Financement de l’entreprise, risques et rôles des banques Le nouvel accord de Bâle répond-il correctement aux lacunes de son prédécesseur et quels sont les effets de cet accord? Bouchat Caroline, Romato Marie FUNDP, Namur 1er Master, Economie Financière 2010-2011 Prof. : Alain De Crombrugghe 1 Sommaire Introduction ............................................................................................................................................. 3 Partie 1 : Evolution de la réglementation bancaire sur les fonds propres ................................................ 4 Section 1 : Les accords de Bâle I de 1988 ........................................................................................... 4 Présentation ......................................................................................................................................... 4 Limites ............................................................................................................................................. 7 Section 2 : Les accords de Bâle II de 2004 ......................................................................................... 8 Présentation ..................................................................................................................................... 8 Limites ............................................................................................................................................. 9 Section 3 : Les accords de Bâle III de 2010 ...................................................................................... 11 Une redéfinition des fonds propres................................................................................................ 11 La mise en place d’un matelas de précaution et de mesures contre-cycliques .............................. 13 La mise en place de ratios ............................................................................................................. 15 Révision de la couverture de certains risques ................................................................................ 16 Partie 2 : Analyse de la nouvelle réglementation Bâle III ..................................................................... 17 Section 1 : Les effets sur les banques et actionnaires ........................................................................ 17 La banque ...................................................................................................................................... 17 Les actionnaires ............................................................................................................................. 20 Section 2 : Les effets sur la sphère réelle .......................................................................................... 21 Les créanciers des banques ............................................................................................................ 21 Les débiteurs des banques ............................................................................................................. 21 Section 3 : les limites de Bâle III....................................................................................................... 22 Une évaluation du risque peu fiable .............................................................................................. 22 Des exigences fonds propres trop faibles ...................................................................................... 23 Un système bancaire parallèle non régulé ..................................................................................... 23 Une régulation insuffisante pour les établissements systémiques ................................................. 24 Conclusion ............................................................................................................................................. 25 Bibliographie ......................................................................................................................................... 26 2 Introduction L’éclatement de la bulle immobilière en 2007 et la crise qui en a résulté ont mis en lumière les défauts de la réglementation bancaire et ont forcé les autorités internationales à considérer un nouvel accord concernant celle-ci. C’est ainsi que le Comité de Bâle a pris la décision de forcer les banques à implémenter ce nouvel accord. Ce travail a pour but de discuter de la solvabilité des banques par le biais des exigences de fonds propres. La première partie de ce travail se concentre sur l’évolution de la réglementation bancaire de 1988 à nos jours. Dans cette partie, nous détaillons les trois accords pris pas le Comité de Bâle : Bâle I en 1988, Bâle II en 2004 ainsi que Bâle III en 2010. Nous expliquons pourquoi il y a eu une telle évolution au sein de la réglementation bancaire et nous discutons des limites associées à ces accords. Nous présentons en détails la nouvelle réglementation de Bâle III et expliquons en quoi elle est différente de celle de Bâle II. Dans la seconde partie, nous discutons des effets de l’implémentation de Bâle III pour les banques, les actionnaires, ainsi que pour les créanciers et débiteurs de ces établissements de crédit. Enfin, nous identifions les lacunes et les limites émergeant du nouvel accord de Bâle III. 3 Partie 1 : Evolution de la réglementation bancaire sur les fonds propres Section 1 : Les accords de Bâle I de 1988 Présentation Avant les accords formels de Bâle de 1988, il existait une réglementation du capital bancaire qui exigeait un montant minimal de fonds propres. Cependant, cette réglementation n’était pas suffisante pour deux raisons : d’une part, un problème d’harmonisation et d’autre part, des risques non pris en compte. Premièrement, cette réglementation définit les fonds propres et donne un ratio minimal de fonds propres que les banques doivent atteindre. La définition des fonds propres ainsi que le ratio étaient très différents d’un pays à l’autre. De plus, dans certains pays, la réglementation était laxiste, ce qui apportait un avantage compétitif aux banques implantées dans ces pays. Nous distinguons donc un problème d’harmonisation. Ensuite, le second problème consiste en les risques non pris en compte. En effet, le développement rapide du marché des produits dérivés a entrainé une augmentation du risque de crédit pour les banques. Cependant, ce risque est plutôt représenté dans les activités hors bilan et celles-ci n’étant pas prises en compte pour calculer le ratio de fonds propres, le montant de ces fonds était alors insuffisant. Il a donc fallu une approche plus sophistiquée pour avoir un meilleur indicateur du risque total pris par les banques. Suite à ces deux problèmes, les autorités de gouvernance prudentielle ont alors formé en 1974 le Comité de Bâle1. Ce Comité, établi à la Banque des Règlements Internationaux à Bâle (Suisse), a pour but de discuter de la supervision bancaire. Les accords pris par ce Comité ont pour but principal de favoriser un système bancaire prudent et de renforcer la sécurité et la fiabilité du système financier en prônant une réglementation sur les fonds propres détenus par les banques. Ceux-ci sont ici la cible des accords pour plusieurs raisons. Premièrement, la banque se retrouve en meilleure position si une partie de son actif circulant n’est pas financée par des ressources (créances) qui viendront à échéance dans l’année mais bien si une partie de 1 Le Comité se compose de représentants des banques centrales et des autorités prudentielles des treize pays suivants : Allemagne, Belgique, Canada, Espagne, États-Unis, France, Italie, Japon, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse. En 2009, élargissement à l'Australie, au Brésil, à la Chine, à la Corée, à l'Inde, au Mexique, à la Russie, à Hong Kong, à Singapour, à l’Afrique du Sud, l’Arabie saoudite, l’Argentine, l’Indonésie et la Turquie. 