interaction avec les règles de l’OMC ainsi que l’application des règles OMC aux taxes et redevances environnementales sont discutés. Le Comité examine les bénéfices potentiels sous l’angle économique et écologique de la disparition de certaines restrictions aux échanges (subventions, droits de douane, etc.) dans des secteurs spécifiques (agriculture, pêche, textile, cuir, etc.)50 ; Concernant les interactions entre système commercial multilatéral et AME : le CCE organise des réunions informelles avec les secrétariats d’un certain nombre d’Accords environnementaux afin de mieux comprendre et coordonner les activités de l’OMC avec les objectifs des AME disposant de mesures commerciales, notamment la Convention sur la diversité biologique et son Protocole ; La libéralisation des services environnementaux fait l’objet de discussions afin de déterminer ses avantages en termes environnementaux et commerciaux ; Enfin, l’amélioration de la transparence du travail du CCE pour favoriser ses relations avec la société civile apparaît comme un point de plus en plus crucial. Dans cette perspective, plusieurs ONG ont obtenu le statut d’observateur. 50 Le Secrétariat a apporté une contribution dans ce domaine. Note du Secrétariat OMC, WT/CTE/67, 7 novembre 1997. 95 Tous les points énoncés continuent de faire l’objet de discussions au sein du Comité avec des préoccupations affinées sur certains aspects comme ceux des évaluations environnementales de la libéralisation des échanges, ou encore sur les effets des mesures environnementales sur l’accès aux marchés, avec des débats particuliers sur les secteurs de la pêche, de l’énergie et de l’agriculture. Le principe de précaution est également particulièrement débattu considérant les divergences des différentes délégations tant sur la définition que sur l’utilisation du principe. Les travaux du CCE font observer qu’en s’entendant sur « des principes de précaution communs », les Membres pourraient garantir que ces principes ne servent pas de « prétexte » à des mesures protectionnistes51. 2. Évolution de la « jurisprudence » : des rapports des groupes spéciaux aux décisions de l’Organe de règlement des différends (ORD) Depuis 1994, on observe une volonté de mieux concilier règles commerciales et impératifs environnementaux dans les rapports de groupes spéciaux et dans les interprétations des décisions de l’ORD. Ainsi, deux avancées notables dans l’application des règles du système GATT/OMC apparaissent dans des affaires relatives à des questions environnementales : le droit de tout État de définir librement le niveau de protection de la santé et de l’environnement, qui lui paraît approprié, est reconnu ; le principe d’autonomie de l’État en matière de protection de la santé. a. États-Unis, Normes concernant l’essence, nouvelle et ancienne formule (WT/DS 2), 1996 Le Vénézuela et le Brésil dénoncent la réglementation des États-Unis concernant les combustibles et les additifs aux combustibles ayant pour objet la limitation de la pollution imputable à la combustion d’essence. L’Agence fédérale de protection de l’environnement (EPA) est chargée de la mise en œuvre de programmes pour parvenir à ces objectifs. Dans les directives adoptées par l’EPA, les raffineurs nationaux ayant exercé une activité pendant moins de 6 mois ainsi que les raffineurs étrangers sont tenus d’utiliser le nouveau niveau réglementaire de qualité de l’essence. Dans son rapport, le Groupe spécial considère que l’essence nationale et l’essence importée sont des produits similaires. Il considère que le refus pour les raffineurs étrangers de la possibilité de fixer un niveau de base individuel implique que l’essence importée jouit d’un traitement moins favorable que l’essence national. D’où la violation de l’article III.4 de l’Accord général et l’analyse de l’exception de l’article XX g) car le Groupe spécial précise que l’air fait partie des ressources naturelles épuisables. Le Groupe spécial rejette cependant l’application de cette exception. Les États-Unis font appel et c’est donc l’Organe d’appel qui se penche sur la compatibilité de la mesure 51 CCE – Réunion des 13-14 février 2001. 96 américaine au regard de l’article XX. Il admet que les restrictions imposées pour la protection de l’air pur sont imposées avec impartialité, dès lors que les règles s’imposent effectivement tant aux raffineurs nationaux qu’étrangers. C’est donc l’Organe d’appel qui se penche sur la compatibilité de la mesure américaine au regard de l’article XX. Il examine dans un premier temps si la mesure entre dans le champ d’application de l’article XXg, puis dans un second temps si elle respecte le texte. Il en découle que l’Organe d’appel relève les éléments suivants : – les mesures de protection de l’environnement invoquées doivent être en rapport avec l’objectif poursuivi. L’Organe d’appel estime que c’est le cas en l’espèce ; – les mesures imposées par les autorités américaines visant à protéger la qualité de l’air doivent s’appliquer de manière impartiale. Or les importateurs sont soumis à une réglementation plus sévère entraînant une augmentation des coûts pour les raffineurs étrangers. Cette difficulté aurait pu être surmontée par la mise en place d’une coopération avec les gouvernements brésilien et vénézuélien. Par conséquent, les conditions d’application de l’article XX ne sont pas toutes remplies et la réglementation américaine est condamnée. « Conformément à l’Accord général, les membres de l’OMC étaient libres d’établir leurs propres objectifs écologiques (…) La tâche [du groupe] ne consistait pas à examiner d’une façon générale l’opportunité ou la nécessité des objectifs écologiques de la Loi sur la lutte contre la pollution atmosphérique ou de la Réglementation sur l’essence ». (Extraits du rapport du Groupe spécial du 17 janvier 1996) b. États-Unis, Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, (WT/DS58), 199852 La position adoptée par les organes de l’OMC dans l’affaire Essence de 1996 a été confirmée par le rapport de l’affaire Crevettes. Dans cette affaire, la réglementation américaine, adoptée en juin 1987 en application de la loi sur les espèces menacées d’extinction, était mise en cause par différents pays (l’Inde, la Malaisie, le Pakistan, la Thaïlande). Selon la réglementation américaine, l’importation de crevettes pêchées avec des techniques de pêche susceptibles de nuire aux tortues marines est interdite ; les pays de pêche certifiés, c’est-à-dire appliquant des dispositifs d’exclusion des tortues marines, ne sont pas soumis à cette interdiction. Les directives généralisant l’interdiction d’importation à tous les pays étrangers non certifiés sont attaquées. Le Groupe spécial conclut que l’interdiction d’importer des crevettes et produits dérivés n’est pas compatible avec l’article XI.1 du GATT de 1994 et ne peut être justifiée au regard de son article XX. Les États-Unis déposent une demande auprès de l’Organe d’appel lequel marque son ouverture à la protection de l’environnement. L’Organe d’appel réaffirme l’importance de suivre les étapes pouvant conduire à admettre la dérogation : « Premièrement, justification provisoire de la mesure au motif qu’elle relève de l’article XX g) ; deuxièmement, nouvelle évaluation de la mesure au regard des clauses introductives de l’article XX. » 52 Rapport du Groupe spécial du 15 mai 1998, rapport de l’organe d’appel du 6 novembre 1998. 97 Dans sa vérification des différents critères, il apparaît que l’Organe d’appel fait une interprétation plus souple des « ressources naturelles épuisables » en considérant que l’expression doit être analysée « à la lumière des préoccupations actuelles de la communauté des nations en matière de protection et de conservation de l’environnement ». Il fait référence au préambule de l’Accord sur l’OMC et s’appuie sur l’effet utile dans l’interprétation des traités. L’organe considère que les espèces de tortues marines font partie des ressources épuisables et admet que les mesures de protection contestées ont pour objectif leur protection. Par ailleurs les crevetiers américains sont soumis à des règles similaires. Par contre, il considère que les conditions du chapeau de l’article XX ne sont pas remplies car les mesures constituent une discrimination injustifiable entre les pays. En effet, l’Organe d’appel a relevé que pour éviter l’interdiction d’importation, les autres États devaient se plier à la réglementation américaine de protection des tortues, les États-Unis ne prenant pas en considération les mesures adoptées par les autres pays. Par ailleurs, les États-Unis ont créé un régime différencié en concluant une convention interaméricaine privilégiant certains pays. Enfin, la procédure de certification exigée n’est ni prévisible ni transparente. Les décisions de rejet de la certification ne sont pas notifiées aux demandeurs ni motivées. Elles ne peuvent faire l’objet d’un appel. L’Organe d’appel, s’il finit par rejeter la requête américaine, fait référence à l’autonomie des États pour mener leur politique environnementale et s’appuie notamment