Thèse de Doctorat

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Tourisme et Développement Régional :
Proposition d’une stratégie de spécialisation infra-régionale
adaptée aux spécificités des petites économies isolées.
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REMERCIEMENTS
Je remercie tout d’abord les membres du jury :
BARTHELEMY Philippe, Professeur à l’Université de Toulon et du Var
GASPERINI Eric, Maître de conférences à l’Université de Nice Sophia Antipolis
ORSONI Jacques, Professeur à l’Université de Corse Pascal Paoli
pour l’intérêt qu’ils ont porté à mes travaux et la disponibilité dont ils ont fait preuve.
Evidemment, mes plus grands remerciements sont à l’adresse de mon Directeur de thèse : Le Professeur Bernard
FUSTIER qui avec beaucoup de patience, de disponibilité et d’encouragements a su orienter mes recherches et m’aider à
organiser mon travail pour le mener à bien.
Je remercie également tous ceux qui ont contribué à la réalisation de ce travail et en particulier :
_ Les « experts » qui sont intervenus dans la partie application de cette thèse.
_ La S.N.C.M. et la Collectivité Territoriale de Corse pour leur indispensable soutien logistique.
Enfin, je tiens à remercier mes parents pour leur aide, leur confiance et leur soutien sans faille.
à mes parents...
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SOMMAIRE
PREMIERE PARTIE
TOURISME ET DEVELOPPEMENT
Chapitre I : Du tourisme en général et de ses particularités.
Chapitre II : Développement touristique.
Section 1 : L’activité « Tourisme ».
1. Historique.
2. La diversification des formes de tourisme.
Section 1 : Particularités des petites économies insulaires.
1. L’isolement géographique.
2. Importance de la diversification et autres spécificités.
3. Les atouts des petites économies insulaires.
Section 2 : Les propriétés du tourisme.
1. Quelques principes de base de l’économie du tourisme.
2. Le « produit touristique » : bien ou service ?
3. Effets des particularités du produit touristique.
Section 2 : Des possibilités de développement.
1. Un secteur qui évolue.
2. Maximiser sous contraintes.
Section 3 : Eléments d’économie régionale.
1. La théorie de la base.
2. Le développement endogène.
3. Le développement identitaire.
4. La coopération régionale.
Section 3 : Les acteurs et leurs rôles.
1. Les acteurs du tourisme.
2. Répartition des rôles.
SECONDE PARTIE
DEVELOPPEMENT TOURISTIQUE DURABLE
Chapitre III : La spécialisation : une forme de coopération.
Chapitre IV : Méthodes d’application de la stratégie.
Section 1 : Principes d’économie internationale.
1. Les différents courants.
2. Les apports de Ricardo.
3. Rôle de la demande dans l’échange international.
4. La théorie des dotations factorielles.
Section 1. Evaluation des caractéristiques d’une zone.
1. Méthodes d’évaluation hétérodoxes.
2. L’analyse multicritère.
3. Méthodes de synthèse d’opinions d’experts.
Section 2. Evaluation de la sensibilité d’un territoire.
1. Présentation générale du problème d’évaluation.
2. Le modèle satisfaction-regret.
3. La démarche évaluative menée sur le terrain.
4. Résultats.
5. Prolongements de l’analyse.
Section 2 : La spécialisation micro-régionale.
1. La théorie des « flux comparatifs ».
2. Extensions de la théorie.
3. Comportements du consommateur.
Section 3 : Analyse du comportement des « décideurs ».
1. Prise de décision.
2. Sortir du dilemme.
3. Méthodes d’incitation à la spécialisation.
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INTRODUCTION
Le tourisme est souvent l’activité économique principale des petites économies isolées et en particulier dans les
milieux insulaires. Toutefois, dans la plupart des cas il ne suffit pas à donner à ces régions l’élan qui leur manque pour sortir d’un
état de mal-développement. Trop souvent concentrée dans le temps (saison estivale) et dans l’espace (littoral), l’activité touristique
possède un impact nécessairement limité sur l’économie régionale. Plus fondamentalement, cette concentration spatio-temporelle
se traduit par une faible diversification de l’offre touristique qui, dans un contexte concurrentiel, est un lourd handicap que les
régions doivent surmonter pour réaliser leur développement.
On propose, dans cette recherche, une stratégie de développement touristique qui vise à étaler l’activité dans le temps et
dans l’espace. Elle se fonde sur une véritable coopération entre les décideurs locaux des sites à développer et repose sur une forte
interaction avec le monde rural. On insistera sur ce dernier point comme sur les quelques principes de base à respecter pour
s’octroyer l’adhésion des populations locales ; conditions absolument nécessaires à la durabilité de la stratégie. On attachera une
attention toute particulière, parmi les caractéristiques de la demande touristique, à l’importance des aménités environnementales
incitant à la reconnaissance du travail d’entretien et de valorisation des espaces naturels par les exploitants agricoles (notons que
cette reconnaissance est également l’une des exigences premières des populations locales dans leur ensemble).
L’analyse des diverses formes que prend aujourd’hui l’activité touristique nous amènera à remarquer que la stratégie doit
prendre en considération les caractéristiques recherchées par le consommateur. On démontrera alors sans trop de difficultés que
chaque site a intérêt à se spécialiser dans la production (et/ou l’exploitation) des caractéristiques pour lesquelles il possède un
avantage comparé (et à plus forte raison s’il dispose d’un avantage absolu ou lui conférant une situation de quasi-monopole).
Globalement, la gamme et la quantité totale de caractéristiques seront plus importantes que celles résultant de décisions
individuelles des responsables locaux. La modélisation de cette observation s’inscrit dans le cadre de la « nouvelle » théorie du
consommateur (Lancaster, 1971), mais la fonction de production des caractéristiques est couplée avec le modèle ricardien (des
avantages comparatifs), ce qui permet la prise en compte des quantités de travail nécessaires à la valorisation des caractéristiques
liées à l’environnement.
Nous mettrons en évidence les multiples difficultés auxquelles se heurte la réalisation d’une telle politique de
développement et chercherons à chaque fois un moyen d’y remédier. Enfin, nous testerons la faisabilité de la stratégie ainsi définie
en s’essayant à l’appliquer sur un territoire donné.
Ce travail se décompose donc en deux parties puisqu’une analyse minutieuse de l’activité touristique (offre, demande et
mécanismes) et des particularités de son exploitation en milieu isolé sera indispensable à l’établissement d’une stratégie prétendant
les associer harmonieusement. Ce n’est qu’après avoir convenablement cerné les points clefs soulevés par cette analyse préalable
que l’on pourra envisager l’emploi de moyens adéquats susceptibles d’adapter l’exploitation de l’activité touristique à
l’environnement naturel, social, culturel, spécifique des milieux insulaires et plus généralement des petites économies isolées. Nous
présentons ci-après le détail et le déroulement de ces deux phases de notre travail.
Première partie : Tourisme et développement (en milieu insulaire).
Cette première partie se divise logiquement en deux chapitres (conformément à ce que nous avancions plus haut). Puisque
l’on s’intéresse au développement touristique en milieu insulaire, la stratégie devra permettre l’adaptation des particularités de
l’activité touristique aux spécificités des petites économies isolées. Aussi :
Le chapitre premier traitera « Du tourisme en général et de ses particularités ». Il s’agira ici de présenter dans un premier temps
(après un bref historique de l’évolution du tourisme) les diverses formes que revêt aujourd’hui l’activité touristique ; nous
analyserons ensuite les mécanismes spécifiques de ce que l’on appelle de plus en plus couramment « l’économie du tourisme » ;
nous terminerons sur la répartition des rôles, la détermination des responsabilités respectives des différents acteurs en matière de
développement et d’exploitation de l’activité.
_ La première section fera ressortir l’évolution fulgurante et la pluralité des produits constituant le secteur tourisme. On
comprendra comment ses éléments ont conduit les pays du monde entier à intégrer et souvent à décerner une place d’honneur à
cette activité dans leur économie. Les revenus engendrés par l’activité touristique constituent même aujourd’hui la principale
ressource de certains pays ; c’est le cas notamment des petites économies insulaires. Cependant, cette activité reste très spécifique,
et si quelques études cherchent à l’assimiler à une industrie comme une autre, d’autres s’efforcent de montrer le contraire. Quoi
qu’il en soit, on parle aujourd’hui d’économie du tourisme, mais aussi de mécanismes qui lui sont propres.
_ Ce sont ces mécanismes que l’on exposera dans une deuxième section. Nous présenterons les notions de base de l’activité telles
que le multiplicateur touristique décrit notamment par Durant, Gouirand et Spindler (1994) ou les agrégats. Nous attacherons une
attention toute particulière à la formation d’un produit touristique ; nous verrons en effet que plusieurs éléments constituent un
produit. Cette réflexion aura son importance par la suite car elle nous conduira par exemple à agir sur les différents éléments d’un
même produit pour l’adapter aux variations d’humeur de la demande, et le rendre ainsi plus performant.
_ La nécessité de bien connaître les acteurs du tourisme, exploitants, responsables et décideurs sera démontrée dans une troisième
section. Cela nous permettra, par exemple, de savoir à quel niveau il faut agir pour modeler l’activité à l’environnement. On notera
ainsi que dans ce domaine le pouvoir est de plus en plus délégué au niveau le plus proche du « terrain », à savoir aux collectivités
locales.
On aura évidemment, dans ce premier chapitre, mis l’accent sur les multiples éléments qui devront orienter notre stratégie
de développement pour la rendre efficiente. Le pouvoir décisionnel de plus en plus délégué au niveau local, les divers éléments
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entrant dans la constitution d’un produit touristique, l’immense pluralité de ces produits et la perpétuelle évolution (et
modification) des exigences de la demande auront une influence capitale sur les méthodes de développement à envisager.
La maîtrise de l’activité que l’on souhaite exploiter ne suffit pas forcément à la rendre « optimale » sur le terrain. D’autres
considérations, des « externalités » à l’activité proprement dite vont engendrer des effets tant positifs que négatifs sur les
performances escomptées. Cela n’a jamais été aussi vrai que dans l’activité touristique. La mise en oeuvre d’une politique de
développement touristique ne saurait être envisagée sans l’adhésion des populations locales, c’est l’une de ces externalités qu’il est
nécessaire d’étudier et d’intégrer dans la construction de la politique en question.
Dans le second chapitre intitulé « Développement touristique en milieu insulaire », de nombreux autres facteurs relatifs
aux spécificités des milieux insulaires font l’objet d’une étude détaillée. Il est impératif de connaître le milieu sur lequel on
travaille, à plus forte raison lorsqu’il s’agit d’un espace aussi particulier. Dans le cas de petites économies isolées, éloignement et
isolement impliquent des effets sur l’économie que ne connaissent pas les grands pays. Sur de tels territoires, ce serait commettre
une grossière erreur que de vouloir calquer un développement touristique sur les principes courants révélés par la théorie
économique classique. On pourra néanmoins s’en inspirer et insérer certains éléments de ces notions reconnues pour construire une
stratégie « personnalisée ».
_ La première étape passe donc par une bonne connaissance des particularités du terrain. Nous verrons dans une première section
ce qu’isolement et éloignement impliquent pour une économie. Mais nous montrerons également que cela n’engendre pas que des
difficultés. Il est effectivement important de connaître les avantages que l’on peut tirer d’une telle situation pour, le moment venu,
savoir les mettre plus en valeur encore, en les intégrant judicieusement dans les décisions d’orientation de l’organisation planifiée.
_ C’est dans la seconde section que l’on va répertorier toutes les « externalités » directement liées au secteur tourisme. Qu’il
s’agisse de son évolution permanente ou des contraintes économiques, sociales et environnementales, ces phénomènes inhérents à
l’activité tourisme valables empiriquement (et relevés dans le premier chapitre), n’auront cependant pas les mêmes effets selon leur
espace d’application. Il sera important non seulement de les connaître mais aussi d’anticiper leurs conséquences probables en
milieu isolé afin de se préparer à une meilleure gestion possible de ces phénomènes. Quelques règles et contraintes (économiques,
sociales et environnementales) à respecter doivent faire l’objet d’une étude approfondie si l’on ne veut pas risquer d’être pris au
dépourvu devant des erreurs de jugement qu’il serait difficile de corriger après coup. L’analyse de « ce qu’il faudra faire sachant
cela » est une étape obligée à toute édification d’une politique de développement.
_ Cette orientation finalement choisie devra, bien sûr, s’inspirer également des théories « classiques » traitées par les sciences
économiques. Nous verrons que, selon notre idée de départ, les principaux fondements sur lesquels on souhaite s’appuyer
aboutiront à d’autant de formes de développements. Ce sont en fait ces fondements qui donneront son originalité à l’organisation
de l’économie qui prendra racine. Les apports des sciences économiques en matière de développement sont vastes et multiples, la
plupart du temps, ces théories ont pour objectif de pallier une difficulté ou les conséquences d’un phénomène particulier engendré
tantôt directement par le marché de l’offre et de la demande, tantôt par une volonté précise de mettre en place une stratégie
politique budgétaire, d’échanges internationaux, sociale, ou autre. Ainsi, de nombreux économistes se sont penchés sur certains
aspects propres aux économies insulaires, au développement touristique, ou encore aux échanges et autres formes de coopération.
Ce sont quelques unes de ces théories économiques élaborées à des fins spécifiques que nous présenterons afin d’y puiser les
éléments et principes susceptibles d’apporter des solutions aux problèmes mis en évidence précédemment, et qui naissent, pour une
part, des spécificités qui accompagnent la mise en oeuvre d’une stratégie de développement touristique insulaire.
Seconde partie : Développement touristique durable.
La nécessité pour un petit pays de s’ouvrir autant que faire se peut sur ses voisins, ne serait-ce que pour élargir son marché
et bénéficier ainsi d’une plus forte économie d’échelle, semble incontournable, sous peine d’aboutir rapidement à un état de
développement stationnaire. Les éléments développés dans notre première partie montrent que les avantages non négligeables en
terme de ressources naturelles, culturelles et environnementales dont disposent souvent les régions insulaires viennent encourager
cette logique d’ouverture en la rendant réalisable, notamment par le biais du tourisme.
Partagées entre le besoin d’exporter ces richesses pour aller de l’avant et le désir de les protéger pour sauvegarder leur identité, ces
petites économies isolées devront trouver un compromis entre ces deux principes que la théorie économique semble mettre en
opposition, au vu des quelques éléments d’économie régionale exposés précédemment (théorie de la base, développement
endogène). Les principes du développement identitaire et des diverses formes de coopération, laissent entrevoir de réelles
possibilités d’ouverture sur le marché international. C’est une combinaison de ces différentes théories que nous chercherons à
mettre au point tout au long de notre seconde partie. La stratégie à proposer dans ces milieux spécifiques ne peut être, elle aussi,
que spécifique. Elle devra à la fois être adaptée aux besoins en devises étrangères, dont nous parlions plus haut, et au maintien
d’une certaine « intégrité régionale » ; ce que l’on pourrait traduire grossièrement par : augmenter le niveau de vie sans toucher au
mode de vie des résidents.
Notre recherche s’effectuera en deux temps (deux chapitres). Il faudra d’abord trouver une stratégie susceptible de
répondre à nos attentes (celles des petites économies isolées) en nous appuyant sur des phénomènes et théories économiques
reconnus, avant de nous assurer de sa possible mise en oeuvre « sur le terrain ».
Le troisième chapitre « La spécialisation : forme de coopération » nous conduira donc dans un premier temps à nous intéresser à
certains éléments d’économie internationale qui viendront renforcer la structure des idées que l’on se fait déjà de la stratégie à
mettre en place. Il sera ensuite nécessaire d’étudier les répercussions de la politique choisie d’une part sur la demande et, d’autre
part sur l’offre. Le système d’exploitation mis en place devra être acceptable et accepté par le consommateur et les décideurs
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locaux. Cette étude du « contentement externe » et de « l’adhésion interne » donnera lieu à une analyse méticuleuse de l’offre et de
la demande issues du style de développement choisi. Aussi :
_ Nous exposerons dans une première section certains principes connus en économie internationale. Nous insisterons en particulier
sur la notion de spécialisation puisque la stratégie que l’on envisage désormais repose sur une forme de coopération régionale par
la spécialisation. Chaque site devant exploiter en priorité les caractéristiques lui conférant un avantage comparatif sur son voisin.
_ Les fondements de la stratégie à mettre en oeuvre étant alors établis, nous nous attacherons dans une seconde section à démontrer
qu’elle répond, comme prévu à la fois aux particularités de l’activité touristique et aux spécificités des milieux insulaires. Cela en
mettant plus en évidences les intérêts financiers mais aussi les avantages qu’une zone ainsi traitée pourrait en tirer en termes de
protection de l’environnement et plus généralement de mise en valeur de ces ressources naturelles.
_ Enfin, nous verrons qu’une telle organisation du développement touristique (fondée sur la spécialisation par zone),
particulièrement adaptée à la demande (nous le montrerons), sera dans le même temps très intéressante pour les décideurs,
responsables et exploitants en général, sous réserve bien sûr que ces fondements soient respectés. Une analyse relativement
poussée du comportement des décideurs (à partir de certains éléments empruntés à la théorie des jeux) devra cependant être menée.
Celle-ci sera effectivement nécessaire à la mise au point de certains outils qui pourront favoriser la coopération (par la
spécialisation) de ces décideurs.
Dans un quatrième et dernier chapitre : « Méthodes d’application de la stratégie », nous vérifierons la réelle possibilité
d’appliquer cette stratégie « sur le terrain ». Le passage de la théorie à la pratique est en effet trop souvent éludé dans les études
réalisées, en économie comme dans de nombreux autres domaines. Le « modèle » de développement proposé ici tenant compte des
nombreux facteurs soulevés dans la première partie de notre travail, rend son application délicate ou du moins implique un
raisonnement méthodique se déroulant par étapes successives jusqu’à une décision finale que nous espérons optimale. Nous
mettrons donc un soin particulier à faciliter cette éventuelle application de la « théorie » en fournissant des éléments, en grande
partie issus des sciences économiques, pouvant faciliter cette entreprise.
La stratégie étant fondée sur l’exploitation (mesurée) des richesses naturelles d’une zone devant l’amener à se spécialiser, la
première étape de l’organisation envisagée consistera en l’évaluation de chacune des zones concernées. Or, le travail d’évaluation
n’est pas des plus simples à réaliser. Il nous faudra dans ce dernier chapitre proposer une méthode d’évaluation des zones qui, une
fois effectuée, permettra d’orienter les zones vers l’exploitation du produit touristique (ou non) correspondant à ces richesses
naturelles (conformément à la logique suivie dans cette recherche).
_ Aussi, une première section fournira un inventaire relativement critique de plusieurs méthodes d’évaluation issues de courants
écologiques ou de l’économie classique, qu’elles soient anciennes ou plus récentes comme l’analyse multicritère. Nous prendrons
en considération les atouts et inconvénients de ces multiples méthodes et procédures d’évaluation afin d’établir dans une dernière
section qui viendra clore notre travail, une méthode propre à nos besoins, c’est à dire suffisamment fiable et, surtout, facile à mettre
en oeuvre.
_ C’est dans la seconde et dernière section que nous formaliserons notre méthode en évaluant (sous forme d’exemple) « la
sensibilité » des zones d’un même territoire. L’évaluation ainsi effectuée nous permettra alors de poursuivre notre exemple en
proposant des orientations de développement adaptées aux différents degrés de sensibilité déterminés pour chacune des zones
traitées.
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PREMIERE PARTIE : TOURISME ET DEVELOPPEMENT
Nous nous intéressons dans cette recherche au développement des petites économies isolées et plus
particulièrement à un possible développement qui aurait pour secteur de base le tourisme. La stratégie proposée devra donc être
adaptée aux particularités du tourisme. Celles-ci feront l’objet de notre premier chapitre. Dans un second chapitre, nous étudierons
les particularités des petites économies isolées. La première partie de notre travail comprendra donc :
_ Une présentation synthétique de l’activité « tourisme ». Nous insisterons essentiellement sur les diverses formes que comporte
cette activité ; sur les propriétés économiques liées à ce secteur ; sur son organisation ainsi que sur la distribution des rôles et des
responsabilités décisionnelles dans ce domaine.
_ L’exposé et l’analyse des phénomènes économiques engendrés par l’éloignement et l’isolement. Nous examinerons à la fois les
atouts et les contraintes que peuvent provoquer éloignement et isolement ; avant de sonder les possibilités d’un développement
adapté à une telle situation ; et de présenter les éléments de l’économie régionale qui aideront à son éventuelle éclosion.
CHAPITRE I
DU TOURISME EN GENERAL ET DE SES PARTICULARITES
Ce premier chapitre à pour but de cerner toutes les particularités, notamment économiques, liées au secteur
tourisme. A travers une présentation synthétique des divers aspects qu’il nous faudra prendre en compte tout au long de notre
travail, nous ferons le tour du sujet sans nécessairement entrer dans le détail de ces différents points. En effet, ce premier chapitre
étant plus une synthèse de constats déjà établis dans de nombreux ouvrages sur ce domaine, nous nous contenterons d’en exposer
les principes et les grandes lignes, et renverrons systématiquement à quelques publications de références concernant les points
traités. Nous éviterons par exemple l’éternelle comparaison entre les lieux divers et variés dont l’économie repose sur « l’industrie
du tourisme ». Ce chapitre sera donc volontairement un condensé de ce que la littérature fournit sur les trois thèmes suivants :
_ Une première section, après un bref historique retraçant l’évolution de l’activité tourisme de sa naissance à l’explosion
contemporaine, montrera à quel point les produits touristiques peuvent être divers et variés.
_ Dans une seconde section, nous nous attacherons à démontrer que les principes gouvernant l’activité touristique lui sont propres
et diffèrent de ceux d’autres activités économiques plus traditionnelles. Nous verrons par exemple qu’il est difficile de déterminer
si le produit touristique doit être considéré comme un bien ou comme un service.
_ Enfin, dans une dernière section, nous présenterons les acteurs du tourisme aux différents niveaux de la hiérarchie de ce secteur
ainsi que les rôles qui leur sont attribués.
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Section 1 : L’activité « Tourisme ».
Nous consacrerons cette première étape de la présentation du tourisme à son historique et aux diverses formes que revêt
aujourd’hui cette activité. De l’engouement provoqué par les premiers jeux olympiques aux dernières exigences d’un
consommateur suivant toujours modes et moeurs, nous retraçons ici l’extraordinaire explosion d’une activité qui n’a pas eue besoin
d’inventeur pour exister.
1. Historique.
Le tourisme est une activité ancienne, qui a pris au XXème siècle une dimension planétaire. Il constitue désormais un
secteur économique fondamental dans de nombreux pays industriels comme dans bien des pays du Tiers-monde, qui en font un
élément essentiel de leur développement. Nombre d’auteurs comme Mesplier et Bloc Duraffour (1992) en détaillent l’évolution.
1.1. Les premiers signes.
On entend aujourd’hui par « tourisme » un déplacement de plus de vingt-quatre heures hors de son domicile. Si ce concept
n’a pas cours dans l’Antiquité grecque, l’intérêt que l’on porte alors à l’art, à la culture ou au sport, et les voyages qui s’en suivent,
provoquent du moins les mêmes effets. Ainsi, les sanctuaires de Delphes, d’Eleusis et d’Epidaure attirent déjà des visiteurs, tandis
que les jeux Olympiques provoquent de 776 avant J.C. à 393 après J.C., un important afflux de spectateurs nécessitant dès lors la
mise en place de diverses infrastructures d’accueil : auberges, gîtes divers.
La campagne est le lieu où les classes sociales les plus aisées fuient leur environnement quotidien pour pratiquer
« l’otium », c’est-à-dire l’activité des loisirs. Les plus riches se dotent de « résidences secondaires » loin de l’ambiance étouffante
que connaît leur cité l’été. Nombre de villas naissent alors tout autour de grandes villes comme Rome et l’aristocratie romaine, elle,
pratique le tourisme religieux puisque c’est jusqu’en Asie Mineure qu’elle se rend pour y visiter ses sanctuaires. Le récit par
certains écrivains de telles visites fera naître chez tous l’envie du voyage.
Durant le haut Moyen Age, les formes initiales du tourisme et des loisirs développées durant l’Antiquité disparaissent ou
déclinent. Les grandes invasions, l’insécurité des routes et le ralentissement de la croissance urbaine limitent les déplacements et le
désir d’évasion de la clientèle fortunée. Les pèlerins, les commerçants et les militaires parcourent néanmoins les routes d’Europe.
Quelques sites suscitent de grands déplacements, comme Saint-Jacques de Compostelle, et plus tard Lhassa et La Mecque.
1.2. Du XVIème au XVIIIème siècle.
L’Italie est au XVIème siècle le pays du continent Européen le plus prisé. Les guerres d’Italie ont en effet permis de faire
connaître les idées de la Renaissance, qui inspirent nombre de philosophes et poètes comme Du Bellay ou Montaigne qui publie en
1581 son journal de voyage en Italie. Au XVII ème siècle, les Anglais se mettent également à voyager puisqu’ils préconisent à tout
jeune aristocrate d’effectuer le « grand tour », périple continental destiné à parfaire son éducation. A la même époque apparaissent
en France les premiers « guides de voyage » (1631-1672). On voit également se mettre en place en Italie des organismes de
transports de voyageurs avec prise en compte des bagages, repas et hébergements. Le XVIIIème vera les beaux jours du tourisme
« vert », né d’un engouement pour la nature, que célèbrent les auteurs de l’époque. Rousseau est en vogue et Lamartine séjourne
sur les rives de « son » lac (du Bourget). C’est en 1786 que le Chamoniard Jacques Balmat réussit la première ascension du mont
Blanc ; il récidivera l’année suivante en compagnie du savant suisse Saussure ; l’alpinisme est né, les hauts reliefs ne font plus
peur. C’est à la fin de ce siècle qu’apparaît pour la première fois le mot « tourisme », en Angleterre. Son usage s’étend rapidement
parmi les classes aisées.
1.3. 1800-1950.
C’est dans cet intervalle que le tourisme va réellement devenir une activité économique à part entière même si elle n’est
encore accessible qu’aux bourgeois et aux aristocrates. Cela se traduit par des aménagements qui vont bouleverser le milieu local.
Le tourisme s’organise à travers des clubs comme le British Alpine Club qui fut le premier fondé en 1857 ; le Club Alpin Français,
lui, ne voit le jour qu’en 1874, mais Chamonix est d’ores et déjà la capitale incontestée de l’alpinisme ; les infrastructures
d’hébergement et de restauration s’y implantent de manière importante. Les Britanniques lancent la mode des séjours au bord de la
mer avec une préférence marquée pour la Côte d’Azur. La reine Victoria elle même contribuera à la renommée européenne du
littoral azuréen, engendrant la création d’établissements luxueux comme le Carlton à Cannes, le Negresco et le Ruhl à Nice. A cette
époque les casinos et les champs de courses se multiplient, tout comme les stations thermales qui sont aussi recherchées.
L’essor économique et la construction des voies ferrées permettent au tourisme estival de se développer rapidement. La
filière « tourisme » est porteuse d’espoir, en pleine expansion et de nombreux investisseurs vont se faire un nom, encore célèbre
aujourd’hui : Charles Ritz met en place une des premières chaînes d’établissements touristiques, J.Murray signe en 1836 le premier
Red Book, le premier Guide bleu sort en 1840 et Michelin distribue gratuitement ses guides aux automobilistes qui achètent ses
pneumatiques en 1900 ; James Cook aura l’idée dès 1841 de regrouper les voyageurs pour obtenir des réductions sur les transports
ferroviaires, avant de leur proposer certains services de restauration et divertissements, c’est l’apparition des voyages organisés ;
James Cook organise un premier tour du monde en 1872 et son agence propose des séjours dans la plupart des pays s’appuyant sur
un réseau de plus de 1.200 hôtels.
Dès la première moitié du XXème, le tourisme se pratique toute l’année puisque après l’attrait Alpin, le nautisme et le
balnéaire prennent le relais. Les côtes de l’Adriatique, celles de la Méditerranée, de la Floride, des Caraïbes ou encore du Mexique
sont à la mode. Le tourisme ne s’étend pas uniquement géographiquement et temporellement, il touche de plus en plus de classes
sociales grâce notamment à l’instauration des congés payés. Ces derniers s’étendent progressivement aux différentes branches
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d’activité à partir de 1914 aux Etats-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande suivent à compter de 1919-1920. Ces acquis
s’étendent à l’URSS en 1922, l’Italie en 1924, le Canada, le Royaume-Uni et l’Allemagne en 1934, la Belgique et la France en
1936. Mais ce n’est vraiment qu’après la Seconde Guerre mondiale que le tourisme pourra toucher la majorité des catégories
sociales et peut être aussi grâce à une importante diversification des types d’hébergement, de restauration et d’activités de loisir.
Les pays en voie de développement restent toutefois en marge de ce phénomène.
1.4. L’explosion contemporaine.
Les Trente Glorieuses et la hausse du pouvoir d’achat parachèvent l’élargissement du public pratiquant le tourisme, et la
crise de 1973 n’aura d’effet négatif que sur la durée des séjours et la demande de qualité d’hébergement. L’émergence de
nouveaux pays industriels, notamment en Asie du sud-est va même contribuer à la diffusion du tourisme d’affaires. Dans le même
temps, nombre de facteurs sociaux vont encourager la pratique du tourisme ; allongement de la durée de vie, abaissement de l’âge
de la retraite, extension de la durée des congés payés. En moyenne, un Français dispose aujourd’hui, durant sa vie de plus de
170.000 heures de temps libre, contre 45.000 en 1920. La baisse des coûts de transport et la mise en place d’hébergements à prix
réduits vont favoriser l’augmentation des déplacements dominicaux toujours provoqués par le désir de fuite de l’agglomération
vers la campagne, la mer ou la montagne.
Plus que la baisse des coûts, c’est une véritable révolution des transports à laquelle on assiste. La route et l’avion relaient
rapidement le rail, facteur essentiel de la propagation de l’activité touristique durant le XIXème siècle et la première moitié du
XXème siècle. Ainsi, en France, alors que le rail assurait encore 60% des déplacements touristiques en 1951, il n’en recense plus
que 25% en 1964 et 10% en 1990. Dans le même temps, la part de l’automobile a augmenté de 24% à 65% puis à 80%. Le parc
automobile français, doté de quelques millions de véhicules en 1950, a franchi le cap des 24 millions en 1994. L’avènement du
transport aérien et l’abaissement rapide du prix des billets ont permis d’élargir rapidement la clientèle touristique internationale et
de gagner de nouvelles destinations, notamment vers les pays tropicaux.
2. La diversification des formes de tourisme.
La démocratisation du tourisme s’est traduite par un essor rapide des flux. Mais la hiérarchie des diverses formes de
tourisme a changé et les activités annexes se sont diversifiées. De plus, et comme le soulignent Pasqualini et Jacquot (1989), « les
divers types de tourisme peuvent se combiner les uns avec les autres. Ainsi, le tourisme d’affaires n’exclut pas le tourisme
culturel, lequel peut s’accommoder du tourisme sportif ». Ces auteurs s’accordent avec Mesplier (1984) dans leurs définitions
générales des différents types de tourisme reprises dans cette deuxième section.
2.1. Le tourisme balnéaire et nautique.
C’est sans aucun doute la principale forme de tourisme, le littoral et la mer ont le plus grand pouvoir d’attraction. Le
tourisme balnéaire se pratique en priorité l’été. Il repose sur des facteurs climatiques comme le soleil et la chaleur. Ce ne sont pas
moins de 100 millions de personnes qui se rendent chaque été vers les rives sud de l’Europe, des dizaines de millions de NordAméricains se retrouvent sur celles de Floride, des deux Carolines et de Californie. La Méditerranée tenant la vedette en Europe,
les Caraïbes et le Mexique font eux le bonheur des Américains et des Canadiens. Japonais et Australiens se pressent, eux, dans
l’Asie du Sud-Est. Dans le tiers-monde, le balnéaire constitue presque à lui seul la totalité des flux de voyageurs.
L’importance de cette activité est rendue flagrante par la « répartition » géographique des hébergements touristiques. En
effet, on note que les sites littoraux concentrent 90% des hébergements touristiques au Portugal, 85% au Mexique, 80% en Tunisie
et dans l’ex-Yougoslavie, plus des deux tiers en Italie, en Roumanie et en Bulgarie. La France, du fait de la diversité de ses
ressources touristiques, est l’un des seuls grands pays touristiques à présenter un moindre déséquilibre.
Cependant, si le balnéaire est souvent synonyme de « farniente », ou du « bronzer idiot », le choix des destinations en
fonction du pays d’origine répond à la règle suivante : on ne va jamais loin uniquement pour se baigner. Un Américain choisira une
plage du Yucatán (Mexique) pour bronzer mais se rendra en Grèce par amour de l’archéologie. A l’inverse, un Européen se rendra
au Mexique pour y admirer les vestiges précolombiens tandis qu’en Grèce il passera plus de temps sur la plage qu’il n’en
consacrera à visiter Epidaure ou les monastères des Météores.
Il faut toutefois souligner que ce type de tourisme subit comme les autres les fluctuations de la demande, que le climat et
la beauté des paysages ne suffisent plus à satisfaire. On attend aujourd’hui d’un séjour qu’il apporte quelque chose de nouveau ; la
découverte doit être au programme ; Les deux conséquences qui en découlent sont d’une part « l’apparition » de nouveaux littoraux
« côtés » et, d’autre part, la mise en place d’activités annexes nouvelles permettant de revaloriser les littoraux de renom. Les
équipements sportifs ou culturels, les manifestations récréatives tiennent aujourd’hui une place importante dans les critères de
choix du consommateur. Les littoraux qui n’ont pu suffisamment se développer grâce à leurs sites et paysages auront donc une
seconde chance en se lançant dans l’activité annexe de qualité ; ils mettront également en avant ce qui est devenu pour eux un atout
: la moindre saturation des sites, qui était au départ liée à leur faible pouvoir d’attraction.
Malheureusement, le phénomène inverse est également observable. En effet, les zones littorales dotées d’emblée d’une
forte capacité d’attraction liée à la mer, n’ont pas cru bon d’entretenir leur image de marque, moins d’efforts y ont été réalisés. A
cet égard, l’exemple de la région PACA est significatif. Une fois les équipements d’hébergements réalisés, dès le siècle dernier,
pour un tourisme balnéaire hivernal à l’attention des Anglais et des Russes blancs, cette région a vécu sur sa réputation, en
transformant, vers les années 20, son tourisme hivernal en tourisme estival ; ce qui s’est révélé insuffisant. Dans les années 70, le
Languedoc-Roussillon et la Côte atlantique ont en revanche fourni de gros efforts de promotion qui ont porté leurs fruits.
La vogue du nautisme a conduit les stations à se doter de ports de plaisance. Dans les grands ports traditionnels, où le
trafic marchand a délaissé les vieux sites pour des installations modernes, les anciens bassins sont devenus des ports de plaisance,
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comme à Marseille. D’autres ports se sont dotés de nouveaux bassins, comme La Rochelle avec le port des Minimes. Certains de
ces ports atteignent des tailles impressionnantes : celui de Santa Monica, au nord de Los Angeles, dispose de 80.000 places, Les
intérêts mis en jeu sont considérables. Ainsi, la grande plaisance rapporte plus d’un milliard de francs par an à la Côte d’Azur. Des
capitaux étrangers sont parfois investis: les Saoudiens ont participé à la construction du port de plaisance d’Antibes.
2.2. La montagne.
Jusqu’en 1930, le tourisme montagnard se traduit par la création de stations de vallées, dites de « première génération »,
avec une urbanisation spontanée, non planifiée et non contrôlée. Ces stations sont desservies par le rail ou sont proches des gares.
C’est le cas de Chamonix, de Courmayeur, dans le Val d’Aoste, en Italie, de Davos, de Zermatt, de Saint-Moritz et de Wengen en
Suisse. Le domaine skiable est limité par les contraintes du site, souvent une auge glaciaire à versants raides. Des équipements
importants sont nécessaires : trains à crémaillère, téléphériques pour accéder aux pistes éloignées. En revanche. ces stations sont
souvent polyvalentes, ajoutant à l’alpinisme et aux sports d’hiver le tourisme de villégiature ou le thermalisme. Mais l’essor des
sports d’hiver a vite conduit à la construction de nouvelles stations dites de seconde génération, situées à plus haute altitude.
La troisième étape, après 1960, est celle des stations dites « intégrées » de haute altitude. Elles se caractérisent par un
véritable transfert d’un modèle urbain, on a parfois parlé de « Sarcelles des neiges », avec une forte unité urbanistique, un zonage
spatial et le caractère fonctionnel des aménagements. C’est le cas de Tignes, des Arcs, d’Isola 2000.
Après la décennie soixante-dix, une réaction s’opère contre ces grandes unités, conduisant à la promotion de stationsvillages, comme dans le Queyras (Abriès, Molines) ou à Bonneval-sur-Arc.
Aujourd’hui, on compte 60 millions de skieurs dans le monde dont 44% d’Européens, 32% d’Américains et de Canadiens
et 22% de Japonais. Avec un domaine skiable de 1200 km2 et 450 stations, la France est le premier pays de tourisme blanc au
monde, devant la Suisse (840 km2) et l’Autriche (790 km2). Près de 10% des Français sont adeptes du ski. L’essor populaire des
sports d’hiver en France date de 1969, lorsque fut accordée une quatrième semaine de congés payés. A partir de cette époque, les
promoteurs n’ont cessé de construire à la montagne. Cependant, depuis le milieu des années 80, l’offre d’hébergement semble
supérieure à la demande. Cette situation a provoqué une baisse des tarifs des locations ainsi que des différentes formules
d’accession à la propriété.
Parmi les deux millions d’étrangers (Allemands, Suisses, Américains, Japonais) qui viennent skier en France, 80%
fréquentent 15 stations françaises, qui sont les plus modernes et celles qui s’attachent à afficher leur renommée hors de l’hexagone.
Par ailleurs, les maires de 91 stations de sport d’hiver se sont regroupés dans l’association de promotion Ski France qui cible une
clientèle avant tout française. La station Les Arcs dispose d’un budget de promotion égal à celui des dix principales stations
françaises qui réalisent des investissements publicitaires. Sa filiale, le voyagiste Tourac, est présente dans quatre pays étrangers.
Hormis les Alpes et les Pyrénées en Europe et les Rocheuses en Amérique du Nord, il existe dans le monde peu de massifs
montagneux dont l’enneigement et les équipements soient favorables à une saison de ski.
2.3. Le tourisme rural.
Difficilement définissable, le tourisme rural est également appelé tourisme vert, puisque fondé essentiellement sur un goût
pour l’authenticité de « la nature ». Il s’agit la plupart du temps de séjours prolongés loin de la ville où l’on réside. La destination
choisie est très souvent la même d’une année sur l’autre, elle devient le lieu de vacances habituel. On recherche plus le départ et la
rupture avec la vie quotidienne qu’une activité précise à laquelle on souhaiterait s’employer. C’est pourquoi il est quasiment
impossible d’attribuer un type d’activité qui caractériserait le tourisme rural. Le type d’hébergement choisi est tout aussi
indéfinissable puisqu’il peut s’agir tout simplement de la résidence d’un parent, d’une résidence secondaire, d’un simple cabanon,
ou même d’une caravane que l’on laisserait à l’année sur le terrain d’un ami. Les campings font évidemment partie des
hébergements retenus par le vacancier, tout comme les fermes auberges et autres gîtes ruraux.
Les activités ne nécessitent pas d’organisations particulières si ce n’est l’aménagement du site naturel lui même. Les
efforts en termes de développement touristique devront plus porter sur l’entretien des ressources naturelles de la zone, que sur
l’implantation d’infrastructures trop lourdes qui pourraient avoir un effet contraire à celui recherché, puisque cela risquerait de
biaiser l’attrait originel du lieu. Le vacancier se contentera souvent de participer à la vie du fermier ou de l’agriculteur local, de
balades en forêt (sur des petits sentiers entretenus) ou d’après-midi pêche près d’un plan d’eau accessible et propre. Ce type de
tourisme touche aussi bien les sites montagnards que campagnards, le but premier de ce déplacement restant le contact avec la
nature sous toutes ses formes.
S’il semble que cette forme de loisir ait un moindre intérêt économique que les précédentes, il faut toutefois reconnaître
qu’elle permet aux acteurs locaux (agriculteurs et autres) à la fois de vendre et de promouvoir leurs produits « du terroir ». De plus
les communes concernées profitent de l’exploitation de leurs campings, bases de loisirs et des impôts fonciers et immobiliers qui
en résultent.
Il existe plus de 500 stations vertes regroupées au sein de la Fédération française des stations vertes de vacances. La
charte de la Fédération impose aux villes adhérentes d’offrir aux vacanciers un cadre de vie agréable : villes fleuries, respect de
l’architecture locale, protection de l’environnement. Le label « station verte » n’est toutefois pas un titre officiel comme celui dont
peuvent se prévaloir les stations classées. Egalement liées au tourisme vert, on trouve en France plus de 150 bases de plein air et
loisirs (BPAL) crées depuis 1964. On en distingue quatre catégories : urbaine, péri-urbaine, rurale ou de nature.
2.4. Le tourisme ludique.
Constitué de trois éléments en particulier : les parcs de loisirs, les casinos, les théâtres et cabarets.
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2.4.1. Les parcs de loisirs.
Descendants directs des fêtes foraines, les parcs de loisirs actuels ont la particularité de se rapporter à un thème précis et
de mettre en oeuvre des techniques modernes. Il ne faut pas confondre parcs de loisirs et villages de loisirs. Créés aux Pays-Bas
dans les années soixante, ces derniers, dont les plus célèbres sont les Center parcs, sont en fait des villages de vacances
pavillonnaires (le logement en est la base), situés à proximité de grandes agglomérations. Ils accueillent une clientèle urbaine le
temps d’un week-end ou de courtes vacances. Celle-ci bénéficie ainsi d’une ambiance balnéaire ou tropicale, recréée
artificiellement sous une coupole de verre. Ces villages de loisirs sont souvent construits en zone septentrionale (Pays-Bas,
Royaume-Uni, Belgique, RFA) et fonctionnent mieux en hiver qu’en été.
L’Eurodisneyland de Marne-la-Vallée est en France la meilleure illustration de ce que sont les parcs modernes. Toutes les
activités qui y sont proposées reposent sur le thème des personnages de Walt-Disney. Le parc est en quelque sorte une petite ville à
lui tout seul, les visiteurs y trouvent tout ce dont ils ont besoin ; restauration et hébergements sont intégrés aux infrastructures de
loisirs permettant ainsi d’effectuer la totalité du séjour dans l’enceinte d’accueil. Cependant, les parcs français sont souvent conçus
pour que le visiteur puisse en faire le tour en une journée, permettant probablement aux moins fortunés de réduire le prix de la
visite des frais de nuitée, ou encore aux plus proches géographiquement d’effectuer plusieurs visites.
L’intérêt pour les collectivités locales de l’implantation d’un parc n’est pas à démontrer puisqu’elle engendre de
nombreux emplois et constitue un bon moyen de développer le tourisme dans une région qui ne disposerait d’aucun autre attrait
touristique. Ceci explique l’existence de sociétés spécialisées dans la livraison de parcs de loisirs clés en main.
Le premier parc de loisirs ouvert dans le monde fut Disneyland, inauguré en Californie en 1955. Disneyworld, en Floride,
a été ouvert au public en 1971, et le second Disneyland à Tokyo, en 1983. Les deux Disneyland accueillent chacun plus de 10
millions de visiteurs par an, et Disneyworld plus de 20 millions. Les 1800 parcs ouverts aujourd’hui aux États-Unis accueillent
chaque année 300 millions de personnes.
En Europe, les premiers parcs ont été ouverts dans les années soixante. En RFA, 25 parcs reçoivent 20 millions de
visiteurs par an. Cette vogue n’a semblé toucher la France que dans les années 80. Il ne faut pourtant pas oublier que la mer de
sable d’Ermenonville, le parc animalier de Thoiry ou l’O.K. Corral de Cuges-les-Pins, pour ne citer qu’eux, sont antérieurs. En
France, les dix principaux parcs ouverts dans les années quatre-vingts ont été fréquentés par environ 2 millions de personnes
chaque année jusqu’en 1987. Quarante parcs français sont aujourd’hui regroupés dans l’association professionnelle France-parcs.
2.4.2. Les casinos.
L’intérêt des casinos pour les collectivités locales est, outre l’animation touristique, qu’ils constituent une source de
revenus substantielle. En France. seules les stations classées balnéaires, thermale ou climatique ont l’autorisation d’ouvrir un
casino. Les casinos français ont été relancés en 1987 grâce à la loi du 5 mai 1987 autorisant l’exploitation des jeux automatiques,
c’est-à-dire des machines à sous, pour une durée limitée mais reconductible. Mais, sur les 137 casinos que l’on compte dans
l’hexagone, seulement 16 ont eu le temps de s’équiper avant que les pouvoirs publics ne suspendent en 1988 les autorisations
d’installation de nouveaux jeux automatiques.
La France est le pays d’Europe qui compte le plus grand nombre d’établissements de jeux. Mais ils sont les moins
fréquentés : les 137 casinos français accueillent 2 millions de joueurs chaque année, alors que les 31 établissements allemands
reçoivent 7,5 millions de personnes, les 22 casinos espagnols 3,5 millions et les 6 casinos néerlandais 2 millions. Leur succès est
dû à la présence de jeux automatiques. Le casino n’est pas réservé aux seuls touristes fortunés. Si la figure du « flambeur » est
souvent mise en avant, il faut souligner que des vacanciers disposant de revenus moyens, voire modestes, ne répugnent pas à jouer
de petites sommes, non pas à la roulette mais dans ces machines à sous.
2.4.3. Théâtres et cabarets.
A la frontière des tourismes culturel et ludique, nombre de théâtres et cabarets parisiens réalisent une part non négligeable
de leur chiffre d’affaires grâce aux touristes français et étrangers. Les théâtres dits "de boulevard" comptent bon nombre de
provinciaux parmi leurs spectateurs, plus rarement des visiteurs étrangers en raison de la barrière de la langue. Au contraire, les
cabarets et salles de music-hall présentent des revues musicales très fréquentées par des touristes français et étrangers. A Londres
et à New York, les comédies musicales, qui tiennent parfois l’affiche plusieurs années, sont souvent un but de sortie pour les
touristes.
2.5. Le tourisme culturel.
Sous cet intitulé, figurent les différentes formes de tourisme fondées sur un loisir intellectuel ou spirituel puisque l’on y
classe le tourisme religieux. On aurait pu également y intégrer les théâtres et cabarets que l’on vient de voir et même certains parcs,
comme le Futuroscope de Poitiers pour son intérêt scientifique.
2.5.1. Musées, monuments et sites.
S’il existe une grande différence en termes de définition entre musées et monuments, celle-ci n’est pas toujours
« respectée » par les visiteurs. En effet, le visiteur s’intéresse souvent autant aux oeuvres qu’abrite un musée qu’à son architecture
et parfois même à son environnement. C’est pourquoi le choix du lieu d’implantation et de la forme du bâtiment destiné à
l’exposition aura pour les acteurs locaux une importance capitale. Le Louvre en est un exemple parlant. Inversement, certains
monuments historiques que l’architecture a rendus célèbre, se visitent véritablement comme des musées ; on donnera en exemple le
Château de Versailles. Au total, musées et monuments attirent chaque année en France 20 millions de visiteurs français et
étrangers. Le Centre Georges Pompidou qui reçoit 8 millions de visiteurs chaque année et le Château de Versailles qui en accueille
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4 millions sont les plus fréquentés. La France compte 13.000 édifices classés, 33 musées nationaux, dont 24 sont situés à Paris ou
dans la région parisienne, et un nombre conséquent de musées locaux et privés, sans parler des quartiers anciens des villes.
Les sites classés, tels que l’alignement de Carnac, font également l’objet de visites touristiques. Mais il arrive que
l’affluence de visiteurs mette en péril leur préservation et que l’on doive les fermer au public. Ce qui implique de la part des
acteurs locaux qu’ils mettent en place une véritable stratégie d’organisation et de protection environnementale afin de préserver
leur « trésor ». En ce point la politique retenue dans le cas de la grotte de Lascaux en Dordogne, dont les peintures pariétales ont
été reproduites dans une grotte artificielle installée à proximité du site et baptisée Lascaux 2, devrait être une stratégie d’école.
Certains sites seraient à classer dans un autre type de tourisme : le religieux. Saint-Pierre de Rome, Saint-Jacques de
Compostelle, Lourde, Jérusalem ou La Mecque exercent un fort attrait spirituel. Ainsi, les pèlerins peuvent être considérés comme
des touristes puisqu’il existe aujourd’hui un quasi commerce du pèlerinage perceptible à travers l’action d’agences et autres
associations de tourisme. Souvent spécialisées, elles vendent ces déplacements sous forme de voyages organisés ; ces déplacements
sont soumis aux mêmes contraintes que n’importe quel autre voyage de groupe. Les pèlerinages ont d’importantes retombées
économiques sur les villes saintes. Lourdes accueille 4,5 millions de pèlerins par an dont 60% d’étrangers. Pour le trafic charter en
France, l’aéroport de Tarbes qui dessert Lourdes est le second après ceux de Paris.
D’autres sites ou parcs ont un attrait « purement » naturel, ils ne sont ni des sites religieux ni des parcs d’attractions (dans
le sens animations). Le Yellowstone créé en 1872 aux Etats-Unis (9.000 Km2 ) en est le précurseur. Les parcs naturels nationaux
ont été institués en France par décret de 1960 et les parcs naturels régionaux par un décret de 1967. Impliquant des mesures
d’aménagement et de protection du patrimoine comme des réglementations d’accès allant jusqu’à l’interdiction au public pour
certains des 7 parcs nationaux. Les 24 parcs régionaux sont eux plus accessibles, ils ont pour objet de familiariser un large public
avec la faune et la flore ; les parcs maritimes se visitent en « aquascope », bateaux à fond plat vitré. Un parc aura une importance
variable en fonction du désir premier du touriste. Il sera tantôt un plus, une « chance », pour celui qui n’est là que pour pratiquer un
tourisme vert dans le sens où nous l’avons défini auparavant (but principal : fuite de la ville) et tantôt sa présence sera plus qu’une
aubaine, presque une condition sine qua non notamment pour l’organisation de voyages du style safari (surtout à l’étranger). Les
parcs où des animaux sauvages évoluent en semi-liberté constituent un moyen terme entre les parcs naturels et les zoos (liés surtout
au temps libre). Ces parcs, tels que ceux de Thoiry, de Saint-Vrain ou d’Ermenonville, accueillent, chacun, plus de 450.000 clients
par an.
Il faut également mentionner les sites classés. Comme les parcs, ils sont créés pour protéger un patrimoine naturel ou
historique particulier et non pas pour favoriser le développement d’activités touristiques. Parmi les nombreux sites classés qui
existent en France, on peut citer le gouffre de Padirac, le cirque de Gavarnie, les falaises de Cassis. Ces endroits sont généralement
ouverts au public si les visites fréquentes ne compromettent pas leur conservation.
2.5.2. Festivals, spectacles et carnavals.
La France compte actuellement environ 500 festivals qui accueillent entre 15.000 et 200.000 personnes chacun. Les
thèmes sont très variés (autant que les éléments définissant une « culture »), allant de la danse, à Chateauvallon, au cinéma, à
Cannes ou Avoriaz, en passant par le théâtre, à Avignon.
Il en est de même pour les spectacles puisque cela englobe tout ce qui peut distraire et attirer un large public. Les
spectacles « sons et lumière » sont certainement les plus en vogue actuellement. On ne pourrait clore ce paragraphe sans citer en
exemple les feux d’artifice ; on précisera toutefois que ces derniers peuvent être organisés par n’importe quelle agence de création
d’événement, les comités des fêtes municipaux traitant plus particulièrement les spectacles pyrotechniques du 14 juillet ; l’origine
de cette cérémonie reste une commémoration de l’histoire de la nation ; l’intérêt touristique n’en est qu’une conséquence (heureuse
évidemment).
Les carnavals ont également cet aspect d’authenticité folklorique qui a bien souvent contribué à la renommée de grandes
villes organisatrices. On citera ainsi celui de Rio de Janeiro pour son rayonnement international, Venise au niveau européen et Nice
au niveau national (et monégasque).
2.6. Tourisme scientifique et technique.
Signalons avant tout que des recoupements peuvent avoir lieu entre cette forme de tourisme et la précédente puisque la
visite d’établissements tels que le musée national des techniques abrité par le Conservatoire National des Arts et Métiers ou le
Palais de la Découverte présentent à l’évidence un intérêt scientifique. L’exploitation de cette tendance date des années 70 où l’on
a créé de nombreux sites tels que l’écomusée du Creusot ou le centre historique minier de Leuwarde dans le Nord (là encore à la
limite entre le scientifique et le culturel, disons même « à la fois » scientifique et culturel), et surtout la Cité des Sciences et de
l’Industrie à Paris. On peut aussi citer le musée automobile des frères Schlumpf qui, à Mulhouse, accueille 500.000 visiteurs par
an. Les véhicules exposés sont en quelque sorte des oeuvres d’art de l’industrie.
Certaines entreprises et certains sites en activité sont également ouverts au public comme l’usine marémotrice de la Rance
ou le barrage de Donzère-Mondragon.
2.7. Tourisme d’affaires.
On regroupe dans cette catégorie non seulement tout ce qui est organisation de congrès ou séminaires mais aussi les
déplacements effectués par certains cadres, déplacements liés à leur travail et dépassant les 24 heures hors de leur lieu de
résidence. Les voyages « d’incitive » ou de stimulation destinés à aiguiser la motivation d’une entreprise afin d’améliorer leurs
performances professionnelles entrent aussi dans le regroupement (ils sont souvent organisés par des agences de voyages ou de
communication spécialisées dans ce type de produits).
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Les congrès sont des réunions à but professionnel accueillant au moins 500 participants. Les séminaires sont des petits
congrès (moins de 500 ou moins de 250 personnes selon les définitions). Ils durent souvent plus longtemps que les congrès car il
est plus facile de mobiliser un petit nombre de participants sur une longue période. Chaque année, 20 millions de personnes
participent à 2.000 congrès internationaux (c’est-à-dire réunissant des participants de plusieurs nationalités). Environ 700 congrès
internationaux ont lieu, chaque année, aux Etats-Unis, 600 en Grande-Bretagne et autant en France, environ 450 en RFA et 300 en
Italie. Paris est la première ville de congrès du monde avec plus de 350 congrès internationaux par an, Londres la seconde avec
265. En 1983, l’Europe accueillait 59% des congrès internationaux contre 80% en 1950. Ce recul est dû à la montée en puissance
de l’Asie. L’importance économique du tourisme d’affaires tient au fait qu’un congressiste dépense trois fois plus qu’un touriste,
notamment pour son hébergement. Le Bureau d’Informations et de Prévisions Economiques (B.I.P.E.) distingue cinq catégories
d’organisateurs de congrès : les organisations internationales à caractère gouvernemental (O.I.G.), les organisations internationales
non-gouvernementales (O.I.N.G.), les entreprises internationales et nationales et les associations ou institutions centrales,
régionales et locales.
Les professionnels du tourisme ne tirent pas un total profit de cette forme d’activité puisque les grands rassemblements
sont souvent couverts par les Chambres de Commerces et d’Industrie qui gèrent les Palais des congrès, tandis que les réunions plus
petites sont gérées par les organisateurs eux-mêmes. Cependant les retombées économiques existent notamment chez les hôteliers
et restaurateurs. Près de quarante villes françaises de congrès sont regroupées pour leurs opérations de promotion commune au sein
de l’association France congrès. Les foires et autres salons professionnels font également partie de cette forme de tourisme.
2.8. Tourisme sportif.
Les vacances sont généralement propices à la pratique d’un sport. Mais certains types de séjours sont entièrement dévolus
aux exercices physiques. Les sports liés au tourisme sont toujours ceux qu’il est difficile de pratiquer quotidiennement, même si le
tennis et le football peuvent constituer des activités annexes à un séjour balnéaire. Au contraire, le golf, la chasse, la pêche, le ski,
les sports nautiques comme le ski nautique et la voile sont des activités fortement liées au tourisme et aux vacances.
Le golf : Après le tennis dans les années 70, le golf est le sport en vogue des années 80. Mais, contrairement aux courts de
tennis, les parcours de golf exigent un espace important. Cela explique qu’ils soient implantés loin des villes et entraînent la
construction d’un complexe d’hôtellerie-restauration. De la même façon que le ski, le golf est le plus souvent commercialisé
comme un produit touristique. En 1988, on comptait 40 millions de pratiquants dans le monde : 20 millions aux États-Unis, 12,5
millions au Japon, 1,5 million en Grande-Bretagne et seulement 100.000 licenciés en France où le golf a encore une image de sport
élitiste pour une clientèle aisée. Bon nombre de collectivités locales estiment pourtant qu’il devrait se démocratiser et permettre
d’attirer des touristes. En fait, les golfeurs ont encore leurs habitudes à Deauville ou à Mougins, et il n’est pas rare que de
nouveaux parcours ne soient pas encore rentabilisés. Quelques voyagistes français programment ce sport dans certains de leurs
voyages à l’étranger.
La chasse et la pêche sont souvent l’objet de produits touristiques. Certains pays de l’Est et d’Afrique par exemple
possèdent de vastes réserves à gros gibiers. La Réunion, l’Ile Maurice ou les Caraïbes, entre autres, sont très prisées pour la
« pêche au gros ». Mais ces chasseurs et pêcheurs restent une minorité par rapport à leurs confrères du dimanche (4,5 millions en
France dans 4.200 associations) dont le nombre est cependant en baisse parmi les jeunes générations. Quant aux safaris, il s’agit le
plus souvent de safari photos.
Les sports nautiques : La voile fut le premier des sports nautiques, suivi, dans les années soixante, par l’essor du ski
nautique et, à partir des années 70, par celui de la planche à voile. Toute une industrie repose maintenant sur ces sports qui
permettent aux stations, comme aux clubs de vacances littoraux, d’étendre la gamme des activités qu’ils peuvent offrir aux
vacanciers.
La randonnée : Les voyagistes commercialisent la marche à pied sous le nom de « trekking », (de l’afrikaans trek, voyage
long et difficile) surtout au Népal, en Afrique ou en Amérique du Sud. En France, les marcheurs individuels sont environ 10
millions dont 300 000 titulaires d’une licence. C’est pour satisfaire cette demande que la France s’est dotée de nombreux sentiers
de grande randonnée (GR).
Les Jeux olympiques : Toute compétition sportive, les 24 heures automobiles du Mans ou le « Mondial » de football, peut
constituer un attrait touristique qui se rapproche du spectacle. Les Jeux olympiques attirent surtout des touristes individuels,
souvent nationaux. En 1988, lors des Jeux olympiques de Séoul, la Corée du Sud a accueilli 2,5 millions de visiteurs en quatre
semaines, soit autant qu’en une année normale. Les Jeux olympiques d’hiver attirent toujours moins de touristes en raison de la
difficulté qu’il y a à suivre les épreuves en l’absence de gradins de stade disposés le long des pistes. Il vaut mieux rester devant sa
télévision afin de ne rien perdre du spectacle sportif. Les Jeux olympiques sont un produit touristique peu exploité par les agents de
voyages. En revanche, ils constituent une importante opération de promotion pour le pays et la ville qui les organisent. Après les
Jeux olympiques d’hiver de 1968, Grenoble a cultivé sa réputation de ville olympique. Albertville comptait également sur cette
manifestation en 1992 pour asseoir son image de ville dynamique.
2.9. Tourisme de santé.
Il s’agit de l’hydrominéralisme et du thermalisme (sources d’eau douce, froide ou chaude) mais aussi de la
thalassothérapie (eau de mer). Avec 1.200 sources, 150 stations thermales et 100 centres de thalassothérapie, la France est le
premier pays par le nombre de centres pour le tourisme de santé. Mais par le nombre de curistes, elle vient derrière la RFA qui
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accueille douze fois plus de curistes. Depuis 1945, les cures peuvent être prescrites par un médecin et sont alors remboursées par la
Sécurité sociale. Chaque année, environ 650.000 cures sont ainsi prises en charge par les caisses d’assurance-maladie. Mais il
s’agit bien de tourisme car la durée du séjour est décomptée sur les congés payés et non pas sur les jours d’arrêt maladie.
Pour dépasser cette image médicalisée, les stations hydrominérales se lancent dans la remise en forme, complément de la
gymnastique quotidienne. Elles développent une communication jeune et dynamique, notamment en unissant leurs efforts au sein
du Syndicat national des établissements thermaux de France. Bien qu’il s’agisse d’un tourisme essentiellement individuel, les
voyagistes programment dans leurs brochures des cures à l’étranger : en Italie, en Autriche, en Belgique, aux Pays-Bas ou en
Roumanie. Il y a ainsi dix fois plus de Français en cure hors de France que d’étrangers en cure en France alors que, contrairement
aux Allemands et aux Scandinaves, les Français en cure à l’étranger ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale. En effet, les
établissements étrangers ne sont pas conventionnés. La thalassothérapie, elle, se développe au Maroc, en Tunisie et en Espagne
mais surtout en France où elle compte 130.000 adeptes.
Conclusion.
L’évolution fulgurante et la pluralité des produits constituant le secteur tourisme sont les principaux éléments qui ont
conduit les pays du monde entier à intégrer et souvent à décerner une place d’honneur à cette activité dans leur économie. Les
revenus qu’elle engendre constituent même aujourd’hui la principale ressource de certains pays, c’est le cas notamment pour une
grande partie des petites économies insulaires.
Cependant, cette activité reste très spécifique, si quelques études cherchent à l’assimiler à une industrie comme une autre,
d’autres s’efforcent de montrer le contraire. Quoi qu’il en soit, on parle aujourd’hui couramment d’économie du tourisme mais
aussi de principes et particularités qui lui sont propres.
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Section 2 : Les propriétés du tourisme.
Il s’agira pour nous dans cette section de présenter quelques unes des particularités liées au tourisme telles que le
multiplicateur touristique décrit notamment par Durand, Gouirand et Spindler (1994) ou encore celles, soulevées entre autres par
Babou (1994), liées à la difficulté de le définir comme un bien ou un service ; enfin, nous nous intéresserons à la formation des
prix dans le tourisme.
1. Quelques principes de base de l’économie du tourisme.
Ces principes mettent en évidence l’importance du tourisme dans l’économie nationale. Nous nous référons ici à la
logique du « compte satellite du tourisme » dont la première publication remonte à 1987. Une publication représentant le compte
satellite de 1988 donne plus de précisions sur la méthodologie (Ministère du tourisme, 1990).
1.1. Les activités marchandes de l’industrie touristique.
« Les activités caractéristiques du tourisme sont celles presque exclusivement destinées à satisfaire les besoins des
touristes ou celles dont le niveau de production est très directement lié au phénomène touristique (activités réalisant une part
importante de leur chiffre d’affaires avec les touristes) » (Ministère du tourisme, 1990). La classification qui suit est celle adoptée
par la NAP 600 (Nomenclature d’activités et de produits correspondant à 600 postes).
Activités relevant des HCR (Hôtels Cafés Restaurants) :
_ 6701 : restaurants et cafés-restaurants (sans hébergements).
_ 6704 : débits de boissons (sans spectacle).
_ 6705 : cafés-tabacs.
_ 6706 : débits de boissons avec spectacle.
_ 6707 : cafés associés à une autre activité.
_ 6708 : hôtels avec restaurant.
_ 6709 : hôtels sans restaurant.
_ 6710 : wagons-lits ou wagons-restaurants.
_ 6712 : installations d’hébergement à équipements développés.
_ 6713 : installations d’hébergement à équipements légers.
Sont également considérés comme caractéristiques du tourisme les postes de la NAP suivants :
_ 7409 : agences de voyages.
_ 8407 : établissements thermaux, établissements de thalassothérapie.
_ 8611 : remontées mécaniques.
_ 9712 : offices de tourisme et syndicats d’initiative.
Cette classification est parfois contestée, on reproche par exemple l’apparition des restaurants cafés-tabac (il n’est pas
certain que la part de leur chiffre d’affaires assurée par le tourisme soit assez conséquente pour qu’ils y figurent) ; ils n’étaient pas
présents dans le cadre des premières ébauches du compte du tourisme en 1978, où ils n’étaient retenus comme activités
caractéristiques par nature que s’ils étaient localisés dans une commune touristique (La notion d’activité touristique ainsi définie en
1978 a été abandonnée dans la méthodologie actuelle). A l’inverse, le transport considéré comme activité touristique en 1978 n’a
pas été retenu comme tel ultérieurement. Ce choix a suscité quelques critiques mais le poste transport n’en reste pas moins
comptabilisé au titre de la consommation touristique.
1.2. Les agrégats touristiques.
Il existe quatre composantes :
_ T0 : elle correspond à la consommation des touristes français et étrangers auprès des activités caractéristiques marchandes de
l’industrie touristique.
_ T1 (consommation liée aux séjours) : elle peut être définie comme la sommation de T0 et des autres dépenses des touristes durant
leurs séjours : les hébergements non marchands (ceux pris en compte dans T0 correspondent à l’hôtel, au camping, la location,
etc.), correspondant à des nuitées passées dans des hébergements privatifs (résidence secondaire personnelle, résidence secondaire
de parents ou amis), l’alimentation, les services locaux (blanchisserie, coiffure, transports urbains, etc.) et les achats de biens
durables et semi-durables (souvenirs, cadeaux, etc.).
_ T2 (consommation touristique intérieure) : le paramètre T2 est obtenu par la sommation des cinq variables suivantes : la
consommation liée aux séjours T1, les dépenses de transport entre le domicile et le lieu de séjour (train, autocar, avion, etc.), les
achats préalables aux séjours (achats de caravane, bateaux de plaisance, etc.), les dépenses inhérentes aux foires et salons (location,
aménagement de stands, etc.), la consommation des services touristiques non marchands (dépenses de conseil et d’assistance,
promotion et accueil, etc.).
_ T3 (consommation touristique et paratouristique) : à la composante T2, il convient, pour obtenir T3, d’ajouter les dépenses des
excursionnistes et de la clientèle locale auprès des activités caractéristiques du tourisme.
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Le tableau suivant donne une idée de l’importance et de l’évolution de ces agrégats entre 1980 et 1992 (en milliards de
francs) :
1980
1982
1984
1986
1988
58,2
85,4
107,6
121,4
132,4
T0
117,5
167,1
209,4
231,6
252,0
T1
185,2
264,1
327,2
360,5
403,8
T2
232,4
336,2
408,1
455,6
517,6
T3
(*) Estimations du compte prévisionnel pour 90 (réalisées début décembre 89).
Source :
_ Lettre de l’observation économique, n°4, décembre 1990, Ministère du tourisme.
_ Mémento du tourisme, 1993.
1990*
154,0
287,6
459,0
598,8
1992
179,2
331,4
516,4
673,1
Ces chiffres mettent en évidence le statut de secteur significatif de l’économie française. Néanmoins, constitué d’une forte
diversité de métiers (comptant chacun en son sein un grand nombre de PME), ce secteur, au-delà des chiffres, est perçu de manière
quelque peu diffuse d’autant qu’il n’existe aucune culture commune à l’ensemble des opérateurs.
1.3. Le multiplicateur touristique.
Le tourisme est une activité économique fixe qui oblige le consommateur à se déplacer. C’est dire qu’il fait appel à de
nombreuses branches de l’économie à la fois pour son installation et pour son fonctionnement. Les effets induits du tourisme
dépassent largement le secteur tertiaire pour s’étendre aux domaines de l’industrie et de l’agriculture, qu’on songe par exemple à
Eurodisney en France ou aux Jeux Olympiques de Barcelone en Espagne.
Tout investissement, et plus largement toute dépense d’investissement ou de consommation, entraîne des courants de
revenus engendrés tout au long des circuits et qui tendent à diminuer du fait des fuites qui se produisent dans le circuit. En effet,
dès qu’un hôtelier par exemple procède à un investissement supplémentaire, donc à des commandes accrues de biens
d’équipement, les usines de fabrication de ces biens vont tourner à un rythme accéléré, d’où des sommes accrues vont être
distribuées à titre de salaires, d’achats de matière première ou encaissées à titre de profits. Les achats de matière première
engendreront à leur tour, pour les usines qui les fabriquent, des salaires et des revenus supplémentaires. Les bénéficiaires de ces
revenus supplémentaires vont acquérir une grande partie de ces achats de biens de consommation de toutes sortes, consomptibles,
durables ou semi-durables. Ainsi, à la première vague de dépenses constituées par le surcroît d’investissement répond, dans un
délai assez bref et mesurable, une seconde vague de dépenses ; pour y répondre les fabricants de biens de consommation feront
fonctionner à un taux accru leur puissance de production ; des sommes plus importantes seront donc payées à titre de salaires,
d’achats de matière première ou encaissées à titre de profits. Ainsi, tout le processus recommencera et une troisième vague de
dépenses, déterminant un nouvel accroissement de production, se répandra en une quatrième vague et ainsi de suite.
Le multiplicateur mesure la relation entre l’investissement nouveau et l’augmentation de la production et du revenu. La
formule du multiplicateur est la suivante :
R=kI
I = accroissement de l’investissement.
R = accroissement du revenu.
C = accroissement de la consommation.
C/R = propension marginale à consommer.
k, coefficient d’accroissement à appliquer à la dépense initiale, est le multiplicateur, qui est inversement proportionnel à la
propension marginale à consommer.
k
1
1  ( C / R)
Les fuites dans le circuit sont dues à l’épargne, aux impôts, mais aussi aux dépenses effectuées à l’étranger ou portant sur
des produits importés.
François Vellas(1985) rappelle que quatre types de multiplicateurs sont utilisés dans le tourisme international :
_ Le multiplicateur de ventes mesure le surcroît de chiffre d’affaires direct, indirect et induit provoqué par une dépense
touristique supplémentaire.
_ Le multiplicateur de production mesure le surcroît de production et tient compte des changements intervenus au niveau
des stocks.
_ Le multiplicateur de recettes mesure les revenus engendrés par une dépense touristique supplémentaire, c’est en général
celui que l’on calcule.
_ Le multiplicateur d’emplois indique les répercussions en termes d’emploi du surcroît d’activité économique.
Le chiffre du multiplicateur est déterminé par l’importance et la composition de l’activité économique d’un pays ou d’une
zone : plus la gamme d’activités économiques est large, plus le volume des échanges entre ces activités est élevé et plus le chiffre
du multiplicateur est important ; si par contre, l’activité est faible et la tendance à importer forte, la valeur du multiplicateur sera
faible, comme c’est le cas dans de nombreux pays en développement. Les fuites dans le circuit réduisent alors les avantages
économiques nés du multiplicateur et donc l’impact du tourisme sur l’économie.
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Des évaluations sont tentées depuis de nombreuses années, mais des difficultés surgissent, tenant non seulement à
l’insuffisance des données, le tourisme touchant un grand nombre de secteurs d’activité économique, mais aussi aux hypothèses qui
sont à la base de la formule du multiplicateur :
une propension marginale à consommer fixe alors qu’elle peut évoluer même en courte période ; une offre élastique dans tous les
secteurs de production, ce qui est peu probable, si bien qu’une augmentation de la demande face à une offre rigide, à une absence
de facteurs de production inemployés, peut être cause d’inflation ; de plus, le temps qu’il faut au mécanisme pour avoir une
influence sur l’économie n’est pas pris en compte : à quelle vitesse les transactions induites se réalisent-elles ? quelle est la vitesse
de circulation de la monnaie dans la période considérée ? etc. La prudence oblige à conclure simplement que les recettes procurées
par le tourisme engendrent des revenus supérieurs dans les diverses branches de l’économie, du moins dans les pays industrialisés.
2. Le « produit touristique » : bien ou service ?
C’est probablement dans le modèle de Fisher & Clarck que l’on trouve la première distinction nette entre bien et service.
Les activités du primaire, agriculture et matières premières, et celles du secondaire, industrie et manufactures, produisent des biens
tandis que les activités du tertiaire, c’est à dire tout le reste, fournissent des services. On y ajoute aujourd’hui le secteur quaternaire
qui serait constitué de services purement informationnels.
En 1977, Hill définie le service comme « une relation par laquelle on change l’état d’une personne ou d’un bien ».
Heureusement, les travaux qui suivirent nous permettent enfin d’établir des définitions bien plus explicites pour différencier les
biens des services.
Ainsi, on considère qu’un bien pure est constitué d’un produit contenant un certain nombre de spécificités. Ce produit
peut être stocké, déplacé, il est physique et mobile. C’est un produit dont les acteurs sont anonymes, c’est à dire que la relation
entre l’acheteur et le vendeur n’est pas personnalisée.
« Le service ne peut être défini en dehors de son appellation » (J. De Bandt 1994) comment définir autrement qu’en la
nommant une consultation médicale ? C’est un produit qui n’est pas matériel mais plutôt relationnel. De ce fait, il n’existe pas de
stock, production et consommation sont simultanées. On parlera même parfois de coproduction où client et fournisseur travaillent
ensemble.
Ces précisions ne suffisent toutefois pas pour établir une classification bien-service, sans contestation possible. On
rencontre en effet encore quelques difficultés s’agissant de produits particuliers. Le produit touristique en est une parfaite
illustration.
« Le service est au coeur du produit touristique, ce dernier étant constitué d’éléments bien tangibles qui ne valent que
par l’idée que l’on s’en fait ». Isabelle Babou (1994) met ainsi en évidence la difficulté de définir la limite service-produit en
matière de tourisme ; en fait, pour la majorité des auteurs, le tourisme est un ensemble de services.
2.1. La non stockabilité.
N’étant pas soumis à des impératifs de fabrication, le service n’est pas stockable. Cela est donc valable pour les services
qui composent le produit touristique. Les conséquences en termes commerciaux sont des plus importantes. Babou cite l’exemple
d’une place de train ou d’avion qui est libre à un temps donné, si personne ne l’occupe, elle est perdue à tout jamais, tant pour les
clients que pour le producteur. Evidemment on voit de plus en plus se mettre en place une politique commerciale visant à pallier ce
genre de situation. Elle est menée autour des ventes de dernière minute qui, bien qu’elles résultent d’une modification du
comportement du consommateur, permettent à un producteur de limiter la périssabilité de son offre. Babou s’appuie sur la récente
politique menée par Air France pour défendre cette idée. Favoriser l’achat d’impulsion est en fait une façon de liquider le « stock ».
Le client joue également un rôle important dans cette gestion de stock, combien de passagers potentiels se décommandent
au dernier moment ? difficile de parer à cette éventualité ; en effet si le prestataire tente de se mettre à l’abri des défections en
réclamant des arrhes, il encourt le mécontentement du client qui perçoit souvent mal ce manque de confiance. Bien entendu cela
vient ternir le rapport entre les protagonistes de la transaction et donc la qualité du service.
On parlera en économie d’inélasticité des produits touristiques, du fait que ceux-ci sont peu adaptables aux modifications
de la demande à court terme et à long terme : A court terme, les services touristiques tels que les nuitées d’hôtel ou les sièges
d’avion ne peuvent être stockés. Une baisse ou une hausse de la demande du produit touristique à court terme n’a par conséquent
qu’une très faible influence sur le prix, mais elle peut influencer à terme très éloigné le suivi du produit, sa composition et son prix
; c’est à dire son « montage ». A long terme, les services touristiques sont dépendants des caractéristiques des infrastructures
d’accueil, de transport et d’hébergement existantes.
2.2. Simultanéité entre production et consommation.
C’est une caractéristique particulièrement vérifiable dans le tourisme. Au moment où l’on rend le service, un autre le
reçoit ou le ressent. Ces deux opérations sont concomitantes. Il n’y a pas de test avant l’expérience. La relation entre la qualité du
service fourni et l’état d’esprit de celui qui le consomme est un facteur primordial de réussite. Là encore, le rôle de l’homme est
incontournable car le service repose sur lui. Un chef de cuisine est plus ou moins talentueux suivant les jours, pour des raisons
indépendantes de son savoir-faire, de même qu’un client sera plus sensible à un plat recherché s’il n’en goûte pas tous les jours. Sa
propre lassitude rend sa perception gastronomique de moins en moins indulgente. Une mauvaise expérience peut avoir des
conséquences très lourdes, dans la mesure où on ne peut pas l’effacer du souvenir ni la remplacer.
La qualité du service n’est donc pas intrinsèque mais dépend de la manière dont celui-ci est perçu au moment où il est
consommé. Le client jugera en fonction entre autres de son humeur et de son besoin présent. Le fait que production et
consommation soient simultanées rend tout contrôle de ce que sera le service impossible. Malgré nombre de précautions, la
17
défaillance humaine reste imprévisible. La constance de la qualité est essentielle pour assurer la satisfaction du client sur le long
terme. Il faut garder présent à l’esprit que l’image de marque est l’élément primordial dans le choix d’un service plutôt qu’un autre.
C’est la seule garantie que l’on peut présenter au client.
Dans cet objectif, le touriste se réfère plus volontiers à l’opinion de ses amis et relations ayant fait tel voyage, essayé tel
restaurant ou telle compagnie de transport, plutôt que de s’informer par la publicité, les brochures ou même les offices de tourisme.
C’est parce que la consommation et la production sont simultanées que le vécu de l’expérience varie d’un individu à un autre, que
le prospect accordera sa confiance aux critiques faites par ses proches.
2.3. Immatérialité.
Si on qualifie le service d’immatériel, c’est en fait parce qu’il n’est pas tangible par lui même, il ne peut être défini qu’à
travers une appellation et n’est rien en dehors de cette appellation. Cependant, un service est souvent lié à un certain nombre de
biens, eux, tangibles. C’est le cas pour le produit touristique. Comment suggérer des vacances autrement qu’en présentant sur une
brochure les éléments les plus caractéristiques de l’idée que l’on s’en fait, une piscine, un jardin, un terrain de golf ou une
discothèque tous aussi tangibles les uns que les autres ?
Quand on parle de tourisme, tout le monde sait de quoi il est question mais si personne ne le définit de la même façon
c’est sans doute parce qu’il est en fait un ensemble d’éléments, voire de services. Hôtellerie, restauration, transport relèvent du
domaine du service, de même que les visites guidées, les stages sportifs. Ils appartiennent à l’industrie des services, dans la mesure
où il n’y a pas fourniture d’un bien que l’on manipule. La prestation de service est dominée par un savoir-faire, une mise à
disposition.
Plusieurs éléments différents interviennent lors de l’élaboration d’un produit touristique. Il s’agit d’une combinaison de
deux prestations sans lesquelles il n’y a pas de tourisme possible : transport et hébergement, auxquelles s’ajoute une série de
prestations annexes variées. Ces prestations couvrent un large champ d’activités, de la prestation élémentaire comme le petit
déjeuner dans un hôtel, à l’activité qui constitue le thème majeur du séjour, donc du produit. L’accessoire est la petite différence
qui pousse le client vers une offre plutôt que vers une autre. Dans ce cas il devient un plus. Il s’agit en réalité de détails, simples en
général, tournés au coin du bon sens, qui auront un poids inattendu dans la décision finale du client. Ce dernier qualifiera ce détail
de service, peu importe sa matérialité. Et il faut garder présent à l’esprit que tourisme rime avec vacances, repos, toute prestation
supplémentaire sera donc la bien venue. Il faut noter également qu’une même prestation peut être tantôt l’élément essentiel du
produit touristique et tantôt un accessoire. Par exemple dans un hôtel, la restauration sera une prestation de service appréciable ;
dans un restaurant gastronomique la mise à disposition d’une chambre sera probablement un accessoire intéressant pour le visiteur.
La « complémentarité » est l’une des caractéristiques principales du produit touristique. N’étant donc pas composé d’un
seul service mais d’un ensemble de sous-produits, la complémentarité de ces derniers va conditionner la production du service
touristique et sa qualité. L’insuffisance d’un seul des (sous) services composant l’ensemble du produit peut ainsi remettre en cause
la qualité du produit final. Ce qui constitue une des principales difficultés de la production touristique et soulève les problèmes, si
fréquents, de qualité.
3. Effets des particularités du produit touristique.
3.1. Formation des prix.
Pendant longtemps, la formation des prix concernant les différentes activités touristiques n’a pu suivre librement, en
fonction de l’offre et de la demande, la loi du Marché. Le monopole de compagnies aériennes difficile à casser et la longue période
de réglementation des prix ou au moins de liberté surveillée qui a été celle de la France depuis la seconde guerre mondiale jusqu’au
1er janvier 1987 en sont les meilleurs exemples. Aujourd’hui, la situation est différente puisque les prix sont à nouveau libres en
France et la déréglementation progressive du transport aérien initiée aux Etats-Unis et en marche dans le cadre de l’Union
Européenne, laissent augurer d’une plus grande concurrence par les prix.
Cependant, du fait même des particularités du produit touristique déjà exposées, la formation des prix reste difficile à
cerner. Nous avons ainsi déjà constaté que du fait de l’inélasticité, de la non stockabilité de certains éléments constituant un
produit, comme les places d’avion, les offreurs sont amenés à mettre en oeuvre des stratégies de « liquidation de stock » en
baissant les prix des places à la dernière minute. Certaines compagnies aériennes ont en effet affiné cette stratégie en créant les
procédures de « stand by », autrement dit elles vendent des places à moitié prix deux heures avant le départ de l’avion. Ainsi, le
client qui n’aura pas réservé sa place d’avion disposera des mêmes caractéristiques de confort, de temps de trajet et d’accueil, que
celui qui aura réservé mais à un prix inférieur ; pour en profiter, le public doit évidemment accepter le risque de ne pas partir.
Les variations saisonnières constituent un autre élément perturbateur pour un produit, même apparemment homogène
(nous reviendrons plus en détail sur cette notion d’homogénéité). La politique en usage consiste à baisser les prix en « basse
saison » de façon à inciter une partie du public à modifier ses habitudes de voyage pour profiter d’une bonne « affaire », par
exemple prendre ses vacances en juin. C’est en fait la stratégie de soldes adaptée au tourisme. Combinant prix saisonniers et stand
by, cette méthode de vente appelée « yield-management », se développe actuellement dans l’hôtellerie d’affaire, spécialement dans
les grandes villes. Baisser les prix dès qu’il y a une baisse de fréquentation et rester inflexible lorsque la demande est forte, abouti
à voir des hôtels de luxe de grandes villes vendre leurs chambres à 50% de leur prix en week-end ou pendant certaines périodes
creuses. Les prix peuvent aussi varier d’un jour à l’autre sans préavis selon le remplissage, par exemple en cas d’annulation d’un
groupe quatre ou cinq jours avant. On voit aussi des tours operators solder des circuits quelques jours avant le départ. Cette
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stratégie risque toutefois de se heurter au problème du mélange de clientèle : ceux qui ont payé le prix maximum accepteront-ils de
voir d’autres personnes bénéficier du même produit à moitié prix ?
L’immatérialité du produit touristique provoque des distorsions de prix bien plus flagrantes encore, même si l’on a
visiblement cherché à les limiter notamment par l’attribution d’étoiles ayant pour but de différencier par la qualité deux produits à
finalités identiques. En effet, si une nuitée est un élément bien déterminé dont chacun se fait, au départ, la même idée, nombre
d’éléments complémentaires à l’offre initiale viennent souvent provoquer une différence de prix. Ces accessoires sont plus ou
moins liés au produit demandé; la taille du lit, la souplesse du matelas auront un effet direct sur le confort et donc sur la qualité de
la nuitée elle même, tandis que la possibilité de prendre son petit déjeuner sur place (dans l’hôtel) n’aura aucun effet sur la nuitée
mais présentera tout de même un intérêt supplémentaire indéniable pour le client. Dans un hôtel restaurant, il semblerait qu’il
existe une corrélation entre le prix des repas et celui des chambres, et ce rapport est évolutif : si l’on consulte des guides
touristiques d’avant 1914, on constate que le prix du dîner était plus ou moins équivalent à celui de la chambre ; actuellement, le
prix de la chambre est environ quatre fois supérieur au prix du repas.
Si l’on peut se faire, de par la classification établie par le nombre d’étoiles accordées, une idée de la qualité du service et
des accessoires proposés par tel ou tel hôtel, cela ne suffit toutefois pas à se faire une idée précise du prix que l’on devra payer.
D’autres éléments totalement immatériels vont eux aussi faire varier les prix entre deux hôtels disposant pourtant d’un même
nombre d’étoiles et des mêmes quantité et qualité de confort et de prestations diverses. L’emplacement joue un rôle important, la
proximité du centre ville ou de la gare est essentielle dans l’établissement du prix de la nuitée ; mais plus surprenant encore, dans
un même hôtel, deux chambres totalement identiques mais donnant sur deux directions opposées n’auront pas la même valeur, la
mieux exposée (du point de vue de l’ensoleillement par exemple, ou de la vue : l’une donnant sur la mer, l’autre sur un parking.)
coûtera plus cher.
Certaines stratégies mercatiques ont également une grande importance et touchent tous les acteurs du tourisme, hôteliers,
restaurateurs, agents de voyages, elles résident dans les buts idéologiques des dirigeants, le choix par certains d’entre eux d’une
clientèle de masse les conduit à pratiquer des prix peu élevés ; d’autres préfèrent une clientèle plus sélectionnée et le prix est alors
considéré comme un filtre, le produit ne peut être fabriqué en grande quantité si on veut le positionner comme produit de luxe.
A toutes ces difficultés s’ajoute un comportement très particulier de la demande en ce qui concerne l’estimation du prix
d’un produit : la notion de « juste prix » ou capacité de paiement psychologique. Chacun selon son expérience, ses moyens, son
éducation, se fait une idée de ce que doivent coûter les choses et établit également implicitement, dans un restaurant par exemple,
un rapport qualité-prix ; établit aussi une limite supérieure de prix au-delà de laquelle il n’ira pas, cette limite bien sûr n’étant pas
la même pour celui qui gagne le smic ou pour le touriste plus fortuné. Ainsi, un produit ayant un prix « normal », peut apparaître à
la fois trop cher, et faire chuter la demande, ou trop bon marché, et là encore faire chuter la demande puisqu’il se dévalorise. Cette
notion de prix psychologique est donc très difficile à cerner d’autant qu’elle est évolutive ; on accepte aujourd’hui de payer une
chambre d’hôtel beaucoup plus cher qu’il y a trente ans.
C’est donc en fonction de toutes ces spécificités et dans ce climat particulier que s’effectue la formation des prix et que
doit s’instaurer la concurrence dans le tourisme.
3.2. Concurrence.
« Le tourisme, comme les autres secteurs d’activité, ne remplit pas dans notre monde les conditions de concurrence
parfaite et certaines caractéristiques qui lui sont propres le démarquent à cet égard des autres secteurs » (Durand, Gouirand,
Spindler, 1994).
La concurrence parfaite est un modèle dans lequel les prix s’imposent aux acheteurs comme aux vendeurs, sans que ceuxci puissent les modifier. Cette hypothèse a toujours fasciné de nombreux économistes, car c’est une des conditions pour que
l’équilibre économique général soit un optimum au sens de Pareto. Cela implique quatre conditions, que l’on présentera
succinctement, permettant de garantir « l’isolement stratégique » des agents présents sur le Marché, il n’existe donc aucune
interaction consciente entre les choix décidés par ceux-ci. La première condition veut que le nombre de vendeurs et d’acheteurs sur
le marché soit très élevé, c’est l’atomicité. Ainsi, chacun d’eux ne peut envisager d’influencer le prix auquel l’échange se fera. La
seconde, parfois appelée fluidité, impose l’absence de barrière à l’entrée de candidats acheteurs ou vendeurs ; ainsi, le nombre
d’opérateurs peut augmenter aussi longtemps qu’un vendeur ou acheteur potentiel trouve avantage à devenir acteur. La troisième
concerne l’homogénéité du bien échangé. Les biens étant par ce principe totalement substituables, les échanges se réalisent au
même prix. Sans cela, les acheteurs indifférents entre les produits proposés, seraient tentés d’acheter au prix le plus bas, obligeant
une baisse de prix générale. La dernière condition, la transparence, repose sur l’information parfaite des agents concernant la
distribution des prix pratiqués. Ainsi, la cohabitation de plusieurs prix différents est impossible : si tous les prix n’étaient pas
égaux, l’information parfaite conduirait tous les acheteurs à s’adresser au vendeur pratiquant le prix le plus faible ; les concurrents
seraient alors contraints à aligner leurs prix sur celui-ci.
3.2.1. L’atomicité.
« Chaque agent participant à l’échange est une goutte d’eau dans la mer, en ce sens que le nombre de vendeurs et
d’acheteurs présents sur le marché est tel qu’aucun d’eux ne peut à lui seul influencer le prix en modifiant son offre ou sa
demande individuelle. Il en découle que les offreurs et les demandeurs sont censés se comporter comme si les prix étaient
donnés » (Jacquemin, Tulkens, 1986).
Cette condition est sans doute plus réelle dans le secteur touristique que dans beaucoup d’autres secteurs, car le
développement des chaînes hôtelières et des grands tours operators ne doit pas faire oublier l’émiettement de l’hôtellerierestauration à caractère artisanal voire familial, et le nombre de salariés réduit de la majorité des unités. Sans doute dans les
transports, quelques grands dominent le marché qui est un marché oligopolistique, mais que de professions touristiques, plagistes,
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loueurs de pédalos, et autre, à la taille tout à fait limitée. La tendance est cependant vers une plus grande concentration, les chaînes
par exemple faisant maintenant concurrence même à la petite hôtellerie avec la création des chaînes 1 étoile comme Formule 1 du
groupe Accor. Il existe aussi des ententes sous l’égide d’associations, de syndicats, d’offices du tourisme.
Par contre, les autres conditions de la concurrence parfaite : fluidité, transparence, homogénéité, sont souvent moins
respectées dans le tourisme qu’ailleurs :
3.2.2. La fluidité.
Les économistes expliquent la nécessité de cette condition de la façon suivante : aussi longtemps qu’il existe une
possibilité de réaliser un profit en entrant dans une industrie, des entreprises nouvelles viendront s’y installer afin de tirer partie de
ce trésor insuffisamment exploité. L’offre de ces firmes nouvelles viendra s’ajouter à celle des anciennes, augmentant ainsi l’offre
totale et faisant chuter le prix d’équilibre : toutes les entreprises du secteur verront alors leurs profits diminuer. Le scénario
d’entrée se poursuivra aussi longtemps que la recette des entreprises installées excédera leur coût de production. Arrivera
cependant le moment où, en raison de l’existence des coûts fixes, le prix de vente ne sera plus assez élevé pour garantir la
rentabilité de la dernière entreprise installée. Là, le scénario d’entrée s’interrompt car toute entrée nouvelle conduirait à des pertes
pour l’entreprise qui la tenterait. Dans la mesure où le nombre d’entreprises conduisant à l’équilibre après ce processus d’entrée est
suffisamment grand, l’hypothèse d’atomicité de l’offre peut alors être satisfaite.
Dans le cadre du tourisme international, la fluidité est loin d’être la règle quant à la circulation des personnes, (encore que
des progrès considérables aient été réalisés récemment), mais surtout quant à la circulation des capitaux avec la réglementation des
changes, encore en vigueur dans de nombreux pays, sans oublier la nécessité d’obtenir un visa et même l’instauration de visas
(abolis depuis longtemps pourtant dans de nombreux pays) par exemple en France à la fin de 1986 en raison des attentats
terroristes. Cette fluidité est donc contrastée suivant les périodes, mais sur le long terme, du moins dans les pays développés, elle a
fait incontestablement de réels progrès.
3.2.3. L’homogénéité.
La présentation de cette condition est très importante pour la suite de cette étude, les particularités du produit touristique
relatives à cette hypothèse auront, comme nous le verrons, des conséquences énormes sur le choix du consommateur, donc sur le
comportement de la demande, et donc sur les stratégies à mettre en oeuvre pour contenter cette dernière.
« Sur chaque marché, les produits offerts par les nombreux vendeurs doivent être considérés comme identiques par les
acheteurs » (Durand, Gouirand, Spindler, 1994) et cela pour les raisons suivantes : le choix d’un consommateur porte sur des
paniers de biens. Ces derniers étant classés par le consommateur selon sa relation de préférence, il peut donc regrouper ceux qu’il
considère comme équivalents (lui procurant la même utilité ou lui apportant la même satisfaction). Les ensembles ainsi obtenus
sont appelés classes d’équivalence.
Cette condition est complètement irréalisable, étant données les composantes multiples du produit touristique, ou plutôt
des produits touristiques. Il est pratiquement impossible de produire des services touristiques identiques. Une différence de qualité
peut toujours exister, même si la nature des prestations offertes reste constante. Cette hétérogénéité rend possible une certaine
« substituabilité » entre les différents sous-produits touristiques. Là, le service touristique produit n’est plus exactement le même.
Nous l’avons vu, il peut différer dans un hôtel donné ou dans des hôtels de même catégorie, rappelons qu’une même chambre peut
être différente par son mobilier, son exposition, par le point de vue ; la proximité ou l’éloignement de l’hôtel par rapport au centre
ville, ou à un site touristique, peut transformer les caractéristiques du produit, tel qu’il est ressenti par la clientèle. On est loin de
produits similaires donc comparables. Si le prix peut être un élément de décision lorsque l’on souhaite prendre un repas dans un
« fast food », ou loger dans un hôtel 2 étoiles, qu’en est-il des destinations proposées par les tours operators, destinations parfois
inconnues sur le plan géographique avec proposition de prestations difficiles à comparer avant le voyage ? Les bas prix de
Nouvelles Frontières sont-ils vraiment plus intéressants pour une destination donnée que ceux de Kuoni, beaucoup plus élevés ? Le
choix du consommateur est d’autant plus difficile que le producteur, quel qu’il soit, s’efforce de rechercher une différenciation ne
permettant pas une véritable comparaison. C’est ainsi que l’hôtelier trouve des procédés allant jusqu’au gadget pour apparaître
comme ne vendant pas un produit banal, ce qui lui permet d’en tirer un meilleur prix. C’est d’ailleurs un réflexe bien connu
également dans les pays de contrôle des prix, pour rendre ce contrôle moins contraignant (Ex-URSS).
3.2.4. La transparence.
La complexité de la formation des prix dans le tourisme, que nous avons déjà constatée, est suffisante pour que l’on puisse
imaginer l’impossibilité, autant pour le vendeur que pour l’acheteur, d’être « parfaitement informé » sur les prix du marché. La
transparence est d’autant moins facile à réaliser qu’il s’agit d’une activité internationale. L’information du touriste laisse beaucoup
à désirer d’autant que, il faut le répéter une fois de plus, les comparaisons sont hasardeuses, se fondant sur des critères de mesure
ou de délimitation d’activités différentes. Les prix doivent s’analyser compte tenu du taux de change, mais ils sont mal connus, à
part quelques-uns d’entre eux qui peuvent peser sur la décision, comme le prix de l’essence pour le voyageur circulant en voiture ;
n’est-ce pas cette constatation qui a conduit un certain nombre de pays à instaurer des bons d’essence à plus bas prix ? Le bouche à
oreille remplace souvent la transparence. Les différences de prix dans l’espace se doublent de différences de prix dans le temps qui
peuvent être considérables, étant donné le caractère saisonnier de la production touristique (ils peuvent aller du simple au double).
Un autre élément de non transparence est la politique des ristournes et commissions. Commercialement, il peut être
avantageux d’afficher des prix élevés et de consentir de nombreuses ristournes (longs séjours, familles, groupes, congrès, etc.) ou
d’accorder à des intermédiaires (agents de voyages, tours-operators...) des commissions importantes. Ainsi, le produit est catalogué
produit de luxe mais, par le jeu des ristournes que l’on peut toujours supprimer, on a accès à des clientèles de gammes moyennes
ou on motive mieux les intermédiaires : c’est ce que pratiquent certains groupes hôteliers comme Concorde, Méridien ; à l’inverse,
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dans le groupe Accor, en général, on applique une politique de prix très étudié et on s’y tient très fermement, réduisant au
minimum les commissions ou ristournes.
Conclusion.
Tous ces développements montrent qu’il n’est pas choquant de parler d’économie du tourisme puisque c’est avec des
termes économiques qu’on explique son fonctionnement (industrie, agrégats, multiplicateur, etc.).
Nous verrons par la suite, lors de la conception d’un « modèle » de développement basé sur le tourisme, que tous ces
phénomènes liés à cette activité bien particulière auront une importance capitale. En effet, nous verrons par exemple qu’un produit
touristique, du fait qu’il regroupe trois éléments distincts, engendrera chez le consommateur un comportement tout à fait
spécifique. L’analyse de la demande touristique fera l’objet d’une phase essentielle de l’élaboration du « modèle » proposé dans
cette recherche.
Il est tout aussi important de s’intéresser aux acteurs, ceux qui agissent sur l’offre touristique, ceux qui régissent l’activité.
C’est ce que nous faisons dans la section suivante.
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Section 3 : Les acteurs et leurs rôles.
Après la présentation des multiples acteurs que l’on rencontre sur le plan national à différents niveaux hiérarchiques,
qu’ils soient organisés en comités, organismes ou offices, nous nous intéresserons dans cette section à la répartition des pouvoirs
décisionnels en matière d’organisation du tourisme.
Nous verrons que certaines décisions émanent de responsables régionaux mais que d’autres sont prises à des échelons
inférieurs tels que le Département et même la Commune.
Dans un second temps nous chercherons à comprendre quels sont les réels pouvoirs de l’Etat en termes d’organisation du
tourisme avant de nous pencher sur les éventuelles interventions de la Communauté Européenne pour terminer sur celles des
Collectivités locales.
Il est en effet important, toujours dans l’optique d’une organisation stratégique du tourisme sur un territoire donné, de
savoir à quels niveaux et auprès de qui (et même par qui) les démarches successives conduisant à un tel développement devront
être entreprises. Une bonne connaissance de tous les « administrateurs » intervenant et de leurs fonctions s’impose donc.
1. Les acteurs du tourisme.
Il faut distinguer trois niveaux de compétences : régional, départemental et communal. A chaque échelon correspondent
des administrations et des organismes, souvent para-publics, chargés principalement de la promotion des collectivités locales et de
l’accueil du public. La définition des missions et des compétences entre différents organismes et administrations a longtemps été
incertaine. C’est surtout après 1982, à la faveur de l’entrée en vigueur des lois de décentralisation que les missions ont été définies
plus clairement.
1.1. Au niveau régional.
Aujourd’hui les préfets de région ont un rôle prépondérant en matière de réglementation, de formation et d’aménagement
touristique. Ils travaillent avec les différentes instances touristiques régionales.
1.1.1. Les Comités régionaux de tourisme (CRT)
La compétence des Comités régionaux de tourisme (CRT) s’étend à une ou plusieurs régions. Selon les cas, il peut y avoir
plusieurs CRT dans une même région tandis que plusieurs régions peuvent avoir un CRT commun. Leur rôle est de combiner le
développement touristique, et d’organiser la promotion régionale. Les CRT ont été créés par les lois du 12 janvier 1942 et du 5
juin 1943. Les différentes missions qui leur ont été assignées étaient alors très larges alors que leur composition ne permettait guère
d’en faire des institutions opérationnelles. Le statut des CRT est resté imprécis jusqu’en 1987. Avant cette date, ils apparaissaient
comme des organismes hybrides, avec un président et 18 membres chacun. Ils n’avaient pas de personnalité juridique. Ils
remplissaient à la fois le rôle d’un service extérieur de l’État, faisant double emploi avec les délégations régionales au tourisme
(DRT), d’administrations spécialisées des collectivités locales, animée par des élus, et aussi d’associations professionnelles en
raison de la présence de représentants du secteur touristique. La loi votée le 3 janvier 1987 a clarifié la situation en faisant du CRT
l’instrument du Conseil régional chargé de mettre en oeuvre sa politique touristique. Les CRT ont la personnalité morale de droit
public et leur rôle ne se limite pas uniquement à la promotion mais s’étend à l’aménagement, à la commercialisation des produits
touristiques régionaux et à la formation professionnelle.
Ils ont le choix de leurs statuts : SEM (Société d’économie mixte), EPIC (Etablissement public industriel et commercial),
GIE ou association. Depuis 1987, les CRT sont regroupés au sein d’une fédération nationale (FNCRT). Dans les DOM-TOM, les
CRT portent le nom d’Agence régionale de tourisme et loisirs (ARTL).
1.1.2. Les maisons régionales à Paris.
Emanation des CRT et des ARTL, les maisons régionales à Paris, appelées avant 1987 maisons des provinces, sont une
vingtaine à jouer le rôle d’ambassadeurs touristiques des régions. Elles organisent des actions de promotion, diffusent brochures et
dépliants, peuvent enregistrer des réservations hôtelières. Certaines vendent également des produits locaux et gèrent des restaurants
gastronomiques. Ce ne sont pas toujours les grandes régions touristiques comme la Provence-Côte d’Azur qui ont ouvert un tel
établissement, mais plutôt celles qui veulent améliorer leur position dans le tourisme français. Elles sont constituées en GIE, en
association à but non lucratif, en sociétés ou même en établissement public industriel et commercial (EPIC). Leur budget annuel est
variable, de 650 000 francs par an pour la maison de l’Aveyron à 3 millions pour la maison de Savoie en 1987. Rares sont les
régions qui ont ouvert une antenne dans d’autres grandes villes que Paris, la capitale paraissant la seule capable de justifier cet