4 celui-ci se trouve financée par du capital. Autrement dit, elle est en meilleure position si son actif circulant est financé par des ressources que la banque conserve longtemps. Deuxièmement, les gouvernements de certains pays fournissent aux banques des assurances dépôts pour protéger les déposants. Cette assurance mène à de l’aléa moral. En effet, les banques ont tendance à prendre des actifs plus risqués, et ceci sans perdre les déposants protégés par l’assurance dépôts. Il est donc nécessaire d’exiger un montant minimal de fonds propres afin de réduire cet aléa moral. Troisièmement, le rôle de la banque est de récolter de l’information pour réduire l’asymétrie d’information sur le marché du crédit. Afin que les déposants soient certains que la banque remplisse bien cette tâche, il faut créer des incitants. Ceux-ci sont alors représentés par les exigences de fonds propres. En effet, celles-ci vont permettre de donner à la banque une crédibilité face à ses déposants. Quatrièmement, les banques utilisent l’effet levier. En effet, la part de leurs fonds propres est relativement faible. Ceci a pour but d’augmenter le rendement des fonds propres (ROE). La réglementation portant sur les fonds propres va alors réduire cet effet ainsi que les risques qui lui sont associés. Venons-en alors au premier accord2 pris par le Comité de Bâle en 1988. Cet accord est la garantie d’une certaine solvabilité des établissements de crédit. Pour ce faire, le Comité de Bâle a introduit le ratio Cooke, également appelé ratio de solvabilité international. Ce ratio exige un niveau de fonds propres proportionnel à la valeur des actifs des banques : les fonds propres doivent constituer au minimum 8% des actifs totaux de la banque et des activités hors bilan avec pondération par des coefficients de risque (variant de 0 à 1 selon la qualité de l’emprunteur, où coefficient de risque = 1 lorsque le risque a de fortes chances de se réaliser). Ce premier ratio exige de la banque un niveau de fonds propres proportionnel au risque de crédit auquel la banque est exposée. Ce ratio Cooke incite donc la banque à limiter les risques qu’elle prend. Ce ratio, entré en vigueur dans l’ensemble des banques de l’Union Européenne en 1992, est le suivant : Ratio Cooke 2 Appelé « Accord de Bâle de 1988 » ou « Bâle I ». 5 Nous constatons alors que les deux problèmes concernant la réglementation bancaire avant 1988 sont solutionnés. En effet, l’introduction du ratio au sein de l’Union européenne résout le problème d’harmonisation ; et la prise en compte des risques hors-bilan résout le problème des risques non pris en compte. En 1996, un amendement fut introduit pour tenir compte d’une partie du risque de marché croissant. L’augmentation des risques de marché est principalement due au développement des produits dérivés. Le ratio Cook peut alors être écrit de la manière suivante : Ratio Cooke Cet amendement de 1996 implique de conserver du capital pour les actifs et les dettes détenus pour les activités de trading, activités caractérisées par un risque de marché élevé. L’amendement mentionne une approche standard pour mesurer la charge de capital pour le risque de marché. Les banques les plus sophistiquées avec des fonctions de gestion de risque étaient autorisées à user d’une approche de modèle interne (Value At Risk ; Expected Shortfall) pour mettre en place leur couverture du risque de marché. Ces méthodes sont utilisées car elles reflètent mieux les bénéfices de la diversification et amènent à des exigences plus faibles sur capitaux. En général, la méthode de la Value At Risk est la plus utilisée malgré les meilleures propriétés théoriques de la théorie « Expected Shortfall ». Concrètement, la méthode Value at Risk implique que l’on tienne compte du calcul de la VaR3. Cette méthode permet d’évaluer dans un intervalle de confiance déterminé, la perte potentielle maximale que la banque pourrait subir pendant une période de détention donnée. La VaR est fonction de deux paramètres : la période de temps (T) ; et le seuil de confiance, X %. C’est le niveau de perte durant ce lapse de temps T que nous sommes sûr à X% de ne pas dépasser. La VaR est calculée suivant une distribution de probabilité des gains durant T périodes ou d’une distribution des pertes durant T périodes. Lorsqu’on use de la distribution des gains, la VaR est égale à moins le gain au (100 – X)ième quantile de la distribution4. Ainsi, les régulateurs vont calculer la couverture du risque de marché comme un multiple de la VaR, calculée ici avec un horizon temporel de dix jours et à un seuil de confiance de 99% (la perte a 1% de chance d’être dépassée sur la période de dix jours). 3 Value At Risk Pour T = 5 jours et X=97%; VaR vaut – (le troisième) quantile de la distribution des gains dans la valeur du portefeuille sur les cinq jours qui suivent. 4 6 Ensuite, il faut la convertir en exigence sur les fonds propres en usant d’une formule prévue à cet effet. Pour conclure, le total des capitaux que la banque devrait posséder revient à faire la somme de : (a) la charge de couverture du risque de crédit (RWA)5 (b) la charge de couverture du risque de marché6. L’accord de 1988 et l’amendement fait en 1996 conduisent le Comité de Bâle à distinguer plusieurs limites à cet accord, limites qui font l’objet de notre paragraphe suivant. Limites Premièrement, la méthode de calcul de la Value-At-Risk ne donne des calculs des risques cohérents que lorsque quatre conditions sont remplies : l’uniformité (un portefeuille qui fait les pires résultats comparé à d’autres portefeuilles pour tous les états du monde possibles doit avoir une mesure de risque plus grande), l’invariance de la translation (en ajoutant un montant J au portefeuille, on réduit la mesure du risque de J), l’homogénéité (en multipliant la taille du portefeuille par λ, la mesure du risque est aussi multipliée par λ) et la sous-additivité (l’impact sur la mesure du risque lorsqu’on fusionne deux portefeuilles ensemble ne doit pas être plus grande que la somme des mesures de risque de chaque portefeuille). La VaR respecte les trois premières conditions mais pas la quatrième, cette condition portant sur la diversification du portefeuille de titres. En effet, en pratique, il n’est pas rare pour une banque d’avoir une VaR totale qui monte lorsqu’elle combine son portefeuille de capitaux propres et celui des revenus fixes. En plus du non respect de la quatrième condition, la méthode VaR ne prend pas en compte les volatilités historiques ni la possibilité d’avoir un assèchement de la liquidité rendant telle ou telle position indénouable. Nous pouvons donc conclure en disant que la VaR ne donne pas une mesure cohérente du risque : il y a un biais. Deuxièmement, cette réglementation bancaire pèse sur la rentabilité des fonds propres de la banque ( rE = résultat net / fonds propres : si on augmente les fonds propres, rE diminue). Pour