Consignes aux auteurs

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Imagerie moléculaire optique
Application au diagnostic médical in vivo
Jérôme Boutet — Philippe Peltié — Anne Koenig — Philippe Rizo
CEA, LETI
17 rue des Martyrs
F-38054 Grenoble cedex
[email protected]
RÉSUMÉ.
Cet article présente les principales méthodes optiques permettant de faire du
diagnostic médical in vivo. Après avoir présenté les enjeux et particularités de la détection
optique in vivo, nous présentons les marqueurs fluorescents existants et les méthodes de
fluorescence en réflexion. Puis, nous abordons les techniques de tomographie optique qui
permettent d’obtenir une vue 3D des phénomènes observés. Enfin, les techniques d’imagerie
profonde sont décrites.
ABSTRACT.
This paper presents the main optical methods applied to in vivo biomedical
diagnosis. After a brief review of the specificities of in vivo optical detection, we present the
existing fluorescent markers and the current methods of fluorescence reflection imaging.
Then optical tomography techniques are described leading to the 3D view of biological
phenomenon. Finally, the recent developments of depth imaging are described.
MOTS-CLÉS :
imagerie moléculaire, fluorescence, diagnostic, médical, clinique, marqueurs,
tomographie, optique, imagerie profonde.
KEYWORDS:
molecular imaging, fluorescence, diagnosis, medical, clinic, markers-opticaltomography, depth imaging.
DOI:10.3166/I2M.8.133-156 © 2008 Lavoisier, Paris
RS - I2M – 8/2008. Génie biologique et médical, pages 133 à 156
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1. Introduction
Parmi les différentes modalités d’imagerie couramment utilisées en hôpital ou
bien en préclinique, l’imagerie de fluorescence est une technique récente qui connaît
actuellement un essor remarquable. L’objectif de cet article est de présenter les
différentes techniques d’imagerie in vivo existantes. Dans un premier temps, nous
montrons comment ces techniques se positionnent par rapport aux techniques
d’imagerie classiques (rayons X, IRM etc.) quels sont les atouts, et les difficultés
spécifiques liées à la mesure in vivo. Puis nous détaillons les marqueurs, les
techniques de mesures en réflexion. Enfin, nous abordons la tomographie optique
qui permet d’obtenir des images 3D des tissus observés. Enfin, nous achevons cet
article sur les récentes techniques résolues en temps et leur apport à la discipline.
2. Place de l’imagerie optique « moléculaire » dans le domaine médical
2.1. Enjeux
2.1.1. Rappel des techniques d’imagerie in-vivo conventionnelles
Toutes les techniques d’imagerie sont basées sur une interaction entre une source
d’énergie, les tissus vivants, et un détecteur. Les différences entre ces techniques
tiennent à la nature de ces trois éléments d’interaction.
La première technique d’imagerie médicale découverte fut la radiographie basée
sur la découverte des rayons X en 1895 par Wilhelm Roentgen. Les rayons X
consistent en un rayonnement électromagnétique de longueur d’onde comprise entre
1 pm et 10 nm. Le scanner X, appareil permettant de fournir des images en trois
dimensions a été développé à partir des années 1970 et connait encore aujourd’hui
de nouvelles améliorations. L’inconvénient des rayons X est leur pouvoir ionisant et
cancérigène à forte dose. Cette technique est cependant très utilisée car elle fournit
des informations anatomiques avec une très bonne résolution.
Une autre technique d’imagerie médicale majeure, l’imagerie par résonnance
magnétique (IRM), utilise l’effet d’un champ magnétique intense sur le spin des
protons. L’IRM permet d’obtenir des images très contrastées et en trois dimensions
de certains tissus en fonction de leurs propriétés histologiques. C’est donc un outil
particulièrement utilisé en imagerie cérébrale. Les examens IRM sont considérés à
ce jour sans risque sur l’organisme. Cette technique s’est développée à partir des
années 1980.
A la même période est apparue la technique de l’échographie, basée sur la
réflexion d’ondes ultrasonores sur les tissus. L’image obtenue est une coupe de
l’organe étudié, basée sur les propriétés mécaniques des tissus traversés. Une
échographie peut être couplée à un examen doppler analysant la vitesse du sang dans
les vaisseaux ou dans les cavités cardiaques.
Imagerie moléculaire optique
135
La dernière catégorie de systèmes d’imagerie médicale repose sur la scintigraphie
nucléaire. Cette technique utilise un traceur radioactif qui émet des rayonnements
détectables par les appareils de mesure. Ces molécules radiopharmaceutiques sont
choisies pour se fixer préférentiellement sur certaines cellules selon le type de
diagnostic voulu. Un traitement informatique des données permet ensuite de
reconstituer l’origine spatiale de ces rayonnements et de déduire les régions du corps
où le traceur s’est concentré. La tomographie à émission de positon (TEP ou PET)
utilise le plus souvent du sucre marqué par un corps radioactif émettant des positons
(e.g. Fluor 18), et permet alors de voir les cellules à fort métabolisme (ex : cellules
cancéreuses, infection...).
2.1.2. Principe de base de l’imagerie de fluorescence
La fluorescence se produit lorsqu’une molécule (le fluorophore) absorbe de la
lumière, causant une excitation électronique. La relaxation de l’excitation qui
s’ensuit produit une émission de lumière, une partie de la lumière étant émise à des
longueurs d’onde plus longues que la longueur d’onde absorbée (décalage de
Stokes). (Lacowicz, 2006).
Dans le cadre des applications médicales, on injecte à un patient un marqueur
fluorescent qui va se fixer spécifiquement sur le phénomène que l’on souhaite
étudier. Il peut s’agir par exemple d’une tumeur dont on souhaite observer
l’évolution. Le marqueur peut également être attaché à un médicament dont on va
observer l’effet sur une maladie particulière, ce qui permet de contrôler son
efficacité (Licha, 2002).