investissement. La maison des Pyrénées possède cependant deux antennes provinciales, tandis qu’en 1989 la maison de l’Alsace a
commencé à essaimer dans des villes françaises de plus de 100 000 habitants en prenant des franchisés.
1.1.3. Les Délégations régionales au tourisme (DRT).
La réforme des CRT en 1987 a conduit à redéfinir le rôle des Délégations régionales au Tourisme. Créées en 1960, les
DRT constituent les services extérieurs du ministère du Tourisme. Elles sont chargées d’appliquer sur le terrain les mesures
arrêtées par le ministère au niveau national. Elles traitent notamment les dossiers de demande de licence d’agents de voyages et
l’homologation des établissements hôteliers.
1.2. Le tourisme au Conseil général.
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Les Comités départementaux de Tourisme et les Services Loisirs Accueil sont deux émanations des Conseils généraux.
Les premiers ont un rôle de promotion, les seconds ont été créés pour pallier l’absence d’agences de réceptif. Le Préfet du
département a aussi un rôle d’animateur du tourisme.
1.2.1. Les Comités départementaux de tourisme (CDT).
Les premiers CDT sont apparus à la fin des années 50 sous le nom d’Association départementale de tourisme (ADT) car
le statut le plus couramment utilisé était celui d’association à but non lucratif. En 1974, l’Etat a invité les départements à mieux
coordonner leurs actions et à harmoniser les statuts de ces organismes de promotion. La dénomination Comité départemental de
tourisme et le statut d’association à but lucratif se sont alors généralisés. La Fédération nationale des CDT (FNCDT), fondée en
1979, a signé en 1980 et 1984 avec le ministère chargé du tourisme deux conventions reconnaissant aux CDT l’exercice d’une
mission de service public. Aujourd’hui, chaque département a créé son CDT, chargé principalement des opérations de promotion.
Mais il est aussi l’auxiliaire du Conseil général pour la définition de la politique touristique départementale. A ce titre, il
peut réaliser des études et des enquêtes statistiques et économiques avant la réalisation d’un investissement lié au tourisme. De
même, il est appelé à recenser les ressources touristiques du département, et à prévoir les mesures nécessaires pour les mettre en
valeur. Enfin, en liaison avec les professionnels, il met en oeuvre les mesures arrêtées par les élus locaux. Le CDT collabore avec
diverses administrations, par exemple avec la Direction départementale de l’équipement pour améliorer la signalisation routière
touristique.
1.2.2. Les Services Loisirs Accueil (SLA).
Comme les CDT, les SLA sont des associations créées par les autorités départementales. Ils remplissent un double rôle.
Tout d’abord, ils ont, comme leur nom l’indique, une mission d’information et d’accueil du public dans le domaine du tourisme et
des loisirs. Ils sont, en quelque sorte, l’équivalent, au niveau départemental des Offices de tourisme et des Syndicats d’initiative
(que nous verrons plus loin), Ils remplissent également le rôle d’agence de réceptif dans les départements où ce type d’entreprises
est généralement absent, et commercialisent de véritables forfaits touristiques à partir des possibilités offertes par le département
d’implantation.
Les SLA n’agissent pas pour leur seul profit. Leur action vise avant tout à permettre à des entrepreneurs locaux dont ils
utilisent les services de s’intégrer à un processus de production touristique. Les autocaristes participent à l’organisation
d’excursions, tandis que les hôteliers et exploitants d’autres formes d’hébergement disposent avec le SLA d’une centrale de
réservation. Il existe une cinquantaine de SLA ainsi que quelques services régionaux loisirs accueil. Le Syndicat national des
agents de voyages (SNAV) a souvent critiqué la création des SLA qui, sans licence ni agrément, concurrencent les agences de
voyages. Les SLA rétorquent qu’ils prennent la relève d’un réceptif défaillant. Il n’en demeure pas moins qu’ils exercent leur
activité sans être titulaire de l’agrément exigé d’ordinaire pour les associations de tourisme, et qu’ils prennent des marges
bénéficiaires sur les produits qu’ils proposent. En 1985, alors que le chiffre d’affaires des agences réceptives atteignait 4 milliards
de francs, celui des SLA était de 85 millions de francs dont 80% réalisés avec l’organisation de séjours en gîtes ruraux. Peu à peu,
ils abordent des produits plus complexes comme les voyages de stimulation. Dans le Sud-Ouest, les agences du réseau wagons-lits
commercialisent les produits des SLA de la région.
1.2.3. Les organismes professionnels.
Les principaux organismes professionnels sont les Chambres de commerce et d’industrie, établissements publics, placés
sous la tutelle du ministère chargé du commerce. Leur compétence s’étend à une circonscription à peu près équivalente à un
département et leur siège est situé dans le chef-lieu du département. Elles ont pour mission de favoriser l’activité économique et
notamment d’épauler les entreprises touristiques. Elles gèrent les aéroports français de province ainsi que de nombreux ports
maritimes. Certaines CCI emploient des cadres plus particulièrement chargés des entreprises touristiques: les attachés tourismehôtellerie (ATH).
A l’échelon départemental, siège également, depuis 1965, la Commission départementale de l’action touristique (CDAT)
qui réunit les différents partenaires du tourisme. Elle n’a qu’un rôle consultatif en matière de classement ou de contrôle
d’homologation des moyens d’hébergement. La CDAT a été modifiée par un décret de 1985.
1.3. Les acteurs locaux.
Malgré le partage des compétences prévu par les lois de décentralisation, les différentes structures territoriales chargées
du tourisme ne coordonnent pas toujours leurs actions. Dans les régions de sports d’hiver, les CDT et les stations elles-mêmes
conçoivent chacun leurs propres campagnes de promotion sans toujours se soucier de leur donner un dénominateur commun, au
risque de promouvoir ainsi une image contradictoire. De même, l’édition de brochures et de dépliants et la présence dans les salons
professionnels font parfois double emploi. Cette situation prend un tour particulier dans les DOM-TOM. A la Réunion, par
exemple, où région et département sont confondus, le CDT et l’ARTL ont la même aire d’action. Il est d’ailleurs prévu que les
deux structures, à défaut d’être refondues en une seule, du moins se rapprochent. Ce partage des compétences est souvent rendu
difficile par des rivalités politiques. Les différents organismes territoriaux restent un enjeu de pouvoir et sont soumis aux
changements électoraux.
A l’échelon communal, il existe deux types d’organismes, les Offices de tourisme-syndicats d’initiative (OTSI) et les
Offices municipaux de tourisme (OMT) qui sont, les uns et les autres, les véritables chevilles ouvrières du tourisme.
1.3.1. Les Offices de tourisme et syndicats d’initiative (OTSI).
Les OTSI sont des associations à but non lucratif. Leur rôle est primordial car ils sont au carrefour de toutes les activités
touristiques locales. Les principales missions des OTSI sont d’assurer la promotion touristique locale, d’accueillir les touristes,
d’éditer les brochures et les dépliants nécessaires à leur information (listes d’hôtels, de meublés, de terrains de camping, etc.),
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d’organiser des manifestations culturelles, sportives ou ludiques et de coordonner l’animation pendant la haute saison. Leur champ
d’action ne se limite pas à leur ville d’implantation. Ils assurent également un rôle d’information et de promotion à l’échelon
départemental, en servant de relais aux autres OTSI des communes voisines, et même à ceux de toute la France. Outre leur mission
d’information, les OTSI peuvent alors exercer une activité d’agence de voyages (location de voitures, réservations hôtelières).
Dans ce cas, ils doivent, comme toute association, faire une demande d’agrément auprès de la préfecture de Région. L’information
dont dispose les OTSI est accessible au grand public par un service télématique, I-Tour.
L’entrée en service d’un serveur professionnel, Ulysse, devrait permettre aux offices de prendre à leur tour le virage de la
tourismatique professionnelle. Selon les cas, les OTSI emploient une équipe bénévole ou salariée. Dans une petite ville ou un
village, l’OTSI dispose rarement de moyens suffisants pour créer des emplois permanents que, souvent, la brièveté de la saison ne
justifie pas. Le fonctionnement de l’OTSI est alors assuré par des bénévoles. A l’opposé, dans les villes importantes où le nombre
de visiteurs justifie l’ouverture d’un OTSI pendant toute l’année, le bénévolat n’est plus une solution acceptable. Une équipe de
permanents, principalement des agents d’accueil maîtrisant plusieurs langues étrangères, s’impose alors.
Le premier syndicat d’initiative à ouvrir ses portes en France fut celui de Grenoble en 1889. En 1914, les OTSI étaient au
nombre de 300, En 1988, ils étaient 3 000 qui ont reçu 19,5 millions de vacanciers français et 6 millions de touristes étrangers. Le
budget moyen annuel est de 1 million de francs répartis à parts égales entre les subventions publiques, les recettes publicitaires et
les cotisations des adhérents. Pionniers de l’information et de la promotion locale, les OTSI en sont devenus les champions. Pour
coordonner leurs actions, ils se sont regroupés au sein de 97 unions départementales et de 23 fédérations régionales réunies au sein
d’une fédération nationale (FNOTSI), reconnue d’utilité publique en 1921, Il existe, depuis 1988, une fédération européenne des
offices de tourisme.
Bien qu’ils ne soient pas l’émanation des pouvoirs publics, les OTSI sont les auxiliaires indispensables des communes et
se sont imposés comme une véritable institution. Cette évolution s’est traduite par la réglementation de leurs activités et de leurs
relations avec les autorités locales. Seuls ont droit au titre d’office de tourisme, les OTSI ayant reçu l’homologation de la
commission des associations du ministère du Tourisme. En vertu des arrêtés ministériels des 21 juin 1976 et 16 juin 1983, les
OTSI sont classés en trois catégories symbolisées par une, deux ou trois étoiles mais seuls les OTSI homologués peuvent prétendre
à plus d’une étoile. L’appartenance à l’une de ces catégories dépend du nombre de personnes employées, des horaires d’ouverture,
et selon que la documentation disponible est d’intérêt local, départemental, régional, national ou international. Depuis 1966, les
relations entre les municipalités et les OTSI reposent sur une convention-type, élaborée par la FNOTSI. La commune s’engage à
financer les dépenses de fonctionnement de l’office (personnel, locaux, prestations diverses). Au niveau national, la FNOTSI a
signé en 1985 une convention avec le ministère du Tourisme. Ce texte a permis aux pouvoirs publics de participer au financement
de la fédération qui venait de traverser une crise financière.
1.3.2. Les Offices municipaux de tourisme (OMT).
Les OMT remplissent un rôle analogue à celui des OTSI mais ont le statut d’établissement public industriel et
commercial. Les 457 stations classées peuvent ouvrir un OMT mais moins d’un quart d’entre elles ont choisi d’exploiter cette
possibilité. Les communes littorales, au terme de la loi de 1986, peuvent également le faire. Comme les OTSI, les OMT sont
d’abord chargés d’assurer la promotion touristique de la commune, l’accueil et l’information du public, l’organisation de
manifestations et de fêtes locales. Ils ont également un rôle de coordination des entreprises liées au tourisme. En tant
qu’établissements publics industriels et commerciaux, ils peuvent exploiter toute activité touristique jugée indispensable à la
commune mais qu’aucune entreprise privée ne veut ou ne peut assurer.
Les OMT sont, comme les OTSI, classés en trois catégories et peuvent rejoindre les mêmes unions départementales et
fédérations régionales, et s’affilier à la FNOTSI. Ils emploient un personnel permanent et salarié, et leurs directeurs doivent être
titulaires au minimum du BTS tourisme et de préférence de la licence. Ils doivent également avoir suivi un stage de formation
organisé par la DIT. Les employés peuvent adhérer à l’Union nationale des employés et cadres du tourisme (UNECTOUR), née de
la fusion en 1987 de deux autres syndicats l’AFCOT et le SNECTOUR.
1.3.3. Les stations classées.
La loi du 24 septembre 1919 prévoit un statut privilégié pour les communes qui, par leur situation particulière accordent
une place importante au tourisme. Une commune devient station classée par un arrêté du ministre du Tourisme pris après avis du
Conseil d’Etat. Il existe six types de stations classées, nés progressivement, au fur et à mesure de la diversification des activités
touristiques :
_ la station classée de tourisme (1919).
_ la station classée climatique (1919).
_ la station classée thermale ou hydrominérale (1919).
_ la station classée uvale (du latin uva, le raisin) (1935).
_ la station classée balnéaire (1942).
_ la station classée de sports d’hiver et d’alpinisme (1942).
La ressource touristique et la capacité d’hébergement interviennent dans ce classement.
Ce statut entraîne de nombreuses servitudes comme le respect de règles très strictes en matière d’urbanisme. En
contrepartie, outre l’ouverture d’un office municipal de tourisme, ces stations bénéficient de deux privilèges. Tout d’abord,
certaines d’entre elles (thermales, climatiques et balnéaires) ont la possibilité d’ouvrir un casino municipal. Ensuite, les stations
classées peuvent percevoir une taxe de séjour qui grève tous les modes d’hébergement, du camping à l’hôtel en passant par les
meublés et la para-hôtellerie. Cette taxe est plus élevée pour les catégories luxe que pour les catégories inférieures. Acquittée par le
touriste, la taxe de séjour est perçue un mois par an et collectée par l’hôtelier qui la reverse à la commune. Les voyageurs en
déplacement professionnel, les enfants de moins de 7 ans et les enfants en colonies de vacances en sont exonérés, les enfants entre
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7 et 10 ans sont soumis au taux réduit de 50%. La taxe a longtemps été calculée en fonction du nombre de touristes accueillis par
les établissements d’hébergement de la commune. La loi du 5 janvier 1988 et le décret du 6 mai 1988 ont institué la possibilité
pour l’hôtelier d’effectuer un versement forfaitaire établi en fonction des capacités d’accueil de son établissement. Outre la taxe de
séjour, les stations de sports d’hiver peuvent percevoir une taxe sur les remontées mécaniques, dite taxe Ravanel, du nom du
commissaire général au tourisme qui en fut l’instigateur dans les années 60.
Bien que le texte soit encore en vigueur, les critères de la loi de 1919 sont considérés comme désuets. Ce texte n’a été
actualisé qu’une fois, en 1942, et la procédure qui permet d’obtenir le classement dure plusieurs années. Aucune commune
désormais ne cherche plus aujourd’hui à obtenir le statut de station classée. Cette situation tend à provoquer l’apparition de
classements officieux mais collant mieux aux exigences du tourisme moderne. Par exemple, dans les Alpes Maritimes, SaintEtienne-de-Tinée est classée station de sports d’hiver et d’alpinisme alors qu’Isola 2000 ou Valberg ne le sont pas. Cet
anachronisme a poussé les maires des stations de sports d’hiver, à créer une association dont les adhérents sont choisis selon des
critères moins désuets que ceux de la loi de 1919.
1.3.4. Les communes touristiques et thermales.
Prévu par la loi du 6 janvier 1944 revue en 1985 et 1988, et accordé par le ministère de l’Intérieur, le statut de commune
touristique ou thermale offre aux communes la possibilité de percevoir la taxe de séjour, de recevoir une dotation de l’Etat calculée
en fonction de leur capacité d’accueil et d’ouvrir un office municipal de tourisme. Actuellement, environ 1200 communes jouissent
de ce statut remis en question chaque année. Depuis 1988, les communes ayant le statut de commune littorale, de montagne, et
celles réalisant des actions de promotion en faveur du tourisme, peuvent également percevoir cette taxe de séjour.
2. Répartition des rôles.
Un grand débat sur l’aménagement du territoire est apparu au cours des dernières années dans les régions françaises.
« La volonté du gouvernement semble être de tout mettre à plat, de faire remonter les idées et observations des différents acteurs
afin d’engager des changements profonds en matière d’aménagement du territoire » (Revue Espace, 1994). La DATAR
(Délégation d’Aménagement du Territoire et d’Action Régionale) a d’ailleurs présenté des « scénarios » possibles pour les années
à venir. Rombaldi présente en 1992 un scénario qui se trouve être proche des évolutions actuelles de la politique d’économie du
tourisme.
2.1. Un mode de régulation territoriale.
La base de ce nouveau mode de régulation serait le territoire en tant qu’expression organique d’un collectif humain,
chargé d’histoire, de culture et d’intérêts communs. « Dans ses principes de fonctionnement, il reposerait sur la maîtrise et la
gestion des externalités. Tout territoire produit des externalités qui représentent tout ce qui peut se dresser comme potentialités ou
contraintes pour sa valorisation. La gestion des externalités nécessite un large mouvement de socialisation car elle doit être prise
en charge de plus en plus par la collectivité tout entière. Cependant, cette socialisation ne signifie aucunement une prédominance
du local par rapport au centre. Bien au contraire, elle s’inscrit dans une problématique de transnationalisation des systèmes
productifs » (Rombaldi, 1992).
On peut donc concevoir une certaine répartition des tâches, Le centre assurant les fonctions régulatrices essentielles
relevant de la politique monétaire industrielle ou de la mise en place de la Division Spatiale du Travail, le territoire se voyant
réserver la mise en pratique des orientations centrales mais aussi une partie non négligeable des fonctions de régulation comme la
gestion des externalités. Cette nouvelle configuration repose aujourd’hui sur la construction européenne avec d’une part un
renforcement des prérogatives de la Commission et de l’autre un large mouvement de décentralisation qui confère aux régions une
plus large autonomie de gestion. Rombaldi reconnaît cependant que ce mode territorial ne peut avoir de fondement autonome au
niveau régional, ce qui suppose donc une connexion entre le centre et les territoires.
La nouvelle configuration pourrait avoir la forme suivante : une régulation centrale conduite par une administration
européenne fonctionnant selon le principe du droit sans Etat relayée à la base par une régulation locale pouvant disposer de marge
d’autonomie importante mais pour l’essentiel dépendant des grandes orientations fixées de manière centrale. On comprend ainsi la
nécessité de la mise au point des nouvelles modalités d’interventions publiques comme les Contrats de Plans ou les programmes
Européens. Si Cette vision futuriste ne peut encore être considérée que comme un scénario possible, on constate tout de même que
trois des grands points de cette thèse sont de plus en plus à l’ordre du jour à savoir : un désengagement de l’Etat, une montée en
puissance des Commissions Européennes et l’affirmation des collectivités locales.
2.2. Un désengagement de l’Etat.
C’est la mise en oeuvre d’une déréglementation importante concernant l’économie du tourisme qui caractérise ce
désengagement. L’amorce de cette déréglementation date de 1984 quand monsieur Crepeau alors ministre du commerce, de
l’artisanat et du tourisme déclare en réponse à un rapport du Conseil économique et social (juillet 1984) dénonçant le poids de la
réglementation sur le tourisme : « Le rôle du gouvernement est de libérer les initiatives dans tous les secteurs d’avenir. Mon
ambition de ministre n’est pas de réglementer ou de contraindre, mais de libérer et de promouvoir : c’est la condition du succès ».
2.2.1. La libération des prix.
La libération des prix fut l’une des principales mesures qui ont profité aux professionnels du tourisme ; en effet, le
contrôle des prix les gênait considérablement. Devant fixer souvent leurs prix à l’avance, de six mois à un an, ils ne connaissent
généralement qu’au dernier moment les intentions de l’administration. Il en a résulté « des comportements de protection,
25
notamment sous forme d’élargissement des marges sur les marchés étrangers, nuisants ainsi à la compétitivité du produit
France » (Trigano, 1984). Il est vrai que la réglementation des prix qui s’est appliquée entre 1945 et 1986, avec une alternance de
période de blocage et de semi-liberté, a pu provoquer une certaine sclérose de la profession, l’insuffisance des prix ayant pour
conséquence celle des investissements. Plus précisément, les augmentations de charges liées à la réduction du temps de travail ou à
la cinquième semaine de congés payés n’ont pas pu être répercutées dans les prix. Aujourd’hui, la liberté des prix dans le secteur
du tourisme ne semble pas avoir donné lieu à des dérapages spectaculaires. Il est vrai que le contexte économique est très favorable
: Hausse limitée des salaires, inflation réduite, mais aussi concurrence accrue. Dès 1987, certains grands groupes hôteliers comme
Concorde (offrant un forfait chambre plus excursions) ou Mariott (baissant de 50% les tarifs de ses établissements européens) ont
adopté des politiques de prix très agressives.
2.2.2. La suppression de certaines distorsions fiscales.
Depuis 1986, de nombreuses réformes fiscales expriment la volonté de l’administration de peser de moins en moins sur
l’activité économique. La suppression en 1987 et 1988 de la taxe sur les frais généraux des entreprises en est une bonne illustration
au regard du tourisme d’affaires. Instituée par la loi de finances pour 1982, afin « d’inciter les entreprises à limiter les dépenses les
plus caractéristiques de leur train de vie », la taxe sur les frais généraux est apparue très vite comme un impôt contestable tant au
plan pratique qu’en matière de logique économique. Cette taxe était assise sur certains frais généraux ayant été déduits des résultats
imposables de l’entreprise au titre de l’exercice précédent. Parmi les dépenses à prendre en compte, on trouvait : les frais de
réception y compris les frais de restaurant et de spectacles, les frais de congrès et de manifestations assimilées (à l’exception des
dépenses engagées au titre de la participation aux congrès figurant sur une liste annuelle prise par arrêté ministériel), les frais de
croisières ou d’agrément, etc. Ce rapide inventaire montre que l’entreprise devait effectuer une ventilation particulièrement précise
de ces divers frais, afin de déterminer quels étaient ceux qui entraient dans le champ d’application de la taxe.
Il est apparu assez rapidement qu’il existe un minimum de frais de représentation, plus ou moins proportionnel à l’activité,
et qui s’inscrit dans le cadre normal des relations d’affaires entre clients et fournisseurs, nécessaire pour stimuler les réseaux
commerciaux, prospecter de nouveaux marchés ou accueillir de futurs clients. La reconnaissance un peu tardive de cet aspect de la
vie économique avait d’ailleurs conduit le gouvernement à assouplir dès 1983 les règles initiales d’assujettissement à la taxe au
bénéfice des sociétés exportatrices. Mais les impératifs de représentation existent également pour les sociétés n’ayant pas de
relations commerciales avec l’étranger. Comme a pu le faire remarquer monsieur Chinaud au Sénat : « Chacun sait bien que
certaines grandes affaires se réalisent souvent dans des locaux qui ne sont pas ceux de l’entreprise mais qui ressortissent à des
secteurs d’activité relevant de la balance touristique, puisqu’il s’agit d’établissements de restauration et d’hôtellerie ».
Il est indéniable que l’activité économique du tourisme a subi de plein fouet les conséquences d’une mesure fiscale qui lui
était préjudiciable. Ainsi, l’application de la taxe sur les frais généraux a eu pour effet d’entraîner, dès la première année, une
baisse du taux de fréquentation des restaurants de l’ordre de 36%. Mais on peut aussi considérer que l’industrie touristique, qui a
elle-même des frais de relations publiques élevés, a été touchée directement par la taxe sur les frais généraux et pas seulement par
la contraction de la demande émanant des autres secteurs de l’économie. Source de distorsions en matière de concurrence avec les
entreprises étrangères, notamment dans le secteur du tourisme, la taxe sur les frais généraux a été réduite par la loi de finances pour
1987 et abrogée par celle de 1988.
2.3. La montée en puissance des communautés Européennes.
Le tourisme n’a été identifié en tant que tel, ni dans le Traité de Rome (1957), ni dans l’Acte unique européen (1987). En
revanche, une réflexion communautaire a été engagée dans ce domaine depuis 1982. En juillet 1982, la Commission a présenté ses
« premières orientations pour une politique communautaire du tourisme », qui ont servi de base aux débats tant au sein des
instances communautaires que des organismes professionnels concernés. Le 5 février 1986, la commission a dressé une nouvelle
communication au conseil, où l’on retrouve les principales idées qui figuraient déjà dans les premières orientations, nourries et
enrichies des réflexions venues se greffer par la suite. Les mesures proposées, dont certaines ont déjà été appliquées, visent les cinq
objectifs suivants : faciliter le tourisme dans la Communauté ; mieux l’étaler dans le temps et dans l’espace ; mieux orienter les
instruments financiers communautaires ; mieux informer et protéger les touristes ; améliorer le contexte de travail des professions
touristiques et enfin, organiser la consultation et la coordination nécessaire en la matière. Si l’ensemble de ces suggestions va
globalement dans le sens des politiques touristiques nationales, certaines sont toutefois susceptibles de porter atteinte aux
prérogatives des différents Etats européens. C’est ce qui semble se passer en particulier au niveau du renforcement des instruments
financiers communautaires.
L’intervention des fonds communautaires en faveur du tourisme est relativement récente. Alors qu’entre 1975 et 1980 les
concours de Fonds européens de développement régional (F.E.D.E.R.) étaient inférieurs à 1% du budget global de cette institution,
ils sont passés à plus de 3% à partir de 1985. De son côté, la Banque Européenne d’Investissement (B.E.I.) a prêté à des conditions
très avantageuses entre 1984 et 1988, près de 575 millions d’Ecus en faveur de plus de 1400 projets touristiques : villages de
vacances, ports de plaisance, hôtels, etc. Au total, les projets auxquels la B.E.I. a apporté son concours dans le secteur du tourisme,
ont aidé à la réalisation d’investissements fixes s’élevant à quelque 1,7 milliards d’écus pour un impact estimé à plus de 7.000
emplois créés (Tabary, 1989).
Le F.E.D.E.R. comme la B.E.I. ont également financé à d’autres titres de nombreuses infrastructures bénéfiques au
tourisme : aéroports, routes et autoroutes, chemins de fer, etc. Parallèlement, les concours du Fonds Social Européen (F.S.E.) ont
été sollicités pour les programmes de formation professionnelle, ainsi que, plus marginalement, ceux du Fonds Européen
d’Orientation et de Garantie Agricole (F.E.O.G.A.). Les instances européennes se sont efforcées de coordonner les politiques de
ces différents organismes. Les Opérations Intégrées de Développement (O.I.D.), puis, à compter de 1985, les Programmes Intégrés
Méditerranéens (P.I.M.), en sont une parfaite illustration.
26
Mais la politique régionale européenne, dans laquelle s’inscrit la promotion du tourisme, est en pleine mutation. Deux
conceptions se superposent : « la plus ancienne est une conception que l’on peut qualifier d’égalitariste suivant laquelle la
politique régionale doit en premier lieu être animée par un souci d’équité et de maintien de la cohésion sociale. Il s’agit d’aider
les régions fortes par le jeu des transferts interrégionaux de ressources budgétaires. La seconde, plus récente, est guidée
prioritairement par le souci d’amener un nombre suffisant de régions à un seuil de développement à partir duquel elles seraient
en mesure de relever le défi de la compétition internationale » (Khan, 1987).
Comme l’a souligné la D.A.T.A.R. : « avec l’élargissement à l’Espagne et au Portugal, l’espace économique européen
connaît des modifications considérables marquées par un déplacement du centre de gravité territorial des problèmes régionaux
vers le sud. Dans l’Europe des dix, sept régions françaises sur vingt-deux (non compris les D.O.M.) se trouvaient encore en
dessous de la moyenne communautaire. Les possibilités d’éligibilité pour les régions françaises, dans le cadre de la nouvelle
politique régionale européenne, se trouvent sensiblement réduites » (D.A.T.A.R. 1987).
L’article 130D de l’acte unique de 1987 a, en effet, posé le principe d’une modification des structures et des règles de
fonctionnement des divers fonds pour, d’une part, mieux préciser et rationaliser leurs missions et, d’autre part, renforcer leur
efficacité et leur coordination. La réforme du F.E.D.E.R. qui s’en est suivie en 1988 a conduit à accentuer le caractère
communautaire de cette institution : elle n’opère plus seulement en complément des actions nationales mais intervient de plus en
plus dans le cadre d’une politique européenne. Le changement est de taille : les Etats n’ont plus de parts réservées dans le budget
du F.E.D.E.R. ; la situation économique et sociale des régions et la pertinence des projets justifient à eux seuls de leur éligibilité.
L’action des fonds doit donc désormais se concentrer sur les régions sous-développées, sur les régions en déclin et sur les zones
rurales affectées par la réforme de la politique agricole commune.
Quant aux projets, ils doivent s’inscrire dans les cinq objectifs communautaires suivants :
_ Promouvoir le développement et l’ajustement structurel des régions en retard de développement.
_ Reconvertir les régions gravement atteintes par le déclin industriel.
_ Combattre le chômage de longue durée.
_ Faciliter l’insertion professionnelle des jeunes.
_ Accélérer l’adaptation des structures agricoles et promouvoir le développement des zones rurales.
Les projets touristiques répondent dans l’ensemble parfaitement à ces différents objectifs. Mais il n’en reste pas moins que
la plus grande partie des aides communautaires va aller à l’Espagne, à la Grèce, à l’Italie du sud, à l’Irlande et au Portugal. Cette
nouvelle donne place la France en mauvaise position puisque ne sont considérés comme des régions présentant des retards de
développement que les D.O.M. et la Corse.
Comment va être géré ce dualisme spatial ? L’Etat va-t-il soutenir les régions délaissées par Bruxelles ? Dans la
perspective de l’infléchissement libéral de sa politique économique et sociale, on peut avancer que ce sont les collectivités
territoriales qui vont êtres amenées à prendre en charge une part croissante de cette aide. Ce recours au local serait l’expression du
désengagement de l’Etat, ou plus exactement d’une répartition des tâches :
« à l’Etat le soin de gérer les grandes crises industrielles (ou d’en limiter socialement et politiquement les effets) ; au
local, le soin de faire le reste notamment en redécouvrant les vertus oubliées pendant trente ans des P.M.E.-P.M.I., en valorisant
mieux les ressources locales grâce à la mobilisation et aux responsabilités des acteurs locaux » (Lacour, 1986).
2.4. L’affirmation des collectivités locales.
Ayant déjà présenté les différents acteurs du développement touristique, nous montrerons ici quels sont aujourd’hui : leur
organisation administrative, les domaines d’interventions des collectivités locales et le montant de ces interventions.
2.4.1. Hiérarchie de l’administration du tourisme.
Depuis sa création officielle en 1910, l’administration du tourisme a connu diverses dénominations (Office national,
Commissariat, Service ou Département ministériel, Direction, Secrétariat d’Etat) et de multiples rattachements ministériels
(Travaux publics, Communications, Equipement et Logement, Qualité de la vie, Culture et environnement, Premier ministre,
Jeunesse, Sport et loisirs, Temps libre, Transport, Commerce extérieur, Industrie et PTT...) avant d’accéder en 1988 au rang de
ministère délégué. Après cinq ans d’autonomie, elle a été refondue en 1993 dans un vaste ministère de l’Equipement, des
Transports et du Tourisme. Le caractère transversal de cette activité explique l’étonnante variété des tutelles administratives.
Ainsi, douze ministères (dont, surtout l’Agriculture, l’Urbanisme et le Logement, l’Environnement, l’Education nationale,
la Santé, les Transports, l’Economie) gèrent des crédits touristiques. S’y ajoutent de nombreux fonds nationaux ou internationaux
de financements (FDES, FIAT, FIANE, FIDAR, FEDER, etc.) et divers organismes connexes (DATAR, Missions
interministérielles, Commissions interministérielles, Conseils supérieurs, Confédérations générales etc.). On distingue différents
échelons territoriaux, la loi du 23 décembre 1992 codifie la répartition des compétences dans le domaine du tourisme entre chacun
d’eux :
La commune.
Au niveau de base, celui de la commune, coexistent les syndicats d’initiatives et les offices de tourisme municipaux. Les
premiers, existant depuis plus d’un siècle (création à Grenoble en 1889), ont le statut d’association régie par la loi de 1901. Plus de
3.200 fonctionnent actuellement, à côté de 50 offices municipaux de tourisme. En coopération avec les municipalités et les
entreprises et associations locales. Chargés d’informer visiteurs et habitants et d’assurer l’animation et la promotion de la
commune. Les offices de tourisme municipaux, créés par la loi du 10 juillet 1964 avec le statut « d’établissement public à caractère
industriel et commercial », ont une ambition plus large : non seulement renseigner et promouvoir, mais aussi organiser (fêtes,
spectacles), réaliser (études) et gérer (remontées mécaniques, ports de plaisance, installations sportives et distractives, etc.). Leur
développement limité (une cinquantaine en service pour plus de 460 stations classées) tient à la lourdeur des contrôles financiers et
27
administratifs qui s’exercent sur ces offices, ainsi qu’à la relative novation de ce texte qui anticipait sur l’autonomie commerciale
de la structure communale.
Le Département.
Au niveau supérieur, le Comité départemental du tourisme, émanation du conseil général, des chambres consulaires et des
organisations départementales de tourisme, est chargé à la fois de la promotion, de l’élaboration et de la commercialisation des
produits et des plans de modernisation et d’équipement.
La Région.
Le niveau régional a fait l’objet d’une réforme reconnue depuis longtemps comme nécessaire. A côté du délégué régional
au tourisme représentant la Direction du tourisme, le Comité régional du tourisme a perdu son statut juridique équivoque de relais
du pouvoir central, significatif de sa période de création (lois de 1942 et 1943). Conformément aux mesures de décentralisation,
ces nouveaux Comités Régionaux du Tourisme et des Loisirs, composés à moitié par des élus du conseil régional et financés
prioritairement par les EPR (Etablissements Publics Régionaux), disposent d’une plus grande indépendance en matière de
promotion, de commercialisation, de programmation des aménagements et équipements touristiques (Cazes, 1984).
2.4.2.Intervention des différents niveaux de la hiérarchie.
Les domaines d’intervention.
Alors que les collectivités locales ont toujours été en prise avec le phénomène touristique, ce dernier a été partiellement
oublié par les lois de décentralisation. Il a fallu attendre la loi du 23 décembre 1992 pour avoir la répartition officielle vue
précédemment. Cette loi est intervenue principalement pour généraliser la création des comités Départementaux du Tourisme par
les généraux et pour officialiser les organismes existants. Elle a également eu pour objet de faire bénéficier les Offices de tourisme
et syndicats d’initiatives d’une reconnaissance législative au même titre que les comités départementaux et les comités régionaux
du tourisme. Elle a reconnu à toutes les communes le droit de considérer comme missions de service public, les missions des
Offices de tourisme en matière d’accueil, information et promotion. Un rôle de coordination des divers partenaires du
développement touristique local est en outre reconnu aux Offices du tourisme, ce qui légitime leurs relations avec l’ensemble des
professionnels locaux.
Le montant des interventions.
Les collectivités territoriales occupent désormais une place prépondérante dans le secteur touristique. Ce sont les
communes qui réalisent la majeure partie des investissements. Les régions n’interviennent qu’au niveau des équipements en faveur
des bases de plein air et de loisirs, des stations thermales, des équipements sportifs et des canaux touristiques. Les départements
agissent dans la quasi-totalité des équipements et hébergements, avec un effort plus particulièrement marqué pour les
aménagements en montagne et en zones rurales, ainsi que pour les centres de vacances. Les communes s’intéressent, quant à elles,
de manière significative à l’ensemble des activités touristiques. Cependant, si le montant de leurs investissements peut paraître
relativement élevé, il faut relativiser dans la mesure où il correspond à l’action d’un très grand nombre d’acteurs. Pour qu’une
commune ait une quelconque influence sur les flux touristiques, il faut que les ressources qu’elle consacre à leur attraction
atteignent une « masse critique ». En cela, les groupements de communes, mais aussi les sociétés d’économie mixte, sont
susceptibles de renforcer l’efficacité des intervenants locaux.
Outre ces dépenses dites d’équipement, il existe également des dépenses courantes. On entend par dépenses courantes des
aides financières versées directement aux bénéficiaires (aide à la personne) ; ou bien des aides au fonctionnement, sous forme de
subventions d’exploitation ou de prise en charge des coûts, versés aux organismes producteurs de biens et services touristiques
(Hébergements, voyages) ; enfin le financement de dépenses dans le domaine de la promotion, de l’accueil et de la formation.
L’aide à la personne des collectivités locales émane essentiellement des communes. Elle représentait en 1987 20% environ des
sommes versées par l’ensemble des administrations publiques intervenants en faveur de vacances. Et au total, les collectivités
locales supportent près de 90% des aides au fonctionnement distribuées par les administrations publiques. L’effort de promotion,
d’accueil et de formation est mené au niveau local par trois groupes d’acteurs : les régions, par le biais des C.R.T. ; les
départements, par l’intermédiaire des C.D.T. ; les communes grâce aux O.T.S.I. (Offices du tourisme et syndicats d’initiatives).
2.4.3. Quelle organisation territoriale pour le tourisme ?
Les lois de décentralisation « ont projeté sur la vie administrative une philosophie de la diversité et de l’autonomie. Le
principe de la non-subordination d’une collectivité à une autre a été posé (...). Ainsi, chaque niveau de collectivité est en droit de
définir ses objectifs d’aménagement, et ces objectifs peuvent ne pas concorder. Il n’existe pas de procédure régulatrice qui puisse
obliger à harmoniser les discours tenus par les uns et les autres sur l’aménagement. Naturellement, chaque collectivité est
également libre de mettre en oeuvre les moyens dont elle dispose » (Guichard, 1986).
Selon Durand, Gouirand et Spindler (1994), ces propos s’appliquent parfaitement au secteur du tourisme où, le plus
souvent, se sont mises en place des compétences octroyées par les collectivités locales elles-mêmes. Le désengagement de l’Etat
semble avoir eu pour conséquence d’amener sur le marché du tourisme un trop grand nombre d’acteurs et, par là-même, d’atomiser
excessivement les moyens financiers engagés. Les trois auteurs estiment que la technique d’harmonisation des contrats de plan est
actuellement insuffisante pour atténuer la concurrence qui s’observe entre les acteurs locaux.
On note que dans le Xème Plan ce sont les collectivités locales qui ont plus particulièrement vocation à créer des filières de
produits et à développer des équipements et hébergements touristiques, alors que l’intervention de l’Etat vise pour l’essentiel, dans
le cadre de ses contrats avec les régions, à mettre en valeur des sites culturels et touristiques de renom international. Cette
sélectivité de l’action, aux moyens d’ailleurs modestes, risque de laisser une grande partie du tourisme sous le coup des
28
interventions concurrentes des collectivités locales. Ces mêmes auteurs proposent donc de hiérarchiser les compétences des
différents niveaux de collectivités territoriales et de favoriser la coordination, la synergie et donc l’efficacité de leurs actions. Peu
de réflexions ont été menées en ce domaine.
La loi du 23 décembre 1992 a confirmé dans ses grandes lignes l’organisation territoriale du tourisme. Un rapport
sénatorial relatif au projet de cette loi expliquait que « pour mettre un terme au gaspillage de moyens engendré par le manque de
coordination des actions de promotion touristique entre les trois niveaux de collectivités territoriales, il convenait de permettre au
département de se doter d’une organisation dans le domaine du tourisme ». C’est à dire de légaliser l’existence des C.D.T. en
prenant soin que leur composition soit fixée par le Conseil général afin d’y détenir la majorité absolue. Il s’agissait là de créer une
structure officielle susceptible de rivaliser avec les C.R.T. qui étaient alors les seuls à détenir une véritable légitimité.
L’importance que prennent les instances européennes devrait inciter les différents acteurs locaux à coordonner leurs
actions. En effet, déjà, la coopération interrégionale et transfrontalière, donnent aux régions des « compétences structurantes » qui
organisent leurs champs d’intervention. Les grandes régions qui se développent, de manière associative (Grand Sud, Grand Est...),
sont de bons exemples des liens qui commencent à se nouer pour se faire entendre à Bruxelles et mettre en place des réalisations
d’une ampleur supérieure aux possibilités d’une région isolée. Du reste, l’Europe paraît chercher le renforcement des institutions
régionales « pour favoriser progressivement des zonages infra-régionaux, infra-départementaux et en même temps
internationaux » (Celimene, Lacour, 1991).
Conclusion.
Devant l’importance que prennent les régions, les communes ne doivent pas rester isolées. Les contrats de plan tendent
avec les pôles touristiques à montrer qu’elles ont ensemble un rôle à jouer dans la modernisation du tourisme français. Mais cette
procédure n’intéresse qu’un nombre réduit de communes. Aussi est-il nécessaire de les amener, conformément aux enseignements
de l’économie publique, à procéder à des ententes voire des regroupements. La pratique en ce domaine se limite à une simple
coopération. La gestion de l’activité touristique ne se rencontre que dans les Syndicats Intercommunaux à VOcation Multiple
(SIVOM) et que dans 30% des cas. En matière de tourisme, source de dépenses mais aussi de recettes éventuellement
substantielles, les communes paraissent désireuses de garder leur indépendance.
29
Conclusion du chapitre I
On ne se risquera pas à dire que la présentation du tourisme est faite. De nombreux autres aspects de cette
activité doivent être connus avant de pouvoir se targuer de maîtriser à fond le sujet. Souvent des éléments nouveaux sont dévoilés
dans la littérature par des comparaisons entre divers pays exploitant cette activité économique de manière distincte. Nous avons
d’autre part suffisamment mis en évidence la permanente évolution de l’offre et de la demande dans ce domaine pour comprendre
que le sujet est quasi inépuisable.
Rappelons toutefois que ce qui nous préoccupe dans ce travail est de montrer que le tourisme peut être l’élément
moteur d’un développement soutenable en milieu insulaire et plus généralement peut être, pour de nombreuses petites économies
isolées. C’est pourquoi nous avons volontairement passé sous silence les éventuelles remarques que l’on aurait pu faire en
observant le « fonctionnement » du tourisme chez les uns et chez les autres. Aspirant à nous engager ici dans une démarche
davantage axée sur les principes d’étude des sciences économiques, il nous a semblé plus judicieux d’effectuer, en fait, une analyse
détaillée de l’offre et de la demande.
Ce sont ces éléments sur lesquels nous nous sommes attardés qui nous seront, nous le verrons, les plus utiles pour penser
notre « modèle ». Le pouvoir décisionnel de plus en plus délégué au niveau local, les divers éléments entrant dans la constitution
d’un produit touristique et l’immense pluralité de tels produits auront, on le comprend, une influence capitale sur les méthodes de
développement à envisager.
Nous l’avons rappelé ici : c’est au développement par le tourisme des petites économies isolées que nous nous intéressons
dans cette recherche. Aussi, le second chapitre de cette première partie sera consacré aux caractéristiques de ces petites économies
et aux différents types de développement qui pourraient y voir le jour.
30
CHAPITRE II
DEVELOPPEMENT TOURISTIQUE EN MILIEU INSULAIRE
« Les déterminants du tourisme international sont les facteurs qui, de façon permanente, exercent une influence
sur le développement du tourisme international » (Vellas, 1985). L’analyse de ces déterminants est donc essentielle puisque c’est à
partir d’eux et de leur rôle que se construit toute politique ou stratégie de développement touristique. Il est en particulier utile de
savoir sur quel déterminant il faudra agir pour contribuer à atteindre les objectifs que l’on se fixe.
Avant cela, il est impératif de connaître le milieu sur lequel on travaille, à plus forte raison lorsqu’il s’agit d’un espace
particulier. C’est le cas des petites économies isolées où éloignement et isolement impliquent des effets sur l’économie que ne
connaissent pas les grands pays traditionnels. Dans ces petits pays ou ces petits territoires, le développement touristique doit être
plus que jamais adapté à leurs spécificités. La mise en oeuvre de son organisation et d’une logique d’exploitation ne doit pas
forcément être « calquée » sur les principes courants révélés par la théorie économique classique mais pourrait néanmoins s’en
inspirer et insérer certains éléments de ces notions reconnues pour construire une stratégie « personnalisée ».
La première étape passe par une bonne connaissance des particularités du terrain. Nous verrons dans une première section
ce qu’isolement et éloignement impliquent pour une économie. Nous nous rassurerons très vite en montrant que cela n’engendre
pas que des difficultés. Il est effectivement important de connaître les avantages que l’on peut tirer d’une telle situation pour, le
moment venu, savoir les mettre davantage en valeur en les intégrant judicieusement dans les décisions d’orientation de
l’organisation planifiée.
C’est dans la seconde section que l’on va répertorier toutes les « externalités » directement liées au secteur tourisme. Qu’il
s’agisse de son évolution permanente ou des contraintes économiques, sociales et environnementales, ces phénomènes inhérents à
l’activité tourisme valables empiriquement, n’auront cependant pas les mêmes effets selon leur espace d’application. Il sera
important non seulement de les connaître mais aussi d’anticiper leurs conséquences probables en milieu isolé afin de se préparer au
mieux à une meilleure gestion possible de ces phénomènes. L’analyse de « ce qu’il faudra faire sachant cela » est une étape obligée
à toute édification d’une politique de développement.
Cette orientation finalement choisie devra bien sûr s’inspirer également des théories « classiques » traitées par les sciences
économiques. Nous verrons que la simple idée de départ, les principaux fondements sur lesquels on souhaite s’appuyer aboutiront
à d’autant de formes de développements. Ce sont en fait ces fondements qui donneront son originalité à l’organisation de
l’économie qui prendra racines. Quelques unes de ces « méthodes » de développement seront exposées dans la section qui viendra
clore ce chapitre.
31
Section 1 : Particularités des petites économies insulaires.
« Un bref aperçu historique nous révèle le charme discret que le concept de l’île a souvent exercé sur la culture. C’est
dans une île que T. More, l’écrivain anglais durant la Renaissance, situe son modèle idéal de société humaine, Utopie » (Faini,
1988). Faini fait aussi remarquer que le grand peintre, Gauguin, ne retrouve son inspiration créative qu’au moment où il trouve abri
dans une île. On peut également rappeler que les discussions philosophiques sur l’existence de Dieu dans la première partie du
moyen âge sont nouées au problème de l’existence de l’île parfaite.
Cette flatteuse présentation n’est, hélas, valable que pour introduire cette nouvelle section. En effet, derrière l’idée de
paradis terrestre que l’on se fait souvent trop rapidement au vu de nombreuses particularités avantageuses, l’insularité présente
également de nombreuses contraintes et connait bien des difficultés économiques. L’étude détaillée de ces atouts et inconvénients
est donc une étape obligée, et des plus importantes, dans l’optique de l’élaboration d’une stratégie de développement touristique
que l’on pourra ainsi ajuster au mieux.
Nous ne nous baserons pas uniquement sur les quelques recherches déjà effectuées en milieu insulaire, mais nous
explorerons également attentivement les études récemment réalisées par des économistes et relatives aux « Petites Economies
Isolées », domaine plus vaste mais englobant évidemment les îles.
1. L’isolement géographique.
Contrainte des plus évidentes, la plupart des petits pays insulaires se situent à plus d’une centaine de kilomètres du
continent le plus proche, ce qui constitue un handicap économique important, essentiellement en matière de transport. Nous le
montrerons rapidement par la suite. Ainsi, de nombreuses îles, principalement du Pacifique et de l’Océan Indien mais aussi de la
Caraïbe et de l’Atlantique, se trouvent très éloignées (de plusieurs milliers de kilomètres) de leurs principaux marchés émetteurs de
touristes : « La mise en service d’avions long courrier à forte capacité et à long rayon d’action de type Boeing 747 400 ne
constitue pas une solution pour la plupart des destinations insulaires et contribue, au contraire, à placer les îles en dehors des
grands courants du transport aérien et du tourisme international. » (Vellas, 1992). Les infrastructures aéroportuaires sont souvent
insuffisantes, de même que les possibilités de volume de trafic sur la plupart des destinations notamment vers les petites îles du
Pacifique et de la Caraïbe. Le même problème se pose au niveau maritime puisque l’évolution technologique avec l’essor rapide
des conteneurs et des navires porte-conteneurs constitue le même handicap non seulement par l’insuffisance des infrastructures
portuaires mais aussi par le manque de moyens d’entreposage et de manutention appropriés. De plus, même dans le cas où les
équipements portuaires sont réalisés, l’étroitesse du marché intérieur de ces îles les exclut du trafic maritime international et les
contraint au seul trafic régional. Cette marginalisation des petites îles contribue à accroître considérablement les contraintes dues à
l’éloignement géographique.
1.1. Le transport.
Il est impossible de parler de tourisme insulaire sans s’attarder quelque peu sur le « problème » du transport. Cependant,
ce domaine est tellement vaste qu’il devrait faire l’objet à lui seul d’études relativement lourdes. C’est pourquoi nous avons choisi
ici de présenter très simplement l’effet principal et indéniable produit par l’éloignement et l’isolement géographique d’une
économie sans nous aventurer à en présenter de manière trop détaillée tous les « remèdes » et différents traitements préconisés par
les économistes dans ce domaine. Ces traitements varient et sont évidemment fonctions des particularités du système où l’on désire
les employer.
L’isolement géographique devient inconvénient dès que l’on parle de commerce international ou tout simplement
d’échange avec l’extérieur. Au sein d’une nation, il arrive que les coûts d’acheminement de marchandises du continent principal
aux territoires alentours (et vice versa) se répercutent sur la population insulaire. Ce qui provoque non seulement des difficultés
pour les territoires les plus éloignés mais aussi des retombées économiques parfois non négligeables au niveau national. Certaines
tentatives de mise en place d’une « continuité territoriale » ont surtout pour but de rétablir la parité du pouvoir d’achat entre la
population « centrale » et les populations « éloignées » d’une même Nation.
A cette difficulté de se procurer des biens au même coût que celui pratiqué sur le marché extérieur (qu’il soit donc
national ou international), il faut ajouter la difficulté de produire au même prix qu’à l’extérieur. Sur le plan économique, cet
éloignement représente un handicap considérable puisqu’il a pour effet de diminuer les bénéfices que l’île pourrait tirer de ses
échanges avec l’extérieur. Faini donne une représentation très simple de ce phénomène :
32
Biens exportables
Graphe 1.1.
YX
Sans coût
de
transport
Avec
coûts de
transport
Pm*/Px*
Biens importables
Sans coût de transport, on a Px et Pm, les prix des biens exportables et importables qui sont respectivement égaux aux
prix des mêmes biens sur le marché extérieur Px* et Pm*. Sur le graphe (1.1.), Yx représente la production intérieure brute, tandis
que l’inclinaison de la courbe est égale à Pm/Px. La courbe représente également la frontière des possibilités de consommation de
l’île. Si l’on intègre à présent les coûts supplémentaires impliqués par le transport, on a :
_ une augmentation du prix des importations (Pm = Pm* + t ; t représentant les coûts de transport).
_ une diminution du prix des exportations (Px = Px* - t).
Par rapport à la situation où t=0, Pm/Px augmente et la courbe se déplace vers la gauche. Même si la production n’a pas
changé, l’augmentation des coûts liés au transport engendre une diminution des possibilités de consommation et donc du bien-être
économique de l’île. « Une façon différente mais équivalente d’aborder la question repose sur la constatation que, en présence de
coûts de transport positifs, la valeur, aux prix internationaux des exportations est supérieure à celle des importations, tout en
maintenant l’équilibre aux prix intérieurs de la balance commerciale » (Faini, 1988).
Ayant démontré l’importance des coûts de transport, et pour finir sur une note plus optimiste, Faini souligne toutefois que
ces derniers n’ont qu’un impact quantitatif faible dans nombre de cas et qu’une étude empirique de la Banque Mondiale nous
amène à penser que, à l’exception des îles du Pacifique, les coûts de transport ne représentent pas un handicap relatif pour les
économies insulaires. Cette conclusion s’applique aussi bien aux exportations qu’aux importations.
1.2. Les économies d’échelle.
Rappelons dans un premier temps qu’il y a économie d’échelle lorsque l’augmentation des quantités produites se traduit
par une réduction du coût unitaire. On parle également de rendements d’échelle croissants : Le rendement est la relation entre les
variations des quantités produites (output) et les variations des facteurs nécessaires pour les produire (input) ; Les rendements
d’échelle relient la production à une combinaison de facteurs qui varient tous deux simultanément, ils sont croissants si l’output
augmente dans une proportion plus grande. Il y a alors économie d’échelle, l’augmentation de l’échelle de la production permet de
réduire le coût par unité produite (Graphe 1.2.) (Brémond, Gélédan, 1984).
Dans de nombreux domaines, le progrès technologique a été marqué par l’invention de machines permettant d’accroître la
productivité. Le plus souvent, ce matériel n’est rentable que si la production réalisée est importante. L’exemple le plus cité est sans
doute celui de la chaîne continue automobile, mise en place par Ford pour produire les « Ford T », qui permettait de réduire le prix
de vente unitaire dans des proportions impressionnantes, mais qui n’était rentable que si la voiture devenait un objet populaire. Une
production de masse pour une consommation de masse devait ainsi permettre une extension considérable et auto-entretenue de la
production et de la consommation.
Graphe 1.2.
diminution du prix
de revient unitaire
économie
d’échelle
accroissement de
la production
diminution du
prix de vente
accroissement
de la demande
33
Bénéficier de ces économies d’échelle a été un des objectifs de la forte concentration qui a marqué le secteur automobile
dans tous les pays industrialisés depuis le début du siècle. Dans tous les secteurs ou dans tous les systèmes productifs où les coûts
fixes sont importants, les possibilités d’économie d’échelle sont fortes.
On comprend alors immédiatement le problème qui peut se poser au niveau des petites économies isolées. Leur petite
dimension va représenter une contrainte importante au processus de développement. En effet toute production destinée au marché
intérieur sera évidemment réduite puisque l’économie, et donc le marché, et donc la demande, se réduisent à la population. Il sera
alors difficile de bénéficier dans ces conditions d’économies d’échelle. Le phénomène est le suivant : l’insuffisance des structures
démographiques, urbaines et commerciales, ne permet pas en général de répartir l’amortissement des infrastructures nécessaires au
développement touristique sur une production suffisamment diversifiée. Il en résulte des surcoûts qui pèsent sur la compétitivité de
la plupart des produits touristiques du fait du prix particulièrement élevé de l’électricité, de l’eau potable et des produits importés à
cause du coût des transports. A cet égard, les îles françaises de la Caraïbe et de l’Océan Indien bénéficient d’un avantage
considérable du fait de l’alignement des tarifs publics, notamment de l’électricité, sur ceux de la métropole. Ces contraintes sont
particulièrement importantes lorsque les flux touristiques sont faibles comme c’est le cas pour un grand nombre d’îles du Pacifique.
Il en résulte des économies d’échelle qui remettent en cause la compétitivité globale des produits touristiques.
Cependant, dans le cadre du commerce international, donc non plus sur le marché intérieur mais dans le contexte d’une
économie mondiale intégrée grâce aux échanges commerciaux, une économie même petite qui, de plus, saurait tirer profit du
processus de spécialisation internationale, pourrait bénéficier du phénomène d’économie d’échelle dans ses domaines de
« prédilection ». Il serait autrement difficile de comprendre le cas d’économies comme celle de Singapour qui a réussi à acquérir
un niveau de compétition internationale non grâce à sa taille mais plutôt en exploitant les occasions que le marché mondial lui
offrait. Dans le cas d’économies d’échelle internationales, il est évident que la dimension réduite ne pose aucune contrainte à la
croissance. Rappelons que nous nous intéressons, pour notre part, à des économies de taille réduite, mais aussi « isolées ».
Une île qui aurait l’opportunité de proposer un produit « identitaire » ou pour lequel elle aurait une facilité de production
exceptionnelle lui conférant une situation de quasi-monopôle, pourrait bénéficier d’une économie d’échelle quasi-illimitée puisque
le marché (de la demande) serait lui-même quasi-illimité (du fait de la rareté ou du tarif préférentiel pratiqué par l’île disposant
d’une facilité de production particulière pour ce produit). Se posera alors le problème de l’approvisionnement du marché. Si le
coût moyen de production est en baisse constante (effet de l’économie d’échelle quasi-illimitée), les coûts de transport pour
irriguer le marché augmentent à mesure que l’on s’éloigne du lieu de fabrication, ce qui provoquera à un moment donné (fonction
de la distance d’acheminement du produit) une augmentation du coût total par unité (transport compris). Le graphe suivant permet
de visualiser nos remarques :
Graphe 1.3.
Coût
par
unité
Coût total
par unité
Coût de
transport
par unité
Coût moyen de production
avec économie d’échelle
Q1
Km
Q2
L’augmentation de la production permet une diminution constante du coût par unité (et donc du coût moyen), il y a
économie d’échelle ; à condition de pouvoir distiller la production sur le marché. L’île devra donc fournir une demande de plus en
plus éloignée pour distribuer son produit et donc intégrer au coût de revient des frais d’acheminement de plus en plus lourds.
Même si l’on considère que les coûts de transport ne forment pas, en réalité, une fonction linéaire mais, après une forte
augmentation initiale, qu’ils ont tendance à croître plus faiblement quand une longue distance est atteinte. Effectivement, le prix à
payer pour acheminer une marchandise du point initial aux cinquante mètres alentour est plus important que celui
qu’occasionnerait une augmentation de cinquante mètres d’un marché se situant à deux cents mètres du point de fabrication. Ainsi,
pour une quantité de produit supérieure à Q2 , le coût supplémentaire d’acheminement sur le marché un peu plus éloigné sera plus
important que l’économie qu’aura engendré sa production. Ce raisonnement est généralement mis en avant pour expliquer le
phénomène de « centralité » en économie régionale ou spatiale (Polèse, 1994).
On peut en conclure que, même s’il peut exister un phénomène de rendements croissants pour les petites économies (par
le biais d’un marché extérieur important), et même si le fait d’être isolée n’empêche pas une région d’avoir des activités
économiques, le cumul de ces deux propriétés impose parfois quelques limites au développement (ou du moins à la croissance) de
ces petites économies isolées.
34
1.3. Effets indirectement induits par l’isolement géographique.
Il faut toutefois noter que les petites économies isolées sont également désavantagées du fait qu’elles ne peuvent acquérir
une expérience de production et de vente sur les marchés intérieurs. Une telle expérience représente à son tour une condition
essentielle pour s’établir plus tard sur les marchés internationaux (notamment dans l’intention d’y développer des rendements
croissants). L’expérience de pays comme le Brésil ou la Corée qui, après avoir suivi une politique de substitution des importations,
ont connu un essor de leurs exportations, peut être citée. Même si l’on remarque au passage que l’éloignement fournit une
protection naturelle sur le marché intérieur, on constate que celui-ci n’offre qu’une occasion très limitée aux entreprises locales
d’acquérir une expérience en raison de son exiguïté. En outre, tandis que l’éloignement au sens purement économique causé, par
exemple, par des politiques de substitution des importations, peut être facilement éliminé, ceci n’est pas vrai pour l’éloignement
géographique.
D’autres phénomènes, à la fois moins perceptibles et plus difficiles à formaliser, sont induits de la même façon.
L’exemple qui suit donne une idée de l’étendue des effets de l’isolement :
L’innovation est considérée comme « un moyen privilégié pour assurer une nouvelle forme de croissance régionale »
(Planque, 1983). Or, « L’innovation est un processus dynamique qui ne peut être séparé des périodes d’apprentissage et
d’expérimentation où l’élaboration progressive des connaissances collectives tient une place de plus en plus importante »
(Fustier, 1995).
Bernard Fustier expose les conséquences de l’isolement sur les échanges « inter-individuels », donc sur l’innovation, et
donc ses répercussions sur le développement régional. En effet, si la capacité à innover dépend surtout du département Recherche
et Développement dans une entreprise, elle est aussi largement liée aux rapports humains, plus précisément aux relations entre
cadres de différentes organisations. La recherche de l’information et la mise en commun des connaissances et de l’expérience du
plus grand nombre possible de protagonistes permet à la recherche d’avancer voire d’aboutir beaucoup plus rapidement. Les
interactions caractérisant notamment la phase d’apprentissage, montrent que les membres d’une équipe sont plus productifs quand
ils travaillent ensemble plutôt que séparément. C’est généralement le rôle des Centres Régionaux d’Innovation et de Transfère de
Technologie (CRITT) que de mettre en interaction des entreprises afin d’en décupler la force d’innovation. « La permanence de
vie et de travail sur un espace organisé permet...l’apprentissage collectif grâce auquel la communication peut devenir créatrice et
déboucher sur la mise en oeuvre de projets nouveaux » (Perrin, 1986). On peut également citer Aydalot qui résume ainsi notre
propos : « L’entreprise n’est pas un agent innovateur isolé ; elle est partie du milieu qui la fait agir » (Aydalot, 1986).
Ces remarques mettant en évidence l’importance des échanges interindividuels, force est de constater que les petites
économies isolées, principalement constituées de (très) petites entreprises, n’ont d’autre possibilité que de constituer, au prix
d’efforts intenses, des réseaux de contacts et d’information personnels.
Là, l’isolement devient un véritable handicap puisqu’il va considérablement augmenter le facteur temps nécessaire à ces
rencontres, le professeur Bernard Fustier a modélisé le phénomène de la façon suivante :
La pratique des échanges inter-individuels demande du temps, nous considérons que celui-ci est pris sur le temps de loisir
du chef d’entreprise puisqu’il n’est pas une source immédiate de revenu (en opposition avec le temps consacré à l’activité normale
de la firme qui, donnant lieu, à une rémunération, doit être considéré comme temps de travail), il se déroule en dehors de son
activité « normale ». C’est en quelque sorte le « prix » à payer pour que le dirigeant d’une (très) petite entreprise soit en mesure de
réussir une innovation. Le temps de loisir qui n’est pas consacré aux échanges inter-individuels est appelé « temps de loisir pur ».
Dans ces conditions, le chef d’entreprise est amené à répartir son temps entre les trois activités mentionnées : le travail, les
échanges inter-individuels, et le loisir pur. Pour simplifier la procédure d’allocation, nous supposerons que :
_ Le temps consacré aux échanges inter-individuels est mesuré par le temps de transport nécessaire pour établir les contacts.
_ Le travail du dirigeant d’entreprise est sa seule source de revenus.
Alors, étant donné un chef d’entreprise disposant d’un budget temps global T 0, la procédure d’allocation se décompose en deux
étapes :
_Répartition de T0 entre temps de travail (TW) et temps de loisir (TL)
_Partage du temps de loisir entre temps consacré aux échanges inter-individuels (TD) et temps de loisir pur (T P).
1) Répartition du temps disponible entre travail et loisir : la démarche est classique, il suffit de considérer que le revenu Y
du dirigeant est constitué par la rémunération de son travail et que son utilité est fonction de Y et du temps de loisir T L.
La résolution du programme :
: U(Y, T )
Maximiser
sous contrainte : Y = wT
L
w
avec
w = taux de salaire et
Tw = T0 - TL
conduit à l’équilibre (Y*, TL*) indiqué sur la partie A du graphe 1.4. Le temps de travail optimal est donc égal à : Tw*=T0 - TL*
2) Répartition du temps de loisir entre échanges inter-individuels et loisir pur : cela revient à déterminer l’utilisation du
revenu optimal Y* entre d’une part, l’achat d’un bien composite dont les quantités sont notées X et d’autre part, les dépenses en
déplacements occasionnées par les interactions. On considère ici que le temps (TD) consacré aux échanges inter-individuels est une
source d’enrichissement future pour l’entreprise. Dans l’immédiat, il est désiré au même titre que la consommation du bien
composite.
Désignons par p le prix unitaire du bien composite et par c le coût du déplacement par unité de temps, la résolution du programme
:
35
: U(X,T )
Maximiser
sous contraintes : pX + cT = Y
D
D
TD  TL*
donne l’équilibre (X*,TD*) reproduit sur la partie B du graphe 1.4. Le temps optimal de loisir pur est obtenu par différence :
TP*=TL* - TD*
Y
Graphe 1.4.
wT0
A
Y*
Y*/P
X*
0
loisir
pur
X
déplace-ments T*L
Temps de
travail
T0
TL
T*D
T*L
B
Y*/C
TD
Procédure d’allocation du temps disponible.
La seconde étape de l’analyse doit être adaptée aux régions insulaires. En effet, les infrastructures (ports, aéroports)
destinées à désenclaver les régions insulaires sont considérées comme prioritaires. Compte tenu de la petite taille de ces régions, de
telles infrastructures absorbent une part relativement élevée des ressources disponibles. Peu de ressources sont donc consacrées
aux réseaux de transports internes. Ces derniers sont peu denses et de mauvaise qualité. Cette situation explique que le coût de
transport insulaire par unité de temps (noté c’) est généralement plus élevé que le coût moyen pratiqué sur le continent (noté c).
Toutes choses égales par ailleurs, c’c signifie que la contrainte budgétaire utilisée dans l’analyse du partage du temps de loisir est
plus sévère pour les régions insulaires (Graphe 1.5.). On observe que le temps consacré aux échanges inter-individuels (TD*) est
plus faible qu’auparavant. Par suite, le temps consacré au loisir pur est plus élevé en milieu insulaire. Généralisé à l’ensemble des
agents insulaires, ce résultat tend à expliquer la faiblesse des échanges inter-individuels, et partant de là, celle de la dynamique
économique insulaire.
X
Graphe 1.5.
Y*/p
0
T*D’ T*D
Y*/C’
T*L
Y*/C
TD
Modification de la contrainte budgétaire résultant d’un coût de déplacement plus important (c’>c).
Les réflexions antérieures nous amènent à croire qu’il est difficile et méthodologiquement incorrect d’identifier les divers
traits d’un système économique et de les analyser séparément pour conclure qu’aucun d’eux ne représente un handicap important à
la croissance. Dans le cas des économies petites et lointaines, c’est la présence simultanée d’une condition d’éloignement et de
petites dimensions qui constitue une contrainte effective au développement. Pour de telles économies, le problème est
apparemment insoluble. Une stratégie de développement ne peut pas se fonder sur le marché intérieur à cause de ses dimensions.
36
Mais en même temps, l’éloignement des marchés internationaux empêche ces pays de bénéficier pleinement des avantages d’une
intégration dans l’économie mondiale. C’est donc un rapport un peu schizophrénique qui caractérise la situation de ces pays envers
le commerce international. D’un côté la dimension réduite de telles économies les pousse vers une intégration majeure dans le
commerce international, de l’autre, leur éloignement peut limiter considérablement, par exemple, dans le cas des îles du Pacifique,
les bénéfices provenant du commerce international.
2. Importance de la diversification et autres spécificités.
Puisque nous venons de voir le rôle important joué par le commerce international pour les petites économies, on en déduit
l’importance de la promotion des exportations. La dépendance des économies insulaires par rapport au commerce international, en
s’ajoutant à leur dimension souvent réduite, à accentué un trait qui caractérise de nombreux pays en voie de développement : leur
manque de diversification productive et commerciale.
2.1. Diversification.
En effet, une partie majeure des exportations est constituée par un nombre très réduit de biens et services. Cette
concentration des exportations représente un véritable handicap du point de vue du développement économique. Il n’est pas
évident qu’il existe une politique meilleure, au sens dynamique du terme, pour diversifier la composition des exportations que celle
de suivre les principes de l’avantage comparatif (que nous verrons plus en détail ultérieurement). Une telle politique permet à une
économie, en employant avec le maximum d’efficacité (statique) ses ressources, d’optimiser la valeur de la production et donc,
vraisemblablement de l’épargne. Un niveau élevé d’épargne est à son tour une condition sine qua non pour accélérer le processus
de croissance de l’économie et surtout pour entraîner une modification de la dotation relative de ressources et de la capacité
d’exportation. Les recherches empiriques à ce propos semblent confirmer l’existence d’une relation positive entre l’épargne et les
exportations.
La très faible diversification des produits touristiques commercialisés sur les marchés émetteurs est la conséquence de la très forte
concentration du secteur touristique sur un petit nombre d’opérateurs qui renforce la spécialisation des îles sur le produit
traditionnel Mer-Plage-Soleil sans chercher à développer une véritable diversification. Cette diversification souhaitable, se heurte à
la difficulté de mettre en place des politiques autonomes de développement touristique basées sur des entreprises locales qui ne
maîtrisent ni les moyens de transport aérien, ni les circuits de commercialisation. Cette absence de diversification des produits
touristiques est d’autant plus grave que des études empiriques ont fait ressortir des corrélations inverses statistiquement
significatives entre le revenu national et les recettes extérieures de biens et de services, dont le tourisme. En particulier, pour les
petits pays en développement sur lesquels on dispose de données, le rapport des importations visibles au PNB est de l’ordre de
75% et, pour certains petits pays insulaires, la valeur de ces importations peut même dépasser le PNB, alors que, pour l’ensemble
des pays en développement, elle représente 25% du PNB. Il en résulte que l’obligation de trouver des recettes en devises est
indispensable pour les petits pays insulaires. D’où la nécessité d’établir de véritables stratégies de développement du tourisme
international, susceptibles d’assurer un flux régulier de recettes.
Nous avons déjà remarqué que l’éloignement d’une petite économie constitue un handicap sérieux. Il est possible de
concevoir diverses politiques qui agiraient de façon à réduire l’importance de la contrainte relative à la dimension. En cette année
de l’Euro, il serait utile à ce propos d’étudier les leçons que l’on peut tirer de la création d’unions monétaires et d’unions
commerciales entre les petites économies insulaires. Toutes deux réduisent les marges d’une politique macro-économique
indépendante, en contraignant respectivement la politique monétaire et fiscale d’un pays. Il est difficile de penser qu’une union
douanière contribuerait à un essor des échanges commerciaux entre ces pays. De telles politiques permettraient d’autre part
d’achever une plus grande stabilité des prix, des taux de change et de la compétitivité relative à l’intérieur de l’union elle-même.
2.2 Autres spécificités.
François Vellas (in Crusol, Hein, Vellas, 1988) souligne deux autres particularités visant principalement les petites îles
mais qu’il est toutefois bon de présenter brièvement à savoir, la vulnérabilité aux catastrophes naturelles et la fragilité des
écosystèmes insulaires.
La vulnérabilité des équipements touristiques aux catastrophes naturelles représente une spécificité importante pour toutes
les îles situées dans des zones tropicales et subtropicales. Dans ces zones, géographiques, les îles sont exposées aux risques
météorologiques majeurs (cyclones) et aux phénomènes telluriques (tremblements de terre et pour un grand nombre d’îles
volcaniques risque d’éruption). Or plus une île est de faible superficie, plus les conséquences des catastrophes naturelles sont
importantes. Par exemple, en septembre 1989 le cyclone Hugo a détruit la majeure partie des équipements hôteliers et touristiques
de la Guadeloupe, en mars 1982 le cyclone Isaac a été responsable de la destruction de 90% des récoltes et de 20% des habitations
de Sainte-Lucie, de même que le cyclone David qui a détruit 80% du parc immobilier de la Dominique en 1980.
Face à ces catastrophes naturelles inévitables, à moyen terme, le secteur touristique des petits pays insulaires doit intégrer
la prévention de ces phénomènes par des techniques de construction spécifiques des infrastructures hôtelières qui augmentent leur
coût, avec des répercussions sur la compétitivité des produits touristiques. Pour cela, les surcoûts qui résultent de la vulnérabilité
aux catastrophes naturelles doivent être pris en compte dans les choix de développement touristique, en relation avec l’analyse de
la concurrence internationale.
Une autre des contraintes principales du développement touristique des petites îles réside dans la fragilité des
écosystèmes. En effet, l’équilibre naturel de chaque île peut être remis en cause de façon irréversible par un développement
touristique inapproprié. Dans ce cas, les destructions de l’environnement qui résultent des aménagements touristiques peuvent
représenter une remise en cause du patrimoine naturel de l’île et de ce fait de sa qualité de destination touristique. Les travaux
37
entrepris par l’UNESCO et par le Conseil Scientifique des Iles « INSULA » depuis le début des années 70 permettent de montrer
comment le développement touristique contrôlé et adapté peut permettre de respecter les contraintes de la protection des ressources
naturelles des îles tout en favorisant des activités économiques liées au tourisme et créatrices d’emplois. En effet, il ne faut pas
sous-estimer l’impact de certaines infrastructures touristiques sur les équilibres écologiques.
Par exemple, l’approvisionnement en eau, indispensable au tourisme, présente le risque d’épuisement de la nappe d’eau
douce superposée à la nappe phréatique d’eau salée.
De même, les constructions à but touristique comme les hôtels, les logements touristiques et les autres infrastructures
conduisent à exploiter dans les petites îles les bancs de sable pour la construction et à détruire des plages souvent de manière
irréversible. En résulte, outre des conséquences écologiques désastreuses, la remise en cause du patrimoine touristique principal de
ces îles.
C’est la raison pour laquelle la Conférence mondiale sur le développement durable, organisée par l’UNESCO et INSULA,
à Lanzarote dans les îles Canaries en avril 1995, a adopté une charte pour le développement du tourisme durable qui s’applique
spécifiquement aux îles1. Ainsi, l’article 12 de la Charte stipule que :
« la situation et les besoins des zones qui sont les plus vulnérables du point de vue de l’environnement et de la culture,
comme les petites îles et les zones de montagne devraient être prioritaires dans le domaine de l’aide et de la coopération pour le
développement touristique. Simultanément, un traitement spécial doit être accordé à ces zones dans les modèles d’analyse
d’impact du développement touristique ».
Après avoir passé en revue les principales « contraintes » relatives au développement des petites économies
isolées, nous allons à présent tenter d’éclaircir le tableau en examinant les atouts dont elles disposent et que l’on nomme en
économie les dotations factorielles. « Les dotations factorielles sont déterminées par l’importance des ressources (facteurs) dont
dispose un pays pour assurer la production de l’ensemble des services de tourisme international. L’abondance relative de ces
ressources va avoir une influence décisive pour expliquer la place d’un pays dans le tourisme international ». Cette définition,
toujours empruntée à Vellas, résume bien l’intérêt de la présentation qui suit.
3. Les atouts des petites économies insulaires.
On peut présenter les avantages des économies insulaires en les divisant en deux catégories distinctes : les ressources
naturelles (relief, paysage, climat, mer, rivières, fleuves, lacs, faune, flore), et le patrimoine historique, artistique et culturel.
3.1. Les ressources naturelles.
Toute particularité d’un site quelconque peut être un atout pour le développement touristique de ce dernier puisque, nous
l’avons vu dans le premier chapitre, il existe un grand nombre de type de tourisme nécessitant différentes particularités, naturelles
en premier lieu, « artificielles » ensuite. On entend ici par artificielle les aménagements apportés par l’homme pour rendre le site,
selon le type d’activité choisi, plus attractif et donc plus compétitif, allant par exemple, du sentier pédestre à la station de ski. Sans
vouloir dévoiler trop vite l’idée de stratégie de développement présentée dans cette étude, on comprend déjà l’importance du choix
de l’implantation d’une activité plutôt qu’une autre selon les caractéristiques « intrinsèques » du terrain.
Le premier facteur naturel, le relief, fournit de nombreux exemples explicatifs de cette théorie. En effet, si l’on considère
le tourisme balnéaire, la longueur du littoral sera l’atout majeur d’une île. Ainsi, pour une même superficie, deux régions insulaires
ne disposeront pas forcément de la même « quantité » de côtes. La représentation suivante (Graphe 1.6.) montre bien que la forme
« étoilée » de la région 2 lui confère un avantage certain sur la 1 s’agissant de l’exploitation d’activités nautiques car elle dispose
d’un plus grand périmètre côtier.
Graphe 1.6.
1
2
Observation verticale.
Le même raisonnement nous permettra de dire que les courbes de niveaux plus rapprochées dans la zone 1 permettront la
mise en oeuvre d’activités sportives totalement exclues pour la seconde (trop « plate ») comme le parapente, le ski ou tout
simplement pour bien imager nos propos, la randonnée en montagne. L’observation horizontale de ces mêmes îles (Graphe 1.7.)
rend évidentes nos conclusions :
Graphe 1.7.
1
« Charter fo r sustainab le to ur ism ». W o r ld Co nference o n Sustainab le T o urism, meeting in Lanzaro te,
Canary Island s, Sp ain. 2 7 -2 8 Ap r il 1 9 9 5 .
38
1
2
Observation horizontale.
Ces représentations montrent bien que le relief est un élément « incontournable » de l’exploitation touristique d’une zone.
C’est lui qui imposera les premières orientations aux acteurs du développement de l’île. Enfin, si l’on constate heureusement que
tout type de relief permet la mise en oeuvre d’activités appropriées, on notera tout de même en conclusion que ce qui fera la plus
grande force d’une île sera justement la variété de son relief puisqu’elle pourra de ce fait mettre en place toutes les activités qui s’y
prêteront.
Inutile de s’étendre trop longuement sur la présence ou non de fleuves, rivières ou lacs que l’on aurait pu inclure, sinon
dans le relief lui-même, du moins dans le raisonnement qu’il a suscité. L’activité « pêche en eau douce » n’est exploitable que par
les zones pourvues des éléments précités.
Le climat joue aussi un rôle très important dans le choix des orientations des décideurs touristiques. Miser sur le tourisme
balnéaire implique un ensoleillement annuel conséquent. Cependant, un climat variable (sur l’année) permettra, comme la diversité
du relief, la mise en oeuvre d’une plus grande variété d’activités. On a déjà souligné l’importance de la diversité de l’offre, ainsi,
une zone pouvant offrir des activités de plage (farniente ou autre) en saison estivale ensoleillée, des rencontres sportives de voile
ou culturelles (Festival du vent) à la saison des vents, et des activités « neige » en hiver, aura un avantage certain par rapport à celle
qui ne peut exploiter l’un des créneaux cités dans l’exemple.
Outre l’atout essentiel pour une île de pouvoir diversifier au maximum son offre touristique, quand cette capacité est liée
au climat, (elle peut être, nous l’avons vu, engendrée par le relief), elle induit un second avantage majeur qui est celui de
l’étalement sur l’année des différentes activités.
En rappelant que le mot tourisme fait naître dans l’esprit du consommateur une idée de voyage, de dépaysement mais
aussi de découverte, il vient rapidement que le fait de disposer d’une faune et d’une flore particulière, peu répandue, donc
spécifique, est un avantage dans le cadre du développement touristique d’une région. Cet aspect précis donne tout son sens à la
notion de « ressources naturelles ». Il faut toutefois souligner que si cette nature est un facteur d’accroissement de la demande, elle
« devrait » impliquer dans le même temps une limitation nécessaire de l’offre.
La gestion de telles ressources doit faire l’objet de grandes réflexions destinées à maintenir l’intérêt du site. Il faudra
veiller à ce que les différentes exploitations ne les dégradent pas, ne les détruisent pas. Ce qui suppose une protection efficace de
l’équilibre écologique et donc une détermination des limites à apporter à leur développement. La sauvegarde de « la poule aux
oeufs d’or » sera d’une grande importance dans le choix de la stratégie à adopter.
3.2. Le patrimoine historique, artistique et culturel.
Ces ressources ont la particularité de motiver un déplacement à but purement touristique. De par leur caractère plus ou
moins unique, elles permettent au lieu considéré de disposer d’une situation de monopole ou quasi-monopole. Cet effet peut être lié
à des monuments, on pense notamment aux Pyramides, à l’Acropole, au Colisé et autre château de Versailles, mais aussi à des
oeuvres d’art, comme le tableau de la Joconde. Un site en lui-même peut également provoquer cet engouement, s’il est, par
exemple, chargé de faits historiques c’est le cas de lieux tels que Verdun ou les plages de Normandie. Créées par l’homme, la
plupart de ces ressources présentent l’avantage de pouvoir être renouvelées ou enrichies (musées) et de constituer des centres
d’intérêt originaux, permettant la création de produits touristiques spécifiques, très différents de ceux proposés par d’éventuels
concurrents.
3.3.Transformer les atouts en avantages.
Les différents atouts présentés jusqu’ici mettent en évidence deux points essentiels à la conception d’une stratégie de
développement touristique efficace : la prise en compte des spécificités du « terrain » d’une part, la nécessité d’une gestion stricte
et réfléchie d’autre part.
Le premier point se traduit en économie comme l’utilisation d’un avantage absolu, lié au quasi-monopole que peut
impliquer la particularité d’un lieu, impliquant ainsi la possibilité d’offrir un produit touristique unique sur le marché. En
économie, cet aspect correspond à l’analyse des fondements théoriques de l’échange international, reprenant la théorie
traditionnelle d’Adam Smith. Ce type d’avantages permet à certains pays d’être présents sur le marché international puisque se
situant en dehors des affrontements de la concurrence, leur offre devient incontournable.
De plus, les conditions de prix des produits en question deviennent très intéressantes et permettent notamment de mieux
pallier les surcoûts provenant entre autres des transports et de la déséconomie d’échelle que nous constations en début de chapitre.
Vellas et Cauet fournissent la même explication : « L’avantage absolu correspond en effet à une situation de monopole sur le
marché international. En règle générale, ce monopole provient d’un avantage technologique ou commercial, ce qui permet à
certains pays exportateurs de produits transformés ou manufacturés de disposer d’une position privilégiée et par conséquent
d’accroître les revenus de leurs exportations. Dans le domaine des services et notamment du tourisme international, cet avantage
39
absolu provient plutôt des conditions relatives aux ressources touristiques naturelles ou patrimoniales. Dans ces conditions, les
sites touristiques situés dans de nombreuses îles bénéficient de spécificités exceptionnelles qui correspondent largement à des
avantages absolus, et qui leur permettent de se différencier de la concurrence d’autres destinations touristiques » (Vellas, Cauet,
1997).
Nous reviendrons, par la suite, plus en détail sur les principales théories de l’échange international. Rappelons que l’on se
contente ici, d’analyser les phénomènes économiques liés à l’insularité et à l’isolement et leurs conséquences, afin de pouvoir
proposer, dans une seconde partie, une stratégie de développement tenant compte de toutes nos remarques et, autant que possible,
pourvue d’un ensemble de « remèdes » donc mieux adaptée au cas étudié.
Le deuxième point permettra quant à lui, s’il est bien appliqué, d’une part de se créer des avantages absolus non issus de
situations de monopole, d’autre part, de faire bénéficier à la zone de meilleurs « avantages comparatifs ».
Si un site ne jouit d’aucun monopole sur un produit qui lui serait propre, il pourra tout de même être présent sur le marché
en gérant, en exploitant au mieux (pas forcément au maximum) ses atouts. Ceci, dans l’espoir de rendre son offre plus efficiente
que celle de la concurrence. Plus efficiente non seulement en ce sens qu’elle provoquerait chez le consommateur une préférence en
cette offre qui lui apporterait une plus grande satisfaction globale que l’offre concurrente, mais aussi parce qu’elle pourrait pousser
« l’adversaire » à concentrer ces efforts sur un autre produit plus avantageux pour lui (C’est le point de départ du phénomène de
spécialisation). De cette façon, même en l’absence d’un produit spécifique (unique sur le marché), on peut obtenir un avantage
absolu sur un produit (courant) rendu plus performant.
Cependant, même si tous les efforts mis en oeuvre ne suffisent pas à rendre, aux yeux du consommateur, le produit plus
compétitif que celui du voisin, cela peut néanmoins engendrer le même effet de spécialisation. Le concurrent préférera
certainement se consacrer à l’exploitation des produits sur lesquels il dispose, comparativement, d’un meilleur avantage absolu.
D’où l’intérêt pour une zone de réduire au maximum le « désavantage absolu » du produit qu’elle peut le mieux développer au vu
de ses atouts intrinsèques, se dotant ainsi d’un meilleur avantage comparatif. On doit cette théorie à David Ricardo qui, dans le
cadre de l’économie internationale, explique que l’analyse des coûts comparatifs montre que chaque pays a intérêt à se spécialiser
dans la production de biens ou services dont le coût relatif de production est plus faible qu’à l’étranger. La comparaison des coûts
comparatifs de pays à pays permet de montrer le niveau de compétitivité. Ainsi, « de nombreuses destinations insulaires grâce
notamment à leur environnement privilégié peuvent redevenir compétitives face aux grandes destinations touristiques
traditionnelles et disposer d’un avantage comparatif » (Vellas, Cauet, 1997).
Conclusion.
Sans empiéter davantage sur la section suivante, cette analyse des principales forces et faiblesses des petites économies
isolées permet d’envisager avec plus ou moins d’optimisme un possible essor économique qui passerait essentiellement par le
secteur tourisme. Toutefois, avant de nous pencher directement sur les différents principes de développement régional proposés par
l’analyse économique, nous tenterons de mettre plus en évidence les réelles capacités mais aussi les impératifs du développement
touristique auxquels doivent faire face les milieux isolés.
40
Section 2 : Des possibilités de développement.
Nous avons déjà souligné la complexité d’une parfaite connaissance du secteur tourisme du fait de son incessante
évolution. En essayant de mieux cerner les facteurs internes comme externes, conjoncturels ou non des variations qui sévissent
dans ce domaine, nous pourrons mieux appréhender (voire anticiper) d’éventuels nouveaux changements et y adapter rapidement
différentes stratégies permettant ainsi au milieu concerné d’utiliser à son profit ces « innovations » ou d’éviter les impasses qui
pourraient en découler.
Quelques règles et contraintes (économiques, sociales et environnementales) à respecter doivent également faire l’objet d’une
étude approfondie si l’on ne veut pas risquer d’être pris au dépourvu devant des erreurs de jugements qu’il ne serait pas aisé de
corriger après coup.
1. Un secteur qui évolue.
C’est une grande quantité de facteurs influant sur la demande mais aussi sur l’offre qui peut faire varier les performances
ou contre-performances du secteur tourisme. Ces facteurs externes comme internes à l’activité tourisme s’expliquent toujours de
manière plus ou moins évidentes.
1.1. Des facteurs externes.
Ces variations peuvent être tantôt ponctuelles, tantôt étalées sur de plus longues périodes selon les effets qui les
produisent. On a pu ainsi constater au cours de l’été 1990 une baisse de la demande vers certaines régions littorales et insulaires
avec des creux allant jusqu’à -20%. Cette baisse ne semblait pas provenir uniquement de circonstances conjoncturelles, mais
également d’une grande transformation des habitudes de loisirs et de tourisme. Le souhait de trouver une destination où le tourisme
est bien intégré à l’environnement semble être devenu une exigence de la part du consommateur et donc un impératif pour toute
politique de développement de ce type. Ceci constitue un véritable « challenge » pour les petites économies insulaires compte tenu
de l’exiguïté de leur territoire et parfois justement de leur difficulté à résoudre les problèmes de protection d’environnement et
d’aménagement en général. C’est pourtant l’une des conditions sine qua non au maintien d’une relative compétitivité au niveau
international.
On constate actuellement un déclin de la fréquentation et donc des recettes pour les régions du Sud de l’Europe et
notamment pour certaines régions insulaires telles que les îles Baléares et Canaries. Cette chute pourrait être moins ponctuelle que
le phénomène de 1990 comme les « crises » liées à la croissance économique (qui détermine pour une large part l’emploi et les
revenus), les taux de changes (qui déterminent l’évolution du pouvoir d’achat des résidents et non-résidents), et la répartition (qui
détermine l’évolution du pouvoir d’achat des consommateurs). Ce sont là les principaux facteurs susceptibles de faire varier la
demande sur une longue période.
1.1.1. Influence de la croissance économique.
Ainsi, entre 1950 et 1975 on a vu une croissance très rapide des économies des pays occidentaux (+5% par an) et
également une croissance très rapide du tourisme international (+6% par an). Malgré cela, certaines régions insulaires n’ont pu
profiter dans les mêmes proportions de cette croissance à cause entre autres d’une insuffisance d’infrastructures de transport ; ce
fut le cas pour les îles du Pacifique Sud, de l’océan Indien et de certaines îles de la Caraïbe. Par contre, la chute des taux de
croissance entre 1975 et 1995 (2% par an) et même les années de récession 1975-1981 et 1992-1993 dans plusieurs pays de
l’OCDE ont engendré une stagnation du tourisme international notamment en 1983 et 1991. De nombreuses destinations insulaires
ont été particulièrement touchées par cette diminution du taux de croissance économique dans les principaux pays émetteurs de
touristes internationaux, ce fut le cas pour les îles de la Méditerranée et de la Caraïbe. On comprend aisément que même la simple
stagnation d’une croissance faible aura des effets négatifs sur la demande ne serait-ce qu’en impliquant une insuffisance de
créations d’emplois et donc une montée ou le maintien à un niveau élevé du chômage.
1.1.2. Les taux de changes.
L’influence des taux de changes sur le secteur tourisme est tout aussi évident. La période de stabilité de ces taux
correspondait à une progression continue des dépenses touristiques dans les principaux pays avant 1976 et l’instauration officielle
du système monétaire international des taux de changes flottants. Les taux n’étant plus soumis aux seules décisions des
gouvernements mais résultant du fonctionnement du marché des changes, vont subir des variations plus importantes et plus
fréquentes. Les régions insulaires dont la monnaie est rattachée à celle de grandes zones monétaires, principalement aux monnaies
européennes et au dollar américain, seront donc dépendantes de ces fluctuations. La venue de l’Euro aura sans doute pour effet de
limiter ces fluctuations (?).
1.1.3. La répartition du PNB.
Enfin, « les politiques de répartition du Produit National Brut ne paraissent pas actuellement favoriser la croissance du
tourisme international » (Vellas, 1992).
En effet, la priorité retenue par les gouvernements est la compétitivité internationale avec comme préocupation principale,
le souci de l’adaptation de l’appareil productif. Ce qui signifie une plus forte progression des investissements et de la productivité
aux dépens de la consommation et donc des loisirs. Par conséquent, l’une des données de base concernant l’avenir proche du
marché international du tourisme est que, sauf renversement imprévisible de tendance, il ne faut pas s’attendre à une nouvelle
progression du tourisme de masse qui résulterait d’une redistribution du pouvoir d’achat au profit des ménages ; mais plutôt à une
41
grande sélectivité de la demande touristique qui résulte, pour les consommateurs, de la nécessité d’effectuer des choix budgétaires
y compris dans leurs dépenses touristiques.
Ces trois principales variables macro-économiques externes au secteur tourisme ont surtout des effets sur la demande,
effets qui ne sont pas directement liés à celle-ci. Mais, il arrive également que cette demande évolue et provoque elle-même une
évolution du secteur tourisme du fait de l’obligation qu’a l’offre de s’adapter au mieux aux nouvelles orientations.
1.2. Facteurs internes d’évolution du secteur tourisme.
Ces facteurs émanant donc directement d’une évolution spécifique du tourisme ou directement de la demande touristique
ont des effets souvent plus favorables à la croissance du tourisme insulaire. Trois d’entre eux sont souvent montrés en exemple par
les auteurs d’ouvrages relatifs à l’économie du tourisme, il s’agit de :
_ L’allongement de la durée des périodes de vacances.
_ La fragmentation des séjours de vacances.
_ La déréglementation des transports aériens.
L’allongement de la durée des périodes de vacances est un facteur évidemment favorable au développement du tourisme.
Les années 80 ont largement contribué à sa mise en place notamment à travers une augmentation considérable, dans de nombreux
pays comme la France, de la durée des congés payés ou encore grâce à l’adoption de la cinquième semaine ou encore au Japon,
avec l’obligation pour de nombreux employés de prendre réellement les vacances auxquelles ils ont droit. Ces effets ont été très
favorables aux destinations insulaires, notamment dans les régions tropicales, puisqu’ils ont provoqué un accroissement du nombre
de séjours hors saison.
La fragmentation des séjours de vacances est liée à l’allongement de la durée des périodes de vacances. Un salarié peut
aujourd’hui bénéficier, en comptant les jours fériés, d’une période de vacances allant jusqu’à huit semaines dans l’année. Il est
souvent difficile voire impossible pour un employeur de se passer d’un élément de son entreprise pendant une telle durée. De plus,
le salarié préfère souvent profiter tout au long de l’année de ce repos, soit parce qu’il lui permet une coupure dans sa vie
quotidienne, sorte de rupture avec l’habituel « métro-boulot-dodo », matérialisée par un départ vers un autre train de vie ; soit pour
permettre aux enfants de voir d’autres modes de vie (la vie à la campagne par exemple), ce qui implique de faire coïncider
plusieurs séjours avec les repos scolaires.
Une autre explication consiste à dire que le salarié souhaite effectuer des séjours avec des thèmes et des objectifs
différents ; un repos complet, qui permet souvent d’effacer le stress de la vie quotidienne, la pratique de sports divers, impliquant
généralement un séjour plus long ; le contact avec d’autres réalités culturelles, le séjour étant alors d’abord perçu comme la visite
de lieux nouveaux et inconnus. Cela implique donc une large diversification des destinations choisies par le vacancier. Les milieux
insulaires auront donc intérêt à proposer un plus grand nombre de produits, correspondant aux différentes attentes des
consommateurs, et proposables sur les différentes périodes de l’année.
La déréglementation des transports aériens avec l’abaissement des prix qu’elle provoque, influence également très
favorablement la demande touristique, notamment en rendant concurrentielles les destinations touristiques éloignées, face aux
vacances traditionnelles de proximité. C’est ainsi que, par exemple, pendant l’hiver, les plages des îles de la Caraïbe concurrencent
de plus en plus les sports d’hiver tant en Europe qu’aux Etats-Unis.
Ces multiples évolutions doivent être prises en compte par les décideurs. Les professionnels du tourisme vont devoir
s’adapter non seulement aux variations conjoncturelles mais également aux changements de moeurs d’une clientèle de plus en plus
désireuse de vivre ses vacances comme elle l’entend. C’est selon Gilbert Trigano « le passage d’un tourisme de la civilisation de
l’avoir à la civilisation de l’être ».
Nombre d’éléments déjà mis en évidence dans cette étude montrent que les petites économies insulaires disposent
d’atouts, comme la diversité des offres possibles, susceptibles de faciliter cette adaptation. « Ces nouvelles
technologies...(d’adaptation de l’offre à la demande par l’innovation)...sont désormais accessibles aux îles, encore faut-il qu’il y
ait une volonté politique suffisante et une prise de conscience pour permettre une large diffusion dans l’offre touristique » (Vellas,
1992).
1.3. Des innovations.
Les innovations doivent intervenir dans plusieurs domaines puisque, nous l’avons suffisamment détaillé, le produit
touristique est en fait une combinaison des « sous-produits » le constituant. Elles doivent répondre au mieux aux influences
conjoncturelles sur la clientèle (durée plus longue, plus fragmentée et solvabilité plus faible), mais aussi aux souhaits de cette
clientèle devenue plus exigeante. Les îles, pour jouir de l’atout diversité dont elles disposent en matière de patrimoine historique,
culturel, artistique et autres richesses naturelles, devront mettre en place une stratégie de valorisation systématique de ces
avantages comparatifs en créant des produits spécifiques correspondant aux tendances en vogue, tourisme d’environnement,
d’affaires, culturel, du troisième âge, de santé remise en forme et de week-end ou courte durée. Outre l’activité touristique
proprement dite, un remaniement de ses deux éléments de base que sont le transport et l’hébergement s’impose.
En matière d’hébergement, les facteurs externes et internes vus précédemment amènent de plus en plus le visiteur à
chercher un lieu de résidence relativement peu onéreux (en fonction de la conjoncture) et où divers services seront facilement et
rapidement accessibles, comme une restauration rapide par exemple (cette fois, du fait de la fragmentation des séjours plus courts).
Face à ce type de demande, de nombreuses chaînes hôtelières se sont développées en particulier aux Etats-Unis (Hampton Inn, La
Quinta ou Fairfield Inn créé par Marriot) et en Europe, notamment en France avec les chaînes deux étoiles Ibis, Campanile, Climat
de France et autres. Ces nouveaux produits hôteliers permettent d’allier compétitivité des prix et confort, avec également une forte
hausse de la productivité obtenue par une diminution des surfaces utilisées et une réduction significative des coûts en travail. En
42
résulte une augmentation de la rentabilité, l’adéquation recherchée de l’offre à la demande, et une forte progression de ces hôtels
au détriment de l’hôtellerie traditionnelle qui doit supporter des coûts élevés.
Toutefois, cette innovation correspond seulement à l’un des aspects de l’évolution de la demande qui est fortement lié aux
changements indépendants de sa volonté. Cependant, les exigences issues directement de la clientèle peuvent présenter un aspect
beaucoup plus qualitatif ; au cours d’un séjour « découverte », rencontre d’une autre culture, la volonté de s’intégrer au maximum
aux traditions en vigueur sur le site amènera le visiteur à choisir un hébergement justement « traditionnel » dans le sens culturel du
terme. Les îles bénéficient largement de cet effet, les gîtes ruraux, séjours chez l’habitant et locations de villas, ou autres
habitations typiques y sont donc très bien côtés, même si la montée du « tout organisé » les touche aussi, notamment à travers les
réservations importantes en villages de vacances.
Les transports, principalement aériens, peuvent également jouer un rôle essentiel dans l’adaptation du tourisme dans les
îles. La mise en service commercial depuis le début de l’année 1993 des nouveaux avions Airbus A340, puis des Airbus A330 et
des Boeing 777, va permettre de moduler l’offre touristique et de l’adapter à la demande. En effet, ces nouveaux avions présentent
un intérêt tout particulier pour le développement touristique des îles du fait de leur moindre capacité 200 à 300 passagers, de leur
très long rayon d’action (plus de 12.000 Km) et des économies qu’ils représentent.
Au vu de tous ces éléments, on doit constater que rien ne semble s’opposer à une stratégie de développement durable d’un
tourisme de qualité, recherché et appréciable par le visiteur, dans les petites économies insulaires. Si ce n’est que ce tourisme doit
être à son tour adapté aux spécificités des îles, que nous avons largement exposées dans la première section. Le respect de ces
particularités doit être pour les acteurs du tourisme, un objectif principal, une condition sine qua non au succès et à la longévité de
toute opération de développement touristique.
2. Maximiser sous contraintes.
Une politique de développement durable du tourisme en territoire insulaire peut être comparée, en mathématiques, à une
fonction bornée. Si l’étude (et la prise en compte) des particularités du milieu, favorables ou restrictives, présentées jusqu’ici est
une condition « minimum » pour envisager un développement soutenable, il existe aussi une sorte de limite supérieure « optimum »
à ne pas franchir. Des contraintes une nouvelle fois liées à l’exiguïté du territoire, à son isolement, et souvent à une faible
population, doivent intervenir dans la construction du « modèle » sous peine de provoquer des effets négatifs, supérieurs aux effets
positifs, souvent irréversibles par leurs conséquences sur l’environnement, par leurs effets sur les moeurs, la vie des populations
insulaires, leur bien être physique, mental et social. Un développement touristique anarchique risque fortement de conduire la
population locale à un rejet de toute forme de tourisme. Il faudra maximiser le modèle en favorisant les effets multiplicateurs des
dépenses touristiques sur l’économie intérieure, sous contrainte d’assurer le respect de l’environnement naturel, culturel, sanitaire
et humain.
L’activité touristique ne doit engendrer ni bouleversement ni détérioration des écosystèmes dont l’équilibre est
particulièrement fragile en milieu insulaire. La Charte du Tourisme Durable d’avril 1995 le remarque : « le tourisme durable
implique son intégration dans l’environnement naturel, culturel et humain ; il doit respecter les fragiles équilibres qui
caractérisent la plupart des destinations et il doit considérer l’influence de l’activité touristique sur l’ensemble des ressources
naturelles, sur la bio-diversité et sur les capacités d’assimilation de chaque impact et nuisance qui sont produits ».
Si une bonne politique de développement touristique peut, nous l’avons souligné, permettre à de petites économies isolées
de bien se situer au niveau international notamment du fait des avantages comparatifs, cela ne se fera que si cette politique est
d’abord acceptée par le milieu. Pour cela, elle devra être bénéfique au milieu en question par des retombées directes sur
l’économie locale. Aussi bien en termes d’emplois, non seulement dans le secteur tourisme mais aussi sur l’ensemble des activités
qui pourraient jouer un rôle de fournisseur, et enfin en termes de mise en valeur du patrimoine culturel, historique et naturel du site.
Ces remarques nous amènent à évaluer les limites à atteindre (sans les franchir) dans les domaines économique, social et
environnemental. Vellas (in Vellas, Cauet, 1997) propose un schéma d’analyse sur ces trois domaines :
Economique
Spécificité insulaire
Social
Seuil de Saturation
Environnemental
Ecosystème insulaire

