ÉCONOMIE ET
SÉCURITÉ
065 ESCEW 06 F
Original : anglais
Assemblée parlementaire de lOTAN
SOUS-COMMISSION SUR LA COOPÉRATION
ET LA CONVERGENCE ÉCONOMIQUES
EST-OUEST
LA TRANSITION EN UKRAINE
PROJET DE RAPPORT
MARGUS HANSON (ESTONIE)
RAPPORTEUR*
Secrétariat international 21 mars 2006
* Aussi longtemps que ce document n’a pas été approuvé par la Commission de l’économie
et de la sécurité, il ne représente que les vues du rapporteur.
Les documents de l’AP-OTAN sont disponibles sur son site internet, http://www.nato-pa.int
065 ESCEW 06 E
i
TABLE DES MATIÈRES
I. INTRODUCTION .................................................................................................................. 1
II. LES DÉVELOPPEMENTS POLITIQUES ............................................................................. 2
III. L’ÉCONOMIE ....................................................................................................................... 4
IV. LES PRIVATISATIONS ........................................................................................................ 7
V. LES ÉCHANGES COMMERCIAUX ET LA PLACE DE L’UKRAINE DANS LA DIVISION
MONDIALE DU TRAVAIL .................................................................................................... 9
VI. LES RELATIONS DE L’UKRAINE AVEC L’EUROPE ......................................................... 10
VII. LES RELATIONS DE L’UKRAINE AVEC LES ÉTATS-UNIS, LE CANADA ET L’OTAN .... 13
VIII. LES RELATIONS DE L’UKRAINE AVEC LA RUSSIE ET LE PROBLÈME DE L’ÉNERGIE14
IX. CONCLUSION PROVISOIRE ............................................................................................ 15
X. BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................... 18
065 ESCEW 06 E
1
I. INTRODUCTION
1. Bismarck aurait dit un jour de l’Italie de l’après Risorgimento qu’elle ne constituait guère plus
qu’une « expression géographique », impliquant par que l’identité nationale de cette nouvelle
puissance européenne s’avérait quelque peu suspecte. Il y a des moments où la Russie et
l’Occident semblent utiliser des termes relativement similaires pour qualifier l’Ukraine. Il est un fait
que l’échec des efforts déployés par l’Ukraine de l’après-sécession en vue d’initier une transition
véritablement démocratique et orientée vers le marché a semblé confirmer le bien-fondé de ce
point de vue plutôt dédaigneux. Au cours de la première décennie de l’expérience nationale post-
soviétique de l’Ukraine, l’Occident semble avoir davantage manifesté un intérêt de pure forme
pour sa vocation européenne que cherché à la renforcer. La « révolution orange » force toutefois
de nombreuses personnes à revoir leurs suppositions de longue date sur ce pays.
2. Si les politiciens occidentaux ne semblent pas avoir accordé beaucoup d’attention aux
événements survenus en Ukraine au cours de la décennie écoulée, il apparaît aujourd’hui
clairement que les enjeux de la transition dans ce pays sont extraordinairement élevés. La
« révolution orange » de l’année dernière a d’ailleurs confirmé l’existence d’une véritable impulsion
démocratique en Ukraine, impulsion qui avait certainement été présente au cours des premières
années de la transition, sans jamais avoir pu s’exprimer pleinement.
3. Jusqu’à récemment encore, l’Occident n’avait jamais envisagé l’Ukraine comme un
partenaire potentiel, tandis que nombreux étaient ceux qui, en Russie, ne s’étaient jamais résignés
à une véritable indépendance ukrainienne. Les États d’Europe centrale s’étaient vu offrir la
perspective d’une adhésion à l’UE et à l’OTAN en récompense de leurs réformes diligentes pour
parvenir à la démocratie et à l’économie de marché, mais aucune offre sérieuse de ce type n’avait
été faite à l’Ukraine, rendant ainsi sa transition d’autant plus difficile. Les réticences à considérer
l’Ukraine comme un membre potentiel de la communauté occidentale et européenne des nations
tendaient à renforcer la position de ceux qui, en Ukraine, éprouvaient de fortes suspicions à
l’encontre de l’Occident. Ce qui ne semblait que justifier le scepticisme occidental. Après une
décennie d’indépendance, les réformateurs libéraux n’avaient que bien peu de réalisations à
inscrire à leur actif et une situation malsaine élargissait le fossé entre les aspirations
démocratiques de nombreux Ukrainiens et la réalité de la vie quotidienne.