sur la Décision sur le commerce et l’environnement : « (…) dans le Préambule de l’Accord sur l’OMC et dans la décision sur le commerce et l’environnement (…), il est spécifiquement reconnu qu’il importe de coordonner les politiques relatives au commerce et à l’environnement. Les membres de l’OMC disposent d’une large autonomie pour déterminer leurs propres politiques en matière d’environnement (y compris la relation entre l’environnement et le commerce), leurs objectifs environnementaux et la législation environnementale qu’ils adoptent et mettent en œuvre. » (Extraits, Rapport de l’Organe d’appel du 8 novembre 1998) c. Communauté européenne, Amiante (WT/DS 135), 2000 C’est dans le rapport de l’Amiante, première affaire dans laquelle l’ORD admet le jeu de l’article XX b), que le principe d’autonomie de l’État en matière de santé est reconnu53 quelques temps après l’affaire Viandes et produits carnés (hormones). L’Organe d’appel décide non seulement que les conditions d’application de l’article XX sont réunies, mais apporte également un élément nouveau à l’interprétation de la question de la similarité des produits au sens de l’article III.2 La question posée au Groupe spécial puis à l’Organe d’appel est de savoir si les fibres d’amiante et les produits dérivés de l’amiante sont des produits similaires aux produits de substitution utilisés en remplacement de l’amiante (fibres de verre et de 53 Rapport du Groupe spécial du 1er septembre 2000, rapport de l’Organe d’appel du 12 mars 2001. 98 cellulose, fibres APV). Le Canada considère que oui, la Communauté européenne répond par la négative en se prévalant de leur dangerosité, notamment de leur cancérogénicité. L’organe d’appel a rejeté l’interprétation exclusivement économique de l’article III faite par le Groupe spécial fondé exclusivement sur la garantie des conditions de concurrence. Il prend en considération la dangerosité du produit concerné par la mesure : « Nous sommes très nettement d’avis…que les effets sur la santé sont des éléments de preuve pertinents dans un examen de la similarité ». Il en déduit que les produits de substitution à l’amiante ne sont pas des produits « similaires ». Sur la question de la « nécessité de la mesure » (en l’occurrence l’interdiction par la France d’utiliser ces produits à base de fibres d’amiante ou produits dérivés ), l’Organe d’appel va considérer que le terme de « nécessaire » ne doit pas être réduit à ce qui est indispensable et qu’il faut tenir compte du contexte dans lequel il se trouve. « Plus l’intérêt commun ou les valeurs communes poursuivies sont vitaux ou importants, plus il sera facile d’admettre la nécessité des mesures conçues pour atteindre ces objectifs ». La décision prend en considération la proportionnalité de la mesure par rapport au risque encouru. Ce qui signifie, en substance, que plus le risque est grave et bien établi, plus on pourra reconnaître facilement une mesure dérogatoire au libre-échange. Enfin l’Organe d’appel considère que la mesure contestée était la seule solution « raisonnablement disponible ». Il apparaît clairement, qu’à partir de 1994, avec l’appui des dispositions de l’OMC et la mise en place du Comité sur le commerce et l’environnement, les préoccupations environnementales et sanitaires sont mieux intégrées par les organes en charge du contentieux dans le système commercial multilatéral. Cependant, l’équilibre entre les deux ordres de préoccupation reste fragile, car la nécessité de la mesure continue de s’apprécier de manière déterminante par rapport à ses effets restrictifs sur le commerce. 99 QUESTIONS 1. Quels sont les principaux accords internationaux qui organisent le commerce international de marchandises ? 2. Quelles sont les principales obligations des Parties dans l’Accord sur l’agriculture de l’OMC ? 3. Dans quelle mesure peut-on considérer que l’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) participe à la mise en œuvre du principe de précaution ? 4. Quel est le régime applicable aux aides en faveur de l’environnement dans l’Accord SMC ? 100 RÉPONSES 1. Le GATT 1994, les accords sectoriels : l’Accord sur l’agriculture, l’Accord SPS ; les accords portant sur certaines mesures non tarifaires : l’Accord sur les obstacles techniques au commerce ; les accords de défense commerciale : l’Accord sur les subventions. 2. Éviter les mesures protectionnistes et discriminatoires dans le secteur agricole : diminuer les mesures non tarifaires, réduire les équivalents tarifaires, réduire les subventions. 3. L’article 5 § 7 de l’Accord SPS ne prévoit l’application du principe de précaution que pour une période transitoire. 4. Les programmes de subventions doivent être notifiés par les Membres au Comité des subventions avant leur mise en œuvre ; si le programme n’est pas accepté, demande d’arbitrage. 101 IV. Les accords régionaux : la recherche d’un équilibre entre commerce et environnement La régionalisation est un aspect essentiel de la configuration des échanges commerciaux et un instrument fondamental dans la mise en place de politiques concertées dans différents domaines qui réclament une solide coopération internationale. Dans cette perspective, la plupart des nouvelles conventions internationales ont intégré des clauses relatives à la protection commune de l’environnement. L’approche régionale permet à la fois d’appréhender l’environnement de manière plus précise par des décisions adaptées au contexte de la région et donc plus proches des réalités et impératifs écologiques des États, et de dégager une réflexion plus fine sur la relation entre système commercial multilatéral et problématique environnementale. A. L’Europe Avec la Communauté européenne, son développement institutionnel, ses perspectives d’élargissement, notamment vers les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) et ses relations privilégiées avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), l’Europe est devenue un pôle d’expériences régionales particulièrement intéressant dans le domaine de l’intégration de l’objectif de protection de l’environnement dans un ordre économique libéral reposant sur la liberté du commerce et de la concurrence. 1. L’Union européenne L’Union européenne représente actuellement l’organisation internationale la plus aboutie et l’intégration régionale la plus développée sur les plans institutionnel et fonctionnel. En l’espace d’un demi siècle (depuis la signature du Traité sur la Communauté économique européenne du charbon et de l’acier en 1951, et des Traités sur la Communauté économique européenne et l’EURATOM en 1957), les Communautés européennes ont développé une expérience unique dans le domaine de la libéralisation des échanges. Elles ont ainsi été confrontées aux mesures de protection de l’environnement, susceptibles de constituer des obstacles au commerce, cependant que parallèlement, la construction de l’Union intégrait les exigences de l’environnement dans les politiques communautaires. a. L’intégration de l’environnement dans les politiques communautaires De 1957 à 1986, les traités communautaires ne prévoient pas de dispositions relatives à l’environnement, l’objectif étant clairement la mise en place d’un espace économique unifié. Cependant, dans cette période, de nombreux textes sont adoptés par les institutions communautaires, marquant la préoccupation de développer une politique environnementale communautaire. Dès le début des année soixante-dix, la relation d’interdépendance entre croissance économique et environnement est reconnue. En 1986, l’Acte unique mentionne l’environnement pour la première fois dans un traité constitutif communautaire. L’environnement devient une « composante des autres politiques de la Communauté ». Dès lors, deux bases juridiques vont coexister dans l’ordre juridique communautaire entraînant des choix quant au fondement juridique pour traiter 102 des éventuels conflits et contradictions entre droit du commerce et protection de l’environnement. Six programmes d’action : – Premier programme 1973-1976 54 : Le Conseil établit un lien entre expansion économique et amélioration de la qualité et du niveau de vie. Les thèmes visés sont : la réduction des pollutions et nuisances, le maintien d’un équilibre écologique, la protection de la biosphère, l’aménagement du territoire en lien avec environnement ; – Deuxième programme 1977-198155 : continuité du 1er programme, accent sur l’action préventive dans les domaines de la pollution, de l’aménagement de l’espace et de la formation des déchets ; procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement ; coopération internationale ; – Troisième programme 1982-1986 56 : la résolution du Conseil prévoit non plus d’éviter les distorsions de concurrence mais d’assurer la bonne gestion des ressources naturelles. La politique commune de l’environnement devient un élément indissociable des politiques communautaires. 18 février 1986, signature de l’Acte unique européen : l’environnement devient une action communautaire. – Quatrième programme 1987-199257 : consécration des principes environnementaux ; reconnaissance de l’environnement comme « facteur fondamental au moment des prises de décisions économiques » ; 7 février 1997, signature du Traité de Maastricht : l’environnement devient une politique communautaire. – Cinquième programme 1993-2000 58 : mise en place d’une nouvelle stratégie associant tous les acteurs notamment le secteur privé et la société civile. Sont pris en compte les principaux secteurs économiques avec pour objectif de parvenir à un développement durable et respectueux de l’environnement. Des instruments économiques et des mécanismes de soutien financier doivent permettre une nouvelle approche des mesures environnementales. L’action de l’Union européenne s’exerce dans le cadre des objectifs internationaux fixés au Sommet de Rio. 2 octobre 1997, signature du Traité d’Amsterdam : la protection de l’environnement est considérée comme un principe de la Communauté européenne avec comme objectif le développement durable. 54 JOCE n° C 112 du 20 décembre 1973. JOCE n° C 139 du 13 juin 1977. 56 JOCE n° C 46 du 17 février 1983. 57 JOCE n° C 328 du 7 décembre 1987. 58 Résolution du Conseil et des représentants de gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil du 1er février 1993 concernant un programme communautaire de politique et d’action en matière d’environnement et de développement durable, JOCE n° C 138 du 17 mai 1993. 55 103 – Sixième programme, 2000 : nécessité d’améliorer et d’intensifier l’intégration. L’intégration de l’environnement fait partie des autres politiques comme axe prioritaire. i. Le principe d’intégration Le Traité de Maastricht de 1992 inscrit le principe d’intégration de l’environnement dans les autres politiques communautaires à l’article 130 R 2 dans un titre consacré à l’environnement. Il prévoit simplement que « les exigences en matière de protection de l’environnement doivent être intégrées dans la mise en œuvre des autres politiques de la Communauté ». Par la suite, le Traité d’Amsterdam, en vigueur le 1er mai 1999, opère une évolution importante en faisant référence au développement durable, concept développé par le rapport Brundtland de 1987. Les institutions communautaires prennent en compte ce nouvel objectif dans l’élaboration d’une stratégie européenne en faveur du développement durable, consacrée par le Conseil européen de Göteborg en juin 2001. « Les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de la Communauté visées à l’article 3, en particulier afin de promouvoir le développement durable. » (Article 6, Traité Communauté européenne (Traité d’Amsterdam)) L’article 3 vise « un marché intérieur caractérisé par l’abolition entre les États membres, des obstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux » et « un régime assurant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur ». L’affirmation du principe d’intégration, exprimée dans l’article 6 du Traité CE, est complétée par l’article 2 relatif aux objectifs de la Communauté européenne lequel précise que la Communauté a pour mission de promouvoir « la croissance durable non inflationniste respectant l’environnement » par la mise en œuvre d’actions ou de politiques communes. Le lien explicite établi entre les exigences environnementales et un marché intérieur permettant la liberté des échanges marque l’applicabilité du principe d’intégration aux mesures destinées à assurer la libre circulation des marchandises et la concurrence comme à celles destinées à protéger l’environnement. ii. Le respect des engagements internationaux environnementaux Les engagements internationaux en matière d’environnement jouent un rôle important dans le développement des politiques communautaires et notamment dans les domaines de la protection de l’environnement, du commerce et de la concurrence. La Communauté, qui dispose d’une personnalité morale reconnue pour négocier des accords internationaux, est un acteur important du système commercial multilatéral et participe activement à la mise en œuvre des conventions internationales environnementales. 104 « 1. La politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement contribue à la poursuite des objectifs suivants : (…) - la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l’environnement. 2. La politique de la Communauté vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de la Communauté.(…) » (Article 174 du Traité CE) Les engagements internationaux conclus par les Communautés font partie de l’ordre juridique communautaire. Dans la hiérarchie des normes communautaires, ils priment sur le droit dérivé, comme l’a réaffirmé à plusieurs reprises la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE, 10 septembre 1996, Commission/Allemagne, Affaire C-61/94). À de nombreuses reprises, la CJCE a fait prévaloir une interprétation conforme au droit communautaire quant à ses engagements internationaux : la Communauté a adhéré à la Convention de Vienne du 22 mars 1985 et au Protocole de Montréal du 16 septembre 1987 relatifs à la protection de la couche d’ozone. À la suite de ces adhésions, la Communauté a adopté différents textes destinés à réglementer l’importation de substances qui appauvrissent la couche d’ozone ainsi qu’à prévoir le contrôle de leur production en les soumettant notamment à des restrictions quantitatives. Dans l’Arrêt Safety High-Tech (CJCE, 14 juillet 1998, Affaire C-284/95)59, la Cour, saisie d’un renvoi préjudiciel, a été amenée à apprécier la validité du règlement communautaire interdisant les HCFC. Pour cela, elle se réfère à la Convention de Vienne et au Protocole de Montréal. L’interprétation que donne la Cour des textes communautaires est conforme aux accords internationaux et permet d’assurer la cohérence de l’ordre juridique communautaire avec l’application des règles internationales. La Cour a accepté l’argument de « l’objectif de protection de la diversité biologique » telle que prévue par la Convention de Rio pour admettre la conformité d’une mesure environnementale du gouvernement danois visant à interdire l’importation d’abeilles (Affaire Bluhme, CJCE, 3 décembre 1998, Affaire C-67/97). Répercussions de la jurisprudence communautaire : le recours aux instruments internationaux, notamment aux AME, conforte l’approche communautaire de protection de l’environnement ; l’interprétation conforme du droit communautaire aux AME favorise l’effectivité des accords internationaux ; la référence aux AME est le vecteur d’une application harmonisée au sein de la Communauté, grâce aux voies de recours prévues par le Traité à l’encontre des institutions communautaires telles que les États. 59 CJCE, 14 juillet 1998, Aff. C-284/95 ; Gianni Bettati contre Safety Hi-Tech Srl., Aff. C-341/95, Rec. I, p. 4355. 105 b. L’environnement comme dérogation à la liberté du commerce et de la concurrence Si la Communauté européenne a cherché à développer des actions communes dans le domaine de la protection de l’environnement, se fixant des objectifs ambitieux en termes de développement durable, elle a également consolidé les principes de libre concurrence et de libre commerce en s’appuyant sur le principe d’intégration. Toute mesure fondée sur des considérations environnementales entraînant des restrictions au commerce et à la concurrence doivent être justifiées selon des critères précis. i. Le principe d’interdiction des atteintes à la liberté du commerce et à la concurrence Des règles spécifiques sont posées par le Traité dans les trois domaines d’atteinte à la liberté des échanges. Sont prévues : l’interdiction des restrictions quantitatives à l’importation ainsi que de toute mesure ayant un effet équivalant à une restriction quantitative (article 28 Traité CE) ; l’incompatibilité avec le marché commun de toute entente et de tout abus de position dominante (articles 81 et 82) ; l’incompatibilité avec le marché commun des aides d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions (article 87). ii. Les dérogations fondées sur la protection de l’environnement – Dérogations aux restrictions d’importation, d’exportation ou de transit : si elle sont « justifiées par des raisons de moralité publique, d’ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique, ou de la propriété industrielle et commerciale » (article 30 Traité CE, ancien article 36) ; parallèlement à cette dérogation prévue par le Traité, la Cour de justice a dégagé une catégorie de dérogations jurisprudentielles (Affaire Cassis de Dijon, CJCE, 20 février 1979, n° 120/78) : les exigences impératives d’intérêt général. Or cette catégorie intègre la protection de l’environnement. La jurisprudence communautaire a été conduite à articuler ces deux fondements (Affaire des « bouteilles danoises », CJCE 20, septembre 198860 ; Affaire Dusseldorp, CJCE, 25 juin 1998, C-203/96)61. 