palier à cette diminution du rendement de l’actionnaire, la banque réaménage son 5 Risk-Weighted Assets les exigences de capital sont de k*VaR+SRC, où k est un facteur multiplicatif et SRC est la charge de risque spécifique 6 7 portefeuille en respectant la contrainte sur le capital. Cette restructuration conduit la banque à s’engager dans des actifs plus risqués. Elle a donc une probabilité de faillite plus grande. Ainsi, ces deux limites principales vont conduire le Comité à envisager un nouvel accord. Nous discutons de ce nouvel accord dans la section suivante. Section 2 : Les accords de Bâle II de 2004 Présentation Le second accord7 pris par le Comité de Bâle repose sur trois piliers devant contribuer à la sécurité et solidité du système financier: l’exigence minimale des fonds propres, la surveillance des marchés et la discipline de marché. Comme précisé dans l’introduction, nous nous concentrons ici sur le premier pilier. Par le biais de ce second accord, les autorités veulent pousser les banques à améliorer leur capacité de mesure, de gestion et de couverture de leurs risques afin de protéger leur solvabilité et de renforcer la stabilité financière à l’aide d’un ratio mieux proportionné aux risques. Ainsi, les exigences de fonds propres couvrent une plus large palette de risques : le risque de crédit, le risque de marché et le risque opérationnel. La prise en compte du risque opérationnel constitue une nouveauté. Le Comité de Bâle a décidé d’introduire ce risque dans le ratio de fonds propres pour les raisons suivantes : le nombre croissant d’erreurs informatiques et la volonté du régulateur que les établissements de crédit soient plus sensibles aux problèmes de fonctionnement interne. De plus, Bâle II permet également aux banques de développer, dans certaines conditions, des modèles internes pour évaluer leur risque de crédit mais la Value At Risk reste un modèle très apprécié pour les raisons citées plus haut. Le ratio Mc Donough intègre à présent le risque opérationnel et de nouvelles mesures de risque de crédit (plus moderne au vue de l’évolution des techniques). Il est défini comme ceci : 7 Appelé « Nouvel Accord de Bâle » ou « Bâle II ». 8 Nous constatons alors qu’un des deux problèmes des accords de Bâle I est solutionné grâce aux accords de Bâle II. En effet, les banques vont réduire leurs risques pris car elles doivent répondre à des exigences de fonds propres plus élevées à mesure que le risque augmente. Notons qu’il existe toujours un biais dans le calcul du montant minimal de fonds propres exigé. Cette limite est en partie le sujet de notre paragraphe suivant. Limites 1. Comme précisé ci-dessus, il existe toujours un biais dans le calcul de la mesure du risque. Ceci mène donc à des exigences arbitraires sur les fonds propres. 2. Les accords de Bâle II posent un second problème : les nouvelles exigences de fonds mènent à un conflit d’intérêts pour les banques. D’une part, les régulateurs veulent que les banques respectent les exigences de solvabilité. D’autre part, les bailleurs de fonds contrôlent la rentabilité des fonds propres : ils veulent une rentabilité élevée et craignent que les nouvelles exigences de fonds propres ne diminuent leur rentabilité par la diminution de l’effet levier. Une solution que les banques vont exploiter est de ne plus porter une large part des risques qu’elles produisent en les transférant par titrisation8, opérations de dérivés de crédits ou de structuration de produits à d’autres intermédiaires financiers n’étant pas soumis aux exigences de fonds propres. En conséquence, ces transferts de risque opérés par la banque ont fortement réduit les incitants à effectuer une sélection dans les crédits et à suivre les risques qui y étaient associés. Son rôle de récolteur d’information (et par là, de réducteur d’asymétrie de l’information) se voit ici réduit par le fait qu’elle a moins d’incitants à chercher l’information. La mise en place de l’accord de Bâle II a donc eu un impact direct sur l’usage croissant de la titrisation par les banques. De plus, l’aléa moral a ici un effet amplificateur de la titrisation. Distinguons ici la titrisation et l’aléa moral. Premièrement, la titrisation, comme cité plus haut, est un moyen pour les banques de « transférer » le risque de crédit de différentes créances. L’établissement bancaire qui cède ces crédits dont il est lui-même à l’origine peut continuer ses opérations avec des fonds propres intactes. Ce modèle est appelé « originate and distribute » : très simplement, la banque fait signer les contrats, emballe divers produits ensemble et les vend « vite » à un De manière plus formelle, c’est une opération financière consistant à transformer des crédits peu liquides en titres facilement négociables sur un marché (Assets Backed Securities). On finance généralement l’acquisition de ces crédits par l’émission de titres sur le marché. Les acheteurs de ces titres perçoivent de manière indirecte les remboursements issus des crédits. 8 9 autre agent. Ainsi, la manière dont ont été réalisées les opérations de titrisation a été amplificateur de la crise : les banques constituaient en pratique des paquets de crédits mis à l’actif de véhicules (Special Purpose Vehicule ou SPV) mélangés avec d’autres crédits hypothécaires. Les risques ont été sous-évalués notamment parce que les investisseurs, après la débâcle du secteur de l’Information & Telecommunication, se sont rués vers le marché de l’immobilier réputé comme plus sûr et plus rémunérateur. Ainsi, on mesurait les risques de défaillance de ces paquets de crédits en supposant qu’ils étaient inférieurs aux risques des crédits pris un à un : ce n’est vrai que s’ils ne sont pas corrélés les uns avec les autres, ce qui n’étaient pas le cas puisqu’ils étaient reliés au marché immobilier US. Ainsi, la chute des prix dans l’immobilier US a provoqué un effondrement des valeurs des actifs des véhicules. Deuxièmement, les crédits hypothécaires titrisés sont moins supportés par les banques qui les ont émis : une fois leur commission rémunérée, elles effectuent la revente. Ainsi, les banques visent la quantité des crédits et non plus leur qualité étant donné qu’elles sont moins sensibles à la probabilité que le risque devienne réel puisqu’elles le transfèrent. De ce fait, le problème d’aléa moral va amplifier le mécanisme de titrisation. De plus, nous pouvons épingler d’autres facteurs qui ont amplifié la crise dont des rendements élevés des fonds propres attendus par les investisseurs, annoncés par les analystes et promis par les directeurs qui ont poussé la banque à recourir à la titrisation. En prenant moins de risque ou en transférant ceux-ci, les banques faisaient face à moins d’exigence par rapport à leurs fonds propres. Cas : La faillite de Lehman Brothers annoncée en septembre 2008 Avant l’éclatement de la bulle immobilière, les banques faisaient tout pour accroître la rentabilité de leurs fonds propres : Lehman Brothers n’échappait pas à ce vice. En effet, grâce à des techniques comptables, la société a pu cacher des niveaux d’endettement très élevés et user d’un effet de levier très important. Avec des dettes très élevées et des capitaux propres à un niveau très bas, la société n’a pu faire face à ses engagements durant la crise. En conclusion, la régulation a amené les banques à un usage croissant du mécanisme de titrisation pour contourner les exigences accrues sur les fonds propres. Dans un contexte de crise due à un effet levier très grand et à l’éclatement de la bulle immobilière, ce mécanisme de titrisation a aggravé la crise. Il est une question qui survient alors : trop de régulation ne tuerait-il pas la régulation ? 10 3. Enfin, le troisième problème lié à la réglementation de Bâle II est l’effet pro-cyclique des fonds propres. En effet, la réglementation sur les fonds propres tend à avoir un caractère procyclique lorsque la conjoncture économique traverse une période de récession. Nous observons (schéma 1) que lors d’un ralentissement économique, les risques de défaillance augmentent. Les actifs pris par les banques en octroyant du crédit sont donc plus risqués. Pour un montant de fonds propres donné, les banques vont alors diminuer leurs crédits octroyés. Schéma 1 : l’effet pro-cyclique des fonds propres En conclusion, les limites citées ci-dessus conduisent à la possibilité qu’un troisième accord voit le jour d’ici peu. C’est ce nouvel accord qui fait l’objet de notre prochaine section. Section 3 : Les accords de Bâle III de 2010 Le dimanche 12 septembre 2010, le Comité de Bâle a voté « Les accords de Bâle III ». Ces accords ont été confirmés lors du Sommet du G20 à Séoul les 11 et 12 novembre dernier. Ces accords, portant sur la réglementation bancaire, ont pour objectif de s’assurer, qu’à l’avenir, les banques pourront absorber des pertes importantes et d’éviter des faillites telles que celle de Lehman Brothers. Cette réglementation est plus complète que la précédente et répond aux limites des accords de Bâle II. Détaillons alors les points présents dans les accords de Bâle III et expliquons les différences avec Bâle II. Une redéfinition des fonds propres Bâle III introduit une nouvelle structure des fonds propres. Détaillons d’abord la structure des fonds propres sous l’accord de Bâle II. Les fonds propres sont divisés en trois « Tier » : 11 - Tier 1 : il est composé de deux parties. Premièrement, le noyau dur (également appelé Core Tier 1) qui lui-même est composé des actions ordinaires et des bénéfices mis en réserve. Deuxièmement, le capital qui se situe entre le noyau dur et les dettes subordonnées. - Tier 2 : les dettes subordonnées qui ont une capacité d’absorption de pertes beaucoup plus faible - Tier 3 : instruments de capital qui sont destinés à la couverture du risque de marché pour s’assurer que ce risque soit géré à une qualité égale par rapport aux risques opérationnel et de crédit. Selon les accords de Bâle II, le montant du capital doit être de 8% des actifs pondérés. Ces 8% sont détaillés de la manière suivante : - 4% pour le Tier 1 : dont 2% de noyau dur et 2% du capital entre le noyau dur et les dettes subordonnées - 4% pour le Tier 2. Selon le Comité de Bâle, les fonds propres d’une banque peuvent être de meilleure qualité que d’autres en ce qui concerne la capacité d’absorber les pertes. Bâle III va alors redéfinir les fonds propres pour, d’une part améliorer la qualité du noyau dur et, d’autre part, augmenter le montant total des fonds propres, donc la quantité. En ce qui concerne le Tier 1 et le Tier 2, ils sont définis de la même manière que sous les accords de Bâle II. Cependant, des déductions doivent être faites pour le Tier 1. En effet, il y a certains éléments qui ne rentrent plus dans la définition du capital. Il s’agit du goodwill, des intérêts minoritaires9, des approvisionnements pour déficit et les actifs d’impôts différés et enfin les investissements dans les autres institutions financières telles que ses propres parts ou celles que la banque possède dans une compagnie d’assurance. Le but de cette dernière suppression étant d’éviter le double comptage de capital. Notons par ailleurs que le noyau dur sous Bâle II est appelé le Common Equity sous Bâle III. Enfin, Bâle III va éliminer le Tier 3. En ce qui concerne la quantité des fonds propres, Bâle III fait passer le Tier 1 de 4% à 6% et le noyau dur de 2% à 4.5% (appelé Common Equity) du total des actifs pondérés par les risques. Quant au Tier 2, il peut être de maximum 2% étant donné que le montant total des capitaux requis reste de 8%. A première vue, ce minimum de 8% pourrait laisser croire qu’il 9 Les intérêts minoritaires représentent la quote-part du résultat net de filiales consolidées revenant aux actionnaires minoritaires de ces filiales et non à la société mère. 12 n’y a pas d’augmentation du capital. En réalité, il y a bien augmentation du capital requis par l’introduction de deux coussins (le coussin de conservation et le coussin contre-cyclique). En ce qui concerne la qualité des fonds propres, on observe aisément que celle-ci est améliorée dans la mesure où la part des fonds propres de meilleure qualité (le Common Equity) passe à 4,5%. En conclusion, les établissements de crédit devront non seulement prévoir une part plus importante dans leur bilan pour les fonds propres mais elles devront également tenir compte du fait que le nouvel accord prend en considération moins de postes que le précédent pour calculer le pourcentage effectif de capital. La mise en place d’un matelas de précaution et de mesures contre-cycliques Le matelas de précaution Le matelas de précaution est une nouveauté à part entière dans les accords de Bâle III. Ce matelas est composé d’actions ordinaires et vient s’ajouter au Common Equity. Celui-ci s’élève alors à 7% (4.5% de fonds propres en temps que tels et 2.5% de matelas de précaution). Nous observons que, grâce à ce matelas de précaution, il y a un renforcement de la qualité ainsi que de la quantité des fonds propres. En réalité, ce matelas a pour objectif de s’assurer que les banques puissent maintenir un niveau de capital minimum lors de récession économique (en cas de pertes). Les banques qui ne satisfont pas à cette mesure ne pourront ni payer des dividendes, ni donner des bonus à leurs employés. Au vu des deux premières règles prudentielles (la définition des fonds propres et le matelas de précaution), nous pouvons dire que le Common Equity doit être de 4.5% en 2015 et que le matelas de précaution de 2.5% doit être mis en place pour 2019, ce qui portera le Common Equity à 7%. Comme nous le remarquons, il existe une période de transition pour la mise en place des nouvelles exigences de fonds propres afin que celles-ci n’entravent pas la reprise économique mondiale. En effet, augmenter les exigences de fonds propres pour les banques a un impact sur plusieurs acteurs économiques présents dans la sphère réelle et la sphère financière. Nous nous attardons sur les effets de ce nouvel accord dans la partie 2. Le matelas contre-cyclique Le nouvel accord prévoit également la mise en place de mesures contre-cycliques, ce qui est également une nouveauté dans les accords de Bâle III. Les banques vont devoir créer un 13 « coussin contre-cyclique » : ce coussin servira à fournir des liquidités à la banque en cas de grosses pertes, évitant ainsi de devoir lever tout de suite de nouveaux capitaux. composé d’actions ordinaires et également d’autres formes de capital. Il est Ce matelas de précaution variera de 0% à 2.5% du total du bilan. Ce coussin contre-cyclique répond bien au problème de pro-cyclité des Accords de Bâle II. Pour appliquer l’utilité économique de ce coussin, raisonnons comme si nous étions en période de récession. Nous prenons cette approche car le concept de procyclité de Bâle II dit que : « en période