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La vérité
Introduction _______________________________________________________________ 1
I. La vérité comme propriété d’une proposition ___________________________________ 1
A. La vérité-correspondance _____________________________________________________ 1
1. Exposition ________________________________________________________________________ 1
2. Difficulté _________________________________________________________________________ 2
B. La vérité-cohérence __________________________________________________________ 2
1. Exposition ________________________________________________________________________ 2
2. Difficulté _________________________________________________________________________ 2
II. Vérité et vie _____________________________________________________________ 3
A. La pensée est un phénomène de la vie ___________________________________________ 3
1. La vérité comme propriété d’un être vivant _______________________________________________ 3
2. Dispositions d’un organisme et relations à son milieu ______________________________________ 3
B. Projection et perspective ______________________________________________________ 3
1. Toute vérité est perspective (Pascal, Nietzsche) ___________________________________________ 3
2. Toute ouverture au monde est affectée (Heidegger) ________________________________________ 4
3. La vérité se fonde sur l’action et la projection _____________________________________________ 5
4. Être et temps ______________________________________________________________________ 5
C. La valeur de la vérité _________________________________________________________ 6
1. Remettre en question la valeur de la vérité _______________________________________________ 6
2. L’erreur est souvent utile à la vie ______________________________________________________ 6
3. Le cœur est au-dessus de la tête ________________________________________________________ 8
Annexes ___________________________________________________________________ 8
Résumé ____________________________________________________________________________ 8
Citations____________________________________________________________________________ 9
Sujets de dissertation _________________________________________________________________ 10
Introduction
Qu’est-ce que la vérité ? Y a-t-il une unique vérité, ou est-ce « à chacun la sienne » ? S’il y
a une unique vérité, nous est-elle accessible ou sommes nous enfermés dans notre perspective
particulière d’êtres humains à l’esprit limité ?
C’est à ces questions que nous allons maintenant essayer de répondre.
I. La vérité comme propriété d’une proposition
A. La vérité-correspondance
1. Exposition
Qu’est-ce que la vérité ? Partons d’un exemple tout simple. « Le ciel est bleu. » Cette
phrase est vraie. Elle est vraie, parce qu’elle correspond au monde, comme nous pouvons le
vérifier en levant les yeux. La vérité serait donc une propriété du discours qui dépend de son
rapport au monde. Une proposition serait vraie si elle correspond au monde. Cette « vérité-
correspondance » est l’idée la plus simple de vérité.
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2. Difficulté
On peut critiquer cette notion de vérité en disant qu’il nous est impossible de comparer nos
idées au monde. Comme nous l’avons vu, nous sommes enfermés dans un monde
d’apparences, et nous ne pouvons pas déchirer la toile des sensations pour accéder à la
« chose en soi » qui se cache derrière elles. Par conséquent, comment pouvons-nous savoir
que nos sensations correspondent bien au monde ? Il faudrait donc admettre que la vérité-
correspondance est impossible, et que nous ne pouvons définir la vérité que par la cohérence
interne de nos représentations.
Une perfection majeure de la connaissance et même la condition essentielle et inséparable
de toute sa perfection, c’est la vérité. La vérité, dit-on, consiste dans l’accord de la
connaissance avec l’objet. Selon cette simple finition du mot, ma connaissance doit donc
s’accorder avec l’objet pour avoir valeur de vérité. Or le seul moyen de comparer l’objet avec
ma connaissance, c’est que je le connaisse. Ainsi ma connaissance doit se confirmer elle-
même ; mais c’est bien loin de suffire à la vérité. Car puisque l’objet est hors de moi et que la
connaissance est en moi, tout ce que je puis apprécier c’est si ma connaissance de l’objet
s’accorde avec ma connaissance de l’objet. Les anciens appelaient diallèle un tel cercle dans
la définition. Et effectivement c’est cette faute que les sceptiques n’ont cessé de reprocher
aux logiciens ; ils remarquaient qu’il en est de cette définition de la vérité comme d’un
homme qui ferait une déposition au tribunal et qui invoquerait comme témoin quelqu’un que
personne ne connaît, mais qui voudrait être cru en affirmant que celui qu’il invoque comme
témoin est un honnête homme. Reproche absolument fondé, mais la solution du problème en
question est totalement impossible pour tout le monde. Emmanuel Kant, Logique (1800)
B. La vérité-cohérence
1. Exposition
On retrouve ici l’idée qu’il n’y a pas de « fondement » absolu pour la vérité, mais qu’elle
se meut dans une circularité essentielle : nous cherchons à donner une cohérence interne à nos
expérience, à notre monde des apparences. Nous cherchons à rendre compte des phénomènes,
sans pouvoir dépasser ces « ombres » projetées dans la caverne de notre conscience.
Mais parler de « cohérence » au lieu de « correspondance » n’est que donner un autre nom
pour désigner la même chose. Quand nous parlions de correspondance, nous n’avions rien
d’autre en tête que l’idée de rapporter une proposition ou une sensation à d’autres sensations.
Il ne s’agit pas de transcender le champ de nos expériences vers un au-delà métaphysique ou
mystique. En particulier, si nous admettons que les « choses » ne sont rien de plus que ce que
nous pouvons en connaître, c’est-à-dire rien de plus que leurs possibilités d’expression dans
des relations, alors on peut continuer à parler de « correspondance ».
2. Difficulté
L’étude de la notion d’interprétation nous a montré que pour un même « texte », de
multiples lectures cohérentes étaient possibles. De même en logique, la simple cohérence ne
suffit pas à nous décider : des géométries non-euclidiennes parfaitement cohérentes sont
concevables. Quelle est donc la vérité ? Comment choisir entre différentes conceptions du
monde également cohérentes ? C’est la difficulté du scepticisme et du relativisme : « à chacun
sa vérité ». Nous pouvons renvoyer ici aux principes d’interprétation (le principe de
simplicité, utilisé en sciences naturelles, et le principe de charité utilisé en sciences humaines)
qui donnent une solution pratique à ce problème.
La question qui se pose, face à ce problème hypothétique de la multiplicité des
interprétations, est celui de la sur ou de la sous-détermination : pour qu’il y ait effectivement
un problème, il faudrait qu’il y ait plusieurs manières concurrentes d’interpréter les mêmes
phénomènes. Il n’est pas garanti que le problème se pose en général. Et s’il se pose, on peut
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toujours s’en tenir à l’interprétation minimale, celle qui suppose aussi peu que possible. La loi
de la gravitation de Newton peut sans doute s’inscrire dans une multitude d’interprétations du
monde différents ; mais on peut aussi s’en tenir à cette loi et rester ainsi à un niveau purement
descriptif, solidement ancré dans l’expérience. On ne peut écarter l’hypothèse qu’il y a des
mondes parallèles, mais on n’est pas non plus obligé de parler de ces mondes hypothétiques.
Ajoutons que, la réalité étant une, la vérité, conçue comme l’image adéquate de cette
vérité, est nécessairement une aussi. Il peut bien y avoir plusieurs perspectives, plusieurs
points de vue sur les choses, mais il faut qu’il existe certaines règles qui régissent les rapports
entre ces perspectives. Ainsi, un cube peut bien être vu sous plusieurs angles, mais ces
différents aspects sont régis par des lois géométriques rigoureuses et ne sauraient être
arbitraires. Dire que « chacun a sa vérité » peut valoir si on parle de vérités subjectives : à
chacun ses goûts, à chacun sa façon de voir les choses qui lui convient, etc. Mais si on parle
de vérité objective, on doit admettre que la vérité est une et unique, et tous doivent s’y
conformer. La vérité doit alors être définie soit comme ce qui englobe toutes les
interprétations possibles, soit comme la portion congrue
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à toutes les interprétations. Par
exemple, si un objet B est placé entre A et C, tous les observateurs, quel que soit leur point de
vue, admettront que B est entre A et C.
II. Vérité et vie
A. La pensée est un phénomène de la vie
1. La vérité comme propriété d’un être vivant
Mais dire que la vérité est une propriété du discours (Hobbes) reste superficiel. Car,
comme nous l’avons vu dans le cours sur le langage, les mots et les signes en néral n’ont
pas de sens par eux-mêmes : ils ne signifient que pour autant qu’un être pensant leur attribue
une signification, c’est-dire en fait un certain usage. Les signes n’ont donc de vérité que de
manière seconde, parce qu’un être vivant les utilise. La véritable source de la vérité est dans
cet être vivant. Il nous faut donc rechercher le sens profond de la vérité dans la vie.
2. Dispositions d’un organisme et relations à son milieu
Fondamentalement, la vérité n’est donc pas une propriété d’une proposition, mais d’un
organisme vivant : c’est lui qui est « vrai » ou « faux », c’est-à-dire qui est dans le vrai ou qui
se trompe. La proposition n’est qu’un signe qui exprime cet état de l’être vivant, et
l’adéquation de la proposition au monde signifie en réalité l’adéquation de l’être vivant à son
milieu. Ainsi la vérité ne vaut pas seulement pour l’homme, mais pour tout être vivant.
Une croyance consiste en un ensemble de dispositions, d’attentes. Si l’être qui a ces
croyances est dans le vrai, alors ses attentes seront satisfaites. Par exemple, penser que le ciel
est bleu, c’est s’attendre à une certaine sensation visuelle dès que l’on lèvera les yeux.
B. Projection et perspective
1. Toute vérité est perspective (Pascal, Nietzsche)
Ce que nous venons de dire ne fait que reformuler l’idée de vérité-correspondance en
termes d’interaction entre un organisme et son milieu. On peut aller plus loin dans l’analyse
des relations entre la vérité et la vie, et montrer que la pensée entretient un rapport étroit avec
la volonté et les affects. Nous avons tendance à imaginer une pensée et une vérité pures, mais
ce n’est qu’une abstraction ou un idéal : dans la mesure elle est le fait d’un être vivant,
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Ce qui est commun à toutes les interprétations.
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toute pensée est toujours portée par une volonté et des affects. Or l’esprit « marche d’une
pièce » avec la volonté :
La volonté est un des principaux organes de la créance ; non qu’elle forme la créance,
mais parce que les choses sont vraies ou fausses, selon la face par on les regarde. La
volonté, qui se plaît à l’une plus qu’à l’autre, détourne l’esprit de considérer les qualités de
celles qu’elle n’aime pas voir ; et ainsi l’esprit, marchant d’une pièce avec la volonté, s’arrête
à regarder la face qu’elle aime ; et ainsi il en juge par ce qu’il voit.
Blaise Pascal, Pensées, § 99
Ainsi, toute pensée est perspective, pour reprendre les termes de Nietzsche. Il n’y a pas de
pensée sans volonté, pas de réponse sans question, pas d’idée sans problème.
Gardons-nous mieux désormais, messieurs les philosophes, de la vieille affabulation
conceptuelle dangereuse qui a posé un « sujet de la connaissance pur, soustrait à la volonté,
soustrait à la douleur, soustrait au temps », gardons-nous des tentacules de concepts
contradictoires tels que « raison pure », « spiritualité absolue », « connaissance en soi » : on
y exige toujours de penser un œil qui ne peut pas être pensé du tout, un œil qui ne doit avoir
absolument aucune direction, dans lequel les forces actives et interprétatives grâce auxquelles
seules le voir devient un voir quelque chose doivent être entravées, faire défaut, on y exige
donc toujours un contresens et un monstre conceptuel d’œil. Il n’y a qu’un voir en
perspective, qu’un « connaître » en perspective ; plus nous laissons d’affects prendre la
parole, plus nous savons donner d’yeux, d’yeux différents pour cette me chose, et plus
notre « concept » de cette chose, notre « objectivité » seront complets. Mais éliminer la
volonté en général, suspendre les affects tout autant qu’ils sont, à supposer que nous en
soyons capables : comment ? cela ne signifierait-il pas castrer l’intellect ?…
Friedrich Nietzsche, La Généalogie de la morale, III, § 12
2. Toute ouverture au monde est affectée (Heidegger)
Les affects ne sont pas quelque chose d’étranger à la pensée et qui viendraient la
« colorer » de l’extérieur. Bien au contraire, en tant que catégorie existentielle fondamentale
(nous sommes toujours déjà affectés d’une manière ou d’une autre, nous ne pouvons sortir de
cette structure affective, et l’insensibilité ou l’indifférence sont encore des manières d’être
affectés), les affects sont ce qui détermine notre première ouverture au monde. Le monde se
découvre à nous comme gai, ennuyeux, triste ou dangereux selon notre manière d’être
affectés.
[L]’affection est éloignée de quelque chose comme la trouvaille d’un état psychique. Elle
présente si peu le caractère d’une saisie se re-tournant rétrospectivement sur soi que toute
réflexion immanente ne peut au contraire « trouver » des « vécus » que parce que le Dasein
est déjà ouvert en son affection. La « simple tonalité » ouvre le plus originairement
mais, corrélativement, elle le referme aussi encore plus obstinément que toute non-
perception.
C’est ce que manifeste l’aigreur. Dans l’aigreur, le Dasein devient aveugle à lui-même, le
monde ambiant de la préoccupation se voile, la circon-spection de la préoccupation se
fourvoie. L’affection est si peu réfléchie qu’elle tombe justement sur le Dasein tandis qu’il
est adonné et livré sans fléchir au « monde » dont il se préoccupe. La tonalité assaille. Elle
ne vient ni de l’« extérieur », ni de l’« intérieur », mais, en tant que guise de l’être-au-monde,
elle monte de celui-ci même. Or, avec cette détermination, nous sommes en mesure de
dépasser une simple délimitation négative de l’affection par rapport à la saisie réflexive de
l’« intérieur » et d’accéder à un aperçu positif dans son caractère d’ouverture. La tonalité a à
chaque fois déjà ouvert l’être-au-monde en tant que totalité, et c’est elle qui permet pour la
première fois de se tourner vers… L’être-intoné ne se rapporte pas de prime abord à du
psychique, il n’est pas lui-même un état intérieur qui s’extérioriserait ensuite
mystérieusement pour colorer les choses et les personnes. Et c’est en quoi se manifeste le
second caractère d’essence de l’affection. Elle est un mode existential fondamental de
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l’ouverture cooriginaire du monde, de l’être--avec et de l’existence, parce que celle-ci est
elle-même essentiellement être-au-monde.
[…] Seul ce qui est dans l’affection de la peur, ou de l’impavidité, peut découvrir de l’à-
portée-de-la-main du monde ambiant comme menaçant. L’être-intoné de l’affection constitue
existentialement l’ouverture-au-monde du Dasein. […] Un pur intuitionner, quand bien
même il pénétrerait jusqu’aux veines les plus profondes de l’être d’un étant sous-la-main,
serait incapable de découvrir quelque chose comme une menace. […] Cela dit, l’on ne
confondra pas notre mise en lumière de la constitution ontologico-existentiale du déterminer
cognitif dans l’affection de l’être-au-monde avec une tentative pour livrer ontiquement la
science au « sentiment ». Martin Heidegger, Être et temps, § 29
3. La vérité se fonde sur l’action et la projection
Ce que montre la prise en compte des conditions réelles de la pensée, c’est que toute vérité
est un phénomène qui ne peut se dévoiler que sur fond de l’action. L’action et la sensation,
couplées l’une à l’autre dans la disposition (si je fais ceci, alors je perçois cela), sont le
fondement de toute vérité. L’idée d’un cube n’a de sens que comme un ensemble de
possibilités d’actions et de réactions. L’idée d’un objet n’est jamais que la somme des ses
effets pratiques possibles, pour reprendre l’idée fondamentale de Peirce, à laquelle Heidegger
parvient par un tout autre chemin.
Heidegger cherche le fondement du jugement dans notre rapport pratique aux choses. La
proposition originaire, selon lui, est donné par notre rapport pratique aux outils : trouver
qu’un marteau est trop lourd constitue la « première » attribution d’un prédicat à un sujet.
Dans l’action, le Dasein (l’être pensant) se projette vers une fin, à partir de laquelle il
envisage l’objet comme outil et peut même le percevoir comme trop lourd, ou trop ger, etc.
C’est dans l’action que s’enracine la capacité, proprement humaine, d’appréhender quelque
chose en tant que quelque chose, par exemple un caillou en tant que marteau.
Pour le dire autrement : tout être ne se manifeste que sur fond de projection de possibilités.
Comme ces projections de possibilités sont essentiellement temporelles, on peut en déduire
que l’être se fonde (subjectivement) dans le temps. La vérité se donne comme intemporelle,
mais elle naît de la temporalité, car la pensée est une activité de projection (d’ekstase)
temporelle.
4. Être et temps
Cela revient à remettre en question la manière traditionnelle de concevoir le rapport entre
la vérité et le temps. A première vue, la vérité est étrangère au temps. Ces deux termes, en
effet, on toujours paru inconciliables, car la vérité se place spontanément hors du temps :
toute proposition semble à première vue intemporelle. Que l’on dise « le ciel est bleu » ou
« aujourd’hui à midi, il fait beau », dans les deux cas la vérité que l’on énonce se donne
comme une vérité éternelle, intemporelle. C’est pourquoi l’éternité avait toujours compté au
nombre des propriétés de l’être. Tout ce qui était soumis au changement ne semblait pas être
véritablement ; d’où l’idéalisme platonicien.
Cette image d’une vérité pure, objective et éternelle n’est pas fausse à proprement parler,
mais cela ne correspond qu’à un idéal qui reste abstrait. Concrètement, dans son existence
effective, la « vérité » est analogue à la pensée : enchâssée dans les affects, toujours
perspective, elle est étroitement liée à l’action et à la projection, donc au temps. L’être se
fonde dans le temps, il naît du temps comme un idéal intemporel. On pourrait renverser la
formule de Platon et dire que la vérité est le rêve immobile du temps mobile
2
.
En nous montrant que l’être ne peut être compris que s’il est projeté dans le temps,
Heidegger nous donne également une piste pour comprendre la métaphore platonicienne du
2
Platon disait : « le temps, image mobile de l’éternité immobile ».
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