60 CJCE, Commission c. Danemark, Aff. 302/86, 20 septembre 1988. Dans cette affaire la Cour conclut qu’il n’est pas possible d’invoquer l’article 130 T (article 176 du Traité CE après Traité d’Amsterdam) pour justifier l’adoption de mesures visant à restreindre l’exportation de déchets destinés à la valorisation sans une exigence impérative de protection de l’environnement ou sans le 61 106 – Dérogations aux règles de concurrence : pour les accords ou pratiques concertées qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte (article 81§ 3). La Commission européenne admet que le progrès technique peut viser le progrès environnemental. La jurisprudence communautaire a eu l’occasion de se prononcer sur la validité d’une décision de la Commission autorisant des aides d’État pour des projets de développements technologiques profitables à l’environnement (Arrêt BP Chemical du 27 septembre 200062). pour les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal si l’accomplissement des règles de concurrence fait échec à la mission particulière qui leur a été impartie (article 86 § 2 Traité CE, ancien article 90 § 2). À titre d’illustration, la jurisprudence communautaire a reconnu que la gestion de certains déchets pouvait faire l’objet d’un service économique général, notamment lorsque ce service a pour but de faire face à un problème environnemental (Arrêt Sydhavnens du 25 juin 1998, C-203/96). iii. Les mesures nationales de protection de l’environnement renforcées À ces dérogations il est possible d’ajouter les aménagements particuliers du Traité concernant l’application de normes écologiques plus contraignantes que celles prévues par les normes communautaires. Les mesures nationales de protection de l’environnement renforcées peuvent être maintenues après harmonisation des législations au sein de la Communauté, dès lors qu’elles sont justifiées par des « exigences importantes visées à l’article 30 ou relatives à la protection de l’environnement » (article 95 § 4, ancien article 100 A). À titre d’exemple, l’Allemagne a pu maintenir son système de label écologique malgré l’adoption du système européen d’éco-label63. Par ailleurs, les États peuvent adopter des mesures de protection renforcées si ces mesures sont compatibles avec le Traité, c’est-à-dire si elles ne sont pas incompatibles avec l’établissement d’un marché commun et si elles entrent dans le cadre des dérogations prévues par le Traité (article 176, ancien article 130 S). iv. Le contrôle de la mesure restrictive par le juge souci de protection de la santé et de la vie des personnes en application de l’article 36 (article 30 Traité CE après Traité d’Amsterdam). 62 T-184/97, Rec. II, p. 3149. Dans cette affaire, le tribunal de première instance n’a pas accepté une exonération à un régime d’aide aux biocarburants octroyé par la France, faisant une application stricte du principe de proportionnalité. On a pu considérer que le Tribunal a fait prévaloir le respect de la concurrence sur l’objectif prioritaire du régime d’aide. 63 Règlement 880/92 du 23 mars 1992, concernant un système communautaire d’attribution de label, JOCE L 99/1, du 11 avril 1992. 107 Deux critères sont utilisés par la CJCE pour contrôler la mesure dérogatoire à la concurrence et au commerce : la nécessité : cela implique l’existence d’un lien de causalité entre la réglementation et l’intérêt général ; la proportionnalité : les atteintes au commerce et à la concurrence ne doivent pas être excessives par rapport à l’objectif recherché. La jurisprudence apprécie ces deux critères en se basant sur les engagements internationaux et en s’appuyant sur l’état des connaissances scientifiques et techniques. 2. La coopération économique internationale et la protection de l’environnement a. Les conventions de coopération entre la Communauté européenne et les États de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) L’Union européenne a toujours accordé une attention particulière à la coopération régionale avec les pays avec lesquels elle a conservé, pour des raisons historiques, des relations privilégiées. Les accords de Lomé, dont le premier a été signé entre la Communauté économique européenne et quarante-six États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique le 28 février 1975, ont pour but de réglementer les échanges de produits de base entre l’Union européenne et les pays ACP64. Ces accords constituent une initiative de coopération nord-sud mettant en place des conditions d’échanges spécifiques par rapport au système commercial multilatéral, dans la mesure où il s’agit d’accords préférentiels dérogatoires à l’OMC. i. Convention de Lomé IV, 15 décembre 1989 La quatrième Convention de Lomé, du 15 décembre 1989 (en vigueur le 1er mars 1990, regroupant 22 États ACP supplémentaires), met l’accent sur la promotion de l’intégration économique régionale et reconnaît la protection de l’environnement comme une priorité : « Les Parties contractantes reconnaissent la priorité à accorder à la protection de l’environnement et à la conservation des ressources naturelles, conditions essentielles pour un développement durable et équilibré tant au plan économique qu’au plan humain. » (Article 6.2, Convention de Lomé, 15 décembre1989) Cet accord marque la prise en compte de l’environnement dans les relations économiques développées entre les États Parties, consacrant un titre entier à cette question. La Communauté souhaite donner son appui aux politiques de protection et de mises en valeur de l’environnement. L’accord prévoit ainsi la mise en place d’instruments de 64 Les Conventions de Yaoundé de 1963 et 1969 rapprocheront la Communauté européenne et les États africains et malgache associés (EAMA), puis ce sont les Conventions de Lomé de 1975, 1979, 1984 et 1989. 108 coopération adaptés à la problématique environnementale dans le cadre d’un « effort de solidarité internationale ». « Dans le cadre de la présente Convention, la protection et la mise en valeur de l’environnement et des ressources naturelles, l’arrêt de la dégradation du capital foncier et forestier, le rétablissement des équilibres écologiques, la sauvegarde des ressources naturelles ainsi que leur exploitation rationnelle sont des objectifs fondamentaux que les États ACP concernés s’efforcent d’atteindre avec l’appui de la Communauté, en vue d’améliorer dans l’immédiat les conditions de vie de leurs population et de sauvegarder celles des générations à venir. » (Article 33, Convention de Lomé, 15 décembre1989) L’orientation des accords de coopération entre les pays ACP et l’Union européenne marque un engagement pour le développement durable cependant que ces accords présentent une dimension plus étendue que leurs objectifs économiques d’origine. La Convention de Lomé IV participe de la politique de développement de l’Union européenne. Cependant cet accord prévu pour une période de dix ans ne pouvait se maintenir dans la mesure où il constitue une dérogation à l’Accord de l’OMC. La Commission de Bruxelles, constatant l’insuffisance des préférences commerciales consenties par l’Europe, la désintégration du tissu social dans les États ACP, la multiplication des conflits, la nécessité d’une meilleure intégration des États ACP dans les échanges internationaux avec l’application des règles de l’OMC, propose un nouveau partenariat (Livre vert sur les relations entre l’Union européenne et les pays ACP à l’aube du XXIe siècle – Défis et options pour un nouveau partenariat, 1996). ii. L’Accord de Cotonou, 23 juin 2000 L’Accord de Cotonou résulte de la nécessité d’une adaptation aux développements internationaux et plus particulièrement aux règles de l’OMC. L’objectif du développement durable est réaffirmé dans le Préambule (§ 2). La coopération doit contribuer au développement économique, social et culturel et doit permettre de relever les « défis de la mondialisation » dans un effort « visant à donner au processus de mondialisation une dimension sociale plus forte »65. Buts de l’Accord de Cotonou : permettre une plus grande intégration régionale avec la constitution de blocs commerciaux ; rendre compatible avec l’OMC le commerce entre l’UE et les États ACP en mettant fin au partenariat asymétrique et paritaire des Conventions de Lomé et de Yaoundé ; favoriser l’investissement par une meilleure confiance donnée aux investisseurs ; insérer davantage les États ACP dans l’économie mondiale. Dans la perspective d’une mise en compatibilité de l’Accord de Cotonou avec l’OMC, diverses dispositions renvoient aux accords du GATS pour les services ou de 65 Accord de Cotonou, Préambule § 3. 109 l’ADPIC pour les droits de propriété intellectuelle (article 46). Une disposition spécifique prévoit que la promotion du développement du commerce doit s’effectuer de manière à assurer une « gestion durable de l’environnement » (article 49). « Commerce et environnement 1. Les parties réaffirment leur engagement à promouvoir le développement du commerce international de manière à assurer une gestion durable et saine de l’environnement, conformément aux conventions et engagements internationaux en la matière et en tenant dûment compte de leurs niveaux respectifs de développement. Elles conviennent que les exigences et besoins particuliers des États ACP devraient être pris en considération dans la conception et la mise en œuvre des mesures environnementales. 