de récession, les exigences de fonds propres ont un effet procyclique, c’està-dire qu’elles amplifient la récession ». Le schéma 2 représente l’effet du coussin contre-cyclique en période de récession et/ou de ralentissement économique. Schéma 2 : effet du coussin contre-cyclique en période de récession et / ou de ralentissement économique. Coussin Contre Cyclique Lors d’un ralentissement économique ou d’une récession, les notations des contreparties se dégradent. Il y a donc de plus en plus de risques de non remboursement, ce qui entraîne un risque de défaillance plus important. C’est ici que le coussin contre-cyclique des Accords de Bâle III prend tout son sens. Avec la réglementation de Bâle II, les banques accorderont moins de crédits car ceux-ci sont de plus en plus risqués. Pour un montant de fonds propres donnés (montant qui correspond à 8% des actifs pondérés par les risques), si les crédits sont beaucoup plus risqués, les banques en octroieront moins. Cette diminution d’octroi de crédit ne permet pas à l’économie de se relancer, il y a donc bien procyclité. Au contraire, avec la 14 nouvelle réglementation, le coussin constitue une mesure contre-cyclique : grâce à ce mécanisme, les crédits accordés par les banques en période de récession diminueront moins. En effet, l’augmentation du risque de défaillance n’oblige pas les banques à prendre des mesures de resserrement de crédit car elles peuvent puiser dans le coussin. De plus, les banques peuvent également y puiser pour absorber de grosses pertes sans devoir relever le montant des fonds propres. Les entreprises et particuliers peuvent donc toujours avoir accès au crédit et de cette manière relancer l’activité économique. Nous observons alors que l’introduction de ce coussin permet de résoudre le problème de procyclité des Accords de Bâle II. La mise en place de ratios Ratios de liquidité pour les banques internationales L’accord de Bâle III est centré sur deux nouvelles mesures standards pour mettre en place des niveaux minimum de liquidité. Deux ratios concernant la liquidité vont être introduits. Nous distinguons le Liquidity risk coverage ratio (ou LCR) et le Net stable funding ratio (NSFR). Premièrement, le LCR est un ratio de court terme imposant aux banques internationales de détenir des actifs sans risque facilement négociables (transformé en cash assez rapidement) afin de pouvoir faire face à une crise pendant 30 jours. Ces actifs sans risque comprennent des emprunts d’Etat ainsi que des obligations d’entreprises de grande qualité. Le ratio LCR est le suivant : Où « high quality assets » peut inclure des actifs corrélés faiblement à des actifs risqués ; et « net cash outflows » correspond à la différence entre le cash outflows et le cash inflows. Deuxièmement, le NSFR est un ratio de long terme qui remplit le même objectif que le ratio de court terme : son but est d’inciter les banques à se financer par des sources plus stables. Ici, la banque doit pouvoir résister à une crise pendant un an. Le ratio NSFR est le suivant : 15 Où le financement stable disponible représente entre autre l’ensemble du Tier 1 & Tier 2 et les actions privilégiées non présentes dans Tier 2 à maturité supérieur à un an. Le financement stable requis est basé sur le bilan et les expositions des postes hors bilan. Il inclut notamment le cash et les titres à moins d’un an. Un ratio dit « effet de levier » = leverage ratio Le ratio de levier permet d’évaluer la taille des engagements d’une banque par rapport à la taille de son bilan. Bâle III introduit une nouvelle fonction pour ce ratio existant déjà dans les accords précédents : il servira non plus à mesurer l’exposition au risque de la banque (pilier 2), mais servira plutôt comme un outil pour calculer les exigences de fonds propres (pilier 1). Sa nouvelle fonction lui permettra de prévenir les leviers excessifs menant à des resserrements du crédit dans des situations de crise. Il s’agit en fait d’un simple ratio basé sur le Tier 1 avec un traitement à 100% de toutes les expositions de risque nettes de provisions. Révision de la couverture de certains risques Cette révision a pour but de renforcer les exigences de capital pour l’exposition au risque de contrepartie émergeant des dérivés, des repos et de l’activité de financement par les titres. Les banques devront alors passer d’une exposition sur le marché des dérivés OTC à une contrepartie centralisée pour le règlement de leurs opérations. La pondération du risque pour les opérations passant par la compensation centralisée sera de 1% à 3% et elle sera plus élevée pour les opérations ne passant pas par la compensation centralisée. 16 Partie 2 : Analyse de la nouvelle réglementation Bâle III Dans cette partie, nous présentons les effets de l’implémentation de ces nouvelles règles tant sur la sphère financière que sur la sphère réelle. Dans la première section, nous discutons des effets sur les banques en tenant également compte des actionnaires. Dans la seconde section, nous nous attardons sur les effets sur la sphère réelle. Section 1 : Les effets sur les banques et actionnaires La banque Les nouvelles règles de fonds propres de Bâle III imposées aux banques viennent renforcer le bilan de celles-ci. En effet, les banques auront des fonds propres en plus grande quantité et également des fonds propres de meilleure qualité. Ceci leur permettra de faire face plus facilement à des crises et d’avoir une meilleure stabilité financière. Afin de répondre à ces exigences de fonds propres, les banques vont devoir augmenter leur capital. Elles ont la possibilité d’augmenter leur capital de différentes manières. Selon la théorie de la hiérarchie qui tient compte des coûts d’agence et de contrôle, les banques vont d’abord augmenter leur capital par un financement interne (mise des bénéfices en réserve) et puis par l’émission de nouvelles actions. Analysons alors, dans l’ordre de la théorie de la hiérarchie, les différents modes de financement auxquels les banques peuvent avoir recours et voyons si ces modes de financement peuvent avoir des effets néfastes. Le financement interne par la mise en réserve des profits est le meilleure mode de financement selon la théorie de la hiérarchie. Cependant, notons que les bénéfices mis en réserve ne peuvent pas être réinvestis dans autre chose comme par exemple : l’amélioration du système informatique, la recherche d’informations sur les clients, etc. La deuxième manière d’augmenter le capital est l’émission d’actions. Un problème majeur de l’émission d’actions est un effet signal négatif et une dilution du capital pour les actionnaires déjà présents. L’augmentation de capital va avoir un impact sur les actionnaires, impact que nous détaillerons par la suite. En ce qui concerne l’émission d’actions, il est important d’introduire une seconde théorie : la théorie séquentielle. Selon cette théorie, l’émission d’actions doit se faire quand le marché boursier est porteur. La banque devrait alors choisir le bon moment pour émettre de nouvelles actions. À première vue, nous pourrions penser que les exigences de fonds propres vont mener les banques à émettre des actions dans l’immédiat et qu’elles ne pourront pas les émettre quand le marché 17 est porteur. Ce problème est en quelque sorte solutionné par la période de transition qui s’étend jusque 2019. Nous pouvons donc penser que d’ici 2019, le marché boursier sera assez