vision et maladie de parkinson

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VISION ET MALADIE DE PARKINSON
Les avancées récentes de la recherche fondamentale ont mis en évidence l’importance
et la fréquence des troubles ophtalmologiques et de la vision dans la maladie de Parkinson.
La diffusion sur Internet du texte d’une conférence prononcée en mars dernier par le
docteur Jacqueline Winterkorn à New York devant la Société Nord-Américaine de Neuroophtalmologie ayant pour titre :
« Les manifestations neuro-ophtalmologiques de la maladie de Parkinson »
en est une preuve supplémentaire.
Ce texte a été la trame autour de laquelle le présent document a été bâti.
Résumé :
En 1999 on ne peut négliger l’importance des signes oculaires observés chez les malades
atteints de Parkinson. Il est tenté ici une revue plus ou moins exhaustive des signes que
peuvent présenter ces malades, dans le but d’une meilleure approche diagnostique
( notamment par rapport aux syndromes Parkinson Plus ), et thérapeutique, car s’il existe
quelques signes de fines analyses spécifiques à la MP et anciennement connus, telle la baisse
de la vision des contrastes ou des couleurs, il ne faut jamais oublier que tout ce qui peut
amener une amélioration du confort des malades atteints de cette pénible affection doit être
mise en œuvre et que l’œil est la véritable béquille dans la maladie de Parkinson.
Quelques documents ajoutés à la fin permettent d’en savoir plus sur certains points …
Enfin il est mentionné la bibliographie ayant permis cette compilation.
PLAN de ce Travail :
Introduction – Présentation . …………………………………. page 1
Résumé ………………………………………………………….page 1
Rappel anatomo-fonctionnel…………………………………….page 2
I Introduction données statistiques ………………………… page 2
II Déficits neuro-ophtalmologiques …..……………………….. page 3
1 Troubles du regard …………………………………..page 3
2 Troubles de l’accommodation… …………………page 4
3 Blépharospasme………………… ……………….. page 4
4 Kératite………………………………………………page 4
5 Clignotement des paupières …………………………page 5
6 Hémianopsie…………………………………………page 5
7 Anomalies sensorielles ………………………………page 5
8 Crises oculogyres…………………………………….page 6
9 Nystagmus………………………………………….. page 6
III Examen ophtalmologique …………………………………page 6
Pour en savoir plus … …………………………………………page 8
1 Mouvements du regard – Saccades………………….page 8
2 Noyaux Gris Centraux, Ganglions de la base ………page 9
3 Attention – Motivation………………………………page10
4 Programmation motrice…………………………….. page11
5 Parkinson Plus……………………………………… page12
Références bibliographiques ………………………………… page13.
Rappel anatomo-fonctionnel :
Parmi les cinq systèmes sensoriels, la vision est certainement l’un des principaux.
Cette fonction sensorielle comporte un support anatomique dont l’œil est la pièce maîtresse.
On peut schématiquement distinguer :
Une partie mécanique :
L’œil dans l’orbite, avec des annexes, paupières, système lacrymal
essentiellement et les muscles moteurs oculaires en partie couplés avec les
muscles du cou et de la tête.
Une partie physique :
Le système de réfraction des rayons lumineux avec notamment la cornée, le
cristallin, l’humeur vitrée.
Une partie sensorielle :
Essentiellement la rétine et son prolongement, le nerf optique, qui rejoint le
cortex cérébral et permet la vision, son intégration dans les différents systèmes
cérébraux, notamment dans les processus cognitifs.
Nous verrons en quoi ce bref rappel nous permettra de comprendre la nature éventuelle de
l’atteinte parkinsonienne sur ces différents plans.
I / INTRODUCTION - DONNEES STATISTIQUES.
En Amérique environ 1 million de personnes ont la maladie de Parkinson dont on
diagnostique chaque année 50.000 nouveaux cas.
En France environ 100.000 parkinsoniens et 5.000 nouveaux cas annuels.
En réalité ces chiffres sont nettement sous-évalués, d’au moins 25% !
En effet nombre de parkinsoniens sont en établissement, d’autres traités uniquement
par leur généraliste, sans compter les non-diagnostiqués …
Dans la population de 60 ans et plus l’incidence est de 1 à 2 %.
Si l’âge moyen du diagnostic est de 57 ans, plus de 1 malade sur 5 débute sa maladie à
20, 30 ou 40 ans.
La maladie de Parkinson est caractérisée par la triade classique tremblement-rigiditébradykinésie ; mais on peut y ajouter troubles de l’équilibre souvent et variabilité des
symptômes toujours !
