RS - I2M 8/2008. Génie biologique et médical, pages 133 à 156
Imagerie moléculaire optique
Application au diagnostic médical in vivo
Jérôme Boutet Philippe Peltié Anne Koenig Philippe Rizo
CEA, LETI
17 rue des Martyrs
F-38054 Grenoble cedex
jerome.boutet@cea.fr
RÉSUMÉ. Cet article présente les principales méthodes optiques permettant de faire du
diagnostic médical in vivo. Après avoir présenté les enjeux et particularités de la détection
optique in vivo, nous présentons les marqueurs fluorescents existants et les méthodes de
fluorescence en réflexion. Puis, nous abordons les techniques de tomographie optique qui
permettent dobtenir une vue 3D des phénomènes observés. Enfin, les techniques d’imagerie
profonde sont décrites.
ABSTRACT. This paper presents the main optical methods applied to in vivo biomedical
diagnosis. After a brief review of the specificities of in vivo optical detection, we present the
existing fluorescent markers and the current methods of fluorescence reflection imaging.
Then optical tomography techniques are described leading to the 3D view of biological
phenomenon. Finally, the recent developments of depth imaging are described.
MOTS-CLÉS : imagerie moléculaire, fluorescence, diagnostic, médical, clinique, marqueurs,
tomographie, optique, imagerie profonde.
KEYWORDS: molecular imaging, fluorescence, diagnosis, medical, clinic, markers-optical-
tomography, depth imaging.
DOI:10.3166/I2M.8.133-156 © 2008 Lavoisier, Paris
134 RS - I2M 8/2008. Génie biologique et médical
1. Introduction
Parmi les différentes modalités dimagerie couramment utilisées en hôpital ou
bien en préclinique, limagerie de fluorescence est une technique récente qui connaît
actuellement un essor remarquable. Lobjectif de cet article est de présenter les
différentes techniques dimagerie in vivo existantes. Dans un premier temps, nous
montrons comment ces techniques se positionnent par rapport aux techniques
dimagerie classiques (rayons X, IRM etc.) quels sont les atouts, et les difficultés
spécifiques liées à la mesure in vivo. Puis nous détaillons les marqueurs, les
techniques de mesures en réflexion. Enfin, nous abordons la tomographie optique
qui permet dobtenir des images 3D des tissus observés. Enfin, nous achevons cet
article sur les récentes techniques résolues en temps et leur apport à la discipline.
2. Place de limagerie optique « moléculaire » dans le domaine médical
2.1. Enjeux
2.1.1. Rappel des techniques dimagerie in-vivo conventionnelles
Toutes les techniques dimagerie sont basées sur une interaction entre une source
dénergie, les tissus vivants, et un détecteur. Les différences entre ces techniques
tiennent à la nature de ces trois éléments dinteraction.
La première technique dimagerie médicale découverte fut la radiographie basée
sur la découverte des rayons X en 1895 par Wilhelm Roentgen. Les rayons X
consistent en un rayonnement électromagnétique de longueur donde comprise entre
1 pm et 10 nm. Le scanner X, appareil permettant de fournir des images en trois
dimensions a été développé à partir des années 1970 et connait encore aujourdhui
de nouvelles améliorations. Linconvénient des rayons X est leur pouvoir ionisant et
cancérigène à forte dose. Cette technique est cependant très utilisée car elle fournit
des informations anatomiques avec une très bonne résolution.
Une autre technique dimagerie médicale majeure, limagerie par résonnance
magnétique (IRM), utilise leffet dun champ magnétique intense sur le spin des
protons. LIRM permet dobtenir des images très contrastées et en trois dimensions
de certains tissus en fonction de leurs propriétés histologiques. Cest donc un outil
particulièrement utilisé en imagerie cérébrale. Les examens IRM sont considérés à
ce jour sans risque sur lorganisme. Cette technique sest développée à partir des
années 1980.
A la même période est apparue la technique de léchographie, basée sur la
réflexion dondes ultrasonores sur les tissus. Limage obtenue est une coupe de
lorgane étudié, basée sur les propriétés mécaniques des tissus traversés. Une
échographie peut être couplée à un examen doppler analysant la vitesse du sang dans
les vaisseaux ou dans les cavités cardiaques.
Imagerie moléculaire optique 135
La dernière catégorie de systèmes dimagerie médicale repose sur la scintigraphie
nucléaire. Cette technique utilise un traceur radioactif qui émet des rayonnements
détectables par les appareils de mesure. Ces molécules radiopharmaceutiques sont
choisies pour se fixer préférentiellement sur certaines cellules selon le type de
diagnostic voulu. Un traitement informatique des données permet ensuite de
reconstituer lorigine spatiale de ces rayonnements et de déduire les régions du corps
le traceur sest concentré. La tomographie à émission de positon (TEP ou PET)
utilise le plus souvent du sucre marqué par un corps radioactif émettant des positons
(e.g. Fluor 18), et permet alors de voir les cellules à fort métabolisme (ex : cellules
cancéreuses, infection...).
2.1.2. Principe de base de limagerie de fluorescence
La fluorescence se produit lorsquune molécule (le fluorophore) absorbe de la
lumière, causant une excitation électronique. La relaxation de lexcitation qui
sensuit produit une émission de lumière, une partie de la lumière étant émise à des
longueurs donde plus longues que la longueur donde absorbée (décalage de
Stokes). (Lacowicz, 2006).
Dans le cadre des applications médicales, on injecte à un patient un marqueur
fluorescent qui va se fixer spécifiquement sur le phénomène que lon souhaite
étudier. Il peut sagir par exemple dune tumeur dont on souhaite observer
lévolution. Le marqueur peut également être attaché à un médicament dont on va
observer leffet sur une maladie particulière, ce qui permet de contrôler son
efficacité (Licha, 2002).
Observer la fluorescence obéit à certaines règles : une source de lumière (laser,
lampe, ou même diode électroluminescente) éclaire le tissu étudié, et un détecteur
(photomultiplicateur ou caméra) observe la lumière de fluorescence ressortant du
tissu au travers dun filtre stoppant la lumière dexcitation.
(a) (b)
Figure 1. a) Principe de la fluorescence b) un exemple de dispositif dimagerie de
fluorescence : le microscope à epi-illumination
136 RS - I2M 8/2008. Génie biologique et médical
2.1.3. Verrous technologiques
Le principal challenge posé par limagerie profonde consiste à vaincre
latténuation et la diffusion de la lumière par les tissus vivants.
(a) (b)
Figure 2. a) Spectre dabsorption des tissus vivants b) diffusion et absorption de la
lumière par les tissus vivants
Du fait de latténuation de lhémoglobine et de leau, on dispose entre 650 et
900 nm dune fenêtre dans laquelle on doit réaliser lexcitation et détecter lémission
de la fluorescence. Il convient donc doptimiser le choix de la source de lumière, du
marqueur, du détecteur et du système de filtrage, afin de maximiser le rapport signal
sur bruit.
La diffusion correspond au fait que la lumière ne se déplace pas en ligne droite
dans les tissus (contrairement aux rayons X par exemple). Au lieu de cela, elle suit
une trajectoire aléatoire, rebondissant contre les constituants des tissus et changeant
en permanence de direction. Dun point de vue macroscopique, toute se passe
comme si elle « diffusait » dans les tissus, de la même manière que les phares dune
voiture dans le brouillard. Les photons dits « balistiques », ceux qui traversent le
tissu en ligne droite, disparaissent après un ou deux millimètres.
Dun point de vue instrumental, il est donc impossible de « focaliser », ou de
« mettre au point » à lintérieur des tissus. On obtient donc soit des images avec une
assez bonne résolution de ce qui se passe en surface des tissus, ce qui sera abordé
dans le paragraphe 4, soit sur ce qui se passe dans les tissus profonds, mais avec une
très mauvaise résolution. Dans ce dernier cas cependant, il est possible daméliorer
de manière importante la résolution en « reconstruisant » une cartographie des tissus
profonds. Ceci sera abordé dans la section 6.
Imagerie moléculaire optique 137
2.2. Applications
Les applications, comme on va le voir sont nombreuses et si les systèmes dédiés
au petit animal sont déjà commercialisés, les efforts constants dans limagerie à
destination de lhumain laissent entrevoir des applications cliniques très
prochainement. Il est évident que loptique, grâce à lendoscopie et la
vidéoendoscopie peut accéder à de nombreux organes internes sans traverser des
épaisseurs considérables de tissus (poumon, vessie, prostate, abdomen...). Par
ailleurs, linjection de marqueurs fluorescents non toxiques pose moins de problèmes
logistiques que la manipulation de traceurs radioactifs ou lutilisation de sources X
(protection du personnel, suivi des doses, évacuation de produits radioactifs).
En matière dimagerie optique, pour le petit animal, on trouve sur le marché des
dispositifs FRI (pour imagerie de fluorescence 2D), des tomographes à fluorescence
(imagerie 3D donc en profondeur) des dispositifs de bioluminescence.
Pour les applications à lhomme, des « sondes péropératoires » (i.e. des dispositifs
FRI portables) commencent à voir le jour et à être introduites en cliniques ; il existe
déjà commercialement des dispositifs dits « dautofluorescence » (on en parlera un
peu) ; quant à des systèmes dédiés à limagerie en profondeur (quelques cm de
matière traversée), on en est à des prototypes de laboratoire travaillant sur des
fantômes simulant les propriétés des tissus humains.
3. Marqueurs fluorescents
On ne peut pas parler dimagerie de fluorescence « in vivo » sans introduire
brièvement la question des marqueurs. Auparavant, il convient de bien comprendre
les différences entre fluorescence et bioluminescence.
La luminescence est le phénomène par lequel certaines molécules élevées à un
état excité retournent à leur état fondamental en restituant une partie de lénergie
emmagasinée sous forme démission lumineuse. Lorsque lexcitation de la molécule
a été produite par une source lumineuse externe, on parle de fluorescence. Lorsque
lénergie qui permet aux molécules datteindre létat excité provient dune réaction
chimique ou biochimique, on parle de chimiluminescence ou de bioluminescence (la
bioluminescence a été découverte chez les lucioles et certaines espèces sous-
marines). La fluorescence na lieu quaprès excitation lumineuse externe,
contrairement à la bioluminescence lémission se produit de façon endogène en
présence dun substrat. Léclairage externe (cas de la fluorescence) offre un
paramètre de contrôle de la longueur donde dexcitation et donc de lémission du
fluorophore, contrairement à la bioluminescence dont le spectre est fixe et dont les
différentes possibilités (spectrales) sont limitées commercialement.
En ce qui concerne la fluorescence, cette limitation provient de deux sources ;
dune part, pour que le marqueur soit fixé sur une zone dintérêt, il est couplé à un
« vecteur » qui va cibler cette zone dintérêt. Par exemple, dans le cas de cancers
1 / 24 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !