Aspects médicaux, logopédiques et psychologiques Par Brigitte Hermans, logopède psychologue et Nicole Laporte, logopède spécialisée en neuropsychologie. Brigitte Hermans Le TDA/H, c'est le trouble spécifique des fonctions de l'attention avec ou sans agitation et impulsivité. On parle d' ADD ou TDA pour trouble d'attention sans agitation ou impulsivité. On parle d'ADHD ou TDAH pour le trouble d'attention avec hyperactivité ou impulsivité Pour cet exposé, on parlera globalement d'hyperactivité. Le bilan du TDA/H est un bilan multidisciplinaire, il comprend : Examen médical pédiatrique ou pédopsychiatrique ou neuropédiatrique Examen psychologique Examen neuropsychologique Parfois aussi un examen logopédique ou un examen psychomoteur. Dans le TDA/H, il y a très souvent des troubles associés qui peuvent être : Un retard de langage oral Des troubles scolaires, Des troubles praxiques (maladresses gestuelles, difficulté de coordination, problèmes de repérage spatial,) Des troubles du comportement Parfois aussi des troubles psychoaffectifs (anxiété ou dépression) L'évaluation intellectuelle L'évaluation intellectuelle est nécessaire. D'abord, pour évaluer le QI de l'enfant mais surtout pour préciser le diagnostic et aider à l'orientation thérapeutique L'évaluation du QI de l'enfant permet d'établir une comparaison intra et interindividuelle. La comparaison interindividuelle évalue l'enfant par rapport aux normes de la population. Cela aide de savoir sil s'agit d'un enfant qui a une intelligence au dessus de la moyenne et qui aura donc un potentiel pour compenser ces troubles ou un enfant plus limité. La comparaison intra individuelle , évalue l'enfant par rapport à lui-même, c'est-à-dire qu'elle observe quelles sont les forces et les faiblesses de l'enfant. Cela permet d'orienter les hypothèses de dysfonctionnement ou éventuellement orienter vers l'approfondissement par d'autres tests et aussi pouvoir établir un diagnostic différentiel avec d'autres troubles. Les tests d'intelligence, donnent une norme par rapport à la population, ils donnent parfois un âge mental, et donnent un QI L'échelle de Wechsler ou WISC III Cette échelle comprend dix épreuves, 5 verbales et 5 non verbales. Son intérêt est de pouvoir établir un QI de l'enfant et surtout établir un profil. Ce test permet de détecter les dysharmonies entre les épreuves verbales et les épreuves de performance. Le QI seul n'a pas d'intérêt en lui-même. Ce qui est important, c'est voir où sont les faiblesses et les forces de l'enfant. Le profil , c'est voir si l'enfant est meilleur dans les épreuves verbales que dans les épreuves de performances ou le contraire et comparer entre elles les notes au diverses épreuves de manière à voir s'il y a des différences significatives. Les enfants qui ont des troubles d'attention sont plus souvent pénalisés dans les épreuves de performance. Les épreuves verbales , ce sont des questions qu'on pose à l'enfant ; il répond oralement. L'hyperactivité ou les troubles d'attention, le pénalisent moins dans ces épreuves. Les questions peuvent en effet être répétées et l'on peut demander à l'enfant de préciser ses réponses. Dans les épreuves de performance , l'attention intervient fortement de même que les capacités d'organisation et de structuration. L'enfant peut aussi être pénalisé par la lenteur (s'il est distrait) ou des difficultés graphomotrices, L'enfant ayant un trouble de l'attention a souvent tendance à avoir une dysharmonie intellectuelle au détriment des épreuves de performance. L'échelle verbale fait appel à des épreuves de connaissances générales, de raisonnement abstrait, d'arithmétique, de vocabulaire et de compréhension sociale.. Il y a toutefois aussi dans l'échelle verbale, un épreuve qu'on appelle la mémoire des chiffres pour laquelle il faut répéter des chiffres dans l'ordre ou en ordre inverse. C'est une épreuve qui est fort influencée par le trouble d'attention. La mémoire des chiffres fait appel à l'attention, la mémoire auditive séquentielle, à la mémoire de travail ; Le test d'arithmétique fait aussi appel à l'attention car les énoncés de problèmes sont donnés oralement pour les items les plus faciles. Dans l'échelle de performance , la plupart des épreuves peuvent être influencées négativement par un déficit de l'attention. : Epreuve de complètement d'image : qui fait appel à la perception visuelle et à l'attention aux détails. Comme c'est la première épreuve du test, elle montre aussi l'adaptation à la tâche : elle peut être pénalisée par le stress qu'éprouvent les enfants