Un certain nombre de parkinsoniens se plaignent de troubles oculaires et plus
particulièrement de vision trouble, de diplopie (vision double), de photophobie, de fatigue
oculaire (asthénopie), de troubles de la lecture.
Au total 75 % des parkinsoniens rapportent des troubles oculaires à un moment ou
l’autre de l’évolution de leur maladie.
Si la MP est bien une maladie du système moteur due à la mort des neurones
dopaminergiques de la substance noire, la déplétion en dopamine d’autres régions du cerveau,
particulièrement du cortex visuel et des cellules amacrines de la rétine, a inspiré ces dernières
années de nombreuses études sur les anomalies de la perception visuelle chez les
parkinsoniens.
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Il appartient à l’ophtalmologiste de reconnaître les signes oculaires de la MP, même en
l’absence de toute plainte du patient, et de les rechercher lors de son examen.
II : DEFICITS NEURO-OPHTALMOLOGIQUES DANS LA MP
1 - Troubles du regard :
1 a – Les observations cliniques effectuées sur les patients parkinsoniens ont montré de
lentes saccades hypométriques ( voir page 8 ) et un déficit du regard vers le haut.
Un stimulus optique dans le plan horizontal ou vertical déclenche des réponses
différentes : normales au plan horizontal dans la maladie de Parkinson idiopathique, modifiées
dans les syndromes Parkinson-Plus ( Voir page 12 ).
A noter que les études anciennes montrent une nette prévalence de ces déficits dans le
Parkinson post-encéphalitique. ( Syndromes parkinsoniens qui ont été secondaires à une
encéphalite épidémique dans les années 1916-1930 ).
1 b - Cependant l’anomalie du regard vertical n’est pas spécifique de la MP car on la
retrouve fréquemment chez les personnes âgées.
Les troubles des mouvements oculaires caractéristiques de la MP sont discrets et
peuvent être absents en début de maladie ou chez les patients bien contrôlés par la l.dopa.
Chez les parkinsoniens, les saccades oculaires ne sont pas sans rappeler le phénomène
de « roue dentée » observé aux membres supérieurs.
1 c - Les saccades après un nouveau stimulus ne sont pas affectées : leur latence est
normale ainsi que la pointe de vitesse et leur durée.
Par contre les saccades non secondaires à un stimulus actuel, comme par exemple
celles résultant d’un souvenir visuel, ont tendance à être anormales : elles sont hypométriques
avec un retard dans l’initiation et ralenties. C’est ainsi que le parkinsonien a des difficultés à
diriger son regard vers un point antérieurement présent et mémorisé, par ex. difficultés à
suivre une ligne blanche en voiture..
Chez les patients avec saccades hypométriques la prise de dopa tend à les normaliser.
Chez les patients ayant des dyskinésies induites par la L.dopa, les mouvements
oculaires sont plus fréquents et les saccades hyper métriques.
1 d - Le déséquilibre et l’instabilité posturale peuvent être le reflet d’une mauvaise
stabilisation des images et perturbent alors la synergie tête-yeux. Les mouvements de la tête
sont alors plus restreints et plus lents que la normale.
1 bis - Malgré ces troubles de la vue, l’examen des parkinsoniens ne montre que de légers
déficits des mouvements oculaires.
Si les saccades sont nettement ralenties ou le regard vers le bas sévèrement touché, le
diagnostic de Parkinson idiopathique doit être remis en question !
En effet les syndromes Parkinson-Plus (voir page 12 ) se distinguent de la MP par la
sévérité des anomalies des mouvements oculaires.
En outre ces signes sont alors non influencés par la dopathérapie.
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2 – Troubles de l’accommodation :
L’insuffisance de l’accommodation est un problème habituel des parkinsoniens,
notamment la diplopie (vision double ) et les difficultés de la lecture.
Mais ces troubles peuvent être secondaires à la médication, particulièrement les
anticholinergiques utilisés contre les tremblements.
En dépit d’amplitudes de convergence normale, le malade ne peut distinguer de loin
deux points rapprochés mais séparés. L’insuffisance de convergence est une importante
anomalie qui contribue à l’asthénopie ( fatigue oculaire ) et à la diplopie dans la vision de
prés ; elle concerne que rarement la vision de loin.
On peut y adjoindre les phénomènes d’éblouissement et de vision floue fréquemment
rapportés par les parkinsoniens : passage de l’ombre à la lumière et vice-versa …
Nota : les difficultés à la lecture des parkinsoniens sont en outre majorées par les difficultés,
en fin de ligne, de récupérer la bonne ligne suivante : un effort considérable de l’attention est
nécessaire, ce qui contribue à aggraver la fatigue oculaire et décourage le patient..