porteur pour permettre aux banques de se recapitaliser par l’émission d’actions. Il est alors intéressant de se pencher sur certaines banques et de voir ce qu’il en est de leur capacité à satisfaire les nouvelles exigences de capital. Tout d’abord, analysons le cas de BNP Paribas. Le directeur Baudouin Prost affirme que « BNP Paribas se sent suffisamment solide pour ne pas avoir à augmenter son capital suite aux nouvelles normes de Bâle III ». En effet, grâce à la baisse du coût de leurs risques et au dynamisme de leur activité de financement de l’économie réelle, BNP Paribas réalise de gros bénéfices. En mettant chaque année deux tiers de ces bénéfices en réserves, la banque pourra alors satisfaire aux exigences de fonds propres de Bâle III sans recourir à une émission d’actions. Penchons-nous maintenant sur la Société Générale. Pour 2013, la banque aura un niveau de fonds propres durs de 7.5%, ce qui répond aux exigences de Bâle III. Ceci pourra être obtenu sans augmentation de capital par émission d’actions. En effet, la Société Générale va mettre ses bénéfices en réserves. Notons qu’elle maintient un taux de paiement de dividendes de 35%. Suite à l’analyse du cas de BNP Paribas et de la Société Générale, nous remarquons que les exigences de Bâle III semblent tout à fait réalisables. Cependant, il faut garder à l’esprit que ces banques sont de grandes banques. Voyons alors ce qu’il en est pour les plus petites banques. Pour celles-ci, il sera plus difficile de trouver du capital supplémentaire. Prenons l'exemple des banques coopératives pour lesquelles il sera particulièrement difficile vu qu’elles devront trouver de nouveaux coopérateurs pour augmenter leur capital. Le Crédit Agricole, banque coopérative, s’interroge actuellement concernant cette implémentation. Comme le souligne Luc Versele, CEO du Crédit Agricole, cette réglementation affecte les petites banques qui n’ont pas causé la crise. En outre, en plus de la difficulté à trouver du nouveau capital à injecter dans la banque, il faut respecter le code des sociétés et la loi pour les coopératives où les augmentations de capital sont strictes. Le CEO craint que, à plus long terme, le Crédit Agricole et d’autres petites banques ne perdent leur propre identité. En conclusion, les grandes banques pourront plus facilement faire face aux nouvelles exigences que les petites banques. Mais de manière agrégée, il y aura un déficit de capital. Il est alors intéressant de comparer la situation pour les banques européennes et les banques américaines. Selon McKinsey&Company, l’Europe va faire face à un déficit de capital de 18 l’ordre de 1 050 milliards d’euros et les Etats-Unis feront quant à eux face à un déficit de capital de 600 milliards d’euros. Nous observons que le déficit de capital sera assez conséquent aussi bien pour les banques européennes que pour les banques américaines. Le déficit est dû d’une part à l’augmentation des exigences de fonds propres et à l’introduction de nouveaux ratios de liquidités et d’autre part à la suppression de certains éléments pris en compte dans le capital. Il en résulte donc que les banques seront obligées de prendre des mesures pour atteindre les nouvelles exigences. Les solutions prises par les banques sont de trois ordres (McKinsey&Company, 2010) : une meilleure gestion du capital et de la liquidité, une restructuration du bilan ainsi que de nouveaux modèles d’ajustement. En ce qui concerne la meilleure gestion du capital et de la liquidité, les banques vont développer deux actions. Celles-ci permettront de résoudre le problème de gaspillage de capital et de liquidité émergeant d’une implémentation inefficace de la nouvelle réglementation. Premièrement, elles peuvent améliorer l’efficacité de leur capital dans leur trading book (activités de la salle de marché et de change) : notamment en introduisant une gestion de la contrepartie centralisée et en mettant en place un modèle interne CRM (comprehensive risk measure). Deuxièmement, elles peuvent mettre en place des pratiques de gestion de la liquidité et du financement passant par trois leviers alternatifs. Le premier est le développement au niveau des entreprises d’une gestion du financement et de la liquidité. Le second est la mise en place d’un tableau de bord permettant une vue plus précise de la position de liquidité de la banque. Le troisième est l’implémentation d’un plan de financement intégré à l’entreprise. Concernant la restructuration du bilan, les banques vont optimiser leur bilan et faire en sorte qu’il soit plus balancé qu’avant. Par un bilan balancé, on entend que les actifs de court terme sont de plus en plus financés par du passif de court terme et les actifs de long terme sont financés par du passif de long terme. Les banques vont de plus en plus tenir compte de l’interdépendance entre l’actif et le passif : elles ne peuvent pas optimiser l’un sans optimiser l’autre. Enfin, les banques vont développer des modèles prenant en compte la révision de la profitabilité de leurs opérations commerciales et le coût du financement compte tenu de la rareté du capital et de son coût dans le futur. Ainsi, elles pourraient développer un assortiment de produits ; et une révision des coûts de base et des prix des actifs. 19 Les actionnaires L’augmentation des fonds propres va également avoir des impacts sur les actionnaires. Lorsque l’augmentation de capital se fait par financement interne, les actionnaires voient cela d’un mauvais œil car les bénéfices mis en réserve ne serviront pas à payer des dividendes. Or, la politique de paiement des dividendes doit être stable. Lorsque l’augmentation de capital se fait par émissions d’actions, il y a une dilution du capital En émettant des actions, la banque va demander un prix plus faible que le cours actuel pour attirer de nouveaux investisseurs. En conséquence, les actionnaires voient la valeur des actions qu’ils détiennent diminuer. Le capital ancien coté à PH est dilué dans du nouveau coté à PL, avec PL < PH. La réglementation de Bâle III a donc pour effet une augmentation de la part du capital dans le bilan. Les actionnaires voient alors leur rendement diminuer. En effet, ROE (return on equity) était d’environ 15% avant la crise et suite à la nouvelle réglementation, on prévoit une diminution de 400 points de pourcent. Lors de notre analyse de l’impact de Bâle III sur le rendement des actionnaires, il est également intéressant de faire une distinction entre les banques d’investissement et les banques commerciales. Les banques d’investissement ont des activités beaucoup plus risquées que les activités des banques commerciales. En effet, les banques d’investissements sont, en partie, spécialisées dans le financement à long terme des entreprises : elles placent les actions des entreprises auprès d’investisseurs finaux. Ces banques pratiquent également la gestion de fonds de pension, ou encore de fonds institutionnels. Alors que les banques commerciales prêtent et empruntent à court terme, ce qui correspond à des activités beaucoup moins risquées. Comme le niveau des fonds propres doit être en adéquation avec les risques pris, il est aisé de comprendre que les banques d’investissement devront faire face à des augmentations de capital beaucoup plus fortes, ce qui réduira beaucoup plus le rendement des actionnaires. En conclusion, les actionnaires des banques d’investissement seront plus touchés par une