Global et effet
sur l’emploi

Intégration, maintenir la
qualité et Intéressement

Taux d’activité
touristique

Transport aérien
études économiques

Enquêtes

Ecologie
études spécifiques
2.1. Contraintes économiques.
43
Une bonne gestion de la fréquentation touristique aura pour objet de favoriser une affluence assez importante de visiteurs
tout en sachant se limiter aux capacités d’accueil de l’île et permettant de jauger les rapports entre ces visiteurs et les résidents.
L’un des objectifs principaux restant bien évidemment l’entrée de devises extérieures, il faudra là encore « optimaliser les flux » en
réinjectant au maximum ces recettes dans l’économie locale. Les secteurs production agricole, pêche, industrie alimentaire,
industrie du bâtiment et des travaux publics, les transports, services touristiques, artisanat et productions traditionnelles doivent
participer activement à l’essor de la région pour se sentir concernés, être conscients de l’intérêt à porter à la politique menée et
travailler (volontairement) dans son sens.
Trop souvent, les effets positifs du tourisme sont trop limités, les devises fournies ne provoquent pas un essor suffisant des
secteurs productifs résidents mais sont utilisés dans une proportion très élevée pour financer l’importation de produits destinés à la
consommation touristique.
2.1.1. Le rôle du produit.
Ce choix est lié aux difficultés rencontrées par les petites économies à concurrencer le marché international, c’est
pourquoi les stratégies de créations de produits débouchant sur un avantage comparatif doivent être présentes dans tous les
secteurs. Tous les acteurs devront attacher une importance capitale d’une part, à la différenciation de leurs produits face au marché
pour obtenir un éventuel avantage absolu (si le produit est complètement spécifique) et, nous l’avons remarqué, la demande est de
plus en plus friande de nouveaux produits, aventure, découverte de l’environnement, culture, histoire et autres.
D’autre part, la spécialisation dans les produits pour lesquels la zone à une prédisposition de par ses particularités
intrinsèques lui permettra d’accroître son avantage comparatif dans ce domaine et peut être de renforcer son image de destination
touristique. Toutefois, la spécialisation dans un produit de prédilection peut comporter un piège, celui d’un développement trop
sélectif, fonction des aspirations de la demande qui pourraient bien être passagères. Sachant que la demande évolue, il est vital de
pouvoir jouer sur plusieurs tableaux, entendons en ce sens qu’il faut savoir diversifier son offre afin de ne pas dépendre d’une seule
demande, d’un seul marché.
De plus, cette diversification de l’offre permet parfois de fidéliser la clientèle au lieu du séjour. En effet, même si le
consommateur désire pratiquer une autre activité ou carrément un autre type de tourisme, il peut choisir d’effectuer son séjour au
même endroit que la fois précédente où il a ses habitudes, ses rapports devenus liens avec la population locale, ses repères, ceci à
condition que le site propose cet autre type de vacances qu’il recherche.
D’autres méthodes permettent également une bonne fidélisation de la demande, des activités directement liées au nom du
lieu de villégiature, on pense bien sûr dans un premier temps au festival de Cannes ou au carnaval de Nice, mais certaines festivités
bien moins connues au niveau national suscitent autant d’enthousiasme et d’impatience chez leurs participants ; le festival du vent
de Calvi en Corse est un rendez-vous annuel dont la fréquentation ne cesse de croître d’une édition à l’autre.
Ce type d’attraction n’a pas pour objet principal de faire venir plus de monde, la promotion de tels événements serait trop
coûteuse au niveau international et parfois même au niveau national ; il s’agit exactement de fidéliser le touriste en le faisant
participer à une sorte d’anniversaire du site et si la fréquentation augmente tout de même, cela est plus souvent dû à un effet de
bouche à oreille qu’à une véritable démarche mercatique.
Une démarche mercatique de promotion doit exister mais il est préférable, pour des problèmes de rentabilité évidents,
qu’elle concerne toute l’île, vantant toutes ses qualités et offres d’un bloc.
2.1.2. Politique commerciale.
La desserte aérienne est un enjeu primordial pour la bonne marche de la fréquentation touristique en milieu insulaire.
S’adapter au phénomène saisonnier représente souvent un gros effort pour les compagnies aériennes. Si la fréquentation estivale,
notamment pour les îles méditerranéennes, est une manne certaine pour ces compagnies, les îles sont souvent contraintes de
négocier des arrangements afin d’assurer leur desserte hors saison, au moment où la rentabilité est moins assurée. Les accords
impliquent un travail d’adaptation du transport au flux variable de visiteurs et de résidents selon la période. Seules de grandes
entreprises présentes sur plusieurs marchés peuvent réaliser de telles concessions. Toutefois, on voit parfois une coordination
régionale assurant un trafic aérien inter-îles. C’est le cas dans la Caraïbe où, seules certaines îles pouvant se doter d’aéroports intercontinentaux ; le trafic y est concentré et un réseau de transport plus adapté (moins coûteux) assure le transit intra-régional.
D’autres négociations sont nécessaires. La politique commerciale menée par les Tours Opérateurs doit coïncider avec les
contraintes et priorités retenues par la politique de développement économique du pays insulaire concerné. Des contrats doivent
être passés entre ces professionnels du tourisme international et les entreprises ou prestataires de services locaux afin de les faire
participer aux difficultés induites par l’insularité à hauteur des avantages qu’ils tirent de ces mêmes spécificités.
Des accords sont également envisageables directement entre pays émetteurs et récepteurs de touristes, pour favoriser le
développement de flux touristiques dans l’intérêt réciproque des deux parties. Par exemple, « le pays d’accueil achète des
équipements touristiques et des services fournis par le pays émetteur, achats dont il peut effectuer les paiements fiscaux grâce aux
devises apportées par les touristes provenant du pays émetteur qui prend les mesures appropriées pour en favoriser la
croissance » (Crusol, Hein, Vellas, 1988) se chargeant de la promotion sur l’ensemble de son territoire. Le circuit ainsi créé peut
être représenté comme suit :
44
Biens d’équipement
Pays
insulaires
TO
Pays
industriels
Services touristiques
S’agissant de la promotion, la difficulté rencontrée par les pays insulaires pour prospecter les marchés émetteurs peut être
réduite par des actions de collaboration avec d’autres îles ou régions voisines, même si cela se fait par l’intermédiaire de Tours
Opérateurs ou par contrat avec les pays émetteurs. Il existe, par ailleurs, une nouvelle formule de promotion qui est en quelque
sorte intégrée au produit. Ainsi, grâce à la franchise hôtelière, certains hôtels peuvent être reliés à des chaînes internationales où
promotion, publicité sont réalisées à l’échelle mondiale et les réservations sont centralisées au niveau international.
Ce type d’équipement représente un investissement intéressant puisqu’il correspond aux attentes du consommateur, il tient
compte de l’évolution de la demande que nous évoquions précédemment, alliant qualité de confort et prix avantageux. « La
capacité plus réduite de chaque unité de ces nouvelles chaînes hôtelières et le système de la franchise permettent de réaliser une
meilleure intégration des équipements hôteliers au milieu naturel et humain des petits pays insulaires. L’investissement est à la
portée des investisseurs locaux et les réalisations architecturales sont plus adaptées aux sites qui doivent être respectés » (Vellas,
Cauet, 1997).
2.1.3. Participation par l’emploi.
Les retombés économiques nécessaires à l’adhésion de la population au projet de développement ne résident pas
uniquement dans la réinjection des devises extérieures dans l’économie locale. Une politique favorisant la participation directe de
la communauté notamment par l’emploi va avoir des effets plus visibles et donc nettement plus convaincants pour une prise de
conscience des avantages induits par le développement touristique pour les insulaires. Cependant, il faut garder à l’esprit que le
produit touristique ne se fabrique pas comme un accessoire quelconque, il est, rappelons-le, constitué d’une pluralité de services
qui pour être performants doivent donner entière satisfaction au client.
La majeure partie des métiers du tourisme implique un rapport direct avec le consommateur, c’est le cas des hôtesses
d’accueil, hôteliers, restaurateurs et autre guide. L’absence ou la mauvaise formation de ces représentants du tourisme aurait des
effets directs sur la clientèle et des conséquences graves puisque cela causerait préjudice au produit final dans son ensemble. Un
séjour qualifié d’excellent grâce à la qualité de l’accueil et des rapports humains obtenus sur le lieu de villégiature peut être gâché
par une attente, évidemment ressentie comme interminable, provoquée par un retard dans le transport et bien sûr, une formidable
organisation liée au parfait « timing » des transports serait vite effacée par le souvenir du mauvais caractère d’un garçon d’hôtel.
Malheureusement, cette formation nécessite des moyens coûteux et difficilement supportables pour les petites économies
isolées même si l’investissement est, comme nous venons de le montrer, incontournable. La solution passe par une première étape
d’évaluation des besoins en formation et du suivi de la mise en place de ces formations. Les principaux auteurs dans ce domaine
distinguent quatre phases nécessaires à la mise en place de ces formations afin de les adapter au mieux aux objectifs du
développement.
Il s’agira, dans un premier temps d’évaluer les structures de formation déjà existantes et de les confronter avec les
objectifs fixés. Il faudra tenir compte de toutes les formations ayant un lien avec un secteur influent du tourisme, transport,
hébergement, restauration mais aussi toutes les activités visant la clientèle touristique. Quant aux objectifs, ils devront être mesurés
aussi bien quantitativement que qualitativement.
La deuxième phase consiste à déterminer les besoins d’emplois et de formation toujours en fonction des objectifs à
atteindre. Cette opération conduira le chercheur à effectuer : _Une classification des métiers en filières, _Une évaluation des
niveaux de qualification nécessaires, _Une estimation des besoins de formation par métier et par année. C’est sans doute cette
étape qui, si elle est réalisée avec assez de précision, permettra une économie financière en milieu insulaire puisque dans ces zones,
les besoins de formation par catégorie de métier sont plus limités.
On pourra alors proposer une stratégie globale de formation basée sur le principe de l’adéquation formation/emplois avec
deux axes :
_ Formation initiale.
_ Formation continue.
La continuité de la formation est indispensable. L’étude de l’évolution du secteur tourisme dans la section précédente, montre que
la main d’oeuvre doit être en perpétuelle adaptation avec les nouveaux produits ou systèmes technologiques innovants pour rester
compétitive.
Enfin, la création des filières de formation qu’il convient d’utiliser pourra intervenir, non sans la mise en place d’un
système de contrôle permettant de les corriger et surtout de les réorienter au fil des évolutions précitées. Notons que cette constante
malléabilité du système de formation aura également pour objet de gérer les entrées et sorties en fonction des besoins du marché
régional de l’emploi afin d’éviter d’éventuelles carences ou saturations dans une ou plusieurs branches. Le schéma suivant est
donné dans l’ouvrage de Vellas et Cauet (1997).
Schéma de présentation de la méthode
45
Analyse de l’exist ant
des format ions
Object ifs de développement
t ourist ique (Offre et Demande)


Dét erminat ion des besoins d’emplois (exist ant s et nouveaux)

