7) Une histoire de "courants" d`air

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http://sfa.univ-poitiers.fr/commedia/DESSrisq2001/voile/fond.html#fond
1) Aspect théorique du fonctionnement d’un voilier
Un voilier évolue dans un milieu à deux composantes : l’eau et l’air. Son fonctionnement est donc
complexe car son déplacement est la conséquence d’une combinaison et d’une interaction constante
des effets engendrés par l’air et l’eau.
A partir des caractéristiques des deux milieux il faut définir les forces mises en jeu sur le plan
aérodynamique et sur le plan hydrodynamique.
1-1 Caractéristiques du milieu
a) L’air
Ce mélange de gaz et de molécules d’eau est un fluide déformable et compressible dont les
caractéristiques générales sont sa densité et sa viscosité.
L’atmosphère est constitué par des particules d’air, qui lorsqu’elles séjournent pendant un certain
temps sur un lieu finissent par acquérir des caractéristiques semblables (même température, même
taux d’humidité) : elles forment alors des masses d’air chaud, sec, froid, humide.

Le vent, qui constitue le moyen de propulsion des voiliers, correspond à un déplacement des
masses d’air dû à des différences de densité provoquées par des variations de pression, de
température : c’est le vent atmosphérique ou vent réel.

D’ autre part lorsque l’on se déplace on ressent sur le visage une sensation de vent due à la
vitesse :

c’est le vent vitesse.
Le vent apparent est alors défini comme la somme vectorielle du vent réel et du vent vitesse.
C’est ce vent qu’une girouette indique sur un bateau en mouvement.
b) L’ eau
C’est un fluide déformable mais non compressible lui aussi caractérisé par sa densité (813 fois
supérieure à celle de l’air) et sa viscosité.
Une perturbation de la masse liquide, engendrée par les effets du vent par exemple, entraîne des
déformations de celle-ci : ce sont les vagues. Ces mouvements de liquide sont influencés par la
profondeur, les courants, le relief des fonds marins et de la côte.
La forme et la fréquence des vagues vont perturber la marche du bateau.
1-2 La marche d’ un voilier
a) Les principes élémentaires de l’écoulement des fluides
Pour comprendre les problèmes de l’action du vent sur la voile et de l’eau sur l’ensemble coquedérive, il convient d’analyser le déplacement des fluides autour d’un obstacle.
-Quelques principes
Contrairement aux solides, les fluides remplissent les vides : ainsi, l’air occupe tout le volume
disponible, et l’eau peut remplir des récipients différents mais son volume reste le même.
En l’absence d’obstacle, les fluides se déplacent suivant des lignes de courant parallèles entre elles
(les molécules ont même vitesse et même direction). Mais en présence d’un obstacle, ils se
déforment, les lignes de courant contournent celui-ci pour se reformer au delà.

L’Effet Venturi
Un courant fluide est accéléré quand il traverse un étranglement ; c’est le cas des filets d’air ou
d’eau contournant un profil : les filets les plus proches de celui-ci sont tassés par ceux les plus
éloignés créant ainsi un étranglement.

La Loi de Bernoulli
On peut distinguer la pression statique, mesurée par un manomètre, qui résulte de la pression
atmosphérique, et la pression dynamique, provoquée par l’air ou l’eau en mouvement (on notera
que celle-ci croît comme le carré de la vitesse). Aussi, il existe autour d’un objet placé dans un
courant fluide une pression totale constante en chaque point de la surface de cet objet : cette
pression est la somme des pressions statique et dynamique..
-Les écoulements-
Lorsqu’un plan est placé dans un fluide, selon un certain angle d’incidence, le côté recevant
directement les lignes de courant est appelé l’intrados. Son opposé est appelé l’extrados. Son extrémité
avant forme le bord d’attaque et son extrémité arrière le bord de fuite.
L’écoulement se fait donc du bord d’attaque vers le bord de fuite. A l’intrados les lignes de courant
s’écartent, il y a ralentissement et donc augmentation de la pression statique. A l’inverse à l’extrados
les lignes de courant sont déviées et l’étranglement qui en résulte les accélère, et il y a baisse de la
pression statique.
Un fluide en mouvement autour d’une surface, par exemple une voile, exerce sur elle une dépression
qui est dépendante de la vitesse du fluide : plus la vitesse est grande, donc la pression dynamique
élevée, plus la dépression est importante. Aussi tout objet placé dans un fluide sera attiré par les zones
de basses pressions et repoussé par celles de hautes pressions.