en début d'examen. Epreuve du code : c'est une épreuve de vitesse graphomotrice où il faut très vite associer un symbole et un chiffre. A nouveau, les enfants sont pénalisés par leur trouble d'attention, par leur impulsivité mais aussi par la mémoire et le graphisme Arrangement d'images : c'est une épreuve de logique, il faut remettre dans l'ordre des images pour montrer qu'on a compris une situation. De nouveau dans cette épreuve intervient l'attention aux détails, et parfois aussi l'impulsivité parce que l'épreuve est chronométrée. L'assemblage d'objets et les cubes : sont des épreuves de structuration spatiale où interviennent aussi l'impulsivité et les difficultés d'organisation Epreuves complémentaires : L'épreuve des labyrinthes : demande de la planification qui pose souvent problème chez les enfants souffrant de TDA/H L'épreuve des symboles : il faut examiner rapidement une série de symboles pour dire si un symbole cible se trouve ou non dans la série. Cela demande attention visuelle, mémoire de travail, balayage visuel. Il faut être très prudent dans l'interprétation du QI. Inattentifs, impulsifs, les enfants peuvent être pénalisés dans au moins six épreuves… Six épreuves sur dix pénalisent fortement un résultat global QI. Deux épreuves peuvent être fortement pénalisées si l'enfant ne fait pas attention aux détails. Il arrive très souvent en consultation de rencontrer des enfants orientés à tort vers l'enseignement spécial. Si on n'est pas au courant que les tests peuvent être très fortement pénalisés par les troubles de l'attention, c'est tout le pronostic de vie de l'enfant que l'on change suite à une mauvaise orientation scolaire. Les épreuves intellectuelles permettent d'affiner ou d'orienter le diagnostic. Déjà dans ces épreuves, on constatera que l'enfant à tendance à être impulsif ou à ne pas faire attention aux détails. On pourra affiner par les tests d'attention, une première idée. Ces tests peuvent révéler aussi : Des troubles d'organisation spatiale. De la lenteur. La lenteur est un domaine à part, l'enfant peut être lent sans qu'il n'y ait de trouble d'attention qui apparaît au test, mais on est de plus en plus persuadé que cela fait aussi partie du syndrome TDA/H dans sa globalité. Outre le résultat quantitatif, l'examen intellectuel permet : De voir comment l'enfant s'adapte à la tâche Et aussi sa fatigabilité qui est un signe de trouble d'attention. Le test commence très bien et après une demi-heure ou trois quart d'heure, on voit les résultats chuter. Il permet aussi de voir l'impulsivité, (toutes les épreuves sont chronométrées) l'enfant dira « c'est fini », puis, « non je me suis trompé ! » On peut approfondir l'examen intellectuel au delà des consignes. C'est-à-dire, parfois dépasser le temps permis, permettre à l'enfant de se corriger, poursuivre au delà de ses échecs… Cela permet d'avoir une idée de sa véritable efficience intellectuelle. La prise en charge sera aussi multidisciplinaire Médicale Psychologique Guidance éducative C'est important de dire aux parents qu'ils ne sont pas coupables de l'hyperactivité de leur enfant et que ce n'est pas un problème d'éducation mais que leur attitude en réponse au comportement de l'enfant influencera sa bonne évolution. Une fois le diagnostic posé, on peut aider tant les parents que le milieu enseignant à avoir les comportements adéquats pour réagir face au comportement hyperactif de l'enfant. La rééducation peut être Psychomotrice, avec la gestion de l'impulsivité Neuropsychologique Logopédique (troubles de langage, troubles scolaires, troubles praxiques…) Importance d'un diagnostic précoce Chez les jeunes enfants, c'est surtout pour des troubles du comportement, des troubles du développement, retard de langage, retard graphomoteur, etc. qui amènent à consulter. Chez les enfants d'âge scolaire, c'est principalement les difficultés scolaires et les problèmes de comportement à l'école qui sont à l'origine de la consultation Le diagnostic doit être précoce pour éviter une mauvaise orientation scolaire ou une mauvaise orientation thérapeutique. Cela ne sert à rien de s'acharner sur certains troubles de langage, de dyslexie si l'attention de l'enfant n'est pas bonne. L'enfant ne pourra pas profiter totalement de sa thérapie tant que le déficit d'attention n'est pas pris en charge. Le diagnostic doit être précoce aussi pour éviter les troubles secondaires : anxiété, effondrement de l'estime de soi. Pour éviter le développement des troubles d'apprentissage scolaire et parfois même de désinsertion sociale. Questions – réponses avec le public : Quand l'enfant passe un test de Q.I., vaut-il mieux qu'il le passe sans traitement médicamenteux ou avec ? Pour le premier diagnostic, il faut que l'enfant passe le test sans médication. Cela permet de dresser un bilan réel de l'enfant tel qu'il est et donc mieux orienter le diagnostic. Si le test à pour but l'évaluation du Q.I., oui, il faut que l'enfant aie pris son traitement avant de le passer pour que l'enfant de soit pas « pénalisé » par son TDA/H Y a-t-il un âge particulier pour faire passer ces tests ? Les tests de Q.I. peuvent être établis à partir de 3 ans Les tests d'attention, à partir de 6 ans On parle de privilégier certains comportements, quels sont-ils ? En trois mots : structurer, structurer et structurer encore. (Pascale) Partir sur le positif, favoriser tout ce que l'enfant fait de positif. Il faut des limites claires et positiver Dire moins souvent « non » et quand le « non » est dit, il faut le maintenir (Mme Laporte) Nicole Laporte Lorsque l'enfant présente des troubles de concentration, des troubles d'agitation, voire d'impulsivité on parle d'hyperactivité (ADHD I). Des troubles oppositionnels associés ou secondaires peuvent également être observés (ADHDODD). Par contre, si l'enfant présente des troubles cognitifs de concentration, sans agitation, impulsivité ni opposition on parle de trouble spécifique d'attention (ADD ou TDA). Ces troubles occuperont prioritairement notre débat. Définition de l'attention ou de la concentration Communément, l'idée que l'on peut se faire des fonctions d'attention est assez floue. Et, ces fonctions, peu visualisables pour l'interlocuteur, sont régulièrement confondues avec « une attitude calme » ou « volontaire ». Je me souviens d'un enfant de 10 ans à qui j'avais demandé « Qu'est-ce que c'est l'attention ? Qu'est-ce que tu fais quand tu fais attention ? ». L'enfant m'a regardé d'un air très perplexe puis a froncé très fort les yeux. Très souvent, d'un enfant calme et volontaire on dira qu' « il se concentre très bien ». D'un enfant qui est agité, on entendra « il bouge dans les sens, il ne fait absolument pas attention » Cette confusion est source erreur ! Certains enfants calmes et volontaires souffrent de troubles d'attention et d'autres qui se montrent très agités peuvent montrer une attention parfaitement normale. Comment définir l'attention, ou la concentration ? On peut considérer qu'il s'agit de la capacité à être vigilant, « en éveil », à tous les instants et de façon constante de sorte à se focaliser à chaque instant sur les stimulations nécessaires au but à atteindre. Néanmoins, il importe d'insister sur le fait que « l'attention » est un ensemble de fonctions cognitives qui vont s'influencer mutuellement ; c'est un système de mécanismes cognitifs. Plusieurs modèles ont été évoqués qui mettent en évidence des fonctions distinctes, bien que rarement isolables complètement et relativement hiérarchisées. Pour les fonctions qui sont actuellement clairement définies, on peut faire la synthèse suivante : L'alerte : consiste être éveillé, prêt à réagir au moment où un élément important survient et ce, de façon constante dans le temps. L'attention soutenue : permet de maintenir un état de vigilance, sur une période prolongée et malgré une monotonie de tâche. Le Filtrage : concerne les fonctions de sélection. De multiples informations sensorielles surviennent à tout instant à notre cerveau : des informations visuelles, tactiles, auditives, olfactives. La fonction sélective de concentration permettra de sélectionner les informations pertinentes au but à atteindre. La sélection simple permet de sélectionner, entre plusieurs stimuli confondables de la même modalité sensorielle, ceux qui seront pertinents pour la tâche en cours. On parlera d'attention divisée, lorsqu'il sera nécessaire de sélectionner des informations simultanément sous plusieurs modalités sensorielles : par exemple lorsque l'enfant doit simultanément être attentif à ce qu'il écrit sur son cahier et à ce que dit le professeur. La flexibilité : permet de changer la cible de concentration. Par exemple, je passe au feu vert. Si je ne sais pas et changer mon point d'attention à une information comme par exemple quelqu'un qui grille le feu rouge à ma droite, ma rigidité va provoquer l'accident. Par cet exemple, on comprend aussi l'interdépendance des fonctions attentionnelles : la flexibilité, par exemple dépendant étroitement de l'inhibition des réponses automatiques et d'un bon état d'alerte. L'inhibition : consiste à