UNIVERSITE DE FRIBOURG/SUISSE • UNIVERSITÄT FREIBURG/SCHWEIZ DEPARTEMENT DES SCIENCES DE LA SOCIETE DEPARTEMENT DER GESELLSCHAFTSWISSENSCHAFTEN DEPARTMENT FOR THE SCIENCES OF SOCIETY Prof. Muriel Surdez Bureau G 340 ; [email protected] 026 300 82 43 Réception le mercredi de 14h à 18h ou sur rendez-vous Assistant : David Pichonnaz Bureau G 332 ; [email protected] Réception le jeudi de 14h à 16h ou sur rendez-vous Sociologie de l’action publique et des professions Cours 2006-2007 (semestre d’hiver) Les représentations des groupes professionnels dans les médias THEMATIQUE Dans quelles circonstances et sur quelles bases les médias parlent-ils de certaines professions et en ignorent-ils d’autres ? Dans quels registres évoquent-ils leurs caractéristiques, leurs « problèmes », leur avenir ? Quelles significations et représentations véhiculent des dénominations telles que « paysans » ou « agriculteurs », « médecins » ou « toubibs » ? A travers ces interrogations, le cours étudie le processus social essentiel qu’est la production des catégories qui qualifient et classifient les groupes professionnels et les structures du monde social. Il a pour objectif de mettre en évidence les rapports pluriels qui relient médias et professions, en s’appuyant sur les cadres d’analyse développés par la sociologie des professions, la sociologie du journalisme et la sociologie des mobilisations. Le fil rouge guidant les séances consiste à analyser ce « pouvoir » particulier qu’auraient les journalistes (ou plus largement les métiers de la communication) en tant que groupe professionnel, celui de diffuser, – voire de construire – les représentations des autres professions. Il s’agit donc de se doter des cadres analytiques et des concepts permettant de comprendre comment les journalistes contribuent à forger l’image publique et la hiérarchisation sociale des différents métiers et champs professionnels : 1) en fonction de l’organisation et des caractéristiques de leur propre profession ; 2) en interaction avec d’autres acteurs sociaux, notamment les représentants des groupes professionnels et les acteurs politiques. 1 A. Les journalistes comme groupe professionnel L’étude sociologique de la profession journalistique, à la croisée de la sociologie du journalisme et de la sociologie des professions, s’attache principalement : - à situer ce groupe par rapport aux autres professions en examinant les caractéristiques sociales (notamment : trajectoires, niveau de formation) des membres et les rapports de concurrence ou de proximité qu’ils entretiennent avec d’autres professions dans et hors des rédactions, et plus largement avec la catégorie des « professions intellectuelles ». Dans cette perspective, il est intéressant d’étudier comment les journalistes sont confrontés à des problèmes et des logiques (par ex. de rationalisation et de rentabilité ; d’élévation des critères d’accès à la profession) comparables à ceux d’autres secteurs professionnels, mais qui prennent des formes spécifiques ; - à analyser la production médiatique comme un processus qui implique une division, une spécialisation et une coordination du travail entre différents sous-groupes. Cette division des tâches est structurée par l’organisation du champ médiatique en types de médias (médias audiovisuels, presse écrite ; médias privés-publics ; médias régionaux-nationaux) et en rubriques (politique, économie, sport, culture, etc…). Elle peut provoquer des conflits et des concurrences au sein de la profession. La prise en compte de ces deux dimensions permet de décoder les représentations construites par les journalistes et les « communicateurs » en montrant ce qu’elles doivent à l’évolution des conditions de travail, à la régulation des médias et aux particularités de la socialisation familiale, scolaire, et professionnelle des journalistes. B. Les rapports entre journalistes, représentants des groupes professionnels et acteurs politiques Les représentations des groupes professionnels diffusées par les médias ne sont pas des conceptions élaborées en vase clos par les journalistes ou relevant de leurs a priori exclusifs : elles se construisent dans un processus d’interactions et de positionnement dans l’espace social et politique qui dépend des dimensions suivantes : 2 1. Certains groupes ont un « accès privilégié » aux médias et attirent plus que d’autres l’attention et l’intérêt des journalistes. Est-ce en fonction des relations que les représentants des groupes entretiennent avec les journalistes sur la durée ? Est-ce plus ponctuellement lié aux capacités de mobilisation différenciées des groupes socio-professionnels ? Comment les représentations qui en découlent s’infléchissent-elles ? 