Evaluat ion des besoins de format ion

Adéquat ion format ion/emploi Niveaux de qualificat ion nécessaires

Format ions init iales
Format ions cont inues

Mise en place des format ions ; Adapt at ion permanent e
des format ions aux besoins du sect eur t ourist ique
2.2. Contraintes sociales, environnementales.
L’aspect social est trop souvent négligé par les promoteurs, les politiques, et autres acteurs du développement touristique.
Cet oubli peut avoir des conséquences gravissimes. Il peut en effet conduire à un rejet en bloc de toute forme de tourisme par la
population locale. Il est donc essentiel de prendre en considération les aspirations des résidents.
2.2.1. Prise en compte des valeurs culturelles.
L’approbation ou tout du moins l’acceptation par les gens du milieu récepteur, d’un développement économique basé sur
le tourisme est, s’il ne devait y en avoir qu’une, La condition première à son éventuelle réussite, surtout en milieu insulaire où une
population peu dense, souvent très soudée, se reconnaît principalement à travers son territoire, son histoire, sa langue, en un mot,
sa culture. La stratégie devra donc passer par un objectif de mise en valeur de ces valeurs chères aux autochtones, patrimoine
culturel, historique, naturel.
Pour répondre à cette attente, il suffit dans un premier temps de ne pas considérer ce phénomène d’attachement comme
une « contrainte » au sens quelque peu péjoratif du terme (contraignant) mais au contraire de profiter de cette force de caractère du
résident, de sa volonté de défendre sa culture, mais aussi de la faire partager, de la faire connaître et parfois reconnaître.
Rappelons-le une fois de plus, la demande est de plus en plus friande de « rencontre avec l’autre », de dépaysement, de découverte,
or tous les éléments constituant le tourisme culturel seront largement amplifiés s’ils sont présentés par leurs acteurs d’origine. Ce
n’est qu’en respectant les moeurs de la région que l’on obtiendra non seulement l’accord de la population locale mais aussi sa
volonté, voire sa fierté d’y participer avec enthousiasme.
Il faut bien prendre conscience que la crainte du pays récepteur ne réside pas uniquement dans le risque de dégradation de
son environnement naturel par une affluence importante de visiteurs. Il s’agit également d’une peur légitime d’un probable nonrespect de son environnement social et culturel. L’adaptation de l’étranger à son pays d’accueil doit être implicite, il est essentiel
d’assurer aux résidents de pouvoir conserver leurs habitudes de vie et plus généralement les échelles de valeur auxquelles ils sont
attachés. On donne souvent en exemple les problèmes que pose pour une population musulmane traditionaliste, l’arrivée de
touristes ayant un comportement de nudisme partiel ou intégral. L’intégration, dans un plan de développement, de zones délimitées
où la liberté des comportements extérieurs peut se dérouler sans poser ce type de problème serait, par exemple, une mesure
appropriée allant dans le sens du respect, auquel la population locale à droit, de ses valeurs traditionnelles.
Notons enfin dans un domaine quelque peu différent, qu’une politique de respect de l’environnement sanitaire est
nécessaire pour préserver la santé des populations locales et protéger celle des touristes étrangers. A ces fins, les recommandations
de l’OMS (traitement des eaux usées, hygiène du milieu, organisation appropriée des services de santé) doivent être prises en
compte, adaptées aux besoins du pays d’accueil et bien sûr mises en oeuvre. Il est à noter que la réalisation de ces
recommandations contribue, non seulement à maintenir, mais aussi à élever le niveau de santé des populations locales.
2.2.2. Protection de l’environnement naturel.
Dans la mise en place d’une stratégie globale de développement, la protection de l’environnement ne doit pas constituer
un obstacle et un facteur d’immobilisme, au contraire : « La protection efficace de l’environnement doit pouvoir être intégrée à
une stratégie dynamique de développement, permettant d’utiliser le tourisme comme un facteur nouveau de revalorisation de
l’environnement. Dans ce cas, il n’y a plus conflit entre développement touristique et protection de l’environnement, mais au
contraire une nouvelle synergie, l’activité touristique permettant de financer des programmes en faveur de l’environnement, tel
que le traitement des eaux et des déchets » (Vellas, Cauet, 1997).
Les îles sont beaucoup plus exposées aux dégradations que pourrait provoquer un tourisme de masse mal contrôlé, la
fragilité particulière de leur écosystème, liée à leur isolement géographique, les rendant très vulnérables sur le plan écologique. La
multiplication par deux, voire trois en pleine saison, de la population dans certaines îles méditerranéennes comme la Corse,
représente une réelle menace pour leur équilibre écologique si des aménagements adéquats ne sont pas envisagés dans la politique
de développement touristique. Une augmentation brutale des implantations d’infrastructures hôtelières le long du littoral, si elle
46
n’est pas accompagnée de mesures comme la mise en place de stations d’épuration ou autre système de traitement des eaux usées,
peut avoir des conséquences très graves. Conséquences à la fois d’ordre purement écologique, notamment dans le cas précédent
par des effets néfastes évidents sur le milieu marin, mais aussi d’ordre sanitaire de par les risques encourus de rendre la matière
première du tourisme balnéaire (la mer) insalubre et donc dangereuse pour les baigneurs.
On comprend l’impérieuse nécessité d’effectuer des recherches sérieuses et poussées afin d’évaluer dans un premier temps
les incidences sur l’écosystème de nouvelles infrastructures éventuellement prévues dans une stratégie de développement, ensuite
la capacité du milieu à intégrer ces changements. Les conclusions de cette étude permettront, de limiter les implantations prévues
avant qu’elles n’aboutissent à d’irréversibles bouleversements ou, de façon plus souhaitable, de mettre au point dans le même
temps les outils d’accompagnement qui faciliteront l’adaptation des innovations au milieu.
De plus, de nouveau par souci de respect vis à vis des résidents, l’utilisation du littoral par les promoteurs et
professionnels du tourisme ne doit pas conduire à une exclusion des insulaires de leur propre patrimoine. Par exemple, prévoir des
chemins assurant un accès facile des habitants aux plages bordant un Village de Vacances Famille est une mesure nécessaire, sous
peine d’aboutir inéluctablement à un sentiment de spoliation et, de manière induite, à un rejet du projet de la part des résidents.
C’est un véritable dialogue qui doit s’instaurer entre les acteurs du développement touristique désireux d’exploiter au maximum les
richesses naturelles du site et les insulaires soucieux de préserver leur patrimoine naturel. Des négociations prenant en compte les
aspirations et intérêts de chacun aboutiront toujours à une meilleure organisation du territoire convoité.
Les revendications des autochtones tendent bien souvent, de manière indirecte, à favoriser un tourisme durable. En effet,
l’obtention d’un parc naturel ou de la classification de certains sites va avoir un effet positif sur le tourisme puisqu’il permettra en
quelque sorte de sauver la « poule aux oeufs d’or » des entrepreneurs du tourisme qui verraient dans le cas contraire l’attraction
naturelle du site diminuer à mesure que les implantations « industrielles » s’accroissent. Les professionnels en sont conscients, ils
sont aussi des gestionnaires, c’est ce qui rend de telles négociations tout à fait réalisables et productives pour les parties en
présence. Ajoutons que le site classé ou le parc naturel serait de ce fait non seulement protégé, mais également entretenu, aménagé
et donc revalorisé.
Conclusion.
Citons une nouvelle fois Vellas dont les propos viennent en une phrase conclure remarquablement cette section :
« Rendre compatible le développement d’un tourisme international favorable à l’économie des pays insulaires, avec la
protection effective de l’environnement, est le but principal des politiques touristiques qui doivent, pour y parvenir, recourir à des
moyens spécifiques en raison de la spécificité des problèmes qui se posent aux pays insulaires » (Crusol, Hein, Vellas, 1997).
Nous tenterons dans la section suivante, à partir de l’étude de plusieurs théories de développement, de proposer une politique
d’organisation de l’économie des milieux isolés suceptible de répondre aux conditions contenues dans cette dernière reflexion.
47
Section 3 : Eléments d’économie régionale.
Les apports des sciences économiques en matière de développement économique sont vastes et multiples, la plupart du
temps, ces théories ont pour objectif de pallier une difficulté ou à un phénomène particulier engendré tantôt par le marché de
l’offre et de la demande directement, tantôt par une volonté précise de mettre en place une stratégie politique budgétaire,
d’échanges internationaux, sociale, ou autre objectif bien défini. Ainsi, de nombreux économistes se sont penchés sur certains
aspects propres aux économies insulaires, au développement touristique, ou encore aux échanges et autres formes de coopération.
Ce sont quelques unes de ces théories économiques élaborées à des fins spécifiques que nous allons présenter dans cette
section afin d’y puiser les éléments et principes susceptibles d’apporter des solutions aux problèmes ou simples particularités mises
en évidence jusqu’ici, particularités concernant donc la mise en oeuvre d’une stratégie de développement touristique insulaire.
Insistons sur le fait que seul le raisonnement, l’idée générale, les principes fondamentaux, exposés dans les différentes
théories à suivre, nous amèneront à réfléchir sur une éventuelle application au niveau insulaire. Nous ne nous attarderons pas, par
exemple, concernant les théories de développement régional, sur la question de définition d’une « région ». Que le chercheur ait
considéré une « région polarisée », « région homogène » ou « région plan », cela importera peu du moment que son étude et ses
conclusions seront utiles à notre recherche d’un développement durable du tourisme en « milieu » insulaire. Ainsi, si l’on devait
par la suite employer le terme de « région », c’est à la définition la plus générale (et la moins restrictive) que nous ferions allusion :
« Parler d’économie régionale revient à admettre que des entités spatiales infra-nationales forment la base d’une
analyse nouvelle des processus économiques : c’est estimer à la fois que les hommes et les formes d’organisation groupés sur un
territoire restreint possèdent une logique et/ou des intérêts propres, et que certains phénomènes économiques prennent corps dans
un cadre territorial infra-nationnal. Il y a donc là un retournement de perspectives par rapport à l’orthodoxie néoclassique qui
n’observe que des agents et des points d’un territoire, et ne conçoit pas qu’ils puissent se coaguler en unités mésoéconomiques baptisées régions » (Aydalot, 1985).
1. La théorie de la base.
La théorie de la base ou base exportatrice (export base) est celle qui depuis le début des années 1950 a inspiré le plus de
travaux. Elle fut présentée par Homer Hoyt dès avant la dernière guerre. Hoyt part du principe que « seul les ensembles
économiques de grande dimension tels que les grandes nations sont maîtres de leur développement » car il dépend de variables
internes, de propensions qui leur sont propres.
Dans ces grands ensembles la loi du marché s’applique car offre et demande peuvent varier de manière importante sur
deux périodes. Outre la demande extérieure, la croissance peut venir de la simple adaptation au marché interne dont ils disposent.
A l’inverse, les petites régions isolées ne disposent pas d’un marché interne susceptible de varier de manière suffisamment
importante pour faire naître un pôle de croissance, pour « susciter de façon autonome des flux croissants d’investissement ». « Sans
un moteur extérieur, elles ne peuvent que reproduire d’une période sur l’autre les mêmes grandeurs (le même flux de revenu se
propage, engendre le même volume d’emploi, diffuse des effets inchangés et débouche sur une économie stationnaire) » (Aydalot,
1985).
Pour ces petites régions, la solution ne peut venir que de l’extérieur. La croissance sera donc menée par un secteur dit de
base, c’est à dire exportateur, pour retomber sur les secteurs « résidentiels » qui obéissent à la demande locale. On soulignera que
cette théorie n’implique aucune définition spécifique de la région et peut s’appliquer à tout ensemble spatial comme les petites
économies isolées. En fait, sa validité est d’autant plus assurée qu’on considère des unités territoriales de petite dimension et très
intégrées aux échanges inter-spatiaux.
Douglas North (1955) reprend cette théorie en s’appuyant sur l’exemple d’Etats du Nord-Ouest américain qui n’ont pu se
développer qu’à partir de la forte demande externe en blé et en bois engendrée par la ruée vers l’or des années 1860. L’Etat de
Washington aurait vu son développement démarrer sur ces bases, sans lesquelles il aurait continué à végéter.
Plus récemment, et de manière plus appropriée à notre étude, Polèse (1994) montre que la théorie de la base paraît
évidente si l’on observe des petites régions tributaires de leurs ressources naturelles. Prenant le cas d’une région minière exportant
la totalité de sa production, il explique que la fermeture de la mine provoquerait celle des activités qui desservent la population
locale (épiceries, banques, écoles, etc.). La mine est donc l’activité de base qui fait vivre la communauté, l’épicerie et les autres
établissements ne sont que des activités d’appoint. Le modèle de la base, bien qu’issu d’un raisonnement simple, n’en demeure pas
moins réaliste, il est encore aujourd’hui le modèle le plus cohérent et le plus répandu d’explication du niveau d’activité
économique d’une région.
Après North, c’est Tiebout (1962) qui adapte l’idée de la théorie de la base à ce qui en sera l’une des premières
applications. Son modèle fait dépendre le niveau de production et le niveau d’emploi de la région de ses activités d’exportation,
qui dépendent elles-mêmes de la demande extérieure et des avantages comparatifs de la région, que le modèle considère comme
des variables « exogènes » (sur lesquelles la région n’a pas de prise). La région vit donc de la demande extérieure et doit s’y
adapter pour survivre.
Cette conception du développement se formalise ainsi :
Y=B+R
Le revenu (Y) est égal à la somme du revenu tiré des activités de base (B) et du revenu tiré des activités résidentielles (R). Ces
dernières sont une fraction constante du revenu total, soit :
R = aY avec a1
D’où :
Y = B + aY
Ce qui implique :
Y = B/(1-a)
Ou encore :
dY/dB=1/(1-a)
Où a apparaît comme étant la propension moyenne et marginale à dépenser localement le revenu.
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Ainsi, le revenu est un multiple du produit des exportations, la valeur du coefficient multiplicateur dépendant du ratio
dépenses locales/dépenses totales. Le multiplicateur sera d’autant plus important que les fuites dues aux importations seront
faibles. On lui trouve aussi dans certains ouvrages le nom de multiplicateur régional obtenu selon la formulation similaire :
k = T/B
Posant
_ k : multiplicateur de base.
_ T : le niveau total d’activité de la région.
_ B : le niveau d’activité de la région dans le secteur basique.
_ NB: le niveau d’activité de la région dans le secteur non basique.
La relation s’écrit également :
1
k  1  NB  1 
B
(B / T) 1  (NB / T)
Chaque nouvelle devise qui pénètre dans la région, et dont l’entrée suppose qu’il y existe une activité de base, y suscite
d’autres activités, dans la mesure où elle y est redépensée. L’importance du multiplicateur exprime la capacité de la région à retenir
les nouvelles devises sur son sol.
Il faut cependant rester conscient du fait que la région maintiendra ces devises en son sein d’autant plus facilement qu’elle
disposera d’une certaine effervescence économique interne. Cela dépendra donc implicitement de la structure économique de la
région, c’est à dire de la gamme de biens et de services qu’elle produira, et de l’intensité des échanges entre ses agents
économiques (intégration économique interne). Plus la région aura une économie diversifiée et intégrée, plus le multiplicateur sera
grand. Les agents économiques (consommateurs ou entreprises) ont d’autant plus tendance à dépenser leur argent dans la région
qu’ils y trouvent les biens et services dont ils ont besoin.
On soulignera au passage que dans le cas de régions isolées (à plus forte raison insulaire), les agents ont d’autant plus
tendance à dépenser leur argent sur place que les autres régions où ils pourraient s’approvisionner sont éloignées.
Ce que l’on cherche à montrer en présentant ici cette analyse, c’est que malgré les multiples difficultés rencontrées par les
îles, l’exportation est la seule issue à une stagnation irrémédiable de leur économie (interne), les richesses étant perpétuellement
redistribuées et réinjectées en quelque sorte en vase clos.
Rappelons alors que le tourisme est une activité exportatrice puisqu’elle permet de faire entrer des devises extérieures et
donc d’augmenter la richesse de la région pour peu que ces devises soient réinjectées dans l’économie interne. Il paraît donc
évident (dans un premier temps) que c’est essentiellement sur cette activité que devraient porter les efforts de gestion (budgétaires)
des décideurs locaux.
Nous l’avons dit : cette théorie à donné lieu à de nombreux travaux, qui en présentent souvent les limites en formulant
d’autres critiques. Deux réflexions sont souvent exprimées pour remettre en cause la « simplicité » du raisonnement et les
conclusions hâtives que l’on pourrait en tirer.
On constate en premier lieu que le fruit des exportations n’est pas intégralement profitable à la population, une forte partie
étant souvent réinvestie en importation (donc à l’extérieur), une autre partie donnera lieu à une imposition ou au financement d’un
emprunt. En effet, nous l’avons déjà remarqué, l’avantage obtenu par le biais des exportations dépend également des structures et
comportements locaux. Il faudra peut-être tenir compte également de l’élasticité de l’offre régionale à une variation de la demande
interne. Si elle est insuffisante, c’est la propension à importer qui s’élèvera avec les recettes d’exportation, réduisant ainsi le
multiplicateur et diffusant à l’extérieur les effets de croissance qui en provenaient. En résumé, il faut constater que le modèle
présenté ne prend pas en considération tous les flux de revenus entre la région et l’extérieur.
Gérald Sirkin (1969) est le premier à exposer un modèle qui ne se limite pas aux seules exportations mais tient compte
également des importations et autres fuites affectant le multiplicateur. Les importations représentent une fuite qui réduit la valeur
du multiplicateur, mais on peut en dire autant des prêts nets à l’extérieur qui entraînent une baisse du pouvoir d’achat interne.
Sirkin introduit ainsi dans le modèle le comportement financier des agents, ce qui fait apparaître plus clairement les limites de
l’autonomie régionale. La croissance de la région dépend alors moins des exportations en tant que telles que de l’ensemble de sa
position dans l’économie nationale. Le schéma suivant résume assez bien l’ensemble des relations qui unissent la région à
l’extérieur :
Dépenses
de l’Etat
Recettes
d’exportation
Impots
nationaux
Revenu
régional
Dépenses
d’importation
Emprunts
Prêts
La seconde critique fréquemment relevée chez différents auteurs ayant traité la théorie de la base, réside en la difficulté de
différencier les activités de base des activités résidentielles (La méthode d’estimation des exportations régionales à l’aide de
quotients de localisation présentée par Polèse 1994 est reproduite en annexe 1). Sans trop nous engager sur ce sentier complexe,
nous donnerons simplement notre avis non sans avoir toutefois rapporté que nombre d’entre les auteurs concluent que toute activité
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provoquant une entrée dans la région de devises externes, donc exportatrice, devra être considérée comme activité de base. On
trouve parfois l’exemple du médecin spécialiste de renom attirant des patients de régions très lointaines. Certes, ce dernier exemple
semble très éloigné de l’idée de base contenue dans la théorie, mais nous irons encore plus loin dans nos conclusions.
Bien que distinctes, ces deux critiques ont un lien. Si l’on considère que l’intérêt de la théorie est de montrer l’importance
que doivent accorder les petites économies aux échanges avec l’extérieur pour sortir d’un système économique qui fonctionnerait
en boucle, on peut, sans beaucoup extrapoler, en déduire qu’il faudra alors favoriser les activités exportatrices (de base) mais aussi
toute activité qui permet de réduire les fuites de capitaux issus de ces exportations.
Ainsi, dans une région où l’activité (principale) de base serait le tourisme, l’emploi d’une entreprise locale de maçonnerie
permettrait de limiter les importations (fuite de capitaux) aux simples matériaux de construction. Cette entreprise non exportatrice
permet néanmoins indirectement d’accroître les effets positifs engendrés par la base sur l’économie régionale. Poursuivant ce
raisonnement, on peut également dire que toute activité locale, artisanale ou agricole par exemple, qui, ayant une production
supérieure à la demande interne (on entend ici par interne : destinée à la population locale), permettrait à un restaurant de la région
de s’approvisionner sur le marché local pour contenter une demande externe (touristique), devrait être considérée comme
« acteur » du développement local lié à l’activité de base.
Evitant alors l’erreur que l’on était sur le point de commettre dans nos premières conclusions, on précisera que s’il semble
évident que l’activité de base de la zone (le tourisme par exemple) doit être favorisée financièrement dans le plan de
développement régional mis en place par les décideurs, il ne faut pas pour autant commettre la faute de léser les activités
« fournisseurs » de la base.
Une telle erreur n’aurait pas uniquement pour effet de réduire l’impact des exportations (en impliquant une augmentation
des importations), mais cela provoquerait au sein de la population locale un sentiment de rejet de la part des décideurs au profit des
intérêts liés à la demande extérieure. Inutile de revenir sur l’importance de la participation des autochtones au développement de
leur propre territoire afin d’obtenir leur adhésion (cf. section 2, § 221).
Nous le verrons, d’autres théories attachent, elles, bien plus d’importance au « local ».
2. Le développement endogène.
Le développement endogène est en totale rupture avec la théorie de la base. Ce n’est plus une demande externe qui définit
la croissance mais des besoins internes à la zone considérée. On parlera désormais de besoins de base (basic needs).
Le développement n’est plus défini en termes quantitatifs, il est en relation avec les besoins de la population. Basé sur la
valorisation des ressources locales, il prend en compte les aspects sociaux, culturels, techniques, agricoles etc. Il s’agit en quelque
sorte de prendre le contrôle local de la vie économique.
Donner au « milieu » le rôle essentiel c’est faire du territoire la source du développement. Appelé également autocentré ou
agropolitain, il est pour J. Friedman « l’expression de la foi dans l’aptitude d’un peuple à progresser dans la direction qu’il a
choisie ».
2.1. Principe et origine.
Le premier effet d’une telle politique sera, on le comprend, de réduire la dépendance de la région à son environnement
extérieur en recentrant le développement sur sa propre communauté. On va rechercher le meilleur usage possible des ressources
naturelles de la zone, avec un perpétuel souci de protection de l’environnement impliquant des initiatives souvent orientées autour
de la petite échelle.
Sa mise en oeuvre nécessite une intervention toute relative de l’Etat puisque l’initiative doit venir de la population, même
les autorités régionales n’auront souvent qu’un rôle « permissif ».
« La dérégulation, la décentralisation des pouvoirs, l’association de structures coopératives ou associatives aux décisions à
caractère local sont une condition indispensable à un tel développement » (Aydalot, 1985).
Une large décentralisation du système bancaire, la promotion d’institutions de financement à compétence locale, le
développement de l’identité régionale, l’arrêt des grands projets gouvernementaux à grande échelle sont les conditions qui
autorisent le démarrage d’un tel développement qui ne peut s’appuyer sur des décisions publiques.
Le développement autocentré est une conception du développement avant de relever de l’économie régionale, c’est une
approche territoriale du développement plus qu’une théorie de la croissance régionale.
Selon certains auteurs, cette théorie vient en fait de la critique de la société de consommation des économies occidentales,
elle remet en cause le développement basé sur la grande échelle, les grandes organisations, la multi-spatialisation des phénomènes
économiques, le gaspillage des ressources naturelles. C’est donc principalement en période de crise que cette remise en cause
prend de l’ampleur, les régions ne voient plus alors, dans ces moments là, que les effets négatifs engendrés par les modèles
classiques de développement à savoir la dépendance, le manque de contrepartie, l’écrémage des ressources locales, la dégradation
de l’environnement, la spécialisation dans des fonctions et des secteurs subordonnés ou régressifs.
Si c’est principalement au niveau régional voire micro-régional que cette théorie semble s’appliquer pour les pays
occidentaux, elle peut en fait s’appliquer à des pays dans leur ensemble notamment dans le tiers monde. C’est en ce sens que le
développement endogène est moins une théorie d’économie régionale qu’une nouvelle politique de développement basée sur le
territorial, on parle dans nombre d’ouvrages de l’apparition du développement « from below » (partant du bas), par opposition au
développement fonctionnel « up-down » qui fondait les pratiques antérieures.
2.2. Composantes.
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S’opposant à l’économie de marché, la méthode d’analyse du développement endogène en critique les principes fondés
sur la rentabilité d’agents indépendants et sur le quantitatif. Cette maximisation de la rentabilité « à tout prix » va être bannie car
elle n’assure aucune considération des aspects territoriaux, bafouant les valeurs locales, communautaires et culturelles. On ne veut
plus envisager un développement dont le principal objectif serait le profit financier par contentement de la demande au détriment
(allant de la dégradation à la destruction totale) des ressources intrinsèques.
Une gestion réfléchie des richesses locales ne peut
venir que de la communauté locale elle même, c’est donc elle qui devra initier et orienter cette gestion. « Donner aux milieux le
rôle essentiel, c’est faire du territoire la source du développement » (Aydalot, 1985).
Une autre particularité du développement endogène réside en la notion de « basic needs ». Il s’agit de définir le
développement non plus en termes quantitatifs mais en relation avec les besoins de la population. Le développement, c’est d’abord
nourrir, loger, vêtir, éduquer, employer toute la population et non pas accroître le chiffre du revenu monétaire moyen. Le niveau de
développement s’apprécie avant tout en fonction des besoins de la population. On perçoit bien ici la réelle rupture avec la logique
de la théorie de la base. Ce n’est plus la demande externe qui définit la croissance, mais des besoins internes à la zone considérée.
Cette vision du développement correspond visiblement davantage aux soucis et difficultés rencontrés par les petites
économies isolées. On y trouve plusieurs solutions ou simple prises en compte des particularités (que nous appelions par ailleurs
contraintes) que nous avons soulevées jusqu’ici.
Par exemple, on considère dans la théorie autocentrée que le développement ne peut se décréter du dehors, il doit être le
fruit de la participation active de l’ensemble de la population, nous avons vu que c’est la condition sine qua non à toute politique
de développement touristique en milieu insulaire.
On trouvera également dans les fondements du développement endogène l’idée de valorisation des ressources locales,
issue du raisonnement selon lequel le souci du développement interne de la région amène à privilégier les filières issues de
ressources locales ou de l’usage des traditions industrielles locales. Il est souvent fait allusion à un développement « intégré ». On
entend par là que plutôt que de développer des spécialisations pointues, il vaut mieux promouvoir un développement global
intégrant dans une même logique les aspects sociaux, culturels, techniques, agricoles et industriels. Derrière cela, il s’agit de
prendre le contrôle local de la vie économique. On imagine déjà les facilités qu’aura une région à intégrer ce type de particularités
si elle mise sur un développement ayant pour base le tourisme.
Dans la continuité de cette logique, il faudra éviter autant que possible d’exporter de fortes quantités de produits bruts non
valorisés sous peine de voir la région épuiser ses ressources naturelles et glisser dans l’engrenage de la recherche de devises selon
un rythme déterminé non par ses besoins propres, mais par les besoins en matières premières des régions et pays importateurs. Cet
engrenage pourrait aboutir à une extraversion fatale aux valeurs locales. Pour en éviter le piège, il faut que la population refuse une
production à trop grande échelle, c’est elle seule qui doit décider et contrôler l’évolution de ses activités.
Nous conclurons cette présentation en notant que certes, le développement endogène rompt complètement avec le modèle
classique de la « base » selon le schéma exposé par J. Friedmann :
_ Au départ, croissance de la productivité industrielle et diversification reposant sur les biens-salaires dans les localisations
décentralisées.
_ D’où, augmentation de l’emploi.
_ D’où, demande accrue pour les biens-salaires.
_ D’où, demande accrue pour les machines et équipements de transport simples.
_ D’où, innovations technologiques et produits nouveaux.
_ D’où, croissance de la capacité exportatrice.
Mais, ce schéma tend également à prouver que le développement autocentré ne débouche pas sur l’autarcie, mais permet
l’apparition d’une capacité exportatrice. Simplement, celle-ci est fondée sur un élargissement des capacités internes et non sur des
besoins de l’extérieur. De même, les progrès technologiques ne doivent pas reposer sur des transferts de l’extérieur, mais sur un
processus de learning local. L’ensemble du développement est entraîné par les besoins locaux de l’agriculture et de l’industrie.
Pour Friedmann, chaque district agropolitain est une unité autonome : auto-suffisance, auto-financement, auto-gouvernement. Le
gouvernement central ne disparaît pas, mais son rôle est de protéger, d’aider, de conseiller, de réguler.
Dans une certaine mesure, le développement autocentré est l’aspect économique des idées régionalistes. La promotion des
valeurs locales est une composante importante du développement « par la base ». La créativité est toujours enracinée dans
l’expérience et la tradition.
Enfin, soulignons que le développement endogène, c’est aussi la variété qui s’oppose à l’uniformité : variété des cultures,
des statuts sociaux, des techniques, des goûts, des besoins et donc des produits.
Sa pratique doit être, par-dessus tout, volontariste et si, comme nous le disions, sa logique s’applique aussi bien à des pays
qu’à des économies régionales, le principe de développement « par le bas » implique toutefois que le territoire ne soit pas trop
grand, ce qui provoquerait une distance entre décideurs et acteurs, ni trop petit sous peine de n’avoir pas l’initiative nécessaire.
Aydalot explique que, selon lui, la taille idéale de l’espace sur lequel le développement endogène serait aisément praticable
correspondrait, pour la France, à « un découpage en 300 à 400 unités voisines de l’arrondissement. Cette dimension correspond
aussi bien aux marchés du travail qu’aux circonscriptions de base d’administrations nombreuses et surtout aux vieilles solidarités
locales : le pays. Cette dimension à bien été reconnue en 1975 avec la reconnaissance des contrats de pays, unissant une petite
ville et son arrière-pays rural, mais la décentralisation des années 80 l’oublie » (Aydalot, 1985).
L’intérêt à porter à cette forme de développement par des petites économies isolées ou carrément insulaires à fort
caractère identitaire devient alors évident. On rencontre d’ailleurs, et plus particulièrement depuis ces dix dernières années, une
forme de développement similaire au dernier exposé mais s’appuyant encore plus sur les aspects intrinsèques de la zone considérée
à savoir, les particularités d’ordre culturel, traditionnel, en un mot : identitaire.
51
3. Le développement identitaire.
3.1. Des fondements « endogènes ».
Il s’agit donc là encore de tenir compte de la culture, que l’on définit assez justement comme « l’ensemble des relations de
l’homme à son environnement », des pratiques et du savoir faire de la population d’une zone déterminée. Il ne peut, lui non plus,
émerger sans une volonté collective forte et un cadre adapté, c’est à dire disposant d’une culture qui lui est propre. Nous
n’insisterons pas particulièrement sur ces principes qui sont, comme nous le disions, sensiblement les mêmes que ceux du
développement endogène, mais nous présenterons ici son efficace application au développement touristique puisque, nous le
verrons, développer un tourisme identitaire répond, du moins pour partie, à quelques-unes des conditions et contraintes que l’on se
fixait dans notre analyse du développement insulaire.
La théorie du développement endogène exprime bien le danger qu’il y a à vendre sa terre en fonction d’une demande
externe sans tenir compte des besoins et nécessités internes. Pour le secteur tourisme, cela pourrait aboutir à la fin de la « poule aux
oeufs d’or » puisque c’est souvent « le cadre », environnement, paysage, etc. qui attire le client avant même les activités proposées
dans le séjour (c’est en tous cas souvent vrais concernant les destinations insulaires). Nous avons largement insisté sur la nécessité
de protéger l’environnement et les ressources naturelles.
Or l’aspect culturel est un élément essentiel, sinon l’élément essentiel, du développement identitaire et il est très présent
dans l’activité économique « tourisme ». Si, dans notre présentation des différents types de tourisme (Chapitre 1.Section 2), nous
ne nous attardions que brièvement sur la notion de « tourisme culturel », c’est tout simplement parce que nous estimons que
l’expression est pléonastique ; à moins que l’on entende par là qu’il permet un accroissement de la culture personnelle du visiteur.
Il semble évident en tout cas que tout type de tourisme, exprimant donc « le loisir en déplacement à l’extérieur du domicile audelà d’une journée » (Wackermann, 1993), implique la rencontre avec une culture (plus ou moins) différente de la sienne. Le
terme de culture est donc indissociable de l’idée de tourisme. L’exemple japonais illustre au mieux cette idée. Ce peuple souvent
considéré comme le plus travailleur, est celui qui regarde le moins à la dépense quand il s’agit de visiter un pays étranger.
Considérant plus cela comme un enrichissement personnel que comme un loisir au sens « farniente » du terme.
En ce sens, développer un tourisme identitaire ne devrait pas paraître péjoratif, comme c’est malheureusement souvent le
cas, mais implicite. De plus, du fait qu’il intègre tout comme le fait le développement autocentré, l’idée de préservation des
ressources naturelles, Il est sans doute la seule protection contre le piège du tourisme de masse souvent périlleux en milieu
insulaire : « la massification touristique engendre des effets de colonisation culturelle » (Rozenberg, 1991).
3.2. Tourisme identitaire.
Actuellement, dans le secteur tourisme, les structures d’échanges intérieurs/extérieurs sont perverses car elles donnent
(trop) souvent les atouts majeurs à l’extérieur (Tour-Opérators, etc.). La faible organisation de la production et de la
commercialisation intérieure dans la plupart des régions insulaires ne permet pas à celles-ci de profiter de ce marché qui s’offre à
elles sauf parfois pour quelques produits privilégiés. La production agro-alimentaire par exemple profite peu de ces milliers de
consommateurs supplémentaires. Pour que la « greffe » touristique prenne en milieu insulaire notamment, le tourisme ne doit
surtout pas être conçu à l’opposé des valeurs culturelles profondes locales. « Tant que le tourisme ne sera pas en accord avec ces
valeurs profondes, il ne réussira pas ; si par contre, il arrive à se mettre « en phase » il peut connaître un développement
important » (Balbi, 1995).
Pour cela, il faut abandonner l’idée d’un tourisme industriel et créer à la place un tourisme post-industriel qui s’appuie sur
les acquis de l’expérience du tourisme pré-industriel de la première moitié de ce siècle. Ce secteur doit être en accord avec la
trilogie Terre-Culture-Peuple.
Cette conception du tourisme identitaire est applicable dans chaque région pour peu qu’elle ait les moyens d’offrir des
contenus et des produits authentiques, qui apportent du neuf, qui dépaysent dans de nombreux domaines:
_ Gastronomie et produits agro-alimentaires, traditionnels ou nouveaux, mais toujours de très haute qualité, à forte valeur ajoutée
avec un circuit maîtrisé.
_ Créations culturelles, chants, théâtre, spectacles, etc. Toute une économie culturelle peut être développée dans une région qui a
une histoire, un passé, des traditions, en un mot : une identité.
_ Productions artisanales : sortir impérativement du système « made in Hongkong » au profit du « made in ici ».
_ Valorisation du patrimoine ; une langue propre peut être également un facteur d’appel garantissant à elle seule le dépaysement.
_ D’autres pratiques culturelles sont « valorisables », techniques de chasse/pêche particulières, folklore voire coutumes religieuses
particulières. Le « Catenacciu » cher aux Corses, chemin de croix effectué par un membre (cagoulé) du village dont l’identité est
tenue secrète attire chaque année une foule considérable de curieux.
Il faut ainsi des produits finis, à forte valeur ajoutée, fondés en particulier sur la culture locale, conçus et mis en oeuvre
par la population locale. Ces produits devront être, autant que possible, disponibles toute l’année afin de pallier les difficultés
rencontrées par les régions qui se reposent uniquement sur un atout majeur souvent saisonnier (comme l’ensoleillement) et qui de
ce fait n’en jouissent que ponctuellement. Ces produits doivent pouvoir toucher aussi bien des petits groupes de touristes par le
biais, par exemple, de circuits organisés, ceci principalement pour les produits à dominante nature, patrimoine, économie
traditionnelle, que des rassemblements plus importants par le biais notamment de manifestations plus importantes comme un
festival du film régional, de polyphonies locales, foires, colloques, congrès et autres.
Soulevons à présent la question suivante : le tourisme étant une activité considérée comme exportatrice (nous en avons
déjà exposé les raisons), ne peut-on pas dire qu’une économie misant sur le développement d’un tourisme à fort caractère
52
identitaire ferait alors implicitement le choix d’une sorte de compromis entre un développement inspiré de la théorie de la base, la
principale activité étant exportatrice, et un développement à caractère endogène puisque fondé sur les pratiques et besoins de la
population locale ?
Il est difficile de répondre à cette question et il paraît plus sage de remarquer simplement qu’il n’est pas obligatoire de
coller exactement aux principes de telle ou telle théorie si logique et réaliste soit elle. On peut peut-être dire qu’effectivement le
tourisme identitaire est un « mélange » des deux théories précédentes, et on pourra tout aussi bien dire que dans d’autres régions on
développe un type de tourisme qui « rassemble » ces deux théories.
En effet, si dans une région, certaines zones sont propices à
un tourisme de découverte (par exemple un petit village de montagne à fort degré culturel), celles-ci devront être développées en
insistant sur cet aspect et donc en fonction de la vie même du village. Tandis que d’autres zones de la même région étant déjà plus
ou moins industrialisées pourront être encore mieux adaptées aux besoins d’un consommateur extérieur, par l’entretien des plages,
la mise en place d’activités nautiques pour une demande « vacances soleil », ou encore par la création d’établissements spécifiques
pour un tourisme plus industriel que culturel : bowling, casino, toujours en fonction de la demande extérieure.
Nous verrons de façon assez détaillée l’intérêt qu’il peut y avoir à « jongler » de la sorte entre deux systèmes de
développement selon les spécificités de la « micro-zone » considérée. Nous avons déjà entrevu l’idée de spécialisation en
présentant plus haut les notions d’avantages absolus et comparatifs, mais dans le cadre du développement régional, cela implique
une bonne connaissance du terrain à la plus petite des échelles, cela implique une bonne connaissance des différentes zones,
microrégions, sous microrégions, communes, et de leurs spécificités respectives. Alors seulement pourront leur être attribuées les
missions respectives leur convenant le mieux par la méthode la plus appropriée. Ce travail de « reconnaissance » ne peut être
effectué que par des intervenants locaux, et donc toute l’organisation du territoire devra être confiée aux décideurs de la région.
4. La coopération régionale.
Une tentative de développement par la coopération régionale menée dans l’Océan Indien apporte des éléments très
intéressants sur de nombreux points. Cette « coalition » concerne :
_ les Seychelles, composées d’un archipel d’une centaine d’îlots.
_ les Comores, constitués de trois petites îles.
_ l’île Maurice accompagnée de Rodrigues (petite île) plus d’autres petits îlots.
_ Madagascar, l’une des plus grandes îles du monde.
_ la Réunion.
Malgré d’énormes différences tant sur le plan géographique (taille) qu’économique (écarts importants sur le PNB), la
proximité géographique et une histoire partiellement commune ont permis de tisser des liens conséquents entre ces îles. Liens qui
se sont renforcés de manière significative en 1983, quand l’île Maurice et les Seychelles mettent en place la Commission de
l’Océan Indien (COI) chargée de développer une coopération générale entre ses membres, et en 1984, quand les Comores et la
Réunion s’associent à cette initiative en demandant et obtenant le statut d’observateurs auprès de cette même COI dont elles
deviendront membres à part entière en 1986.
Cette commission a joué un rôle d’organisme de coopération multilatérale (nous reviendrons sur ce point) générale à
savoir aussi bien diplomatique qu’économique, scientifique ou culturel, dont le principal objectif était de montrer que malgré les
diversités dont nous parlions plus haut, « ces îles du sud-ouest de l’Océan Indien ont une destinée commune ou du moins qu’elles
ont intérêt à se forger un destin commun » (Rochoux, 1988).
Reposant évidemment sur une volonté réelle et institutionnalisée, cette coopération devait aller au-delà des seuls échanges
intra-régionaux pour se concrétiser et contribuer efficacement au développement des économies de la zone ainsi créée. Plus
concrètement, il s’agit de s’attaquer au manque de compétitivité de ces îles, qui s’explique notamment par la faiblesse de leurs
exportations de produits manufacturés, et se traduit donc par un déséquilibre de la balance commerciale entraînant des problèmes
cruciaux de devises et un manque à gagner considérable en matière de production, de revenus et d’emplois.
Deux stratégies sont alors envisagées :
_ La coopération « locale », consiste à intensifier les échanges industriels intra-régionaux.
_ La coopération régionale « étendue » consiste à former finalement un pôle régional de compétitivité industrielle capable de
participer avec succès aux opérations sur le marché international (d’où le terme « multilatérale »).
4.1. La coopération locale.
Nous référant aux différentes explications des problèmes économiques rencontrés par les petites économies isolées
(exposés dans les sections précédentes), les avantages qui pourraient découler de cette stratégie sont évidents.
La multiplication des échanges intra-régionaux permettra aux membres du « consortium », d’une part de bénéficier
davantage d’économie d’échelle puisque cela revient en quelque sorte à augmenter la taille du marché (et donc la demande),
chaque île voyant alors ses « quasi-exportations » (il s’agit quand même d’échanges à l’intérieur de la zone) augmenter dans
certains domaines. Nous avions effectivement montré que la trop petite taille de certains marchés, insulaires notamment, et leur
isolement géographique provoquaient (du fait des coûts de transport induits par la recherche d’un plus grand marché) une limite
rapidement atteinte des rendements croissants.
Ce nouveau marché aura des effets de relance des productions locales, donc des emplois, pouvoir d’achat, bref, « coup de
fouet » pour l’économie locale.
53
D’autre part, ces échanges intra-zone viendront limiter les importations (extra-zone) et donc augmenter les retombées
locales des effets positifs engendrés par les exportations selon le phénomène exposé au cours de la présentation de la théorie de la
base. Il y aura une réinjection des devises extérieures dans l’économie locale plutôt que dans des importations trop importantes. Là
aussi, on assistera à une augmentation de la demande des îles de la zone et donc au développement économique de chaque île dans
des domaines respectifs pour satisfaire ces nouveaux besoins issus de la volonté de diminuer autant que faire se peut son
approvisionnement extra-zone, on parlera « d’import-substitution ».
Bien sûr, il peut paraître choquant de vanter les mérites des échanges intra-régionaux en considérant, pour une même île,
les ventes vers une île voisine comme exportations (et d’en tirer les profits en termes de mécanismes économiques) alors que, dans
le même temps, les achats effectués entre ces mêmes îles ne sont pas, eux, considérés comme importations (et d’en tirer de nouveau
les effets avantageux démontrés par quelque théorie).
Sauf, si la Commission s’emploie à organiser un système d’échange facilité par une réglementation particulière des
transports entre ces îles qui aurait pour effet de rapprocher réellement les territoires à travers une forme de « continuité
territoriale ». Ainsi, s’agissant de manière plus concrète d’une seule et même zone, les ventes intra-zone considérées ou non
comme exportations auront tout au moins l’avantage d’exister ; donc zone plus grande égale marché plus grand, égale rendements
croissants plus importants et moins limités. De même, les achats intra-zone considérés ou non comme importations auront en tous
cas permis une réinjection dans l’économie de la zone.
Cependant, il faut souligner que les obstacles en termes d’échanges intra-régionaux auxquels a dû faire face la
Commission de l’Océan Indien étaient bien sûr existants et relativement lourds à effacer. Il s’agissait notamment :
_ D’obstacles tarifaires, avec des tarifs douaniers discriminatoires, ou simplement prohibitifs, 600% sur certains vins à Maurice par
exemple.
_ D’obstacles non tarifaires avec des contingentements à Maurice ou à la Réunion surtout.
_ D’obstacles financiers avec l’absence de monnaie et surtout le manque de devises convertibles ou de lignes de crédits
correspondantes.
_ D’obstacles en matière de communication avec l’absence de téléphone automatique, le coût du télex, la rareté de certaines
liaisons aériennes, la difficulté et le coût des liaisons maritimes.
_ D’obstacles relatifs à l’information commerciale.
« On remarque que ces entraves au commerce intra-régional doivent souvent être rapprochées du cloisonnement général
des économies de la zone, cloisonnement hérité d’une histoire coloniale » (Rochoux, 1988).
« En l’absence d’un cadre juridique, le commerce intra-régional n’a guère évolué durant la période coloniale, et même
depuis l’indépendance des Etats du sud-ouest de l’Océan Indien. Ces derniers n’ont pu ou voulu, à ce jour, modifier dans une
mesure appréciable un système commercial traditionnel visant à satisfaire les besoins et les intérêts des anciennes métropoles,
souvent au détriment des leurs » (Bhundun, Montocchio, 1984).
La Commission n’aura obtenu dans le domaine de la promotion du commerce intra-régional, que de faibles résultats. Les
effets d’élargissement de l’espace économique à l’ensemble de la zone ont bien été atteints, mais le marché, certes plus vaste, qui
en a découlé n’a pas pris assez d’ampleur pour déclencher dans la zone un développement économique significatif.
Rappelons qu’il concernait alors à peine un peu plus de 11 millions d’habitants dont le PNB (par habitant) était pour le
début des années 80 inférieur à 600 dollars par an, ce qui explique un pouvoir d’achat très faible et tous les obstacles déjà exposés
liés à l’étroitesse du marché des petites économies isolées. Les besoins régionaux existent mais ils sont limités et surtout ils ne sont
pas toujours solvables. De ce fait, des opérations tournées exclusivement vers leur satisfaction ne peuvent qu’avoir des effets
extrêmement réduits sur le développement des économies de la zone.
4.2. La coopération régionale « étendue ».
Dans une toute autre optique, l’alliance entre les îles préconisée aura pour objectif d’augmenter la compétitivité de
l’ensemble de la zone ainsi créé face aux concurrents du marché international, en termes plus crus : « La coopération régionale ne
doit pas viser par le commerce inter-îles à l’exploitation de nos misères réciproques mais à l’union de nos forces pour attaquer
les marchés des pays riches en dehors de la zone Océan Indien » (De Chateauvieux, 1984).
Sans vraiment remettre en cause le bien fondé de l’import-substitution qui fait circuler les moyens financiers à l’intérieur
de la zone, on attache alors plus d’importance à l’obtention « d’argent frais », de ces devises extérieures qui seules permettent
d’alimenter l’économie interne de façon croissante et non plus stagnante. Retombant alors dans le schéma de la zone isolée
désireuse de se développer, il s’agira de tenir compte de la demande externe afin de tirer les avantages d’une présence sur le
marché international par le biais d’exportations, tout en gérant les capacités de la zone. C’est à dire utiliser les potentialités de
production respectives disponibles des différents membres insulaires : matières premières, savoir faire, main-d’oeuvre, tout en
« respectant » ces facteurs de production. Certaines ressources naturelles pouvant être éphémères si elles ne sont pas assez choyées.
Le pôle de compétitivité de la zone sera bien sûr constitué des différents atouts dont dispose chaque participant, il faudra
utiliser toutes les potentialités rencontrées dans la zone. Cela permettra alors un élargissement de la capacité d’exportation, aspect
non négligeable d’un éventuel développement quand on connaît l’importance de la diversification des produits que l’on est
susceptible de proposer sur le marché.
C’est en quelque sorte le rassemblement des potentialités particulières des différentes îles qui va créer un pôle de
compétitivité important pour la zone tout entière, d’où coopération. « Les pôles de compétitivité sont des sous-ensembles du
système productif, composés d’entreprises qui ont acquis des positions dominantes dans la concurrence nationale et
internationale » (Aglietta, Boyer, 1982).
Il faudra examiner dans toute la zone ce qui se fait, ce que l’on sait faire, et ce que l’on peut faire tant au niveau du
marché local qu’au niveau du marché à pénétrer. Un schéma résume assez clairement cette stratégie de coopération régionale
étendue :
54
Ensemble des potentialités
productives des économies de la zone
Exploitables
localement
Stratégie
« import-substitution »
Stratégie
« facteurs disponibles »
MARCHES DU MONDE
Marchés de la zone
Les actions nécessaires à la mise en oeuvre de cette stratégie sont sensiblement les mêmes que celles nécessaires à la
réalisation d’une coopération régionale « locale ». Il faudra agir sur les comportements des acteurs économiques et créer des
infrastructures adéquates, en passant par exemple par l’établissement d’une zone franche, de codes d’investissements,
d’organisation des transports régionaux et toute autre action visant à améliorer la coordination des efforts respectifs.
Là aussi, le rôle de la Commission sera difficile car elle devra laisser les acteurs économiques locaux décider des créneaux
qu’ils estiment judicieux de favoriser pour participer activement au développement de la zone en y apportant leurs meilleures
compétences. Ils sont en effets les plus à même de juger de leurs propres potentialités.
Mais la Commission doit également veiller à ce que les efforts consentis pour favoriser le développement de la zone ne
soient pas détournés au profit de projets ne concernant que certaines îles et peu bénéfiques à l’essor de la zone dans son intégralité.
Il y aura donc de la part de la Commission un premier temps de non-ingérence dans les choix des décideurs locaux, puis,
une intervention d’appui consistant à donner accès pour l’île en question aux avantages mis en place dans la zone, si les décisions
sont approuvées. Elle aura donc évidemment un droit de regard sur les raisonnements et conclusions proposées par les locaux.
Enfin, un rôle permanent d’assistant et d’intervenant, ne serait-ce que sous forme d’observateur, permettra, par un contrôle
constant, de s’assurer de la bonne utilisation, de la bonne gestion par les locaux de leurs outils.
4.3. Prolongements de la coopération inter-îles.
Certaines formes de collaboration entre petites économies insulaires vont encore plus loin dans leurs intentions
puisqu’elles cherchent parfois à mettre en oeuvre une véritable stratégie d’ouverture internationale, c’est à dire reposant presque
essentiellement sur l’obtention d’un rôle essentiel qu’elles devront jouer sur les échanges internationaux en se positionnant comme
un passage, sinon obligé, du moins préférentiel, en maillon de la chaîne des échanges entre les pays en voie de développement et
les pays industrialisés.
La coordination nécessaire entre les petites économies insulaires concernées a, dans un tel cas, une importance
exceptionnelle. Chaque compétence sera utilisée tantôt pour approvisionner le marché local, tantôt pour pénétrer le marché
industriel, tantôt pour alimenter le marché des pays en voie de développement.
Cela à la fois par l’utilisation des ressources naturelles et facteurs de production locaux, par le savoir faire en matière de
transformation de produits bruts issus des pays en voie de développement, et aussi par la capacité à transformer des produits semifinis industriels en produits finis.
L’organisation, la coordination des potentialités et des efforts à mettre en commun relève alors quasiment du savoir faire
des fourmis. Cette forme de spécialisation internationale se présenterait ainsi :
55
Pays industriels
Exportations de
produits finis
Importations de
produits bruts
Importations de
demi-produits
Petits pays
insulaires
Exportations de
produits finis
Pays en voie de
développement
Conclusion.
« L’analyse de l’évolution récente du commerce extérieur des petites économies insulaires indique que malgré leur faible
dimension, ces pays disposent de plusieurs options de spécialisation internationale. Dès lors, il convient d’adapter l’analyse
économique à leur spécificité et d’éviter le recours à des références systématiques aux théories générales de la division
internationale du travail. En effet, les stratégies d’exportation mises en place par un certain nombre de petits pays insulaires
prouvent que des spécialisations internationales notamment régionales peuvent exister tout en étant adaptées aux exigences
propres du développement intérieur de ces pays » (Crusol, Hein, Vellas, 1988).
Conclusion du chapitre II
La dernière citation exprime assez bien ce que nous voulions démontrer dans ce chapitre en y exposant les spécificités des
petites économies isolées et leur répercussion sur les mécanismes et phénomènes économiques. Aucune des difficultés rencontrées
par ces petits espaces ne semble insurmontable ou en tout cas ne s’oppose à l’idée d’un développement basé sur le tourisme. Au
contraire, les atouts dont ils disposent sont les principales qualités recherchées par le voyageur en quête de « différences » qu’elles
soient culturelles ou simplement géographiques. Reste alors à tout mettre en oeuvre pour profiter de ces divers avantages.
Les erreurs pouvant provenir des particularités de l’activité touristique ne semblent pas plus difficiles à éviter, pourvu que
l’on respecte certaines règles naturelles vecteurs de cohésion et donc de performance de la politique entreprise. Insistons de
nouveau pour étayer nos conclusions sur l’importance du « service » dans tout produit proposé et sur l’impérieuse nécessité de
l’adhésion de la population dans tout projet envisagé.
Rappelons enfin que tous ces éléments peuvent amener à diverses formules de développement qu’il soit mené de manière
« autonome » ou en « coopération » avec d’autres espaces, pourvu, une fois de plus, qu’il soit adapté à la situation et au milieu
qu’il vise à contenter.
La dernière citation constituera également une transition vers le chapitre suivant, qui ouvre notre deuxième partie. Celle-ci
aura pour ambition de proposer une stratégie de développement insulaire basée sur le tourisme et tenant compte des réflexions,
constatations et conclusions issues des recherches effectuées et exposées jusqu’ici.
56
SECONDE PARTIE : DEVELOPPEMENT TOURISTIQUE DURABLE
Au vu de tout ce qui précède, on comprend que ce n’est pas le fruit du hasard si une grande majorité des îles et
autres territoires restreints plus ou moins coupés du reste du monde attachent une grande importance à l’activité touristique. La
nécessité pour un petit pays de s’ouvrir autant que faire se peut sur ses voisins, ne serait-ce que pour élargir son marché et
bénéficier ainsi d’une plus forte économie d’échelle, semble effectivement une politique incontournable (sous peine de stagnation).
Les avantages non négligeables en termes de ressources naturelles, culturelles et environnementales dont disposent souvent ces
régions viennent un peu plus encourager cette logique d’ouverture en la rendant aisément réalisable par le biais du tourisme.
Partagées entre le besoin d’exporter ces richesses pour aller de l’avant et le désir de les protéger pour sauvegarder leur identité, ces
petites économies isolées devront trouver un compromis entre ces deux principes que la théorie économique semble mettre en
opposition, au vu des quelques éléments d’économie régionale brièvement exposés précédemment (théorie de la base développement endogène). Les deux derniers principes de développement que nous avancions en fin de second chapitre, identitaire
et coopération, laissent entrevoir de réelles possibilités dans cette quête.
C’est une combinaison de ces différentes théories que nous chercherons à mettre au point tout au long de cette seconde partie. La
stratégie à proposer à ces milieux bien spécifiques ne peut être, elle aussi, que bien spécifique. C’est à dire qu’elle devra à la fois
être adaptée aux besoins en devises étrangères dont nous parlions plus haut et au maintien d’une certaine « intégrité régionale » ; ce
que l’on pourrait traduire grossièrement par : augmenter le niveau de vie sans toucher au mode de vie des résidents.
Notre recherche s’effectuera en deux temps. Il faudra d’abord trouver une stratégie susceptible de répondre à nos attentes (qui sont
évidemment celles des petites économies isolées) en nous appuyant sur des phénomènes et théories économiques reconnus et
indiscutables, avant de nous assurer de sa possible mise en oeuvre « sur le terrain ».
La première étape, qui constituera le troisième chapitre de notre travail, a déjà été quelque peu orientée par les théories
citées jusqu’ici, d’autres éléments, cette fois d’économie internationale, viendront renforcer la structure des idées que l’on se fait
déjà de la stratégie à faire naître. Il sera ensuite nécessaire d’étudier les répercussions de la politique choisie d’une part sur la
demande et, d’autre part sur l’offre. Le système d’exploitation mis en place devra être acceptable et accepté par le consommateur
et les décideurs locaux. Cette étude du « contentement externe » et de « l’adhésion interne » donnera lieu à une analyse méticuleuse
de l’offre et de la demande issues du style de développement choisi.
Le cas échéant, nous nous attacherons à vérifier la réelle possibilité d’appliquer cette stratégie « sur le terrain ». Le
passage de la théorie à la pratique est en effet trop souvent éludé des études réalisées en économie comme dans de nombreux autres
domaines. Le « modèle » de développement proposé ici tenant compte des nombreux facteurs que nous avons soulevés dans la
première partie de notre travail, rend son application délicate ou du moins implique un raisonnement méthodique se déroulant par
étapes successives jusqu’à une décision finale optimale (nous l’espérons). Nous mettrons donc un point d’honneur à faciliter cette
éventuelle application de la « théorie » en fournissant des éléments, en grande partie issus des sciences économiques, pouvant
faciliter cette entreprise. Ce sera là le principal objectif de notre quatrième et dernier chapitre.
CHAPITRE III
LA SPECIALISATION : UNE FORME DE COOPERATION
Nous allons à présent exposer une proposition de développement des petites économies isolées qui serait basée
sur le tourisme. Il faudra donc tenir compte à la fois des particularités du tourisme, des différents types de produits touristiques,
mais aussi des spécificités liées aux petites économies isolées mises en évidence jusqu’ici comme des implications économiques
qui en découlent.
Ayant démontré que pour de telles économies le commerce international est un passage obligé sinon pour leur
développement tout du moins pour une éventuelle croissance, sous peine d’aboutir plus ou moins rapidement à un état stationnaire
:
Nous entamerons ce chapitre en rappelant des principes connus d’économie internationale. Nous insisterons tout
particulièrement sur la notion de spécialisation puisque le modèle proposé dans cette deuxième partie repose sur une forme de
coopération régionale (et même micro-régionale) par la spécialisation.
Outre l’intérêt purement financier que devrait procurer cette stratégie de développement à la zone qui la mettrait en
oeuvre, que l’on démontrera facilement, nous monterons dans le détail tous les autres avantages que la dite zone pourrait également
en tirer, notamment en termes de protection de l’environnement et mise en valeur des ressources naturelles.
Nous verrons par ailleurs qu’une telle organisation du développement, particulièrement adaptée à la demande, peut dans le
même temps se révéler très fructueuse pour les décideurs et l’offre en générale sous réserve que ses fondements soient respectés.
57
Section 1 : Principes d’économie internationale.
La stratégie que l’on se propose de mettre en place au niveau régional repose sur un principe connu de l’économie
internationale : la spécialisation. Nous ne reprendons donc pas systématiquement les démonstrations et modèlisations des éléments
puisés dans les enseignements de la théorie du commerce international et renverons à quelques ouvrages de références ( Bye & De
Bernis, 1977 ; Caves & Jones, 1981 ; Grjebine, 1986 ; Guillochon, 1993 ; Kindleberger & Lindert, 1981 ; Marcy, 1976 ;
Mucchielli, 1990 ; Vellas, 1985), ou à quelques développements présentés en annexes.
Il semble au contraire intéressant de se pencher plus attentivement sur les répercussions et les applications possibles de
ces phénomènes économiques sur l’activité particulière étudiée ici : le tourisme.
L’étroitesse du marché liée à la taille des petites économies isolées implique, nous l’avons vu, des difficultés importantes
pour celles-ci en termes de développement économique. Même si l’isolement implique, lui, des difficultés à élargir la demande en
allant « prospecter » sur les continents voisins, nous avons constaté qu’il s’agissait pourtant là de la seule échappatoire à une
économie stagnante. Si le commerce extérieur, et donc le marché international, est généralement plus accessible aux grandes et
riches nations qu’aux plus faibles, certains principes d’économie internationale montrent qu’à une échelle différente, celles-ci
peuvent tout de même y avoir accès de manière tout à fait régulière.
Ce sont ces principes de l’échange international que l’on se propose de rappeler et d’appliquer dans les paragraphes
suivants.
1. Les différents courants.
Pourquoi les pays échangent-ils entre eux ? La principale base de l’échange réside en la différence de prix des biens entre
les pays. Un pays peut se procurer moins cher des produits en provenance de l’étranger et vendre d’autres produits plus cher à
destination de l’étranger. Comme chaque pays peut en faire autant, il y a gain mutuel à l’échange. Ces différences de prix sont
principalement liées aux coûts de production des biens échangés, c’est d’ailleurs le point de départ de la théorie de la spécialisation
internationale sur laquelle nous reviendrons dans le détail. L’analyse de la structure des coûts montre pourquoi il est parfois plus
intéressant d’importer que de produire certains biens.
Le premier modèle qui s’intéresse à ce phénomène est le modèle des avantages comparatifs de Ricardo. Ce dernier
remarque notamment qu’il existe des différences de productivité du travail entre plusieurs pays. D’autres fonderont leurs
recherches en prenant en considération le fait que les dotations en facteurs de production varient également entre les pays : c’est le
modèle d’Heckscher-Ohlin.
Il faut toutefois préciser qu’en fait les premiers ouvrages traitant d’économie internationale datent du seizième siècle, avec
le courant des Mercantilistes qui s’intéressent déjà au commerce étranger. Pour les Mercantilistes, l’échange international est un
moyen de s’enrichir. Il est profitable aux pays obtenant un surplus d’exportations. Cette vision implique que ce que gagne un pays
est forcément perdu par l’autre, ce qui équivaut en termes économique à un jeu à somme nulle. En effet, on considère durant cette
période que la puissance d’un Etat est fonction de sa richesse, le plus puissant étant par conséquent celui qui dispose d’un stock de
métaux précieux plus important que celui de ses Etats voisins. On prend alors principalement en compte les stocks d’or et d’argent
car n’étant pas périssables. Il s’agira donc pour un pays de vendre cher et d’acheter bon marché. En ce sens, le commerce étranger
constitue pour un Etat le meilleur moyen de se procurer des biens et de s’enrichir en vendant plus qu’il n’achète à des pays
producteurs de métaux précieux. On favorise les exportations tout en limitant les importations aux matières premières à bas prix.
Les échanges sont donc réduits, ce qui permet de dire que cette optique va complètement à l’encontre de l’économie mondiale
dynamique. Le monde ne dispose que d’une quantité limitée de ressources ce qui implique qu’un Etat ne peut s’enrichir qu’au
détriment des autres. Une pensée de J. Locke, mercantiliste anglais du dix-septième siècle résume assez bien cette façon de voir :
« La richesse ne consiste pas à avoir plus d’or et d’argent mais à en avoir plus que le reste du monde ». Cette conception
à duré plus de deux siècles.
La conception Classique est ensuite apparue avec comme idée générale que la prospérité d’un Etat peut aller de pair avec
celles des autres Etats. On doit la première théorie du commerce international à Adam Smith et David Ricardo. A la base de cette
théorie, le commerce international peut accroître la satisfaction des individus. Si l’on fait en sorte que les exportations soient égales
aux importations, il n’y a pas accroissement des valeurs d’échange ce qui implique un enrichissement mutuel des deux parties en
relation. Ici, la finalité du commerce international n’est donc pas l’accumulation d’or et d’argent puisqu’ils ne sont, pour les
classiques, que des moyens d’échange (une monnaie). Toujours selon les classiques, le commerce international n’est que
l’extension du commerce régional. Le seul but réside en la satisfaction des agents. La différence entre commerce international et
national, c’est qu’il y a, au niveau national, une mobilité parfaite des produits et facteurs de production (le capital et le travail) au
sein du pays, alors que le marché international se caractérise par la mobilité des produits à l’extérieur des frontières mais pas des
facteurs de production. Pour les classiques,
« La nation est un espace défini par une frontière que les facteurs de production ne peuvent franchir ».
Un courant qui se baptisera Néoclassique sera alors en désaccord avec les classiques sur ce dernier point puisque ces
néoclassiques, s’ils constatent la mobilité des facteurs de production sur le marché intérieur, la contestent et l’estiment imparfaite.
Ils constatent d’autre part, une mobilité des facteurs de production d’un pays à l’autre donc sur le marché international. Selon eux,
la différence entre relations nationales et internationales réside essentiellement dans le fait que la monnaie est différente d’un pays
à l’autre.
58
Les néoclassiques sont toutefois en accord avec les classiques quand ils disent que le commerce international est
avantageux pour un pays si ses exportations lui permettent d’importer des biens qui auraient exigés, s’il les avait produits luimême, une plus grande dépense en facteurs de production que n’en ont exigés les produits exportés. On favorise ici les
importations car elles permettent d’augmenter les capacités d’exportation. Comme, dans ces conditions, on ne peut importer qu’en
exportant, on débouche sur la théorie fondamentale qu’un pays doit se spécialiser dans la production d’un bien pour lequel il
possède un avantage à la production. Apparaît ainsi la politique de libre échange qui consiste à dire que tout pays doit se
spécialiser et participer à l’échange international en exportant ses produits et en important ceux qu’il a renoncés à produire.
C’est cette philosophie générale qui constitue la clef de voûte de la théorie de l’échange international. Cependant, cette
théorie de la spécialisation remodèle toute l’économie d’un pays, elle dynamise le secteur exportateur bien souvent au détriment
des autres secteurs. Ces échanges peuvent être à l’origine de tensions intérieures car certains agents vont subir l’ouverture à
l’échange alors que d’autres vont en profiter. Apparaissent alors des problèmes tels que la concurrence internationale pouvant
amener un Etat à intervenir pour préserver la production nationale dans certains pays (ce qui va à l’encontre de la pensée
néoclassique pure). Les politiques commerciales sont alors à mettre en oeuvre, la nécessité de structurer les échanges donne
naissance à la création d’instances internationales (F.M.I., O.C.D.E.) pour harmoniser la croissance nationale au sein de
l’économie mondiale. Le champ d’analyse de l’économie internationale s’élargit dorénavant par l’introduction des phénomènes de
croissance et de développement, de structure des échanges mondiaux.
2. Les apports de Ricardo.
2.1. Adam Smith et l’avantage absolu.
Adam Smith dans « La richesse des nations » (1776) est le premier à s’opposer à l’idée mercantiliste qui veut que
l’échange international se caractérise par un jeu à somme nulle. Il montre que deux pays peuvent bénéficier de gains à l’échange
dès lors qu’ils disposent l’un et l’autre d’avantages absolus sur deux biens respectifs (illustration en annexe 2). Les deux pays
ayant, dans ces conditions, intérêt à échanger en important le bien dans lequel ils sont le moins performant et en exportant celui
qu’ils produisent mieux que leur partenaire. Il y aura gain quand le produit acheté à l’étranger aura un coût moins élevé que celui
de la production nationale.
Pour Adam Smith, seuls les pays possédant un avantage absolu peuvent participer à l’échange. C’est sur ce point que David
Ricardo est en désaccord quand il présente la théorie des avantages comparatifs.
2.2. David Ricardo, les avantages comparatifs.
Ricardo (« Principes de l’économie politique et de l’impôt », 1817) va démontrer qu’un pays ne bénéficiant d’aucun
avantage absolu pourra néanmoins participer à l’échange international. Pour cela, il propose une spécialisation basée cette fois ci
sur les avantages comparatifs et montre que chaque pays devrait se spécialiser dans la production du bien pour lequel il a un
avantage comparatif, c’est à dire celui qu’il sait le mieux faire, celui qu’il fabrique au moindre coût comparé et pour lequel il a la
meilleure productivité du travail. (modèlisation en annexe 2).
Si la spécialisation internationale se généralise, elle entraîne une nouvelle allocation du travail dans le secteur pour lequel
le pays a un avantage comparatif. Le gain à l’échange pour chaque pays vient alors du fait que le facteur travail est utilisé au
maximum dans le secteur où la productivité est la plus importante, pour le produit que l’on sait le mieux faire (meilleure utilisation
du facteur de production : travail).
2.3. Coûts comparatifs et tourisme international.
La théorie des coûts comparatifs peut être appliquée à nombre de produits dont les produits touristiques. La comparaison
de deux de ces produits dans deux pays distincts permet alors d’expliquer les choix du consommateur et implicitement les échanges
touristiques internationaux. Nous irons même plus loin dans notre approche des termes de la spécialisation touristique puisque s’il
est un domaine dans lequel la qualité du bien ou service fourni tient une place importante aux yeux du consommateur, c’est bien le
tourisme.
Si l’on a déjà constaté que dans ce secteur la demande varie énormément d’une saison sur l’autre (Chap2-S2-§1), nous
nous y attarderons davantage encore (notamment dans la section suivante) pour mieux cerner les comportements du consommateur.
Ces éléments imposent aux pays « producteurs de tourisme » des critères de qualité stricts faisant ressortir naturellement leur
intérêt à ne produire que (ou tout du moins principalement) ce qu’ils savent faire le mieux, souvent les produits auxquels leurs
ressources naturelles, première source d’un éventuel avantage comparatif, les prédisposent.
« L’axe de développement à privilégier reste la qualité du service. C’est le meilleur moyen de se protéger de la
concurrence internationale. Et c’est le meilleur avantage comparatif de la France. » (Trigano, 1984 b).
Il est d’autre part difficile de comparer deux produits touristiques puisque étant en fait, rappelons-le, composés de
plusieurs biens et services (transport, hébergement, activités annexes). Il ne saurait être question de comparer séparément les coûts
de ces composantes si l’on tient à éviter des erreurs grossières concernant la comparaison du produit final pris en compte. De plus,
il n’est pas évident que le pays disposant du meilleur produit étudié sur une période déterminée soit toujours le plus performant sur
la période suivante car la qualité du service dépend de nombreux facteurs qui ne sont pas toujours contrôlables, du nouveau serveur
un peu moins aimable que son prédécesseur au naufrage d’un pétrolier rendant inexploitable une côte de sable fin, en passant par
59
quelque catastrophe naturelle. La spécialisation d’un pays dans un domaine devenu brusquement « inefficient » serait alors
catastrophique pour son économie (nouvelle preuve de l’intérêt de la diversification touristique, s’il en était besoin).
Toutefois, le rapport qualité-prix peut, lui, expliquer une partie importante de la répartition et de l’évolution des flux du
tourisme international. Même si l’on constate souvent que c’est tout de même la qualité qui prime sur le prix. On note par exemple
que pratiquant les prix les plus élevés du marché touristique, des pays comme la Suisse ou l’Allemagne n’en demeurent pas moins
aux premiers rangs des pays touristiques du monde grâce à la qualité de leur offre. Cette qualité peut être améliorée
continuellement, certains pays pour se spécialiser ou tout simplement renforcer leur avantage comparatif basé sur la qualité de
leurs services, n’hésitent pas investir de façon substantielle dans la formation professionnelle de leur personnel ou encore dans la
recherche technologique afin d’innover ou de différencier leurs produits. L’innovation concerne autant les infrastructures,
l’information, la promotion, la commercialisation que la création d’un produit inédit. Ainsi, l’investissement dans de nouveaux
matériaux de construction peuvent engendrer une baisse des prix tandis qu’une implication dans les nouveaux systèmes
informatiques comme internet peut porter ses fruits en termes de recherche de clientèle également à moindre coût et rendant du
même coup le produit plus accessible au consommateur en lui facilitant les manoeuvres d’information, de réservation et de
paiement.
Bien sûr, l’importance de la qualité du produit n’efface pas toute notion de prix chez le client et les politiques nationales
concernant les coûts de transport, d’hébergement et de prestations de services doivent suivre les efforts consentis par les acteurs du
secteur tourisme sous peine de rendre inutile toute stratégie d’amélioration du produit. Une mesure comme celle prise en France
1984 concernant la détaxation accordée à certains investissements touristiques effectués dans les D.O.M.-T.O.M. (les
investissements pouvant être déduits de l’impôt sur le revenu sous certaines conditions), peut avoir des effets attractifs non
négligeables pourvu qu’elle soit répercutée sur l’offre et donc sur la clientèle potentielle.
L’évolution des taux de change influence directement les comparaisons des coûts des produits touristiques entre pays. Elle
se trouve à l’origine des variations souvent très fortes des flux du tourisme international. Dans ces conditions, la politique des
changes devient pour un certain nombre de pays, notamment de la Méditerranée, une base de leur politique du tourisme
international. Par exemple, la dévaluation de la drachme par la Grèce avant la saison touristique 1984 fut suivie d’une
augmentation très sensible du flux touristique vers ce même pays. Cela permet à ces pays de conserver et même d’améliorer leur
compétitivité concernant les prix touristiques malgré des taux d’inflation souvent très élevés. Ainsi, les variations du taux de
change (les dévaluations) s’expliquent par le souci de conserver un rapport de coûts comparatifs avantageux.
Cependant, « la sensibilité du tourisme international par rapport aux variations de prix peut être réduite par la rigidité
des habitudes de consommation et d’hébergement. Il en résulte que l’évolution des prix influence davantage la durée des séjours
que les taux de départ » (Vellas, 1985).
3. Rôle de la demande dans l’échange international.
La prise en compte de la demande dans l’échange international est souvent présentée dans les différents ouvrages
d’économie internationale comme, sinon une limite, en tout cas une lacune importante à la démonstration de Ricardo, puisque l’on
démontre facilement que la demande jouera un rôle important notamment dans la répartition du gain mondial à l’échange.
3.1. Analyse de la répartition des gains entre les pays.
Ricardo montre que la spécialisation basée sur les avantages comparatifs de deux pays engendre un gain en unités de
travail. Il suppose pour cela que la demande de chacun de ces pays est la même et que leurs productions respectives permettent d’y
subvenir. Or si les unités de travail gagnées donnent lieu à une augmentation de la production, l’offre risque fort de devenir
supérieure à la demande et dans ces conditions, il sera difficile de fixer un prix d’équilibre.
« Tout échange, que ce soit entre nations ou entre individus, est un échange réciproque de marchandises, dans lequel les
choses qu’ils ont chacun à vendre constituent aussi leur moyen de paiement : l’offre apportée par l’un constitue la demande de ce
qui est apporté par l’autre. Ainsi, l’offre et la demande ne sont rien d’autre que l’expression de la demande réciproque ; dire que
la valeur des choses s’ajustera d’elle-même, afin d’égaliser la demande et l’offre, revient à dire qu’elle égalisera la demande d’un
partenaire avec la demande de l’autre partenaire ». (Stuart Mill, 1848).
Mucchielli (1990) expose clairement les modalités de fixation des prix des biens échangés à l’aide du graphe suivant :
60
3.1-1
P1/P2
a*L
1
———
a*L2
O
D3
D2
aL
1
——
aL2
D1
L/aL
L*/aL*
1
—————
2
Q
1+Q*1
—————
Q2+Q*2
Sont représentés ici, les segments d’offre du bien 1 correspondant en fait aux quantités possibles produites dans chaque
*
pays aux coûts relatifs a *
L1 / a L2 et a L1 / a L2 . Ces deux segments donnent la droite brisée O.
La courbe D représente la demande mondiale relative du bien 1, elle a les caractéristiques d’une fonction de demande classique
(dD/dP<0).
L’intersection de ces deux droites permet d’établir le prix international relatif du bien 1. Ce prix se situera entre les deux
rapports de prix relatifs internes (cas par exemple de l’intersection entre O et D2) ou bien sera égal à l’un d’entre eux (cas par
exemple de l’intersection entre O et D3).
Le gain à l’échange sera alors égal à la différence existant entre le rapport d’échange interne et le rapport d’échange
international du produit considéré. Plus le second sera éloigné du premier et plus le gain sera important. (compléments en annexe
3)
« La demande joue donc un rôle fondamental dans l’établissement du prix international comme dans le partage du gain.
Un pays aura d’autant plus de chance de gagner de façon importante à l’échange international que les produits pour lesquels il a
un avantage comparatif sont fortement demandés » (Mucchielli 1990).
Il faut souligner d’autre part que dans l’exemple de Ricardo, l’ouverture à l’échange implique une spécialisation complète
de chacun des pays dans le produit pour lequel ils disposent d’un avantage comparatif. Cette spécialisation « complète » ne repose
que sur les conditions d’offre, comme si les deux produits étaient demandés dans les mêmes proportions ; or, si cela n’est pas le
cas, il ne peut y avoir de spécialisation complète.
3.2. La demande, déterminant essentiel du tourisme international.
Dans l’analyse des échanges internationaux en matière de tourisme, la théorie de la demande fournit plus d’éléments que
la théorie des coûts comparatifs puisqu’elle permet d’expliquer à la fois les raisons du développement des flux touristiques et
l’intensité des courants d’échanges touristiques entre pays. Elle donne une image « instantanée » (à un moment précis) des désirs
de la clientèle aussi bien en termes de quantité que de qualité. Gardant à l’esprit qu’elle dépend, d’une année sur l’autre, de
nombreux facteurs (conjoncture, mode etc.), on peut toutefois déterminer la demande touristique internationale assez précisément à
travers l’évolution du nombre de séjours de vacances et le pourcentage de séjours à l’étranger dans les séjours totaux.
Sans aller jusqu’à rejeter totalement l’explication donnée par Ricardo quant à la spécialisation internationale, force est de
constater que concernant le secteur tourisme, il est fréquent de voir des échanges de vacanciers entre pays relativement semblables
sur le plan des dotations factorielles (dont nous soulignerons l’importance dans le prochain paragraphe), et au titre de produits eux
aussi relativement semblables, ce qui réduit considérablement l’hypothèse d’avantages comparatifs assez consistants pour être
pertinents.
Linder est le premier en 1961 à faire cette constatation et à proposer une analyse adaptée à ces faits, fondée sur la
demande intérieure qu’il considère comme la demande représentative. Pour lui, la spécialisation internationale d’un pays dépend
(aussi) d’une demande domestique suffisamment importante. C’est effectivement le cas des principaux pays récepteurs de touristes
internationaux comme la France, l’Allemagne, la Suisse, le Canada, les Etats-Unis ou le Royaume-Uni où la demande
internationale complète une demande touristique nationale importante. Les efforts alors consentis pour contenter le consommateur
local, et développer au mieux l’activité nationale, permettent au pays concerné d’accroître son avantage comparatif dans ce
domaine, par rapport aux pays ne disposant pas des mêmes infrastructures et du même environnement. Mais, et c’est là que Linder
prolonge l’idée de Ricardo, ces efforts vont du même coup rendre l’offre nationale totalement adaptée (puisque similaire) à la
demande nationale de pays semblables voisins. On peut alors se demander ce qui pourrait pousser quelqu’un à aller chercher à
l’étranger ce dont il dispose (quasiment) à l’identique à domicile.
Lassudrie-Duchêne (1971) montre qu’en fait : « la base de l’échange international est avant tout une demande de
différences entre les partenaires à l’échange » : même si les produits échangés sont semblables, la seule présence d’une différence
si négligeable soit-elle au niveau de la qualité ou tout simplement de la marque, n’est pas forcément considérée comme telle
61
(négligeable) par le consommateur, et donne lieu à un déplacement international de ce dernier. Ainsi les différences
d’environnement géographique, culturel, linguistique, font souvent l’objet d’échanges entre pays voisins de niveaux de
développement économique comparables. Ce phénomène lié, disons-le, au choix du consommateur peut être à l’origine d’une
situation paradoxale où deux pays très semblables ne disposant donc a priori d’aucun avantage comparatif (l’un par rapport à
l’autre, concernant donc sensiblement le même produit touristique) seraient amenés à échanger des flux touristiques plus
importants que deux pays moins semblables disposant chacun d’avantages comparatifs relatifs évidemment à deux produits
distincts.
« Ainsi, la demande permet d’expliquer non seulement les causes du tourisme international mais surtout leur intensité. Le
volume des échanges de tourisme international sera d’autant plus important entre partenaires que ceux-ci auront une demande
touristique intérieure élevée et à structure similaire. Il en résulte que le tourisme international se développe particulièrement dans
des zones géographiques qui regroupent des pays développés à haut pouvoir d’achat » (Vellas, 1985).
Par souci d’honnêteté, il faut tout de même reconnaître l’existence du facteur « facilité » non négligeable qui pourrait
également fournir une explication à l’importance des flux touristiques entre pays semblables et voisins. En effet, la proximité
géographique permet par exemple aux voyageurs d’utiliser des moyens de transport moins onéreux comme la voiture (dans le cas
de pays limitrophes), l’économie réalisée sur « l’élément transport » sera une économie sur le produit final choisi (constitué des
trois éléments : transport, hébergement, activités annexes) ou permettra de choisir un hébergement de qualité supérieure même si
plus onéreux par report dans le budget hébergement de l’économie réalisée sur le transport.
Des facilités d’ordre administratif ou politique peuvent également inciter le consommateur à choisir un pays appartenant à
la même communauté économique évitant ainsi des contrôles excessifs aux frontières ou les démarches fastidieuses d’obtention de
passeport, visa et autre formalité de vaccination.
Des troubles politiques (instabilité) auront bien souvent des effets encore plus dissuasifs.
Enfin, si nous présentions précédemment la différence culturelle comme un atout dans le développement touristique
puisqu’elle met en valeur l’idée de dépaysement souvent recherchée par le vacancier, l’analyse de Linder montre qu’elle n’est pas
indispensable à l’échange international et Vellas (1985) va plus loin en précisant qu’une trop grande différence d’environnement
culturel peut aussi limiter le tourisme international et empêcher un pays d’atteindre un tourisme de masse si tout n’est pas mis en
oeuvre notamment au niveau de l’accueil et de l’accompagnement pour faciliter l’intégration (provisoire) du visiteur.
4. La théorie des dotations factorielles.
« Les dotations factorielles sont déterminées par l’importance des ressources (facteurs) dont dispose un pays pour
assurer la production de l’ensemble des services de tourisme international. L’abondance relative de ces ressources va avoir une
influence décisive pour expliquer la place d’un pays dans le tourisme international » (Vellas 1985).
4.1. Le modèle Heckscher-Ohlin.
Hypothèses.
Elie Heckscher dès 1919 et (repris par) son élève Bertil Ohlin en 1933 présentent un modèle dans lequel contrairement à
l’idée avancée par Ricardo, l’échange international ne serait pas provoqué par une différence de productivité des facteurs de
production capital et travail mais par la différence de quantité de ces facteurs détenue par les pays négociants.
X
X
f
X*
f*
X*
X’
f’
X’
0
0
L’
L*
L’*
L
Heckscher-Ohlin
3.1-2
L
Ricardo
Ainsi, si le pays étranger produit le bien X en quantité (X*) supérieure à celle (X’) du pays national, la fonction de
production f étant la même pour les deux pays, c’est uniquement parce qu’il dispose du facteur de production L (présent dans le
bien X) en plus grande quantité : L* > L’  X* > X’. Et non comme le disait Ricardo parce que la fonction de production est plus
efficiente à l’étranger : f*>f’.
Un bien étant réalisé à partir des facteurs de production capital (K) et travail (L), X = f(K,L), la différence de dotation
factorielle entre deux pays (K,L)  (K,L)* se mesure de deux façons. Tout d’abord en termes réel par le ratio : K/L. Par exemple
K*/L* > K/L signifie que le pays étranger est relativement plus abondant en capital, le pays national est lui mieux doté en travail.
Cette différence peut aussi être mise en évidence à partir des rémunérations de ces deux facteurs, le capital étant rémunéré au taux
62
d’intérêt r et le travail au taux de salaire w, le facteur le plus abondant au niveau national sera « faiblement » rémunéré alors que le
facteur relativement rare sera cher.
Au niveau national :
K important  r faible et L rare  w élevé
soit
K/L élevé  w/r élevé
Donc sur le plan international
K/L > K*/L*  w/r > w*/r*, c’est dans le pays national que le capital est relativement
plus abondant que le travail, c’est donc là que le travail est relativement mieux rémunéré (puisque relativement rare).
La différence de dotation factorielle va donc jouer sur les possibilités de production de chaque pays. Un pays relativement
mieux doté en facteur capital qu’en facteur travail aura une plus grande capacité de production concernant des biens à forte
intensité capitalistique que des biens dont la production nécessite une importante quantité de travail. En effet, un bien est constitué
de capital et de travail X = f(K,L) et les intensités factorielles que nécessite sa création sont irréversibles quels que soient les prix
relatifs des facteurs (selon l’hypothèse retenue par Heckscher-Ohlin).
Un pays devra alors choisir une combinaison de production (option 1 ou option 2) de deux biens X et Y d’intensités
factorielles différentes.
L’option 1 : combinaison (X1 ; Y1) correspond à une production plus importante en bien X qu’en bien Y. La fabrication d’une
unité supplémentaire de bien Y implique l’abandon d’une certaine quantité de bien X (option 2). Les combinaisons de production
réalisable forment la courbe de possibilités de production :
Y
3.1-3
Opt2
Y2
Opt1
Y1
0
X2
X1
X
Courbe de possibilités de production
(Les hypothèses du modèle des dotations factorielles sont données : annexe 4)
Conditions d’échange international.
Il y aura échange entre deux pays lorsque les prix relatifs intérieurs de chacun d’eux en situation d’isolement seront
différents. Si l’on a par exemple
P1* P1
: cas où le prix relatif du bien 1 est plus élevé dans le pays étranger :

P2* P2
2
2
3.1-4
P1/P2
y
y
E*
E
P1*/P2*
0
0
National
x
1
Etranger
x
1
Le pays national a un avantage dans la production du bien 1, le prix relatif du bien 1 par rapport au bien 2 y est moins
élevé. Cette différence des prix relatifs vient du fait que le bien 1 est « intensif » en capital (par exemple), facteur, dont le pays est
fortement doté, moins coûteux qu’à l’étranger. Le bien 1 sera exportable tandis que le bien 2, produit pour lequel il y a
« désavantage comparatif » du fait qu’il est plus intensif en facteur travail moins abondant dans le pays, sera un bien importable.
Le pays national doit se spécialiser dans la production du bien 1 :
63
1
3.1-5
E’
x’
II
x
E
Tg’
I
Tg
0
y’
y
2
L’ouverture à l’échange engendre une augmentation du prix relatif du bien 1 intensif en capital dans lequel le pays
national a un avantage comparatif. Le nouveau point de tangence E’ entre les prix internationaux (Tg’) et le bloc de production
donne le lieu de production en libre-échange. Le pays s’est en partie spécialisé dans le bien 1. La consommation peut se
déconnecter de la production ; la courbe d’indifférence II indique le nouveau lieu de consommation avec les nouveaux prix
internationaux.
Ainsi, on produit une quantité x’ du bien 1 et l’on en consomme une quantité x, d’où un surplus exportable (x’-x) de 1. La
production de bien 2 devenue y ne répond plus à la demande y’ d’où la nécessité d’importer une quantité (y’-y) de bien 2.
Il y a équilibre international quand, d’une part, le surplus national de bien 1 correspond à la demande d’importation
étrangère de ce même produit : (x’-x) = (x’-x)* et d’autre part, quand la demande d’importation nationale en bien 2 est égale au
surplus étranger de ce produit : (y’-y) = (y’-y)*. Si cet équilibre n’est pas réalisé, alors les prix nationaux ne sont pas des prix
d’équilibre et ceux-ci sont amenés à varier jusqu’à ce que l’équilibre soit établi.
« En échangeant des produits, les pays échangent les contenus en facteurs de production de ces produits. Cette
caractéristique va engendrer une tendance à l’égalisation des rémunérations factorielles. Le commerce permet aussi de se
procurer moins cher à l’étranger ce que l’on devrait fabriquer soi-même, ce qui entraîne un gain à l’échange international ».
(Mucchielli, 1990).
4.2. Dotations factorielles et tourisme.
Les dotations factorielles du tourisme international peuvent être réparties en trois catégories principales :
_ Ressources naturelles, patrimoine historique, artistique et culturel.
_ Ressources humaines en travail et en qualification.
_ Ressources en capital et en infrastructure.
(L’importance de ces éléments est exposée dans le chapitre précédent).
Les pays disposant de dotations factorielles abondantes seront récepteurs de tourisme, ceux qui ne disposent pas de ces
dotations de façon abondante seront des pays émetteurs de tourisme. Certains pays disposant seulement d’une abondance relative
pour certaines dotations factorielles seront à la fois émetteurs et récepteurs de tourisme. Ces derniers devront se spécialiser en
fonction de l’abondance relative de chacune de leurs dotations factorielles.
3.1-6
*
2
1
Le pays 1 doté des facteurs naturels enneigement et « relief montagneux » devrait se spécialiser dans le tourisme sport
d’hiver tandis que le pays 2 jouissant abondamment des facteurs ensoleillement et fort découpage littoral (ou longueur de côtes) a
un avantage comparatif dans le tourisme balnéaire.
« Les ressources naturelles constituent, du point de vue du tourisme, le facteur le plus important. Elles sont en effet le
facteur dont la distribution internationale est la plus hétérogène, tout en étant parfaitement immobile de pays à pays, ce qui est
une cause essentielle du tourisme international. Cette importance des ressources naturelles permet de compléter le modèle des
64
dotations factorielles et d’en accroître la portée » (Vellas 1985). Ce qui rend particulièrement performante l’explication des flux
de tourisme international à partir du modèle des dotations factorielles.
Conclusion.
Ces développements montrent que non seulement les petites économies peuvent envisager avec une certaine sérénité de
participer au commerce international, mais que les spécificités même qui les en privaient jusqu’ici pourront désormais devenir leur
atout majeur dans cette entreprise, pourvu que ces régions choisissent d’utiliser l’avantage comparatif que leur procurent ces
particularités, et ceci en décidant de se spécialiser dans le tourisme.
Là n’est pas toute la stratégie que l’on se propose ici de mettre au point. Si l’on se souvient de toutes les remarques et
réflexions déduites de l’analyse de l’activité tourisme, apparaît le constat d’une contradiction grotesque entre la spécialisation
touristique d’une région et l’impérieuse nécessité de diversification du produit offert, condition sine qua non pour éviter l’impasse
tragique à laquelle pourrait conduire un simple effet de mode orientant le consommateur sur une autre voie.
La spécialisation dont nous parlons ici ne consistera donc surtout pas à transformer une région en un unique produit
touristique. Souvenons-nous que la force des petites économies isolées ne vient pas uniquement de leurs richesses naturelles, mais
aussi et en l’occurrence surtout dans la diversité de ces ressources. Sans nous engager plus avant dans la section qui suit, nous
montrerons très bientôt que cette variété des atouts conduira à autant de produits variés à offrir. C’est désormais sur une politique
de gestion régionale de ces avantages que reposent le succès de leur exploitation et le bénéfice de ses dividendes éventuels.
65
Section 2 : La spécialisation micro-régionale.
Nous avons vu que les petites économies isolées désireuses de se sortir d’une éventuelle situation de stagnation
économique n’ont d’autre choix que celui de tout mettre en oeuvre pour parvenir à participer au commerce international. Etre
présent sur le marché international devient pour elles un enjeu majeur. Pour réaliser ce désir, les principes de spécialisation
internationale leur confèrent des opportunités saisissables, pour peu qu’elles parviennent à se mettre en valeur en proposant des
produits de qualité.
Les petites économies isolées, et plus particulièrement les petites économies insulaires, disposant d’atouts (déjà passés en
revue dans le chapitre 2), principalement relatifs à leur forte dotation en ressources naturelles, auront souvent intérêt à se
spécialiser dans le tourisme. Evidemment, il ne suffit pas de choisir de se spécialiser pour y parvenir et récolter les bénéfices
escomptés. C’est tout un plan, une stratégie de développement qui doit être élaborée, et ceci en fonction des particularités du
milieu, de ses spécificités. Il faudra :
_ Mettre en valeur les produits « identitaires » susceptibles de procurer à la région un avantage absolu par rapport à l’offre
touristique internationale. (Puisqu’un produit indentitaire procure à son détenteur une situation de monopole sur ce bien).
_ Rendre le plus efficient possible les produits plus « classiques », les entretenir, les améliorer en se tenant au courant des
nouvelles technologies, pour bénéficier également de la demande issue de pays voisins (et semblables).
_ Mais aussi et surtout, ne pas tout miser sur le seul secteur de base, que deviendrait alors le tourisme dans l’île, et mettre
en place une véritable politique de « participation » des secteurs résiduels comme l’agriculture, l’élevage, l’artisanat et toute forme
de service (non directement liée au tourisme) qui pourraient devenir les principaux fournisseurs et donc en quelque sorte le moteur
de l’activité de base. Il ne faut en effet jamais perdre de vue qu’en termes de tourisme, rien ne peut se faire sans l’adhésion de la
population résidente.
C’est une stratégie de développement touristique répondant à toutes ces conditions et impératifs que nous nous essayerons à
modéliser dans cette section.
1. La théorie des « flux comparatifs ».
L’idée consiste tout simplement en l’application, au niveau local, des principes de spécialisation internationale (Serra,
1997b). Le pays devra développer les différents types de tourisme (qu’il est toutefois susceptible de produire) dans les zones où les
ressources naturelles y seront les plus favorables et les mieux adaptées.
1.1. Quelques définitions.
Certaines « mises au point » sont nécessaires à une meilleure compréhension du modèle à venir car si les termes employés
sont des termes précis dans le langage du tourisme (Quaranta, 1992), mais aussi pour diverses branches de l’économie comme
l’environnement, l’espace géographique, la finance etc., ils seront parfois employés ici dans un sens tantôt nuancé tantôt plus précis
encore. Sans avoir la prétention de redéfinir ces termes, il s’agit plutôt pour nous d’exposer dans ce paragraphe « Ce que l’on
entend par... »
_ La notion de Zone.
L’une des plus petites entités géographiques reconnues et gérées par un élu est la commune. Il sera important pour nous de
parler d’un découpage géographique tel que chaque parcelle soit représentée par un responsable politique et/ou économique
disposant d’un pouvoir de décision en termes d’aménagement du territoire.
Cependant, la bonne application de la stratégie de développement touristique que l’on souhaite mettre en oeuvre (au
moins en théorie) nécessite la prise en compte de critères aussi bien purement géographiques que démographiques,
environnementaux et autres (nous en définirons quelques uns plus loin).
C’est en fait à partir de l’évaluation de ces critères que l’on déterminera le type de tourisme qu’il sera préférable de
développer sur la parcelle étudiée. Il sera donc nécessaire, pour attribuer une forme de tourisme à une parcelle en particulier, que
sur l’ensemble de cette entité géographique soient présents (ou absents) les mêmes critères de décision et en même quantité et
qualité. C’est exactement comme cela que l’on définit une zone :
« une partie du territoire sur laquelle certains critères décisionnels ne varient ni en quantité ni en qualité ».
Il apparaît alors que certaines communes seront constituées de plusieurs zones tandis que certaines zones pourront s’étaler
sur plusieurs communes, dans ce dernier cas, on considérera que le maire tiendra le rôle de décideur pour la partie de la zone se
trouvant sur sa commune.
_ La Macro-zone.
On emploiera ce terme essentiellement pour étudier les conséquences qu’entraîneraient certains choix de développement
concernant deux zones, sur l’ensemble constitué par ces deux zones : la macro-zone.
_ Les critères.
Nous avons recensé dans notre premier chapitre les différents « types de tourisme », et constaté qu’ils se différenciaient
essentiellement par leur contenu, le produit principal (avec tous les éléments le constituant), en un mot l’offre. Une semaine au
sport d’hiver n’est pas le même produit qu’une semaine de tourisme balnéaire. Une zone doit pour offrir un produit « neige »
disposer d’un relief vallonné et d’un taux d’enneigement suffisamment conséquent pour permettre la création de pistes skiables.
Ce sont des spécificités de ce type, enneigement, relief, (qui feront que deux zones sont distinctes) que l’on appellera
critères.
66
On soulignera qu’il n’existe pas uniquement des critères d’offre, permettant ou non à une zone d’exploiter tel ou tel
produit touristique, il y a aussi des critères de demande qui rendront peut-être le produit offert par une zone plus efficient (dans le
sens : préféré par le consommateur) que celui, pourtant du même type, proposé par une autre zone.
Supposons deux zones distinctes uniquement à cause du critère accessibilité (tous les autres critères étant égaux par
ailleurs !), pouvant donc proposer le même produit touristique, disons « thermal » puisqu’elles disposent toutes deux d’une eau de
même qualité, d’une faune et d’une flore similaire, de même climat et relief etc.; supposons à présent que l’une d’elles soit située à
une heure de route de l’aéroport le plus proche tandis que l’autre est implantée à quatre heures de route de cet aéroport (le plus
proche pour elle aussi), ce seul critère, même s’il n’est pas d’une importance cruciale dans la conception du produit, (il n’y est pas
directement lié), aura une influence non négligeable sur le choix du consommateur. Permettant à lui seul de différencier les deux
zones, il est un critère de décision.
On comprend déjà la difficulté quasi insurmontable à laquelle on s’attaquerait si l’on envisageait de réaliser le découpage
d’une région en zones, c’est à dire en comparant dans le moindre détail la variation des critères les constituants. Si le
consommateur ne fait pas de différence entre une heure de route et une heure plus cinq minutes, à partir de quand la fera-t-il ? Une
heure et quart ? Une heure trente ? Qu’en sera-t-il de l’avis d’un autre individu ? Là n’est pas le but de notre recherche, il faudra
certes tenir compte au maximum des critères de capacité d’offre et de possibilité de contentement de la demande disponibles sur la
zone étudiée, mais cela uniquement (dans un premier temps, le plus important) pour éviter des erreurs d’estimation du marché que
l’on vise. Ces erreurs sont souvent irrémédiables puisqu’elles touchent à l’aménagement du territoire et donc à l’environnement.
Si dans un deuxième temps, ayant écarté les options à l’évidence peu prometteuses, le choix subsiste entre deux options
apparemment aussi intéressantes l’une que l’autre, la prise en compte de critères a priori peu influents pourra se révéler fort
pertinente pour le choix final du produit touristique à développer.
Afin d’appuyer le raisonnement relatif à la « modélisation » de la théorie qui suit par des exemples, six critères nous ont
semblé suffisamment explicites. D’une importance aisément concevable, ils sont « définis » comme suit.
_ Critère d’accessibilité d’une zone.
On a déjà relaté l’influence de l’accessibilité d’une zone sur la performance, aux yeux du consommateur, du produit
qu’elle exploite. L’accessibilité ne doit pourtant pas être considérée comme un seul critère de demande, mais bien être prise en
compte lors de la conception du produit, elle est donc aussi un critère d’offre. En effet, une région (un pays, un territoire...) ayant
décidé de se doter d’un parc d’attraction aura intérêt à l’implanter dans une zone relativement accessible. L’accessibilité d’une
zone sera estimée par exemple en fonction de la présence ou non d’un aéroport à une certaine distance, ou d’une autoroute à
proximité. On comprend que deux zones ne seront pas oui ou non accessibles, mais plus ou moins accessibles l’une que l’autre. Ce
critère a probablement joué un rôle important dans le choix d’implantation du Stade de France.
_ Le critère Patrimoine historique.
Ce terme garde ici son sens courant, on se contentera de préciser que l’on tiendra compte essentiellement de monuments
particulièrement estimés, de ruines et autres vestiges pour mieux « imager » nos propos à venir, puisque dans l’absolu, on pourrait
dire que toute zone dispose d’un patrimoine historique. En d’autres termes, plus parlants, disons que l’influence de ce critère
viendra par exemple du fait que l’on ne pourra pas faire ce que l’on veut sur une zone parsemée de menhirs. A partir de là, nous
verrons que de par la forte présence de patrimoine historique, une zone sera en quelque sorte « à protéger » de certaines formes de
développement touristique. Il aura dans ces conditions une influence sur le choix du produit touristique à exploiter sur place ou
alentour, mais aussi un certain pouvoir d’attraction sur le visiteur. Cet exemple montre bien qu’un critère peut être à la fois un
critère d’offre restrictif et un critère de demande avantageux.
_ La faune et la flore.
Critère très proche du précédent dans son rôle à jouer lors de la conception du produit à offrir : un site classé (étant
réglementé) ne peut être aménagé à la guise de décideurs locaux ; de même la présence d’animaux en voie de disparition implique
de prendre des précautions quant aux éventuelles dispositions, souhaitées par un décideur local, relatives à l’aménagement du
territoire risquant de dénaturer le site et de nuire aux résidents en question. On a vu récemment des scarabées détourner le parcours
dune autoroute et des ours stopper (sans agressivité) la progression d’un tunnel. Notons cependant que, comme le précédent critère,
la faune et la flore auront sans doute un effet attractif sur le vacancier.
Il est très important, pour la suite de l’étude, de prendre immédiatement conscience du fait qu’un critère n’est pas bon ou
mauvais pour le développement touristique d’une zone. S’il peut avoir sur cette zone aussi bien, et à la fois, des effets positifs et
négatifs, c’est en le prenant en considération dans le plan de développement que l’on pourra en tirer les meilleurs avantages et
réciproquement, c’est en utilisant au mieux les externalités positives qu’il procure que l’on obtiendra un produit touristique plus
efficient. Un touriste ayant une forte préférence pour ce qui pourrait être le critère tranquillité, choisira à ces fins entre deux
produits similaires, celui situé sur la zone la moins accessible (devenue de ce fait, aux yeux du client en question, plus performante
que sa concurrente).
_ Critère attraction touristique.
Il s’agira à travers ce critère de prendre en compte les aménagements touristiques déjà présents sur la zone. Il serait
effectivement dommage de redéfinir totalement une orientation de développement sur un site sans utiliser des atouts qui y auraient
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été ultérieurement implantés. On pourra au moins, au vu de ce critère, effectuer un choix final opposant deux stratégies de
développement à première vue équivalentes, en remarquant que certaines installations de la zone sont mieux adaptées à la demande
ciblée par l’une de ces options que par l’autre. On ne peut pas (sauf cas exceptionnel) par exemple détruire un parc d’attraction
sous prétexte que la prise en compte de nombreux autres critères tend à montrer que l’on s’est trompé sur l’orientation touristique
« infligée » à une zone qui aurait eu grand intérêt de par ses ressources intrinsèques à se développer différemment.
Sans aller jusque là et pour donner un exemple plus explicite, supposons que l’analyse minutieuse des caractéristiques
d’une crique montre que la profondeur, la qualité et la température de l’eau, la prédispose à recevoir une ferme aquacole
(rappelons que ce type d’installation destiné en fait aux secteurs dit résidentiels susceptibles d’alimenter le secteur de base, fait
partie du choix d’orientation économique de la zone), la présence sur la berge d’un camping recevant chaque année une clientèle
que l’on qualifierait « d’habitués », devra forcément être également analysée et faire partie des critères décisionnels retenus.
_ Critère capacité d’accueil.
La finalité de la prise en compte de ce critère est sensiblement la même que la précédente. La présence de nombreux
établissements d’hébergement donnera implicitement à la zone un aspect récepteur (nous définirons ce terme par la suite) plutôt
que fournisseur. Le détail de ces établissements (leur nature) orientera plus précisément la décision quant au produit touristique à y
proposer préférentiellement ; les hôtels quatre étoiles faciliterons la mise en place de produits « affaire ou scientifique » comme
l’organisation de colloques tandis que des établissements de type refuges seront plus adaptés à l’accueil de touristes « sportifs »
randonneurs, ou activités organisées : stage d’escalade, kayak et autre.
A l’inverse, si une zone est à la fois susceptible d’accueillir ces deux types de voyageurs, et si elle ne dispose encore
d’aucune infrastructure, il sera plus intéressant économiquement de lui préférer une orientation « sport », la construction des
installations sera moins onéreuse. Le produit « affaire » pourra probablement être exploité sur une zone similaire déjà équipée en
hôtels.
_ Critère Activités commerciales.
Une zone industrielle restera certainement une zone industrielle, il serait étonnant que les conclusions de l’analyse de ses
critères lui attribuent une prédisposition à fournir quelque produit touristique que ce soit. Pourtant, souvent, la nature des
commerces de la zone aura un rôle déterminant dans le choix du produit à exploiter. Ainsi, un centre commercial, un casino et
autre patinoire, ne visent pas la même clientèle qu’une épicerie de village et un cinéma « plein air », il faudra utiliser ces atouts
pour contenter la demande sur laquelle ils ont déjà une influence.
_ L’aspect d’une zone.
La définition des quelques critères présentés jusqu’ici donne intuitivement une idée de ce que l’on entendra par aspect. Et
cela, tout simplement parce que c’est l’ensemble de ces critères qui va donner à la zone un aspect plutôt qu’un autre. Toutefois, il
ne faudra pas confondre l’aspect avec l’orientation finale choisie, l’aspect reste une notion beaucoup plus générale, plus abstraite
aussi. L’aspect d’une zone donne une idée des critères que l’on est susceptible d’y trouver ou de ne pas rencontrer. Il n’y a donc
pas de définition précise du terme puisque deux zones d’aspect identique n’auront pas forcément les mêmes critères (et bien
évidemment pas en quantité/qualité égales puisque ce sont deux zones).
Cependant, l’aspect donnera immédiatement une idée générale sur ce que l’on peut faire ou non sur la zone. Reprenant
l’exemple précédent, l’aspect industriel d’une zone donne une idée de ce que l’on y trouve et des produits touristiques qu’elle ne
peut offrir ; selon le même raisonnement on comprendra qu’une zone d’aspect agricole soit riche en terres cultivables et qu’elle
doive logiquement être destinée à la production agricole.
Pour faciliter l’exposé du modèle, comme nous avons présenté quelques critères, nous allons à présent « définir » deux
aspects qui suffiront à démontrer l’intérêt de la théorie proposée dans cette étude.
_ L’aspect sensible.
On dira d’une zone qu’elle a un aspect sensible, si elle dispose, par exemple, d’une faune et/ou d’une flore à protéger. Le
critère faune/flore sera alors relativement important (dans le sens : élevé). Ou bien, si elle dispose d’un patrimoine historique
important qui l’oblige à respecter certaines règles d’entretien ou d’amélioration visant à sauvegarder ces richesses ; le critère
patrimoine historique sera évidemment élevé. Un critère du style Pittoresque pourra également faire d’une zone une zone sensible.
Même si ce dernier critère semble flou, on comprend qu’un lieu qui attire le visiteur par sa beauté naturelle, ne devrait pas (dans un
plan de développement réfléchi) servir d’accueil à une chaîne hôtelière sous peine de le dénaturer et de lui faire perdre du même
coup sa force attractive. Une zone d’aspect sensible sera en quelque sorte une zone pour laquelle un développement de type « tout
tourisme » ou « tourisme de masse » serait (donc au vu de certains de ses critères) une erreur.
_ L’aspect Confort.
L’aspect confort fait plutôt référence à une zone urbaine facilement accessible (peut-être proche d’un aéroport), on y
trouve de nombreux commerces, restaurants, hôtels sinon de « luxe » en tout cas « confortables », des distractions de tout type,
discothèque, bowling ou théâtre. Cet aspect sera en fait attribué à une zone déjà bien développée sur le plan commerciale et parfois
même sur le plan touristique. Ce qui explique que cette zone n’aura probablement pas un aspect sensible ; en tout cas, si les deux
aspects précités ne sont pas forcément totalement antagonistes, une zone ne sera en aucun cas à la fois extrêmement sensible et
extrêmement confortable (dans le sens défini pour confortable).
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C’est essentiellement à partir de ces deux aspects que l’on pourra mettre en vis à vis deux zones qualifiées respectivement
de sensible et de confortable afin d’étudier les retombées économiques (environnementales et autres) qu’engendreraient sur
chacune d’elles et sur la macro-zone qu’elles constituent, les stratégies de développement qui leur seront assignées.
_ La zone Verte.
On entendra par zone verte, une zone d’aspect relativement sensible et faiblement confortable. Elle dispose d’une faune et
d’une flore jusqu’ici entretenues et protégées, d’un aspect pittoresque certain, pas forcément très accessible mais pas isolée non
plus. Elle n’est pas excessivement développée commercialement, on y trouve quelques commerces mais pas de luxe : plutôt
pizzeria que restaurant avec étoiles, plutôt cinéma plein-air que casino. Elle ne dispose ni d’une grande capacité d’accueil, ni d’une
forte attraction touristique; si ce n’est de par son aspect proche de la nature.
Ainsi, si l’on devait évaluer l’ensemble des critères (définis plus haut) la constituant sur une échelle de valeur à cinq
graduations ordonnées comme suit: Faux / Assez-Faux / Demi-Vrai (ou Demi-Faux) / Assez-Vrai / Vrai ; La zone verte aurait le
profil suivant :
Profil d’une zone verte (à titre indicatif)
_ Critère faune et flore
:
Assez-Vrai
_ Critère d’accessibilité
:
Demi-Vrai
_ Critère Patrimoine historique
:
Demi-Vrai
_ Critère attraction touristique
:
Assez-Faux
_ Critère capacité d’accueil
:
Assez-Faux
_ Critère Activités commerciales
:
Assez-Faux
_ La zone Luxe.
On qualifiera de zone luxe une zone d’aspect relativement confortable et faiblement sensible. Elle dispose d’attractions
touristiques et d’activités commerciales notables et d’une capacité d’accueil relativement importante. De plus, elle est facilement
accessible. D’autre part, elle ne dispose ni d’un patrimoine historique ni d’une faune ou d’une flore remarquable. Son profil
pourrait être le suivant :
Profil d’une zone luxe (à titre indicatif)
_ Critère attraction touristique
:
Assez-Vrai
_ Critère capacité d’accueil
:
Assez-Vrai
_ Critère Activités commerciales
:
Assez-Vrai
_ Critère d’accessibilité
:
Assez-Vrai
_ Critère Patrimoine historique
:
Assez-Faux
_ Critère faune et flore
:
Assez-Faux
_ La notion de Flux-monétaire.
Dans cette étude, on appellera Flux-monétaire la quantité totale de monnaie dépensée par un visiteur dans sa zone de
résidence. Ce qui implique que ce flux sera « attribué » à l’établissement d’hébergement qu’il aura choisi. Ainsi, le flux monétaire
sera constitué non seulement des frais d’hébergement mais aussi des dépenses effectuées par le client sur toute sa zone d’accueil,
dans ses commerces, une sortie au restaurant, en discothèque, ou des souvenirs achetés chez un artisan.
Les dépenses effectuées sur une zone voisine (du lieu d’hébergement) ne seront pas prises en compte dans le calcul du
flux-monétaire, pas plus que les frais de transport (aller comme retour) relatifs à l’acheminement du voyageur jusqu’à sa zone ;
puisque l’on estime, dans cette recherche, que quelle que soit la stratégie de développement choisie par le décideur d’une zone, elle
n’aura que très peu d’influence (voire pas du tout) sur le choix du consommateur quant au moyen de transport retenu pour se
rendre sur son lieu de villégiature.
1.2. Les hypothèses.
H1.
Le modèle s’applique à deux zones. La zone V est une zone Verte, l’autre, L, est une zone Luxe ; avec toutes les
particularités que cela implique. On suppose plus particulièrement que quel que soit le type d’hébergement implanté sur la zone
Luxe, la forte dotation (notamment) en commerces de cette dernière permettra à l’établissement en question d’engendrer des fluxmonétaires supérieurs à ceux qu’il aurait engendrés dans la zone Verte (moins fournie en commerces). V et L constituent la Macrozone V-L.
H2.
Le modèle étudie les retombées de l’implantation sur la macro-zone de deux types d’hébergements : des Hôtels
(H) et des Campings (C). Ces établissements représentent deux types de tourisme différents, l’hôtel représentera pour nous un
certain confort, tandis que le camping reste plus proche de la nature. Si l’on fait rapidement le rapprochement avec les différences
des deux zones traitées, l’important est en fait de percevoir immédiatement que ces deux types d’établissements ne s’adressent pas
à la même clientèle. Pour que cette constatation soit plus évidente encore, on supposera que l’hôtel détient au moins une étoile
alors que le camping est ce qu’il y a de plus classique (sans prétention). Il apparaît alors automatiquement que la nuitée sera plus
onéreuse dans l’hôtel qu’au camping, ceci quelle que soit leur zone d’implantation.
Dans ces conditions et pour donner à notre modèle des valeurs chiffrées, les flux-monétaires susceptibles d’être engendrés
par un camping et un hôtel implantés sur L ou V sont représentés dans le tableau suivant (on peut considérer cela comme une
moyenne représentative) :
Tableau 32-1
Flux-monétaires (en Unité-Monétaire) engendrés par H et C sur L ou V.
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Flux-monétaires
Hôtel
Camping
zone Luxe
500
200
zone Verte
200
150
Où qu’il soit implanté, l’hôtel engendre un flux-monétaire supérieur à celui engendré par le camping. En L : 500>200 et
en V : 200>150.
Quel que soit l’établissement considéré, il engendrera un flux-monétaire plus important dans une zone Luxe que dans une zone
Verte. Pour H : 500>200 ; Pour C : 200>150.
1.3. Le modèle des Flux relatifs.
Faisant allusion à celle de Ricardo, la théorie des flux comparatif, comme le modèle des flux relatifs sont exposés pour la
première fois à l’occasion d’un mémoire de Maîtrise (Serra, 1994) dirigé par le Professeur Fustier à l’Université de Corse.
1.3.1. Enoncé du modèle :
_ Une instance supérieure (qui pourrait être la Communauté Européenne si l’action se déroulait en France), accorde à la
Macro-zone V-L une subvention afin de faciliter son développement touristique par l’implantation de six établissements d’accueil.
Par souci de décentralisation des pouvoirs et d’une certaine autonomie accordée au niveau local (à la macro-zone) quant à la prise
en main de son développement, aucune condition relative au type d’établissement à implanter ou au lieu d’implantation n’est émise
par l’instance bienfaitrice.
_ Les décideurs des zones Verte et Luxe, respectivement DV et DL se mettent rapidement d’accord pour respecter la
demande touristique sur la macro-zone qui est deux fois plus importante en camping qu’en hôtel (suite à renseignements INSEE
par exemple). Deux hôtels et quatre campings seront donc implantés sur la macro-zone.
_ DV et DL proposent « logiquement » de se partager équitablement les établissements à mettre en place. Chacun d’eux
aura donc pour tâche d’exploiter un hôtel et deux campings.
Ils s’empressent alors d’estimer les flux-monétaires supplémentaires que leur fourniront ces trois nouveaux
établissements, puisqu’ils connaissent les estimations (moyennes) présentées dans le précédent tableau. Le tableau suivant présente
le calcul des deux décideurs :
Flux-monétaires
Un hôtel
Deux campings
Gains
Tableau 32-2
Calcul des flux-monétaires engendrés.
zone Luxe
zone Verte
500
200
2×200 = 400
2×150 = 300
900
500
Macro-zone V-L
700
700
1400
1.3.2. Application de la théorie Ricardienne.
Si les deux décideurs s’étaient interrogés sur une possible application de la théorie des avantages comparatifs de Ricardo
(présentée dans la section précédente), ils auraient fait le constat suivant :
Calcul des « flux-relatifs » :
Tableau 32-3
Calcul des Flux-relatifs
zone Luxe
zone Verte
Flux-relatifs
Hôtel / Camping
500 / 200 = 2,5
200 / 150 = 1,33
Camping / Hôtel
200 / 500 = 0,4
150 / 200 = 0,75
On traduit alors ces résultats comme suit :
Remarquons tout d’abord qu’au vu du tableau 32-1 et selon les termes de Ricardo, la zone Luxe dispose d’un avantage absolu dans
l’exploitation des deux types d’établissements puisqu’ils engendrent tous deux en L un flux-monétaire supérieur à celui qu’ils
engendrent en V (500 contre 200 pour H ; 200 contre 150 pour C). Cependant, au vu de ce dernier tableau (32-3), on constate
qu’en L, un hôtel engendre 2,5 fois le flux-monétaire engendré par un Camping alors que dans la zone Verte, ce même rapport
n’est que de 1,33 ; Ce qui signifie que comparativement, un hôtel est plus efficient en L qu’en V. On dira que la zone Luxe dispose
d’un avantage comparatif dans l’exploitation du type de tourisme représenté par les hôtels.
A l’inverse, on constate que si un camping rapporte en zone Luxe 0,4 fois ce que rapporte un hôtel, dans la zone Verte un
camping engendre 0,75 fois le flux-monétaire d’un hôtel ; Ce qui signifie que les campings sont comparativement plus efficients
dans la zone Verte. On dira que la zone Verte dispose d’un avantage comparatif dans l’exploitation du type de tourisme représenté
par les campings.
On peut alors se demander si, comme pour l’échange international, les deux zones n’auraient pas intérêt à se spécialiser
dans le type de tourisme qu’elles savent exploiter le mieux. Supposons dans notre exemple que, suivant la logique de
spécialisation, la zone Luxe reçoive les deux hôtels à implanter sur la macro-zone V-L et que la zone Verte soit, elle, chargée
d’exploiter les quatre campings également prévus sur V-L. Les flux-monétaires engendrés par les mêmes établissements que
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précédemment (Deux hôtels ; Quatre campings) et selon les mêmes moyennes (tableau 32-1) mais en zones différentes sont
représentés dans le tableau suivant :
Tableau 32-4
Flux-monétaires engendrés après spécialisation.
Flux-monétaires
Hôtels
Campings
Total
Avant Spécialisation
Gains
zone Luxe
2×500 = 1000
0×200 = 0
1000
900
+ 100
zone Verte
0×200 = 0
4×150 = 600
600
500
+ 100
Macro-Zone V-L
1000
600
1600
1400
+ 200
En spécialisant dans l’exploitation d’hôtels, la zone Luxe obtient un flux-monétaire de 1000 unités monétaires contre 900
avant la spécialisation, soit un gain en termes de flux-monétaire de +100 U.M. La zone Verte obtient le même gain de 100 U.M. en
se spécialisant dans le camping. Ce qui provoque un gain total de 200 U.M. pour la macro-zone V-L.
2. Extensions de la théorie.
Le cas particulier présenté dans le modèle n’a pour but que de montrer mathématiquement l’intérêt de la spécialisation par
zone. Les intérêts d’une telle spécialisation sont en réalité multiples, nous le verrons, mais on constate d’ores et déjà que les fluxmonétaires engendrés, et donc la rentabilité d’un établissement, sont accrus lorsque cet établissement est placé là où
l’environnement est, pour lui, le plus propice. N’oublions pas que les établissements utilisés pour illustrer le modèle représentent
en fait des produits touristiques, c’est à dire un ensemble d’éléments recherchés par le consommateur.
2.1. Origine du gain.
Il y a intérêt à la spécialisation (et gain à l’exploitation) à partir du moment où une zone a un avantage comparatif dans
l’exploitation d’un type de tourisme en particulier. La différence d’efficience d’un même produit touristique mais proposé sur des
sites non semblables est (principalement) provoquée par les caractéristiques intrinsèques de ces sites. Ce sont les spécificités à
l’origine même de la division en plusieurs zones d’un secteur (territoire) qui font qu’elles sont plus ou moins efficientes dans la
mise en oeuvre de telle ou telle stratégie de développement touristique.
Il sera donc essentiel pour une zone de tenir compte de ses propres spécificités, en étudiant au mieux les critères la
constituant, avant de se lancer dans l’élaboration d’un quelconque produit touristique. Ceci afin de choisir celui qui, le mieux
adapté à ses potentialités, lui fournira le meilleur avantage comparatif.
Les critères influents étant déjà présents, intégrés, constituant la zone, on comprend que, pour revenir à des termes
économiques plus classiques, ce sont les dotations factorielles de la zone qui sont à l’origine d’un éventuel avantage comparatif
pour elle dans tel domaine plutôt que dans tel autre. Et nous avons vu qu’en termes de développement touristique, les premières
dotations factorielles d’une région sont en fait ses ressources naturelles. L’illustration 3.1-6 (Chap.3 section 1 schéma 6) fait
ressortir que les critères d’enneigement et de relief montagneux donne à une (première) région comme à une zone un aspect que
l’on pourrait appeler Alpin tandis que les critères d’ensoleillement et de longueur des côtes confèrent à une (seconde) région
comme à une zone ce que l’on pourrait appeler un aspect Balnéaire. De par ses critères, ses dotations, ses ressources naturelles, la
première zone détient assurément un avantage comparatif dans le tourisme « sport d’hiver » alors que la seconde jouit
probablement d’un avantage comparatif dans le tourisme « balnéaire ».
Il y aura donc intérêt pour une zone à adapter le développement touristique à son environnement.
On précisera toutefois que si les ressources naturelles d’une zone lui confèrent un avantage comparatif naturel, un
accroissement de cet avantage pourra être provoqué par des méthodes déjà exposées précédemment comme la formation du
personnel dans le type de tourisme choisi, le suivi des évolutions technologiques, et autres investissements nécessaires non
seulement à l’augmentation de l’avantage (du flux relatif) mais également à son maintien. Enfin, la recherche de produits que l’on a
qualifiés jusqu’ici d’identitaires est toujours nécessaire à l’élévation de la performance d’une zone puisqu’ils viendront greffer sur
son avantage comparatif un avantage absolu même si c’est dans un domaine à moindre portée, même s’il ne s’agit que d’un article.
2.2. Des intérêts multiples.
2.2.1. Intérêt financier.
Nous avons pu démontrer assez facilement l’intérêt financier de la spécialisation par zone puisque celui-ci se traduit par
une augmentation visible des flux-monétaires. Ce qui revient à dire qu’en se spécialisant, les zones permettent à l’île ou à la petite
économie isolée de tirer un plus grand bénéfice de sa participation au marché international, par le biais du tourisme, puisqu’elles
lui obtiennent chacune une augmentation substantielle des devises perçues.
Et ceci sans qu’il y ait eu augmentation de la demande. Effectivement, dans le modèle, la demande de la macro-zone est
restée la même avant et après la spécialisation. Rappelons en effet que ce qui fait qu’un hôtel engendre un plus grand fluxmonétaire en zone luxe qu’en zone verte n’est pas lié à une augmentation du tarif de la nuitée (on considère que ce tarif reste le
71
même que l’hôtel soit en zone Luxe ou en zone Verte). Ce qui fait augmenter ce flux-monétaire, ce sont les dépenses que le visiteur
effectue dans les différents commerces disponibles sur la zone luxe ; commerces auxquels le visiteur n’aurait pas eu accès en zone
verte. La demande a en quelque sorte été créée et la dépense provoquée par la présence de ces commerces.
Il ne faut surtout pas en déduire que c’est la présence de magasins qui provoque automatiquement l’augmentation des
flux-monétaires dans une zone, qu’elle aurait donc aussi bien pu être engendrée par un camping, et qu’il suffit en fin de compte de
construire un maximum de magasins. En analysant plus finement le comportement du consommateur de tourisme (dans un prochain
paragraphe), nous comprendrons que la présence de commerces n’a pas la même influence sur la clientèle hôtelière que sur les
amateurs de camping. Sans dévoiler les résultats de cette analyse à venir, disons simplement que les goûts du consommateur ne
varient pas du tout au tout entre le choix d’un hébergement et celui d’une zone de villégiature ; ainsi, on comprend intuitivement
que l’abondance de commerces a plus d’impact sur un individu recherchant le confort d’un hôtel que sur celui qui sera plus
intéressé par l’aspect « aventure » que lui procure le camping. Ce qui a permis une augmentation des flux-monétaire c’est en réalité
le fait d’avoir positionné une clientèle particulière au bon endroit.
2.2.2. Intérêt environnemental.
La spécialisation visant à adapter le tourisme à l’environnement plutôt que l’inverse, puisque la stratégie de
développement touristique est choisie en fonction des critères (y compris et surtout environnementaux, naturels) de la zone à
traiter, aura de ce fait des retombées positives évidentes sur l’environnement. Effectivement, une zone d’aspect sensible disposant
d’une faune ou d’une flore relativement à protéger sera moins endommagée en accueillant un camping qu’en accueillant un hôtel.
Une zone d’aspect confort déjà développée et riche en infrastructures commerciales et autres bâtiments urbains souffrira moins de
la présence d’un nouvel hôtel.
En sortant plus franchement de l’exemple du modèle reposant sur la comparaison camping/hôtel, on pourra constater que
la spécialisation a non seulement des effets protecteurs sur l’environnement, mais qu’elle permettra également dans certains cas
une véritable amélioration, une mise en valeur des ressources naturelles de la zone. Prenons l’exemple d’une zone partiellement
constituée d’un parc naturel, l’adoption pour elle d’un projet de développement d’un tourisme de type « randonnée » avec tout ce
que cela implique : entretien de sentiers, mise en place de poubelles, augmentation des moyens de prévention et de lutte contre les
incendies sur le secteur, nettoyage régulier des abords du parc, aura des effets extrêmement bénéfiques pour elle et son
environnement naturel. De la même façon, une zone d’aspect « pastoral » sera plus utile à la macro-zone et à la région en générale
si elle se spécialise dans l’élevage bovin (ou autre) et la production d’une viande de qualité destinée aux exploitations touristiques
des zones voisines, que si elle décide de s’orienter vers un produit de type « vacances famille » en accueillant un centre ou autre
« Club Med » sur ses pâturages.
2.2.3. Impact sur les performances de la région.
Une telle politique de développement touristique, visant à augmenter l’efficience des produits proposés en les disposant
stratégiquement, tendra implicitement à augmenter l’efficience de la région, du pays tout entier. En effet, la spécialisation par zone
permettra au pays la pratiquant d’accroître son éventuel avantage comparatif dans le tourisme au niveau international puisque tous
les produits qu’il offre seront individuellement plus performants. Quand on sait à quel point il est important, pour une petite
économie isolée, d’être présente sur le marché international, on comprend l’intérêt qu’elle a à chercher à être la plus compétitive
possible dans son domaine de prédilection. Et même si l’éloignement reste un frein à l’attraction de visiteurs trop lointains,
rappelons que (selon l’analyse de Lynder) la performance accrue de la région sera toutefois susceptible d’attirer la clientèle de pays
voisins, même semblables. Sa compétitivité lui vaudra à coup sûr une notoriété appréciable.
2.2.4. Sauvegarde de la diversification.
Autre aspect intéressant, et non des moindres, de la spécialisation par zone, elle va permettre à la petite économie isolée
de se spécialiser dans le tourisme tout en restant capable de proposer des produits extrêmement diversifiés puisque chaque zone
n’aura pas forcément la même tâche à accomplir qu’une autre. Cette diversité de l’offre étendue sur l’ensemble du territoire lui
confère un atout considérable par rapport à un pays qui se contenterait d’exploiter un type de tourisme bien particulier. Dans le cas
d’un changement brutal de mode ou plus généralement de goût du consommateur, la région aura de quoi « retomber sur ses pattes »
puisque la diminution de la demande, relative au type de produit délaissé, ne touchera que les zones qui se seraient spécialisées
dans ce domaine. De plus, si cette même demande venait à se reporter (par chance) sur un produit disponible dans certaines zones
de la région, cette dernière pourrait se contenter d’observer une sorte de report d’une même clientèle d’un produit sur un autre, soit
: d’une zone sur une autre, sans avoir à enregistrer la moindre perte en tout cas en termes de fréquentation touristique.
La diversification de l’offre qu’engendre la spécialisation par zone pourrait même avoir pour effet d’augmenter la
fréquentation touristique globale de la région. La possibilité pour un visiteur d’avoir accès à deux types de produits touristiques
différents disponibles dans une région unique, et pourquoi pas sans avoir besoin de changer de macro-zone, aura une influence
énorme sur son choix de destination touristique.
Ainsi, pour une zone quelconque, développant un type de tourisme en particulier, la proximité d’un produit différent du
sien exploité dans une zone voisine va constituer pour elle ce que l’on appelle en économie une externalité positive. C’est un
élément extérieur à la zone, par exemple un site archéologique, mais relativement proche (sur une zone voisine) qui va pousser
certains clients à choisir cette zone plutôt qu’une autre proposant pourtant le même produit (recherché en priorité) mais plus
éloignée du site archéologique. Sans vouloir extrapoler, rien ne nous empêche d’émettre l’idée que dans ces conditions la
spécialisation par zone produit une quantité d’externalités positives exceptionnelle puisque chaque zone bénéficie de la présence,
dans une zone voisine, d’un produit touristique différent du sien, provoquant indirectement une (légère) augmentation de la
72
compétitivité de son propre produit ; et réciproquement, chaque zone fait bénéficier indirectement de sa particularité touristique à
ses zones voisines.
La spécialisation par zone provoque donc une forme de polarisation de la clientèle liée à la diversité des produits
proposés sur un même territoire. Un visiteur désireux de partager ses congés entre « le balnéaire » et « la randonnée » sera comblé
de trouver ces deux offres sur la macro-zone X-Y. Autre situation possible, le consommateur ayant passé ses vacances estivales au
bord de mer dans la région serait ravis de pouvoir rendre visite aux amis qu’il se sera fait lors de ses prochaines vacances, cette
fois-ci aux « sports d’hiver » ; ce sera possible si ce dernier produit est également disponible dans la région. L’énorme différence
existant entre les deux types de vacances choisis dans l’exemple le rend peut-être surréaliste, mais il fait ressortir l’avantage déjà
évoqué que peut constituer pour une région la diversité de son relief et de son climat.
2.2.5. Impact social.
Premier impact social positif de cette stratégie déjà perceptible dans les remarques précédentes, la possibilité d’allonger
considérablement la durée de l’angoissante saison touristique dont on se demande immuablement si « elle sera bonne cette
année ». Certes le problème demeurera inchangé au sein des zones mais celles-ci se relaieront au fil des mois puisque les produits
qu’elles exploitent ne seront pas forcément demandés au même moment. Ce qui permettra à la région (à la petite économie isolée)
de recevoir un flux touristique quasi ininterrompu, en tout cas à chaque période de vacances correspondra probablement un produit
développé dans certaines zones, et donc de percevoir un flux de devises relativement régulier tout au long de l’année.
Impact sur la population, résultant du précédent : le fait que la région reçoive pratiquement constamment une clientèle
touristique permettra aux activités « résidentielles » à savoir l’agriculture, la pêche, l’élevage, et autres compagnies d’entretien en
bâtiment par exemple, de travailler (au service de l’activité de base et bien sûr pour les besoins locaux) également tout au long de
l’année. De fait, l’intégration des différentes catégories de salariés et donc de la quasi totalité de la population qu’elle soit
directement ou indirectement liée à l’activité de base, tourisme, sera quasi permanente.
Inutile d’insister une nouvelle fois sur l’importance de l’adhésion au développement touristique de la population locale
par sa participation, soulignons simplement que par cette politique de spécialisation, ce contrat sera rempli. Les remarques
précédentes en attestent.
Rappelons également l’intérêt pour la région de limiter ses importations pour mieux profiter des devises étrangères (issues
du tourisme) en les réinjectant au maximum dans l’économie locale. On comprend alors l’avantage que devient le fait de pouvoir
compter en permanence sur des secteurs « résidentiels » devenus plus performants puisque leur utilisation sur toute l’année leur
donne plus d’assurance, d’expérience, les pousse à investir dans des technologies nouvelles pour être encore plus compétitifs, et
surtout les encourage à employer plus de personnel.
2.2.6. Une stratégie réalisable.
La décentralisation des pouvoirs vers le niveau local rend la mise en oeuvre de cette stratégie tout à fait réalisable puisque
les décisions relatives à l’aménagement du territoire et plus particulièrement au développement touristique sont prises au niveau
local. En effet, l’organisation territoriale du tourisme n’est achevée qu’en 1992, mais les lois sur le transfert des compétences de
1983 avaient cependant déjà précisé les spécificités de l’urbanisme touristique :
_ Les communes sont responsables de l’aménagement des ports de plaisance, de l’organisation des aménagements
touristiques et de la promotion en zones de montagne ; et, d’une façon plus générale, de l’urbanisme, de l’ensemble des
aménagements et équipements collectifs, des réserves naturelles et des zones de protection des monuments.
_ Les départements peuvent élaborer depuis 1983 un plan départemental des itinéraires de promenades et de randonnées,
développer une politique de subvention aux aménagements d’accueil, d’animation, de loisirs et d’hébergement rural pour les
stations ; Les départements, impliqués au titre des syndicats mixtes d’aménagement des stations, de la politique d’aménagement
rural et des actions de promotion institutionnelle par le biais de leurs Comités du Tourisme, se dotent peu à peu de vraies politiques
d’aménagement touristique.
_ Les régions assurent le suivi des missions interministérielles d’aménagement et définissent, dans le cadre de la
planification décentralisée, leurs actions de tourisme et de loisirs, améliorent l’observation et la comptabilité des flux économiques
du tourisme et évaluent leurs retombées régionales et locales.
Les pressions des promoteurs auprès de collectivités multipliant les conflits d’usage des sols en station, le législateur
souhaite éviter à partir de 1985 les constructions anarchiques et le bétonnage des côtes littorales et des vallées de montagne. Cette
intervention prend la forme de deux lois, fondamentales pour tout ce qui touche à l’équipement touristique français, complétées par
une actualisation des instruments d’urbanisme et du paysage en 1985, 1986 et 1992 et par une nouvelle répartition des
compétences touristiques. La loi sur le développement et la protection de la montagne du 9 janvier 1985 donne pour la première
fois en France, une autonomie de gestion des collectivités locales sur une partie du territoire national. Elle crée des massifs
(territoires administrés conjointement par les élus locaux, des représentants des chambres consulaires, d’organisations socioprofessionnelles, l’Etat), et un conseil national de la montagne. Chaque massif est géré par un comité de massif, composé de
membres représentant les élus, socio-professionnels et personnes qualifiées nommées par décret. Il peut édicter des directives plus
contraignantes que les termes même de la loi (notamment des prescriptions spéciales sur la protection de l’environnement).
Un point essentiel reste toutefois à traiter, il concerne le consommateur. En effet, Si la théorie est cohérente au niveau de
l’offre et du fournisseur, l’opinion du consommateur n’en demeure pas moins décisive dans la réussite finale de la
commercialisation du produit quel qu’il soit, et donc de la stratégie de développement entreprise.
73
3. Comportements du consommateur.
Nous allons donc à présent nous intéresser plus particulièrement au « fonctionnement » du client. Nous allons étudier dans
ce paragraphe la logique qui pousse le consommateur jusqu’à son choix final vers un produit et tout spécialement vers un produit
touristique. Nous verrons alors que la stratégie de développement touristique exposée dans cette section est également adaptée à la
demande.
Nous expliquions dans le premier chapitre que plusieurs éléments différents interviennent lors de l’élaboration d’un
produit touristique. Il s’agit d’une combinaison de deux prestations sans lesquelles il n’y a pas de tourisme possible : transport et
hébergement, auxquelles s’ajoute une série de prestations annexes variées. Ces prestations couvrent un large champ d’activités, de
la prestation élémentaire comme le petit déjeuner dans un hôtel, à l’activité qui constitue le thème majeur du séjour, donc du
produit. Le consommateur devra donc déterminer entre deux produits touristiques, celui qui dispose des caractéristiques qui lui
fourniront (en quantité et en qualité) la meilleure utilité.
Ce choix sera en définitive le résultat d’une série de choix préliminaires concernant l’ensemble des éléments constitutifs
du produit qu’il désire. C’est un peu comme si le consommateur réalisait lui-même son produit final en choisissant une
combinaison regroupant un type de transport, un type d’hébergement, un type d’activité et, pourquoi pas, un type de zone de
villégiature. L’exemple suivant donne une idée plus concrète de ce phénomène:
Deux habitants d’une même ville souhaitant passer quelques jours dans la capitale pourront choisir des types de transport
différents. L’un utilisera sa voiture, l’autre préférera peut-être utiliser le T.G.V. « Le transport » est donc lui même constitué de
plusieurs modes de déplacements. Le simple choix de ce mode de déplacement constituera plus globalement un choix dans le
produit touristique final. En effet : Pour un même budget initial, le touriste qui utilise son véhicule fera (peut-être) une économie
qui lui permettra de choisir un hôtel trois étoiles au lieu d’un deux étoiles. Celui qui préférera le T.G.V. pourra, lui, passer deux
heures de plus dans un musée. On comprend bien que le produit final ne soit plus le même pour les deux clients. (Le choix du
transport s’effectue généralement selon des critères de prix, de temps et de confort).
On aurait suivi le même type de raisonnement en prenant pour exemple les différents hébergements qui s’offrent au
voyageur. Le produit touristique se définit donc à travers les différentes spécificités des services (et biens) qui le constituent. Un
consommateur ne choisira donc pas un produit touristique mais les éléments qui le caractérisent. On ne peut pas demander à
quelqu’un de choisir entre une semaine à New-York et une semaine à Londres sans lui préciser que l’un des séjours comprend un
aller-retour en avion avec pension complète dans un hôtel quatre étoiles tandis que l’autre doit s’effectuer en stop avec sac à dos et
toile de tente.
3.1. Une nouvelle approche de la théorie du consommateur.
Cette manière d’effectuer un choix fit l’objet de travaux réalisés par Kelvin Lancaster (1971) dans ce que les économistes
appellent encore « la nouvelle théorie du consommateur ». Ce sont les bases de cette théorie qui nous aideront à mieux comprendre
comment s’effectue le choix final du consommateur.
« La théorie de Kelvin Lancaster "A new approach to consumer théorie" a suscité un vif engouement parmi les
économistes. Elargissant la théorie néoclassique par la prise en considération des caractéristiques des biens consommés, la
nouvelle approche possède un élément de supériorité certain sur l’analyse traditionnelle » (Bernard Fustier).
Elle constitue effectivement une critique de la théorie traditionnelle, qui ne fait aucune distinction entre les valeurs : les
produits sont uniquement des produits, ce qui implique une neutralité des goûts entre les consommateurs. Toutefois, certains
économistes prennent en compte les propriétés intrinsèques: certains produits sont complémentaires, d’autres sont substituables.
Or, l’utilité d’un produit peut varier selon les consommateurs, ce qui importe, c’est de voir quelles sont les réactions du
consommateur face à de nouveaux produits ou des variations de qualité d’un produit. La théorie traditionnelle ne dit rien à ce sujet,
elle se contente de remplacer sa fonction d’utilité par une nouvelle fonction d’espace n+1 produits ; la connaissance de la gamme
de préférence du consommateur dans l’ancien espace de dimension n n’apporte aucune information sur la nouvelle gamme. C’est
ce qui la rend difficilement applicable à la réalité.
La nouvelle approche se différencie de la théorie traditionnelle essentiellement du fait que les produits ne sont plus les
objets directs de l’utilité. En effet, l’utilité ne dépend plus du produit lui-même mais de ses propriétés, de ses caractéristiques. Les
inputs correspondent aux produits, les outputs aux paniers de leurs caractéristiques, l’utilité classe les caractéristiques et donc
indirectement les produits. De ce fait, un bien apportera, même en consommation de base, plusieurs outputs. Ce bien possédant ses
propres caractéristiques indépendamment du consommateur, le choix de ce dernier s’effectuera en fonction de ce qu’il peut lui
apporter et non en fonction de ce qu’il est (le produit lui-même). Nous le verrons, ceci constitue la première hypothèse de cette
nouvelle théorie.
La deuxième se résume ainsi : en général un produit possédera plusieurs caractéristiques et de nombreuses caractéristiques
seront partagées par plus d’un produit.
Enfin, la troisième hypothèse dit qu’un panier de biens possédera des caractéristiques différentes de celles qu’auraient les
biens séparément. Ainsi, dans un séjour touristique S constitué (pour un même budget et vers une même destination) soit d’un
transport première classe mais hébergement trois étoiles; soit d’un transport deuxième classe mais hébergement quatre étoiles,
74
Lancaster verra deux produits associés à des vecteurs de satisfaction qui ne diffèrent que par certains éléments les constituant et
pour lesquels on peut prendre en compte le choix du consommateur.
Pour illustrer sa théorie, Lancaster donne l’exemple suivant : Considérons une Chevrolet grise et une rouge, tandis que
l’ancienne théorie voit soit deux produits totalement identiques (la couleur n’est pas prise en compte) soit totalement différents
(non substituables), la théorie de Lancaster, elle, précise que ce sont deux biens associés à des vecteurs de satisfaction qui ne
diffèrent que d’un élément pour lequel on peut prendre en compte le choix du consommateur.
La théorie traditionnelle se doit d’interpréter les évolutions de la vie comme les changements de goût du consommateur
pouvant être dus par exemple à la publicité, or, elle en est incapable faute de pouvoir prévoir ces changements.
3.1.1. Formalisation du modèle.
_ Les caractéristiques sont quantifiables :
Ce qui implique qu’un panier de biens sera considéré comme une activité de consommation à laquelle on associe une échelle. Cela
est possible du fait que l’on attribue à chaque produit xj un coefficient ajk déterminé par ses propriétés intrinsèques et la
connaissance technologique de la société. Certaines méthodes d’aide à la décision permettent aujourd’hui sinon de quantifier, en
tout cas de classer des éléments qui ne seraient pas palpables (logique floue) comme le confort, tout constituant d’un type de
transport et d’un type d’hébergement pouvant ainsi se voir affecter un coefficient le positionnant par rapport à un autre. Le produit
touristique résultant d’une combinaison de ces éléments pourra ainsi être « placé » sur une échelle d’évaluation. Lancaster
formalise cette hypothèse ainsi :
xj = ajk.yk
avec :
et
_ ajk = un coefficient (k = niveau d’activité).
_ yk = une dépense du revenu R.
_ Les caractéristiques sont mesurables :
zi est la quantité de la ième caractéristique disponible dans un bien. Comme vu précédemment, z pourra également être un grade
dans une qualité d’éléments non quantifiables. Formalisation :
z = By
avec : B = matrice des caractéristiques.
Lancaster simplifie alors son modèle grâce à un changement d’espace ramenant l’utilité à z=Bx. Cette équation unique
tient compte à la fois de la dépense due aux caractéristiques contenues dans x, puisque xj = ajk.yk et de la quantité de propriétés
contenue dans le produit, puisque B est la matrice des caractéristiques.
Le programme du choix du consommateur s’écrit alors de la manière suivante :

Maximiser : U(z) avec z=Bx
sous contrainte : px<k et z,x>0
3.1.2. Représentation des biens.
La dernière équation obtenue permet de représenter facilement chaque produit par un vecteur dont les composantes seront
définies par les quantités de caractéristiques qu’il comprend.
On a zij = bij.xj or xj = R/pj donc en représentant le bien xj par le vecteur Oaj (Aj étant son extrémité), toute variation de
son utilité zj pouvant être due à une variation du revenu R ou du prix pj, n’entraînera qu’une variation de la norme de ce vecteur
(déterminée par xj) ; sa direction (bij) ne change pas puisqu’il contient toujours les mêmes proportions de caractéristiques.
Exemple ; soit, dans la théorie traditionnelle, un produit unique x = le séjour S ayant modes de transport et d’hébergement
variables, sans perdre de vue que le transport comme l’hébergement sont en fait eux-mêmes constitués d’éléments du produit final,
nous considéreront pour faciliter l’explication du modèle et sa représentation dans un plan en deux dimensions, qu’ils sont les deux
caractéristiques dont la combinaison fait naître un produit final. Ce produit va être considéré par Lancaster comme un panier de
biens dont la variation des caractéristiques apportera différentes utilités au consommateur.
Ainsi, ce bien xj sera représenté
par un vecteur OAj de par son type de transport t=tj et son type d’hébergement h=hj. (graphe N°1)
T
A’’j
tj
1.
Aj
A’j
0
hj
75
H
Le point Aj indique la quantité (ou qualité) maximale de caractéristique que le consommateur est en mesure d’obtenir en
dépensant la totalité de son budget R. Le bien xj sera donc préféré à tout bien x’j ayant la même combinaison de caractéristiques
mais en quantité moindre (OA’j). Il sera également impossible pour le consommateur d’obtenir un bien x’’j dont les quantités (ou
la qualité) de transport (qui serait t’’j sur l’axe 0T) et d’hébergement (h’’j sur l’axe 0H) impliqueraient un prix p’’j supérieur à son
budget R.
3.1.3. Combinaison linéaire des inputs.
T
2.
Aj
A’j
0
H
Sur le graphe N°2, Aj et A’j indiquent les quantités (qualités) maximales de caractéristiques que le consommateur est en
mesure d’obtenir quand il dépense la totalité de son budget à l’achat des biens xj et x’j.
Toutefois, Lancaster admet qu’il est généralement possible d’obtenir d’autres paquets de biens en combinant les
caractéristiques dans certaines proportions pourvu que la contrainte budgétaire soit respectée. Cela revient à effectuer des
combinaisons linéaires (convexes) des vecteurs OAj et OA’j. Lancaster montre qu’une telle combinaison linéaire donne naissance
à un vecteur dont l’extrémité est située sur le segment reliant les points initiaux Aj et A’j.
3.2. Les choix efficients.
3.2.1. Détermination de la frontière d’efficience.
Le choix du consommateur consiste tout d’abord à éliminer un certain nombre de combinaisons linéaires possibles jugées
inefficaces eu égard à la technologie de la consommation (B) puis à sélectionner les consommations efficientes. Cela revient à
déterminer ce que l’on appellera la frontière d’efficience. (graphe N°3).
T A
1
3.
A4
A5
A2
A3
0
H
Les biens 1, 2 et 3 représentés par A1, A2 et A3 sont accessibles au consommateur de même que tout vecteur combinaison
linéaire de deux d’entre eux (voire des trois comme OA5), comme en particulier le bien représenté par le vecteur OA4. On
remarque que ce dernier dispose de la même combinaison des deux caractéristiques mais en quantité supérieure au bien 2 ; le bien
2 sera donc rejeté par le consommateur au profit du bien 4 qui est plus efficient. De la même façon, tout vecteur combinaison
linéaire des biens 1 et 2 ou 2 et 3 sera colinéaire à un vecteur combinaison linéaire de 1 et 3 et dont la norme et donc l’efficience
lui sera supérieure.
C’est ainsi qu’est définie la frontière d’efficience. On remarque qu’elle constitue un ensemble convexe (tout segment de la
frontière d’efficience a une pente négative). (graphe N°4).
T
A1
t1
A’1
4.
A3
A’3
0
h1
76
h3 H
Le bien A1 sera préféré à tout bien situé sous (ou sur) le segment [t1,A1] puisqu’il aura une moindre quantité de la
caractéristique t (un moyen de transport moins performant); De même qu’à tout bien situé sur l’axe A3h3, on préférera le bien A3
puisque disposant d’autant du caractère h (même type d’hébergement), il dispose du caractère t en quantité supérieure aux autres
(soit un moyen de transport de meilleure qualité).
3.2.2. Propriétés de la frontière d’efficience.
On constate que le but premier de Lancaster est respecté par la frontière d’efficience puisqu’une variation du prix du bien
ou une variation du revenu du consommateur ne changera pas la forme de la frontière. Rappelons en effet que seule la norme du
vecteur représentant le bien va changer (xj=R/pj et z=Bx). (graphe N°5).
T
A1
A2 5.
A3
0
H
_ Une faible variation de xj n’aura pour effet que de déplacer le point A2 vers le haut sans changer la forme de la frontière
(jusqu’à un certain point).
_ Pour être toujours efficient et donc faire partie de la frontière, un bien ne devra pas être vendu au-delà d’un certain prix,
sinon un autre bien lui sera préféré. (graphes N°6 et N°7).
T
A1
A1
T
6.
7.
A2
A2
A’2
A3
A3
0
0
H
H
A2 ne fait plus partie de la frontière puisque A’2 lui est préféré. Il existe un prix maximum au-delà duquel A2 ne peut être
vendu. Prix pour lequel le bien 2 a pour représentation le vecteur OA’2.
_ Il existe également un niveau inférieur du prix du bien 2 en dessous duquel la frontière changera complètement de forme
car au moins un autre bien en sortira (il sera délaissé au profit du bien 2 devenu plus avantageux). (graphes 8 et 9)
8.
9.
T
T
A1
A1
A’’2
A2
A2
A’2
A3
A3
0
0
H
H
Le bien 2 sera préféré au bien 1 dès que son prix (baissant) amènera sa représentation en A’’ 2.
Tout cela quel que soit le consommateur ; la détermination de la frontière d’efficience se fait objectivement ; elle est la
même pour tous les consommateurs.
3.3. Choix d’un produit final.
Il fait intervenir la subjectivité du consommateur puisque, après avoir déterminé objectivement la frontière d’efficience, le
consommateur effectue un choix et retient en fonction de ses préférences le bien situé sur la frontière dont la combinaison de
caractéristiques lui fournit la plus grande utilité. Le programme du consommateur devient finalement :
77

T
Maximiser : U(z1j...zij,...znj)
avec : pjxj<R et pj, zij, xj >0
A1
10.
A5
A2
U
t4
A4
A3
0
h4
H
Parmi les séjours les plus efficients (accessibles au consommateur), le consommateur choisit le séjour x4 (représenté par
le vecteur 0A4) dont le type d’hébergement h4 et le type de transport t4 forment la combinaison de caractéristiques lui apportant la
meilleure utilité (un autre consommateur préférera peut-être le séjour x5 d’une moindre qualité en matière d’hébergement mais
plus appréciable en termes de transport). (graphe N°10).
On pourrait conclure la présentation de cette « nouvelle approche du choix du consommateur », de la façon suivante : en
définitive, ce n’est pas le choix d’un produit touristique qui doit amener un vacancier à utiliser tel mode de transport et tel type
d’hébergement ; Ce sont ses préférences en termes de transport et d’hébergement qui l’amèneront à sélectionner ce produit
touristique plutôt que cet autre. A nous d’établir des produits qui correspondent aux préférences des consommateurs.
L’hébergement et le transport ne sont évidemment pas les seuls critères que prend en compte le visiteur quand il choisit
son produit touristique (l’utilisation de deux éléments seulement n’avait pour but que de faciliter l’explication de la théorie de
Lancaster). Le consommateur choisira en fait tous les éléments constituant le type de tourisme qu’il souhaite pratiquer.
Effectivement, si les critères de choix préférentiel du consommateur sont en fait des éléments correspondant à un tourisme culturel
(le visiteur recherche un lieu riche en patrimoine historique, musées, visites guidées, coutumes encore bien implantées et
respectées, etc.), les sites regroupant ces spécificités seront automatiquement présents sur la frontière d’efficience du client. Les
zones « plage, soleil, farniente » seront éliminées d’elles mêmes par leur faible contenance culturelle. A partir de là, le choix
subjectif du consommateur se fera (sur la frontière) en fonction de critères auxquels il attribuait jusqu’alors une moindre
importance :
Deux zones disposant des principaux atouts nécessaires à un tourisme culturel, l’une plus accessible, l’autre plus isolée
feront toutes deux partie de la frontière et constitueront tout de même deux produits touristiques différents puisqu’un
consommateur préférera un lieu facile d’accès pour le cas où une obligation l’entraînerait à rentrer momentanément chez lui ;
Tandis qu’un autre préférera s’assurer un certain repos dans une zone plus tranquille car moins visitée (à cause/grâce à son
isolement).
Cette nouvelle théorie semble plus applicable à la réalité bien qu’elle implique que les caractéristiques soient divisibles et
additives, ce qui n’est pas toujours le cas. Cependant, il faut reconnaître qu’elle s’adapte très bien au problème que peut se poser le
vacancier quant au choix de son site de destination (et de son produit touristique final). En effet, si celui-ci ne faisait aucune
différence entre un site et un autre, considérant que tous deux constituent un même produit, le choix se ferait de manière aléatoire
et, selon une loi de probabilité, tous les sites d’une même région recevraient chaque année sensiblement un même nombre de
visiteurs ; ce qui n’est évidemment pas le cas. C’est donc que le consommateur effectue son choix à travers l’utilité que lui
apporteront les différentes caractéristiques constituant une zone (proximité de la plage, musée etc.).
La spécialisation par zone facilite le choix du consommateur puisqu’elle fonctionne un peu comme lui. Et peut-être mieux
encore : plutôt que de rechercher comme le fait le consommateur, à partir de l’idée générale d’un produit final, les éléments qui le
constitueront en respectant ses attentes plus précises, éléments correspondant donc à ses goûts de manière plus pointue ; La théorie
proposée dans ce chapitre veut que la prise en compte des critères d’une zone soit à la base de la réflexion. Ce sont ces éléments de
départ qui, étant plus ou moins bien adaptés à tel ou tel produit en particulier, orienteront la zone vers la production du bien final
susceptible d’être le plus performant, c’est à dire susceptible de correspondre aux attentes du consommateur.
Répétons le, ce n’est donc pas le choix d’un produit touristique qui doit amener un vacancier à utiliser tel mode de
transport et tel type d’hébergement; Ce sont ses préférences en termes de transport et d’hébergement qui l’amèneront à sélectionner
ce produit touristique plutôt que cet autre. il faut donc établir des produits qui correspondent aux préférences du consommateur.
3.4. Une conséquence particulière.
78
L’insularité pourrait être considérée comme un « désavantage » en termes de produit touristique puisque l’un de ses
éléments « le transport » implique une augmentation (négative) de la caractéristique « prix du séjour » ; un consommateur de
balnéaire (plage, farniente) estimera peut être l’offre « Côte d’Azur » plus efficiente que l’offre « Corse » (par exemple) puisque
cette dernière provoquerait :
_ une réduction du temps de séjour, causée par le temps de trajet Corse-Continent.
_ une augmentation financière (du prix du séjour), liée au coût de ce même trajet.
Cependant, l’insularité peut se transformer en avantage car elle donne une impression plus grande de voyage, de
dépaysement liée justement à la traversée de la Méditerranée et au potentiel culturel de l’île. On pourrait rendre le produit
« Corse » au moins aussi efficient que « Côte d’Azur » d’une part en mettant plus en évidence cette caractéristique (culturelle) qui
lui est propre et d’autre part en réduisant son « désavantage » lié au transport.
Le Navire à Grande Vitesse (N.G.V.), créé par la S.N.C.M., en est un exemple parfait puisqu’il permet de diminuer à la
fois l’inconvénient financier (moins coûteux que l’avion) et celui de la perte de temps (plus rapide qu’un ferry). Le consommateur
préférant le produit « Côte d’Azur » pour une meilleure performance de sa caractéristique « transport » et malgré son désavantage
(face à la Corse) sur la caractéristique « dépaysement » remettra son choix en question s’il peut disposer du service (de l’outil)
N.G.V. rendant l’écart d’efficience au niveau du transport moins important que celui existant au niveau du dépaysement (favorable
à la Corse).
Bernard Fustier (1997) montre plus formellement encore l’interêt pour une petite économie isolée de « jouer » sur ses
particularités. Reprenant le principe du modèle Lancasterien avec I = {1...i...n} un ensemble de caractéristiques et J = {1...j...m} un
ensemble de biens concurrents, il considère (pour une quantité L de travail) que la quantité z ij de caractéristique i obtenue dans la
production du bien j est obtenue selon une fonction homogène de degré 1 :
zij = bij(L/aj)
- bij représente la quantité de caractéristique i incorporée dans l’unité du bien j
- aj est la quantité de travail nécessaire à la production d’une unité du bien j
On note Pj le faisceau de caractéristiques associé au bien j, soit :
Pj = (zij / i=1...n)
On définit alors :
_ Une caractéristique identitaire : « une caractéristique spécifique au patrimoine culturel d’un territoire est dite identitaire ».
_ Un bien identitaire : « un bien est dit identitaire si et seulement si le faisceau de caractéristiques qui lui est associé intègre au
moins une caractéristique identitaire ».
_ Domination : « le faisceau Pj domine le faisceau Ph si et seulement si i, i=1...n, on a : zij  zih avec une inégalité stricte pour
au moins une caractéristique i ».
_ Efficience : « un bien est dit efficient si et seulement si le faisceau de caractéristiques qui lui est associé n’est dominé par aucun
autre faisceau ».
Fustier fait remarquer que dans la mesure où une caractéristique identitaire est spécifique, un bien identitaire possède au moins une
caractéristique que ne possèdent pas les biens concurrents : un bien identitaire est donc forcément un bien efficient.
Considérons trois entreprises localisées en des régions différentes a,b,c et produisant des biens concurrents avec la même quantité
de travail. Les caractéristiques 1 et 2 sont des caractéristiques ordinaires en ce sens qu’elles rentrent habituellement dans la
composition du type de produit considéré. En revanche, 3 est une caractéristique identitaire inhérente à la région c. Dans cette
dernière région, la productivité du travail est plus faible que dans les deux autres (le besoin unitaire en travail en c est plus grand
que dans les deux autres régions).
Si l’on admet que les coefficients bij ne sont pas affectés par le lieu de localisation de l’entreprise, alors la position relative des
faisceaux de caractéristiques, compte tenu de la fonction de production utilisée, dépend uniquement de la disparité spatiale de la
productivité du travail.
Dans l’espace à deux dimensions des caractéristiques ordinaires (1 et 2), on voit (sur le graphe suivant) que contrairement aux biens produits dans les deux autres régions- le bien produit en c n’est pas efficient.
Mais dans l’espace à trois dimensions (prenant en considération la caractéristique 3 inhérente à la région c), aucun faisceau de
caractéristiques n’est dominé par un autre faisceau : tous les biens sont efficients.
3
z3c
Pc
z1c z1a
z2c
z1b
1
z2b
z2a
2
Pb
Pa
« La diversification des produits par l’intégration de caractéristiques identitaires est source d’efficience pour les régions
qui possèdent une forte spécificité socio-culturelle ».
79
Conclusion.
Appuyer son développement sur ces propres spécificités (forme de développement identitaire), même si elles sont moins
performantes que celles de la concurrence (pour celles qui ne sont pas identitaires), permet souvent d’augmenter l’efficience
globale d’une région touristique ; par augmentation de son avantage comparatif.
Il existe toutefois quelques difficultés relatives à l’organisation d’un territoire selon un tel type de raisonnement. Elles ne
viendront pas forcément, comme on pourrait le craindre dans un premier temps, de la population locale, mais pourraient provenir,
dans certains cas d’une mauvaise « coordination » de l’offre, ou plus précisément des décideurs.
En effet, la spécialisation nécessite évidemment une forme de coopération inter-zone pour être effective (et donc efficace),
chaque décideur devant accepter de se spécialiser. Cette coopération n’est pas toujours évidente à mettre en oeuvre, puisqu’un
décideur n’est pas toujours rationnellement amené à choisir de coopérer. Il semble donc nécessaire de se pencher à présent sur les
méthodes de raisonnement des décideurs locaux afin de cerner d’éventuelles limites au bon déroulement de la spécialisation par
zone (et tenter d’y pallier par la suite).
80
Section 3 : Analyse du comportement des « décideurs ».
Nous étudierons ici le comportement des acteurs du tourisme, professionnels du tourisme et/ou décideurs politiques, en
nous inspirant des méthodes de travail de chercheurs appartenant à une branche de l’économie qui analyse des conflits entre
individus. Dans cette branche, les conflits sont des « jeux », les individus sont des « joueurs », la théorie est la « théorie des jeux ».
Nous en présenterons les principaux éléments afin de les appliquer au problème que pourrait poser la mise en place de la stratégie
de développement touristique basée sur la spécialisation par zone exposée jusqu’ici. Enfin, nous proposerons divers outils qui
seraient susceptibles de sortir de l’impasse à laquelle peuvent conduire certaines situations particulières (Serra, 1998).
1. Prise de décision.
« On appelle jeu une situation dans laquelle plusieurs individus ont à prendre des décisions dont dépendent des résultats
qui les concernent tous » (Attali, 1972).
Les jeux de bridge, d’échecs ou de poker, constituent des exemples de telle situation. Mais la définition est suffisamment
générale pour couvrir des phénomènes, tels les conflits militaires, les conflits de partis politiques, ou la concurrence économique et
même toute activité sociale où des hommes affrontent d’autres hommes. Le cas qui nous intéresse peut donc aussi être traité
comme un jeu où les deux élus responsables du développement touristique de leurs zones doivent effectuer des choix économiques
dont les résultats seront liés.
1.1. Eléments de la théorie des jeux.
_ Le jeu : « Selon l’acceptation courante, un jeu est une situation où des individus (les joueurs) sont conduits à faire des
choix parmi un certain nombre d’actions possibles, et dans un cadre défini à l’avance (les règles du jeu), le résultat de ces choix
constituant une issue du jeu, à laquelle est associé un gain, positif ou négatif, pour chacun des participants. » (Guerrien, 1993).
_ Un joueur sera donc un individu cherchant à prendre des avantages dans un débat où la procédure est donnée. Ainsi, nos
deux élus suivant leurs décisions, les règles du jeu et l’environnement extérieur, seront vainqueurs (ou vaincus) l’un ou l’autre (ou
l’un et l’autre). On retrouve ici les fondements de la théorie de la décision selon laquelle un individu doit choisir une décision
(appelée aussi tactique) en fonction de l’étendue de ses conséquences. Or, ici, chaque conséquence va dépendre non seulement de
sa propre décision mais aussi de celle de son « adversaire ». Deux situations peuvent alors caractériser le jeu, la coopération ou la
lutte. Cependant, les individus confrontés dans un même jeu peuvent avoir sur certains points des intérêts complémentaires, et
s’opposer sur d’autres.
_ Les choix rationnels visent l’obtention d’un gain maximal, ils dépendent de façon décisive du cadre dans lequel ils
s’exercent (règles du jeu) et de l’information dont disposent les joueurs. « Choisir une tactique revient ainsi, pour un joueur, à
prendre globalement, avant de se mettre à jouer, toutes les décisions élémentaires qu’il peut être amené à prendre au cours du
jeu » (Bouzitat, 1965).
_ On parle d’information complète si chacun des participants connaît :
- Son ensemble de choix.
- L’ensemble de choix des autres joueurs.
- Toute la gamme des issues possibles, et les gains qui leur sont associés.
- Les motifs des autres joueurs (en plus des siens propres).
Il est généralement supposé que les joueurs ont un comportement rationnel et cherchent donc à maximiser leurs gains. Le
fait que chacun connaisse les motifs et domaines de choix des autres signifie que tout joueur peut « se mettre dans la peau des
autres » avant de prendre sa décision. Dans la mesure où tout le monde procède de même, il y a enchaînement sans fin : je sais que
les autres peuvent se mettre à ma place, qu’ils savent que je le sais, que je sais qu’ils savent que je le sais, et ainsi de suite. Ce jeu
de miroirs ne fait que traduire la conscience qu’a chaque individu de la rationalité des autres, tout au moins lorsqu’il y a
information complète. On dit quand cette hypothèse est vérifiée, qu’il y a connaissance commune de la structure du jeu, de la part
de tous ceux qui y participent. (Guerrien 1993). Le jeu auquel participent nos décideurs sera un jeu à information complète.
_ Information parfaite : Lorsqu’il y a information complète, chaque joueur connaît toutes les données du problème
(possibilités de choix, issues, gains, motifs), pour lui et pour les autres. Toutefois, pour qu’un jeu soit totalement défini, il faut que
ses règles précisent l’ordre des coups ; trois types de situations peuvent alors être envisagés : soit les joueurs font leurs choix de
façon séquentielle, dans un ordre précis fixé à l’avance ; soit ils prennent leurs décisions simultanément ; soit ils sont face à des
situations « mixtes », avec des coups successifs et des coups simultanés. Evidemment, les choix des joueurs, et la solution du jeu
(si elle existe), vont généralement varier en fonction du type de situation étudié.
Pour le cas qui nous intéresse, nous admettrons que les décisions sont prises simultanément puisque le développement de
la région implique le développement de chacune de ses zones de manière instantanée. Les décisions seront alors prises dans le
cadre d’un jeu à information imparfaite du fait de l’incertitude inhérente aux choix simultanés.
1.2. Premier jeu.
81
Les joueurs de notre jeu seront comme nous l’avons vu plus haut les décideurs. Les décisions qu’ils auront à prendre
seront, comme dans l’exemple explicatif du modèle des flux-comparatifs exposé en section 2 de ce chapitre, relatives à
l’implantation d’établissements d’hébergements touristiques sur leur propre zone ; ceux qui occupent une zone « Luxe » selon les
critères que l’on a vus précédemment, seront notés les décideurs « DL » par opposition aux décideurs de zones « Vertes » que nous
appellerons décideurs « DV ».
1.2.1. Les règles du jeu.
Pour faciliter la compréhension du jeu, nous poserons les règles suivantes :
_ Seuls deux décideurs seront opposés à chaque jeu.
_ Les joueurs opposés occupent des zones voisines, formant donc une Macro-zone.
_ Chaque joueur dispose de subventions lui permettant de construire trois établissements de son choix. Il choisira toujours
d’utiliser toutes les subventions qui sont à sa disposition ; le jeu consistera donc pour lui en la détermination de la combinaison des
différents types d’établissements (hôtel : H, ou camping : C) qui lui procurera la meilleure utilité (en termes de flux-monétaire déjà
définis par ailleurs) à la sortie du jeu. Ils devront donc maximiser ce flux-monétaire.
Les « contraintes » : il s’agit en fait d’éléments faisant partie de l’environnement du joueur et qui vont intervenir dans le
calcul de son gain. Le joueur n’a aucun contrôle sur ces éléments, mais il les connaît, il sait que le joueur qui lui est opposé les
connaît et qu’il sait que lui aussi les connaît, ceci à l’infini. Ces contraintes ont été remarquées précédemment, il s’agit par exemple
des faits suivants :
_ Un hôtel engendre un flux-monétaire supérieur à celui engendré par un camping quelle que soit la nature de la zone sur
laquelle on l’implante (Luxe ou Verte).
_ Un établissement quel qu’il soit (Hôtel ou Camping) engendrera un flux-monétaire plus important dans une zone Luxe
que dans une zone Verte.
_ Cependant l’écart sera moindre en ce qui concerne les campings (comparé à l’écart existant entre flux-monétaires d’un
hôtel selon sa position en zone Luxe ou Verte).
_ Enfin, il faudra tenir compte de la demande ; la demande en campings reste environ deux fois plus importante que la
demande en hôtels (comme dans l’exemple utilisé en section 2).
_ Les décisions sont prises de façon simultanée.
Nous opposerons pour cette première confrontation deux décideurs occupant tous deux un même type de zone, par
exemple deux zones Luxe constituant la macro-zone (L1-L2). Pour rester dans la logique de détermination d’une zone exposée par
ailleurs, on pourra imaginer qu’il s’agit en fait d’une même zone (mêmes critères) mais étalée sur deux communes et donc gérée
par deux décideurs distincts (on considère dans notre modèle que les décisions sont prises par le Maire). Le premier joueur sera
donc noté DL1 et le second DL2.
La demande globale pour la macro-zone est de deux hôtels et quatre campings, soit un hôtel et deux campings par zone.
La demande est effectivement la même pour les deux sites puisqu’ils sont identiques ; cette particularité va impliquer la propriété
suivante :
_ Il n’y aura de « report » de la demande d’un site sur l’autre que si le premier ne peut y répondre correctement. En effet,
les sites L1 et L2 étant identiques, il n’y a aucune raison pour que la clientèle du premier soit détournée sur le second ; Ainsi, si L1
dispose d’un hôtel et L2 de deux, seul l’un de ces deux derniers sera utilisé puisque la demande globale est de 2H et que la moitié
sera « utilisée » par L1. Par contre si L1 choisit de ne pas implanter d’hôtel, la demande qu’il ne peut satisfaire sera intégralement
reportée sur L2 puisque ce site apporte aux visiteurs exactement la même satisfaction que le premier de par la similarité de leurs
caractéristiques.
Les différentes stratégies.
Chaque joueur aura à choisir entre les quatre stratégies qui s’offrent à lui :
_ Stratégie A : implanter 1 Hôtel + 2 Campings
_ Stratégie B : implanter 2 Hôtels + 1 Camping
_ Stratégie C : implanter 3 Campings
_ Stratégie D : implanter 3 Hôtels
Rappel :
flux-monétaire engendré par un hôtel
= 500 U.M.
flux-monétaire engendré par un camping
= 200 U.M.
(conformément au tableau 32-1 utilisé pour illustrer les développements de la section précédente).
Calcul des gains en fonction des stratégies choisies :
_ A/A : (respectivement DL1 joue A et DL2 joue A) les deux joueurs ont un gain de 1*500+2*200=900 U.M. (noté 9
dans le tableau de la forme stratégique à venir). La demande par zone est respectée (et donc celle de la macro-zone).
_ B/A : (DL1 joue B et DL2 joue A) DL1 ne remplira qu’un de ses deux hôtels et son camping (d’après la demande) soit
500+200=700 (gain : 7) tandis que DL2 remplira son hôtel, ses deux campings et bénéficiera du report d’au moins une partie de la
demande en camping non satisfaite par DL1 (on l’estimera équivalente à un flux-monétaire de 100 U.M.) soit :
500+2*200+100=1000 (ce gain sera noté 10 dans le tableau de la forme stratégique).
_ C/A : DL1 remplira deux de ses trois campings (gain noté 4), DL2 obtient 500+2*200+100=1000 (noté 10), cette fois
c’est le report de la demande en hôtel non satisfaite en L1 qui permet à DL2 d’obtenir 100 U.M. supplémentaires.
82
_ D/A : DL1 obtient 500 grâce à l’un de ses trois hôtels (soit un gain noté 5). DL2 gagne 500+2*200+100 (noté 10).
_ On comprend que les gains seront les mêmes si les joueurs inversent symétriquement leurs stratégies. Il est donc inutile
de détailler A/B, A/C et A/D, respectivement équivalentes à B/A, C/A et D/A.
_ B/B : les deux joueurs remplissent un de leurs hôtels, (ne bénéficient d’aucun report issu d’hôtels en trop grand nombre
sur chaque zone), leur camping et obtiennent chacun 100 U.M. liées au manque de campings sur la macro-zone. Soit pour chacun
un gain égal à 500+200+100=800 (noté 8 dans le tableau).
_ C/B : DL1 gagne 2*200+100 (noté 5) correspondant à ces deux campings et au report de la demande du camping
manquant en L2; DL2 gagne 2*500+200 (noté 12). {Idem pour B/C}
_ D/B : Gain pour DL1 : 1*500 (noté 5), il ne remplit qu’un hôtel ; pour DL2 : 1*500+200+100 (noté 8) correspondant à
un seul de ses hôtels, son camping et un report de 100 U.M. lié au manque de camping sur L1. {Idem pour B/D}
_ C/C : 2*200 pour DL1 et DL2 (noté 4), puisqu’ils remplissent chacun deux de leurs campings (la demande sur la
macro-zone est de quatre campings en tout).
_ D/C : DL1 remplit ses deux hôtels 500*2=1000 (noté 10) et DL2 deux de ses campings plus un report des campings
manquants en L1 soit 2*200+100=500 (noté 5). {Idem pour C/D}
_ D/D : Chaque joueur obtient de par l’occupation de l’un de ses trois hôtels un gain égal à 500 Unités Monétaires (noté
5).
En théorie des jeux, on dit qu’il s’agit là d’un jeu non coopératif ; il n’y a pas d’accord préalable entre les joueurs.
Comme nous le précision plus haut, nous sommes donc dans le cadre d’un jeu à information complète mais imparfaite. La
représentation généralement utilisée en théorie des jeux pour analyser le déroulement du jeu, la méthode de raisonnement des
participants, est appelée forme stratégique ou normale (par opposition à la représentation par un arbre de Kuhn, utilisée pour les
jeux à information complète et parfaite). La forme stratégique fait appel à un (ou des) tableau de chiffres donnant les gains des
joueurs associés à chacune des issues possibles du jeu ; les lignes et les colonnes correspondent aux diverses stratégies.
Notre jeu prend la forme stratégique suivante :
A
DL2 / DL1
A
B
9
9
B
7
10
10
8
12
10
D
12
4
10
5
8
4
5
5
5
10
5
8
4
D
4
10
7
C
C
8
10
5
5
5
10
5
5
1.2.2. Concept de solution.
La prise de décision est fondée sur le principe de rationalité du décideur, rationalité qui le pousse à maximiser son profit
en tenant compte de toutes les issues possibles du jeu et donc aussi de la rationalité de son adversaire qui poursuit le même but.
La première démarche du décideur sera alors d’éliminer les stratégies dominées, c’est à dire celles qui dans tous les cas
(quelle que soit la stratégie choisie par l’autre), lui apporteront un gain inférieur à ceux engendrés par au moins une autre stratégie.
Dans un deuxième temps, le joueur éliminera également de lui même les stratégies dominées de son adversaire qu’il sait rationnel
(il sait que son adversaire suit le même raisonnement que lui et donc qu’il ne jouera en aucun cas une stratégie dominée). Un bon
exemple donné par Guerrien (1993) illustre cette méthode de détermination d’une solution :
Considérons le jeu simple écrit sous forme stratégique :
(gain A, gain B)
B : s1
B : s2
B : s3
A : t1
(8,8)
(4,7)
(10,6)
A : t2
(9,2)
(5,5)
(6,3)
Ici, B n’a jamais intérêt à choisir s3, puisque s2 lui donne toujours un gain supérieur, quel que soit le choix de A (7>6 et
5>3) : on dit que s2 domine s3. Sachant cela, A se détermine en excluant la possibilité que B retienne s3. Mais alors, sa stratégie t2
domine t1 (puisque 9>8 et 5>4) ; s’il est rationnel (et il l’est), A ne peut que retenir t2. Ayant anticipé tout cela, B choisit donc s2
plutôt que s1 (5>2). Ainsi, la solution qui se dégage après élimination par itérations successives des stratégies dominées est : A
choisit t2 et B choisit s2, tous deux ayant alors un gain de 5.
On remarque que cette issue, fruit d’un calcul parfaitement rationnel de la part des deux joueurs, est sous-optimale, les
issues associées aux choix (t1,s1) et (t1,s3) procurant un gain strictement supérieur à A comme à B.
La solution par élimination des stratégies dominées, demande de la part de chaque joueur d’effectuer une succession de
calculs en se mettant « dans la peau de l’autre », et donc en anticipant (correctement) son comportement, ce qui n’est possible que
83
s’il y a connaissance commune de toutes les caractéristiques du jeu. Evidemment, plus le nombre de stratégies, et de joueurs est
grand, plus ces calculs peuvent devenir complexes.
Selon le même principe, nos décideurs vont raisonner comme suit :
DL1 constate que s’il choisit la stratégie A, il aura un gain de :
_ 09 si DL2 joue A.
_ 10 si DL2 joue B.
_ 10 si DL2 joue C.
_ 10 si DL2 joue D.
On dira que la matrice des gains associée à la stratégie A est pour le joueur 1 : (9,10,10,10). De la même façon, DL1 constate que
les matrices de gains associées aux stratégies B, C et D sont pour lui respectivement : (7,8,12,8), (4,5,4,5) et (5,5,10,5).
Le décideur DL1 va alors remarquer que la matrice des gains associée à la stratégie A est en tout point supérieure à celle
associée à la stratégie C ; (9,10,10,10)(4,5,4,5). Cela signifie que s’il joue A, son gain sera plus important que s’il joue C et cela
quelle que soit la stratégie adoptée par son vis à vis DL2. La stratégie C est donc dominée au sens de Pareto (ou Pareto dominée)
par la stratégie A. Le même raisonnement l’amènera à éliminer la stratégie D qui, même si elle n’est pas strictement dominée par
A, ne lui rapportera dans le meilleur des cas (si DL2 joue C) qu’un gain équivalent à celui qu’apporterait A :
(9,10,10,10)(5,5,10,5). Il restera au joueur les stratégies A et B que l’on qualifiera d’efficaces car non-Pareto-dominées.
Le joueur DL2 va procéder au même raisonnement qui l’amènera aux mêmes conclusions puisque les matrices de gains
sont les mêmes pour les deux joueurs (occupant le même type de site).
DL1 sait que DL2 va tenir ce raisonnement ; il ne tiendra donc pas compte des gains que peuvent lui apporter ses
stratégies A et B dans le cas où DL2 jouerait C ou D puisqu’il n’y a rationnellement aucune chance pour que cela arrive.
Le jeu va alors devenir un jeu « tronqué » ne comprenant plus pour chaque joueur que les stratégies Pareto efficaces A et
B.
A
B
DL2 / DL1
A
(9)
7
[10]
[9]
B
(10)
8
8
7
Poursuivant leur logique d’éliminations successives des stratégies dominées, dans ce nouveau jeu, chaque joueur
constatera que sa stratégie B est Pareto dominée par la stratégie A puisque : (9,10)(7,8). Alors, les deux joueurs joueront A. On
dit que l’issue A/A constitue un équilibre Pareto efficace car la solution obtenue rationnellement est la plus efficiente.
On note en effet que dans un jeu opposant deux décideurs de zone Luxe, l’équilibre obtenue « naturellement » grâce à leur
rationalité correspond à l’issue permettant le meilleur flux-monétaire global. Dans l’exemple : 9 + 9 = 18 soit un flux-monétaire
global de 1800 Unités Monétaires pour la macro-zone L1-L2. Dans un tel cas, la forme de coopération entre les décideurs qui veut
qu’ils se partagent équitablement les établissements à implanter est rationnellement induite.
La stratégie de spécialisation n’a pas d’effets visibles sur deux zones similaires et ne pose donc aucun problème de
décision aux décideurs. Il n’en sera pas toujours ainsi.
1.3. Second jeu.
1.3.1. Nouvelle donne.
Le problème devient quelque peu plus complexe lorsque l’on oppose deux décideurs gérant l’un une zone Luxe, notons le
DL, et l’autre une zone Verte, nous le noterons DV.
Nous avons vu en effet que les différents types d’hébergement n’impliquaient pas les mêmes flux-monétaires dans une
zone Luxe que dans une zone verte.
De plus, les reports ne seront pas aussi simples à établir que dans le cas précédent puisque, par exemple, la demande en
camping dans le site vert (V) est liée à la fois au site et au type d’hébergement, comme nous le soulignions auparavant ; si le site en
question ne parvient pas à contenter cette demande, la clientèle qui aura choisi l’endroit pour camper se reportera sans doute dans
un camping du site voisin L ; mais la clientèle qui avait choisi l’endroit parce qu’il est « Vert » se reportera probablement plus loin
mais toujours sur une autre zone Verte.
Un problème fondamental se pose également quand la défense par chacun de son intérêt personnel a des conséquences
néfastes pour tous. Le dilemme du prisonnier est une représentation classique en théorie des jeux d’une telle situation.
Dans le dilemme du prisonnier, deux joueurs sont en présence, chacun a deux options : soit coopérer, soit faire cavalier
seul. Chacun doit choisir sans connaître la décision de l’autre. Quoi que fasse l’autre, il est plus payant de faire cavalier seul que de
coopérer. Le dilemme du prisonnier consiste en ceci que, si les deux joueurs font cavalier seul, ils « s’en tirent » moins bien que
s’ils avaient coopéré. Contrairement à théorie de la main invisible d’Adam Smith, selon laquelle la somme des intérêts individuels
conduit à l’intérêt général, ici la rationalité individuelle (visant toujours à maximiser le profit individuel) mène au pire résultat
possible pour les deux joueurs ; d’où le dilemme. Jean Gabszewicz (1994) donne un exemple concret de ce phénomène en mettant
en scène deux vendeurs se disputant un marché.
84
Dans le cas qui nous intéresse, on pourrait présenter les choses de la façon suivante : nous l’avons vu, la zone Luxe détient
un avantage absolu sur la zone Verte qu’il s’agisse d’hôtels ou de campings mais la zone Verte dispose d’un avantage comparatif
dans l’exploitation de campings.
Dans un tel cas, c’est une spécialisation par zone qui apporterait un gain maximal aux deux joueurs. Cependant si un seul
d’entre eux optait pour la spécialisation (i.e. coopérait en n’implantant par exemple que des campings), l’autre choisissant de ne
pas coopérer (en se diversifiant), récupérerait la demande en hôtel non pourvue par son vis à vis sans lui retourner en échange la
demande en camping qu’il n’aurait pas du satisfaire (s’il avait coopéré). Chacun tentera donc de gagner plus en dupant
l’adversaire. (Une présentation de Guerrien est donnée en annexe 5).
Rappel du tableau des flux-monétaires :
Flux-Monétaires
zone Luxe
zone Verte
Hôtel
500
200
Camping
200
150
_
Si les deux décideurs coopèrent et se spécialisent, DL implantant deux hôtels obtiendra un gain de 2*500=1000
(noté 10) et DV avec quatre campings obtiendra 4*150=600 (noté 6). La demande de la macro-zone V-L est respectée.
_
S’ils ne coopèrent pas (tous deux implantent un hôtel et deux campings), DL obtient un gain égal à
500+2*200=900 (noté 9) et DV obtient 200+2*150=500 (noté 5).
_
Si seul DL coopère (2H+0C), DV construisant un hôtel et deux campings gagnera outre les flux-monétaires
associés à sa clientèle naturelle (issue de la demande sur sa zone) 200+2*150, le report des deux campings manquants en L : 2*100
soit un gain total de 700 Unités Monétaires (noté 7). Tandis que DL ne remplira qu’un seul de ses hôtels puisqu’il ne bénéficie pas
du report de V (puisque celui-ci contente sa demande en hôtel) soit un gain égal à 500 Unités Monétaires (noté 5).
_
Enfin si c’est DV qui coopère et lui seul (en implantant uniquement quatre campings), DL (2H+1C) gagnera
2*500+200=1200 U.M. (noté 12), son deuxième hôtel sera rempli par la clientèle non contentée en V ; alors que DV ne
remplissant que trois de ses campings n’obtiendra que 3*150=450 U.M. (noté 4,5).
Représentation de forme stratégique de ces résultats :
Coopère
DV / DL
Coopère
6
Ne coopère pas
[7]
10
5
Ne coopère pas
(12)
4,5
(9)
[5]
1.3.2. « Résolution ».
Pour le joueur DL, La matrice des gains associée à la stratégie « Coopérer » est Pareto dominée par celle associée à la
stratégie « ne pas coopérer » (12,9)  (10,5). Il en est de même pour DV puisque (7,5)  (6 , 4,5).
C’est pourquoi, rationnellement, tous deux choisiront de ne pas coopérer; on dira qu’à cette combinaison de stratégie est
associé le vecteur de gain (5,9) correspondant aux gains respectifs de DV et DL.
Pourtant, la solution issue de ce choix n’est pas la plus efficiente au sens de Pareto ; on remarque effectivement que si les
deux joueurs avaient coopéré, ils auraient obtenu (10) et (6) (respectivement pour DL et DV) au lieu de (9) et (5).
Dans le dilemme du prisonnier, la solution la plus efficiente n’est jamais atteinte : (10 ; 6)  (9 ; 5).
On parle néanmoins d’une solution d’équilibre dans le sens défini par le mathématicien John Nash en 1950. La notion
d’équilibre désigne alors une situation où chacun maximise ses gains compte tenu du choix des autres. Un équilibre de Nash est
une combinaison de stratégies - une par joueur - telle que personne n’aurait pu augmenter strictement son gain en retenant une
stratégie différente de celle que lui attribue cette combinaison, compte tenu des stratégies des autres joueurs qui y figurent.
Ce que Guerrien résume de façon un peu vague (selon ses termes) en disant qu’un équilibre de Nash est une situation de
« non-regret » : il y a équilibre de Nash si chaque joueur ne regrette pas le choix qu’il a effectué après avoir constaté celui des
autres. Cette dernière définition présente l’avantage de n’entretenir aucun doute sur le caractère unique, irréversible et simultané
des choix des joueurs. Ainsi, c’est après que chacun ait annoncé son choix que l’on peut dire s’il y a équilibre ou pas.
Dans notre second jeu, le couple de stratégies (DV ne coopère pas ; DL ne coopère pas) auquel correspond le vecteur de
gain (5,9), est un équilibre de Nash puisque DV n’aurait pas gagné à coopérer (si DL s’en tient à ne pas le faire) et il en est de
même pour DL. Quand l’élimination des stratégies dominées désigne une solution unique, celle-ci est forcément un équilibre de
Nash.
On comprend alors dans un tel cas la difficulté que pourra représenter la mise en oeuvre de la stratégie de développement
touristique basée sur la spécialisation par zone du fait qu’elle n’est réellement efficace que si elle est adoptée sur tout le territoire et
donc par tous les décideurs. Quelques auteurs travaillant sur la théorie des jeux ont tenté d’apporter des solutions (de vraies
solutions cette fois) au dilemme du prisonnier c’est à dire des moyen de sortir de l’impasse d’une solution ou d’un équilibre
inefficient.
Il nous faut donc à présent tenté de trouver à notre tour et avec l’aide de leurs travaux « le meilleur moyen » pouvant être
adapté à notre problème et permettant de sortir du dilemme.
85
2. Sortir du dilemme.
La sous-optimalité de la « solution » fatalement issue de la prise de décision rationnelle de nos joueurs est flagrante, les
décideurs en sont conscients (puisque rationnels), pourtant, elle est inéluctable. On pourrait alors se poser la question de savoir ce
que l’on entend réellement par « rationalité ».
Plus clairement, dans le second jeu, opposant DL et DV, force est de
constater qu’il serait sinon plus rationnel, en tout cas plus « intelligent » de la part des décideurs, d’avoir un comportement à
première vue « irrationnel » qui consisterait à choisir la combinaison de stratégies correspondant à un gain optimal pour chacun
d’eux. Il suffirait qu’il y ait une forme d’accord tacite, une négociation préalable, une entente entre les joueurs qui les conduirait à
retenir l’issue leur procurant à chacun un gain supérieur à celui de l’équilibre (dit rationnel). Seulement voilà, comment être sûr
que l’accord sera respecté au moment du choix alors que la tentation est grande, pour chacun, de « dévier » afin de gagner plus ?
On propose en théorie des jeux de favoriser le choix de coopérer par un système de sanctions, imposé de l’extérieur et
venant donc modifier les données initiales du jeux. Nous verrons dans un premier temps plus en détail cette forme « d’obligation »
à coopérer sous peine de sanction, nous en soulignerons les limites avant de présenter d’autres méthodes plus douces
« d’incitation » à la spécialisation.
2.1. Imposer une stratégie.
On pourrait effectivement imaginer qu’une instance hiérarchiquement supérieure à la commune rende obligatoire la
spécialisation en ordonnant purement et simplement un style de développement précis à chaque décideur (selon la zone qu’il
« gère »). Toutefois, cela transformerait totalement le jeu puisque les décideurs, se voyant imposer une stratégie, ne seraient plus
réellement les joueurs. Cette procédure irait donc totalement à l’encontre de tout ce qui s’est dit dans cette recherche puisque nous
expliquions dès le premier chapitre la volonté de la part des instances aussi bien nationales qu’internationales de décentraliser au
maximum le pouvoir concernant ce genre de décisions liées à l’aménagement du territoire. C’est d’ailleurs la prise en considération
de ce phénomène qui nous a poussés à créer un modèle faisant intervenir les professionnels et/ou politiques à un niveau le plus
local possible (dans nos exemples, ce sont les maires qui gèrent).
D’autre part, on constate que toute forme d’obligation est souvent accueillie avec plus de réticence par les individus
concernés même si la décision leur est pourtant favorable ; cela risquerait donc de remettre en cause notre désir de faire participer
la population et surtout d’en obtenir l’adhésion vis à vis du projet mis en place.
Soulignons également que l’une des particularités liées à l’insularité est de provoquer au sein de la population un certain
besoin sinon d’une « dose » d’autonomie, en tout cas « d’autodétermination » et ce essentiellement quand il s’agit du devenir de
l’île aussi bien sur le plan économique qu’organisationnel.
2.2. La crainte de représailles.
Heureusement, les nombreuses recherches effectuées dans le cadre de la théorie des jeux montrent que souvent les formes
d’obligation de coopérer peuvent provenir des joueurs eux-mêmes, le cas est très répandu dès qu’il s’agit d’un jeu « répété ».
La vie économique et sociale ayant indéniablement un caractère répétitif, échanges, production et plus généralement
interactions, se reproduisant dans des conditions semblables, ou presque, pendant de longues périodes, on voit régulièrement
apparaître des phénomènes particuliers liés tantôt à la réputation, aux menaces de représailles ou encore à diverses formes de
normes ou de conventions.
Pour le cas qui nous préoccupe, on peut bien évidemment admettre que la situation, menant le Maire à prendre une
décision quant à l’utilisation des subventions obtenues pour l’année en cour, se reproduira l’année suivante et ceci indéfiniment ; ce
qui fait de notre jeu, un jeu répété auquel s’appliqueront les phénomènes en question.
La principale conséquence issue de cette précision, tient du fait qu’alors le joueur devra intégrer dans son raisonnement
l’idée que sa façon de jouer aura des conséquences sur le « coup suivant », puisqu’elle aura donné une indication à son adversaire,
et inversement, au coup suivant il devra tenir compte du choix qu’a effectué l’autre joueur la fois précédente. Tout ceci devant bien
sûr être pris en compte dès le premier coup puisqu’il aura une influence sur les coups suivant et donc sur le gain total final. « Le
superjeu étant forcément à plusieurs coups, les stratégies des joueurs y sont formées par des successions d’actions (une par coup)
; ces actions sont, à chaque coup, conditionnelles puisqu’elles doivent tenir compte des choix effectifs ou éventuels des autres
joueurs aux coups précédents » (Guerrien 1995).
Sachant cela, les joueurs pourront alors adopter différents comportements visant toujours à tenter de maximiser leurs gains
sans pour autant prendre trop de risques. Selon Axelrod (1984), la méthode du « donnant-donnant » est l’une des manière de jouer
des plus efficiente, elle permet de se sortir d’un équilibre sous-optimal du type dilemme du prisonnier. Elle consiste pour un joueur
à débuter le jeu en coopérant (donc au premier coup), puis à imiter à chaque coup suivant la stratégie employée par l’adversaire.
Ainsi, si l’autre n’a pas coopéré, on ne coopérera pas au coup suivant en guise de représailles. Si dans le cadre du dilemme du
prisonnier les « promesses » de représailles n’ont pas de prise sur l’adversaire qui sait très bien que le jeu sera de toute manière
terminé à l’issue de son choix, quand le jeu se répète, elles deviennent crédibles et font donc réfléchir le second joueur.
Evidemment si nos deux décideurs choisissent cette tactique, la spécialisation se fera sans problème puisque n’ayant pas de raison
de dévier tant que l’autre ne le fait pas, aucun d’eux n’aura jamais à choisir de ne pas coopérer.
Cette méthode de jeu est rationnellement réalisable puisque la répétition du jeu rend, sinon le risque encouru au premier
coup moins important, en tous cas les éventuelles pertes encourues moins lourdes. En effet, dans le cadre de notre second jeu (on
aboutit au tableau suivant) :
(DV ; DL)
Coopère
86
Ne coopère pas
Coopère
(6 ; 10)
(4,5 ; 12)
Ne coopère pas
(7 ; 5)
(5 ; 9)
Si le décideur DL choisit (de manière irrationnelle) de coopérer, il risque de n’obtenir qu’un gain de (5) (si l’autre ne fait
pas de même) alors qu’il pouvait, en faisant l’autre choix, s’assurer un gain de (9) (quoi que joue DV) ; il encourt donc une perte
de 400 Unités Monétaires soit (4/9)*100 = 44% de ce qu’il pourrait obtenir à coup sûr.
Maintenant, si le jeu doit se répéter ne serait-ce que cinq fois, et si l’autre ne choisit jamais de se spécialiser, DL obtiendra
en coopérant au premier coup puis plus jamais : (5+9+9+9+9) = (41) au lieu des (5*9) = 45 réalisables à coup sûr. Soit une perte
de (4/45)*100 = 8,8% de ce qu’il pouvait obtenir sans risque. Bien sûr, la perte est toujours de 400 U.M. mais risquer 44% de
perte pour obtenir 10 plutôt que 9 (ce qui revient à tenter une augmentation de 11,1% de ses gains) n’est pas la même chose que de
risquer 8,8% de perte toujours pour tenter l’augmentation de 11,1% (50 au lieu 45). Le risque, s’il est mathématiquement le même
puisque ne reposant que sur le premier coup, n’a pas la même portée, pour les mêmes effets possibles.
Toutefois, cette méthode du donnant-donnant n’est « rationnellement applicable » que si le jeu se répète un nombre infini
de fois. En effet, même s’il est répété un très grand nombre de fois, le dilemme du prisonnier n’admet qu’une seule issue
d’équilibre : les deux joueurs ne coopèrent jamais. Alors que tous deux gagneraient bien plus s’ils le faisaient.
Dans notre exemple, les décideurs sont des maires, or, ceux-ci ne sont pas élus définitivement. Comme chacun le sait un
maire n’est élu que pour six ans et cela risque fort de fausser (dans un premier temps) l’issue du sixième jeu. La dernière année,
dans l’espoir d’être réélu, le joueur ne sera-t-il pas tenté de duper l’adversaire pour obtenir de meilleurs résultats dans sa commune
? (aucune menace ne peut plus l’en empêcher à ce moment là). La question est grande car ce doute va avoir des conséquences
(néfastes) sur les coups précédents ; le joueur craignant d’être dupé sur le dernier coup va tenter d’être le premier opportuniste en
refusant la coopération dès l’avant dernier coup, mais l’autre, prévoyant une telle anticipation choisira de ne pas coopérer au
quatrième coup (pour un jeu établit sur six ans) et on remontera ainsi jusqu’au tout premier jeu où l’un et l’autre choisiront de faire
cavalier seul en représailles anticipées sur ce que fera vraisemblablement l’autre l’année suivante.
Cette méthode de raisonnement est appelée récurrence à rebours et ce phénomène bien particulier est connu en théorie
des jeux sous le nom du « centipède » ou « paradoxe du mille pattes de Rosenthal » :
Gain A
1
0
- - - - - - -
998
997
999
998
1000
Gain B
1
3
- - - - - - -
998
1000
999
1001
1000
A et B peuvent stopper le jeu quand ils le désirent. Il est évident que B souhaitera arrêter à l’avant dernier coup, A le sait
et préférera donc stopper à 999, d’où l’intérêt pour B d’en rester à quatre coups de la fin du jeu avec 1000, etc. La solution selon le
principe de récurrence à rebours consiste à ce que A décide d’arrêter au premier coup, de sorte que les deux joueurs obtiennent un
gain de 1, alors qu’ils auraient pu avoir 1000 chacun s’ils avaient décidé de continuer à chaque coup.
Les solutions fondées sur des notions de réputation, menaces ou représailles, qui peuvent apparaître quand on répète une
situation du type « dilemme du prisonnier » ne sont donc effectives qu’à la condition que le jeu soit répété à l’infini. Bien sûr, on
pourrait admettre que le Maire, même s’il risque de ne pas être réélu, est assez sensé pour comprendre que la commune, elle, vivra
toujours et qu’il fera donc tout son possible jusqu’au bout pour favoriser l’intérêt de la région. Cherchons tout de même d’autres
solutions.
3. Méthodes d’incitation à la spécialisation.
Une autre méthode existe pour contrer une situation qui semble fatalement perdue d’avance comme le dilemme du
prisonnier. Il s’agit de la « normalisation ». Kandori (1992.b) explique qu’une normalisation permettrait d’obtenir une coopération
entre les joueurs. Pour cela, il suffirait (une nouvelle fois) qu’une instance hiérarchiquement supérieure aux joueurs comme la
Région, l’Etat ou directement la Communauté Européenne « incite », et non plus « oblige », les protagonistes à coopérer et punisse
les non-coopérants. Elle pourrait par exemple (sévèrement) n’accorder les subventions que sous certaines conditions ou bien les
fixer en fonction de la stratégie suivie par les auteurs du développement touristique ou encore (de manière plus diplomatique)
calculer ses taux de crédit ou de subvention selon les choix effectués par les récipiendaires ; favorisant évidemment la stratégie
« coopérer ». Les décideurs seraient alors incités à coopérer et donc, dans notre cas, à se spécialiser dans le domaine qui leur
procure l’avantage comparatif le plus important.
Des formes « d’incitations douces » existent déjà, elles concernent en fait principalement la protection de l’environnement
mais certaines ont carrément pour but de favoriser le développement touristique par le biais d’une subvention, sous contraintes de
respecter une orientation particulière, une ligne de conduite. Il s’agit des contrats de stations. Vles (1996) en dresse un tableau très
complet, ce dernier paragraphe s’en inspire largement.
3.1. Mesures « à caractère obligatoire » de protection et d’aménagement.
Des lois ont été votées dans le but de protéger l’environnement et donc les richesses naturelles qui sont en réalité, nous
l’avons montré, les dotations factorielles susceptibles d’être à l’origine d’un éventuel avantage comparatif pour une zone. Bien sûr,
puisqu’il s’agit de lois, elles ont un caractère obligatoire et ne devraient donc pas figurer parmi les méthodes « douces » présentées
ici. Toutefois, elles existent et permettent sinon de provoquer la spécialisation d’une zone, en tout cas d’empêcher une zone de
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mettre en oeuvre des politiques qui iraient totalement à l’encontre de ses propres intérêts. Politiques qui, par « appât du gain
financier » pourraient avoir des effets dévastateurs pour l’économie à long terme et, bien souvent, également sur l’équilibre
écologique de la zone. Il semble difficile dans ces conditions de faire « l’impasse » sur ces règles qui vont, dans le fond, dans le
même sens que tout ce que l’on à tenté de démontrer jusqu’ici dans cette étude.
3.1.1. La Commission des Unités Touristiques Nouvelles.
Il s’agit d’une procédure (selon les articles R.142 et suivants du Code de l’Urbanisme) gérée pour le compte de l’Etat et
qui s’applique aux communes non dotées de Schémas directeurs, désireuses, en matière d’aménagement en montagne, de :
_ Soit créer une urbanisation, un équipement ou un aménagement touristique dans un site encore vierge de tout équipement,
aménagement ou construction.
_ Soit créer une urbanisation, un équipement ou un aménagement touristique en discontinuité avec les urbanisations,
aménagements existants mais entraînant une modification substantielle de l’économie locale, des paysages ou des équilibres
naturels montagnards (le Préfet de département est le seul à pouvoir juger de la modification et de la discontinuité).
_ Soit d’entraîner en une ou plusieurs tranches une augmentation de la capacité d’hébergement touristique de plus de 8000 m2 de
surface de plancher hors oeuvre ou de réaliser en une ou plusieurs tranches une extension ou un renforcement significatif des
remontées mécaniques.
Le dossier est constitué d’un rapport et de documents graphiques décrivant :
_ L’état du site et de son environnement, celui du bâti, des infrastructures et des équipements touristiques existants avec leurs
conditions de fréquentation ainsi que les principales caractéristiques de l’économie locale.
_ Les caractéristiques principales du projet et, notamment de la demande à satisfaire, des produits touristiques visés, des modes
d’exploitation et de promotion des hébergements et des équipements touristiques.
_ Les risques naturels auxquels le projet peut être exposé ainsi que les mesures nécessaires pour en assurer la prévention.
_ Les effets prévisibles du projet sur l’économie agricole, les peuplements forestiers et l’environnement ainsi que les mesures de
protection et de réhabilitation à prévoir et l’estimation de leur coût.
_ Les conditions générales de l’équilibre économique et financier du projet.
Des cartes de sensibilité du milieu naturel constituent la trame des décisions ; elles permettent de confronter la pression
humaine à la sensibilité du milieu par superposition cartographique : ainsi, l’ensemble du projet peut être reporté à l’échelle
cartographique. La lecture du niveau de compatibilité fournit des éléments pour une prise de décision rapide. L’autorisation est
délivrée par le Préfet de région et notifiée aux demandeurs dans le mois suivant l’avis de la Commission. Elle est motivée en cas de
rejet et éventuellement assortie de prescriptions.
3.1.2. La loi « montagne ».
Cette loi a notamment permis d’impulser une dynamique d’aménagement et de développement. Elle a donné un réel
pouvoir aux élus locaux pour maintenir les zones agricoles et mieux maîtriser le développement anarchique de l’urbanisme. Elle
leur a donné les moyens de créer des servitudes de passage pour le tracé des pistes, de financer leur entretien, d’instituer une
redevance obligatoire pour l’accès aux pistes de ski de fond ou d’organiser les services de secours. Elle leur a également permis de
faire respecter la volonté municipale dans le cadre des projets de promotion. Elle donne les moyens aux collectivités locales de
gérer de manière raisonnée leur développement dans un marché stable.
3.1.3. Protection et mise en valeur du littoral.
La loi (86-2) sur l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, définit une politique spécifique pour les
communes riveraines des mers, océans, des étangs salés et des lacs intérieurs d’une superficie supérieure à 1000 hectares. Elle
s’applique également aux communes dont la liste est fixée par un décret en Conseil d’Etat, riveraines des estuaires et des deltas
lorsqu’elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux et participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux.
La portée de cette loi est considérable dans la mesure où les documents d’urbanisme des stations doivent être compatibles avec les
prescriptions prévues par la loi. Ces dispositions s’appliquent à toutes les décisions d’occupation et d’utilisation du sol.
Cette loi vise à concilier la sauvegarde des espaces sensibles avec le développement économique par :
_ La mise en conformité des Plans d’Occupation des sols par rapport aux prescriptions régionales inscrites dans des schémas de
mise en valeur de la mer.
_ Préservation des zones libres en bord de mer et orientation en priorité des extensions urbaines vers l’intérieur des terres.
_ Arrêt de la privatisation du rivage.
_ Prise en compte de l’interdépendance écologique des différents points de la côte.
Elle a un champ d’application beaucoup plus étendu que la directive d’aménagement national du littoral du 25 août 1979.
Ses dispositions particulières sont directement opposables aux demandes d’autorisation ou d’occupation du sol. Il s’agit donc de
planifier l’espace touristique littoral et de maîtriser la production de l’aménagement par l’élaboration, la modification ou la
révision des Plans d’Occupation des Sols.
Elle vise également à protéger les espèces remarquables et caractéristiques mais ne donne aucune indication sur les seuils de prise
en compte de la fragilité des zones. Plusieurs services de l’Etat sont impliqués puisque :
_ les Directions Départementales de l’Equipement entreprennent un travail de prise en compte des richesses à protéger, maintien
des zones vierges entre les pôles urbains, respect de la bande d’inconstructibilité sur 100 mètres, et plus généralement contrôlent
l’évolution de l’urbanisation.
_ L’Office National des Forêts et les Directions Départementales de l’Agriculture et de la Forêt s’occupent par exemple de
plantation des dunes.
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_ La Direction Régionale de l’Environnement est quant à elle responsable du contrôle de la qualité des eaux, des richesses
naturelles, des zones humides.
3.1.4. Contrôle des stations balnéaires.
La précédente loi constitue bien souvent un frein au développement balnéaire ou du moins à quelques aménagements
touristiques, venant parfois contrer certains projets d’aménagement d’espaces littoraux encore libres soit à destination de l’habitat,
soit pour les loisirs. Dans le cadre de « conflits » de ce type, c’est alors aux autorités communales de déterminer la capacité
d’accueil des espaces urbanisés afin de délimiter l’intensité du développement urbain de la commune. Cette capacité n’est pas
calculée zone par zone, mais découle d’une approche globale portant sur une unité de territoire homogène ; elle porte sur la totalité
des urbanisations existantes ou à créer, compte tenu des espaces à préserver. L’extension urbaine doit alors se faire soit en
continuité avec les constructions existantes, soit sous forme de hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. Des coupures
suffisamment vastes d’urbanisation doivent être prévues pour éviter le caractère linéaire de l’extension et permettre une gestion
harmonieuse et durable des espaces qu’elles comportent.
Ces règles permettent un nouvel équilibre entre aménagement et protection alliant ainsi développement économique et
protection des écosystèmes littoraux.
On comprend mieux à présent l’importance pour nous de citer ces différentes lois puisqu’elles constituent en quelque
sorte de nouvelles contraintes à intégrer dans les règles du jeu que nous traitions précédemment. Par exemple, un décideur de zone
Verte devra tenir compte du fait que l’une de ces lois pourrait l’empêcher d’implanter deux hôtels, s’il choisissait de le faire. Cela
semble grotesque, mais il faut se souvenir de nos définitions de la zone et du décideur ; rappelons que nos zones sont en réalité très
petites puisque issues de critères très stricts. Il sera donc fréquent de rencontrer plusieurs zones sur une même commune (ou peutêtre des parties de zone empiétant sur plusieurs communes). Rappelons d’autre part que si c’est le Maire que l’on considère comme
joueur, chaque jeu n’implique pour lui que l’aménagement d’une seule zone ou, pour être plus claire, disons que pour lui : à
l’aménagement de toutes les zones (ou partie de zones) sous sa responsabilité, correspondront autant de jeux. Un maire pourra
donc être Décideur Vert sur un jeu (concernant sa zone Verte) et dans le même temps Décideur Luxe sur un autre jeu (concernant,
celui-ci, sa zone Luxe).
Alors, les lois précitées ne lui interdiront pas forcément l’implantation d’hôtels, mais elles l’empêcheront toutefois de les
« placer » au mauvais endroit. Elles viendront donc favoriser les meilleures issues du jeu que nous pensions « rationnellement
inaccessibles ». Poursuivant notre logique, elles viendront favoriser par là même la spécialisation par zone et donc l’intérêt de la
région tout entière.
3.2. Interventions extérieures au jeu.
L’intervention d’acteurs hiérarchiquement supérieurs aux maires (comme la Région ou le Département), vont l’aider à
faire son choix en analysant le jeu (les jeux) de façon plus globale pour conseiller le décideur local dans son choix et faciliter
l’organisation finale du territoire.
3.2.1. L’aide des régions aux stations touristiques.
Outre les différents contrats de station, sur lesquels nous nous attarderons plus loin, il faut savoir qu’il existe aussi une
aide qui peut être octroyée par la Région au Comité Régional du Tourisme (le C.R.T.) pour coordonner les efforts de promotion
régionale, gérer et mettre en oeuvre la politique touristique du Conseil régional. Cette aide financière permet notamment de :
_ Coordonner les efforts de promotion internationale des stations (représentation sur les foires, salons, workshops).
_ Faire fonctionner les bureaux de renseignements.
_ Organiser la communication institutionnelle touristique au profit des sites touristiques de la région.
_ Réaliser des études.
_ Organiser l’observation économique en gérant un outil d’étude statistique et d’appui aux organismes locaux en matière de
connaissance des clientèles des stations.
Des observatoires régionaux ou locaux du tourisme fonctionnent ainsi avec beaucoup de précision et publient des tableaux
de bord de fréquentation des stations. Toutefois, force est de constater que la principale mission dévolue aux C.R.T. reste la
promotion internationale malgré la loi (87-10) du 3 janvier 1987 qui donne aux C.R.T. un rôle de conseil et de proposition
« recommandé » à la région, voire de réalisation des actions de la région pour le tourisme. De fait, l’aide accordée aux C.R.T. varie
en fonction des missions que lui assigne la région.
3.2.2. Intervention Départementale.
« Le Schéma Départemental de Développement Touristique permet de fixer une stratégie, de montrer que le
développement ne se fait pas au coup par coup, que pour atteindre la cohérence il convient de définir des objectifs précis et de
mobiliser les acteurs locaux. Le contenu du schéma intègre la réflexion stratégique sur l’aménagement, l’ensemble des activités
touristiques et les choix politiques du département ».
Cette remarque de Vles (1996) va une fois de plus tout à fait dans le sens de la réflexion établie tout au long de notre étude. Il
précise également que le schéma dresse un état des lieux sur la capacité d’hébergement, les taux d’occupation, les flux des
clientèles actuels et leurs appréciations sur les produits, les pôles touristiques forts, le budget touristique départemental, les aides
publiques. Il analyse le marché potentiel et réel du département, aborde l’aménagement, la commercialisation, la promotion,
l’accueil et la fidélisation, la professionnalisation des acteurs, l’organisation touristique départementale dans son ensemble. Il
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définit également un plan marketing qui affine la stratégie et privilégie la mise en marché des produits, de la promotion à la
commercialisation. Le plan d’action est indispensable pour matérialiser la stratégie, gérer dans le temps les priorités et assurer la
cohérence de l’action. Ce plan d’action suppose un cadrage financier définissant des hypothèses financières pour le département et
ses partenaires. Un bilan annuel doit permettre une adaptation stratégique et une mobilisation des acteurs locaux et des partenaires.
Le Comité Départemental du Tourisme (créé dans chaque département) est chargé du développement, voire de
l’aménagement touristique départemental. Il est donc à l’écoute des stations touristiques pour pouvoir les conseiller dans leur
projet d’équipement. Le C.D.T. est de plus en plus l’auxiliaire du Conseil général pour la définition de la politique touristique
départementale.
« La décentralisation, en introduisant les schémas régionaux et départementaux du tourisme, a sans nul doute introduit
un discours de la modernité dans la gestion du tourisme local. Les mises en oeuvre des schémas, pour leur part, mettent en
lumière les résistances locales au changement et le fonctionnement notabilier local traditionnel : les difficultés de l’intercommunalité, la propension au recours à l’investissement touristique dans le jeu électoral priment encore souvent » (Vles 1996).
3.3. Les contrats.
Certaines mesures sont, comme nous le proposions intuitivement antérieurement, basées sur des aides, des subventions.
Elles n’ont donc pas le caractère obligatoire des précédentes mais jouent un rôle « incitatif » tout aussi intéressant pour influencer
(dans le bon sens) les stratégies retenues par nos décideurs. Ainsi, un système de « classification » des zones est proposé au maire.
La règle est simple et peut se résumer ainsi, une subvention est accordée à la zone sous contraintes de respecter certains
engagements relatifs à son aménagement. Il s’agit essentiellement des Contrats de station, leur fonctionnement est également
détaillé dans l’ouvrage de Vles (1996), nous en ferons ici une présentation synthétique.
3.3.1. Les stations littorales.
Les stations littorales bénéficient de contrats de revalorisation, cependant, les programmes associés à cette appellation
divergent selon les situations régionales :
- Le Nord-Pas-De-Calais divise son littoral en trois sections dotées chacune d’une mission d’aménagement (Flandres, côte d’Opale,
Avenois) et associe chaque département à sa politique de rénovation.
- La Picardie traite son littoral dans le cadre des Programmes d’Aménagement Concerté du Territoire (PACT).
- Les Normandies associent cette politique à des financements en provenance du Fonds Européen pour le Développement
Economique Régional (FEDER).
- La Bretagne jumelle ces contrats avec une politique régionale de pays côtiers, (qui relaient les stations voisines).
- La Région des Pays de Loire consacre exclusivement sa politique à l’équipement et à l’hébergement des pôles touristiques
(concept proche de celui de station, le pôle touristique est plus large : il recouvre à la fois des noyaux urbains de forte notoriété et
leurs zones rurales proches).
- Poitou-Charentes, en accordant surtout des crédits de fonctionnement destinés à l’organisation des acteurs et à la fédération de la
profession, transforme ces contrats en politique de pays d’accueil améliorée et affecte l’investissement à la réalisation du
Futuroscope.
- L’Aquitaine achève ses stations nouvelles (notamment Moliets sans le Club Méditerranée).
- Languedoc-Roussillon généralise sa politique de stations intercommunales.
- Provence-Alpes-Côte d’Azur finit la revalorisation de Hyères et du golfe de Saint Tropez.
3.3.2. Les stations de montagne.
L’intervention publique est centrée sur trois axes :
- La réalisation de zones nordiques.
- L’aide aux stations de moyenne importance.
- La commercialisation de nouveaux produits et séjours.
Les actions de signalisation, d’organisation, d’amélioration des prestations, de formation des prestataires sont les plus fréquentes.
L’aide à la commercialisation offerte aux stations qui acceptent de travailler avec un voyagiste donne également de bons résultats.
Deux conditions préalables sont demandées aux stations pour leur permettre de bénéficier des financements publics :
- La mise en place d’une structure unique d’animation et de commercialisation.
- La création d’une structure unique de gestion intercommunale.
La contractualisation avec l’Etat et la Région des programmes est rendue possible sur la base de financements répartis
entre 25 % pour l’Etat, 25 % pour les régions, 50 % pour les communes ou départements. Cette politique vient souvent abonder
d’autres aides issues du prolongement d’autres contrats (pays d’accueil, station-vallée) et la politique de massifs, plus
traditionnelle.
3.3.3. Les stations rurales.
Hormis la valorisation touristique de quelques sites naturels ou culturels, les actions ont surtout visé à poursuivre les
actions les plus intéressantes qui s’étaient dégagées des contrats de pays d’accueil. En Aquitaine, par exemple, la région a entrepris
ainsi un programme spécifique de développement de l’hébergement de ses Bastides. D’autres régions ont cherché à structurer le
tourisme vert en pôles sur la base d’une gestion intercommunale.
Près de 150 conventions de contrat de plan ont été passées entre 1989 et 1993. L’estimation des masses mobilisées en faveur du
tourisme vert s’élève à 166 millions de francs dont 16% sont apportés par l’Union européenne au titre de l’aide aux zones rurales
fragiles, 20% reviennent à la charge de l’Etat, 20% à la charge de des régions, 4% à la charge des départements, 18% à la charge
des communes, 22% à la charge du secteur privé.
90
3.3.4. La politique thermale.
Les contrats de plan ont privilégié les objectifs économiques et commerciaux (études de marché, développement des
services destinés aux services touristiques, structures de coordination), les objectifs de modernisation des hébergements et des
établissements existants et leur adaptation aux nouveaux produits (prévention médicale et remise en forme).
3.4. Les contrats de station.
Vles (1996) explique que les politiques de contrat de pays d’accueil, de pôles, d’unités de séjour touristique visent à
structurer l’espace touristique autour de pôles urbains suffisamment attractifs pour créer un effet de levier sur l’économie
touristique. Elles visent ainsi à renforcer le capital « image » des stations, basé sur des thématiques affirmées et évocatrices de la
« culture » locale, facilement repérables par le touriste.
Cette politique permet surtout de mobiliser l’ensemble des partenaires locaux, privés et publics autour d’une logique de
développement. Elles ont été appliquées à des sites très différents dans leur histoire et dans leur stratégie de production. Les sites
choisis sont en effet soit des stations anciennes (équipements structurants importants, hébergements suffisants, notoriété
internationale) qui souffrent d’un manque d’organisation de l’offre ou de difficultés dans la stratégie de développement, soit des
sites en voie de développement (équipement suffisant mais notoriété faible, absence de politique de station, potentiel de lits
inexploité), soit des pôles touristiques situés en général en milieu rural (logistique faible, identité à valoriser, absence de pilotage à
l’échelon du pays d’accueil, gisement touristique à affirmer).
Le contrat se déroule en trois phases :
_ Celle de la programmation inscrit l’intervention sur l’agenda politique et financier régional ou départemental par une
délibération ; la décision échappe souvent à la société locale et ne concerne, au mieux, que son ou ses représentants politiques
(généralement le maire ou le conseiller général) ; la programmation débouche sur une autorisation de programme (le volume
plafond de l’enveloppe budgétaire accordée, parfois calculé au prorata de la population) et définit la nature des contractants.
_ Celle de l’élaboration du programme par les collectivités et les prestataires locaux. D’une durée variable (6 mois à trois ou quatre
ans), cette phase fait l’objet de négociations multiples entre élus, groupes professionnels et sociaux, personnels administratifs,
techniciens. Des groupes de travail thématiques proposent un ensemble d’opérations susceptibles d’être financées, leur trouvent un
maître d’ouvrage et les présentent, pour approbation, au Conseil municipal, puis au Conseil régional ou général.
_ Celle de la réalisation comprend l’affectation des crédits de paiement, leur mandatement aux maîtres d’ouvrage de chaque
opération, la coordination des travaux, la réception assurée par les services de l’Etat. La liquidation du contrat clôt sa mise en
oeuvre.
La programmation d’un contrat de station implique d’établir, au préalable, un diagnostic de son fonctionnement et du
positionnement de la station dans son marché. Cet état des lieux dresse le bilan de l’historique de la station (passé et évolution du
site, caractère, savoir-faire et objectifs des élus et dirigeants de la collectivité), de son marché (environnement externe défini en
termes de menaces, opportunités, compétences clés : définition de la demande, définition de l’offre concurrente, évaluation des
principales contraintes d’environnement), de l’entreprise station (analyse interne portée en termes de points forts, points faibles,
compétences : fonction commerciale, fonction technique, fonction personnel, fonction gestion, analyse financière) et établit une
synthèse : le diagnostic amène logiquement à la définition d’une stratégie et d’un plan d’actions.
L’analyse stratégique d’une station vise à qualifier les couples produit-marché, vérifier l’adéquation des produits au
marché. Elle décline les fonctions de l’organisation :
_ Le marketing mix de la station.
_ La production et son obsolescence.
_ La gestion des ressources humaines (formation, communication, stimulation, organisation).
_ Les contraintes des procédures administratives, les problèmes financiers.
L’ensemble du travail à mener porte sur sept points fondamentaux :
_ Analyse des points forts et points faibles de l’offre (motifs d’attraction), (aménagements, investissements), (cycle de vie des
produits).
_ Analyse des points forts et points faibles de la demande (segmentation, couples produits/clients).
_ Analyse de la concurrence (hiérarchisation en ordre sériel, positionnement, image, notoriété).
_ Définir une stratégie à court terme (produits, prix, promotion, distribution).
_ Mettre en oeuvre un plan d’actions à court terme (actions, calendrier, responsable, financement).
_ Assurer le contrôle de la réalisation des actions (indicateurs, tableau de bord).
_ Définir un projet de station à long terme (stratégie sur 10 ans).
3.4.1. Contrats de Pays d’Accueil ou de Pays Côtier.
Ces contrats sont destinés à améliorer les résultats de l’activité touristique par des interventions sur l’organisation des
services et des entreprises touristiques, la modernisation de l’existant et la réalisation d’équipements d’accompagnement. Ils n’ont
pas pour finalité d’assurer le financement d’équipements lourds.
« Un pays côtier ou un pays d’accueil est un ensemble de communes du littoral ou de l’intérieur à dominante rurale,
homogène sur le plan géographique et touristique et organisé en vue de son développement touristique » (Délégation Régionale
du tourisme, 1994).
Les demandes sont particulièrement jugées sur :
_ La réalité touristique du périmètre proposé.
_ Le degré de coopération inter-communale envisagé.
_ La garantie de pérennisation des services du pays côtier ou d’accueil.
91
La durée du programme est de trois ans, la subvention l’accompagnant est limitée à six millions de francs. Ces contrats visent à :
_ Mettre en place des produits touristiques financièrement viables par la mise en valeur et l’exploitation du patrimoine naturel et
culturel en fonction des clientèles plausibles.
_ Créer des équipements d’hébergement locatifs intégrés et structurants (plein air et plein nature préférentiellement).
_ Développer les liaisons contractuelles entre producteurs locaux et systèmes de promotion et de commercialisation qui peuvent se
situer à d’autres niveaux.
_ Améliorer les « retombées locales » des fréquentations touristiques sur les autres secteurs d’activités (commerce, artisanat,
agriculture, service).
3.4.2. Contrats de station-vallée.
Les objectifs sont identiques à ceux des pays d’accueil, ils visent à établir ou renforcer les liens professionnels entre les
stations d’altitude et les bourgs de vallée. La procédure et les moyens sont identiques à ceux des contrats de pays d’accueil. Ils ont
permis le développement d’une vallée ou d’un massif autour d’une station de sports d’hiver, en :
_ Créant, rénovant des hébergements touristiques dans le cadre de chartes de qualité.
_ Diversifiant les équipements de loisirs et services au public.
_ Améliorant les communications entre la station et la vallée.
_ Organisant les professionnels en vue d’une promotion commune et d’une commercialisation efficace.
La procédure contractuelle a répondu aux attentes locales par la diversité des opérations, les actions étant adaptées aux
spécificités des stations au sein de chaque vallée.
3.4.3. Contrats de Station de Grand Site Touristique.
Contrat Destiné à conjuguer fréquentation touristique intense en site exceptionnel et sauvegarde de l’environnement. Les
stations de grand site touristique sont constituées de communes ou ensemble de communes, soumises à forte fréquentation
touristique (à dominante de passage), en raison de l’existence de sites réputés, d’une qualité exceptionnelle sur le plan naturel
paysager ou architectural, connaissant de ce fait des charges de gestion importantes et des risques de dégradations de leur
patrimoine.
Les objectifs poursuivis par cette mesure sont :
_ La gestion et la maîtrise de la fréquentation.
_ La réhabilitation éventuelle des sites.
_ L’amélioration de l’accueil et de l’animation.
_ Le renforcement des retombées économiques et l’élaboration de produits spécifiques.
L’éligibilité d’un territoire à un contrat grand site touristique dépend essentiellement :
_ De la réalité et de l’intérêt du grand site.
_ De sa maîtrise publique.
_ De l’importance de sa fréquentation touristique caractérisée par l’ampleur toute particulière du passage.
_ De la présence à proximité du site d’un noyau urbain structuré, doté d’équipements touristiques, d’hébergements et d’animation
dont l’activité dans le domaine du tourisme résulte principalement de l’attraction du grand site.
Seront fortement pris en compte les éventuels classements, monuments naturels, site de caractères et, plus généralement,
toute forme de reconnaissance officielle de la qualité exceptionnelle et de la notoriété du site.
Le contrat implique alors :
_ Des interventions ponctuelles sur les espaces incendiés à fort impact visuel.
_ Une requalification de site touristique.
_ Le nettoyage des lits et des berges des cours d’eau.
_ L’installation de poubelles et de petits équipements de gestion de site.
_ L’élimination ou le traitement de « verrues ».
_ Une réhabilitation du petit patrimoine bâti (fontaines, lavoirs, monuments religieux, moulins, paillers, murettes, etc.).
_ Le démaquisage, réparation, éventuellement extension des chemins ruraux traditionnels, dans un souci de traitement paysager.
_ Nettoyage, création de balisage de sentiers de promenade ou de petite randonnée équestre comme pédestre.
_ Aide à la création de base de kayaks.
_ Création de circuits à thèmes et/ou découverte.
_ Organisation d’un produit « pêche en rivière ».
_ Organisation de toute action d’animation de pleine nature.
_ Equipements d’animations ou de loisirs structurants à forte connotation patrimoniale (écomusée).
_ Mise en place de personnels de terrain chargés, de façon distincte ou conjointe, des tâches suivantes :
- Interventions de type « cantonniers de l’environnement ».
- Surveillance et gestion, en vue de faire respecter aux personnes fréquentant le site un « code de bonne conduite ».
- Guide de randonnée.
_ Création d’un ou plusieurs points d’information.
_ Aménagements d’aires de stationnement et de repos.
_ Réalisation de supports promotionnels.
Il n’existe actuellement en France qu’une seule station « Grands Site », il est situé en Corse sur la commune de Ota-Porto.
3.4.4. Contrats de station touristique littorale ou de l’intérieur.
92
Une station touristique classée ou non littorale ou de l’intérieur est unité urbaine cohérente située à proximité
d’équipements de liaison structurants (port, aéroport, grand axe routier), dotée d’équipements d’accueil, de services et de loisirs
diversifiés de qualité, située dans un « pays » ou micro-région, constituant, avec ces derniers, un ensemble touristique. La durée du
programme est de trois ans et la subvention est limitée à neuf millions de francs. Le contrat implique :
_ L’organisation et le développement des services touristiques destinés aux touristes et aux professionnels du tourisme (direction
de station, accueil et information du public, etc;)
- Appui à la création et à la commercialisation de produits touristiques.
- Animation générale des loisirs.
_ L’amélioration des fonctions urbaines et touristiques (paysagement des espaces fréquentés par le public, gestion des plages et des
espaces naturels, organisation des déplacements et du stationnement, signalisation, fonctionnement des équipements de loisirs
nautiques ou de plein air).
_ Le développement des hébergements locatifs banalisés, et notamment des meublés touristiques.
_ Le réaménagement, réhabilitation, modernisation des équipements touristiques de superstructures existants.
_ Le cas échéant, des mesures contribuant à la valorisation touristique d’activités économiques non saisonnières.
Ces contrats visent à faire face à la concurrence balnéaire européenne en aidant les stations anciennes à s’adapter pour
répondre à l’évolution profonde et irréversible de la demande touristique, et plus particulièrement à la fréquentation des courts
séjours tout au long de l’année. Cette politique est également une politique d’aménagement de l’espace touristique : elle vise à
concentrer la fréquentation touristique sur des pôles renforcés pour les rendre plus performants et pour préserver les sites littoraux
encore intacts. Ces contrats considèrent les stations comme des « entreprises de développement touristique ». Ils tentent de les
organiser en leur donnant une image de marque, une gestion, une politique de commercialisation, en améliorant leur cadre de vie.
L’ensemble de ces contrats à permis de créer peu à peu une trame de villes et de bourgs constituée de pôles fonctionnant comme de
véritables stations touristiques, des centres urbains de séjour capables d’irriguer leur environnement diffus et dépasser les seuils
qualitatifs et quantitatifs qui autorisent une commercialisation par les circuits professionnels.
« Les produits sont toujours plus variés et le touriste s’attend à retrouver à la fois diversité et originalité dans chaque site
visité. La plupart des stations possèdent suffisamment d’atouts pour pouvoir se positionner en bonne place sur ce schéma
fortement concurrentiel, sous réserve d’intervenir sur les faiblesses de l’offre actuelle et sur les contraintes inhérentes aux modes
de consommation touristique » (Vles 1996).
Conclusion.
Tous ces outils permettent d’influencer le choix stratégique des décideurs. Ainsi, les contrats de stations touristiques
littorales, de pays d’accueil ou côtiers et stations de grand site, permettent à certaines communes de recevoir des subventions si
elles respectent les orientations établies dans le contrat. La commune de Ota-Porto, par exemple, obtenant l’appellation et la
subvention de « station de grand site touristique » s’est engagée à entretenir son site classé UNESCO. Une zone pourra donc, selon
les spécificités qui lui sont propres, postuler pour la subvention dont les orientations correspondent au type de développement qui
semble lui être le plus approprié. On l’aide pour qu’elle se spécialise en fonction de ses atouts intrinsèques.
93
Conclusion du chapitre III
Tous ces développements mettent en évidence l’efficacité de la stratégie de spécialisation par zone et montrent bien que
rien n’est laissé au hasard puisqu’elle tient compte à la fois des particularités du produit touristique et des spécificités des petites
économies isolées, que l’on développaient respectivement dans nos deux premiers chapitres. De plus, l’analyse de la demande
effectuée dans ce troisième chapitre, tend à prouver qu’une telle stratégie va tout à fait dans le sens des attentes du consommateur
en matière de produits touristiques. Même s’il subsiste une difficulté liée à l’indispensable adhésion de décideurs pouvant être
parfois « un peu trop rationnels », nous venons de voir qu’une quantité d’outils assez importante existe déjà pour ramener les élus,
sinon à la raison, en tout cas à l’acceptation du projet global.
Comme nous le laissions deviner, cette forme d’organisation du territoire associe des éléments qui semblaient pourtant
totalement opposés. En effet, on remarque finalement que la « théorie » présentée tout au long de cette étude est basée à la fois sur
des éléments :
_ De la théorie de la base : l’activité de base étant bien entendu le tourisme. C’est une activité exportatrice permettant à
l’économie de se placer sur le marché international, de s’ouvrir sur les capitaux extérieurs et donc d’éviter de s’enfermer dans une
économie locale stagnante. Les secteurs résiduels (ou résidentiels), agriculture et autre, deviennent alors ses fournisseurs.
_ De la théorie du développement endogène : puisqu’elle est totalement basée sur les spécificités intrinsèques de la région.
Tout le développement entrepris tient compte des particularités géographiques, naturelles, mais aussi humaines, culturelles,
traditionnelles du territoire. L’offre est en fin de compte plus tournée vers les besoins locaux, en tout cas elle est forgée par les
« contraintes » environnementales locales, avant d’être modelée par une demande externe.
_ Cette forme de développement est évidemment très proche du développement identitaire puisqu’elle débouche
naturellement sur la mise en valeur des richesses internes exploitées.
Ayant suffisamment mis en évidence les apports « théoriques » de nos recherches, une constatation s’impose toutefois : La
stratégie de développement touristique basée sur la spécialisation par zone repose entièrement sur les spécificités de ces dites
zones. Donc sur une parfaite connaissance des richesses naturelles, particularités géographiques, climatiques, culturelles, en un mot
bien à nous : sur les « caractéristiques » de chacune de ces zones. Or, il arrive que certains élus ou autres responsables, nos
« décideurs », aient du mal à cerner toutes les particularités de leur site et, à partir de là, leur choix de développement (aussi
logiques soient-ils) risquent de ne pas correspondre aux véritables intérêts de leur zone. On a vu, par exemple, la ville d’Ajaccio
(Corse du Sud) postuler à la fois (la même année) pour un contrat de station littorale et pour un contrat de station grand site. Cela
montre bien que les décideurs ont eu des difficultés à « estimer », à « évaluer » les potentialités de leur domaine.
Là encore, les sciences économiques apportent des méthodes susceptibles de sortir le décideur d’une telle impasse. Ce
sont des méthodes comme l’évaluation multicritère, l’Analyse en Composantes Principales et bien d’autres, que nous exposons
dans le chapitre suivant, et qui nous permettront, souhaitons le, de rendre possible (au moins « sur le papier ») le passage toujours
délicat de la « théorie » à la « pratique ».
94
CHAPITRE IV
METHODES D’APPLICATION DE LA STRATEGIE
La mise en oeuvre de la stratégie de développement proposée dans cette recherche dépend avant tout de la bonne
connaissance du « terrain » puisque, nous l’avons montré, le choix de l’orientation économique des différentes zones constituant un
même territoire devra se faire en fonction des potentialités liées aux spécificités (avantages naturels) de ces zones. Ces choix
concernant l’avenir des espaces considérés pourront être influencés par des outils tels que les différents contrats détaillés dans le
chapitre précédent. Cependant, soulignons une fois de plus que ces outils, s’ils permettent de faciliter l’organisation, le
financement, la mise en oeuvre de l’orientation souhaitée, ne donnent aucune information sur l’efficience de l’orientation ellemême dans sa zone d’application. En d’autres termes, ces outils rendent accessibles (grâce à un apport financier ou autre) des
stratégies qui, rationnellement n’auraient pas été « votées » par les décideurs. Reste néanmoins à ces décideurs à déterminer la plus
efficiente des « solutions de développement » désormais à leur disposition.
Etant donc en quelque sorte « assurés » de pouvoir exploiter les richesses naturelles de leurs zones dans les meilleures
conditions, le travail des acteurs locaux consistera alors dans un premier temps dans la détermination, la plus précise et détaillée
possible, des spécificités intrinsèques de ces zones, avant, dans un deuxième temps, de déterminer le type d’exploitation à y
instaurer. Celui qui sera le mieux adapté au site, c’est à dire celui qui permettra de le mettre en valeur, de l’exploiter sans le
détériorer.
Nous présenterons donc dans ce dernier chapitre :
D’une part, les multiples méthodes d’évaluation issues des différents courants. Nous verrons que si les problèmes
d’évaluation ne concernent pas uniquement les économistes, l’opposition la plus flagrante repose en fait sur la priorité à donner à
l’étude : faut-il favoriser le système « coût-avantage », faut-il tenir compte principalement des richesses environnementales du site,
ou encore s’appuyer essentiellement sur le goût du consommateur potentiel ?
Outre ces premières comparaisons d’opinions, nous verrons que les démarches évaluatives (même au sein d’une même « famille »
de chercheurs) se heurtent à de nombreuses difficultés, imprécisions et approximations, rendant quasiment impossible une
éventuelle tentative de formalisation empirique du problème d’évaluation.
Fort des conclusions de cette synthèse préalable, nous proposerons dans une seconde section une méthode plus modeste
mais sans doute mieux adaptée au problème qui est le nôtre. A travers un exemple concret effectué sur un territoire de référence (la
Corse), nous chercherons à construire un critère de « sensibilité » avant d’évaluer selon ce dernier l’ensemble des « sousmicrorégions » constituant l’île.
La logique de spécialisation présentée dans l’ensemble de ce travail sera alors appliquée à notre exemple puisque l’on tentera de
déduire du niveau de sensibilité évalué, une orientation économique « préférentielle », touristique ou non, des différentes zones
traitées. Il suffira pour cela de proposer pour chaque zone des activités adaptées à son degré de sensibilité.
95
Section 1. Evaluation des caractéristiques d’une zone.
C’est donc de l’évaluation d’une zone, ou plutôt en évaluant à la fois qualitativement et quantitativement les
caractéristiques qui lui sont propres, les spécificités qui la composent, que l’on pourra déterminer son éventuel avenir économique
« préférentiel ». C’est à partir de la connaissance de tous ces éléments que l’on envisagera d’aménager le site de telle manière
plutôt que de telle autre. On comprend alors l’importance d’effectuer un bon diagnostique puisque de lui dépendra la décision de
protection, d’aménagement, de mise en valeur et peut être même d’une transformation totale de l’organisation du territoire évalué.
Nous dresserons dans cette section un tableau retraçant l’évolution des principes d’évaluation en distinguant les méthodes que l’on
qualifiera d’hétérodoxes, des méthodes plus contemporaines essentiellement basées sur l’analyse multicritères. Enfin, nous
parlerons également de procédures peut être moins appliquées actuellement, bien que semblant plus opérationnelles, plus simple
d’utilisation, plus faciles à mettre en oeuvre ; elles reposent sur le principe du « flou » que nous étudierons.
1. Méthodes d’évaluation hétérodoxes.
« Les techniques d’évaluation du paysage se présentent principalement comme des outils d’aide à la décision. Leur
objectif est, en effet, de rendre mesurable et évaluable le paysage afin d’assurer sa prise en compte par les instances
administratives » (Facchini, 1994). Facchini explique que la plupart des méthodes d’évaluation proposées par les écologues et les
géographes a pour objectif de donner une échelle de valeur au paysage justement au travers des composantes particulières comme
l’architecture que l’on y trouve ou encore la qualité visuelle, les couleurs, afin de faciliter la prise de décision des « aménageurs »
du lieu. Il s’agit d’informer le décideur sur la qualité écologique, esthétique ou visuelle d’un paysage. Ces méthodes n’intègrent pas
le paysage dans une logique globale de choix social, ignorant même les préoccupations économiques. Tandis que l’analyse
économique peut intégrer le paysage dans une logique sociale globale grâce à l’utilisation de la mesure monétaire. En raisonnant
toujours en termes d’utilité, les méthodes de l’économie chercheront en quelque sorte à déterminer s’il y a ou non-intérêt à protéger
le site, s’il y a intérêt ou non à l’aménager de telle ou telle façon. « Elles s’intègrent dans une logique de bien commun et se
comprennent dans une logique d’efficacité utilitariste qui calcule pour la société les peines et les plaisirs d’une décision
particulière » (Facchini, 1994).
Nous exposerons succinctement dans ce paragraphe les principes d’étude des deux « écoles » d’évaluation en nous inspirant
largement de la présentation beaucoup plus complète que fournit Facchini dans son article.
1.1. Les méthodes non économiques.
Dans la littérature, ces méthodes d’évaluation non économiques sont classées selon la position philosophique qu’elles
adoptent sur la question du rapport de l’homme au réel. Elles seront alors qualifiées d’objectivistes, de subjectivistes ou de
phénoménologiques.
1.1.1. Méthodes d’évaluation objectivistes.
Le principe de ce genre de méthode est en fait d’évaluer séparément les éléments du paysage, ses composantes, afin
d’étudier par la suite la valeur de leur présence et l’intérêt écologique qui en découle, qu’ils impliquent. Il s’agira donc d’estimer la
valeur (l’intérêt) de la végétation, de l’altitude, de la faune et de la flore mais aussi de la texture et de la lumière. L’écologie tient
compte de l’importance de ces éléments dans l’équilibre de l’écosystème et de leur rareté. Une deuxième étape de l’analyse
consiste alors à évaluer l’écosystème engendré par la présence de ces éléments, sur le plan purement écologique, et de leur
« concordance » dans un contexte géographique intégrant cette fois la dimension spatiale plus en rapport direct avec l’individu.
« L’écologie met par conséquent un savoir au service de la rationalisation des rapports entre l’homme et la biosphère » (Lamotte,
Blandin, 1982).
On peut, sur le plan économique, critiquer cette méthode qui ne tient compte à aucun moment de l’opinion du
consommateur, même s’il faut reconnaître qu’elle prend en considération les éléments liés à la relation du bien-être établie entre les
habitants d’une région et leur terre, même s’il n’en ont pas toujours conscience du fait de l’aspect quelque peu « non-observable »
d’une grande partie de ces éléments. On se doit de considérer ce travail de l’écologie comme une tâche ingrate et pourtant
nécessaire à la sauvegarde même du paysage.
Outre ces considérations quasi-partisanes, ce qui nous intéresse particulièrement dans cette vision de l’évaluation, c’est
qu’elle rejoint en partie le but que l’on recherche dans cette étude, à savoir : renseigner le décideur. Les conclusions issues de
l’étude écologique du site auront souvent pour conséquence d’influencer le décideur puisqu’il prendra conscience de l’intérêt de
conserver et de valoriser les potentialités de son territoire. Il devra en tenir compte lors de sa prise de décision concernant
l’aménagement des différents sites qu’il gère. « L’enjeu actuel n’est pas seulement de promouvoir une exploitation de la
production biologique moins génératrice de pollution et mieux adaptée aux nécessaires restrictions d’énergie : c’est tout
l’aménagement du territoire qui doit faire l’objet de choix rationnels » (Lamotte et Blandin, 1982).
Toutefois, comme nous le précisions précédemment, l’analyse reposant sur des concepts trop souvent de dimensions
invisibles du paysage plutôt que sur des réalités visibles, les méthodes objectivistes ont du mal à se faire une place importante dans
les domaines de l’aménagement du territoire. On leur reproche d’autre part d’associer trop rapidement beauté esthétique et
équilibre naturel confondant ainsi le paysage et l’environnement. D’autres études tendent d’ailleurs à abandonner l’écologie au
profit d’analyses plus portées sur la perception et ses effets.
1.1.2. Les méthodes d’évaluation subjectivistes.
Ces méthodes répondent aux critiques faites sur l’évaluation objectiviste puisque d’une part, elles se réfèrent directement
aux préférences du consommateur, qui est l’observateur et d’autre part, elles ne considèrent plus séparément les éléments
96
constitutifs du paysage mais mettent l’accent sur « les représentations constituées de tel ou tel environnement ». Elles déterminent
ainsi les éléments préférés par les utilisateurs effectifs.
Ces méthodes reposent généralement sur des enquêtes effectuées auprès du public et ce sont les résultats ainsi obtenus qui
permettront d’évaluer le paysage.
C’est donc le jugement direct de l’observateur, sa préférence qui est à la base de l’évaluation subjectiviste.
L’enquête est souvent réalisée à partir de diapositives soumises par paire (pour la méthode la plus utilisée) à des individus
qui devront noter sur un formulaire celles qu’ils préfèrent. Les chercheurs définiront à partir de là une « grille des préférences
individuelles, et leur appartenance à un groupe » puisque l’on tient compte également des particularités des enquêtés, à savoir la
profession, l’âge, le sexe, ainsi que la provenance géographique et autres caractéristiques sociologiques et psychologiques. Les
effets de mode sont aussi considérés. On constate alors que l’eau, l’ordre et la diversité sont des caractéristiques sur lesquelles
s’appuient les préférences des individus. Ce modèle est dit Psychologique car il suppose que les préférences des individus sont
indépendantes des qualités objectives du paysage.
Le modèle psychophysique prend en compte, lui, les rapports entre les faits psychologiques et les faits physiques, c’est à
dire qu’il ne fait plus uniquement référence au jugement global de l’observateur, mais tente également de comprendre quel est
l’élément (quels sont les éléments) qui a amené ce jugement. Ce modèle utilise soit une méthode intuitive, soit une méthode
statistique.
La méthode intuitive.
Appelée également méthode d’appropriation visuelle du paysage, elle consiste à dégager du jugement global de l’individu
l’influence qu’a eu (sur ce jugement) la présence ou non de divers éléments visuels constituant le panorama présenté. Ceci afin
d’estimer l’importance (pour ne pas dire la valeur) de chacun de ces éléments aussi bien en qualité qu’en quantité. Ces références
sont alors reportées sur un quadrillage cartographique (appelé maille) permettant finalement par simple lecture de la carte d’obtenir
une classification des paysages. La méthode intuitive permet ainsi d’objectiver le regard. Facchini souligne toutefois l’aspect
arbitraire qu’elle revêt ainsi que sa simple fonction de standardisation.
La méthode d’évaluation statistique.
Cette dernière méthode d’évaluation subjectiviste va plus loin que la méthode intuitive puisqu’elle vise, par l’étude du
jugement de l’observateur, à prédire (à en déduire) ces réactions futures face à une évolution du paysage. On retrouve dans
l’analyse pratiquée l’idée de séparation des éléments constituant l’image puisqu’il s’agit une nouvelle fois de déterminer
l’influence qu’ils ont pu avoir sur l’opinion finale de l’observateur. Chacune de ces composantes étant susceptible d’exercer une
attraction plus ou moins forte sur l’intéressé, il sera alors possible à partir de ces composantes d’évaluer les préférences
individuelles en couplant l’analyse des préférences individuelles à l’étude quantitative des composantes du paysage.
La méthode de Briggs et France (1980) (présentée dans l’article de Facchini) comprend deux étapes : L’évaluation de la
variable dépendante, la qualité visuelle du paysage et l’évaluation des variables indépendantes, les composantes du paysage.
L’évaluateur réduit tout d’abord le paysage aux composantes mesurables qui le constituent. La mesure quantitative de chacun des
éléments utilise un maillage plus ou moins fin à partir de cartes topographiques et de photographies aériennes (pourcentage du sol
occupé par la forêt, la broussaille, la prairie, les cultures, les résidences anciennes, nouvelles, les altitudes, etc.).
Ensuite, il définit la variable dépendante en tenant compte si possible des différences de perception selon les différentes couches
sociales et en s’attachant à trouver le nombre le plus significatif d’observateurs. Les variables dépendantes et indépendantes ainsi
définies, il est possible d’écrire une équation de la forme :
Y = 1X1 + 2X2 + 3X3 + iXi
où Y est la qualité visuelle du paysage, X1, X2,...Xi les composantes du paysage et 1, 2,... i les coefficients de régression. La
connaissance de Y et des Xi permet de déterminer les i. L’équation ainsi définie, il suffit de faire varier une des composantes du
paysage (X1, X2,...Xi) pour prédire l’effet de cette transformation sur la qualité visuelle du paysage, c’est à dire sur le jugement
que portent les observateurs.
Ces méthodes d’évaluations subjectivistes ont le mérite de tenir compte du jugement des observateurs et donc des
préférences du consommateur éventuel. Elles ont aussi permis de mettre en évidence l’importance des valeurs visuelles, culturelles,
écologiques et fonctionnelles du paysage, remettant par là même en cause l’idée d’une valeur unique (globale).
1.1.3. L’approche phénoménologique.
Considérée plus comme une démarche et non plus comme une méthode, l’approche phénoménologique semble issue de la
critique des deux précédentes. Sur des bases philosophiques, elle insiste sur les remarques que nous émettions précédemment
concernant la méthode écologique, à savoir qu’elle ne prend pas en considération l’avis de l’observateur. Force est de reconnaître
qu’évaluer un paysage sans tenir compte de l’aspect « visuel » qu’il revêt, mais en s’attachant essentiellement aux éléments
« originels » permettant de l’obtenir (le paysage), c’est omettre une information pertinente, pour ne pas dire primordiale, pour le
décideur aménageur. L’aménagement du territoire se doit d’être relativement adapté à l’aspect esthétique.
D’autre part, l’approche phénoménologique dénonce l’idée trop réductrice de classification des paysages qui ne
proviendrait que de l’oeil d’un public peu averti, puisque ignorant souvent les sources et les richesses réelles (mais invisibles) des
paysages pourtant jugés. Il s’agit alors pour cette nouvelle approche d’éviter deux genres « D’écueils auxquels s’expose l’analyse
du paysage, l’un comme l’autre illustrant à contrario la difficulté de prendre en compte simultanément les deux versants de la
réalité paysagique. Le dilemme n’est résolu qu’en apparence en privilégiant l’une des deux approches, soit écologique, soit
humaine, réduisant l’autre à un rôle accessoire » (Phipps, Berdoulay, 1985).
L’analyse tente de pallier les manques respectifs des deux autres méthodes d’évaluation en cherchant à définir
objectivement les éléments qui ont une réelle importance dans les représentations des observateurs, ceux qui interviennent dans la
97
formation même du jugement de l’observateur. Le paysage est considéré comme la résultante d’un double processus, un processus
matériel qui engendre la forme et s’offre au regard et un processus perceptif qui produit la forme perçue (Facchini 1994).
Nous conclurons tout de même en constatant que si la démarche semble fondée lorsqu’elle affirme que la valeur
n’apparaît ni dans le paysage, ni dans le regard du spectateur, mais dans la relation qui unit l’homme à son espace, l’approche
phénoménologique n’offre pas vraiment de réel moyen d’évaluer effectivement un paysage et n’apporte au décideur qu’une
information difficilement exploitable dans sa prise de décision.
En définitive, ces méthodes d’évaluation non-économiques sont peu utilisées et souvent qualifiées de méthodes
triviales et trop onéreuses. On leur reproche également de conclure trop facilement à la nécessité de protéger le paysage étudié. Peu
d’informations concernant l’usage possible du site n’en découlent alors qu’il s’agit généralement de la raison première de la mise
en oeuvre de l’étude demandée. Dans cette dernière remarque s’immisce (volontairement) l’impression d’un manque de dimension
économique qui conduit à l’emploi de méthodes jugées plus efficaces, en tout cas pour le problème de prise de décision qui est le
notre.
1.2. Méthodes d’évaluation en économie.
Par souci d’efficacité, les méthodes d’évaluation issues de la science économique ne s’intéressent que modérément à
l’utilisation qui pourrait être faite des résultats qu’elles fourniront. La plupart des éléments évalués ou entrant en ligne de compte
dans l’évaluation globale sont appréhendés en termes de prix, d’utilité, de préférence, d’intérêt général. Il est plus aisé d’évaluer
les coûts de protection de l’environnement que d’estimer les bénéfices qui en découlent. « Quel est le bénéfice social de la
protection d’un paysage lorsque la pression démographique pousse à la densification des constructions, d’un écosystème marin
lorsque la demande touristique est forte..., comment évaluer ces bénéfices dans la mesure où aucun de ces actifs naturels ne
transite par le marché, n’entre dans aucun système de comptabilité ? » (Desaigues, Point, 1993).
Les méthodes qui suivent cherchent à répondre à cette problématique que Desaigues résume dans la question : Quel
niveau de dommages à l’environnement sommes-nous décidés à accepter compte tenu du fait qu’une absence totale de dégradation
est techniquement impossible ? Une réponse en termes de coûts et de bénéfices (prenant en compte l’ensemble des bénéfices
sociaux) c’est à dire en termes économiques, s’impose.
Précisons que la démarche doit prêter une attention toute particulière à la « demande en environnement » puisqu’elle devra aboutir
à une évaluation des retombées qu’engendrerait toute modification du bien-être des individus, qu’ils soient producteurs ou
consommateurs, associée à une amélioration ou une détérioration de la qualité des services rendus par les actifs naturels. Ces
derniers font en effet l’objet d’une double demande : en tant que facteurs de production (agricole, piscicole) et en tant qu’éléments
de la demande finale (esthétique et autre).
« La demande d’environnement par les producteurs est une demande d’usage. Elle permet d’augmenter quantité et/ou
qualité de la production. La demande par les consommateurs peut être une demande d’usage et une demande de non-usage »
(Desaigues, Point, 1993).
On comprend alors, que l’évaluation soit largement basée sur l’opinion du consommateur lui-même, et plus
particulièrement sur la somme d’argent qu’il est prêt à dépenser pour rendre le paysage plus à son goût ou pourquoi pas, pour le
préserver en l’état. On estime, dans la littérature économique, qu’une telle méthode d’évaluation du paysage doit comporter quatre
étapes :
_ Un système de questions et de réponses permettant de mettre en évidence les grilles de perception des individus.
_ Une estimation des distances que les gens franchissent pour voir un paysage.
_ Une évaluation économique à partir de l’utilisation du sol.
_ Une évaluation de ce qu’ils acceptent de payer pour voir le paysage et combien de temps ils voudraient y rester.
A chaque étape correspond logiquement une méthode économique mono-critère sachant que la première étape est
réalisable par les techniques « d’objectivisation » des préférences que nous avons déjà traitées plus haut.
A la deuxième étape correspond la méthode des coûts du trajet ou coûts du déplacement, elle fut proposée par Hotteling en 1949.
L’idée est très simple : les dépenses engagées par les individus pour se rendre sur un site expriment en quelque sorte leur
consentement à payer pour jouir du site.
A la troisième étape correspond la méthode des prix hédonistes : définie par Desaigues (1993) comme l’observation des dépenses
effectuées par les individus pour se protéger contre une dégradation de la qualité de l’environnement, ou inversement pour
bénéficier d’une meilleure qualité de l’environnement, qui va permettre de construire une fonction de demande de qualité de
l’environnement, fort utile pour apprécier les préférences réelles des individus.
A la quatrième étape correspond la méthode d’évaluation contingente. Lorsqu’il n’y a plus de comportement à observer, les
économistes ont imaginé cette méthode directe de révélation des préférences qui consiste à interroger une population
convenablement définie sur son consentement à payer (ou à recevoir s’il s’agit d’estimer une compensation) pour bénéficier d’une
modification de la qualité de l’environnement. Cette méthode est plus récente, mais elle a connu un développement sans précédent
ces dix dernières années. A la différence des autres méthodes, elle permet de prendre en compte les bénéfices d’usage et de nonusage, d’intégrer l’incertitude concernant l’offre et la demande des actifs naturels dans l’estimation des bénéfices. Et surtout, elle
est plus aisée à mettre en oeuvre. Il s’agit toutefois d’une méthode aux résultats plus fragiles et dont il ne faut pas sous-estimer les
risques d’erreurs.
1.2.1. Méthode du coût du trajet.
Cette méthode du coût du trajet ou coût du déplacement vise à évaluer le prix du paysage à partir du comportement
effectif (observé) du consommateur. C’est en fait le prix que l’individu consent à payer pour accéder au paysage qui va permettre
de déterminer la valeur de ce dernier. Cela permet donc « de révéler un prix à partir des choix effectués par les consommateurs
98
des services rendus par le paysage » (Facchini, 1994). On pourra ainsi estimer à travers le consentement à payer des utilisateurs,
les avantages d’une amélioration sur les sites de loisirs tels que les parcs, les lacs et autre. Toutefois, il faut remarquer que cette
façon d’opérer en observant les quantités de déplacements réalisés par les voyageurs, revient à prendre en compte non seulement le
coût du trajet « accepté » par le client, mais aussi le temps qu’il veut bien consacrer à effectuer ce déplacement. De plus le paysage
n’est pas forcément le seul déclencheur de la visite, il faudra également tenir compte d’éléments pouvant intervenir dans le choix
de ce lieu de villégiature plutôt que de tel autre, comme une activité sportive ou plus généralement de loisirs. Le prix du paysage
n’étant pas exactement équivalent au coût du trajet, il sera nécessaire d’isoler la part qui revient à l’attraction effective du paysage
de celle qui revient aux autres services susceptibles d’être rendus sur le site étudié.
L’idée est alors de chercher à déterminer la courbe de demande de paysage qui est une relation entre le nombre de visite
(N1) et le prix implicite de cette visite (P1). La quantité de paysage demandée est exprimée en jour de fréquentation, le prix du
paysage est calculé à partir du coût du trajet. A un paysage A de qualité Q1 correspond une courbe de demande reliant le taux de
fréquentation et le prix du paysage. Si la qualité du paysage A se dégrade, il y a baisse du taux de fréquentation. La perte de
surplus du consommateur mesure le dommage supporté par les promeneurs et la valeur économique accordée à la différence de
qualité du paysage A. Si la qualité du paysage A augmente, il y a attraction, à l’inverse, une dégradation provoque logiquement une
baisse de la demande (Facchini 1994). La méthode du coût du trajet veut mettre en évidence une relation entre la qualité du
paysage et le taux de fréquentation de celui-ci.
Concrètement.
Deux grands types d’information peuvent être obtenus selon que seul un site est observé, ou que tous les sites qui sont des
substituts possibles font l’objet d’investigations (Desaigues, Point, 1993).
La majorité des données disponibles concerne un site unique. Dans le cas le moins favorable, on disposera simplement du
minimum d’information requis, à savoir l’origine géographique des visiteurs. Parfois, on obtiendra des renseignements relatifs à la
fréquence et au mode de fréquentation du site, et sur les caractéristiques socio-économiques des interviewés.
Dans le cadre d’une enquête nationale ou régionale, selon le type de site auquel on s’intéresse, l’analyste va disposer
d’informations sur la fréquence de visite des sites par les habitants de la zone. Ce type d’information est évidemment plus coûteux
à acquérir.
Desaigues et Point (1993) donnent les détails du modèle (que nous ne développerons pas ici), à travers plusieurs exemples
d’application, ils concluent que « En l’état actuel de la théorie économique, il est difficile de maintenir la cohérence de la
démarche jusqu’au bout de l’analyse, notamment dans la phase de détermination du nombre annuel de visites. Aucune approche
(parmi les variantes de la MCD) ne peut donc être considérée comme totalement satisfaisante ».
Critiques.
Cette méthode, en grande partie fondée sur des constatations, fournit une explication sur les variations observées de la
fréquentation. Dans ces conditions, l’information qui parvient au décideur concerne un choix déjà effectué, c’est en fait une
information concernant les conséquences de ce choix. Même si elle permet au décideur d’acquérir une expérience, un
apprentissage de ce qu’il faut favoriser ou éviter sur son site (à l’avenir) ; l’information reste incomplète puisqu’elle ne précise pas
à partir de quel moment l’action entreprise a provoqué l’attrait ou le désintérêt du consommateur. Or, toute action n’aura pas, pour
une intensité équivalente, le même effet sur deux sites distincts. Sur le plan économique, il serait pourtant très intéressant pour un
décideur de prévoir la perte réelle de fréquentation correspondant aux différents seuils atteints par une action relativement peu
appréciée des visiteurs. Ainsi, en extrapolant sur un exemple concret, le projet de réalisation d’un lotissement de petites villas qui
engendrerait une rentrée d’argent non négligeable sur une commune, provoquera très certainement d’un autre côté une baisse de la
fréquentation « de passage » (plutôt tournée sur le paysage) du fait de la dégradation de l’aspect « sauvage ou naturel » du site ; il
serait alors intéressant de savoir à partir de quelle quantité de nouvelles villas, la baisse de fréquentation engendre une perte (en
rentrée d’argent) supérieure au gain issu des nouvelles installations. Le calcul d’un seuil de rentabilité d’une action quelconque est
primordial avant toute prise de décision.
On reproche également à la méthode des coûts du trajet de ne tenir compte que des visiteurs qui ont pu s’offrir le
déplacement en question, elle ne s’interroge pas sur les raisons éventuelles qui ont empêché ou poussé les autres à ne pas
l’effectuer. Soulignons de plus que selon la logique mise en place dans l’analyse, la valeur du paysage étant calculée d’après le
taux de fréquentation, un paysage non fréquenté devra être considéré comme n’ayant aucune valeur. Commenter cette dernière
conclusion paraît tout à fait inutile.
Autre critique opposable à la méthode, l’effet de polarisation va biaiser les résultats puisque le nombre de visiteurs ayant tendance
à diminuer avec la distance, il est clair que les paysages proches des grandes métropoles et connus du grand public seront
survalorisés ; l’étude des conditions de formation de la demande rendrait l’analyse plus pertinente. « La notoriété n’est pas neutre,
elle biaise l’évaluation » (Facchini 1994).
1.2.2. La méthode des prix hédonistes.
Au départ, cette méthode semble proche de ce que l’on recherche dans notre étude puisque fondée sur les travaux de
Lancaster, elle vise à estimer les demandes individuelles pour les caractéristiques environnementales. Elle est d’ailleurs utilisée
pour l’analyse des composantes physiques de l’environnement. En fin de compte, on s’aperçoit que le calcul de la valeur du
paysage repose essentiellement sur le marché immobilier. On considère que parmi les critères intervenant dans l’achat ou la vente
de terrains ou d’habitations, figure la qualité du paysage. La beauté du site valorise les biens fonciers.
C’est Ridker qui en 1967 émet l’idée que la variation du prix des habitations selon leur localisation pouvait être utilisée
pour estimer la valeur que les individus attribuent à un changement de la qualité de l’air, et pour mesurer les bénéfices des
politiques de dépollution de l’air. En 1974, Rosen développe un modèle d’équilibre spatial où le différentiel de prix entre biens à
99
caractéristiques différentes, mais de même type (habitations par exemple), constitue une information sur le prix implicite (ou
hédoniste) attribué à cette caractéristique.
« Si l’on arrive à déterminer ce prix, on peut alors mesurer le bénéfice associé à l’accroissement du niveau (ou de la
qualité) de la caractéristique pour un bien. Par analogie, lorsque la qualité de l’environnement varie systématiquement dans
l’espace, et lorsque les individus préfèrent une meilleure qualité de l’air (ou de l’eau, ou un beau paysage), on peut
raisonnablement penser que le prix des habitations sera, toutes choses égales par ailleurs, affecté par le niveau de qualité de
l’environnement. L’information est intégrée dans le prix » (Desaigues, Point, 1993).
La méthode comporte plusieurs phases :
_ Il convient de procéder d’abord à l’estimation du bien immobilier (c’est son prix),
_ Puis de mesurer les composantes externes qui sont intervenues dans le calcul de ce prix, comme la qualité du paysage
environnant.
_ Enfin, on détermine la fonction de demande. La mise en relation des préférences du consommateur et du prix des biens
immobiliers fournit un indicateur.
C’est parce qu’une villa est en bord de mer, et que les individus préfèrent cela, que son prix est élevé. Tout comme un
appartement en centre ville est plus cher que ceux situés en périphérie. La qualité du paysage, comme la proximité d’une poste ou
d’une mairie interviennent dans la formation du prix d’une résidence. Le modèle de Frankel (1985) peut être appliqué pour évaluer
monétairement la qualité de la vue et estimer l’effet du paysage sur le prix du sol. Il permettrait alors de donner à la fois un prix et
une mesure quantitative de la qualité du paysage.
Critiques.
Subsistent toutefois des problèmes similaires à ceux rencontrés dans la méthode des coûts du trajet, à savoir que la
méthode des prix hédonistes suppose que les ménages perçoivent l’ensemble des caractéristiques liées au site comme la pollution
de l’air, de l’eau, ou le paysage. D’autre part, « La consommation du paysage par l’achat d’un terrain ou d’un logement se trouve
être à la fois le moyen d’évaluer son prix et le canal par lequel il se trouve dégradé. Sa consommation le valorise et le dégrade.
Ainsi, les paysages valorisés économiquement sont dégradés au regard des critères écologiques, géographiques ou esthétiques »
(Facchini, 1994).
Ces deux dernières méthodes d’évaluation (coût du trajet et prix hédonistes) tendent à expliquer pourquoi le paysage est
« consommé », elles donnent des indications quant aux raisons qui poussent le consommateur à préférer un paysage à un autre,
elles ne tiennent pas forcément compte des critères qui n’ont pas de réelle valeur d’usage aux yeux du consommateur.
1.2.3. L’évaluation contingente.
Il s’agit d’une méthode qui permet, par interrogation directe des individus, de générer une estimation des mesures
compensées de variation du bien-être. Son apparente simplicité, jointe à un approfondissement récent des procédures à respecter
pour lui conserver une certaine fiabilité (Mitchell et Carson, 1989), explique son succès parmi les économistes :
« C’est certainement la méthode de valorisation des actifs naturels le plus souvent utilisée ces dernières années car elle
permet de mesurer les bénéfices d’usage et de non-usage...Elle permet, de plus, de résoudre les problèmes de valorisation en
incertitude et c’est là un grand avantage » (Desaigues, Point, 1993).
Cette méthode est, elle, mieux adaptée à l’évaluation du paysage car elle cherche à déterminer ce que l’individu est prêt à
payer pour conserver un paysage qu’il ne consomme pas forcément. Cette capacité de tenir compte des valeurs de non-usage fait
d’elle une méthode plus appropriée au but recherché.
Deuxième intérêt, elle permet, contrairement aux précédentes, de prévoir les effets positifs ou négatifs d’une stratégie envisagée
par le décideur puisqu’elle est capable d’estimer les préférences du consommateur vis à vis de transformations non encore réalisées
du paysage. C’est, rappelons-le, ce qui est recherché par le décideur, à savoir une anticipation des résultantes de telle prise de
décision plutôt que telle autre, avant qu’elle ne soit effective.
Mise en oeuvre.
On retrouve dans la mise en oeuvre de cette évaluation, un système de questionnaire présenté aux enquêtés parfois, et
notamment dans le cadre de l’évaluation de paysages, accompagnés de photographies.
« Le marché contingent - enquêteur, questionnaire et enquêté - doit refléter du mieux possible un marché réel. Il faut, par
exemple, que l’enquêté ait connaissance du bien en question. Si ce bien est une amélioration de la vue du paysage, on pourra
montrer à l’enquêté des photographies du paysage avec et sans différents niveaux de pollution » (Pearce, 1989.b). On demande
alors à l’individu questionné combien il est prêt à payer pour conserver le paysage tel qu’il est mais aussi la somme d’argent qu’il
consentirait à verser pour l’améliorer. On estime en effet que le consentement à payer varie selon qu’il s’agit d’éviter une perte ou
de capter un avantage (Facchini 1994). L’individu dispose alors pour répondre de photographies représentant le paysage avec et
sans la transformation envisagée. La question peu donc aussi bien concerner un projet d’amélioration du site que de dégradation de
celui-ci, puisque le prix consenti au maintien du paysage tel qu’il est avant projet peut correspondre au prix de « sauvegarde » du
paysage, en d’autres termes à ce que l’enquêté est prêt à payer pour que le projet soit rejeté.
Quatre exemples de questions :
1).« Supposons que la qualité d’un service fourni par un actif naturel soit améliorée. Quelle somme maximale accepteriezvous de payer pour bénéficier de cette amélioration ? » (mesure compensatrice de la variation du bien-être).
100
2).« Supposons que le gouvernement renonce à améliorer la qualité d’un service fourni par l’actif naturel. Quelle est la
compensation minimale que vous désireriez recevoir pour que votre satisfaction soit équivalente à une augmentation de la qualité
de ce service ? » (mesure équivalente de la variation du bien-être).
3).« Supposons que la fourniture d’un service par un actif naturel diminue en qualité. Quelle somme minimale désireriezvous recevoir pour que votre niveau de bien-être soit maintenu ? » (mesure compensatrice de la variation du bien-être).
4).« Supposons que vous soyez confronté à une dégradation potentielle de la qualité de l’environnement. Quelle somme
maximale accepteriez-vous de payer pour éviter cette dégradation ? » (mesure équivalente de la variation du bien-être).
Desaigues précise que la population interrogée doit être définie en fonction du type de valeur que l’on cherche à calculer :
_ Valeur d’usage, il s’agira alors de la population directement concernée.
_ Valeur de non-usage, dans ce cas on cherchera à définir une valeur d’existence par interrogation d’une population plus large, ne
bénéficiant pas directement de l’actif naturel en question.
De la population concernée, on extraira un échantillon représentatif qui sera interrogé. Le choix de cet échantillon est un élément
important de l’exercice puisque les résultats obtenus serviront à extrapoler les bénéfices totaux associés par une population à une
politique. La plupart des évaluations contingentes complètent le questionnaire par des questions socio-économiques (âge, sexe,
revenus).
Le consentement à payer moyen obtenu à partir de l’échantillon est alors multiplié par la population totale concernée pour
obtenir le bénéfice total associé à l’offre d’un actif naturel. Cette valeur sera ensuite intégrée dans l’analyse coût-bénéfice et
contribuera au choix du décideur.
Desaigues et Lesgards (1992) résument ainsi l’intérêt de la méthode :
« Une méthode d’élicitation des préférences lorsque le comportement des individus ne peut être observé sur un marché.
Elle permet par l’intermédiaire d’un questionnaire direct de générer une estimation des mesures compensées de variation du
bien-être ».
L’approche permet effectivement de connaître l’estimation personnelle de la valeur d’un bien en fonction d’un marché
hypothétique afin d’obtenir une évaluation ex ante de l’impact d’une politique. La méthode a déjà été appliquée à plusieurs
reprises, Facchini donne l’exemple de l’étude de l’implantation d’une centrale électrique près du lac Powel aux Etats-Unis.
L’enquêteur lance un système d’enchères en proposant un prix de départ, un processus itératif s’engage, jusqu’à ce que l’enquêté
réponde qu’il ne mettrait pas un dollar de plus pour éviter ou atténuer le projet de construction de la centrale. Le processus inverse
est appliqué afin de définir le consentement à accepter la dégradation du site. L’évaluation porte sur l’impact visuel de la centrale
et la perte de visibilité due à la fumée. De même, l’évaluation de la qualité de la vue a fait l’objet d’étude.
Critiques.
Même si, encore une fois, elle semble la mieux adaptée à l’évaluation de paysages, la méthode d’évaluation contingente
reste aujourd’hui très critiquée, surtout dans sa mise en oeuvre. On lui découvre de nombreux éléments et phénomènes venant
biaiser les résultats qu’elle génère. Les principales critiques se fondent sur l’ignorance relative des individus interrogés ; ils n’ont
pas l’habitude d’évaluer des biens non marchands, et leur sincérité peut être mise en doute (il peut y avoir ce que l’on appelle des
comportements stratégiques). On estime également que la proposition d’un prix de départ émise par l’enquêteur pour lancer les
enchères est susceptible de biaiser l’estimation du sondé. Enfin, la critique la plus virulente concerne le « prix » obtenu par un
processus d’interaction ou de tâtonnement qualifié pour cette raison de prix fictif par les économistes qui estiment que le prix est
un point de départ qui informe sur le pouvoir économique (réel) des agents, il n’est donc pas par nature une variable stratégique.
« Le prix fictif définit sur les pseudo-marchés des évaluateurs mime le marché mais ne possède aucun contenu
économique. Il est affecté par les asymétries d’information qui existent entre l’Etat, les producteurs et les consommateurs et laisse
l’offre et la demande indépendantes...Le prix fictif usurpe son nom, il n’est qu’un indicateur monétaire. L’enquête ou le
questionnaire n’aura jamais le caractère systémique et les qualités informatives du processus de marché car la concurrence ne
s’y exerce pas. Il existe de sérieuses réserves sur la pertinence économique de la méthode d’évaluation contingente » (Facchini,
1994).
Il faut ajouter à ses critiques celles que nous relations dans les présentations de méthodes non économiques concernant
l’évaluation à partir de photographies ne reflétant ni les éléments écologiques présents mais invisibles dans le paysage ni les formes
réelles du terrain (absence de relief).
Rappelons tout de même que si les méthodes du coût du trajet et des prix hédonistes renseignent le décideur sur les
comportements individuels relatifs aux décisions prises, l’évaluation contingente permet d’anticiper les réactions des
consommateurs et peut donc être considérée comme une méthode d’aide à la décision.
Ce que l’on constate en analysant ces différentes méthodes, qu’elles soient ou non issues de l’analyse économique, c’est
que la difficulté principale qu’elles rencontrent, et qui est aussi la difficulté qui amène le décideur à avoir recours à ces méthodes,
vient du fait qu’elles tentent de quantifier des notions qui d’une manière ou d’une autre ne sont pas quantifiables et ne le seront
sans doute jamais ; c’est le cas de la beauté du paysage, de l’esthétique ou du pittoresque. Certes, il semblait nécessaire de
présenter ces outils pour être le plus complet possible au vu de l’importance capitale que revêt l’évaluation des zones dans notre
stratégie de développement, mais nous considérons que, les caractéristiques constituant les zones étant en grande majorité des
caractéristiques non quantifiables, les systèmes d’évaluation proposés jusqu’ici seront très (trop) lourds à appliquer et ne donneront
pas forcément des résultats utilisables pour la prise de décision concernant l’orientation économique à donner à la zone ainsi
« évaluée ». Il nous semble au contraire que cette étape, même si elle est sans aucun doute l’une des phases les plus importantes de
101
l’application de la spécialisation par zone puisqu’elle conditionne le choix même de la spécialisation, ne doit pas forcément être la
plus « formalisée », la plus « mécanique ». Ce qui est essentielle pour le décideur, c’est de ne pas commettre de grossière erreur. Il
doit, après étude du terrain, savoir ce qu’il ne doit surtout pas faire, ce qu’il peut faire (à coup sûr), et surtout à quel endroit il serait
préférable de le faire.
A ce genre de questions, on ne répond pas nécessairement par des chiffres. De plus, l’évaluation de biens peut aussi bien
se faire de manière verbale, souvent plus accessible aux consommateurs que les méthodes chiffrées.
Certaines notions (principalement des notions qualitatives), sont difficiles à évaluer dès lors qu’elles ne sont pas « naturellement »
quantifiables. On s’aperçoit que même si le décideur dispose de multiples méthodes issues des différents courants plus ou moins
scientifiques (écologie, géologie, économie, etc.), ces méthodes sont trop souvent axées sur l’intérêt particulier qui est justement au
centre de leurs préoccupations. Pour être plus clair, et pour illustrer cette réflexion, on se rend compte par exemple que la méthode
objectiviste dont la principale préoccupation est la sauvegarde de l’écosystème, aura plutôt tendance à faire ressortir dans ses
résultats l’intérêt écologique de la zone évaluée parfois (on serait tenté de dire forcément) au détriment de l’intérêt financier et
parfois même au détriment de la préférence du consommateur. La critique est transposable aux méthodes de l’économie qui,
souvent, tiennent compte de l’intérêt financier sans se soucier (ou pas assez) de la protection des ressources naturelles.
Au début des années 70, une approche novatrice des problèmes d’évaluation a suscité beaucoup d’intérêt : L’analyse
multicritère. Prenant ces distances avec la vision optimisante de la recherche opérationnelle, elle propose des concepts simples
pour aider à prendre une bonne décision. Sur le terrain des applications, la souplesse de ses méthodes lui confère une supériorité
incontestable par rapport aux analyses coûts-avantages. En trente années d’existence, l’analyse multicritère a beaucoup évoluée
(Fustier, 2000). L’exposé de cette évolution permet de mieux cerner les difficultés et les tentatives de résolutions qui ont vu le jour
tout au long de l’histoire de ce que l’on appelle aujourd’hui l’Aide Multicritère à la Décision.
2. L’analyse multicritère.
Il y a tout juste 30 ans, la méthode ELECTRE venait apporter une solution aux problèmes rencontrés par les analyses
coûts-avantages. Ces dernières reposent en gros, comme nous l’avons vu, sur le même principe : avantages et coûts sont évalués
sur des critères mesurables et assortis, en outre, de la même unité de mesure (l’unité monétaire). La commensurabilité des critères
d’évaluation facilite leur agrégation au sein d’une fonction qui peut être considérée comme une sorte de critère décisionnel
synthétique qu’il convient d’optimiser pour obtenir un préordre total sur l’ensemble des projets considérés. Mais nous savons que
la nature non marchande de certains critères d’évaluation limite grandement la portée pratique de la démarche. Avec la méthode
ELECTRE, le recours à l’étalon monétaire n’est plus indispensable ; les évaluations ne sont pas obligatoirement des mesures, mais
de simples ordres de grandeur servant à comparer les projets sur chaque critère. L’incommensurabilité des critères interdisant la
voie de l’agrégation complète, l’exploitation de ces comparaisons ne vise plus à ranger les différents projets par ordre de
préférence décroissante, mais à éliminer les « moins bons » pour arriver progressivement à une solution acceptable, à un bon
compromis parmi des projets difficilement comparables.
La voie suivie par ELECTRE est donc simple, mais paradoxalement on constate que l’analyse multicritère est moins
appliquée que les analyses dérivant du calcul économique public. L’évaluation a priori des politiques structurelles constitue, par
exemple, un domaine largement ouvert à la démarche multicritère, mais les travaux réalisés relèvent, pour la plupart, de l’analyse
coûts-avantages.
La remise en cause du paradigme de l’optimisation sur laquelle débouche la démarche multicritère est sans doute à
l’origine de ce paradoxe. En acceptant l’incomparabilité et l’intransitivité comme des situations ordinaires, la relation de
surclassement multicritère ne garantit plus la rationalité du choix et de l’optimalité de la solution qui s’en dégage. Les résultats
proposés au terme d’une analyse multicritère ne sont pas toujours aussi nets que ceux proposés par les méthodes optimisantes du
calcul économique néoclassique. D’où l’impression de complexité qui se dégage généralement de l’analyse multicritère (Benard,
1985). Ajoutons que cette dernière a beaucoup évolué au cours de ces trente dernières années et que cette évolution ne s’est pas
toujours déroulée dans le sens de la transparence.
2.1. Les concepts de base de l’AMD.
2.1.1.Points de vue, critères.
Désignons par I={1...i...n} l’ensemble des actions possibles, par exemple tous les lieux d’un territoire susceptibles d’être
retenus comme site d’implantation pour une entreprise donnée, et par J={1...j...m} la liste des points de vue pris en compte par le
décideur. La notion de point de vue est couramment confondue avec celle de critère. Il nous faut cependant distinguer les deux
notions.
Un point de vue j est un axe de signification particulier que retient le décideur afin de porter un jugement sur chaque
action de I. Dans un problème de localisation, l’accessibilité à la demande potentielle est un point de vue important. L’accessibilité
d’un site sera plus ou moins importante selon la position qu’il occupe dans la surface de la demande ; les lieux excentrés par
rapport aux points de concentration de la demande seront, selon ce point de vue, défavorisés par rapport aux lieux plus centraux.
Pour conforter ces jugements d’une manière plus précise, on fait intervenir la notion de critère. Un critère est un procédé qui
permet de comparer les actions selon un point de vue donné. Les comparaisons s’effectuent sur une base numérique, d’où la
définition formelle : le critère associé au point de vue j est l’application, notée gj, de I dans le corps des réels :
1.(1)
gj:
IR
i  gj(i)
102
Le nombre gj(i) représente l’évaluation de l’action i sur le critère gj. Dans ce qui suit, nous supposerons à titre de simplification que
le sens de la préférence est croissante sur chaque critère gj : l’action i est jugée d’autant plus favorablement que la valeur gj(i) est
grande.
2.1.2. Pouvoir de discrimination d’un critère.
La manière dont s’effectue la comparaison des actions sur chaque critère dépend du pouvoir de discrimination de celui-ci
(Vincke, 1980 ; Roy, 1985 ; Roy et Vincke, 1987). Lorsque le pouvoir de discrimination de g j est parfait, on dit que gj est un vraicritère. Mais si gj possède un pouvoir de discrimination imparfait, il s’agira d’un quasi-critère ou d’un pseudo-critère.
Vrai-critère.
Etant donné deux actions quelconques i et i’, une relation de préférence stricte Pj restreinte au critère g j, et une relation
d’indifférence Ij restreinte au même critère, on a :
gj(i) - gj(i’) > 0
gj(i) - gj(i’) = 0
gj(i) - gj(i’) < 0
1.(2)



i Pj i’
i Ij i’ et i’ Ij i
i’ Pj i
gj est un vrai-critère, son pouvoir de discrimination est parfait : une faible différence, aussi minime soit-elle, fait basculer la
situation d’indifférence dans une situation de préférence stricte. Il ne peut y avoir indifférence entre i et i’ (sur le critère g j) que si
gj(i)=gj(i’). Toute différence positive gj(i)-gj(i’) révèle une préférence stricte (par rapport au critère gj) en faveur de i.
Avec un vrai-critère, on ne peut que discriminer sans nuance des situations d’indifférence et des situations de préférence stricte et
rejeter toute situation de préférence faible. C’est pour cette raison que l’on dira qu’un vrai-critère possède un pouvoir discriminant
absolu.
Cette légitime réticence à admettre que le moindre écart, si petit soit-il, entre gj(i) et gj(i’) conduit à établir une relation de
préférence stricte entre i et i’ entraîne alors l’évaluateur à considérer des formes de critères qui ne sont plus de vrais critères et dont
nous dirons qu’ils possèdent un pouvoir discriminant non absolu ou nuancé.
« Le pouvoir discriminant d’une fonction-critère g se rapporte à la faculté plus ou moins marquée que l’homme d’étude lui
reconnaît pour discriminer des situations de préférence stricte, d’indifférence et de préférence faible sur la base d’une plus ou
moins grande importance de la différence g j(i)-gj(i’) » (Roy, 1985).
Ainsi, lorsque l’homme d’étude, estime nécessaire d’opter pour un pouvoir discriminant plus nuancé, il peut le faire de façon
simple en faisant intervenir un ou deux seuils, dits seuils de discrimination, comme nous allons le voir.
Quasi-critère.
On admet donc à présent qu’une légère différence entre deux évaluations peut-être compatible avec une situation
d’indifférence. A cet effet, on considère un nombre positif, noté q j et appelé seuil d’indifférence. Avec les mêmes notations que
précédemment, la comparaison des actions sur gj s’effectue de la manière suivante :
1.(3)
gj(i) - gj(i’) > qj 
-qj  gj(i) - gj(i’)  qj

gj(i) - gj(i’) < -qj 
i Pj i’
i Ij i’ et i’ Ij i
i’ Pj i
Le pouvoir de discrimination de gj est imparfait dans la mesure où la situation d’indifférence est associée non plus à un point
(valeur 0), mais à un intervalle [-qj , qj]. Dans ce cas, on dit que gj est un quasi-critère.
Pseudo-critère.
Dans le cas précédent, le passage de l’indifférence à la préférence stricte s’effectue sur la base d’un seuil fixé d’une
manière précise : une différence gj(i)-gj(i’) tout juste plus grande que qj conduit directement de i Ij i’ à i Pj i’. Pour nuancer la
transition entre I et P, on introduit une zone intermédiaire appelée préférence faible et notée Q. A cet effet, on considère un
nombre positif pj>qj, appelé seuil de préférence. 1.(3) devient :
gj(i) - gj(i’) > pj
gj(i) - gj(i’)  pj
1.(4)
gj(i) - gj(i’)  qj
gj(i) - gj(i’) < -qj
gj(i) - gj(i’) < -pj
Le critère gj est un pseudo-critère.
qj <
-qj 
-pj 





i Pj i’
i Qj i’
i Ij i’ et i’ Ij i
i’ Qj i
i’ Pj i
Pondération.
Une pondération définie sur J reflète les préférences du décideur quant au rôle tenu par chaque point de vue dans le
problème décisionnel. Formellement, il s’agit d’une application, notée p, de J vers l’ensemble des nombres entiers positifs :
1.(5)
p:
JN
j  p(j)
103
Le nombre p(j) représente le poids (absolu) du critère g j (ou du point de vue j). On notera que la pondération permet de comparer
les points de vue selon un procédé analogue à celui du vrai-critère. En effet, introduisons dans J une relation de préférence stricte P
et une relation d’indifférence I. Alors :
p(j) - p(j’) > 0 
j P j’
1.(6)
p(j) - p(j’) = 0 
j I j’ et j’I j
p(j) - p(j’) < 0 
j’ P j
Le pouvoir de discrimination de la pondération est donc supposé parfait. Cette hypothèse est peu réaliste, mais dans les
applications on peut toujours procéder à des analyses de sensibilité en faisant varier légèrement la valeur des poids. Par la suite,
nous utiliserons les poids relatifs :
(j) = p(j) / [p(j) ; j = 1...m], de telle manière que [(j) ; j = 1...m] = 1.
2.1.3. Démarche évaluative de l’A.M.D.
On entend par démarche évaluative la manière dont on construit un critère gj.
Nous avons en effet proposé une définition très générale de la notion de critère (relation 1.(1).) puisqu’elle nous dit seulement
qu’un critère est un modèle quantitatif : des valeurs sont associées aux diverses actions dans le but de comparer ces dernières. Il
nous faut rentrer dans le détail du modèle pour savoir comment de telles valeurs sont obtenues. La construction de critères
s’effectue selon deux types de procédés : le premier, assez rapide, utilise des échelles d’appréciation, le second, nettement plus
sophistiqué, recours à la définition de fonctions numériques. Fustier (2000) illustre ces procédés par la construction du critère
« accessibilité au marché de consommation ».
La technique des échelles d’appréciation.
A chaque point de vue j, on associe une échelle numérique Kj, discrète ou continue, dont les échelons servent à apprécier
le degré d’adéquation des actions au point de vue correspondant. Le premier échelon correspondant à la valeur inf Kj signifie une
faible adéquation (voire une absence totale d’adéquation) avec le point de vue considéré ; au contraire, la valeur sup Kj associée au
dernier échelon rend compte d’une très forte adéquation. La hauteur de Kj est définie par h j = sup Kj - inf Kj.
Le critère gj fait correspondre à toute action de I, un (unique) échelon de Kj. L’établissement d’une telle correspondance est le fait
de l’évaluateur qui agit en fonction de sa connaissance du terrain et des statistiques disponibles (pour l’accessibilité d’un site, il est
opportun de disposer de renseignements concernant la population environnante, l’état des réseaux de communication etc.). La
manière dont on devra comparer les actions dépend de la plus ou moins grande finesse de l’échelle. Une échelle discrète
comportant un nombre peu élevé d’échelons est compatible avec le modèle du vrai-critère. Par exemple :
20
10
1
très accessible
moyennement
peu accessible
Kj
Figure 1. Exemple d’échelle discrète.
Cette échelle offre peu de possibilité pour définir une plage d’indifférence et une zone de préférence faible. Mais lorsque l’échelle
est plus fine et, a fortiori continue, les modèles du quasi-critère et du pseudo-critère s’imposent naturellement, car la
correspondance entre I et Kj, même si elle repose sur des bases solides, comporte néanmoins une dose de subjectivité qui interdit
de considérer les gj(i) comme des grandeurs exactes.
Définition de fonctions-critères.
Une conception plus « scientifique » de la démarche évaluative consiste à définir gj par une fonction à valeurs réelles. On
se doute de la difficulté de la démarche, en particulier lorsqu’il s’agit d’exprimer par une structure mathématique des points de vue
qualitatifs. Il n’y a pas de règle en la matière, la construction d’une « bonne » fonction relève plus de l’art que de la science.
S’agissant d’évaluer l’accessibilité d’un site i au marché de consommation, on peut songer au potentiel de population et poser :
2.(1.)
gj(i) = b [c(i’)/d(i,i’) ; i’ = 1...i...n]
avec :
b : constante de proportionnalité
c(i’) : population de la zone i’
d(i,i’) : distance entre les zones i et i’
 : exposant de d ayant pour effet d’atténuer (lorsque <1) ou
d’accentuer (>1) l’effet de friction provoqué par la distance.
Observons que (dans 2.(1).) la somme est étendue de l’indice 1 à n en passant par i, ce qui signifie que la distance d(i,i) doit être
non-nulle. Pour estimer la distance intra-zone du site i, certains auteurs font l’hypothèse que chaque zone i est de forme circulaire.
Connaissant la superficie s(i) de la zone i, on a s(i)=r2 et r= [s(i)/ ]½. Sachant que la distance moyenne par rapport au centre d’un
cercle est égale à la moitié du rayon, on pose :
2.(2)
d(i,i)=½[s(i)/ ]½.
Ce type de fonction-potentiel a été utilisé dans les années 50 comme critère (unique) de localisation de l’unité de
production et plus récemment, a donné d’assez bons résultats en matière de localisation commerciale ou encore de localisation des
104
services publics. Mais souffrant d’une trop forte analogie avec les lois de la mécanique classique, l’approche « gravitationnelle »
de l’analyse de la localisation n’a pas été un franc succès en économie spatiale. En effet, rien n’est dit sur la valeur que doit
prendre l’exposant de la distance dans chaque application particulière de la formule du potentiel, il en est de même pour l’unité de
distance (le coût de transport est-il préférable au temps de transport ?) et l’unité de masse (la population est-elle un bon reflet du
marché ?).
On aura compris que le potentiel de population caractérisant un site de localisation possible est un indicateur et seulement un
indicateur de sa plus ou moins grande proximité par rapport au marché régional. Les évaluations qui sont données par la fonctionpotentiel sont entachées d’imprécision. La fonction-potentiel comme toute autre fonction-critère relève du modèle pseudo-critère.
Les limites du pseudo-critère.
Le passage de la notion de point de vue à celle de critère est une phase délicate qui conditionne dans une certaine mesure
le résultat du problème décisionnel. La tendance actuelle qui consiste à utiliser des fonctions-critères à seuils va dans le sens d’une
plus grande opacité de l’AMD.
L’expression numérique d’un point de vue, énoncé le plus souvent d’une manière verbale par le décideur, ne relève pas d’une
procédure bien définie, mais repose sur la capacité de l’homme d’études à exhiber une relation fonctionnelle qui ne trahisse pas
l’axe de signification révélé par le décideur. Lorsque l’on exprime le point de vue « accessibilité » par une fonction-potentiel du
type 2.(1), on opère un premier choix, le plus souvent guidé par la simplicité de la structure, parmi un ensemble de fonctions
susceptibles de répondre au problème. Puis lorsque l’on fixe des valeurs aux paramètres de la fonction et que l’on assigne des
unités de mesure aux variables, on opère d’autres choix tout aussi discutables que le premier. Heureusement, les seuils de
discrimination sont là pour nous rappeler que les évaluations produites par les fonctions-critères ne sont pas des données exactes,
mais de simples ordres de grandeur qu’il faut manipuler avec prudence. Mais comment fixer la valeur de ces seuils ?
Là encore, aucune réponse nette ne peut être donnée : tout dépend de la fonction considérée. S’agissant, par exemple, de
comparer des projets en fonction (inverse) du niveau sonore qu’ils procurent (ROGERS et BRUEN 1997), des études de
perception permettent de déterminer avec une certaine précision les nombres de décibels correspondants aux seuils d’indifférence,
de préférence et de veto. Mais si l’on se réfère une nouvelle fois à la fonction-potentiel, on se rend compte que la détermination
d’un seuil de discrimination particulier, exprimé dans une unité de mesure aussi peu parlante que le nombre d’habitants par unité
de distance, est un choix hautement hasardeux. Pour éviter cet abus de précision, on pourrait définir les seuils de discrimination de
manière non ponctuelle, en les formalisant par exemple par des nombres flous (MFOUKA 1993), mais cette procédure
conceptuellement intéressante risquerait de compliquer les choses et de provoquer un rejet des méthodes d’AMD qui, en l’état
actuel, sont déjà assez lourdes à manier. Si la volonté de sauvegarder les nuances s’accompagne d’une plus grande complexité
méthodologique, peut on dire que les résultats s’en trouvent améliorés?
En mettant davantage l’accent sur la phase d’évaluation proprement dite que sur le stade final de la prise de décision,
l’analyse multicritère est devenue une « aide multicritère à la décision » (AMD) avec, cependant, une conception bien particulière
de la démarche évaluative. Celle-ci vise essentiellement à construire des fonctions numériques qui serviront à comparer les actions
selon les différents points de vue retenus dans le problème de décision. L’expression mathématique d’un axe de signification
particulier est une tâche difficile qui repose exclusivement sur le savoir-faire de l’évaluateur. Il ne faudra donc pas considérer les
évaluations comme des données exactes ; une légère différence entre deux évaluations peut être tolérée et ne remet pas en cause la
situation d’indifférence. Mais à partir de quel moment cette différence devient-elle significative ? Quand peut-on dire qu’une
action est préférée « faiblement » ou « nettement » à une autre ? Pour traiter ces nuances, les nouvelles méthodes d’AMD
introduisent des seuils dont les valeurs sont laissées à l’appréciation de l’utilisateur. C’est justement là où réside le problème, car la
prise de décision dépend moins de la logique interne de la méthode que d’un ensemble de valeurs subjectivement décidées a priori.
Les nouvelles méthodes d’AMD sont donc difficiles à juger, ce qui n’incite guère les décideurs potentiels à les utiliser.
Il est difficile de porter un jugement sur les nouvelles méthodes. La simple variation des seuils de discrimination des
pseudo-critères aura pour conséquence d’engendrer des résultats plus proches ou au contraire plus dissemblants. N’étant pas en
mesure de porter un jugement sur la validité des seuils de discrimination, il en va de même pour les résultats qui en découlent.
Finalement, on s’aperçoit que l’évaluation est loin d’être une science exacte, il n’existe aucune formule mathématique
permettant de mesurer le degré d’accessibilité et encore moins de beauté d’un paysage. Ce que l’on peut faire au mieux c’est
évaluer subjectivement ces notions puisque les seuils utilisés dans les méthodes exposées précédemment sont eux-même fixés de
manière discutable. Il nous semble alors tout aussi légitime de nous en tenir à l’appréciation d’experts qui fourniraient des
évaluations (en connaissance de cause), puis, de tenter de les rendre moins subjectives en effectuant une synthèse des évaluations
partielles des experts conduisant à une évaluation globale. Cette manière de construire un critère a déjà fait l’objet de travaux, nous
en présentons ici les principaux développements.
3. Méthodes de synthèse d’opinions d’experts.
Fustier (1993) s’intéresse à l’évaluation de l’espace rural, dans le sens où il cherche à mettre au point une méthode qui
permettrait non seulement de dire si « oui » ou « non » une zone est rurale mais aussi, le cas échéant, à quel point elle l’est. Il s’agit
donc d’abord de déterminer les critères sur lesquels on doit se baser pour estimer la « ruralité » de la zone avant (peut-être) de
mesurer ces critères afin d’obtenir son degré de « ruralité ».
3.1. L’approche ensembliste traditionnelle.
105
Ici, l’espace rural est considéré à juste titre comme étant une partie de l’espace tout entier, il est un sous-ensemble de
l’espace National. Ce sous-ensemble est décomposé en classes d’équivalences correspondant au degré de « ruralité » des zones.
Les zones sont, comme nous l’avons proposé dans cette étude, représentées par un faisceau de caractéristiques, « une suite
pratiquement infinie d’attributs hétérogènes, des nombres assortis d’unités de mesure différentes pour les caractéristiques
quantitatives, des mots pour les caractéristiques qualitatives » (Fustier 1993). Ainsi, une zone (un lieu) peut être représentée sous
la forme d’un tableau comme celui-ci :
Caractéristiques quantitatives
population
salaire moyen
altitude
2343 habitants
107 (indice)
50 mètres
..
..
Caractéristiques qualitatives
esthétique du
patrimoine
qualité des
paysage
écologique
eaux
agréable
moyen
acceptable
..
..
A partir de là, les zones disposant des caractéristiques que l’on estime associées à l’idée de « ruralité » seront détectables
et classées comme zones rurales. Deux zones rurales devront donc avoir des faisceaux de caractéristiques similaires et quasi
identiques si elles font de plus partie de la même classe d’équivalence (si elles ont le même degré de « ruralité »).
On entrevoit déjà la difficulté que peut rencontrer le chercheur chargé d’évaluer un grand nombre de zones afin d’en déduire
l’appartenance ou la non-appartenance à l’espace rural, sans parler de la difficulté quasiment insurmontable de trouver des zones
présentant, au niveau de leur faisceau et donc de toutes leurs caractéristiques, des similitudes telles qu’elles pourraient appartenir à
une même classe d’équivalence, qui auraient en fait le même degré de « ruralité ». La tâche est pour le moins complexe.
Dans la pratique, on ne tient compte que de certaines caractéristiques, les plus en rapport, les plus influentes sur l’aspect traité. On
comprend que la moyenne d’âge des habitants de la zone ne soit pas un élément pertinent quant à sa classification en zone rurale
(bien qu’il puisse en être une conséquence). Autre simplification et non des moindres, on ne tient compte en réalité que des
caractéristiques quantitatives. Enfin, notons que l’on utilise parfois une approche pour le moins simpliste puisqu’elle ne prend en
compte qu’une caractéristique quantitative.
Dans l’exemple présenté ici, on peut supposer que la population résume toutes les autres caractéristiques de ruralité
puisque statistiquement, la population est corrélée négativement avec l’ensemble de ces caractéristiques. La loi d’appartenance est
alors définie comme suit :
Considérant la zone z et pop(z) sa population,
_ si pop (z)  2000 habitants, alors z est rurale
_ si pop (z) > 2000 habitants, alors z est non rurale
Les classes d’équivalences sont ensuite constituées de zones comptant un nombre d’habitant similaire, correspondant donc à un
degré de ruralité semblable. Par exemple :
si pop(z)  [0, 60[ alors z appartient à R1 = classe de forte ruralité.
si pop(z)  [60, 600[ alors z appartient à R2 = classe de ruralité moyenne.
si pop(z)  [600, 2000[ alors z appartient à R3 = classe de faible ruralité.
Cette approche est certes facilement applicable mais ne reposant que sur une caractéristique (même si importante), elle demeure
très réductrice. Elle est surtout conventionnelle, partant d’une règle qui peut être discutée.
Une seconde approche, plus réaliste, se propose en quelque sorte de vérifier les résultats obtenus par la précédente (basée
sur la population) en utilisant plusieurs autres caractéristiques de la ruralité comme la surface consacrée aux cultures agricoles
(AGR), le nombre de bâtiments affectés aux services publics (PUBL), la surface non cultivée et laissée à l’abandon (ABON) etc.
Dans cette approche, c’est la prise en compte successive de ces différents critères qui subdivisera le territoire de départ en zones de
différents degrés de ruralité. On commencera par retenir le critère qui semble le plus lié à la population (selon un critère statistique
donné, ce pourra être le chi-deux, les moindres carrés ou autre), ce critère permettra alors de distinguer deux (ou plus) espaces sur
lesquels on cherchera à nouveau (et toujours selon la même technique statistique) la caractéristique la plus liée à la population afin
de l’utiliser pour une nouvelle « segmentation du sous-espace ainsi obtenu et ainsi de suite.
Une représentation de la procédure et des résultats pourrait être la suivante :
On indique dans chaque case :
_ Le numéro du segment (0 = espace de départ, le territoire étudié)
_ Son effectif (nombre de lieux)
_ La valeur moyenne de la population des lieux affectés au segment considéré
_ La caractéristique la plus liée à la population.
106
moins de
plus de
0
2
2
1000
bâtiments 50000 h bâtiments
publics
publics
PUBL
surface
> 10
hectares
1
400
3500 h
surface
< 10
hectares
surface
surface
2
> 20
< 20
600
hectares 54000 h hectares
ABON
3
100
12 h
AGRI
4
300
690 h
5
100
1987 h
6
500
71200 h
Espace rural
L’une des particularités de cette approche, visible sur l’exemple que l’on vient de voir, c’est qu’elle détermine
l’appartenance à une classe d’équivalence avant même que l’on définisse les classes qui constitueront l’espace rural. Il est
également intéressant de constater que la critique que nous faisions à la précédente méthode n’a pas lieu d’être ici, puisque les
seuils d’affectation sont déterminés statistiquement et non plus de manière conventionnelle, ce qui la rend plus fiable. Ce qui ne
doit pas nous empêcher de nous interroger sur la fiabilité des données sur lesquelles elle repose. Comment sait-on qu’une
caractéristique est une caractéristique de ruralité ? Même si certaines d’entre elles semblent logiquement avoir un lien étroit et
reconnu par tous avec la notion de ruralité, son intervention dans la segmentation pourra quand même donner lieu à des discussions
entre les chercheurs. En effet, si la prise en compte du nombre de bâtiments publics semble intéressante ici, on peut se demander
pourquoi les zones devraient appartenir à deux catégories différentes parce que l’une d’elles en compte deux alors que l’autre en
regroupe trois ; le résultat final ne serait pas le même si la différence se faisait à partir de quatre établissements publics. Soulignons
également que les caractéristiques qualitatives sont souvent exclues de l’analyse et que d’autres sont estimées à l’aide d’indicateurs
parfois discutables. Enfin, toutes ces remarques conduisent à la même conclusion ; par ce type de méthode, l’appartenance ou non
d’une zone à l’espace rural risque d’ètre déterminée à partir d’infimes nuances, la distinction « rurale » « non-rurale » ne tenant
qu’à certains paramètres évolutifs à discrétion.
La méthode suivante tente de résoudre cette imperfection en établissant une frontière moins tranchée entre le oui et le non.
Elle vise à remplacer le résultat « appartient »-« n’appartient pas » par le résultat « appartient plus ou moins ».
3.2. Evaluation de notions floues par le « flou ».
L’idée de départ est relativement simple, l’appartenance d’une zone à l’espace rural ne doit plus dépendre du dépassement
(ou non) du seuil fixé sur un critère, mais le seuil atteint dans ce critère va déterminer le degré de ruralité de la zone. Pour
simplifier, dans la première méthode, on considère que la zone z est rurale si elle possède une faible population. Le seuil de
passage entre une population faible et une population forte étant un nombre fixe, la limite entre une zone rurale et une zone non
rurale est « brutale ». En effet, la population est soit faible, soit forte, on ne peut donc répondre à la question « z est-elle une zone
rurale ? » que par oui ou non, selon que la proposition « z possède une faible population » est vraie ou fausse. Dans le langage
Booléen, on utilise le 1 si la proposition est vérifiée, le 0 si elle ne l’est pas (il n’y a pas d’autre alternative). Ainsi, si :
_ pop (z) = 1 (la population de z est effectivement faible), alors z est rurale.
_ pop (z) = 0  z non rurale.
3.2.1. Principe du « flou ».
Une nouvelle méthode consiste alors à établir des « échelons de véracité » de la proposition auxquels correspondront alors
différents niveaux de ruralité (pour notre exemple). Pour formaliser cette idée, Zadeh (1965) remplace le couple de réponses (0;1)
par l’intervalle de réponse [0;1] on voit alors apparaître une infinité de niveaux de vérité de la proposition et par la même une
infinité de degrés d’appartenance à l’espace rural. Exemple :
_ pop (z) = 0,9 (la population de z est faible : presque vraie)  z appartient presque totalement à l’espace rural.
_ pop (z) = 0,2 (proposition assez fausse)  z appartient peu à l’espace rural.
107
La difficulté liée à l’estimation de franchissement ou non d’un seuil strict est certes résolue, mais la trop grande quantité
d’échelons va poser un problème du même type puisque la différenciation risque de devenir trop sensible et donc difficilement
perceptible par le chercheur. On aura du mal à faire la différence entre 0,25 et 0,26. Et même s’il est plus aisé de qualifier ces
niveaux de vérité dans le langage courant que de leur donner une valeur numérique précise, la différence entre « z est une zone
plutôt rurale » et « z est une zone relativement rurale » n’en demeurera pas moins délicate. L’idéal serait en fait de disposer de
niveaux de vérité en quantité suffisamment restreinte pour que chacun des échelons se distingue facilement des autres. « L’échelle
de vérité » proposée par Fustier (1991) semble pour cette raison la mieux appropriée :
vrai
presque vrai
assez vrai
à moitié vrai
assez faux
presque faux
faux
« Cette échelle intègre les cas extrêmes faux et vrai, car malgré l’imprécision inhérente à des caractéristiques comme 
faible population, on n’écarte pas la possibilité du tout ou rien pour des lieux très spécifiques. D’autre part, on observe que
chaque élément ou échelon possède un opposé, c’est à dire un attribut qui, dans le langage courant, possède un sens opposé au
premier » (Fustier 1991). On obtient les opposés en inversant l’échelle de vérité.
Outre l’avantage lié au fait que cette échelle de vérité permet d’évaluer plus facilement des critères « flous » (notamment
des critères qualitatifs, nous l’avons vu, qu’il est quasiment impossible de quantifier, chose qui serait de toute manière contre
nature), cette méthode d’évaluation présente également l’intérêt de pouvoir donner lieu à des « calculs », disons plutôt des
opérations sur les évaluations obtenues. Ainsi, nous verrons que, dans le cadre du traitement des données recueillies par le
décideur, la méthode « Satisfaction-Regret », par exemple, utilisera les évaluations obtenues par les différents critères à prendre en
compte (l’évaluation des critères d’une zone sera donc de la forme : « la zone dispose du critère X : assez vrai », ceci pour chacun
des critères) afin d’évaluer un ou plusieurs « aspects » de la zone (nous avons précisé dans le chapitre précédent ce que l’on
entendait par « aspect »). La prise de décision sera alors plus facile.
Cette échelle de vérité intervenant donc logiquement à la fois dans l’évaluation des critères et dans le traitement des
données, nous ne présenterons dans ce paragraphe que les opérateurs et leur fonctionnement. La méthode « Satisfaction-Regret »
sera, elle, exposée dans la section suivante axée sur l’aide multicritère à la décision.
3.2.2. Calcul sur des propositions floues.
_ La négation « * ».
Si la proposition « z possède une faible population » obtient dans l’intervalle [0;1] une valeur comme, par exemple, pop (z) = 0,25
; alors, le niveau de vérité de sa négation : « z ne possède pas une faible population » sera pop*(z)=1-pop(z)=0,75. Dans le cadre
de l’échelle de vérité de Bernard Fustier, la négation d’une proposition est donnée par l’échelon opposé :
Si :
_ pop(z) = vrai, alors
pop*(z) = faux
Si :
_ pop(z) = assez faux,
alors
pop*(z) = assez vrai
_ Conjonction, disjonction.
Considérons une seconde proposition, « z est verdoyante » dont le niveau de vérité est noté v(z). Les opérateurs de conjonction
(« min ») et de disjonction (« max ») généralement utilisés dans le cas numérique [0;1] sont directement transposables au cas de
l’échelle de Fustier :
- Conjonction «  » :
« z possède une faible population ET z est verdoyante » sera définie par min[pop(z),v(z)], par exemple si pop(z)=assez vrai et
v(z)=presque faux, alors min[pop(z),v(z)]=presque faux.
- Disjonction «  » :
« z possède une faible population OU z est verdoyante » sera définie par max[pop(z),v(z)], par exemple si pop(z)=assez vrai et
v(z)=presque faux, alors max[pop(z),v(z)]=assez vrai.
On dira qu’ici le OU est inclusif, il ne signifie pas « soit l’un, soit l’autre » mais « l’un ou bien l’autre ou bien les deux » (au moins
l’un des deux).
Certains résultats paraissent parfois surprenants. En effet, prenons le cas où :
v(z) = assez vrai, alors v*(z) = assez faux, aussi :
[ v(z)  v*(z) ] = min[ v(z) , v*(z) ] = assez faux.
Ce qui signifie qu’à la proposition « z est verdoyante ET z n’est pas verdoyante », alors que l’on répondrait intuitivement faux
(comme le fait la logique booléenne) si l’on estime qu’une zone ne peut pas à la fois être et ne pas être verdoyante, les opérateurs
108
utilisés donnent (seulement) : assez faux. Il faudra en déduire qu’il est possible que z soit globalement verdoyante avec ici et là
quelques parcelles non verdoyantes. Ce résultat vient bousculer le principe de non-contradiction de la logique booléenne.
Le principe du tiers exclu de la logique booléenne qui veut qu’une proposition soit : soit vraie, soit fausse et par
conséquent qu’à une proposition combinée du type « z est verdoyante OU z n’est pas verdoyante » on réponde forcément vrai est
également remis en cause. En effet, reprenant les valeurs précédentes, à la proposition « v(z)v*(z) » on répond (seulement) :
max[v(z),v*(z)] soit : assez vrai. Cas d’une zone globalement verdoyante et partiellement non-verdoyante.
Evidemment dans le cas d’une proposition « complètement » vrai ou complètement fausse, ces deux principes ne pourront
être que respectés et ils le seront puisque :
v(z) = vrai  v*(z) = faux aussi : [v(z)v*(z)] = min[v(z),v*(z)] = faux.
de même que : [v(z)v*(z)] = max[v(z),v*(z)] = vrai.
3.2.3. Application au critère de ruralité.
L’exemple très simple qui suit n’est présenté qu’à titre indicatif, il propose de façon similaire de déterminer le niveau de
vérité de la proposition « z est une zone rurale » ; pour cela on prendra en compte les niveaux de vérité obtenus par les différents
lieux (ou parcelles constituant la zone z) lors de l’évaluation de leur (faible) population et de leur « verdoyance ». Ces résultats
peuvent être représentés simultanément dans un tableau du style :
Ensemble des lieux à faible population de z
pop(z)
partie de z considérée
v(z)
vrai
a
faux
presque vrai
b
à moitié vrai
faux
c
assez faux
assez vrai
d
assez vrai
Ensemble des parcelles verdoyantes de z
C’est en combinant les résultats concernant la population et la « verdoyance » que l’on pourra évaluer la ruralité la zone z
ou plus précisément les niveaux de ruralité des lieux constituant cette zone. Deux principes peuvent être retenus à cet effet.
_
On pourra estimer de façon relativement sévère qu’un lieu est (plus ou moins) rural s’il possède à la fois (plus ou moins)
les deux caractéristiques. C’est donc l’opérateur «  » (ET) qui sera utilisé, donnant ainsi un niveau de vérité à la proposition « le
lieu possède une faible population ET le lieu est verdoyant » équivalent à [pop(z)v(z)]=min[pop(z),v(z)]. Résultat que l’on pourra
noter R(z).
Dans un même tableau, semblable au précédent, les résultats ainsi obtenus feront ressortir les lieux n’appartenant pas ou
appartenant (plus ou moins ) à l’espace rural de z :
Espace rural de z
R(z) = min[pop(z),v(z)]
partie de z considérée
R*(z) = opposé de R(z)
faux
a
vrai
à moitié vrai
b
à moitié vrai
faux
c
vrai
assez vrai
d
assez faux
Espace non rural de z
Dans cet exemple, les parcelles a et c sont totalement exclues de l’espace rural et appartiennent totalement à l’espace non
rural. Tandis que b appartient en partie à l’espace rural et en partie au non rural de façon très nuancée. Enfin, on voit que d est
assez rural, il semble donc naturel qu’il appartienne tout de même un peu à l’espace non rural.
_
En étant quelque peu plus souple, on aurait tout aussi bien pu considérer qu’un lieu appartiendrait à l’espace rural s’il
disposait de l’une OU de l’autre des caractéristiques considérées. Ce qui signifierait que l’on estime qu’une zone est rurale si elle
dispose d’une faible population ou si elle est verdoyante. Dans ce cas, c’est l’opérateur «  » (OU) qui sera employé pour donner
un niveau de vérité à la proposition « le lieu possède une faible population OU le lieu est verdoyant » équivalent à [pop(z) 
v(z)]=max[pop(z),v(z)]. Résultat que l’on notera toujours R(z).
L’espace rural de la zone z devient alors :
Espace rural de z
R(z) = max[pop(z),v(z)]
partie de z considérée
R*(z) = opposé de R(z)
vrai
a
faux
presque vrai
b
presque faux
assez faux
c
assez vrai
assez vrai
d
assez faux
Espace non rural de z
109
Dans cet exemple simple, on arrive à déterminer les niveaux de ruralité des différentes parcelles de la zone z. Ces
parcelles, ou lieux, pourront être regroupées (cartographiquement) et, pourquoi pas, colorisées pour faire ressortir visuellement les
différents degrés de ruralité de la zone z et par la même sont niveau global de ruralité.
3.2.4. Principes de synthèses des évaluations.
En règle générale, les opinions des experts sont obtenues comme suit :
Dans un premier temps, on appréciera le niveau d’adéquation de chaque objet à chaque propriété, puis, on appréciera l’importance
relative de chaque propriété dans le problème d’évaluation. Ces évaluations sont réalisées par des experts selon deux cas :
1).
Les évaluations sont attribuées collectivement : Les experts entament un dialogue sur le choix de chaque niveau
de vérité (nous verrons que c’est l’échelle de vérité verbale, déjà présentée, qui est utilisée dans cette méthode). Lorsqu’un
désaccord semble partager durablement les participants, on retient le niveau de vérité médian comme réponse du groupe. Les
réponses extrêmes sont réintroduites après coup dans le modèle en vue d’analyser leurs effets sur une éventuelle modification des
résultats.
2).
Les évaluations sont attribuées individuellement : Les experts sont interrogés séparément, la synthèse des
évaluations s’effectue en deux temps :
- Synthèse des évaluations par expert :
Objets
Points de vue
Synthèse
Evaluations partielles
de l’expert n°1