4. Qui plus est, nombreux sont ceux qui, en Occident, ont longtemps refusé de reconnaître les
enjeux stratégiques de l’évolution démocratique en Ukraine. Celle-ci constitue un grand pays
potentiellement prospère, en raison de ses richesses naturelles, de son emplacement stratégique
et du bon niveau d’éducation de sa population. À certains égards, il s’agit davantage d’un pays
mal développé que sous-développé. Une fois fermement installée dans le club des nations,
l’Ukraine pourrait devenir une source essentielle de stabilité en Europe orientale et véritablement
contribuer à la prospérité et au bien-être de l’Europe dans son ensemble. Une Ukraine faible, non
démocratique et économiquement chancelante poserait une série de dilemmes susceptibles de
saper la stabilité régionale. Il n’est pas surprenant que des pays comme la Pologne, l’Estonie, la
Lettonie et la Lituanie, qui ont connu un considérable succès dans l’orchestration de la transition
économique et politique, éprouvent un intérêt particulier pour la transition ukrainienne. Ils
demandent instamment à leurs partenaires européens de davantage s’engager vis-à-vis de
l’Ukraine et en ont fait une priorité de leurs politiques étrangères respectives.
5. Les préoccupations des voisins occidentaux et septentrionaux de l’Ukraine ne sont pas sans
objet. Une Ukraine démocratique et indépendante pourrait aller jusqu’à contribuer à déterminer
l’évolution démocratique de la Russie elle-même (Rihard Piks), tandis qu’une Ukraine affaiblie
représenterait un vide stratégique au cœur de l’Europe. Elle pourrait même être considérée
comme une invitation permanente à une renaissance d’une sorte de grand empire russe,
caractérisé par une orientation nettement non démocratique. Cette affirmation peut certes prêter à
065 ESCEW 06 E
2
controverse, mais elle représente assurément une manière d’interpréter le différend énergétique
relativement aigu qui a récemment perturbé les relations entre les deux pays. Une Ukraine forte et
démocratique contribuerait sans nul doute à étouffer toute tentation revancharde en Russie et
pourrait constituer un modèle pour d’autres anciennes républiques soviétiques en lutte, incluant la
Moldova et le Bélarus, nettement non démocratique. Elle créerait une nouvelle zone de
dynamisme économique en Europe orientale, dont les réussites auraient de superbes retombées
en termes politiques, économiques et stratégiques. Il apparaît donc que les enjeux de la transition
de l’Ukraine sont très importants.
II. LES DÉVELOPPEMENTS POLITIQUES
6. L’évolution politique de l’Ukraine post-soviétique s’est avérée lente et douloureuse. Les
premières années d’indépendance ont été marquées par le rôle de premier plan joué par les
anciens apparatchiks soviétiques et la persistance de structures gouvernementales, de pratiques
et d’attitudes typiques d'une certaine élite antithétiques avec la mise en place d’une démocratie
moderne. L'enthousiasme des gouvernements occidentaux pour l’élection de Leonid Koutchma, a
rapidement décliné face à la persistance de pratiques douteuses dans un pays censé être une
démocratie. Ces pratiques incluaient une corruption omniprésente, des forces de sécurité non
contrôlées et le recours à l’intimidation, voire à la violence, contre les opposants au
gouvernement. En 2000, Transparency International rangea l’Ukraine parmi les pays les plus
corrompus au monde, la classant en 88ème place sur une liste de 90 États. (Woronowycz) En dépit
de cela, en 2004 et 2005, Freedom House accordait à la démocratie ukrainienne une note de 4,5
sur une échelle de 1 à 7, 1 est la meilleure note. Bien que nettement inférieure au classement
accordé aux nouveaux États membres de l’Union européenne (UE), cette note était néanmoins
supérieure à celle octroyée à d’autres pays post-soviétiques n’appartenant pas à l’UE. (Soloneko)
7. Il est clair que la « révolution orange » a marqué un changement radical dans la vie politique
en Ukraine et une percée fondamentale de la démocratie dans cet important pays.
L’administration Youshenko arrivée au pouvoir après ces événements a proposé un nouvel ordre
du jour étendu, focalisé sur la stabilisation macroéconomique, la transition institutionnelle, ainsi
qu’une plus grande intégration au marché de l’UE et mondial. (Tiffin) Au cours de l’année écoulée,
l’on a constaté une nette amélioration des droits de l’homme, de la liberté des médias et une
ouverture générale de la société, en dépit d’une instabilité persistante au sein de la coalition et de
la poursuite des problèmes de corruption.
8. La « révolution orange » ne portait cependant pas uniquement sur l’orientation intérieure de
l’Ukraine. Elle a également inauguré un changement marquant dans sa politique étrangère. Cela
est apparu rapidement dans les relations de plus en plus amicales de l’Ukraine avec l’UE et
l’Amérique du Nord, ainsi que dans l’affirmation sans ambiguïté par ses dirigeants d’une aspiration
de pleine intégration aux institutions euro-atlantiques, des objectifs dont le précédent
gouvernement ukrainien avait déjà fait part en 2002. Le fait que ces changements interviennent à
un moment la démocratie russe semble s’affaiblir pourrait devenir une source plus grave de
tensions dans les années à venir, mais il a, de toute évidence, renforcé les enjeux.
9. En dépit de tous les développements positifs résultant d’une société civile qui exigeait
résolument une responsabilité démocratique, l’année écoulée ne peut absolument pas être
considérée comme marquée par la constance politique. La situation est d’ailleurs loin d’être stable.