diminution de leur rendement que les actionnaires des banques commerciales. Cependant, il existe des aspects positifs pour l’actionnaire. Comme la banque doit avoir des fonds propres en fonction du risque qu’elle prend, celle-ci ne va pas octroyer des crédits à des 20 contreparties trop risquées. Ceci réduit donc le risque de faillite, ce qui est bénéfique pour l’actionnaire car la probabilité de perdre sa mise sera plus faible. Section 2 : Les effets sur la sphère réelle Les créanciers des banques En considérant nos agents rationnels, nous pourrions affirmer que l’effet de l’annonce du nouvel accord et son implémentation va redonner confiance aux épargnants dans le système bancaire. En conséquence, ils seraient plus enclins à placer de grosses sommes d’épargne dans une banque. Néanmoins, l’épargnant peut se poser la question de la rémunération de ses dépôts. En effet, la banque pourrait diminuer les taux de rendement sur les dépôts afin d’augmenter sa marge. La banque fait ceci afin d’augmenter son profit qu’elle mettra alors en réserve dans le but d’augmenter ses fonds propres. En conclusion, nous observons qu’il y a un aspect positif et négatif pour les créanciers des banques. Les débiteurs des banques Les exigences de fonds propres imposées aux établissements de crédit vont mener, selon les banques, à un resserrement du crédit. Ce resserrement est dû à deux mécanismes. Premièrement, l’augmentation des fonds propres est une mesure coûteuse pour les banques. Celles-ci vont alors répercuter ces coûts sur les taux d’intérêt pratiqués auprès de ses créanciers et de ses débiteurs. Les banques vont alors réduire les taux débiteurs et augmenter les taux créditeurs, ce qui leur permettra d’avoir une marge plus importante. Comme les taux d’intérêt sur les crédits augmentent pour le particulier et pour les entreprises, ceux-ci vont demander de moins en moins de crédit, ce qui mène à une diminution des crédits octroyés. Ici, nous pourrions à nouveau croire qu’un problème va survenir. En effet, les taux créditeurs de long terme sont déjà fixés et il est impossible de les modifier dans l’immédiat. La solution à ce problème est la période de transition mise en place par le Comité de Bâle. Deuxièmement, les banques vont devoir élever leurs fonds propres, ce qui a pour conséquence la diminution des actifs circulants au bilan des banques. En effet, le montant des fonds propres dépend de la quantité et du niveau des risques pris. Si la banque doit augmenter ses fonds propres quand elle augmente ses risques, elle va avoir tendance à réduire ses risques et donc ses crédits octroyés. Nous constatons alors un resserrement du crédit. 21 Nous distinguons donc un impact important sur la sphère réelle. En effet, les ménages et les entreprises auront moins accès au crédit et cela peut constituer une entrave à la reprise économique. Au niveau de la consommation des ménages, sachant qu’ils sauront moins emprunter dans le futur, ils vont épargner plus aujourd’hui afin de financer leur consommation future. Nous nous basons sur l’hypothèse que les ménages lissent leur consommation dans le temps. Au niveau des entreprises, si nous nous basons sur la théorie de la hiérarchie, elles trouveront d’autres moyens de se financer. Elles peuvent se financer par actions ou émettre des billets de trésorerie (ou Commercial Papers). La première option leur permettrait d’augmenter leur capital à risque. Elle est préférée par les managers car les actions n’apportent pas d’obligations strictes de paiements pour eux. Cependant, toutes les entreprises ne savent pas se financer par émissions : ce mode de financement est réservé pour les grandes entreprises. Le financement par l’émission de Commercial Papers force le manager à donner le meilleur de lui-même pour obtenir de bons résultats. En ne remboursant pas la dette, l’entreprise risque de se retrouver sur la liste noire des mauvais payeurs disponible à la Banque Nationale de Belgique. Section 3 : les limites de Bâle III Il apparaît clairement que les nouveautés et les modifications apportées par cet accord sont entâchées, comme les accords précédents, de limites. Nous présentons ces limites dans cette section. Une évaluation du risque peu fiable La méthode de calcul des fonds propres est biaisée. Notons que ce problème était déjà présent lors du premier accord en 1988. Le niveau des capitaux propres requis est déterminé en fonction du calcul du profil de risque des actifs de la banque. Si les risques sur les actifs de la banque sont sous-évalués, il faudra alors moins de capitaux pour couvrir ces risques. Les risques sont en général sous-évalués donc les banques peuvent se permettre d’avoir moins de capitaux propres que ce qu’il faut réellement pour bien correspondre aux risques. La mesure du risque utilisée est la méthode VAR (méthode utilisée pour évaluer les risques de marché). Ce modèle estime la probabilité de variation du prix des actifs et de leurs dérivés par l’hypothèse de distribution normale du risque. On accorde un poids décroissant aux évènements de plus en plus anciens de sorte que les évènements ayant lieu un mois ou deux plus tôt ont un poids négligeable. Le Modèle VAR n’anticipe pas les évènements grave (ex : 22 une crise financière). On peut alors comprendre pourquoi aucun modèle de calcul des risques n’est en mesure d’anticiper la crise financière (une crise financière). Il est alors judicieux de se demander s’il existe une autre manière de calculer les risques de manière non biaisée. Malheureusement, il n’existe aucune méthode permettant d’avoir une bonne mesure du risque. En effet, les évènements improbables ne savent pas être quantifiés. De plus, les bulles et les crises apparaissent de façon chronique et on ne sait pas les anticiper. La solution à ce problème de mesure du risque et donc de montant minimal de capitaux propres serait alors d’augmenter les fonds propres des banques et ne plus tenir compte du risque car le mesure de celui-ci est biaisée. Des exigences fonds propres trop faibles Cette limite découle directement de la limite précédente. En effet, le niveau des fonds propres exigé est en-dessous du niveau qui permet de dissuader les banques de prendre de trop gros risques. Selon M. Wolf, l’éditorialiste du Financial Times, les capitaux propres devraient représenter de 20% à 30% du total du bilan. Un système bancaire parallèle non régulé Bâle III ne s’attaque pas aux établissements bancaires dit « fantômes » tels que les banques d’investissements, les fonds spéculatifs, les véhicules, etc. Ces établissements ne sont pas soumis aux exigences de fonds propres de Bâle III car ils ne reçoivent pas de dépôts du public. Or, ces activités sont des activités qui comportent des risques systémiques car ces établissements empruntent des capitaux à court terme sur les marchés liquides et achètent à long terme sur les marchés illiquides. Il y a donc beaucoup de risque de crédit, de marché et de liquidité, ce qui entraine un risque de faillite s’il est impossible de refinancer la dette à court terme. En conclusion, il faut que les normes de fonds propres touchent tout le secteur bancaire et pas uniquement les banques qui ont des dépôts. On le sait, si des établissements ne sont pas soumis aux exigences de fonds propres, les établissements de crédits vont avoir tendance à tritriser leurs créances vers ces établissements. Comme le souligne le Conseil de stabilité financière (FSB), il reste donc pas mal de travail à accomplir dans le domaine de la stabilité financière au niveau mondial. 