Observer la fluorescence obéit à certaines règles : une source de lumière (laser,
lampe, ou même diode électroluminescente) éclaire le tissu étudié, et un détecteur
(photomultiplicateur ou caméra) observe la lumière de fluorescence ressortant du
tissu au travers d’un filtre stoppant la lumière d’excitation.
(a)
(b)
Figure 1. a) Principe de la fluorescence b) un exemple de dispositif d’imagerie de
fluorescence : le microscope à epi-illumination
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2.1.3. Verrous technologiques
Le principal challenge posé par l’imagerie profonde consiste à vaincre
l’atténuation et la diffusion de la lumière par les tissus vivants.
(a)
(b)
Figure 2. a) Spectre d’absorption des tissus vivants b) diffusion et absorption de la
lumière par les tissus vivants
Du fait de l’atténuation de l’hémoglobine et de l’eau, on dispose entre 650 et
900 nm d’une fenêtre dans laquelle on doit réaliser l’excitation et détecter l’émission
de la fluorescence. Il convient donc d’optimiser le choix de la source de lumière, du
marqueur, du détecteur et du système de filtrage, afin de maximiser le rapport signal
sur bruit.
La diffusion correspond au fait que la lumière ne se déplace pas en ligne droite
dans les tissus (contrairement aux rayons X par exemple). Au lieu de cela, elle suit
une trajectoire aléatoire, rebondissant contre les constituants des tissus et changeant
en permanence de direction. D’un point de vue macroscopique, toute se passe
comme si elle « diffusait » dans les tissus, de la même manière que les phares d’une
voiture dans le brouillard. Les photons dits « balistiques », ceux qui traversent le
tissu en ligne droite, disparaissent après un ou deux millimètres.
D’un point de vue instrumental, il est donc impossible de « focaliser », ou de
« mettre au point » à l’intérieur des tissus. On obtient donc soit des images avec une
assez bonne résolution de ce qui se passe en surface des tissus, ce qui sera abordé
dans le paragraphe 4, soit sur ce qui se passe dans les tissus profonds, mais avec une
très mauvaise résolution. Dans ce dernier cas cependant, il est possible d’améliorer
de manière importante la résolution en « reconstruisant » une cartographie des tissus
profonds. Ceci sera abordé dans la section 6.
Imagerie moléculaire optique
137
2.2. Applications
Les applications, comme on va le voir sont nombreuses et si les systèmes dédiés
au petit animal sont déjà commercialisés, les efforts constants dans l’imagerie à
destination de l’humain laissent entrevoir des applications cliniques très
prochainement. Il est évident que l’optique, grâce à l’endoscopie et la
vidéoendoscopie peut accéder à de nombreux organes internes sans traverser des
épaisseurs considérables de tissus (poumon, vessie, prostate, abdomen...). Par
ailleurs, l’injection de marqueurs fluorescents non toxiques pose moins de problèmes
logistiques que la manipulation de traceurs radioactifs ou l’utilisation de sources X
(protection du personnel, suivi des doses, évacuation de produits radioactifs).
En matière d’imagerie optique, pour le petit animal, on trouve sur le marché des
dispositifs FRI (pour imagerie de fluorescence 2D), des tomographes à fluorescence
(imagerie 3D donc en profondeur) des dispositifs de bioluminescence.
Pour les applications à l’homme, des « sondes péropératoires » (i.e. des dispositifs
FRI portables) commencent à voir le jour et à être introduites en cliniques ; il existe
déjà commercialement des dispositifs dits « d’autofluorescence » (on en parlera un
peu) ; quant à des systèmes dédiés à l’imagerie en profondeur (quelques cm de
matière traversée), on en est à des prototypes de laboratoire travaillant sur des
fantômes simulant les propriétés des tissus humains.
3. Marqueurs fluorescents
On ne peut pas parler d’imagerie de fluorescence « in vivo » sans introduire
brièvement la question des marqueurs. Auparavant, il convient de bien comprendre
les différences entre fluorescence et bioluminescence.
La luminescence est le phénomène par lequel certaines molécules élevées à un
état excité retournent à leur état fondamental en restituant une partie de l’énergie
emmagasinée sous forme d’émission lumineuse. Lorsque l’excitation de la molécule
a été produite par une source lumineuse externe, on parle de fluorescence. Lorsque
l’énergie qui permet aux molécules d’atteindre l’état excité provient d’une réaction
chimique ou biochimique, on parle de chimiluminescence ou de bioluminescence (la
bioluminescence a été découverte chez les lucioles et certaines espèces sousmarines). La fluorescence n’a lieu qu’après excitation lumineuse externe,
contrairement à la bioluminescence où l’émission se produit de façon endogène en
présence d’un substrat. L’éclairage externe (cas de la fluorescence) offre un
paramètre de contrôle de la longueur d’onde d’excitation et donc de l’émission du
fluorophore, contrairement à la bioluminescence dont le spectre est fixe et dont les
différentes possibilités (spectrales) sont limitées commercialement.
En ce qui concerne la fluorescence, cette limitation provient de deux sources ;
d’une part, pour que le marqueur soit fixé sur une zone d’intérêt, il est couplé à un
« vecteur » qui va cibler cette zone d’intérêt. Par exemple, dans le cas de cancers
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digestifs qui secrètent des antigènes carcinoembryonnaires, on peut utiliser comme
vecteur un anticorps sur lequel est fixé un fluorophore. La reconnaissance
anticorps/antigène va permettre l’accrochage du fluorophore sur les cellules
cancéreuses (Kumar, 2006). Il y a en général une partie de fluorophore qui s’est
fixée ailleurs, cette portion de signal non utile est appelée « signal non spécifique ».
D’autre part, l’éclairage externe excite des fluorophores naturellement présents dans
les tissus, ce qui cause un autre phénomène, « l’autofluorescence », qui limite
également le rapport signal/bruit.
Nous allons nous intéresser essentiellement à la fluorescence générée par
l’injection de marqueurs extrinsèques ; en effet, si le vivant peut présenter
naturellement des propriétés de fluorescence intrinsèques (dues notamment aux
acides aminés aromatiques ou aux bases de l’ADN), il est plus aisé, pour imager les
tissus, cellules ou petits animaux, de faire appel à des marqueurs extrinsèques,
d’autant plus que ces marqueurs offrent une large gamme dans le choix des
longueurs d’onde d’émission.
On peut distinguer les marqueurs dits exogènes, c’est-à-dire les molécules ou
nanoparticules étrangères à la cellule, au tissu ou au petit animal que l’on souhaite
imager (c’est le cas des fluorophores organiques, des particules luminescentes et de tout
marqueur synthétique). On peut aussi employer des systèmes de gènes rapporteurs ; on
modifie alors génétiquement l’organisme à étudier de façon à introduire dans son
génome une construction d’ADN qui, après transcription, produira une protéine à
l’origine de l’émission lumineuse, soit par fluorescence (cas de la famille des GFP,
Green Fluorescent Protein) soit par bioluminescence en présence d’un substrat
extérieur (cas de la famille des luciférases). Les protéines non modifiées sont à de rares
exceptions non fluorescentes et de toute façon lorsqu’elles sont fluorescentes, c’est
avec un mauvais rendement, c’est pourquoi aujourd’hui, on préfère injecter des
marqueurs exogènes dont on maitrise bien les caractéristiques.
Nous allons décrire sommairement ci-après les marqueurs, exogènes uniquement,
utilisés pour le vivant. Sur le plan chimique, on trouve trois grandes catégories : les
fluorophores organiques, les complexes inorganiques de lanthanides (assez peu
utilisés pour le vivant) et les systèmes à base de nanoparticules (Licha, 2002). Les
critères pour choisir un bon marqueur sont : les longueurs d’onde d’excitation et
d’émission (Rao, 2007). Pour le vivant, à cause de l’autofluorescence naturelle des
tissus plus importante dans les basses longueurs d’onde que les hautes, on préfère
choisir des marqueurs dans la bande de moindre atténuation des tissus, soit 650 à
900 nm. Par ailleurs un bon décalage Stokes (décalage excitation-émission) est
recommandé pour faciliter le filtrage optique ; de plus, il faut un fluorophore ayant
un bon coefficient d’excitation molaire (bonne capacité d’absorption des photons
lumineux sans quoi il y a peu de fluorescence), un bon rendement quantique et une
bonne photostabilité (surtout vis-à-vis de l’environnement tissulaire). Il faut aussi
que ce fluorophore puisse être accroché au « vecteur » qui va cibler la zone à imager
(tumeur cancéreuse…) et qu’il soit soluble dans les solvants que l’on injectera à
l’animal ou l’humain.
Imagerie moléculaire optique
139
Un dernier point fondamental est (essentiellement pour les applications à
l’homme, mais c’est aussi vrai pour le petit animal) sa non-toxicité ; il est à noter
qu’aujourd’hui seul ICG (vert d’indocyanine) et fluorescéine sont injectables à
l’homme, ce qui limite considérablement l’introduction actuelle d’outils de
fluorescence en clinique. En ce qui concerne le petit animal, les tests de non toxicité
sont considérablement allégés et on trouve beaucoup plus de marqueurs.
Parmi les fluorophores organiques traditionnellement utilisés on trouve toute la
série des Cyanines (Cy2, 3, 5, 7) et les Alexa fluor (488, 532, 633…), mais pour le
vivant on utilise surtout ceux qui sont excités dans le rouge et proche IR (Cy5 ou 7 qui
sont excités à 633 ou 690 nm), Alexa 700 ou 750 (excités à 700 ou 750 nm). De même
on commence à utiliser des fluorophores dans le proche IR et l’infrarouge (IR dyes,
DIR, DID…) ; On peut remarquer que les longueurs d’onde d’absorption
correspondent assez bien aux raies usuelles des lasers à gaz ou semi-conducteurs ; par
exemple, on va trouver des Cyanines ou des Alexa à 488, 514 nm (raies du laser
argon), 532 nm (raie du YAG doublé), 543 nm (raie de L’HeNe vert), 633, 690, 700,
750, 790 nm (raies d’émission des lasers semi-conducteurs). Ces fluorophores
organiques, avec leur chimie d’une grande souplesse et une offre commerciale existante
très complète, couvrent tous les domaines de longueurs d’onde entre 600 et 900 nm ; de
plus ils sont aisément greffés sur des « vecteurs » (biomolécules) tels que les anticorps.
Coeur lipidique
Surfactant
~30 nm
Co-surfactants (chaînes PEG))
Agents de furitvité
Fluorophore encapsulé (ICG))
Figure 3. Structure d’une nano-émulsion fluorescente et exemple d’échantillon.
La deuxième grande famille que l’on va décrire concerne les nanoparticules : les
nanocristaux semi-conducteurs luminescents (quantum dots) qui sont composés d’un
noyau semi-conducteur inorganique (CdS, CdSe) et recouverts d’une coquille
inorganique (ZnS) ; ils absorbent très largement entre UV et visible et émettent à des
longueurs d’onde bien précises suivant leur taille ; il est nécessaire de les
fonctionnaliser par des molécules organiques pour y greffer des biomolécules. Leurs
remarquables propriétés optiques ne doivent cependant pas masquer leur toxicité
élevée (présence de Cadmium) et aujourd’hui des équipes au CEA Grenoble
travaillent pour remplacer le Cadmium par un élément moins nocif (InP, CulnS2).
D’autres nanoparticules (nanocristaux d’oxydes de terres rares dopés, nanoparticules
métalliques) sont aussi bien étudiés mais souffrent aussi du problème de toxicité dès
lors qu’on les injecte dans des organismes vivants. Le LETI travaille aussi sur la
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mise au point de nano-émulsions d’huile renfermant un fluorophore tel que ICG ; le
gros avantage de ces composés est que tous les éléments entrant dans la composition
sont autorisés pour injection à l’humain, la méthode de production peut être
industrielle, ils présentent une bonne stabilité et permettent facilement
l’encapsulation de fluorophore comme ICG et enfin, contrairement à ICG seul, une
nano-émulsion renfermant ICG a une fluorescence stable et élevée.
4. Imagerie de fluorescence par réflexion (FRI)
4.1. Systèmes FRI dédiés au petit animal
Le système FRI est le système le plus simple dans la panoplie des outils optiques
disponibles en imagerie moléculaire ; il est en effet constitué d’une source de
lumière étendue et d’une caméra plus ou moins sensible. Tout le problème est
d’optimiser au mieux le « triptyque » constitué de l’éclairage, du fluorophore et du
filtrage optique. En effet, le fluorophore est souvent en adéquation avec des raies
laser mais le filtrage utilisant des filtres colorés ou interférentiel peut être décalé en
longueur d’onde, ce qui pose problème pour avoir la meilleure réponse.
Il apparaît assez important ici de faire un aparté sur la fluorescence dite endogène,
bien que l’article soit focalisé sur la fluorescence provoquée par des marqueurs
fluorescents ; en effet, quand on éclaire un tissu vivant (animal ou humain), celui-ci
fluoresce et cela est dû à la présence de molécules telles que NADH, collagène et
porphyrine (les porphyrines en particulier sont présentes dans tout le corps et émettent
un rayonnement très large au-delà de 700 nm lorsqu’elles sont éclairées par du visible ;
des dérivés des porphyrines sont d’ailleurs utilisées en photothérapie dynamique) ; la
présence de ces substances diffère en proportion entre tissus sains et tissus cancéreux,
ce qui a permis de concevoir des appareils de diagnostique des tissus dysplasiques (i.e.
précancéreux) pour l’œsophage. Le tissu est éclairé grâce à un endoscope dans l’ultraviolet (400 nm) et on regarde l’autofluorescence dans les bandes bleues et vertes
(autour de 480 et 530 nm) des tissus ; le rapport entre les intensités de ces
autofluorescences renseigne sur le fait que le tissu est sain ou non. Des industriels
(Storz, Xilix) ont développé des outils déjà utilisés en clinique ; en France des
laboratoires travaillent sur cette thématique et sont à la pointe de la recherche (le
laboratoire BioMoCeti à l’université Pierre et Marie Curie, le CRAN Nancy et le
Pr.Guillemin au Centre anti-cancéreux Alexis Vautrain).
Dans le cas qui nous intéresse, fluorescence exogène, c’est-à-dire introduction
d’un marqueur fluorescent, l’autofluorescence naturelle des tissus est toujours
gênante, car son spectre est large et recouvre partiellement celui du fluorophore ;
néanmoins cette autofluorescence est nettement moindre lorsque l’excitation
lumineuse est plutôt vers l’infrarouge (au-dessus de 650 nm). La plupart des
systèmes dédiés au petit animal utilisent une caméra CCD refroidie (à cause de
temps d’intégration qui peuvent être longs, supérieurs à quelques secondes, donc
Imagerie moléculaire optique
141
pour minimiser le bruit thermique) et un éclairage soit laser (assez rarement) soit à
base de couronnes de LEDs ; ainsi on va trouver des systèmes chez Xenogen,
Berthold, Biospace, Hamamatsu ou Kodak (systèmes couplés à des appareils de
bioluminescence) ou des appareils de FRI seuls (Siemens, CRI, Li-Cor) ; on peut
noter que CRI développe et commercialise un imageur FRI très haute qualité avec
filtres accordables permettant de faire le spectre en chaque point de l’image, c’est
aussi un des systèmes les plus chers sur le marché.
Le LETI quant à lui a développé (figure 4) une couronne de LEDs bicolore
(plusieurs centaines de LEDs) donnant un bon champ de vue (10 cm de diamètre
environ), une grande homogénéité d’éclairage et assurant un très bon filtrage.
Figure 4. Système de FRI à base de diodes électroluminescentes filtrées dédié à
l’imagerie du petit animal
4.2. Sondes peropératoires
Dans le domaine de l’instrumentation pour l’imagerie de fluorescence in vivo les
trois gros industriels GE, Philips, Siemens sont encore peu présents.
Le principe est le même que pour l’animal ; on injecte un composé vecteur
(ciblant la tumeur)/fluorophore chez le patient et en éclairant le champ opératoire, on
détecte sur une caméra sensible la présence de tumeurs fluorescentes.
GE propose sur catalogue pour des équipes de recherche le système d’imagerie
peropératoire développé avec l’équipe de J. Frangioni. Ce système repose sur un
éclairage utilisant une grande surface de LEDs et 3 caméras à très haute sensibilité.
Ce système bien que très performant est très encombrant et très cher (PRI>150k$).
Hamamatsu propose une sonde per opératoire en fluorescence qui a déjà été
testée sur 200 patientes pour la détection du ganglion sentinelle dans le cancer du
sein. Cette sonde présentée ci-avant ne fonctionne pas en éclairage ambiant et
nécessite d’éteindre la lumière dans la salle d’opération pour effectuer la mesure.
142
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Figure 5. Sonde per opératoire proposée par Hamamatsu
Les sondes présentées ci-après fournissent une image en fluorescence mais ne
permettent pas de se repérer par rapport aux structures anatomiques. Pour permettre ce
repérage on utilise une faible proportion de lumière parasite qui permet de distinguer
les contours de l’animal et on forme une image couleur sur une deuxième caméra.
Dans le cadre du programme ANR TECSAN V2IP, le LETI a développé une
sonde qui superpose une image couleur du champ opératoire et une image en
fluorescence de ce champ. Dans ce projet, le LETI développe un prototype de sonde
per opératoire qui doit pouvoir être utilisé par l’Inserm U896 pour des essais
cliniques. L’application pour les cancers colorectaux nécessitent de développer un
conjugué
anticorps/fluorophore,
l’anticorps
ciblant
les
antigènes
carcinoembryonnaires secrétés par les cancers digestifs. La sonde est ensuite utilisée
pendant une opération d’exérèse des tumeurs colorectales, opération « ventre
ouvert », donc tissus et organes internes accessibles (intestin, péritoine…) à vue.
Cette deuxième génération de sonde utilise deux caméras : une CCD filtrée pour
la fluorescence et une caméra CMOS pour la vidéo couleur. Les deux images avec
des spectres différents sont vues à travers le même objectif et renvoyées sur chaque
caméra à l’aide d’un cube séparateur (figure 6).
Figure 6. Sonde avec son embout stérilisable. Montage du cube séparateur avec la
caméra CCD d’une part et la caméra couleur en dessous
Imagerie moléculaire optique
143
Une première série d’essais sur souris a été réalisée au CRLC de Montpellier
avec un protocole similaire à celui des essais cliniques (injection de conjugué
anticorps/fluorophore en proportion du poids de l’animal).
Les essais réalisés en juillet 2008 ont permis de vérifier qu’on détectait sans
ambiguïté les nodules cancéreux de petite taille (1 mm) sur des souris injectés dans
des conditions comparables à celles d’essais cliniques pour l’homme. Un double
marquage (fluorescence/iode radioactif) a permis de vérifier la bonne
correspondance entre ces deux marquages.
Le plus gros problème subsistant est l’injection du conjugué
anticorps/fluorophore qui nécessite un important travail de certification pour prouver
évidement la non-toxicité de ces produits.
5. Tomographie optique de fluorescence
5.1. Principe de la tomographie optique
5.1.1. Objectifs
La tomographie optique diffuse de fluorescence permet de développer des systèmes
d’imagerie fonctionnelle. Son but est d’offrir la possibilité d’obtenir, in vivo,
l’information fonctionnelle en 3D sur l’animal imagé. L’animal est préparé
préalablement à son examen par un marquage fluorescent. Il est ensuite placé dans un
support adapté (anesthésiant, chauffant, immobilisant) puis imagé. La reconstruction du
marquage fluorescent peut ensuite s’effectuer off-line. Elle permet le suivi in vivo de la
bio-distribution de marqueurs spécifiques fluorescents en 3 dimensions dans l’animal et
est utilisée à ce titre dans le cadre de la lutte contre le cancer et plus particulièrement
dans celui du développement de nouvelles thérapies (Arridge, 1999).
Pour atteindre cet objectif, trois verrous principaux sont à lever : la forte
atténuation des tissus, l’hétérogénéité des tissus quant à leurs propriétés optiques et
la forme complexe de l’animal.
Figure 7. Transmission de la lumière selon les organes
144
RS - I2M – 8/2008. Génie biologique et médical
Les principaux facteurs limitant la sensibilité et la pénétration de la lumière dans
les tissus sont leur auto-fluorescence, leur diffusion et la forte atténuation des
milieux très vascularisés. Les techniques optiques utilisant des éclairages
conventionnels restent pour le moment limitées à une profondeur centimétrique avec
une résolution en profondeur de l’ordre de 3 mm. Des mesures faites au spectromètre
dans des échantillons des différents organes de l’animal sont présentées sur la
figure 7 et témoignent de cette hétérogénéité des tissus.
Aux longueurs d’onde du proche infrarouge (635-900nm), les ratios entre
coefficient d’atténuation et coefficient de diffusion entre tissus musculaires et tissus
fortement vascularisés (par exemple le foie) présentent une forte variation. La
reconstruction de la fluorescence s’en trouve affectée et se comporte différemment
entre ces zones. Ce problème est d’autant plus délicat qu’il est difficile de connaître les
caractéristiques optiques des tissus vivants. Pour s’en convaincre, la figure 7 présente
une image d’une souris avec le spot laser soit situé en dessous des poumons, à gauche,
la lumière est stoppée, soit en dessous de l’abdomen, à droite, la lumière traverse
l’animal. La principale difficulté sera d’obtenir suffisamment de données traversant les
poumons pour pouvoir reconstruire dans cette zone (Cheong et al., 1990).
(a)
(b)
Figure 8. Différence de transmission entre poumons et abdomen dans la souris, la
lumière ne traverse pas la souris dans le cas des poumons (a), elle la traverse
parfaitement sous l’abdomen (b)
De plus, les contraintes d’exploitation de la méthode (simplicité de manipulation,
fortes cadences) imposent de travailler avec la souris immobile simplement posée sur
un plateau. Cette géométrie d’acquisition rend la reconstruction en milieu diffusif
sensible à de faibles variations d’échantillonnage dans l’espace de mesure. Les
reconstructions analytiques existantes s’appuient sur des géométries simples
(parallélépipède mince infini, cylindre). La première géométrie impose de plonger
l’animal dans un milieu d’adaptation des paramètres optiques (Intralipid) qui ramène
l’ensemble animal et liquide à la forme connue, la seconde impose de placer l’animal
verticalement dans un cylindre, ce qui est très éloigné de sa position physiologique.
Imagerie moléculaire optique
145
L’objectif est de s’affranchir de ces contraintes géométriques et d’imager l’animal
dans sa position physiologique naturelle.
L’originalité du système développé au LETI est la levée de ces trois verrous sur
un système « temps continu ». D’autres tomographes existent sur le marché comme
celui de la société VisEn qui permet d’imager l’animal placé entre plaques dans un
support. D’autres équipes s’orientent également vers la tomographie résolue en
temps ou des applications cliniques comme la société ART Advanced Research
Technologies Inc (Fortier 2007).
5.1.2. Description du tomographe
Le tomographe est constitué de trois éléments principaux : un laser, une caméra
équipée d’une optique adaptée placée en vis-à-vis, et des tables de translation. Les
filtres et la longueur d’onde d’excitation du laser (690 nm) ont été choisis en
fonction de l’étude du spectre d’absorption de souris vivantes, celui-ci présentant un
minimum entre 690 et 800 nm. Le laser peut de plus exciter une large bande de
fluorophores dont le spectre d’absorption varie de 660 nm à 750 nm.
Le laser est placé en dessous de l’animal de façon à limiter l’influence de
l’autofluorescence et à éviter la saturation de la caméra. Il se déplace sous l’animal
pour décrire une grille régulière d’environ 11 par 11 positions d’acquisition, tous les
2 mm, et se ramener à la géométrie typique du parallélépipède infini. Pour chaque
position, le temps d’intégration de la caméra est adapté de façon à tirer partie de sa
dynamique quelle que soit la région scannée de l’animal et deux images sont
acquises : une image de diffusion et une image de fluorescence après positionnement
du filtre sélectionné selon le fluorophore choisi pour le marquage.
Une interface utilisateur permet d’effectuer les acquisitions d’images du
tomographe. Elle permet de choisir la zone de scan, le filtre à utiliser et de
commander les différents éléments du système. Une autre interface utilisateur permet
de régler les paramètres de reconstruction de la fluorescence.
5.1.3. Description de la méthode de reconstruction
Une méthode originale de reconstruction permettant de tenir compte à la fois du
caractère hétérogène de l’animal et de sa forme complexe a été développée. Une
carte des propriétés optiques de l’animal est calculée à partir des images de
diffusion. Cette carte est ensuite utilisée conjointement aux mesures de fluorescence
par l’algorithme pour reconstruire la distribution de la fluorescence dans l’animal
(Herve, 2007). Une autre méthode employée par Ntziachristos consiste à normaliser
les mesures par une approximation de Born (Ntziachristos 2001).
La propagation de la lumière est modélisée par l’équation de la diffusion qui est
valide pour µ’s>>µa, plus des conditions de bords dites extrapolées : (extrapolated
boundary conditions) (Aronson 1995). Lorsque l’on suppose travailler dans des
milieux homogènes et de formes régulières (parallélépipèdes d’intralipide), la
146
RS - I2M – 8/2008. Génie biologique et médical
propagation de la lumière dans les tissus peut être calculée de façon analytique. Afin
de calculer la propagation de la lumière dans un milieu de forme simple (souris
plongée dans un bain d’intralipide ou souris compressée entre des plaques) mais
fortement hétérogène, les équations de propagation ont du être résolues
numériquement.
On suppose ici que la propagation de la lumière modélisée par (r) suit
l’équation de Helmoltz :
2s (r )  k (r )s (r )   Ss (r ) avec k (r )  3 a   s'
[1]
avec r position dans l’échantillon étudié, et l’indice s étant relatif à la position de la
source.
k(r) appelée “carte d’hétérogénéités optiques” dépend des coefficients
d’atténuation et de diffusion réduit. Cette carte peut également permettre de tenir
compte des effets de bords (Hervé 2007).
La forme discrète de [1] donne:
2Gs (r )  k (r )Gs (r )   (r - rs )
[2]
Le flux est relié aux fonctions de Green Gs(r) par l’équation
s (r )  .Gs (r )
avec  dépendant de l’intensité du laser et du rendement quantique du détecteur et
étant déterminé par des expérimentations de calibrage consistant à illuminer un
fantôme homogène de caractéristiques optiques connues.
La carte d’atténuation k est calculée de manière itérative par comparaison entre
les fonctions de Green et les mesures d’excitation. Une fois cette carte déterminée, le
champ de fluorescence est reconstruit au moyen d’un algorithme ART (Algebraic
Reconstruction Technic) dont la convergence est atteinte en une quinzaine
d’itérations avec un facteur de relaxation de 0,1.
(a)
(b)
Figure 9. Laser oblique scannant l’objet (a) et surface déterminée par triangulation
(b), validation sur un fantôme de calibration en forme de marches d’escalier
Imagerie moléculaire optique
147
Pour calculer la propagation de la lumière dans un milieu de forme quelconque
(souris dans sa position physiologique), la méthode des volumes finis (utilisation
d’un maillage non structuré afin que celui-ci s’adapte à la surface du milieu) a été
employée. Le tomographe est équipé d’un autre laser qui scanne la surface
supérieure de l’animal (figure 9 gauche) nécessaire à la construction de ce maillage.
La figure 9 à droite présente en surimpression le maillage de la surface déterminée
par triangulation de ces mesures sur un fantôme escalier calibré.
5.1.4. Validation du système
La validation du système a été conduite aussi bien sur fantômes que sur animaux.
Des études de linéarité du système avec la concentration et la position en
profondeur du fluorophore ont été effectuées sur fantômes. Elles ont montré que la
linéarité du système est indépendante de la position du fluorophore en profondeur
dans le fantôme et que la fluorescence reconstruite est bien positionnée quelle que
soit la concentration.
Une étude longitudinale a été effectuée en collaboration avec l’IAB sur des
souris présentant des tumeurs pulmonaires. Dans cette expérience, les souris étaient
placées entre plaques. Elle a montré qu’on séparait les souris malades des souris
saines et que l’on pouvait suivre l’évolution de la maladie avec le temps sur un
même animal. On présente sur la figure 10 (haut) le volume reconstruit (zone
pulmonaire) 10, 12 ou 14 jours après implantation de la tumeur en superposition sur
une photo de l’animal. Ces reconstructions mettent en évidence l’intérêt de la
tomographie par rapport à l’imagerie par réflexion (FRI) (figure 10 bas). Avec la
FRI, on n’accède pas aux informations en profondeur et le suivi de la maladie au
cours de son évolution n’est pas possible (Koenig, 2008).
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Figure 10. Suivi de l’évolution de la maladie sur une même souris porteuse de
tumeurs pulmonaires, comparaison entre résultats de tomographie (haut) et de FRI
(bas) sur une souris porteuse de tumeurs pulmonaires imagée à 10 jours (gauche)
12 jours (centre) et 14 jours (droite) après implantation de la tumeur
148
RS - I2M – 8/2008. Génie biologique et médical
La validation de l’appareil pour l’imagerie d’animaux en position physiologique,
sans liquide d’adaptation et sans plaque supérieure s’est faite sur des souris dans
lesquelles nous avons inséré un capillaire contenant 3 pmol de marqueur couplé à de
l’Alexa700. L’acquisition de la surface externe de la souris et le calcul de la carte
d’hétérogénéité nous permet de reconstruire le capillaire aussi bien quand il est placé
dans la zone abdominale que lorsqu’il est inséré dans la zone pulmonaire (figure 11).
Figure 11. Calcul de la surface de l’animal et reconstruction d’un capillaire
contenant 3 pmol de marqueur couplé à l’Alexa700 dans la zone pulmonaire d’une
souris imagée « à l’air »
5.2. Couplage de la tomographie optique avec d’autres modalités d’imagerie
L’intérêt du couplage du signal optique (fluorescence) et des mesures
d’atténuation des rayons X est d’offrir la possibilité d’obtenir, in vivo, sur le même
banc à la fois l’information anatomique et l’information fonctionnelle.
La figure 12 montre une mise en correspondance entre la reconstruction de la
fluorescence (imagerie fonctionnelle) avec une acquisition de microCT (imagerie
structurelle) effectuée au SHFJ. Sur cette image, la mise en correspondance s’est
effectuée a posteriori, mais un tel couplage pourrait être effectué au cours de la
reconstruction de la fluorescence. En effet, l’algorithme de reconstruction pourrait
s’appuyer sur des données structurelles pour connaître les propriétés optiques des
milieux traversés.
Imagerie moléculaire optique
149
Figure 12. Mise en correspondance des reconstructions de fluorescence et de
microCT au SHFJ
A l’IMF, des premiers résultats de mise en correspondance entre la
reconstruction de fluorescence et l’IRM ont été effectués comme présenté figure 13.
Figure 13. Mise en correspondance entre reconstruction de la fluorescence et IRM
à l’IMF
6. Techniques d’imagerie optique profondes
6.1. Objectifs et verrous technologiques
6.1.1. Objectifs
Cette thématique a pour objectif le développement d’outils d’imagerie capables
de détecter des tumeurs profondes préalablement marquées sur patient humain. Ces
outils reposent sur des mesures de fluorescence résolues en temps, ce qui permet de
tirer parti du temps de vol des photons dans le milieu vivant et d’accroître la
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RS - I2M – 8/2008. Génie biologique et médical
précision de localisation. Suivant les applications, on distingue deux types de
géométrie de mesure :
– par transmission (applications en mammographie par exemple) ;
– par réflexion (applications potentielles en imagerie de la prostate).
Le développement de tels outils d’imagerie nécessite également l’élaboration
d’algorithmes de reconstruction capables de localiser ces inclusions en 3D à partir de
piles d’images résolues en temps fournies par les instruments.
6.1.2. La mesure résolue en temps
Pour les structures profondes le signal de fluorescence provenant des tumeurs
marquées est toujours beaucoup plus faible que celui des tissus sains, dans lesquels
les marqueurs sont également logés. A l’aide d’une simple mesure à l’aide d’un laser
continu, on n’arrive donc pas à sortir le signal du bruit si l’inclusion est plus
profonde qu’un à deux centimètres. Pourtant, certaines applications essentielles
comme la détection de cancer des seins ou de la prostate nécessitent d’aller jusqu’à
des profondeurs pouvant aller jusqu’à 10 cm (cas de la mammographie).
Pour aller en profondeur, on s’intéresse à l’aspect temporel de la propagation de
la lumière dans les tissus vivants. Au lieu d’utiliser un laser continu, on remplace
celui-ci par un laser produisant des impulsions très courtes, de quelques
picosecondes à une centaine de femtosecondes. Ces impulsions excitent la
fluorescence et on mesure le temps d’arrivée des photons vers le détecteur à l’aide
d’une chaîne résolue en temps. Ces chaînes de mesures peuvent être un simple
photomultiplicateur relié à une chaîne de comptage résolu en temps (en anglais Time
Correlated Single Photon Counting (TCSPC) (Corlu, 2007).
Nb de photons
Echelle log
Signal d’autofluorescence généré à l’entrée
des tissus par l’impulsion de laser
Variation à détecter
Temps correspondant
Au parcours de la lumière
Du point d’impact au
fluorochrome et retour
(Quelques ns)
Quelques ns
Signal de fluorescence
du marqueur + signal
de diffusion
Temps, ns
Fenêtre temporelle de travail
Dans laquelle on peut mesurer
Le signal de fluorescence
Figure 14. Aspects temporels du signal à détecter
Imagerie moléculaire optique
151
En étudiant le signal temporel obtenu on parvient à séparer le signal
d’autofluorescence et le signal diffusé du signal recherché. On effectue la lecture une
fois que les signaux parasites ont décru (figure 14).
Ce type d’instrumentation résolu en temps présente un deuxième avantage : en
effet, le temps d’arrivée des photons est directement relié à la profondeur de
l’inclusion. Plus l’inclusion est profondément enfouie dans le tissu, et plus les
photons arrivent sur le détecteur tardivement. C’est pourquoi les mesures en temps
résolu permettent souvent d’obtenir des images 3D avec des résolutions spatiales
meilleures que celles obtenues en continu.
6.1.3. La reconstruction
L’obtention d’une image 3D à partir des mesures résolues en temps n’est pas
immédiate. Le principal problème à résoudre consiste à extraire du signal de mesure
des informations temporelles pertinentes pour la localisation des inclusions
fluorescentes. En effet la quantité très importante des données résultant des
acquisitions résolues en temps nécessite d’effectuer la reconstruction en décrivant le
signal de mesure non pas point par point, mais avec un nombre limité de paramètres.
Pour cela on s’oriente en priorité sur la projection du signal de mesure sur une
base de moments ou sur une base d’ondelettes.
6.2. Exemples concrets d’application : la détection de cancer de la prostate
et du sein
Deux axes de développement ont été plus particulièrement approfondis : la
mesure en transillumination qui devrait ultérieurement pouvoir être utilisée en
mammographie, et la mesure en réflexion qui dans nos travaux se focalise vers le
développement d’une sonde endorectale bi-modalité (ultrasons/fluorescence) pour
l’aide à la biopsie dans le cancer de la prostate.
6.2.1. Mesure en transillumination
D’un point de vue expérimental cette géométrie est plus simple et génère moins
de parasite sur le détecteur. Entre autres, le niveau d’autofluorescence est quasi
négligeable. Cette géométrie étant bien adaptée à la mammographie. Les figures
suivantes montrent une photographie et un schéma du dispositif.
Pour chaque série d’expériences, c’est-à-dire chaque position et/ou concentration
de fluorophore à l’intérieur du fantôme liquide, on déplace la source en 25 positions
(surface couverte 5 cm par 5 cm), et pour chaque position de source, on acquiert
l’image de fluorescence en sortie de cuve. (Pour différents temps de mesure on
déplace une fenêtre d’acquisition de 300ps). Grâce au profil d’intensité et de temps
de vol, on est capable de reconstruire la position du fluorophore. Le capillaire de
fluorophore placé dans la cuve représente une zone cancéreuse qui aurait accumulé
152
RS - I2M – 8/2008. Génie biologique et médical
un fluorophore préalablement injecté à une patiente. La résolution géométrique
obtenue avec ce système pour un capillaire de petite taille est de l’ordre de 1cm3 à
comparer aux 5 à 6 cm3 présentés par les équipes concurrentes qui pour de telles
profondeurs n’utilisent pas pour le moment de résolution temporelle.
Figure 15. Dispositif de mesure résolue en temps en transillumination
Figure 16. Schéma expérimental et reconstruction 3D à partir des images de
transmissions filtrées à la longueur d’onde d’émission du fluorophore (autours de 775
nm) pour chacune des sources (symbolisées par le réseau de points situé sur le plan
Z=0 sur la reconstruction en haut à droite). Différentes positions du fluorophore ont
été successivement reconstruites
Imagerie moléculaire optique
153
6.2.2. Mesure en réflexion
D’un point de vue expérimental les signaux d’excitation et de fluorescence étant
situés sur la même face de la zone observée, le niveau d’autofluorescence vu par les
détecteurs est très élevé et le signal de mesure peut aussi être perturbé par du signal
d’excitation diffusé. Ce type de géométrie correspond à celui rencontré dans
l’examen de la prostate.
Dans de cas de la prostate, l’objectif est de développer une approche utilisant une
combinaison d’imagerie par fluorescence et d’imagerie ultrasonore pour localiser les
zones potentiellement cancéreuses et ainsi diminuer significativement le nombre de
biopsies nécessaires pour un diagnostic sûr. Les ultrasons permettent d’apporter
l’information morphologique (contours de la prostate) et la fluorescence
l’information fonctionnelle (présence ou non de tumeurs)
Le principe envisagé pour ce système consiste à effectuer avant la biopsie une
injection d’un vecteur fluorescent qui va se concentrer spécifiquement dans les zones
cancéreuses de la prostate. La recherche en profondeur de la zone fluorescente se fait
à l’aide d’un système de tomographie de fluorescence résolue en temps fibré dans la
sonde endorectale destinée à la mesure en ultrasons.
High Rate Imager
CCD
Le dispositif expérimental est présenté ci-après, Il est très proche dans sa
structure et dans son fonctionnement de celui utilisé en transillumination.
Laser
lariz
Po
er
MCP
Objective
Filters
Analyzer
Figure 17. Banc de tomographie optique en géométrie de réflexion résolu en temps
et schéma de principe et photo du dispositif de détection résolu en temps. Le
capillaire fluorescent est situé à 1 cm de profondeur dans le fantôme de prostate
Un laser impulsionnel balaye le fantôme simulant les propriétés de la prostate
suivant un motif prédéfini. A chaque position du laser, une séquence d’image résolue
en temps est acquise par une caméra intensifiée. Cette caméra n’intègre le signal
154
RS - I2M – 8/2008. Génie biologique et médical
lumineux que pendant un intervalle de temps très bref (300 ps) et dont on peut faire
varier le retard sur une plage importante (plusieurs ns).
La pile d’images obtenue permet, après reconstruction à l’aide d’un algorithme
basé sur les moments d’ordre 0 (intensité moyenne du signal) et 1 (temps de vol des
photons) d’obtenir une localisation en 3D de l’inclusion fluorescente. (Boutet, 2009)
Les potentialités de cette approche sont présentées dans la figure 18 qui montre que la
reconstruction de l’inclusion fluorescente dans le fantôme de prostate a pu être superposée
aux images obtenues à l’aide d’une sonde ultrasonore sur le même fantôme.
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Figure 18. En haut à gauche : Les résultats de la reconstruction sont présentés sous
la forme de coupes dans le plan XY. On distingue l’inclusion fluorescente à la
bonne position (z = 1,2 cm). En haut à droite : vue 3D de l’inclusion reconstruite.
En bas à gauche : coupe ultrasonore du fantôme de prostate (on repère l’inclusion
Imagerie moléculaire optique
155
qui est plus echogène). A droite : superposition avec la carte de fluorescence
obtenue par reconstruction
7. Conclusion
L’évolution du domaine de l’imagerie moléculaire optique va dépendre à la fois
des marqueurs et de l’instrumentation. Les progrès sur les marqueurs vont être
déterminants au regard des applications. Des marqueurs multimodaux (PET/Fluo)
(IRM/PET), des marqueurs activables avec des durées de vies biologiques
contrôlables, une brillance élevée et des durées de vie de fluorescence variables sont
en cours d’étude dans l’environnement du DTBS et dans des laboratoires extérieurs.
Ces marqueurs vont permettre d’aborder une large palette d’applications cliniques en
utilisant des instrumentations conventionnelles bien maîtrisées (PET, IRM). Par
ailleurs ces marqueurs permettront sûrement de faire le lien entre le design de
drogues, l’imagerie diagnostique et l’imagerie interventionnelle.
Même si le passage à des applications cliniques risque d’être ralenti par la
nécessité d’obtenir des AMM (autorisations de mise sur le marché) pour réaliser des
essais cliniques avec les marqueurs, il nous faut préparer activement cette phase par
un rapprochement avec les infrastructures hospitalières.
8. Références
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