2. Compte tenu des principes de Rio et en vue de faire en sorte que les politiques commerciales et environnementales se complètent, les parties conviennent de renforcer leur coopération dans ce domaine. La coopération visera notamment à mettre en place des politiques nationales, régionales et internationales cohérentes, à renforcer les contrôles de qualité des biens et des services sous l’angle de la protection de l’environnement et à améliorer les méthodes de production respectueuses de l’environnement dans des secteurs appropriés. » (Article 49, Accord entre les membres du groupe des États ACP et la Communauté européenne et ses États membres, Cotonou, 23 juin 2000) L’article sur « commerce et environnement de l’Accord » insiste donc sur : le respect des conventions internationales en matière d’environnement ; la prise en compte de la spécificité des États en fonction de leur niveau de développement ; le renforcement de la coopération dans les domaines commercial et environnemental ; la mise en place de politiques pour renforcer les contrôles de qualité environnementale des biens et des services. b. L’Union européenne et les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) i. L’appui de l’Union européenne dans la perspective d’un élargissement Après la disparition de l’Union soviétique, l’Union européenne met en place une politique d’aide à la reconstruction économique des PECO afin de promouvoir les investissements. Le programme PHARE (Poland and Hungary Assistance for the Reconstruction of the Economy), initialement prévu pour soutenir la transformation économique et sociale de la Hongrie et de la Pologne, va s’étendre aux pays candidats à l’adhésion à l’Union européenne : Bulgarie, République Tchèque, Slovaquie, Roumanie, Albanie, Lettonie, Lituanie, Estonie, Slovénie. La protection de l’environnement représente une partie importante des fonds alloués. Le programme permet de favoriser les négociations de pré-adhésion à l’Union européenne. ii. L’Accord de libre-échange en Europe centrale 110 Les PECO, influencés par les impératifs liés à leur intégration dans l’Union européenne, vont par ailleurs entreprendre un regroupement économique tenant compte dans une certaine mesure de la problématique environnementale. L’Accord de Cracovie, signé le 21 décembre 1992 par les États hongrois, polonais, slovaque et tchèque, crée une zone de libre-échange en Europe centrale. Une disposition prévoit la possibilité d’exceptions ou de restrictions au libre-échange pour assurer la conservation de ressources naturelles non renouvelables (article 18). B. L’Afrique Le développement des expériences d’intégration régionale africaines s’est réalisé en deux vagues : la première coïncide avec la période postérieure aux indépendances durant les années 1960-1970 avec, pour l’Afrique australe, des prolongements jusqu’au début des années 1980 ; la deuxième avec la signature du Traité d’Abuja sur la Communauté économique panafricaine de 1991. Les États africains sont regroupés dans plus de 200 organisations régionales ou sous-régionales pour la plupart intergouvernementales. La pluralité constitue la particularité du régionalisme africain qui s’est constitué pour différentes raisons comme le dépassement des clivages coloniaux ou néocoloniaux ou en référence à une communauté de culture (accords de la première vague) ou encore pour élaborer une stratégie commerciale extravertie, encourager les investissements transfrontaliers et harmoniser des politiques macroéconomiques (accords de la seconde vague ou « nouveau régionalisme »). Les organisations régionales disposant d’un mandat multisectoriel, le plus souvent pour promouvoir la liberté du commerce et la circulation des facteurs de production, n’ont, pour la plupart, pas pu développer de dispositions spécifiques sur l’environnement. Seules les organisations les plus actives dans la mise en place de politiques sectorielles envisagent l’intégration de la problématique environnementale. 1. Le pluralisme du régionalisme africain En Afrique de l’Ouest, les principales organisations d’intégration régionale sont : la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO, 1975 révisée en 1993) ; l’union monétaire de l’Afrique de l’Ouest (1974) qui s’est transformée en Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA, 1994). Les principales institutions d’Afrique centrale sont : la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC, 1983) ; l’Union douanière et économique des États de l’Afrique centrale (UDEAC, 1964 abolie en 1994), mise en place de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC) ; la Communauté économique des pays des grands lacs (CEPGL, 1976). Les pays d’Afrique centrale, qui sont membres de la zone franc, ont établi la Banque des États d’Afrique centrale (BEAC). 111 En Afrique orientale, australe et dans l’océan Indien, les principales organisations sont : l’Union douanière de l’Afrique australe (SACU, 1969) ; la Zone d’échanges préférentiels de l’Afrique orientale et australe (ZEP, 1981) qui a approuvé la création d’un Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA, 1993) ; la Conférence pour la coordination du développement de l’Afrique australe (SAADC, 1980) puis sa transformation en Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC, 1992) ; l’Union monétaire commune (CMA ou zone Rand) ; la Commission de l’océan Indien (COI). En Afrique du nord , l’Union du Maghreb arabe (UMA) est née de la décision des chefs d’États du Maghreb, prise lors de la réunion de Marrakech du 1er février 1989, avec pour objectifs de renforcer les liens qui unissent les États en vue d’assurer une stabilité régionale et de réaliser la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux. 2. Le Traité d’Abuja : un régionalisme continental La signature du Traité d’Abuja, le 3 juin 1991, instituant la Communauté économique africaine (CEA, en vigueur le 12 mai 1994), place l’Afrique dans un processus d’intégration autonome dans le système commercial international et offre la perspective d’un régionalisme actif dans les négociations internationales. Le Traité d’Abuja a comme projet novateur de construire une communauté économique qui englobera tous les États d’un même continent et prévoit six étapes, étalées sur une période de trente-quatre ans pour y parvenir, à partir de 1994. La première étape vise le renforcement du cadre institutionnel des communautés économiques régionales existantes et la création de nouvelles communautés si l’une des cinq régions africaines (article 1er alinéa d) n’est pas représentée. Les articles 42 et 94 du Traité imposent aux États membres de la Communauté l’obligation d’adopter des positions communes pendant les négociations internationales. La CEA a compétence pour participer à l’OMC et s’engager en tant que groupe aux négociations internationales ce qui, pour les discussions relatives au commerce et à l'environnement au sein du système commercial multilatéral, pourrait permettre d’influencer les décisions. 3. Les organisations régionales tenant compte de l’environnement – Le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), créé par le Traité de Kampala du 5 novembre 1993, prévoit un principe de coopération dans le domaine de la gestion des ressources naturelles et de l’environnement (article 4, al. 6 h). Le chapitre XVI est consacré à cette coopération en établissant une distinction entre gestion de l’environnement (article 124) et gestion des ressources naturelles (article 125). 112 – La Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), mise en place par le Traité de Windhoeck du 17 août 1992, énonce comme objectif l’utilisation durable des ressources naturelles et la protection efficace de l’environnement (article 5 al. g). La SADC représente un cadre particulier pour le développement d’actions sousrégionales pour l’environnement. Différents protocoles sont destinés à régler des questions liées à la gestion commune des ressources, comme la faune et la flore sauvages, les cours d’eau ou encore les forêts. – L’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) prévoit, dans le Protocole additionnel n° II relatif aux politiques sectorielles de l’UEMOA, un chapitre consacré à l’amélioration de l’environnement (chapitre IV, articles 9 à 12). La Conférence des chefs d’État et de gouvernement veille à la prise en compte de la lutte contre la désertification, de la protection des ressources naturelles et de la biodiversité, de l’amélioration de l’environnement en milieu rural et urbain, de l’exploitation des énergies renouvelables et de la lutte contre l’érosion côtière (article 10). 