stopper les réponses automatiques, pour permettre au cerveau de traiter l'information et choisir une solution moins automatisée mais plus adaptée à la situation. Les fonctions exécutives : sont appelées a utiliser les différentes fonctions de concentration pour faire face à une situation nouvelle. Sur base de l'inhibition des réponses les plus automatisées et d'une analyse de besoins, établir un but, et planifier les étapes qui vont permettre de l'atteindre. Et pour ce faire, l'obligation de pouvoir faire appel à la sélection des informations pertinentes, à pouvoir changer de cible au bon moment, etc. L'expérience clinique ne permet pas de reconnaître entre ces différentes fonctions attentionnelles, une relation hiérarchique stricte. Un déficit de vigilance peut entraîner secondairement le dysfonctionnement des autres fonctions attentionnelles. Néanmoins, il n'est pas rare d'observer des enfants échouer des tâches d'attention soutenue longues et monotones et qui, face à une tâche sélective complexe, par exemple l'obligation de sélectionner des informations visuelles et auditives en même temps, soient performants. Cela s'explique par le fait que les fonctions d'attention ne sont pas des fonctions isolées. Par exemple, la motivation influence spectaculairement les fonctions de concentration. Si un enfant a un niveau de vigilance sous la « normale » et que survient un facteur de motivation, la situation devenant « plus intéressante » il y a alors activation des zones cérébrales qui interviennent dans la concentration. Les choses se passent alors beaucoup mieux. Le bilan, je le rappelle est multidisciplinaire. La spécificité d'un trouble d'attention développemental ne peut être établi que s'il peut être isolé d'un trouble neurologique, psychoaffectif ou intellectuel. Qui plus est, seul un bilan pluridisciplinaire permettra de poser les indications thérapeutiques adaptées. Quant au bilan neuropsychologique, il consiste en des tests standardisés des différentes composantes de concentration, par rapport à l'âge, indépendamment des connaissances et, relativement, du niveau intellectuel de l'enfant. Les aspects comportementaux d'impulsivité, d'agitation, ou d'opposition seront explorés par les observations, discussions avec les familles et intervenants pédagogiques ou parascolaires, sur base d'échelles également normées. Le traitement est aussi multimodal Depuis quelques années, des tentatives se multiplient pour mettre sur pied des rééducations fonctionnelles des troubles de l'attention. Il existe plusieurs types de thérapies en cours d'objectivation. Relativement récentes, leur efficacité relative attend encore des investigations scientifico-cliniques. On peut synthétiser les modes d'approches suivants : La gestion mentale consistera en l'entraînement des méthodologies de travail et de mémoire, entre autres. Néanmoins, la « Gestion mentale » n'est pas comprise ni appliquée de façon identique par les différents praticiens, ce qui ne me permet pas de poser un avis univoque sur cette méthode. Les rééducations contextuelles : vise à optimaliser les conditions et procédures de travail de l'enfant, lui permettant ainsi d'utiliser le maximum de son potentiel attentionnel. Ceci apparaît comme indispensable à une performance optimale de la concentration mais ne doit pas être confondu avec une thérapie visant les compétences attentionnelles. Les rééducations spécifiques : entraîneront des tâches spécifiques des différentes fonctions de concentration : capacité à sélectionner des informations visuelles semblables, inhiber des automatismes lors de suite de couleurs ou de séquences de lettres, par exemple. Ces entraînements permettent améliorer la performance aux tests d'attention. Toutefois, il reste à vérifier que ces améliorations ne soient le reflet d'un surentraînement au type d'épreuves ainsi que de préciser la généralisation de ces progrès au contexte scolaire, source des plaintes dans la plupart des cas que nous rencontrons en consultation. Les rééducations spécifiques scolaires : nous abordons actuellement une voie d'approche un peu différente de celle des thérapies spécifiques, cherchant à exploiter les acquis de ces méthodes quant à l'efficacité d'un entraînement spécifique tout en évitant les risques liés à la généralisation des progrès, en travaillant directement sur un matériel scolaire. Nous serons tout disposés à vous informer plus précisément de nos méthodes et de nos observations lors de nos prochaines rencontres. © Copyright TDA/H Belgique 1999 - 2010 Tous droits réservés