2. L’impact des représentations médiatiques sur les groupes professionnels et leurs membres. Comment les groupes et surtout leurs porte-parole parviennent-ils à diffuser et à contrôler la définition qu’ils souhaitent présenter d’eux-mêmes ? S’ils sont tenus à élaborer des stratégies pour satisfaire aux exigences des médias, comment les membres s’identifient-ils aux images journalistiques et publiques qui sont données du collectif auquel ils appartiennent : vont-ils se les réapproprier ou s’en distancier ? Pour comprendre ces logiques, nous nous référerons à la sociologie des groupes d’intérêt et à la sociologie des mobilisations, comme domaines de recherche spécialisés de la sociologie et de la sociologie politique. Nous aborderons enfin une troisième dimension complémentaire, dont nous faisons l’hypothèse qu’elle devient une médiation centrale dans la construction de la représentation des groupes professionnels : 3. Les politiques publiques et le rôle d’experts des groupes professionnels dans ces politiques. Les tâches accomplies, l’autonomie et la fonction sociale des professions et des professionnels sont tributaires des politiques étatiques qui régulent leur champ professionnel. Ainsi, les médias évoquent les médecins et le personnel soignant quand ils traitent de la politique de la santé et de l’assurance-maladie, les enseignants lorsqu’ils commentent les réformes de l’école, les agriculteurs touchés par la politique agricole menée à l’échelle européenne et internationale. Les représentations diffusées s’inscrivent dès lors dans un registre qui tend à évaluer les capacités des groupes professionnels à « s’adapter » à la « modernisation » de leur secteur d’activité. Il est intéressant d’étudier dans quelle mesure les représentants des groupes se voient accorder ou prennent la parole dans ces reconfigurations politiques, en tant qu’acteurs concernés ou touchés. Parallèlement, les journalistes se spécialisent-ils dans la couverture d’un domaine d’action publique pour en devenir des experts-clés dont l’opinion reconnue et autorisée va infléchir ou légitimer les réformes? 3 En résumé : l’objectif du cours est de présenter les problématiques et les outils théoriques susceptibles de rendre compte du degré d’autonomisation ou d’homologie des représentations produites par les médias et par les milieux professionnels au sujet des groupes professionnels. La production de ces représentations est un enjeu aigu lorsque les groupes professionnels se trouvent dans des situations de restructuration, de déclin ou d’ascension, en bref lorsqu’ils cherchent à modifier leur image pour valoriser/conserver leur statut et leur prestige. Dans une perspective sociologique plus large, il nous importe de problématiser la robustesse et la compatibilité des représentations médiatiques par rapport à d’autres formes de représentations, à savoir des représentations institutionnelles et scientifiques. Par là, nous allons travailler sur les schèmes de classement élaborés par les médias comme des schèmes situés à la frontière des catégorisations savantes et profanes, et préciser la place des médias parmi la palette des dispositifs sociaux de catégorisation. Public et mode de validation : Public : Le cours fait partie des enseignements offerts dans le cadre du Master « Communication, politique et société ». Il est ouvert sans prérequis aux étudiants suivant ce master, ainsi qu’aux étudiants suivant le Master en sciences de l’éducation de l’Université de Fribourg ou aux étudiants du Master en sociologie de l’Université de Genève. Il peut aussi être pris comme option au sein du Programme de spécialisation à 30 ECTS « Journalisme et médias » ou des P2 offerts aux étudiants en master lettres. !!! Important : Dans l’ancien système de licence, le cours est obligatoire pour les étudiants inscrits en licence DSS ayant « Journalisme et médias » comme branche secondaire. Il est en outre ouvert aux étudiants inscrits en licence DSS ayant comme branche principale « Sociologie de la communication » ou « Sociologie » et aux étudiants inscrits en licence Lettres ayant comme branche complémentaire « Communication et médias » ou « Sociologie ». Mode de validation : Travail écrit dont la réussite donne droit à 3 ECTS (et non pas un examen comment précédemment annoncé). Au semestre d’hiver 2006-2007, le séminaire « Les perceptions réciproques des groupes professionnels : entre préjugés, expériences et connaissances sociologiques » (4h par semaine) approfondit une thématique similaire. 4 Calendrier et programme du cours (SH/2h par semaine) Dates Textes d’appoint Thèmes 25.10 Introduction : présentation de la thématique 01.11 Toussaint ; férié 08.11 Absence séminaire de Morat Partie I : Représentations médiatiques et conditions de production médiatique 15.11 Dies academicus ; férié 17.11 Caractéristiques de la profession journalistique et dynamiques de régulation des champs professionnels Abbott ; Dubar ; Marchetti 22.11 Les enjeux de la spécialisation journalistique comme forme de division du travail Esser ; Neveu ; Freidson 29.11 Modèles d’analyse des rapports entre journalistes et sources. Les inégalités d’accès aux médias. Schlesinger ; Lemieux ; Pfletsch Partie II : Processus de représentation et de mobilisation des groupes professionnels 06.12 Des groupes organisés et représentés. Porte-parole et professionnalisation de la représentation Gitlin ; Sawicki, Lefèbvre 13.12 Modes de mobilisation des groupes professionnels et répertoires d’action collective Offerlé ; Tilly 20.12 Les groupes professionnels en fiction : littérature et séries TV Vacances de Noël Partie III : Politiques publiques et médias 10.01 Dispositifs institutionnels de catégorisation, catégories savantes et procédures d’identification Noiriel, Foucault, Desrosières 17.01 Réseaux d’action publique et référentiels d’action publique Dulong et Dubois ; Hassenteufel 24.01 Journalistes et professionnels comme experts dans les politiques publiques Sabatier 31.01 Séance de conclusion : évaluation et bilan pour l’examen 5