4. Le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) La conjonction de deux plans d’action – le Millenium African Plan (MAP) et le plan OMEGA – consacrés à la relance des économies africaines et visant à promouvoir le développement du continent africain ont conduit à l’élaboration d’un texte présentant une politique générale de développement nommée « Nouvelle initiative africaine » puis rebaptisée « Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique » (NEPAD) lors du Sommet des chefs d’États de Lusaka (Zambie) en octobre 2001. Dans la perspective de placer les pays africains sur la voie de la croissance et du développement durable, le NEPAD évoque l’environnement (§ 138 à 143) comme une condition préalable de la réalisation de ses objectifs. Il ne s’agit cependant pas d’un domaine prioritaire66. Le texte du NEPAD, qui ne prend pas la forme d’un accord juridiquement contraignant pour les Etats africains qui souhaiteraient y participer mais d’un document donnant les orientations d’une politique de développement africaine concertée, a rencontré un accueil favorable lors du Sommet de Johannesburg conduisant à une reconnaissance internationale de cette nouvelle initiative africaine. Le NEPAD a en effet été perçu comme un partenariat susceptible de favoriser la participation des pays africains à la croissance économique mondiale et au développement durable (§ 62 du Plan d’application, Sommet de Johannesburg, 2002). « Nous saluons et appuyons la formation d’alliances et de groupements régionaux plus puissants, tels que le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique, visant à promouvoir la coopération régionale, à améliorer la coopération internationale et à soutenir le développement durable. » (Déclaration de Johannesburg, 2002, § 21) 66 Les 7 domaines donnés comme prioritaires par le NEPAD sont : les infrastructures, les ressources humaines, la santé, les technologies de l’information et de la communication, l’agriculture, l’énergie et l’accès des exportations aux marchés des pays développés. 113 C. Les Amériques L’Amérique du Nord a développé avec l’ALENA une intégration régionale, une coopération dans les domaines de l’économie, de l’environnement et de la main-d’œuvre, cependant que le MERCOSUR (Marché commun du Sud), ayant pour objectif la création d’un marché commun, établit des règles et met en place des structures pour aborder la problématique environnementale en lien avec la liberté des échanges et de la concurrence. Une dynamique nouvelle se développe avec la régionalisation sur le continent américain. Le projet de créer une Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) a été proposé par les Chefs d’État et de gouvernement durant le Sommet de Miami en 1994 et a été relancé par la Déclaration ministérielle de San José du 19 mars 1998. Cette déclaration implique la réalisation d’un projet régional de libéralisation par trente-quatre pays. Au cours des différentes négociations, qui ont conduit à l’adoption de ces différents textes, la problématique environnementale a été prise en compte. La première réunion des ministres de l’environnement des Amériques s’est tenue à Montréal du 17 au 19 avril 2001 lors d’un Symposium sur le commerce et le développement durable. La coopération environnementale a été renforcée par cette rencontre et un accord environnemental des Amériques pourrait être adopté. 1. L’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) Faisant suite à l’accord bilatéral entre le Canada et les États-Unis de 1988, l’ALENA intègre le Mexique le 7 octobre 1992. Face à l’opposition des industriels sur l’intégration, dans l’Accord, de dispositions supplémentaires concernant la protection de l’environnement, des négociations pour un Traité annexe sur l’environnement se déroulent quelques temps plus tard, en mars 1993. Elles aboutissent à l’Accord nord-américain de coopération et de développement sur l’environnement (ANACDE). Les gouvernements procèdent à la ratification du Traité de l’ALENA et de l’ANACDE en même temps et les deux accords entrent en vigueur le 1er janvier 1994. a. Le Traité ALENA : tentative de conciliation entre libéralisation des échanges et environnement Le Traité a pour objectif de régir les activités économiques et commerciales des trois pays signataires. Il introduit des règles portant sur la réduction et l’élimination des droits de douane, l’investissement international, les normes sanitaires et phytosanitaires, la propriété intellectuelle, les secteurs de l’énergie, de la pétrochimie et de l’agriculture. La libéralisation des échanges s’accompagne de la volonté de tenir compte de l’environnement. Ainsi, dès le préambule, les États s’engagent à : s’acquitter de leurs responsabilités en matière d’activités économiques d’une manière compatible avec la protection et la conservation de l’environnement ; promouvoir le développement durable ; renforcer l’élaboration et l’application des lois et règlements en matière d’environnement. 114 i. Les dispositions liant commerce et environnement – Les mesures sanitaires et phytosanitaires (chapitre 7 B) Les États parties peuvent prendre des mesures plus strictes en matière environnementale que celles établies au niveau international. Afin d’éviter les abus, il est prévu que ces mesures : ne doivent pas être discriminatoires entre biens semblables ; doivent être établies sur des principes scientifiques ; être annulées ou abandonnées quand cette justification n’existe pas ; être basées sur une étude de risque, selon les circonstances ; être appliquées seulement dans le but d’atteindre le niveau de protection voulu ; ne doivent pas représenter une restriction déguisée aux échanges. Considérant les difficultés d’application du Traité dans ce domaine, celui-ci prévoit une procédure de règlement spécifique. La charge de la preuve repose sur celui qui conteste la mesure. – Les obstacles techniques au commerce (chapitre 9) Les États peuvent choisir les niveaux de protection environnementale considérés comme appropriés et prendre les mesures nécessaires à partir du moment où ces mesures ne sont pas discriminatoires et ne créent pas des obstacles non nécessaires au commerce. – L’harmonisation des normes concernant la santé, la sécurité et l’environnement l’article 905 impose aux Parties d’utiliser les normes internationales lors de la mise au point de mesures normatives nationales ayant des effets sur le commerce ; l’article 906 encourage les États à harmoniser leurs mesures normatives sans abaisser leur niveau de protection en matière de santé, de sécurité et de l’environnement ; l’article 904 affirme le droit inaliénable de chaque État de maintenir et d’appliquer ses propres normes de protection de la santé, de l’environnement et de sécurité. – Le régime juridique des investissements (chapitre 11) Aucun des États ne doit nationaliser ou exproprier l’investissement d’un investisseur étranger sur son territoire, ou ne doit prendre une mesure équivalente à la nationalisation ou à l’expropriation, sauf dans l’intérêt général, et en tout cas d’une façon non discriminatoire, en respectant les procédures judiciaires et les principes du droit international et avec une contrepartie financière égale à l’investissement réalisé. L’article 1114 prévoit : «1. Le présent chapitre ne pourra être interprété comme empêchant une Partie d’adopter, de maintenir ou d’appliquer une mesure par ailleurs conforme au présent chapitre, qu’elle considère comme nécessaire pour que l’activité de l’investissement effectué sur son territoire soit entreprise d’une manière conforme à la protection de l’environnement. 115 2. Les Parties reconnaissent qu’il n’est pas bon d’encourager l’investissement en assouplissant les mesures nationales qui se rapportent à la santé, à la sécurité ou à l’environnement. En conséquence, une Partie ne doit pas renoncer ni déroger, ou offrir de renoncer ou de déroger, à de telles mesures dans le dessein d’encourager l’établissement, l’acquisition, l’expansion ou le maintien sur son territoire d’un investissement effectué par un investisseur. ( …) ». Il s’agit d’une disposition unique dans un accord commercial : pour la première fois l’environnement est pris en compte dans un chapitre relatif à l’investissement. Cependant, tel que formulé, l’article 1114 n’a aucune force obligatoire, les Parties ne pouvant procéder qu’à des consultations pour éviter que l’encouragement ne soit donné. ii. Les rapports entre l’ALENA et les accords environnementaux multilatéraux En général, en cas de conflit de normes conventionnelles, les dispositions de l’ALENA sont considérées comme prioritaires par le Traité. L’article 104 visant les incompatibilités avec des accords environnementaux constitue donc une exception dans la mesure où il prévoit de faire prévaloir les obligations prévues en matière de commerce dans les conventions suivantes : la CITES ; le Protocole de Montréal relatif aux substances qui appauvrissent la couche d’ozone ; la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination. Les Parties doivent cependant choisir les moyens qui contreviennent le moins à leurs obligations conventionnelles parmi ceux qui sont « également efficaces et raisonnablement accessibles ». L’article 104.2 prévoit la possibilité de rajouter de nouvelles exceptions conventionnelles et donc d’y inclure tout autre accord relatif à l’environnement. b. L’ANACDE L’Accord a pour objectif de promouvoir le développement durable en Amérique du Nord grâce à la coopération, à l’adoption de politiques économiques et environnementales complémentaires et au soutien de la réalisation des objectifs environnementaux de l’ALENA. L’Accord s’appuie sur deux principes : la recherche d’un équilibre entre les objectifs de protection de l’environnement d’une part et la souveraineté étatique et la libéralisation du commerce d’autre part ; la concertation entre les États Parties pour résoudre les problèmes environnementaux communs. 116 Les obligations des Parties sont multiples : présentation de rapports sur l’état de l’environnement, amélioration des lois et règlements en matière d’environnement, application sévère des lois environnementales, publication et diffusion d’informations sur l’environnement. La mission de l’ANACDE est de promouvoir l’application efficace des textes sur l’environnement considérant que les trois pays partagent le même environnement régional, de permettre d’atteindre les objectifs environnementaux et de prévenir d’éventuels conflits. Dans cette perspective, l’Accord a créé trois institutions : la Commission de coopération environnementale (CCE) chargée d’examiner les répercussions de l’ALENA sur l’environnement ; la Banque nord-américaine de développement (BanqueNAD) chargée de financer des projets d’infrastructure environnementale seulement pour le Mexique et les États-Unis ; la Commission de coopération environnementale transfrontière (CCEF) chargée de donner la certification pour mener jusqu’à son terme des projets frontaliers susceptibles d’être financés par la BanqueNAD. La CCE travaille conjointement avec la Commission de libre-échange créée par l’ALENA pour prévenir les effets négatifs du commerce sur l’environnement et établir des formes de développement moins dommageables pour le milieu naturel. La CCE est la seule organisation internationale ayant pour objet l’étude des effets environnementaux du libreéchange par le biais de l’évaluation et de la coopération avec une participation active des citoyens. 2. Le MERCOSUR Le Marché commun du Sud (Mercosul en portugais ou Traité d’Asunción) naît de l’Accord conclu le 26 mars 1991 à Asunción entre l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. Le Protocole d’Ouro, du 19 décembre 1994, lui donne des institutions. L’appellation de « marché commun » exprime la volonté d’une parenté avec la démarche européenne. La structure du MERCOSUR est toujours évolutive, particulièrement sur le thème commerce-environnement qu’elle aborde dans différents textes et par la mise en place de divers mécanismes. Le Protocole d’Ouro permet de mettre en place des mécanismes de participation publique à travers un Forum économique et social (Foro Consultivo Economico y Social) mis en place de manière institutionnelle par le MERCOSUR. Ce conseil ou forum reçoit des informations de la part des représentants des salariés, des consommateurs et des chefs d’entreprise ; à titre d’experts, ils peuvent participer aux réunions des sous-comités techniques. Rapidement après le Traité d’Asunción, est créée la Réunion spécialisée sur l’environnement (Reunión Especializada de Medio Ambiente ou REMA, juillet 1992) chargée de traiter les questions liées à l’environnement. 117 La REMA a cherché les mesures politiques et juridiques qui pouvaient affecter la libre concurrence. Pour cela, elle a travaillé avec les différents sous-groupes de travail du Groupe du marché commun (Grupe Mercado Comùn – GMC). Par le biais d’une résolution MERCOSUR/GMC/38/95 sur les orientations des sous-groupes de travail, la REMA se transforme en « sous-groupe 6 sur l’environnement » (subgrupo 6 medio ambiente) lequel est en charge d’étudier : les restrictions non tarifaires ; la relation concurrence et environnement ; les normes internationales ISO 14.000 ; un projet d’instrument juridique sur l’environnement pour le MERCOSUR ; les systèmes d’information environnementale ; le contrôle « vert » (Sello verde Mercosur) permettant d’avoir des garanties sur les produits qui circulent sur le marché. Les nouveaux thèmes abordés de manière prioritaire par le MERCOSUR, en dehors des droits de propriété intellectuelle, concernent le management environnemental y compris les normes de qualité, les méthodes d’évaluation d’impacts environnementaux, les procédures de certification mais aussi la protection de la santé et de la qualité de la vie, la participation du public aux décisions et le renforcement de la coopération régionale. D. L’Asie 1. L’APEC Créé en 1989 à l’initiative de l’Australie, le Forum de coopération économique Asie-Pacifique a été relancé par le États-Unis en 1993. L’APEC rassemble les grandes économies riveraines ou proches du Pacifique : les pays de l’ALENA, de l’ASEAN, le Japon, la Chine, la Corée, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Chili, le Pérou et la Russie. Ce Forum, fortement soutenu par les Etats-Unis, pourrait être le cadre du rapprochement des politiques d’harmonisation des réglementations commerciales touchant à l’environnement, considérant notamment le modèle déjà mis en place avec l’ALENA. 2. L’ASEAN L’Association des nations du Sud-Est asiatique, créée le 8 août 1967 à Bangkok, regroupe à présent les dix États de la région : Birmanie, Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam. Il s’agit d’un simple accord économique qui vise à une meilleure coordination des politiques suivies par les pays membres sans ambition politique. La plupart des instruments adoptés par l’ASEAN n’ont pas de force contraignante : le consensus sur la foresterie tropicale (Jakarta, 12-14 août 1981) ; la Déclaration sur les parcs et réserves (Bangkok, 29 novembre 1984) ; 118 la Déclaration sur l’environnement de l’ASEAN (Bangkok, 29 novembre 1984) ; la Résolution de Jakarta sur le développement durable (30 octobre 1987) ; La Déclaration de Manille (15 décembre 1987) ; la Résolution sur l’environnement et le développement (Bandar Seri Begawan, 26 avril 1994) ; la Réunion ministérielle informelle sur l’environnement (Kuching Sarawak, 21 octobre 1994). – L’Accord sur la conservation de la nature et des ressources naturelles (non en vigueur) a été adopté à Kuala Lumpur le 9 juillet 1985. Cet Accord aborde dès son préambule l’interrelation entre la conservation et le développement socio-économique, considérant que la conservation est nécessaire pour assurer la durabilité du développement et inversement, que le développement socio-économique est nécessaire à la conservation. L’article 5 de l’Accord de Kuala Lumpur prévoit de réguler le commerce des espèces et des produits des espèces, les pays ayant la responsabilité de maintenir les populations des espèces endémiques au niveau le plus élevé possible. Le principe du respect des législations nationales et de la responsabilité des États qui en découle, ainsi que le principe de coopération pour le partage des ressources (article 19) constituent les fondements de cet accord précurseur à bien des égards de la prise en compte de l’environnement dans les politiques d’exploitation économique des ressources. – Le Plan stratégique pour l’environnement et l’Accord de libre-échange (Singapour, 1992) Le Plan stratégique pour l’environnement, adopté en 1994, marque le positionnement de l’ASEAN sur la relation entre commerce et environnement. Le plan se réfère à la Conférence de Stockholm de 1972, au PNUE puis à la CNUCED et à l’Agenda 21. L’un des objectifs est d’étudier les effets de l’AFTA (ASEAN Free Trade Agreement, Singapour, janvier 1992) sur l’environnement et de prévoir les étapes pour intégrer des politiques commerciales saines dans le développement de politiques environnementales. En dehors des textes spécifiques qui envisagent l’implication de l’ASEAN dans l’élaboration ou la mise en œuvre de politiques environnementales, les différents sommets67 ont été l’occasion de prendre position sur le rôle de l’organisation régionale sur certains domaines en lien avec l’environnement mais toujours dans la perspective principale de réaliser dans les meilleures conditions le développement économique. – le 5e sommet, Bangkok (Thaïlande), 1995 Ce sommet est l’occasion pour l’ASEAN d’adopter un Accord-cadre de coopération sur la propriété intellectuelle68. – le 6e sommet, Hanoï (Vietnam), 1998 67 Nous évoquerons les derniers sommets depuis 1995 dont les résultats touchent à la problématique environnementale. Le 7e sommet, Begawan, 5-6 novembre 2001 ayant abordé d’autres priorités (terrorisme, lutte contre le virus HIV, etc.) ne sera pas évoqué. 68 ASEAN, Framework Agreement on Intellectual Property Cooperation, Bangkok, 15 décembre 1995. 119 La Déclaration de Hanoï du 16 décembre 1998 (§ 25) précise que la protection de l’environnement est une base essentielle pour les activités économiques. Le plan d’action adopté à Hanoï prévoit, quant à lui, d’améliorer les possibilités de commercialisation des produits alimentaires, agricoles et forestiers par l’application de standards de qualité certifiant du respect des normes environnementales et d’une diversification des produits forestiers (§ 2.4.3 du Plan). Il prévoit également d’assurer une durabilité de l’approvisionnement en énergie en tenant compte de l’environnement. Une partie spécifique est consacrée au thème « Protection de l’environnement et promotion du développement durable » (partie VI). Dans ce cadre, des résolutions sont prises dans différents domaines avec des échéances pour leur réalisation : adopter un programme régional de l’eau d’ici 2001, conclure un Protocole ASEAN sur l’accès aux ressources génétiques d’ici 2004, mettre en œuvre un Plan de coopération sur les pollutions transfrontières à l’horizon 2001, créer un Centre météorologique spécialisé pour prévenir les pollutions transfrontières pour 2001, etc. – le 8e sommet, Phnom Penh (Cambodge), 2002 Un Accord sur le tourisme est conclu le 4 novembre, faisant référence à l’importance de conserver le patrimoine naturel et culturel de la région (article 5), de développer l’éco-tourisme et la coopération pour promouvoir l’activité touristique. Par ailleurs, une Déclaration sur la conduite de Parties dans la mer de Chine méridionale énonce l’obligation de coopération entre les Parties, notamment dans la perspective de protéger le milieu marin (article 6 a). L’approche régionale est souvent révélatrice des choix faits dans les politiques commerciales pour intégrer la dimension environnementale comme facteur de développement des échanges. Elle marque aussi la complexité des relations entre commerce et environnement et la difficulté de plus en plus grande d’envisager la protection de l’environnement indépendamment de tout objectif économique de développement. 120 QUESTIONS 1. Quelles sont les dérogations à la liberté du commerce et de la concurrence fondées sur la protection de l’environnement acceptées par le Traité de la Communauté européenne ? 2. Quel est l’apport de l’Accord de Cotonou par rapport à Lomé IV dans la coopération entre la Communauté européenne et les pays ACP ? 3. Quels sont les enjeux et les apports d’un régionalisme continental pour l’Afrique dans les négociations internationales ? 4. Quelles sont les dispositions qui lient commerce et environnement dans le Traité de l’ALENA ? 121 RÉPONSES 1. Les dérogations aux restrictions d’importation, d’exportation ou de transit doivent être justifiées par des raisons de (…) protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux (…) (art. 30, Traité CE). La notion de l’intérêt général, y compris les impératifs de l’environnement, ont été dégagés par la jurisprudence. Quant aux dérogations aux règles de concurrence, le progrès technique et l’impossibilité d’exécuter la mission impartie dans le cas des entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou ayant le caractère d’un monopole fiscal sont les deux exceptions prévues par le Traité. 2. Adaptation aux développements internationaux (compatibilité avec l’OMC – pas de dispositions asymétriques et paritaires), dimension sociale plus forte de la mondialisation. 3. Enjeux : divers pays aux intérêts différents et difficulté de les rassembler dans une seule organisation. Par conséquent, les voix individuelles se perdent dans les négociations internationales. Apports : Unifier le continent africain pourrait exercer plus de pression au niveau international. 4. Mesures sanitaires et phytosanitaires, les obstacles techniques au commerce (concernant le niveau de protection environnementale), harmonisation des normes concernant la santé, la sécurité et l’environnement, régime juridique des investissements (nouveauté). 122 BIBLIOGRAPHIE ABDELMALKI Lahsen, MUNDLER Patrick, Économie de l’environnement, Hachette, Collection Les Fondamentaux, Paris, 1997. ANDERSON Kym, BLACKHURS Richard, Commerce mondial et environnement, Economica, Paris, 1992. BOSSELMANN K., RICHARDSON B.J. et autres, Environmental Justice and Market Mechanisms, Kluwer, 1999. CAMERON J., DEMARET P., GERADIN D. (eds), Trade and the environment : the search for balance, London, Cameron May, 1994. DUTFIELD Graham, Intellectual property rights, trade and biodiversity. 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UNEP, The use of trade measures in selected MEAs (environment and trade series n° 10). Geneva, 1996. 125 EXAMEN FINAL Prière d’utiliser des feuilles de papier séparées pour répondre à ces questions aussi succinctement que possible. Renvoyez vos réponses en indiquant clairement votre nom et adresse, et le Cours auquel l’examen se rapporte à : UNITAR Programme Droit de l’environnement Palais des Nations CH-1211 Genève 10 Suisse Cour 9 Environnement et commerce 126 Cours 9 Environnement et commerce Agnès Michelot Examen Final I. Commerce et environnement dans l’ordre juridique international 1. Dans quelle mesure la mondialisation influence-t-elle les relations et les échanges internationaux sur le plan économique comme sous l’angle de la protection de l’environnement ? Replacez votre réponse dans le cadre du débat idéologique sur les implications de l’approche néo-libérale dans la mise en place de politiques environnementales. 2. Cas pratique : Pays X est membre de l’OMC et Partie contractante de la CITES. Pays Y est membre de l’OMC mais il ne fait pas partie de la CITES. Pays Z est une des Parties de la CITES mais pas du système de traités OMC. Pays X et Z refusent d’exporter un produit provenant d’une espèce de l’Annexe I de la Convention de Washington à pays Y car ce dernier ne figure pas parmi les États Parties. L’habitat de cette espèce rare et menacée d’extinction se trouve dans une réserve partagée et gérée conjointement par les pays X et Z. Cependant, ce produit étant indispensable pour l’industrie du pays Y, il conteste cette mesure auprès de l’OMC. Analysez la situation. II. Le droit international de l’environnement face au régime du commerce international 1. Comparez les mesures commerciales dans le cadre de la CITES et de la Convention de Bâle. 2. Quelles sont les procédures similaires de la Convention de Rotterdam de 1998 et du Protocole de Cartagena de 2000 ? En quoi se ressemblent-t-elles ? 3. Comment les mesures d’appui à la protection de l’environnement peuvent-t-elles conduire à des pratiques discriminatoires ? III. L’environnement : une lacune dans le système du commercial international 1. Si un pays décide de ne pas importer certains produits provenant de certains États afin de mieux protéger une ressource naturelle, quelles sont les conditions que cette restriction doit remplir afin d’être acceptée par l’OMC ? Utilisez des exemples pour illustrer les conditions en vertu des accords pertinents (GATT 1994, l’Accord sur l’agriculture, l’Accord SPS, l’Accord sur les obstacles techniques au commerce). 127 2. Comment le concept du transfert de technologie est-il en contradiction avec le système actuel de la protection de la propriété intellectuelle ? Quelles sont les possibles solutions offertes par les accords internationaux ou régionaux ? IV. Les accords régionaux : la recherche d’un équilibre entre commerce et environnement Comment les groupements régionaux de libre-échange peuvent-ils menacer la mise en œuvre des principes de l’OMS ? 128 Institut des Nations Unies pour la formation et la recherce (UNITAR) Adresse : UNITAR 11-13, chemin des Anémones CH-1209 Châtelaine Genève Suisse Adresse postale : UNITAR Palais des Nations CH-1211 Genève 10 Suisse Tél : +41 (0)22 917 1234 Fax : +41 (0)22 917 8047 Telex : 412962 (UNO CH) Câble: UNITAR/UNNATIONS Genève Site Web: http://www.unitar.org E-Mail: [email protected] 129 UNITAR L’institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR) a été créé en 1965 en tant qu’instrument autonome au sein de l’Organisation des Nations Unies afin d’aider celle-ci à atteindre ses objectifs au moyen de la formation et de la recherche. L’UNITAR est administré par un Conseil d’administration et dirigé par un Directeur général. Les ressources financières proviennent des contributions volontaires octroyées par les gouvernements, les organisations intergouvernementales, les fondations et par d’autres donateurs non gouvernementaux. L’UNITAR a les fonctions suivantes : Concevoir et organiser des programmes de formation à la diplomatie multilatérale et à la coopération internationale pour les diplomates accrédités auprès des Nations Unies et les responsables gouvernementaux nationaux qui, de par leurs fonctions, sont appelés à participer aux activités des Nations Unies. Préparer et mener une gamme étendue de programmes de formation dans le domaine du développement économique et social (le domaine de la gestion de l’environnement est devenu le secteur dans lequel l’UNITAR offre le plus de formations). Effectuer des recherches en vue d’améliorer les résultats obtenus en matière de formation pratique et plus particulièrement des recherches sur et pour la formation ; concevoir les outils pédagogiques y compris les outils de formation pour l’enseignement par correspondance, les manuels de formation, les logiciels et les vidéos. Etablir et renforcer la coopération avec les universités et autres instituts d’enseignement, en particulier pour le développement de la recherche et de la formation. 130