23 Une régulation insuffisante pour les établissements systémiques Les banques dites systémiques sont également appelée les « too big to fail ». Ce sont des banques dont la défaillance pourrait mettre à mal le système bancaire et financier. Étant donné que leur faillite pourrait avoir de graves conséquences, il faudrait qu’il y ait encore plus de réglementation. Conscient de ce problème, le FSB a donc pour priorité de définir un cadre d’actions et un calendrier pour la réglementation des « too big to fail » ainsi que pour les établissements « fantômes ». Ces établissements devront constituer des coussins supplémentaires, qui vont au-delà des exigences de Bâle III, pour absorber plus facilement les chocs. Ce coussin sera composé d’un surplus de capital ainsi que de la dette hybride : des obligations appelées « convertibles contingentes » qui sont automatiquement converties en actions si les fonds propres des ces établissements passent sous un seuil déterminé. De plus, ces établissements seront soumis à une supervision plus intensive. En conclusion, des avancées sont faites pour réguler les « too big to fail » et les établissements fantômes. Cependant, un problème majeur est de définir ces établissements systémiques ; problème actuellement traité par les régulateurs du système bancaire et financier. 24 Conclusion Dans la première partie de notre travail, nous présentons la réglementation bancaire. Celle-ci a connu une forte évolution depuis 1988 dont le but est de répondre aux limites et aux problèmes auxquels fait face le système bancaire. L’accord de Bâle I avait pour but de répondre au problème d’harmonisation de la réglementation ainsi qu’au problème de risques non pris en compte pour le calcul des fonds propres. Cependant, cet accord comporte lui aussi certaines limites : une mesure du risque basée sur la VaR qui est biaisée et une prise de risque plus importante de la part des banques. Le Comité de Bâle a alors établi un nouvel accord (Bâle II) qui répond à ces deux limites. Cependant, il comporte, lui aussi, certains problèmes. En effet, il utilise toujours des mesures de risque biaisées, il crée un conflit d’intérêts au sein des banques qui sont alors poussées à utiliser le mécanisme de titrisation (principe dangereux en cas de crise bancaire) et enfin, il a un effet pro-cyclique. C’est pour ces raisons que le Comité de Bâle a établi un nouvel accord en 2010 (Bâle III). Cet accord est principalement caractérisé par une redéfinition des fonds propres ainsi que par l’introduction de coussins de sécurité et de ratios de liquidité. Cependant cet accord est loin d’être parfait. Il est donc judicieux de se rendre compte que la réglementation bancaire a beaucoup évolué. Suite à cette évolution, les banques s’adaptent et trouvent de nouveaux moyens pour éviter des augmentations conséquentes de leurs capitaux propres, dont la titrisation. Par cette première partie, nous concluons que, malgré les dérives dans la titrisation, la réglementation bancaire a été et restera encore utile pour résoudre les problèmes identifiés plus haut. Nous pourrions nous demander cependant si ces problèmes à résoudre ne seraient pas engendré par une réglementation précédente (problème d’endogénéité). De plus, une autre question émerge : trop de réglementation bancaire tuerait-elle la réglementation ? La deuxième partie fait état des effets que l’accord de Bâle III aurait sur l’économie, tant au niveau de la sphère réelle qu’au niveau bancaire. Suite à l’analyse des effets tant positifs que négatifs, nous pouvons conclure que l’accord de Bâle III est coûteux à court terme mais qu’à long terme il va porter ses fruits. Cependant, pour que cet accord soit le plus efficace possible, il faudrait que les mesures élaborées pour les banques systémiques et les établissements « fantômes » entrent en vigueur. Notons enfin que les effets présentés sont des prévisions basées sur un raisonnement économique : il est, bien entendu, impossible de donner les impacts réels de la réforme de Bâle III. Ainsi, le nouvel accord Bâle III est un cadre réglementaire beaucoup plus strict et plus cohérent au niveau mondial mais il n’est malheureusement pas encore suffisant. 25 Bibliographie - Agefi (presse Suisse) URL : http://www.agefi.fr/dossiers/dossiers.aspx?id=43, 29 novembre - Association Française de Gouvernement d’Entreprise, « De Bâle I à Bâle III : la crise de la gouvernance des banques », 27 novembre URL : www.afge-asso.org - Bank of International Settlement, 29 novembre 2010 URL: http://www.bis.org/publ/bcbs164.pdf - Brealey & Myers, “Principes de gestion financière”, 8ème edition, 2006. - « Credit Agricole : Des fonds propres anéantis par les nouvelles règles ? », décembre 2010, URL : http://www.tradingsat.com/actu-bourse-137397-ACA.html - Deloitte, « Pourquoi réformer Bâle II ? », 12 novembre 2010 URL :http://www.deloitte.com/view/en_LU/lu/library/pressarticles/95612a3a288aa210VgnVCM2000001b56f00aRCRD.htm - Euro Investor Worldwide network, « Le ratio de fonds propres minimal relevé à 7% avec Bâle III » , 12 novembre 2010 URL : http://www.euroinvestor.fr/news/story.aspx?id=11279569 - Evenepoel Johan, “Impact of new bank regulations on the day-to-day liquidity management of a commercial bank”, 22 novembre 2010 - Hull, « Gestion des risques et institutions financières», 2ème édition, 2010. - International Law Office, 26 novembre 2010 URL: http://www.internationallawoffice.com/newsletters/detail.aspx?g=69944d6e-884d-468f8e01-a1a7e2f9a13f - Lamberts Phillippe, « Bâle III: un accord insuffisant pour réguler les banques », 30 septembre 2010 URL :http://www.philippelamberts.eu/Bale-III-un-accord-insuffisant-pour-reguler-lesbanques_a87.html - Janssens Jürgen , “Liquidity risk supervision: state of play”, 22 novembre 2010. - Laboureix Dominique, “Strenghtening the capital and phasing in of the new definition”, 22 novembre 2010 - “L’Echo de la Bourse”; URL: http://www.lecho.be/home: - Bâle III: Facture non négligeable pour les banques belges, 8 novembre 2010 26 - « Les banques américaines trop peu capitalisées? », 22 novembre 2010 -"Nous ferons face à Bâle 3 sans augmenter le capital", 05 novembre 2010 (La Tribune ) - « Le G20 effleure la question des "too big to fail" », 10 novembre 2010 - « Un cadre pour les banques systémiques », 12 novembre 2010 -McKinsey&Company, “Basel III and European banking: its impact, how banks might respond, and the challenges of implementation”, Härle, Lüders, Pepanides, Pfetsch, Poppensieker & Stegemann, novembre 2010. -OCDE, Journal: Financial Market Trends, Volume 10, issue 1, “Thinking beyond Basel III: necessary solutions for capital and liquidity”, Adrian Blundell-Wignall and Paul Atkinson. - Praet Peter, « Regulatory Reform : getting the right balance », 22 novembre 2010. - Prot, 'Nous ferons face à Bâle 3 sans augmentation de capital', 5 novembre 2010. - Swiss Info, « Bâle III, de nouvelles règles pour renforcer les banques », 7 novembre 2010 URL :http://www.swissinfo.ch/fre/Dossiers/Reconstruir_le_secteur_financiere/La_crise_et_se s_suites/Bale_III,_de_nouvelles_regles_pour_renforcer_les_banques.html?cid=28321056 - Trends Tendances, 25 novembre 2010, interview de Nouriel Roubini. - Vander Vennet Rudi, “Bank business models, performance and governance”, 22 novembre 2010 27