L’été dernier, le président Youshenko a démis de ses fonctions de Premier ministre son ancienne
alliée Yuliya Tymoshenko, en raison de sa mauvaise gestion de l’économie et du sentiment que
nombre de ses alliés cherchaient à acquérir les ressources précédemment contrôlées par les
partisans de Koutchma, par le biais d’une re-privatisation. (Kaminiski, 20 décembre 2005)
065 ESCEW 06 E
3
Tymoshenko, quant à elle, avait remis en question de nombreuses privatisations du gouvernement
précédent, une tactique certes compréhensible sur le plan émotionnel, mais qui avait néanmoins
eu l’effet d’une douche froide pour les investisseurs, tout en divisant la coalition au pouvoir. Le
nouveau gouvernement de Yuriy Yekhanurov a, par la suite, veilà fortement rassurer un monde
des affaires quelque peu abasourdi. Mais, dès le début, les jours de l’équipe de Yekhanurov
étaient comptés.
10. C’est ainsi que tout le monde fourbissait déjà ses armes pour la campagne de ce printemps,
lorsque le gouvernement fit savoir qu’il cédait aux exigences russes de doublement du prix du gaz
importé. Aux termes d’un accord de 2001, Gazprom avait accepté de vendre des quantités
importantes de gaz naturel à l’Ukraine au prix de 50 dollars par millier de mètres cubes, en
échange de ristournes sur les droits facturés par l’Ukraine pour l’utilisation des gazoducs
alimentant l’Europe occidentale. En décembre 2005, Gazprom a soudain exigé que le prix du gaz
soit porté à 160 dollars, puis à 230 dollars, tout en menaçant également de cesser
d’approvisionner l’Ukraine le 1er janvier 2006 si celle-ci n’acceptait pas ces conditions. (White, 19
décembre 2005) Alors que la Moldova et la Géorgie étaient confrontées à des pressions
similaires, la Russie continuait à vendre du gaz à un prix fortement subventionné au Bélarus,
indiquant ici le genre de régimes dociles et non démocratiques recueillant sa préférence à ses
frontières. L’accord final a doublé le prix des droits de transit fixés pour cinq ans. L’opinion
publique a réagi par la consternation. Peu après, le parlement a destitué le gouvernement de Yuriy
Yekhanurov, invoquant une trahison des intérêts ukrainiens. Le gouvernement démis a cependant
accepté un mandat de trois mois pour l’expédition des affaires courantes.
11. Cette crise politique s’expliquait en fait beaucoup plus par la proximité des prochaines
élections que par l’augmentation du prix du gaz, face à laquelle l’Ukraine ne disposait dès l’abord
que de fort peu d’atouts. L’Ukraine n’avait en effet pratiquement aucun moyen de pression lors de
ses pourparlers avec la Russie. Il se pourrait d’ailleurs fort bien qu’il faille trouver la raison des
exigences de la Russie non seulement dans la volonté d’accroître ses revenus en alignant le prix
de son gaz sur celui du marché mondial une ambition assurément légitime dans la mesure
elle ne violait pas les précédents accords , mais également dans le désir de soutenir certaines
forces d’opposition plus favorables aux intérêts russes et prétendant être mieux placées pour
renégocier le prix du gaz. (Buckley, Warner) Il ne fait aucun doute que ces forces n’ont pas tardé
à exploiter la déception de l’opinion publique face à la hausse soudaine de prix pour en retirer un
avantage politique. Qui plus est, comme 80% des exportations de gaz russe destinées à l’Europe
transitent par l’Ukraine, les capitales européennes ont réagi sans tarder à la manœuvre russe.
L’ultimatum initial de Gazprom, qui incluait une menace d’embargo sur le gaz, a donc suscité un
réexamen global des politiques de sécurité énergétiques européennes et des dangers apparents
de dépendance énergétique croissante face à la Russie. (Kramer, 5 janvier 2006) Les tensions
entre la Russie et l’Ukraine ont une considérable incidence intérieure dans un pays dont 67% de la
population est ukrainophone et 24% seulement russophone. (OSCE)
12. Ce psychodrame politique s’est déroulé alors que d’importants amendements
constitutionnels entraient en vigueur en Ukraine. Le nouvel ordre constitutionnel accorde
davantage de pouvoir au parlement au détriment de la présidence. Cela pourrait renforcer les
prérogatives du nouveau Premier ministre et a manifestement accru les enjeux des élections de
mars. L’électorat ukrainien est désormais confronté à une situation dans laquelle le candidat
malheureux des élections présidentielles de l’année dernière, Victor Yanukovych, dispose d’une
petite chance au moins de devenir la personnalité la plus puissante d’Ukraine en qualité de
Premier ministre, aux termes de la constitution amendée.
13. Quelle que soit la personne qui accèdera au poste de Premier ministre après les élections
de mars, elle disposera d’un pouvoir de décision beaucoup plus important que ses prédécesseurs.
Depuis le 1er janvier 2006, le gouvernement est responsable devant le parlement plutôt qu’envers
le président. L’Ukraine s’aligne ainsi assurément sur les normes constitutionnelles d’un certain
1 / 21 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !