La Grèce conquiert son indépendance La guerre d`indépendance

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La Grèce conquiert son indépendance
La guerre d’indépendance grecque se produit au moment où le Sultan Mahmud II opère une
tentative de réformes de l’Empire Ottoman dans la nécessité de procéder à sa modernisation. Un
« jeu triangulaire », pour reprendre l’expression de Yves Ternon, s’opère durant cette longue période
de guerre d’indépendance entre l’impuissance du Sultan à moderniser son empire, les querelles
internes que les nationalités ont du mal à faire taire et l’impossibilité des puissances à s’allier entre
elles. Ainsi, différentes lectures apparaissent entre les différents pays. Il s’agira de savoir quels sont
les enjeux de la conquête de l’indépendance de la Grèce. Tout d’abord, il faut bien voir qu’un éveil
des particularismes s’établie progressivement en Grèce avant d’aboutir aux insurrections et à la
guerre civile pour enfin devenir le fouillis du jeu des puissances.
I.
Eveil d’un particularisme national
1. Développement de l’activité commerciale
L’activité commerciale des grecs est en plein essor, notamment de part ses échanges avec
l’Europe. Un certain nombre d’émigrations régulières s’opère alors, donnant considérablement de
l’ampleur à la diaspora grecque. Cette dernière apporte en Orient les idées de libéralisme et de
nationalisme avec la révolution française et les idées des Lumières. Une classe moyenne de
commerçant apparait dont les fils vont étudier dans les universités européennes. L’éveil est
particulièrement marqué une fois que les îles ioniennes fonctionnent en régime républicain et que
les fils des négociants sont revenus d’Europe.
2. Le mouvement philhellène et l’Hétairie
Le particularisme est ainsi mis en avant par un grand mouvement philhellène venu d’Europe qui
mélange du romantisme, du libéralisme et une réaction chrétienne sur un fond culturel imprégné de
la Grèce antique. Ce courant se développe de plus en plus au fil de la Guerre d’indépendance. Les
grecs eux-mêmes créent une société secrète les réunissant selon la tradition des « fraternités »
d’Epire et de Thessalie avec les Albanais : l’Hétairie. Le but premier de cette association amicale est
d’établir un Etat grec dont Constantinople serait la capitale, projet similaire à celui de Catherine II de
Russie dans l’optique de faire renaître Byzance. Les Phanariotes qui sont les privilégiés de l’Empire et
qui contrôlent le Patriarcat, inconditionnel de la Porte, sont en faveur des projets russes :
reconstruire un Empire byzantin dans lequel les grecs domineraient l’ensemble des nations.
Les idées libérales ont l’occasion d’intervenir en Grèce. Par exemple, l’administration fonctionne
par rapport aux « primats » qui sont des intermédiaires entre le pouvoir ottoman et la population.
Les communautés paysannes sont ainsi exploitées et s’exilent dans les montagnes de Morée dans
lesquelles ils soutiennent les klephtes.
II. Division des révoltés
1. Une guerre civile
Les premières révoltes ont lieu en Moldavie. Les Phariotes et boyards grecs intègrent l’Hétairie
en pensant recevoir une aide russe et un soutien des autres peuples chrétiens des Balkans, puisque
ces derniers s’étaient liés à la société secrète. C’est la première proclamation de l’indépendance
grecque. Les insurgés font appel au tsar, protecteur des grecs orthodoxes depuis le Congrès de
Vienne de 1815. Mais de nombreux retournements de situation amènent un échec des grecs dans les
principautés danubiennes. Les divers massacres n’arrêtent pas l’insurrection : l’assemblé d’Epidaure
en 1821 met en place une constitution et un pouvoir exécutif. L’indépendance de la Grèce est
déclarée en janvier 1822. Mais il y a alors une division latente entre les insurgés : d’un côté se
trouvent les notables, les « Primats », menés par Mavrocordàtos, qui défendent des idées libérales et
une souveraineté nationale à l’occidentale, et de l’autre, les militaires, les « Guerilleros », menés par
Kolokotrònis, qui sont pour une prise du pouvoir autoritaire voire dictatoriale le temps du conflit.
L’Assemblée nationale d’Atros de mars 1823 est d’ailleurs très forte symboliquement. Le conflit s’est
donc bien transformée en une véritable guerre civile - lecture faite par les Grecs, elle est différentes
de celle des européens et de celle du sultan - et ce jusqu’à la fin de la guerre d’indépendance. Plus
tard, la guerre se passe sous une autre forme entre les grecs du continent, les notables, et les grecs
des îles, les marins. Il s’agit alors d’une lutte politique et militaire.
2. Fortes répressions
Une fois le pacha de Janina, Ali Pacha, parti, une forte répression ottomane s’effectue,
particulièrement dans les îles. Suite à la proclamation de l’indépendance grecque, deux répressions
marquent tout particulièrement les grecs : le massacre de Chio en 1822 alors que la ville n’avait en
rien participé aux révoltes et le siège de Missolonghi en 1824. Les ottomans sont très efficaces car ils
sont soutenus par l’Egypte de Méhémet Ali qui a de grandes ambitions en Méditerranée.
3. Première réaction de la Ste Alliance
D’autre part, la troisième réunion de la Sainte Alliance a lieu à Vérone en octobre-décembre
1822. Une délégation grecque se présente pour demander du soutien. Mais les puissances refusent
même de l’écouter. La Grèce est donc seule contre l’armée ottomane entre la division de ses chefs et
l’indifférence des européens.
III. L’Intervention des puissances
1. Nécessité d’intervenir et intérêt des européens
La Guerre d’indépendance grecque intéresse en fait beaucoup les européens car l’équilibre
européen est mis en péril. Pour la Serbie et les principautés danubiennes, la situation était différente
car il s’agissait de zones d’influence définies par la diplomatie européenne et attribuées à la Russie et
à l’Autriche. Mais pour la Grèce, les choses sont différentes car il s’agit d’un pays méditerranéen et
concernant toute l’Europe.
Chaque pays a un intérêt différent à intervenir dans le pays. L’Angleterre souffre tout d’abord de
l’anarchie du commerce pour lequel l’indépendance des grecques rétablirait de l’ordre. De plus, les
anglais veulent intervenir pour empêcher les russes de se déclarer protecteur de la Grèce et ainsi de
pénétrer en Méditerranée car ils veulent garder le privilège de leur route des Indes. De plus, une
intervention est nécessaire car l’opinion publique est passionnée, la presse anglaise a sensibilisé la
population à la cause helléniste.
2. Ferveur des philhellènes
D’autre part, un courant philhellène très fort se développe. Cela correspond à une deuxième
lecture, celle des européens. Le siège de Missolonghi symbolise la résistance grecque et la mort de
Byron fait de ce dernier un martyr de la cause. De la peinture de Delacroix, « La Grèce expirant sur
les ruines de Missolonghi », aux poèmes d’Hugo, « L’Enfant grec aux yeux bleus », la mobilisation de
l’opinion publique est considérable en Europe, au point d’agir sur les gouvernements. On perçoit les
Grecs comme combattant pour la liberté dans un Orient mythique (même si l’on s’émeut plus
facilement des atrocités perpétrées par les ottomans plutôt que de celles des grecs…). De nombreux
intellectuels sont engagés comme on peut le voir par l’intervention de Fabvier et de Church à
Athènes ou bien par le dévouement de Chateaubriand. Les français sont les pionniers du courant. Le
pays a quelques atouts favorables à une intervention puisqu’ils ont quelques partisans chez les grecs
et un point d’appui dans l’Egypte de Méhémet Ali à la base. Ainsi, les pays rompent avec la politique
de soutien à l’Empire ottoman et reconnaissent leur soutien aux grecs belligérants.
3. Politique des puissances
Les puissances proposent tout d’abord leur médiation à la Porte mais Mahmud II refuse sans
délai : Il leur expose leur contradiction avec la Ste Alliance devant les cours européennes. C’est le
début de la déliquescence de la Sainte Alliance. Mahmud II explique alors que le sujet doit
obéissance à son souverain et que le souverain a tous les droits de régler ses propres affaires, il
ajoute également que l’intervention des puissances augmenterait la révolte grecque. L’intervention
des puissances est donc un événement très important, c’est la première fois que d’autres pays
interviennent directement dans un autre en politique.
Les puissances vont plus loin : En 1827, lors de la Conférence de Londres, la Russie,
l’Angleterre et la France demandent l’armistice et une médiation de la Triple Alliance en procédant à
une politique d’intimidation : Si le sultan refuse, les pays décréteront eux-même l’armistice et feront
respecter leurs escadres. Le sultan maintient sa position, ce qui donne lieu à la bataille de Navarin où
les flottes égyptiennes et turques sont détruites. Cet événement n’était pas souhaité par les
puissances et reste « déplorable » à leurs yeux bien qu’il a donné un grand espoir aux grecs.
Enfin, dans le traité d’Antinople, la Porte reconnait un Etat grec bien qu’il faille attendre juillet
1832 pour que le sultan accepte une indépendance totale sans tribut et ce en échange d’une forte
indemnité. Il faut noter également que le nouvel Etat dépend de la Triple Alliance pendant une
certaine période. Par exemple, les trois pays déterminent le roi de la monarchie chrétienne de Grèce.
Pour conclure, à la fin de la guerre, le nouvel Etat grec est affaibli économiquement. Cette
période n’est pas empreinte de fierté nationale puisqu’il y a eu des massacres de civils, une guerre
civile marquant l’incapacité des grecs à s’accorder. De même, les puissances ont agi en fonction de
leur intérêt immédiat. La France veut conserver son avantage commercial mais doit en même temps
faire attention à son opinion publique tandis que les anglais tiennent à conserver le monopole des
points stratégiques en mer Méditerranée. La Russie quant à elle tient à étendre son territoire, ce
pourquoi elle parait dangereuse au sultan. Ainsi, l’insurrection grecque brise le lien des puissances en
brisant leur détermination à s’opposer à une cause révolutionnaire. La déliquescence de la Sainte
Alliance s’effectue à partir d’une contradiction de la politique européenne. Cette guerre
d’indépendance marque la faiblesse militaire du sultan, et l’incapacité de l’Empire à se réformer va
très vite entrainer la chute de l’Empire.
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