Effet de Portance
La différence de pression entre les deux faces de la surface provoque l’apparition d’une force
perpendiculaire à la direction initiale des lignes de courant : c’est la force de portance.

Effet de Traînée
La force de portance est contrecarrée par une résistance due aux frottements, orientée dans le même
sens que les filets : c’est la force de traînée.
Lorsqu’un profil est placé dans un fluide air ou eau, une fine pellicule appelée couche limite adhère à
celui-ci. Son épaisseur augmente si la surface n’est pas régulière et lisse, ce qui fait croître l’effet de
traînée.
Un plan placé dans un fluide en mouvement subit de la part de celui-ci une pression, combinaison des
effets de portance et de traînée. Cette résultante de poussée est perpendiculaire au plan quelle que soit
la direction du fluide qui « l’attaque ».
La qualité de l’écoulement est d’autant meilleure que les obstacles éventuels n’ont pas d’effet
perturbant sur les filets : on parle alors d’écoulement laminaire. Dans le cas d’apparition de tourbillons
, on parle d’écoulement turbulent.
b) Les forces aérodynamiques
Pour faciliter le raisonnement, une voile est réduite à un profil et une corde, dans
une coupe horizontale. L’intrados est le côté au vent de la voile, l’extrados celui
sous le vent. La pression statique est la pression atmosphérique, et la pression
dynamique est celle exercée par le vent.
A l’intrados, les filets d’air ralentissant, il y a diminution de la pression due au vent
et donc augmentation de la pression statique.
A l’extrados, l’augmentation de la pression dynamique crée une dépression qui
opère un effet de succion sur la voile. On voit ici l’importance de l’utilisation de
matière perméable à l’air pour la confection des voiles.
Le vent crée donc sur la voile une force aérodynamique exercée en chaque point et
perpendiculairement à la surface, la Force Vélique, combinaison des effets de
pression et de succion. Cette force vélique engendrée par l’écoulement de l’air est la
somme vectorielle des effets de traînée et portance sur la voile.
On remarque que la traînée a pour effet d’éloigner l’orientation de la force vélique
de l’axe de déplacement du bateau, et donc contribue à diminuer la part propulsive
et à augmenter la part latérale de la marche du voilier.
Orientation et Qualité de la Force Vélique :
Cette force n’existe que s’il y a un angle minimum entre la voile et le flux d’air.
Différentes mesures en laboratoire ont permis de mettre en évidence la relation
entre l’angle d’incidence et la valeur de la force vélique :
- celle-ci apparaît à partir d’un angle de 3°
- elle est maximum pour un angle de 22° à 25°, ce qui correspond à un écoulement
laminaire
- au delà l’écoulement devient turbulent, jusqu’à une perte brutale de rendement
correspondant au décrochement.
La force vélique dépend également de la forme de la voile, son orientation n’étant
pas la même si le profil est plat ou concave : c’est le creux donné à la voile.
c) Les forces hydrodynamiques
Les phénomènes entrant en jeu dans l’eau sont de même nature que ceux existant
dans l’air.
Comme tout objet placé dans un fluide, un bateau rencontre dans l’eau des
résistances à son déplacement qui sont fonction de la forme et de la surface
mouillée de la coque:
- résistance de frottement liée à l’existence de la couche limite : c’est la glisse
du bateau
- résistance liée au déplacement d’eau avec l’apparition d’une vague de
carène, fonction de la longueur de flottaison
- résistance due aux vagues
- résistance liée à la gîte et à la dérive, par modification de la surface mouillée.
L’ensemble de ces résistances a pour résultante une force orientée dans le sens des
filets d’eau: c’est l’effet de traînée.
De même que le vent, l’eau qui s’écoule le long de la coque fait apparaître un effet
