DE BRIVE A TULLE : LA ROUTE DU PEYROU à SAINT HILAIRE PEYROUX Contribution de Madame Guély Présidente de la Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze Remarque préliminaire de Mme Guély : "Jadis, on ne se souciait guère de l'orthographe ... Dans les vieux textes, on écrivait Le Peyrou, sans le X final" ORIGINE C'est le tronçon d'une route de long parcours qui reliait Malemort à Naves, deux établissements celtes, puis gallo-romains. Il s'agit d'un chemin de crête évitant les têtes de ruisseaux qui descendent vers la profonde vallée de la Corrèze à l'est et celle de la Couze à l'ouest. Son altitude varie de 340 à 360 m. Il évite les villages aux noms anciens : ainsi à l'est Ladignac, et, à l'ouest Venarsal, Brenat, Meyrat,, et plus loin encore Sourzat, Leyrat et Femblat. Le long de cette route, des noms significatifs : le Pas (ou passage) du Loup, les Traverses, le Pilou (ou la borne), la Font martine, le Peyrou (qui désigne un monticule de pierres amassées), le Tranchat (ou chemin creux). Cet itinéraire sert de frontière entre Venarsal et Saint Hilaire, et, plus loin, entre Favars et Chameyrat. Il passe à la Croix Rouge, au carrefour de la route de Saint Germain à Tulle. Une deuxième preuve de l'ancienneté de cette route qui mène, au-delà de Naves, à Ussel, puis en Auvergne, et au sud, au-delà de Brive, à Périgueux et Bordeaux, est l'établissement de foires, en pleine campagne, au Peyrou. Nous savons qu'au temps des celtes ou gaulois se tenaient des foires souvent établies en pleine campagne, à la limite des différents peuples, dans une zone considérée comme neutre, souvent dans des clairières, au milieu de forêts qui servaient de frontière entre ces peuples. Le Peyrou a-t-il été la frontière entre les Lémovices et une tribu gauloise appelée les Eleutètes ? Avant même les celtes, les grandes fêtes se tenaient au solstice d'été (le 24 juin), transformé en fête de Saint Jean Baptiste. Il est possible que la première foire du Peyrou ait été celle du 23 juin, veille du solstice d'été ... Le début du mois de mai correspond chez les celtes au cycle de Belteine : est-ce l'origine de la foire du 3 mai à Saint Hilaire Peyrou ? LES GRANDES HEURES DE LA ROUTE Il est évident qu'un chemin qui a été parcouru, de l'Antiquité au 18ème siècle, par des caravanes de mulets, des soldats et des marchands, des moines et des pèlerins, a attiré aussi l'attention des autorités locales intéressées, d'une part par la sécurité, d'autre part par le profit des foires. Nous savons que l'église a certainement été fondée par un évêque de Limoges sous le vocable de Saint Hilaire. On le célèbre le 13 janvier et la foire du 11 janvier qui précède de deux jours la fête de ce saint a dû être fondée en son honneur. Aux premiers temps de la féodalité, vers l'année mil, Saint Hilaire Peyrou appartient aux Malemort : ce sont eux, en principe, qui surveillent la route et les foires dont ils perçoivent les taxes, et sans doute un péage qui se trouvait à Derses, à l'entrée de leur baronie. En 1372, les Malemort vendent la seigneurie de Saint Hilaire Peyrou aux Vicomtes de Turenne qui en font une châtellerie, avec Chameyrat qu'ils possédaient déjà, et Venarsal. Les avantages d'être en Vicomté étaient nombreux et surtout très intéressants au 16ème et 17ème siècles : on ne payait pas la taille au roi, impôt qui avait tendance à augmenter sans cesse, et on ne logeait pas les soldats du roi en quartiers d'hiver. Ils n'étaient donc pas censés entrer en Vicomté en provenance de Brive ou de Tulle. C'est probablement pour cette raison qu'ils empruntaient la route de Tulle à Saint Germain les Vergnes, puis Sainte Féréole, avant de descendre vers Malemort. La route par le Peyrou, qui ne devait être d'abord qu'un chemin muletier, comme tous les axes secondaires, a ensuite été rendue accessible aux charrettes, et probablement aussi au courrier qui transitait de Tulle à Brive. Selon l'érudit Champeval, dans son ouvrage sur les paroisses du Bas Limousin, il y avait au Peyrou un relais pour les chevaux et sans doute des auberges ou des cabarets. Il ne s'agissait pourtant pas d'une route royale. Après la vente de la Vicomté de Turenne au roi en 1738, et la vente de la châtellerie de Saint Hilaire, Chameyrat et Venarsal , va se poser la question de la route. Visiblement, l'intendant et les agents en charge de cette route préféraient privilégier la tracé par Sainte Féréole, plus long, mais sans doute plus commode à la sortie de Malemort. Il est certain que la route en lacets qui descendait vers la vallée de la Couze était plus adaptée aux chevaux et mulets qu'aux voitures. La paroisse de Saint Féréole, dont le seigneur était l'évêque de Tulle, avait dû faire valoir sa longue fidélité au roi. Dans leurs cahiers de doléances rédigés en 1789, les habitants de Saint Hilaire Peyrou se plaignaient de 2 choses : - leurs impôts qui ont décuplé depuis la vente de la vicomté - aucun chemin praticable pour voiturer les denrées à Tulle et à Brive, les obligeant à utiliser des bêtes de somme. Ils faisaient aussi observer que, vers 1786, l'intendant avait fait piqueter la route Malemort, Venarsal, Chameyrat qui passait chez eux, et que, finalement, les ingénieurs avaient adopté le tracé par Sainte Féréole. Enfin, ils rappellent qu'il y a au Peyrou, regardé comme chef-lieu de la paroisse, 6 foires annuelles "établies depuis plus d'un siècle" et il en demandent 6 autres. Parmi les assistants, on trouve, chose assez rare, deux anciens curés, l'ancien Dellac, et le nouveau Delage, ainsi que le notaire Latreille qui a dû rédiger le cahier de doléances. Au 19ème siècle, on va continuer à emprunter la route de Sainte Féréole, mais on commence à tracer ce qui deviendra la nationale 89, avec ses tunnels le long de la Corrèze. La vieille route du Peyrou est alors qualifiée de chemin d'intérêt commun Brive - Tulle n°12, avant de devenir l'actuelle RD 141. ++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++ Texte et carte transcrits en juin 2015 à partir des textes manuscrits rédigés par Mme Guély.