3 - Blépharospasme et blépharoplégie :
Les anomalies oculaires de la MP incluent le blépharospasme et l’impossibilité
d’ouvrir les yeux ainsi que la rareté du clignement des paupières, signes typiques de la MP.
L’impossibilité d’ouvrir les yeux pour un parkinsonien peut être due à un
blépharospasme réflexe ou essentiel, une apraxie d’ouverture des yeux, une diplopie ou une
sécheresse oculaire avec sensations de picotements, difficultés à ouvrir les yeux le matin,
sensation de sable dans l’œil dans la journée.
En réalité le blépharospasme essentiel et l’apraxie d’ouverture des yeux sont associés
au parkinson post-encéphalitique.
Par ailleurs les parkinsoniens ne sont pas exempts des affections oculaires habituelles,
glaucome, cataracte, dégénérescence maculaire, troubles de la réfraction, presbytie..
Mais le blépharospasme rend l’examen oculaire difficile, voire impossible ( par ex.
pour la mesure de la pression oculaire..) .
4 - Kératite :
La sécheresse de la cornée est la conséquence d’un dysfonctionnement propre, aggravé
par certains médicaments ( Anafranil, Laroxyl …).
La dermatite séborrhéique qui atteint la face et les paupières est fréquente, surtout chez
les patients à hygiène douteuse … La sécrétion des larmes est réduite et leur composition
modifiée favorisant la survenue d’orgelets, de chalazions.
Le manque de larmes résulte de la rareté du clignement des paupières. ( Il nécessite
l’instillation de sérum physiologique ou de larmes artificielles ).
Paradoxalement on peut observer un larmoiement réactionnel intermittent …
La douleur oculaire et la vision voilée sont dues à des anomalies de la surface
cornéenne.
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5 - Rareté du clignotement des paupières :
La rareté du clignotement des paupières contribue à donner de grands yeux
inexpressifs. L’hypokinésie des muscles élévateurs fait se rétracter les paupières.
Le clignotement chez le parkinsonien peut être ralenti à 1 ou 2 par minute. Ceci
complique la prise en charge de la sécheresse oculaire.
6 - Pas d’hémianopsie : ( sauf après pallidotomie )
( Hémianopsie veut dire perte de la vision dans la moitie du champ visuel ).
Le champ visuel est sans anomalie dans la MP, sauf après intervention chirurgicale
pour pallidotomie.
Au début de cette chirurgie 40 % des opérés présentaient une hémianopsie
controlatérale homonyme qui résultait de l’atteinte du nerf optique prés du noyau lenticulaire.
Aujourd’hui, avec les techniques chirurgicales modernes, la pallidotomie n’est responsable
d’hémianopsie que chez 5 à 10 % des sujets opérés.
7 - Anomalies sensorielles :
Malgré maintes études en ce sens, peu de corrélations cliniques évidentes.
L’Acuité visuelle peut être légèrement réduite en comparaison aux sujets contrôles.
Le plus souvent elle est normale après une soigneuse réfraction et une humidification
de la cornée.
La vision des contrastes est par contre anormale, surtout pour les images courbes.
Cette diminution de la vision des contrastes est assez fréquente, plus marquée pour des
raies sinusoïdales. Ceci a été interprété comme une indication de l’implication des cellules
dopaminergiques rétiniennes dans l’organisation du champ de réception périphérique.
Le fait que les anomalies de la vision des contrastes soient plus importantes dans les
raies horizontales que dans les raies verticales semble indiquer l’implication d’une fonction
corticale, le sens de l’orientation sélective étant une propriété du cortex visuel. Cependant
ce pourrait être dû à la rareté des mouvements oculaires affectant la vision des rayures.
Ce déficit est corrélé au manque de dopamine : on observe une amélioration lors des
phases « on » par rapport aux phases « off ».
Ceci explique pourquoi l’aménagement de repères visuels sur le sol améliore la
marche des parkinsoniens : ainsi des bandes perpendiculaires au sens de la marche disposée
sur le sol à intervalle régulier de 40 cm améliorent la vision des contrastes et facilitent la
marche…alors que des bandes disposées longitudinalement ne l’améliorent pas et sont sans
effet sur la marche.
Parallèlement au déficit de la vision des contrastes il y aurait déficit de la perception
du mouvement.
Une baisse de la discrimination des couleurs a été rapportée, non influencée par la prise de
l.dopa.
La vision des couleurs dans le spectre bleu/jaune semble particulièrement atteinte :
difficulté à identifier des images colorées de ces teintes.
Les scores de l’Electro-rétino-gramme sont diminués en amplitude.
Le seuil de clignotement des paupières est diminué.
L’attention visuelle simple est normale (voir page 10) mais les tâches plus complexes sont
affectées.
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Les hallucinations visuelles sont fréquentes chez les parkinsoniens, touchant de 25 à 40 % des
malades !
Les patients avec hallucinations visuelles sont en général plus âgés, ont une vue
médiocre ou reçoivent des médicaments favorisant les hallucinations ( bromocriptine par ex.
ou anticholinergiques ).
Les hallucinations sont une des particularités de la MP mais ont des caractéristiques
propres. Il s’agit le plus souvent de visions de petits personnages, visions lilliputiennes, en
général personnages familiers ( petits-enfants du malade par ex. , petits animaux …) qui
peuvent être immobiles ou non, situés souvent vers le bas, au sol, visions survenant
habituellement en fin de journée à la faveur de la pénombre.
Curieusement ces hallucinations sont peu anxiogènes, critiquées par le patient (qui
réalise donc la nature anormale de cette vision ). Rarement il s’agit de visions d’animaux
féroces, et même alors il n’y a pas de terreur associée.
Nota : les hallucinations auditives, voire de l’odorat, peuvent se voir dans la MP mais sont
beaucoup plus rares.
Aucune de ces hallucinations n’a ce caractère de conviction, de réalité, tel qu’observé dans les
délires chroniques.
8 - Crises oculogyres :
Ces déviations oculaires inhabituelles sont la signature du Parkinson post-encéphalitique
survenu après l’épidémie de grippe de 1916.
De nos jours les seuls cas encore vus le sont après prise de neuroleptiques..
9 – Nystagmus :
idem = park. Encéphalitique, jamais park. Idiopathique.
III / EXAMEN OPHTALMOLOGIQUE DU PARKINSONIEN.
Différents éléments du système nerveux central et périphérique interviennent dans la
vision. C’est pourquoi l’examen du système visuel fournit de nombreuses indications sur de
nombreuses parties du système nerveux.
Dans la maladie de Parkinson cet examen est un complément indispensable de
l’examen neurologique classique. En outre, certains signes particuliers révélés par l’examen
ophtalmologique sont peut-être des signes qui précèdent les signes classiques évoquant une
MP au début …
Typiquement le parkinsonien accuse des difficultés de lecture en raison de vision
trouble, double (diplopie), de photophobie, d’asthénopie, de troubles de convergence,
d’anomalies des surfaces oculaires …
Certains de ces troubles sont directement liés à la maladie, d’autres sont favorisés par
les médicaments antiparkinsoniens, d’autres aggravés par une anomalie ou une lésion sans
rapport avec la MP. …
Il appartient à l’ophtalmologiste de se prononcer sur tous ces points !
C’est avant tout un interrogatoire méticuleux qui s’impose : demander au patient
quelles sont ses activités à la maison, à l’extérieur, combien de temps il peut lire, à quelle
distance habituelle.
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Demander s’il a des difficultés pour écrire manuellement, depuis quand, s’il a dû
s’équiper d’un ordinateur ?
Interroger le patient et son entourage sur la réponse aux médicaments : les effets en
sont souvent imprévisibles et irréguliers au point qu’un parkinsonien n’est jamais assuré de
pouvoir introduire sa clef dans la serrure ni même parvenir à sa chambre ! !
Demander aussi comment s’est passée la journée, s’il y a eu des périodes OFF, ON,
ON avec dyskinésies ;
S’interroger sur la corrélation éventuelle des difficultés visuelles avec les périodes
OFF ou les moments dyskinétiques, sur la survenue de chutes..
Faire un historique détaillé et précis des différents traitements antérieurs et actuels ; en
particulier les antidépresseurs, les anticholinergiques, s’ils ont contribué à donner des
hallucinations, les yeux secs …
Vérifier si le patient est équilibré avec la dopamine. S’il existe des dyskinésies de la
dopathérapie, s’inquiéter de leur tolérance, notamment sociale ; si elles surviennent lors de
raideur, d’akinésie, de douleurs.
( Les parkinsoniens doivent être conseillés pour leur traitement par un neurologue
spécialiste des mouvements anormaux et non par le généraliste ou interniste..)
Pour un examen sérieux de la réfraction s’assurer du confort du patient pendant toute
la durée de l’examen (appui-tête ), utiliser des dispositifs nécessaires à une position assise
prolongée et confortable. Si le patient a des dyskinésies, de la dystonie, des postures
anormales de la tête peuvent gêner la correction d’un astigmatisme. Pour la vision de loin, les
verres peuvent tomber, pencher ou ne pas être alignés..
Par conséquent, pour nombre de patients, il vaut mieux des verres sphériques que des
verres correcteurs d’astigmatisme.
Prescrire des verres distincts pour la vision de loin et de prés et non des verres
bifocaux.
Pour les patients parkinsoniens avec des troubles de l’équilibre ou tendance aux chutes
ne pas essayer des verres bifocaux pour la marche.
Chez les jeunes parkinsoniens, donner une correction généreuse pour permettre la
lecture et en cas de myopie, privilégier la vision de prés.
Rechercher les insuffisances de convergence/divergence.
Prescrire des prismes pour vision de prés et d’autres pour vision de loin.
Si les amplitudes sont trop limitées pour permettre une vision correcte avec correction
par prisme on peut parfois trouver une solution avec les longues-vues de spectacle..
Examen des mouvements oculaires.
En présence de sévère ophtalmoplégie, de parésie sélective de la vision vers le bas, de
fréquentes saccades, de rigidité axiale, d’antéflexion du cou et de la tête, de dysarthrie, il faut
envisager un autre diagnostic que celui de MP idiopathique (voir page 12).
Le blépharospasme est rare dans la MP idiopathique et plus fréquent dans la PSP (Paralysie
supranucléaire progressive ) ( Voir page 12 ).
Néanmoins, si nécessaire, on peut recourir à la toxine botulinique en injections ; on
sera quelquefois surpris de réduire ainsi une apraxie d’ouverture des yeux !
La blépharite est traditionnellement traitée avec nettoyage des paupières sous la douche avec
un savon pour bébés. Les larmes artificielles sont recommandées plusieurs fois par jour à
condition que le malade ne tremble pas …
Eviter de traiter la blépharite avec des anti-inflammatoires qui peuvent précipiter un
glaucome, toujours difficile à diagnostiquer en raison de la difficulté à mesurer la pression
oculaire chez ces malades.
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Les difficultés de lecture peuvent résulter de mauvaise position secondaire à des dyskinésies
La lenteur de lecture due à la rareté des mouvements oculaires peut être améliorée en
lisant avec le doigt. Avec une parfaite réfraction et une vision claire il est difficile de lire
quand la main qui tient le livre est secouée 4 fois par seconde par un tremblement de grande
amplitude !
Le patient doit être encouragé pour se procurer des cassettes enregistrées ou tenir à la
main un vieux livre de cuisine qui empêchera le tremblement d’interférer avec la lecture.
Pour toutes ces raisons les parkinsoniens passent beaucoup de temps sur Internet car
l’écran de l’ordinateur reste lui immobile sur le bureau …
Une bonne réhabilitation des capacités visuelles du parkinsonien peut avoir un énorme
impact positif sur la qualité de vie non seulement pour le malade mais aussi pour son
entourage !
En effet ces patients sont en générales alertes sur le plan intellectuel mais ont un
mauvais contrôle de leurs fonctions motrices qui rend difficile l’examen physique
mais permet l’expression de leur personnalité et la communication des idées avec eux.
VOIR est par conséquent pour ces patients une ligne de sauvetage particulièrement
importante : d’autant que pour beaucoup de patients parkinsoniens l’existence
d’interactions entre informations visuelles et la marche est évidente !
L’ŒIL EST LA VERITABLE BEQUILLE DU PARKINSONIEN !
POUR EN SAVOIR
P L U S : quelques suppléments..
I / Les mouvements du regard : les saccades oculaires
Une saccade oculaire c’est le changement de direction du regard lorsque l’œil se
déplace par un saut brusque (qui ne dure que de 20 à 150 millièmes de seconde ) :
un mouvement bref suivi par un ajustement plus lent du déplacement de l’œil,
suivi d’une éventuelle saccade de correction.
Le trajet oculomoteur, c’est à dire la séquence de saccades successives, est très
différent selon la nature du sujet exploré par le regard. D’où son intérêt dans l’étude de la
sélection motrice et des processus de décision qui précèdent la réalisation du mouvement.
L’organisation hiérarchisée de l’exécution des saccades est sous le contrôle de
mécanismes inhibiteurs : ainsi les mêmes structures nerveuses sont mises en jeu pour un
mouvement de l’œil imaginé et pour un mouvement exécuté.
La décision de faire un mouvement des yeux, accompagné ou non d’un mouvement de
la tête, est due à une série de mécanismes parallèles, excitateurs et inhibiteurs.
Il existe des « générateurs » séparés des mouvements saccadiques ; l’un pour les
mouvements horizontaux (formation réticulée pontique ), l’autre pour les mouvements
verticaux ( mésencéphale ).
Ceci explique l’atteinte différente des mouvements du regard, vers le haut, le bas ou
latéralement, selon l’affection causale.
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Le générateur de saccades peut être activé par le cerveau mais ne peut produire un
mouvement oculaire QUE si l’inhibition exercée par certains neurones est levée sous
l’influence d’une inhibition d’autres circuits nerveux ! Autrement dit en inhibant une
inhibition on relâche le frein, ce qui permet au mouvement de se produire.
En outre, il existe un mécanisme sous la dépendance de l’attention (voir page 10 ) qui
permet de fixer la position de l’œil dans l’orbite.
Soulignons qu’un important niveau d’inhibition provient du striatum, lui-même inhibé
par le noyau caudé ( contrôle cognitif de l’INITIATION de la saccade ).
Enfin toute une série de neurones du striatum sont en rapport avec le noyau subthalamique ( excitateur ).
( Nota : ces localisations expliquent certains symptômes de la MP et le rôle de la
stimulation du noyau subthalamique comme traitement..)
Au total l’inhibition a ainsi pour rôle de permettre le choix d’une simulation interne du
mouvement ( une répétition à blanc ) qui autorise le choix de la stratégie motrice appropriée et
la combinaison des synergies nécessaires pour arriver au but préalablement déterminé.
Autrement dit tout mouvement est d’abord simulé avant d’être exécuté, ce qui permet
des prédictions en vue de sélectionner la meilleure stratégie motrice.
Ceci est sous la dépendance d’une boucle neuronale ganglions de la base – thalamus –
cortex qui joue un rôle Et dans le mouvement simulé, imaginé, ET dans le mouvement
réalisé. (Voir page 9 ).
L’étude des saccades oculaires est donc un modèle pour l’étude des circuits de la
décision et de l’imagination motrice.
En outre les anomalies des saccades oculaires (faciles à détecter par l’examen
ophtalmologique ) pourraient être des signes PRECEDANT les signes cliniques habituels du
début de la MP et un examen oculaire sérieux pourrait ainsi attirer l’attention du neurologue
sur l’éventualité de survenue d’une maladie de Parkinson idiopathique et en faciliter le
diagnostic !
II / NOYAUX GRIS CENTRAUX - GANGLIONS DE LA BASE.
C’est la partie du cerveau lésée dans la maladie de Parkinson.
Ils jouent un rôle de relais et de coordination dans :
Le contrôle moteur
La motivation
L’anticipation
La récompense ( processus d’addiction )
L’apprentissage (surtout moteur )
La mémoire procédurale
Et, en synergie avec l’aire préfrontale, dans la compulsivité, la persévération, les processus
émotionnels et l’attention.
Ainsi dans les troubles visuaux-spatiaux des parkinsoniens, les difficultés
n’apparaissent qu’avec des épreuves complexes qui requièrent un niveau de contrôle de
l’attention élevé. Ces difficultés révèlent des troubles du schéma corporel et de l’orientation
extra-corporelle (confusion droite/gauche..) .
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En réalité le traitement des informations visuo-spatiales est intact mais par contre
l’intégration et l’utilisation de ces données en vue d’élaborer une réponse adaptée sont
perturbées !
Ce qui veut dire que
Les noyaux gris centraux sont le siège de processus qui ont lieu entre
L’intention (programmation motrice)
Et L’action (exécution du programme moteur )
Ces NGC sont reliés au cortex par 3 boucles principales :
Un circuit moteur dopaminergique ( donc sensible à la dopa )
Un circuit cognitif du traitement de l’information ( non sensible à la dopa )
Un circuit limbique, émotionnel avec déficit de l’attention (non sensible à la
dopa)
Nota : la focalisation de l’attention et la motivation sont elles-sensibles à la dopa ; par contre,
dans l’apprentissage moteur, la représentation mentale de l’environnement est-elle très
perturbée chez le parkinsonien et non sensible à la dopa.
Il y aurait des différences selon l’ancienneté de la maladie et aussi selon la place
spatiale du stimulus, de l’information : un stimulus en haut ou latéral est moins efficient par
rapport au manque de dopamine dans la rétine.
Enfin ces zones sont connectées grâce à un apprentissage fondé sur la récompense.
En définitive c’est la planification du mouvement qui est perturbée chez le
parkinsonien.
III / ATTENTION ET MOTIVATION :
L’attention suppose une concentration où la mémoire n’est pas absente ; en réalité il
faudrait parler de système attentionnel ( processus attentionnels, focalisation de l’attention …)
Le système attentionnel est activé par la dopamine.
L’attention regroupe un ensemble de processus nécessaires au traitement de l’information.
La réévocation volontaire de représentations dans la mémoire de travail,
d’informations que l’on ne souhaite pas oublier, constitue la focalisation (étroitement
dépendante du système dopaminergique ).
Ceci n’est possible que par inhibition des représentations distractives, d’autant plus
facile à réaliser qu’il existe une forte motivation ( processus émotionnel ) pour le but à
atteindre.
L’attention varie en fonction de la vigilance :
Eveil : niveau faible = sommeil, plus élevé = éveil, encore plus = veille attentive
Vigilance : un état préparatoire est nécessaire pour détecter et réagir à des
changements aléatoires
On note des variations chrono-psychologiques de l’attention ( horloge interne ).
Réseaux de l’attention : multiples connexions entre le cortex frontal et le noyau caudé et la
substance noire, connexions qui permettent la modulation des réseaux de l’attention :
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Cortex préfrontal : orientations délibérées de l’attention = intentionnel
Réseau postérieur ( y compris NGC) : orientations automatiques de l’attention =
attentionnel.
Autrement dit : Le cortex pariétal exprime l’attention
Les tubercules quadrijumeaux et le thalamus modulent l’attention
Le cortex préfrontal contrôle la réalisation de l’attention.
Dopamine et attention : des données expérimentales récentes (1993) ont prouvé que
l’innervation dopaminergique préfrontale joue un rôle fondamental dans l’attention.
Les quelques millions de neurones dopaminergiques cérébraux sont regroupés en
systèmes ( nigro-striatal, méso-cortico-limbique etc..)
Le système dopaminergique des lobes frontaux contrôle l’attention, l’éveil et la
mémorisation.
Les synapses dopaminergiques sont pour 80% d’entre elles inhibitrices et pour 20%
excitatrices, ce qui permet une modulation de la dopamine, donc une régulation.
Effets excitateurs : inhibent l’activité du cortex préfrontal
Effets inhibiteurs : se manifestent surtout pour les informations non en rapport avec la
fonction en cours, ce qui facilite les informations pertinentes..
La dopamine, par sa régulation, assure le fonctionnement optimal des systèmes
exécutifs efficients.
Des boucles coordonnent le fonctionnement des systèmes exécutifs en vue
d’une réponse finale adaptée à la situation.
IV / PROGRAMMATION MOTRICE – AIRE MOTRICE
SUPPLEMENTAIRE :
Tout mouvement nécessite pour être réalisé une étape d’initiation : il existe un
véritable « plan moteur » qui préexiste au mouvement.
Dans la MP il s’agit avant tout d’un retard à l’initiation du mouvement. C’est le
versant « décision » qui est en cause, le versant « exécution » lui se déroule normalement
mais plus lentement. Le temps du mouvement est allongé et nécessite un effort particulier,
perçu par le malade, pour faire obéir les muscles ; il y a en outre prolongation de l’intervalle
entre deux mouvements.
Les stratégies motrices « prédictrices », c’est à dire mettant en jeu un programme
moteur mis en place antérieurement par l’apprentissage sont impossibles chez le parkinsonien.
( Le « plan moteur », programme préétabli est mis en évidence par la signature à l’aide de la
craie sur un tableau noir, signature qui imite totalement la signature au stylo sur une feuille de
papier ).
Ces stratégies motrices étant impossibles chez le parkinsonien, il est contraint de faire
appel constamment à un rétrocontrôle visuel et auditif : seules les informations sensorielles
permettent au parkinsonien de contrôler la réalisation de son acte et éventuellement de le
corriger volontairement.
Le bénéfice des aides sensorielles externes est mis en évidence lors de la marche avec
enjambement d’une ligne dessinée sur le sol, lors de l’écriture entre deux lignes parallèles.
Ces stratégies stimulantes font appel à une mobilisation de l’attention du malade, ce
qui entraîne une fatigue d’une part, permet d’expliquer le mode d’action de certains
médicaments ( antiglutamates par ex. ) d’autre part.
11
En fait tout ce qui permet d’augmenter l’attention du sujet permet d’activer l’aire
corticale prémotrice, ce qui rend le mouvement plus volontaire et moins automatique.
L’invigoration a une double action : sur le système limbique, donc sur la motivation,
et sur l’aire motrice supplémentaire, donc sur l’attention.
L’aire motrice supplémentaire (AMS) est une aire du cortex cérébral reliée aux
ganglions de la base et au thalamus par des boucles de neurones.
L’AMS joue un rôle fondamental dans la coordination entre posture et mouvement.
Elle est impliquée dans des actions globales : par ex déclencher l’activité des muscles de la
main gauche uniquement lorsque le mouvement mobilise les 2 mains … Ainsi taper sur la
table avec un doigt de chaque main en même temps ; si l’on change le rythme d’un seul côté,
le changement active l’AMS chez le sujet sain, pas chez le parkinsonien.
En outre l’AMS intervient dans le choix d’exécuter ou non un mouvement.
Enfin c’est la partie antérieure de l’AMS qui est activée pendant le mouvement
imaginé et la partie postérieure pendant le mouvement exécuté.
V / PARKINSON PLUS :
A côté de la maladie de Parkinson il existe des tableaux avec éléments cliniques
surajoutés regroupés sous le nom de Parkinson Plus dont la fréquence est de l’ordre de 10 %
des syndromes parkinsoniens.
Ces derniers regroupent :
La paralysie supra-nucléaire progressive de Steele, Richardson et Olszewski (PSP )
Les Atrophies multisystémiques (AMS) c’est à dire :
La dégénérescence strio-nigrique (DSN)
L’atrophie olivo-ponto-cérébelleuse (AOPC)
Le syndrome de Shy et Drager (SSD)
La dysautonomie progressive
L’hypotension-orthostatique idiopathique
La maladie à corps de Léwy disséminés (MCLD)
La dégénérescence cortico-basale (DCB).
Ces syndromes sont souvent très difficiles à distinguer d’une maladie de Parkinson
idiopathique, surtout au début de leur évolution.
Et pourtant il est important d’en faire le diagnostic le plus précocement possible afin
de ne pas donner de faux espoirs au malade car les thérapeutiques habituelles de la MP, en
particulier la dopathérapie, sont le plus souvent inopérantes dans ces cas dont l’évolution est
en général plus courte que celle de la MP.
Sans rentrer dans le détail des signes distinctifs qui permettent de penser à un
Parkinson Plus, ce qui est du ressort du spécialiste en mouvements anormaux, on peut
toutefois ici souligner la fréquence de la non réponse de la dopa déjà signalée et surtout ( par
rapport à ce présent travail sur vision et MP ), la fréquence des manifestations oculaires dans
les syndromes parkinson-plus.
Ainsi : les troubles oculo-moteurs (défaut de convergence, saccades volontaires
hypométriques, paralysie de la verticalité vers le haut ) ou simplement des anomalies électrooculographiques doivent évoquer une Atrophie multisystémique.
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Ainsi : la paralysie de la verticalité vers le bas, puis alternativement des paralysies de
latéralité touchant la motilité oculaire volontaire et automatique avec conservation de la
motilité oculaire réflexe, évoquent à coup sûr l’ophtalmoplégie supranucléaire progressive de
Steele, Richardson et Olszewski.
En pratique donc lorsque le neurologue clinicien a quelque doute devant un syndrome
parkinsonien, c’est l’examen ophtalmologique qui permet d’évoquer –voire de
certifier- un syndrome Parkinson Plus.
Références bibliographiques :
Outre la conférence du docteur Jacqueline Winterkorn mentionnée au début de ce
travail, et qui m’a été communiquée grâce à l’obligeance de notre ami canadien Denis R. il a
été consulté :
*Le livre de MM Ziegler et Bleton, « La Maladie de Parkinson et son Traitement »,
Editions frison-roche.
*Le document des laboratoires SCHERING « Actualités pratiques dans la pathologie
extra-pyramidale » écrit par les neurologues de l’Association des Neurologues Libéraux de
Langue française (ANLLF).
*Divers numéros du magazine mensuel « La Recherche » et plus particulièrement le
numéro spécial N° 289 juillet/août 1996 intitulé « Voir dans le Cerveau ».
*Divers numéros de la « Revue du Praticien ».
*Le livre de M. Alain Berthoz, Professeur au Collège de France, intitulé « Le Sens du
Mouvement », Editions Odile Jacob.
*Les opuscules « Dopamine et … » édités par PIL et diffusés par les laboratoires
Euthérapie et plus particulièrement :
Maladie de Parkinson, par le Professeur Alain Destée
De l’attention à la mémoire, par les Professeurs Bernard-François Michel et
Fabienne Duclos-Verdureau
Troubles cognitifs de la Maladie de Parkinson, par les Professeurs Bernard
Pillon et Bruno Dubois.
*Les différents numéros de la Revue Trimestrielle de france-parkinson,
particulièrement son N° 56 du troisième trimestre 1998
*Et divers articles trouvés sur Internet et non répertoriés..
Saint-Raphaël le 31 mai 1999
Claude Mange, 155 Bd Gen De Gaulle 83700 St Raphaël, tel 04 94 95 91 80
[email protected] http://reseauparkinson.org
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