de portance. Si le plan anti-dérive (coque immergée et dérive) est ramené à la seule
dérive, celui-ci peut être assimilé à la voile dans l’air.
Ainsi lorsque le bateau avance en biais, à cause de l’effet latéral du vent, sa dérive
attaque l’eau avec un angle d’incidence, ou angle de dérive, et recueille en retour
une force s’opposant au mouvement latéral du bateau. Cette force anti-dérive est
donc la résultante des forces de portance et de traînée de l’ensemble immergé
coque-dérive. Elle est perpendiculaire à l’axe de la coque.
d) Schématisation de l’équilibre d’un voilier
Le déplacement d’un voilier est le résultat des effets combinés des forces
aérodynamiques et hydrodynamiques.
La force propulsive est la somme vectorielle de la force vélique et de la force antidérive.
En pratique, pour que l’effet générateur de déplacement d’un bateau puisse
s’appliquer pleinement, il faut que le voilier reste dans un position « normale » sur
l’eau.
Cette position dépend de l’équilibre général du voilier soumis à deux influences
majeures:
- la poussée d’Archimède : tout corps plongé dans l’eau reçoit une force
orientée vers le haut et égale au poids du volume d’eau déplacé
- le poids du barreur ou équipage, placé de manière à exercer une force de
rappel destinée à s’opposer à la gîte du bateau.
==> La marche d’un voilier est donc soumise à l’équilibre de deux couples de
forces:
- force vélique et force anti-dérive constituent le couple de chavirement
- poussée d’Archimède et force de rappel forment le couple de redressement
qui équilibre le précédent.
- la forme du profil de la voile, ou de la carène
- l’ état de surface
- la déformation sous l’ effet des contraintes
7) Une histoire de "courants" d'air.
Nous allons maintenant nous intéresser à la circulation des filets d'air autour de la voile, et
essayer de voir quelle est l'influence du réglage de cette dernière.
Nous nous limiterons à quelques réglages qui sont très limités comparés à toutes les
"manettes" disponibles sur un vrai voilier.
Tout d'abord, un passage un peu barbant, mais obligé pour ne pas perdre pied par la suite,
des petites définitions qui s'appuient sur le schéma ci-dessous :
bord de fuite
bord d’attaque
EXTRADOS
corde
Flèche maximale
IINTRADOS
La flèche maximale et son emplacement (a) va déterminer le "creux" de la voile.
Pour une voile le bord d'attaque est le guindant et le bord de fuite la chute.
L'angle d'incidence est l'angle entre la corde et le vent apparent.
L'angle d'ouverture est l'angle entre la corde et l'axe du bateau.
Attention à distinguer incidence et ouverture.
axe du voilier
angle
d’incidence
vent apparent
angle
d’ouverture
corde
Nous avons vu précedemment que la traînée est favorable aux allures portantes mais
défavorable aux allures de près. Examinons cela de plus près ( sans jeu de mot):
1) La bateau est vent de travers, écoutes choquées en grand : les voiles faseyent.
Il y a uniquement la force de traînée, le bateau va dériver doucement par son travers ( allure
préférée de Madame sur un trampoline au mois d'Aout, par F2).
Comme il n'y a pas de mouvement du bateau vers l'avant, les plans anti dérive ( coque,
quille - dérive(s), safran(s) ) travaillent mal.
2) On borde un peu l'écoute, ce qui a pour conséquence de ramener la voile à l'intérieur du
bateau ( on diminue l'angle corde de la voile- axe du bateau, ou l'ouverture). Un angle se
forme entre les filets d'air et la voile. Ces filets d'air viennent "buter" sur cette surface au vent
(intrados), d'où ralentissement des molécules d'air et "bouchon". De ce fait, certains filets
d'air vont s'échapper de l'autre côté (extrados). Ces filets d'air viennent s'ajouter à ceux de
l'écoulement général. Donc le débit grossit sur l'extrados, ce qui provoque l'accélération du
flux (effet Venturi).
Rappelons-nous Bernouilli, dont nous avons parlé dans la première partie :


Sur l'intrados : on a formation d'un "bouchon", le flux est ralenti, dont on a augmentation
de la pression.
Sur l'extrados : au contraire on a accélération, d'où baisse de la pression.
Entre les deux faces de la voile apparaît donc un déséquilibre de pression et la voile (le
tissu) va prendre forme. Une fois la voile en forme, on a une région sous le vent (extrados)
où la pression relative est plus basse (où a lieu l'accélération des filets d'air). Cette région va
"attirer" les molécules d'air arrivant légèrement au vent et en amont du bord d'attaque.
Comme dans le cas d'une chéminée, le "tirage" s'établit, on a amorcé la pompe, la
circulation s'est établie .
Filets d’air
De plus en plus de molécules d'air qui normalement seraient passées au vent, côté intrados,
vont passer sous le vent, attirées par cette dépression. Donc on a plus de débit, plus de
vitesse et.... moins de pression.
Côté intrados, c'est le phénomène inverse, on a moins de débit, moins de vitesse et donc
plus de pression.
Maintenant que le bateau a pris de la vitesse, dérive(s) et safran(s) vont jouer leur rôle, et le
bateau remonte correctement au vent.
3) Pour gagner de la vitesse, bordons l'écoute. L'angle d'incidence s'accroît, la voile présente
un obstacle plus conséquent, donc plus d emolécules d'air vont venir buter au vent et
s'échapper sous le vent, comme expliqué plus haut.
On a donc accroissement du phénomène de déséquilibre des pressions intrados-extrados et
augmentation de la force vélique.
4) Continuons à border. Là, on observe que le bateau ralentit. :-(
En fait, tout va bien tant que les filets d'air, entraînés par leur vitesse, suivent sur l'extrados
le profil de la voile. A partir d'un moment, le courant va "décoller" de la paroi. Si on borde
trop, on augmente la courbure du profil par rapport à l'écoulement général, ce qui va
favoriser ce décollement. Le décollement apparaît au bord de fuite et plus on borde, plus ce
décollement va avancer vers la bors d'attaque. Juste après ce décollement se trouve une
zone où des tourbillons naissent, où l'air ne circule plus aussi vite d'où augmentation de la
pression.
Plus cette zone "d'air mort" va augmenter et plus l'écart de pression intrados-extrados va
diminuer. Or nous savons que c'est l'origine de la force vélique.Le bateau va perdre de la
vitesse.
Entre l'angle où la voile prend forme et celui où le décollement apparaît sur le bord de fuite,
l'écoulement est sain sur l'extrados. On parle de finesse (plage fine, navigation en finesse).
On a vu qu'une partie des filets d'air du courant général côté intrados est attirée à proximité
du bord d'attaque vers l'extrados . Les filets d'air doivent donc contourner le bord d'attaque,
ce qui former un petit bulbe "d'air mort", juste avant que les filets d'air "recollent" à l'extrados.
Si cette zone de turbulence reste limitée il n'y a pas de problème. Mais en bordant plus la
voile, c'est à dire en augmentant l'angle d'incidence, ce bulbe d'air mort va prendre de
l'importance, le recollement des filets d'air recule. On continue à border, et là arrive le
moment où la zone de décollement du bord de fuite rejoint cette zone d'air mort . La chute de
portance est alors brutale, le bateau ralentit de l'arrêt instantané de la bonne circulation du
flux d'air sur la surface de l'extrados . Ce phénomène existe aussi sur un profil d'aile d'avion avec des conséquences parfois catastrophiques - c'est le décrochage.
Au début du 20ième siècle, Kutta a établi ceci :" Un profil d'aile est correctement calé (sans
décollement), lorsque les flux d'extrados et intrados arrivent au bord de fuite avec des
vitesses égales".
En d'autres termes, si il y a égalité de vitesse on a égalité de pression; si cette égalité n'est
plus respectée, l'air va passer du côté où l'écoulement est lent à celui où il est le plus rapide
( des hautes pressions vers les basses pressions), donc va passer côé extrados où il
perturbe l'écoulement continu, on a formation de tourbillons et décollement.
Cet équilibre parfait ne peut être que théorique. Il existe toujours d'infimes variations de
vitesse à la sortie des deux faces d'une voile, d'où une sollicitaion alternée de la chute, très
limitée, mais très rapide: la chute "vrombit".Ce phénomène est d'autant plus visible que le
matériau de la voile est souple, sans nerf de chute.
De manière à suivre la qualité de l'écoulement on place sur la voile des penons côté intrados
et extrados et des faveurs au niveau du bord de fuite qui sont des morceaux de tissu ou de fil
coloré afin d'estimer les décollements et perturbations du flux d'air.
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