Lavisse « Instituteur national

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Lavisse « Instituteur national »
Ernest Lavisse est né en 1842 à Nouvion-en-Thiérache, petit village picard et meurt à Paris en
1922. Il est issu d’une famille de paysan, son père est un petit boutiquier de province. Lavisse
insiste dans ses Souvenirs (1912) sur la misère sociale et la grisaille intellectuelle qui ont
caractérisé son enfance et son éducation dans les écoles et collèges picards, le poussant à une
éducation « personnelle » c’est son entourage qui lui donne le goût de l’histoire. C’est un
brillant élève qui bénéficie de la bourse du Second Empire grâce à laquelle il poursuit ses
études et quitte sa province natale pour venir à Paris. Son parcours remarquable est
profondément marqué par la défaite de 1870 qui constitue pour lui un choc décisif.
En quoi sa pensé a-t-elle marqué l’organisation et le contenu de l’enseignement et ce au
service de la République ?
Marqué par ses convictions bonapartistes, il met cependant sa discipline l’histoire, au service
de la grandeur de la République et est un pédagogue compétent.
I.
Le bonapartiste en République
1) La méritocratie
La bourse obtenue par Lavisse fait de lui une incarnation de la méritocratie et de la promotion
sociale. C’est à elle et au Second Empire qu’il doit son ascension dans le monde intellectuel et
dans l’éducation. C’est pour cela qu’il soutient pendant très longtemps Bonaparte et croit
encore à une restauration impériale. De plus, il est élevé dans un milieu modeste, son
éducation est profondément marquée par le respect de l’autorité et l’admiration pour la
grandeur de l’Empereur. En 1862 il entre à l’ENS de la rue d’Ulm et obtient l’agrégation
d’histoire en 1865. Dès sa sortie de l’ENS il fait la rencontre de Victor Duruy alors ministre
de l’Instruction Publique de Napoléon III. Les deux hommes se lient d’amitié, Lavisse
travaille au service de V.Duruy et grâce au soutien de celui-ci et à ses recommandations il
devient le précepteur du prince impérial en 1868.Il est alors promu à une brillante carrière
sous l’Empire, ce qui explique son attachement au régime. En 1876, Lavisse devient maître de
conférence à l’ENS, en 1888 il est professeur d’histoire à la Sorbonne, il est élu à l’Académie
Française en 1893 et devient directeur de l’ENS en 1904. Son influence dépasse largement le
cadre universitaire. Son ralliement à la République est très tardif, en 1878 lorsqu’il se trouve
face à une République assagie, conservatrice et opportuniste la seule qui lui semble à même
de rassembler la France. Ce ralliement se fait donc au moment où la République est déjà
enracinée (après la crise du 16 mai 1877) parce que la défense du régime se confond dès lors
avec la défense de la nation.
2) Le précepteur
En 1863, V.Duruy rend l’enseignement de l’histoire obligatoire à l’école élémentaire, mais
seule l’histoire de France y est enseignée d’où l’intérêt particulier de Lavisse pour
l’enseignement primaire. Il écrit et publie plusieurs manuels dont l’histoire de France
surnommé le « Petit Lavisse » qui est un condensé de deux manuels. Il est composé de trois
volumes : Année préparatoire d’histoire de France, Première année d’histoire de France et
deuxième année d’histoire de France. Ce manuel est le fruit d’un remaniement en faveur de
plus de clarté, de précision et de concision, il est mieux organisé et structuré pour rendre
l’apprentissage plus facile aux enfants. Lavisse utilise la gravure et les cartes pour illustrer ses
textes, son objectif est que le manuel devienne « plus simple, plus moral, plus civique ».
Armand Colin s’occupe personnellement de l’édition, le manuel est publié en 1884 et connaît
un succès immédiat grâce à sa forme et à son contenu, en 1895 il en est déjà à sa 75ème
édition. A l’histoire est dévolue la mission essentielle : former de bons citoyens, des électeurs
et surtout des soldats. Le devoir de l’instituteur est d’inculquer les valeurs de la République et
le patriotisme en vue de la revanche. Le « Petit Lavisse » est un puissant instrument au service
de l’enracinement de la République et de ses valeurs.
3) le traumatisme de la défaite
La défaite de 1870 contre la Prusse est pour lui un choc émotionnel. L’humiliation de la
défaite le marque encore plus que ses contemporains. L’Empire s’effondre sans que personne
ne tente de le relever, le régime est discrédité par la défaite. C’est suite à cet évènement qu’il
décide de partir pour l’Allemagne où il restera 3 ans. Il s’intéresse à l’histoire de la Prusse et à
son système éducatif afin de comprendre l’énigme de la défaite et les fondements de la
puissance prussienne pour pouvoir copier le modèle en France et permettre à celle-ci de se
reconstruire. Ainsi, derrière l’histoire de la Prusse, c’est celle de la France qu’il cherche à
expliquer. Dès son retour il publie plusieurs ouvrages sur l’histoire de la Prusse : Etudes sur
l’histoire de la Prusse (1879), Etudes sur l’Allemagne impériale (1881), portrait comparé des
Trois Empereurs d’Allemagne (1888). Les « provinces perdues » et la nécessité de les
reconquérir sont présentes dans de nombreux ouvrages et aussi dans ses manuels.
II.
L’histoire au service de la grandeur de la République
1) Le rôle central de la Révolution Française
Il reconstruit l’histoire autour de la RF, point charnière ayant crée un avant et un après. L’idée
s’impose que la RF a fait de la France une nation à part, exemplaire. Il souhaite ancrer la
République dans toute l’histoire de France en récupérant l’AR(Ancien Régime). Pour
lui,l’histoire ne la France ne commence pas en 1789 mais bien avant et la République n’est
qu’une concrétisation d’une longue évolution. Son but principal est de montrer l’unité de la
France. Il ne raisonne pas par période comme c’est le cas de son modèle, Michelet mais a une
vision continuiste de l’histoire de France qui se trouve dans son Histoire de France en 27
volumes. Il s’agit pour lui de souligner le fait que la France se soit toujours relevée, qu’elle ait
toujours réussi à surmonter les crises, ce qui lui permet de parler d’une « solidité française »,
d’exalter la France, nation « indestructible ».
2) Les rois ont fait la France grâce à des héros populaires
Ce sont des héros symboliques tels que Vercingétorix ou encore Jeanne d’Arc qui ont soutenu
les rois de France dans leur exercice du pouvoir. Jeanne d’Arc a soutenu Henri VII et a sauvé
la France au péril de sa vie. Pour lui l’histoire doit s’incarner dans des personnages auquel on
peut s’identifier, on doit pouvoir se souvenir d’eux.
III. Lavisse le pédagogue
1) former des citoyens et des patriotes
« Dans ce livre, tu apprendras l’histoire de la France. Tu dois aimer la France, parce que la
nature l’a faite belle et l’histoire l’a faite grande. » Voila comment commence le Petit Lavisse.
L’enseignement de l’histoire devient essentiel dans cette époque marquée par la défaite, elle
doit permettre d’aller aux origines pour se reconstruire et devenir plus fort face à l’ennemi
allemand. Lavisse met sa discipline au service de la refonte de l’esprit national, veut que les
études historiques constituent un puissant moyen d’éducation nationale et assure la
permanence et la diffusion marquée par la défaite et la hantise de la revanche. Il sait se servir
de l’image et de la langue pour élever les petits Français dans cet esprit, par exemple dans le
manuel destiné aux élèves du primaire, Vidal de la Blache intègre une carte de France dans
laquelle les deux provinces perdues sont teintes en violet, couleur de deuil. Il participe à la
rédaction de la loi Poincaré de 1896 sur la réforme de l’enseignement supérieur et la création
des universités de province, désormais les étudiants préparent des examens et ne sont plus de
simples amateurs. Pour lui la chose la plus importante et le rapport de transmission du savoir
entre les élèves et les professeurs. Il est persuadé que « le cours n’est qu’accessoire, c’est au
laboratoire que l’élève se forme ». Ces idées sont fortement inspirées du modèle allemand. Il
crée aussi le diplôme d’études supérieures et réforme l’agrégation (programme précis pour
l’agrégation d’histoire, nécessité d’avoir obtenu le diplôme d’études supérieure pour s’y
présenter, préparation de l’épreuve d’histoire réduite à 6 heures sur le lieu d’examen pour plus
d’égalité entre candidats puisque auparavant en effet, l’épreuve étant préparée à la maison en
24heures les plus favorisés pouvaient être aidés) et crée en 1877 les bourses de licence pour
permettre aux meilleurs élèves issus de milieux modestes de poursuivre leur études afin
d’espérer évoluer sur l’échelle sociale. Pour Lavisse il s’agit ainsi de fortifier la démocratie
républicaine pour armer la France à l’exemple de l’Allemagne. Il travaille pour lier la science
et l’éducation au patriotisme.
2) Lavisse et l’identité de la France.
Après la défaite, la France est en pleine crise d’identité alors que le régime semblait solide il
est balayé par les Allemands. Dans son écriture de l’histoire, il réinterprète le passé, envisage
un destin commun et détermine la politique du présent. Il s’agit pour lui d’unir la population
contre l’adversaire afin d’être plus fort, plus puissant et de taille à l’affronter de nouveau.
Chaque Français est un soldat qu’il faut préparer à la revanche, il doit être élevé de manière à
aller au combat pour le bien de sa patrie, pour protéger son pays.
Conclusion : l’instituteur est chargé de l’instruction et de l’éducation ce qu’est Ernest Lavisse
puisqu’il a aussi bien été précepteur du prince impérial que professeur à la Sorbonne et
directeur de l’ENS. Mais c’est aussi celui qui doit inculquer et diffuser les institutions
républicaines, il « institue » au sens fort du terme. Ainsi, l’école est une institution au même
titre que la justice.
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