Evaluations
globales
de l’expert n°1

Evaluations
globales
de l’expert n°N
Pondérations expert n°1
Evaluations partielles
de l’expert n°N
Objets
Pondérations expert n°N
- Synthèse des évaluations globales des experts :
Expert n°1
...
Expert n°N
Objets
Evaluations
globales
expert n°1
...
Evaluations
globales
expert n°N
Compétences
(1)
...
(N)
Synthèse
finale

Evaluations
finales
Où (1) ... (N) représentent le niveau de compétence que chaque expert s’attribue en fonction de la connaissance qu’il possède du
problème. Comme les pondérations des points de vue, les niveaux de compétence sont choisis le long de l’échelle d’évaluation
verbale. Les évaluations globales permettent d’obtenir un « classement » des objets en fonction de l’objectif général.
Ce système d’évaluation présente de nombreux avantages, à commencer par le fait qu’il prend en considération les critères
qualitatifs au même titre que les critères quantifiables, puisque l’évaluation verbale permet de les comparer, de les traiter ensemble,
grâce aux opérateurs dont il dispose. Cette particularité de la méthode n’est pas négligeable ; il sera en effet intéressant de pouvoir
confronter lors de l’évaluation un critère que l’on qualifiera d’écologique à un critère disons financier. Notons également que le
principe de l’évaluation selon l’échelle de vérité de Fustier facilite grandement l’estimation des différents éléments à traiter.
Conclusion.
Nous l’avons suffisamment souligné, l’évaluation des zones est une phase essentielle de la mise en oeuvre de la stratégie
de développement proposée dans cette étude. L’implantation de telle ou telle structure touristique, la mise en valeur ou la
sauvegarde d’un périmètre, le choix d’une exploitation agricole plutôt que touristique sur une zone, toutes ces décisions qui
110
permettront au territoire dans son ensemble de bénéficier de l’effet de la spécialisation microrégionale que nous avons montré,
seront fondées sur les caractéristiques propres à chacune des zones répertoriées.
Cependant, les principales caractéristiques que l’on devra prendre en compte pour tirer de telles conclusions quant à
l’avenir économique des différentes zones peuvent-elles être réunies en un critère unique qu’il suffirait alors de considérer pour
établir un plan d’orientation ? Evidemment non.
Toutefois, il semblerait que la principale notion à prendre en compte dans le cadre du développement touristique d’une
zone selon les remarques et démonstrations avancées jusqu’ici pourrait se résumer (pour faciliter la mise en oeuvre d’un exemple
concret) dans la notion de « sensibilité ». La connaissance du degré de sensibilité d’une zone nous informerait sur la possibilité d’y
exploiter tel produit touristique plutôt que tel autre, ou carrément sur l’intérêt de la préserver de toute dégradation éventuelle.
Encore faut-il s’entendre sur le terme « sensibilité ». Si l’on trouve dans la littérature spécialisée les notions « d’espaces
naturels sensibles » (Bourgoin-Bareilles, 1998), de « périmètres sensibles » (Toulemonde, 1978) ou encore de « zones sensibles »
(Prieur, 1996), on se rend bien compte qu’il n’existe pas de définition empirique de la sensibilité et que celles qui sont proposées
ici ou là sont évidemment fonction du domaine traité. Ainsi devrions nous proposer notre propre notion de sensibilité qui serait
cette fois relative à la prédisposition (ou non) à un éventuel développement touristique et de quel type. La tâche parait ambitieuse
mais néanmoins réalisable.
111
Section 2. Evaluation de la sensibilité d’un territoire.
Nous chercherons dans cette section à construire un critère de sensibilité qui nous permettrait d’effectuer le découpage
d’un territoire en fonction des degrés de sensibilité de ses différentes zones.
Il faudra donc dans un premier temps nous entendre sur la notion de sensibilité afin de construire le critère proprement dit.
Nous pourrons alors déterminer une procédure d’agrégation permettant d’aboutir à une évaluation finale (des zones traitées) sur
notre critère.
Enfin, les résultats issus de cette analyse : les degrés de sensibilité des zones, donneront une indication précieuse quant à
l’orientation économique à donner aux espaces concernés.
Quelques propositions seront exposées à titre indicatif pour rendre notre exemple d’étude plus proche encore de la réalité.
Ces propositions seront évidemment l’illustration de la mise en oeuvre de la stratégie de spécialisation développée jusqu’ici.
1. Présentation générale du problème d’évaluation.
1.1. Objectif.
Cadre de référence.
Pour des raisons pratiques, nous avons choisi d’évaluer la sensibilité des zones présentant un potentiel touristique en
Corse. Il sera en effet plus aisé pour nous de trouver des experts, c’est à dire des personnes ayant une bonne connaissance de leur
île, que des individus capables d’évaluer un territoire plus éloigné. Nous avons suffisamment insisté sur l’importance d’évaluer (sur
un territoire donné) des espaces de plus petite dimension possible puisque certaines caractéristiques peuvent varier rapidement,
c’est à dire d’une parcelle de terrain à une autre. Toutefois, dans l’optique de l’évaluation d’un territoire comme la Corse basée sur
la construction d’un critère de sensibilité d’après une synthèse d’évaluation d’experts, il aurait été malvenu d’imposer aux dits
experts de se prononcer sur une multitude de parcelles.
L’INSEE, considérant que les réalités économiques et démographiques de la Corse ne sauraient être contenues dans une
seule image globale, dresse le portrait de dix-neuf micro-régions insulaires (Des informations concernant ce choix du découpage
sont présentées en annexe 6). Les critères retenus sont, avant tout, d’ordre économique. Les limites administratives (canton,
commune) n’ont pas été prises en compte a priori. Seules ont été retenues celles qui reflètent la réalité économique actuelle, la
limite départementale a été généralement conservée.
Ce premier découpage en dix-neuf zones nous paraissant cependant insuffisant, en tout cas peu intéressant vis à vis de
l’étude que l’on s’apprête à mettre en oeuvre, nous avons opté pour un second découpage « sous-microrégional » en trente-cinq
zones effectué par l’INSEE (selon les mêmes critères).
Le travail des évaluateurs sera certes plus complexe, mais les résultats n’en seront que plus parlant, plus pertinents.
Notre cadre de référence se présente donc comme suit :
112
Carte 1 : Cadre de référence (les 35 Sous-Micro-Région).
01 Sevi in fora
02 Sevi in dentru
03 Cruzzini Cinarca
04 Gravona
05 Prunelli
06 Mezzana
07 Région d’Ajaccio
08 Rive sud
09 Haut Taravo
10 Ste Marie Sicche
11 Moyen Taravo
12 Golfe de Propriano
13 Pieve de Viggiani
14 Le Sartenais
15 L’Alta Rocca
16 L’Extrème Sud
17 Le Cap Corse
18 District de Bastia
19 Vallee Golo-Marana
20 San Quilicu
21 Plaine de La Casinca
22 La Castagniccia
23 Le Campuloru
113
24 Région de La Bravona
25 Région du Travu
26 Pieve de Rogna
27 Le Cortenais
28 Le Boziu
29 Le Niolu
30 Zone de Calvi
31 Région de L’Isula
32 Ostriconi et Giunssani
33 Plaine de Ponte-Leccia
34 Pieve di u Rustinu
35 Zone de Saint Florent
« Sensibilité ».
Afin de préciser la signification du terme « sensibilité », nous avons procédé par décomposition en demandant à un groupe
de cinq personnes de mener une réflexion sur les attributs de la sensibilité. Cette réflexion, menée dans le cadre du séminaire de
recherches du Professeur Fustier, a débouché sur une liste de quatre attributs (ou points de vue) :
1). Valeur esthétique et pittoresque du paysage.
2). Richesse faunistique et floristique.
3). Importance du patrimoine culturel et historique.
4). Valorisation identitaire du terroir.
Ce groupe de réflexion réunit cinq personnes ayant une bonne connaissance de l’ensemble des sous-microrégions : cadres de
l’Office de l’environnement, de l’INSEE, de l’Agence du Tourisme de la Corse, responsable de la Maîtrise des Sciences et
Techniques du tourisme de l’Université de Corse, Directeur d’Office de tourisme. Le groupe sera également chargé d’évaluer
chaque zone sur les attributs de la liste précédente. Mais pour que la phase d’évaluation soit la moins subjective possible, il
convenait tout d’abord de faire en sorte que chaque attribut soit entendu de la même manière par tous les évaluateurs. A cet effet,
nous avons établi le tableau suivant qui résume les principales idées résultant du séminaire :
Attribut
Valeur esthétique et
pittoresque du paysage
Richesse faunistique
et floristique
Importance du patrimoine
culturel et historique
Valorisation identitaire
du terroir
Contenu sémantique
- lignes harmonieuses
- exposition originale
- effet des couleurs
- particularité naturelle
- partie du Parc naturel
- site classé
- réserve
- aspect sauvage appréciable
- site archéologique-historique
- ruines
- musées
- édifices remarquables
- plantations
- vergers
- produits du terroir
- paturages destinés à l’élevage
Tableau 1. Les attributs de la sensibilité.
L’activité d’évaluation consistant à établir un mode de correspondance entre des objets (les sous-microrégions) et les
échelons d’une structure ordonnée qui tiendra lieu d’échelle d’évaluation, cette dernière revêt une importance de tout premier ordre
:
1) Sur le plan théorique, car dans la phase de synthèse des évaluations d’experts nous serons amenés à considérer les
échelons comme des niveaux de vérité attachés à des propositions floues.
2) Sur le plan pratique, car le contenu sémantique de chaque échelon ne doit présenter aucune ambiguïté pour les
évaluateurs. Cette échelle est le concept clé du problème d’évaluation, il convient par conséquent de préciser sa nature.
1.2. Les propriétés de l’échelle d’évaluation.
1.2.1. Présentation théorique.
Notée E=(inf E...e...sup E), les échelons de E sont totalement ordonnés de manière à ce qu’il soit possible de considérer
de tels échelons comme des niveaux de vérité associés à des propositions du langage naturel.
Le premier échelon (inf E), associé à une proposition donnée, signifie que cette proposition est « fausse », le dernier (sup E)
indique qu’elle est « vraie ». En dehors de ces situations limites, les échelons intermédiaires servent à nuancer la valeur logique de
telles propositions (ces propositions sont dites floues).
Habituellement, le niveau de vérité d’une proposition floue s’exprime par une valeur de l’intervalle [0,1] (Zadeh 1965). Mais dans
les applications, une échelle discrète est suffisante.
Les échelons de E peuvent être des nombres (Gnansounou et all. 1995) ou des attributs verbaux (Fustier 1994a et b), mais
dans les deux cas on impose que chaque échelon possède un opposé. En désignant par h la hauteur de E, par (e,e’) l’écart entre
deux échelons quelconques e et e’, puis en notant e* l’opposé de l’échelon e, les définitions suivantes sont équivalentes :
cas numérique :
cas non-numérique :
h = sup E - inf E
h = card E - 1
(e,e’) = e-e’
(e,e’)=nombre d’intervalles entre e et e’
e* = -e
(e,sup E)=t  e*=(t+1)ème échelon de E
Exemples :
1) Avec une échelle du type E=(-3,-2,-1,0,+1,+2,+3), il est clair que -3 est l’opposé de +3 et que h=6.
D’autre part, on vérifie facilement que : 0  (e,e’)  6.
114
2) En utilisant l’échelle E=(faux, presque-faux, assez-faux, à moitié-vrai, assez-vrai, presque-vrai, vrai), on obtient par
exemple (presque-faux, presque-vrai)=(assez-faux, vrai)=4, (presque-faux, presque-faux)=0, (faux, vrai)=6=h. D’autre part,
puisque (assez-faux, vrai)=4, alors (assez-faux)*=5ème échelon=assez-vrai. Enfin, étant donné que (faux, vrai)=6, alors
(faux)*=7ème échelon=vrai.
Dans le cas non-numérique, l’opposé d’un échelon est un attribut qui, dans le langage courant, possède un « sens opposé »
à celui du premier échelon considéré (l’opposé de « faux » est « vrai », l’opposé de « presque faux » est « presque vrai » etc.). Cette
correspondance est formalisée, elle reste cependant très intuitive dans la mesure où il suffit d’inverser l’échelle pour obtenir les
opposés :
Echelle init iale
-
vrai
presque vrai
assez vrai
à moit ié vrai
assez faux
presque faux
faux
List e des opposés
-
faux
presque faux
assez faux
à moit ié vrai
assez vrai
presque vrai
vrai
Figure 2.1. Correspondance entre des attributs verbaux et leurs opposés.
Les propriétés suivantes sont valables dans le cas numérique et non-numérique:
P1.
Si E comporte un échelon médian m, alors m*=m
P2.
eE : (e*)* = e
D’autre part, étant donnée une suite quelconque d’échelons [a,b,c...] et [a*,b*,c*...] la suite de leurs opposés,  désignant
l’opérateur minimum et  l’opérateur maximum, on vérifie :
P3.
([a*,b*,c*...])* = [a,b,c...]
(l’opposé de l’échelon le plus élevé de la suite des opposés est l’échelon le moins élevé de la suite initiale)
P4.
([a,b,c...])* = [a*,b*,c*...]
(l’opposé de l’échelon le moins élevé de la suite initiale est l’échelon le plus élevé de la suite des opposés)
P5.
([a,b,c...])* = [a*,b*,c*...]
(l’opposé de l’échelon le plus élevé de la suite initiale est l’échelon le moins élevé de la suite des opposés)
P6.
([a*,b*,c*...])* = [a,b,c...]
(l’opposé de l’échelon le moins élevé de la suite des opposés est l’échelon le plus élevé de la suite initiale)
1.2.2. L’échelle utilisée dans la procédure d’évaluation.
Les cinq évaluateurs, à la quasi-unanimité, ont opté pour une échelle qualitative jugée plus « conviviale ». Nous avons
donc retenu l’échelle présentée ci-dessus (figure 2.1.).
En désignant par l’indice i une sous-microrégion et par l’indice j un attribut de la sensibilité, la démarche évaluative consiste à
déterminer la valeur logique de la proposition :
« La zone i correspond à l’attribut j »
Pour être complète, cette démarche consiste également à déterminer l’importance de chaque attribut dans la définition de la
sensibilité. On utilise la même échelle pour affecter un niveau de vérité à la proposition :
« L’attribut j intervient fortement dans la définition de la sensibilité »
Concrètement, les évaluateurs ont la possibilité de qualifier des propositions du type : « Le paysage de la Casinca est esthétique
et pittoresque ».
« La valeur esthétique et pittoresque du paysage est une composante importante de la sensibilité ».
En utilisant les mots :
vrai, presque vrai, ..., ou faux.
Par analogie, avec les concepts utilisés par l’Aide Multicritère à la Décision, Fustier (2000) définit le critère d’évaluation associé
au jème attribut, ainsi que la pondération sur la liste de tous les attributs par les applications p j et  telles que :
pj : I  E
(1)
i  pj(i)
pj(i) = évaluation de i sur le critère pj
niveau de vérité de la proposition « la zone i correspond à l’attribut j ».
(2)
:JE
j  (j)
115
(j) = importance de l’attribut j
niveau de vérité de la proposition « l’attribut j intervient fortement dans la définition de la sensibilité ».
I désignant l’ensemble des 35 sous-microrégions (carte 1), et J l’ensemble des quatre attributs de la sensibilité (tableau 1).
1.3. L’information à traiter.
En utilisant les notations précédentes, l’information à traiter se présente de la manière suivante :
1
1
.
.
i
.
.
n
...
j
...
m
.
.
. . . pj(i) . . .
.
.
...
(j)
...
m = 4, n = 35
Tableau 2 : représentation de l’information à traiter
Les évaluations pj(i) et les coefficients d’importance (j) fournissent une information purement qualitative (des niveaux de
vérité choisis le long d’une échelle verbale).
Jusqu’à présent, nous avons défini les notions de critère d’évaluation et de pondération d’une manière purement théorique
(en faisant référence au concept mathématique d’application). Il nous faudra ultérieurement nous interroger sur la façon dont les
évaluateurs attribuent les niveaux de vérité. D’autre part, les réponses peuvent être différentes étant donné que nous sommes en
présence de plusieurs évaluateurs. Dans ce cas, comment caractériser le niveau de vérité d’une proposition ?
La procédure d’évaluation menée sur le terrain sera décrite au paragraphe 3. Pour l’instant, nous considérons les
problèmes pratiques résolus afin de pouvoir exposer le modèle qui se trouve au coeur de la procédure de synthèse des évaluations.
2. Le modèle satisfaction-regret.
Elaboré par Fustier (1991, 1992, 1994a, 1994b), le modèle satisfaction-regret a pour objectif de synthétiser pour chaque
objet i les évaluations pj(i) compte tenu de l’importance (j) des attributs j. Le modèle prend en compte des évaluations
numériques ou, comme dans le cas présent, des évaluations qualitatives. Dans les deux cas, les évaluations sont données d’une
manière ponctuelle : le niveau de vérité d’une proposition floue correspond à un échelon de l’échelle d’évaluation E et un échelon
seulement. Plus récemment (Fustier 1996a, 1996b, Fustier et Gnansounou 1997) le modèle a été étendu au cas où les évaluations
sont données sous forme d’intervalles : le niveau de vérité d’une proposition ne s’exprime plus par un élément unique de E, mais
par une suite d’échelons consécutifs qui traduisent les hésitations de l’évaluateur.
On se limite ici au cas (moins général) d’évaluations ponctuelles (numériques ou qualitatives). L’opérateur d’agrégation
« floue » proposé dans ce cas fait intervenir des règles de logique floue beaucoup plus simples que les règles de logique -floue
utilisées dans le cas plus général.
2.1. Objectif, définitions préalables.
Pour chaque objet i (présentement, pour chaque sous-microrégion), il convient de résumer la suite des évaluations
partielles [pj(i) ; j=1...m] par un échelon unique de E compte tenu des coefficients d’importance (j) attribués aux différentes
composantes de la sensibilité. Formellement, il s’agit de déterminer un critère d’évaluation synthétique, c’est à dire une application
g qui, à tout objet i, fasse correspondre un échelon de E, noté g(i).
L’idée consiste à comparer le profil de chaque objet « idéal ». Il semble naturel de définir le profil d’un tel objet par la
suite [(j) ; j=1...m], car en donnant l’importance d’une composante j, on estime en fait ce que doit être au minimum l’évaluation
d’un objet pour qu’il corresponde à l’attribut de sensibilité considéré.
Si sur une composante j, l’évaluation d’un objet i est au moins aussi bonne que celle de l’objet idéal (c’est à dire si p j(i) 
(j), sachant que  signifie « au moins aussi élevé que » dans le cas d’une échelle verbale), nous dirons que j est une composante
concordante.
Inversement, si l’évaluation de l’objet i est moins bonne que celle de l’objet idéal (c’est à dire si p j(i) < (j), < se lisant « moins
élevé que » dans le cas non-numérique), la composante est discordante.
Les opérateurs de disjonction « max » () et de conjonction « min » () utilisés en logique floue pour composer des
niveaux de vérité ponctuels appartenant à [0,1] sont directement transposables ici puisque E est un ensemble totalement ordonné
(cas numérique ou non-numérique).
:
Soit a(x)  E et b(x)  E les niveaux de vérité des propositions simples « x possède a » et « x possède b », on rappelle que
2.(1). Le niveau de vérité de « x possède a OU b » est donné par a(x)  b(x)
2.(2). Le niveau de vérité de « x possède a ET b » est donné par a(x)  b(x)
116
Dans le cas [0,1], l’opérateur de négation est défini par 1-a(x). Il est adapté ici en considérant l’opposé du niveau de vérité de la
proposition correspondante. Ainsi, le niveau de vérité de la proposition « x NE possède PAS a » est l’opposé de a(x), c’est à dire
l’élément de E, noté a*(x), tel que :
2.(3). Cas numérique :
a*(x) = -a(x)
2.(4). Cas non-numérique :
[a(x), supE]=t  a*(x)=(t+1)ème échelon de E.
2.2. Procédure de synthèse :
Définition d’un opérateur d’agrégation floue (dans le cas ponctuel).
2.2.1. Satisfaction engendrée par le profil d’un objet.
Pour tout objet i, on commence par définir la satisfaction sj(i) résultant de l’évaluation de i sur le j ème attribut.
2.(5).
sj(i) = pj(i)  (j).
L’emploi de l’opérateur  signifie qu’une « bonne » évaluation ne procure pas nécessairement une « forte » satisfaction, encore
faut-il que le jème attribut intervienne fortement dans la définition de la sensibilité. On notera que cet indice de satisfaction partielle
correspond au niveau de vérité de la conjonction « l’objet i correspond à la composante j ET j est une composante importante de la
sensibilité » ou, plus simplement, « l’évaluation de i selon j est source de satisfaction ».
On résume ensuite les m indices de satisfaction partielle par l’indice le plus élevé :
2.(6).
s(i) = [pj(i)(j) ; j=1...m].
La satisfaction globale produite par le profil de i est le niveau de vérité de la disjonction « l’évaluation de i selon 1 OU 2 OU ... est
source de satisfaction ».
En logique floue, la relation 2.(6). est appelée le « maximum pondéré » (Dubois et Prade 1986). Elle est utilisée pour agréger des
valeurs de l’intervalle [0,1] dans le cadre de l’« évaluation subjective multicritère » (Dubois et Grabisch 1994).
Sous réserve qu’il existe au moins un poids égal à 1, le maximum pondéré correspond à la possibilité d’un ensemble flou (Dubois
et Prade 1994).
Avec une hypothèse analogue, il existe au moins une composante dont le poids est égal à supE (une telle composante est dite
fondamentale), on voit que l’indice de satisfaction de l’action idéale est égal à supE, ce qui est normal.
En outre, le maximum pondéré vérifie deux autres propriétés tout aussi naturelles :
1) si le profil de l’objet i est plein (toutes ses composantes sont égales à supE), on vérifie que s(i) = supE.
2) si le profil de i est vide (toutes ses composantes sont égales à infE), alors s(i) = infE.
Mais on remarque que si un objet i correspond pleinement à une seule composante fondamentale j° (c’est à dire à un attribut j° tel
que (j°) = supE), son indice de satisfaction est maximum ( s(i)=supE) et cela quelles que soient ses évaluations sur les autres
composantes (les autres évaluations pouvant être égales à infE y compris sur des composantes également fondamentales).
La formule du maximum pondéré est donc trop tolérante. Pour définir un opérateur d’agrégation plus correct, on introduit
la notion de regret.
2.2.2. Regret causé par le profil d’un objet.
D’après 2.(5), on voit que sj(i) ne peut dépasser (j) qui représente la satisfaction retirée de l’évaluation de l’objet idéal
sur la composante j. Lorsque sj(i) est moins élevé que (j), on dira que l’évaluation de i sur j produit un regret, noté r j(i), et calculé
de la manière suivante :
cas numérique
2.(7).
rj(i)=[sj(i), (j)] + infE
( sj(i), (j) ) = sj(i) - (j)
et
infE < 0
où
2.(8).
où
cas non-numérique
[sj(i), (j)] = t  rj(i) = (t+1)ème échelon de E
t = nombre d’intervalles entre sj(i) et (j)
Conséquences :
1) Pour les composantes concordantes telles que pj(i)  (j), on a sj(i) = (j), d’où absence de regret :
cas numérique :
[sj(i), (j)] = sj(i) - (j) = 0
donc rj(i) = 0+infE=infE
rj(i) = infE
cas non-numérique :
[sj(i), (j)] = 0 intervalle
donc rj(i) = 1er échelon de E = infE
2) Pour les composantes discordantes telles que pj(i) < (j), on vérifie que sj(i)=pj(i), par conséquent, [sj(i), (j)] > 0 et rj(i) >
infE. Le maximum de regret sur j (supE) est donc obtenu pour p j(i) = infE et (j) = supE :
cas numérique :
[sj(i), (j)] = infE - supE
donc rj(i)=infE-supE+infE=supE
cas non-numérique :
[sj(i), (j)] = h = cardE - 1
donc rj(i)=dernier échelon de E=supE
117
La synthèse des regrets partiels est obtenue d’une manière analogue à celle des satisfactions partielles :
2.(9).
r(i) = [rj(i) ; j = 1...m].
r(i) représente le niveau de vérité de la proposition :
« l’évaluation de l’objet i est source de regret ».
2.2.3. Evaluation globale.
En prenant l’opposé de r(i), on obtient un indice de non-discordance (ou non-regret) qui, combiné avec l’indice de
satisfaction, donne :
2.(10).
g(i) = s(i)  r*(i)
g(i) représente le niveau de vérité de la proposition :
« l’objet i est source de satisfaction ET NE produit PAS de regret »
En remplaçant s(i) par 2.(6). et r(i) par 2.(9)., on obtient directement :
2.(11). g(i) = { [pj(i)(j) ; j=1...m] }  { ([rj(i) ; j=1...m])* }
D’après la propriété P5 du § 1.2., on a :
( [rj(i) ; j=1...m] )* = [rj*(i) ; j=1...m]
où les rj*(i) sont les opposés des regrets partiels rj(i).
Dans ces conditions, on obtient une écriture équivalente à 2.(11).:
2.(12). g(i) = { [pj(i)(j) ; j=1...m] }  { [rj*(i) ; j=1...m] }
L’exemple suivant démontre la simplicité d’utilisation de cet opérateur de synthèse.
On considère les quatre attributs intervenant dans la définition de la sensibilité (Tableau 1) respectivement (j=1,2,3,4) sur lesquels
on évalue une sous-micorégion i en utilisant une échelle verbale : faux (f), presque-faux (pf), assez-faux (af), à moitié vrai (àmv),
assez-vrai (av), presque-vrai (pv), vrai (v). On obtient :
Profil de i 
attribut 1

av
attribut 2

pv
attribut 3

àmv
attribut 4

av
Profil idéal 
v
pv
av
v

(1)

(2)

(3)

(4)
avv = av
pvpv = pv
àmvav=àmv
avv=av
D’où la liste des satisfactions partielles :
sj(i) =
En prenant l’indice le plus élevé de la liste, on obtient : s(i) = pv.
Calculons les regrets. Par exemple, pour le premier attribut on a :
[s1(i), (1)] = 2, donc r1(i) est le (2+1)ème échelon de E, c’est à dire assez-faux (af). La liste des regrets partiels est la suivante :
rj(i) =
af
f
pf
af
Le regret global est l’indice le plus élevé de la liste : r(i) = af.
Le non-regret est l’opposé de af (intuitivement, il s’agit de l’échelon av). Formellement, l’opposé de r(i) s’obtient de la manière
suivante :
[r(i), supE] = (af,v) = 5, donc r*(i) = (4+1)ème échelon de E, soit av.
Finalement :
g(i) = pvav = av.
3. La démarche évaluative menée sur le terrain.
3.1. Caractérisation de la sous-microrégion de référence (objet idéal).
On rappelle que les évaluateurs, au terme d’une première réunion, ont choisi une échelle verbale (figure 2.1.). D’autre
part, ils ont estimé que les quatre attributs retenus lors de cette première réunion devaient intervenir avec la même importance dans
la définition de la sensibilité et que cette importance devait être considérée comme fondamentale.
En d’autres termes, nous avons : 2.(13).  j = 1...4 : (j) = supE (c’est à dire « vrai »)
Ce qui signifie que le profil de l’objet idéal est plein : tous les attributs de la sensibilité caractérisent complètement la sousmicrorégion dite « idéale ».
Un second séminaire a réuni les évaluateurs dans le but d’attribuer les niveaux de vérité aux 35 sous-microrégions pour
chacun des quatre attributs. Sur les 35  4 = 140 évaluations possibles, on a constaté de nombreuses divergences entre les experts.
118
Pour forcer la nature des choses, on a pensé à retenir le jugement médian lorsque les réponses s’organisaient autour d’une plage
restreinte de l’échelle d’évaluation.
Mais dans 15% des cas environ, on a constaté qu’un désaccord important partageait les évaluateurs aux extrémités de l’échelle. On
a donc songé à appliquer une procédure de convergence du type DELPHI (voir par exemple Dalkey et Helmer 1963, Dalkey
1989). Mais devant la lourdeur de la procédure, on a préféré s’orienter vers une autre démarche :
1) Les experts évaluent séparément.
2) Les évaluations globales des experts font l’objet d’une synthèse définitive.
Comme nous le verrons, le modèle satisfaction-regret est utilisé à chaque étape de la procédure d’évaluation.
3.2. Application du modèle aux évaluations attribuées par les experts.
L’indice e servant à repérer l’expert, on obtient 5 grilles d’évaluations du type:
1
1
.
.
I
.
.
N
...
j
...
m
.
.
. . . e Pj(i) . . .
.
.
...
(j)
...
m = 4, n = 35
ePj(i)
= niveau de vérité attribué par l’expert e à la proposition :
« la zone i correspond à l’attribut j ».
(j) = supE (= « vrai ») pour l’ensemble des experts.
Dans le cas particulier où le profil de l’objet idéal est plein (cas dans lequel on se situe ici), l’application du modèle satisfactionregret se trouve grandement facilitée par le théorème suivant :
Théorème (Fustier 1994b) :
Lorsque le profil de l’objet idéal est plein, l’évaluation globale d’un objet est égale à la composante la plus basse de son profil :
2.(14). g(i) = [pj(i) ; j = 1...m]
Démonstration (Fustier 1994b) :
Lorsque  jJ : (j) = supE, sj(i) = pj(i)supE = pj(i)
d’où :
s(i) = [pj(i) ; j=1...m] = p+
En d’autres termes, la satisfaction produite par le profil de i est égale à sa composante la plus élevée.
D’autre part, 2.(8). s’écrit : [sj(i), supE] = t  rj(i) = (t+1)ème échelon de E, soit d’après la définition de la négation donnée par
2.(4). : rj(i) = pj*(i).
Le regret produit par l’évaluation de i selon j est le niveau de vérité de « l’objet i NE correspond PAS à l’attribut j ». Donc :
r(i) = [pj*(i) ; j=1...m] et r*(i) = ([pj*(i) ; j=1...m])* = [pj(i) ; j=1...m] = p- d’après la propriété P3 du paragraphe 1.2.
Ce dernier résultat signifie que le non-regret produit par les évaluations partielles de i est la plus basse composante de son profil.
Donc d’après 2.(10). g(i) = p+p- = p-.
Finalement,  jJ : (j) = supE  g(i) = [pj(i) ; j=1...m]. c.q.f.d.
Conséquences : Pour chaque expert e on obtient les évaluations globales :
2.(15). eg(i) = [epj(i) ; j=1...m]
pour i = 1...35
3.3. Application du modèle à l’harmonisation finale des évaluations.
On dispose maintenant de l’information suivante :
1
...
expert 
.
objet
.
1
...
1g(i)
.
I
.
35
Compétences
(1)
e
.
.
eg(i)
.
.
(e)
...
...
5
.
.
5g(i)
.
.
(5)
Où (e) représente le degré de compétence de l’expert e et s’interprète comme le niveau de vérité de la proposition « l’expert e est
compétent ».
D’un point de vue pratique, chaque expert choisit un échelon de E :
_ « vrai » si l’expert estime qu’il a donné ses évaluations en connaissance de cause.
_ « Presque-vrai » dans le cas où il a rencontré quelques difficultés qu’il a résolues facilement.
_ « assez-vrai » dans le cas où il a rencontré quelques difficultés qu’il n’a pas résolues facilement.
119
_ « à moitié-vrai » dans le cas où il a rencontré beaucoup de difficultés.
_ « assez-faux » dans le cas où il a rencontré beaucoup de difficultés qu’il n’a pas résolues facilement.
_ « presque-faux » dans le cas où il estime que la plupart de ses évaluations sont peu crédibles.
_ « faux » dans le cas où il estime qu’il n’aurait pas dû faire partie du groupe d’évaluateurs.
Ce type d’information est analogue à celle présentée au paragraphe 1.3. (Tableau 2).
Les évaluations {eg(i) ; i=1...35 et e=1...5} ainsi que les pondérations qualitatives {(e) ; e=1...5} sont des échelons de la même
échelle d’évaluation E. On peut donc appliquer satisfaction-regret tel qu’il fut exposé au paragraphe 2.2. pour résumer ces
évaluations. On note g(i) l’évaluation finale de la zone i :
Zone i 
1g(i)
...
eg(i)
...
5g(i)
} agrégation floue 
Compétence 
g(i)
(1) ... (e) ... (5)
Pour l’ensemble des 35 sous-microrégions, les évaluations (finales) de sensibilité sont représentées au paragraphe suivant.
4. Résultats.
On peut résumer la procédure en la présentant sous une forme proche d’un algorithme informatique :
Première synthèse : (par expert e).
J
1
2
3
4
(min)
eg(i)
epj(i)
av
pv
pv
àmv

àmv
Tableau 3 : représentation simplifiée de la synthèse par expert.
Deuxième synthèse : agrégation des évaluations globales de chaque expert)
e
1
2
3
4
5

pv
av
av
v
av
(e) 
pv
pv
pv
av
av
 (min)





pv
av
av
av
av
 
f
pf
pf
f
f
 
eg(i)
eg(i)
 (e)
[g,]+1è éch.
s(i) = pv 
r(i)=pf

g(i)
pv
r*(i) = pv 
Tableau 4 (représentation simplifiée de la synthèse finale).
( on rappelle que pour eg(i)  (e) : er(i) = f )
4.1. Le nouveau découpage du cadre de référence.
Nous avons donc traité, par la méthode précédemment exposée, les évaluations, établies par nos 5 experts, des 35 sousmicrorégions (cadre de référence : carte 1) selon les 4 attributs de la sensibilité (Tableau 1).
Les 35 sous-microrégions se trouvent alors réparties dans six « classes » reflétant leur niveau de sensibilité :
Zones presque sensibles (niveau de sensibilité Presque-vrai) :
01 Sevi in fora
Zones assez sensibles (niveau de sensibilité assez-vrai) :
02 Sevi in dentru, 09 Haut Taravo, 15 Alta Rocca, 22 La Castagniccia,
29 Le Niolu, 28 Le Boziu
Zones moyennement sensibles (niveau de sensibilité à moitié-vrai) :
03 Cruzzini Cinarca, 11 Moyen Taravo, 14 Le Sartenais, 16 L’Extrème Sud,
120
21 Plaine de La Casinca, 23 Le Campuloru, 24 Région de La Bravona,
27 Le Cortenais, 30 Zone de Calvi, 32 Ostriconi et Giunssani,
34 Pieve di u Rustinu
Zones assez peu sensibles (niveau de sensibilité assez-faux) :
05 Prunelli, 10 Ste Marie Sicche, 13 Pieve Viggiani, 25 Région du Travu,
26 Pieve Rogna, 31 Région de l’Isula,
Zones presque pas sensibles (niveau de sensibilité Presque-faux) :
04 Gravona, 06 Mezzana, 19 Vallee Golo-Marana, 20 San Quilicu,
33 Plaine de Ponte-Leccia, 35 Zone de Saint Florent
Zones non-sensibles (niveau de sensibilité faux) :
07 Région d’Ajaccio, 08 Rive sud, 12 Golfe de Propriano ,17 Le Cap Corse,
18 District de Bastia
La carte suivante représente le nouveau découpage de la Corse ainsi obtenu, c’est à dire faisant ressortir les niveaux de
sensibilité de ses 35 sous-microrégions :
121
Carte 2 : Découpage reflétant le degré de sensibilité des 35 S-MR.
Niveau de Sensibilité : Presque Vrai
Niveau de Sensibilité : Assez Vrai
Niveau de Sensibilité : A Moitié Vrai
Niveau de Sensibilité : Assez Faux
Niveau de Sensibilité : Presque Faux
Niveau de Sensibilité : Faux
122
4.2. Analyse des résultats.
4.2.1. Remarques préalables.
Première constatation au vu de ce nouveau découpage, aucune sous-microrégion n’obtient pour évaluation finale de
sensibilité le niveau de vérité correspondant à l’échelon « vrai » de E (aucune sous-microrégion n’est qualifiée de zone sensible).
Ce résultat n’est pas surprenant mais tout à fait « naturel » et ceci pour plusieurs raisons :
1).
On pourrait penser dans un premier temps que cet état de fait est directement lié à la méthode d’agrégation utilisée. En
effet, sachant qu’il est pratiquement peu envisageable de rencontrer un expert (x) qui saurait évaluer les 35 sous-microrégions de
Corse sans jamais rencontrer la moindre difficulté ((x)=vrai), l’échelon de E reflétant la compétence du « meilleur » expert sera
au mieux « presque-vrai ».
A partir de là, il est « mathématiquement » impossible d’obtenir une évaluation finale correspondant à l’échelon « vrai ».
_ Supposons en effet que de la première synthèse (Tableau 3) soient obtenues, pour une sous-microrégion (i) donnée les
évaluations globales : e (e=1...5), eg(i) = « vrai ». On traduit ce résultat comme suit : les cinq experts estiment que la sousmicrorégion (i) correspond complètement à chacun des quatre attributs de notre définition de la sensibilité.
_ Supposons d’autre part que trois des experts aient eu à surmonter quelques difficultés qu’ils auraient toutefois résolues
facilement, soit :
(1) = (2) = (3) = presque-vrai
Tandis que les deux derniers n’auraient pas résolu facilement les quelques difficultés également rencontrées, soit : (4) = (5) =
assez-vrai.
On représente alors, à l’aide du tableau 4, le déroulement de l’agrégation floue de ces éléments et l’évaluation finale de (i)
qui en découle :
e
1
2
3
4
5

v
v
v
v
v
(e) 
pv
pv
pv
av
av
 (min)





pv
pv
pv
av
av
 
f
f
f
f
f
 
eg(i)
eg(i)
 (e)
[(-g)+1]è éch
s(i) = pv 
r(i)=f

g(i)
pv
r*(i) = v 
Ce n’est pourtant pas pour cette raison qu’il ne ressort de notre étude aucune zone sensible. Rappelons que si l’on a choisi
de s’orienter vers cette démarche d’agrégation floue pour synthétiser les évaluations des experts, c’est essentiellement afin de
traiter les 15% environ de cas où l’on a constaté qu’un désaccord important partageait les évaluateurs aux extrémités de l’échelle.
Il semble complètement inutile d’effectuer la procédure sur des évaluations globales d’experts unanimement concordantes.
On constatera d’autre part que, dans notre étude, il était impossible de nous trouver face à un tel cas particulier voire
« extrême » :
2).
La deuxième explication relative à l’absence de zone sensible dans la carte 2, est beaucoup plus naturelle puisqu’elle est
directement liée au critère de sensibilité que l’on souhaitait construire. Il s’agissait effectivement lors de la première réunion de
déterminer les attributs de la sensibilité face à un éventuel développement touristique. Les experts ont rapidement compris, par
exemple, qu’une zone largement constituée de terrains agricoles, de pâturages, de plantations diverses devait alors être considérée
comme une zone sensible puisqu’elle joue déjà un rôle de fournisseur de produits du terroir (produits identitaires) dont on a, à
plusieurs reprises, démontré l’importance pour envisager un développement économique basé sur le tourisme (tel qu’on l’expose
dans ce travail). Les experts ont su, de la même façon, mettre en évidence l’importance des trois autres attributs qu’ils se sont
accordés à retenir, mais à chaque fois pour des raisons différentes. C’est ce qui explique la prise en compte d’attributs souvent
« antagonistes » dans la définition de la sensibilité qui en est ressortie.
A partir de là, on comprend qu’il est très peu probable de se trouver sur le terrain face à une sous-microrégion constituée à la fois :
_ d’une grande quantité de terrains cultivés et autres productions du terroir.
_ d’un patrimoine culturel et historique important.
_ de paysages d’une valeur esthétique et pittoresque remarquable.
_ d’une richesse faunistique et floristique conséquente.
Sérieusement, il serait donc peu crédible de voir nos cinq experts considérer qu’une même zone corresponde à la fois (et
fortement) aux quatre attributs de la sensibilité ainsi définis.
Conséquence sur le plan de la formalisation du traitement des évaluations :
123
En aucun cas le profil d’une sous-microrégion (i) sera tel que j (j=1...4), pj(i)=v. Rappelons que les quatre attributs sont
considérés comme fondamentaux ( g(i)=pj(i) ; j=1...4), il vient alors implicitement :
e, i, eg(i) < v.
(Le cas particulier précédemment exposé ne peut donc pas se produire dans de telles conditions).
4.2.2. Le cas « Sevi in fora » (01).
On comprend, en se replaçant dans le contexte de cette étude, le choix qui fut le nôtre concernant la sévérité de la
procédure aboutissant à l’évaluation d’une zone sensible. En effet, il ne faut pas perdre de vue que c’est la volonté de proposer une
orientation de développement touristique adaptée aux spécificités des différentes zones traitées qui nous a amené à construire ce
critère « sensibilité ». Il ne s’agissait donc pas de nous lancer dans une analyse qui risquait de conduire de manière quasisystèmatique à une protection effrénée des sous-microrégions constituant notre cadre de référence.
Ainsi,
selon
la
procédure d’agrégation employée ici, une sous-microrégion n’obtient pas comme évaluation globale (par expert) « vrai » dès
qu’elle correspond fortement à l’un des quatre attributs pris en considération. Au contraire, l’évaluation globale d’une sousmicrorégion n’est autre que sa plus faible correspondance avec l’un des attributs (voir première synthèse, tableaux 3).
Nous avons montré que le contenu sémantique des attributs (tableau 1) rendait peu crédible une évaluation globale égale à
l’échelon « vrai » de l’échelle d’évaluation. Il sera également difficile pour une sous-microrégion d’être qualifiée de zone presquesensible (évaluation finale : « presque-vrai »), pour les mêmes raisons.
Pourtant, la sous-microrégion N°01 : « Sevi in fora » atteint ce résultat.
Il s’agit en effet d’une zone exceptionnellement riche que ce soit sur les plans faunistique et floristique, esthétique et pittoresque ou
au niveau du patrimoine culturel et historique. C’est notamment dans cette sous-microrégion qu’est située la commune de OtaPorto qui (nous le soulignions dans le troisième chapitre) est actuellement de la seule station « Grand Site » de France.
Les experts ne s’y sont pas trompés et l’ont évidemment évaluée en connaissance de cause. Dans ce cas précis l’évaluation a été
« limitée » par le quatrième attribut : « Valorisation identitaire du terroir » puisqu’il serait (honnêtement) incorrecte de considérer
que sa richesse en terrains cultivés ou que sa production agricole engendre une correspondance à cet attribut supérieure à
« presque-vrai ».
Conséquences :
On déduit assez intuitivement qu’un tel résultat doit conduire les décideurs locaux à poursuivre leur action de mise en
valeur de cette sous-microrégion. Le développement d’un tourisme de masse avec une forte implantation d’établissements et de
structures touristiques lourdes serait malvenu puisque celles-ci nuiraient considérablement aux richesses naturelles de la zone.
Comme le demande le contrat de station « grand site », il faudra ici s’employer à maintenir ce territoire en l’état pour préserver cet
avantage naturel. Il pourra être mis en valeur simplement par l’entretient des éventuels sentiers le parcourant (organisation de
visites guidées ou randonnées ; installations d’aires de repos discrets ne détériorant pas l’environnement du site).
Les conclusions que l’on tire du résultat de l’évaluation de la sensibilité de « Sevi in fora » viennent assez naturellement.
On peut, sans risquer de se tromper, penser que le raisonnement que l’on vient de tenir est assez cohérent pour être adopté
unanimement par les responsables locaux.
Nous verrons que les résultats mettant en avant le degré de sensibilité des différentes zones analysées ne sont pas toujours aussi
évident à exploiter.
4.3. Exploitation des résultats.
Il ne s’agit pas ici de dire qu’à tel niveau de sensibilité correspond tel type de développement touristique, mais
simplement de proposer des orientations à envisager en fonction de cette sensibilité afin d’adapter le produit à exploiter à
l’environnement ; c’est à dire aux spécificités de la zone. Comme nous l’avons déduit simplement dans le cas de la sousmicrorégion Sevi in fora.
La sensibilité comme nous l’avons définie ne permet pas de tirer des conclusions rapides sur un avenir économique
éventuel au simple regard de l’évaluation obtenue puisque celle-ci est issue de l’analyse de quatre éléments relativement
antagonistes. Il faudra donc souvent chercher à savoir lequel de ces attributs a plus ou moins influencé le résultat final.
Ainsi, en ce qui concerne les six sous-microrégions « assez-sensibles » (voir carte 2), si l’on se doute que la mise en oeuvre d’un
tourisme de masse aurait des effets négatifs sur leur environnement (à coup sûr « assez-bien » préservé), les raisons n’en sont pas
forcément les mêmes pour chacune d’entre-elles. Et la « conduite à tenir » face à ce résultat ne sera pas non plus identique dans les
six zones. Deux exemples :
_ La Castagniccia (22) est une zone presque intégralement constituée de forêts de châtaigniers presque toutes exploitées (récolte
des châtaignes, production de farine). Elle peut donc être considérée comme une zone garante d’une production « identitaire » de
l’île, assurant l’exploitation de l’une de ces richesses naturelles. Nous avons déjà expliqué l’importance pour une petite région
isolée de disposer de produits identitaires lui conférant une sorte de monopole sur ce produit (un avantage absolu). L’implantation
sur cette zone d’établissements touristiques quels qu'ils soient conduirait très certainement à une perte pour l’ensemble du
territoire.
_ L’Alta Rocca (15) est, elle, une région restée très « sauvage » si elle est qualifiée (après notre étude) de zone assez-sensible, ce
n’est certainement pas de par les exploitations que l’on y trouve, mais plutôt à cause (grâce) de cet aspect sauvage : l’esthétique du
paysage, la qualité de la flore, la présence d’un site archéologique (Calacuccia). Il serait peut-être intéressant pour une telle zone
d’envisager de postuler pour un contrat de station grand site comme Ota-Porto. Cela pourrait aider les responsables de cette sousmicrorégion à la maintenir en l’état, à la sauvegarder.
124
Ces deux exemples suffisent à comprendre que l’analyse effectuée jusqu’ici n’a pas la prétention de déterminer de façon
précise « ce qu’il faut faire exactement » sur l’ensemble du territoire. Même si l’on se doute que les sous-microrégions presquesensibles et assez-sensibles devraient être protégées d’un tout tourisme destructeur, les orientations à choisir pour les sauvegarder
demeurent liées à des spécificités plus pertinentes encore que cette première évaluation.
On rencontrera le même type de difficulté concernant les autres catégories de zone : moyennement, assez peu, presque pas
et non sensibles, puisque l’évaluation laisse à penser que rien ne semble s’opposer à un éventuel développement touristique sur ces
zones, mais elle ne donne en revanche aucune indication quant aux produits touristiques qu’elles sont respectivement disposées à
accueillir et exploiter dans les meilleures conditions. Or, selon nos conclusions précédentes (issues des premiers chapitres), on se
souvient de l’intérêt pour une zone (et plus encore pour l’ensemble d’un territoire) à se spécialiser dans le domaine qu’elle est
naturellement prédisposée à intégrer avec une plus forte espérance de performance. Il sera donc nécessaire pour les zones dont la
faible sensibilité laisse présager une orientation économique liée à l’activité touristique, d’affiner la connaissance de leurs atouts
intrinsèques, c’est à dire d’un plus grand nombre de caractéristiques qui leur sont propres et susceptibles de leur fournir un
avantage certain dans un produit en particulier. Pour reprendre un exemple déjà exposé dans le précédent chapitre, nous avons
montré qu’il est plus intéressant d’un point de vu économique mais aussi environnemental, pour le consommateur comme pour les
décideurs, d’exploiter une structure de type camping dans une zone relativement plus sensible que dans une zone qui ne le serait
pas du tout ; cette dernière étant plus adaptée à recevoir un établissement de type hôtelier sans risquer de détériorer un
environnement « moins délicat » que celui de la première zone.
Il ne faut pas se contenter d’appliquer cette logique aux seuls établissements précités mais au contraire l’élargir aux nombreuses
formes que revêt l’activité touristique. En cherchant à connaître les principaux éléments recherchés par le consommateur dans
chacun de ces produits, on pourra envisager de les exploiter dans des zones disposant de ces atouts et donc les mieux adaptées.
On pourra se rapprocher un peu plus d’une telle indication en effectuant une nouvelle analyse qui aurait pour objet de
répertorier un plus grand nombre de points de vue reflétant certaines caractéristiques des sous-microrégions afin de les comparer
aux différentes caractéristiques recherchées par le consommateur dans tel ou tel produit touristique. On se propose dans le
paragraphe suivant de mettre au point ce type de démarche.
5. Prolongements de l’analyse.
La démarche suivante vise à donner à une sous-microrégion évaluée moyennement à non-sensible (et donc susceptible
d’être développée touristiquement) des éléments quasi prévisionnels puisqu’elle fournira une idée des domaines d’exploitation qui
semblent les plus appropriés au vu toujours de ses spécificités intrinsèques. Elle donnera ainsi une indication sur ce que ses
particularités naturelles lui permettent d’envisager sans risquer de se tromper.
Cette analyse requiert l’utilisation d’un outil statistique très efficace mais qui doit être manipulé avec prudence, nous présenterons
donc avant toute chose l’Analyse en Composante Principale.
5.1. Avertissements.
L’Analyse en Composante Principale (A.C.P.) est une méthode statistique essentiellement descriptive : son objectif est de
représenter sous une forme graphique, le maximum de l’information contenue dans un tableau de données. C’est une méthode
ancienne puisque Hotelling H. fournit une première publication sur ce sujet en 1933 mais c’est Pearson K. qui, dès 1901, en
entrevit les idées essentielles. L’utilisation de cette méthode est cependant récente, c’est l’avènement des ordinateurs en 1960 qui a
permis sa mise en pratique et c’est seulement depuis 1980 et l’apparition de la micro-informatique que l’A.C.P. est de plus en plus
fréquemment utilisée.
Le tableau de données est constitué d’individus et de variables relatives à ces individus. Si le tableau comporte p
variables, les individus peuvent être représentés dans un espace à p dimensions. Le but de l’A.C.P. est de trouver des espaces de
dimensions plus petites dans lesquels il sera possible d’observer au mieux les individus. Les droites et les plans issus de l’A.C.P. ne
sont pas réalisés avec les variables initiales mais avec des indices synthétiques obtenus par ce que les statisticiens appellent des
combinaisons linéaires de ces variables initiales. Parmi tous les indices possibles, l’A.C.P. recherche d’abord celui qui permet de
voir au mieux les individus c’est à dire celui pour lequel la variance des individus est maximale : cet indice est appelé première
composante principale (il donne le premier axe principal). Une certaine proportion de la variation totale des individus est expliquée
par cette composante principale. La même opération est répétée pour obtenir une deuxième composante qui fournira la plus grande
information possible complémentaire de la première (et ainsi de suite). La phase essentielle de l’A.C.P. consiste donc à transformer
les p variables initiales toutes plus ou moins corrélées entre elles en p nouvelles variables non corrélées appelées composantes
principales.
Cet outil, en représentant graphiquement les résultats, semble rendre la tâche de l’utilisateur extrêmement aisée ;or, il est
important de signaler qu’il n’en est rien : la méthode fournit également des tableaux concernant les donnés qu’il est impératif de
consulter, de comprendre, il faut savoir les interpréter. La connaissance des notions de base de la statistique ou de l’économétrie
est nécessaire à la bonne exploitation de la méthode. Il ne faut surtout pas qu’un décideur perçoive dans cette méthode de
traitement de données une méthode miracle où tout est résumé et expliqué sur un plan (sur deux axes).
L’A.C.P. est certes très intéressante et mérite d’être mentionnée dans le cadre du problème qui nous intéresse mais si elle
est choisie comme outil de travail pour mieux analyser les sous-microrégions, elle doit être mise en oeuvre et effectuée par un
« spécialiste » en la matière qui saura faire parler les résultats en évitant les erreurs d’un jugement trop hâtif. Nous soulignerons à
travers un exemple d’utilisation les pièges à éviter, les attentions à porter.
125
5.2. Première phase.
5.2.1. Principe.
L’idée est d’effectuer dans un premier temps, une sorte de redéfinition des différents types de tourisme existants
(présentés dans notre premier chapitre). Définition qui serait en fait déterminée à partir des attentes du consommateur relatives à
chaque type de tourisme et aux caractéristiques que doit contenir une zone pour pouvoir répondre correctement à ces attentes, pour
pouvoir mettre en oeuvre le type de tourisme en question. Les exemples suivants illustrent nos propos :
L’exploitation d’une station de sport d’hiver nécessite un taux d’enneigement conséquent pendant la période hivernale, ce critère
(enneigement) est donc un critère important pour envisager le développement du tourisme « neige » dans une zone. Par contre,
pour le tourisme « balnéaire », une zone devra disposer d’un taux enneigement nul (ou très faible en période hivernale). Pour
déterminer le type de produit qu’une zone est susceptible d’offrir avec succès aux consommateurs, une telle caractéristique à toute
son importance.
Autre exemple, l’aspect pittoresque d’une région (la beauté du paysage) sera recherché par un voyageur adepte du tourisme de
randonnée (des parcours pédestres au milieu d’usines seraient très certainement boudés...). Par contre, cette caractéristique sera
moins importante aux yeux de l’individu venu pour affaire, cette personne la voudra trouver sur le site où il doit se rendre des
hôtels de qualités.
Il s’agira donc dans cette première étape, et pour reprendre des termes employés précédemment, de déterminer le profil de
la zone idéale recherchée par le consommateur friand d’un type de tourisme particulier. Ceci pour les différentes sortes de tourisme
connues. Il faudra prendre en compte un maximum de variables et estimer leurs importances respectives pour le visiteur, le rôle
qu’elles jouent dans la qualité du produit final proposable.
Chaque « objet », qui sont ici les différents types de tourisme, devra être évalué à partir de toutes les variables (les caractéristiques
attendues par le client) intervenant à un moment ou à un autre dans l’évaluation de l’un des objets. Par exemple même si, seul le
tourisme thermal nécessite la présence d’une source d’eau chaude sur le site, la caractéristique « présence d’une source d’eau
chaude » devra être estimée, plus ou moins importante dans l’exploitation de tous les autres objets. Nous verrons que les valeurs
ainsi obtenues constitueront d’une certaine manière les coordonnées des différents objets, c’est à partir de ces critères, de ces
estimations, de ces variables, que l’on pourra par la suite, grâce à l’A.C.P., représenter nos objets sur un graphe.
5.2.2. Les données.
Nous ne nous attarderons pas ici sur la façon dont les critères doivent être évalués, nous avons déjà exposé les différentes
méthodes de collectes des données, leurs avantages et leurs défauts. Nous utiliserons dans l’exemple explicatif de cette partie un
système de notation des critères assez proche de l’échelle de vérité du professeur Fustier vue précédemment, à quelques détails
près. Dans le problème qui nous intéresse, il ne s’agit pas de noter les produits touristiques pour savoir lequel d’entre eux est le
plus performant, c’est évident, le but ici est de les différencier en fonction de certaines variables, les critères, qui correspondent
plus ou moins aux uns et aux autres. Il s’agit donc surtout de les comparer à travers ces variables, c’est pourquoi nous pensons que
l’on pourrait effectuer l’évaluation d’un type de tourisme en estimant le niveau de vérité de propositions telles que « le critère
numéro 1 est important pour ce type de tourisme » ou encore « la variable 1 est recherchée par le client pratiquant ce type de
tourisme » et ceci pour chacune des variables. On répondrait alors par faux, presque-faux, ou tout autre échelon de l’échelle E déjà
rencontrée. Cependant un détail important doit être pris en compte :
En principe, l’Analyse en Composantes Principales ne peut pas prendre en considération des variables qualitatives, il
faudra donc transformer ces niveaux de vérité en note, ce qui enlève il est vrai toute l’essence de l’évaluation. Aussi, nous
choisirons de noter les variables par exemple sur 10 mais en gardant toujours présent à l’esprit que ces notes visent à permettre une
comparaison entre les objets. On pourra finalement noter sur 10 « l’importance du critère j sur la variable i ».
Les données devront être collectées auprès d’experts en tourisme, chercheurs, enseignants, membres d’observatoire du
tourisme, offices et autres catégories de personnel professionnel de ce secteur. Lorsque l’on teste la méthode, on se rend compte
très rapidement que dans l’espoir d’obtenir des résultats fiables, on a tendance à intégrer un maximum de critères, or, cela
complique considérablement la tâche de l’enquêté qui pour chaque nouveau critère aura autant de notes à donner qu’il existe
d’objets à évaluer. On peut éviter ce problème en étudiant avec soins les critères retenus. En effet, en faisant remplir préalablement
un très petit nombre de grilles, l’A.C.P. nous aide à déceler d’éventuels liens entre les critères. Par exemple, si l’on interroge un
expert sur l’importance des critères « tradition » et « patrimoine historique », même si l’on considère au départ qu’il existe entre
ces deux variables une nuance à prendre en compte, au final on s’apercevra que ces données sont « corrélées » c’est à dire qu’elles
sont liées. Un type de tourisme qui requiert de la part d’une zone un fort taux de tradition, demandera également à cette zone d’être
fournie en patrimoine historique. La corrélation peut aussi venir du fait que les experts ont du mal à cerner la nuance entre deux
critères. Quoi qu’il en soit, une étude minutieuse des corrélations permettra d’éliminer des données qui, au bout du compte,
fournissent une information similaire. Notons que deux variables peuvent aussi être corrélées négativement, par exemple, si les
critères « tranquillité » et « fréquentation » seront certainement notés de manière opposée. Dans la plupart des cas, deux critères
corrélés pourront être transformés en un critère unique, simplifiant ainsi la grille à remplir. La grille pourra ainsi être retravaillée et
simplifiée avant d’être distribuée aux experts concernés.
La synthèse des évaluations (des grilles) pourra se faire de différentes manières. On pourra par exemple effectuer pour
chaque note la moyenne des estimations données par les experts. On peut également envisager de demander aux experts de
pondérer les variables en fonction de leur compétence relative aux différents critères estimés, on multipliera la note de l’expert par
le coefficient ainsi obtenu avant d’effectuer la moyenne des notes des experts. Enfin, lors du test que nous avons réalisé, nous
avions choisi d’additionner simplement les notes des différents experts, dans ce cas leurs estimations sont prises en compte au
même niveau ; si l’on a demandé à cinq personnes de noter sur dix les variables, dans la grille de synthèse les variables seront
notées sur cinquante (somme des notes).
126
5.3. L’analyse.
Les données se présenteront finalement sous la forme du tableau suivant dans lequel les objets en ligne, représentent
différents types de tourisme, par exemple « balnéaire ; neige ; culturel ; voile ; affaire » (respectivement notés : b, n, c, v, a), et les
variables (numérotées de 1 à 8) en colonnes, sont les caractéristiques sur la base desquelles on compare les objets :
b
n
c
v
a
I
10
6
2
9
2
II
3
4
7
10
10
III
5
3
2
10
4
IV
0
3
10
5
9
V
9
6
6
10
1
VI
7
7
8
9
7
VII
2
6
10
6
6
VIII
4
10
2
3
0
C’est cette grille qui fera l’objet d’une Analyse en Composantes Principales. On pourra à l’issue de l’A.C.P. observer sur un plan la
disposition des cinq types de tourisme comparés mais également sur le même graphe les huit variables ayant contribué à
l’emplacement des objets :
n
VIII
VII
a
I
VI
b
IV
V
II
v
c
III
La simple observation de ce graphe permet de comprendre l’importance des critères I et V pour le tourisme balnéaire (b),
que ce type de tourisme est plus proche du tourisme voile (v) que de l’activité tourisme culturel (c), etc. On remarque également
que le tourisme neige (n) se distingue nettement des autres et que le critère VIII est très important pour lui alors qu’il ne l’est
pratiquement pas pour les autres. Il pourrait s’agir de la caractéristique « enneigement ».
5.4. Seconde phase.
Ce n’est qu’après avoir réalisé cette première Analyse en Composante Principale qu’interviendra la zone que l’on souhaite
développer. On peut, dans le cadre d’une A.C.P. projeter sur le premier graphe un « objet supplémentaire » afin d’observer sa
façon de se positionner par rapport aux objets déjà présents. Il faudra donc considérer la sous-microrégion à traiter comme s’il
s’agissait d’un nouveau type de tourisme et dresser son profil réel (et non plus idéal) afin de l’intégrer au graphe selon les mêmes
critères ; Il suffira pour cela de noter, de la même façon que pour les autres objets, les variables présentes dans le tableau initial en
fonction de leur importance dans la sous-microrégion. En projetant la zone comme « individu supplémentaire », nous verrons
comment, compte tenu de ses caractéristiques propres, elle vient se positionner par rapport aux différents types de tourisme
existants. Ce nouvel objet ne participe pas activement à l’Analyse, ses caractéristiques ne contribuent pas à la formation des axes.
Il serait malvenu (scientifiquement) d’effectuer une analyse à partir de caractéristiques idéales pour certains objets qui seraient des
types de tourisme, et des caractéristiques réelles (observées) d’un objet qui serait un espace ; les résultats seraient difficiles à
commenter.
n
VIII
VII
a
I
i
VI
b
IV
V
II
v
III
127
c
Sur notre exemple précédent, la zone i vient se positionner à proximité du tourisme d’affaire probablement parce qu’elle
est bien fournie en caractéristiques VI et VII qui sont des caractéristiques propices à un tel type de tourisme : hébergements de
qualité supérieure, ou proximité d’une université (avec salle de conférences) par exemple. Le décideur saura alors que les
spécificités de sa zone sont recherchées par les personnes en tourisme d’affaire ; il pourra envisager d’orienter ses investissements
futurs vers des structures attirant ce type de clientèle.
Le premier graphe obtenu permet à lui seul de donner des indications sur les potentialités d’une infinité de zones. En effet
une fois les différents produits touristiques placés, leurs positions ne varieront plus, quelle que soit la zone « supplémentaire »
projetée (sa projection n’influence en rien la dispersion ou le regroupement des premiers éléments). Il ne sera pas nécessaire de
recommencer la première phase pour analyser par exemple, les différentes sous-microrégions d’une même catégorie de sensibilité
ou d’un même territoire en générale.
Une Analyse en Composantes Principales peut être effectuée avec des logiciels informatiques tels que STAT-ITCF. Cette
démarche permet d’apporter une aide afin d’orienter économiquement l’avenir d’une région vers une production adaptée aux
ressources dont elle dispose. Une telle procédure peut aussi être utilisée pour aider le décideur à choisir le type de contrat (station
grand site, station littorale, etc.) qu’il est le plus susceptible d’obtenir d’après les spécificités de sa zone. Il suffira pour cela de
remplacer les types de tourisme de notre exemple par les différents contrats et les variables par les caractéristiques requises pour
décrocher ces différents contrats.
Les résultats obtenus au cours de la première évaluation de sensibilité des sous-microrégions ayant permis d’effectuer un
redécoupage de notre cadre de référence (la Corse), une première information nous indique si oui ou non il serait judicieux de
développer touristiquement une sous-microrégion, ou s’il serait préférable d’y poursuivre une activité agricole ou simplement de
sauvegarder sa richesse esthétique, naturelle, en la préservant de toute détérioration. La deuxième procédure utilisant l’Analyse en
Composantes Principales donnera des informations plus précises quant aux capacités potentielles d’une sous-microrégion relatives
à ses spécificités économiques et environnementales. Cette dernière pourra ainsi choisir de se spécialiser dans le domaine pour
lequel elle semble être la mieux disposée.
Conclusion.
On aurait pu adopter la démarche inverse en cherchant dans un premier temps à établir (à l’aide de l’A.C.P.) l’existence
éventuelle d’affinités entre les sous-microrégions et les produits touristiques pouvant y être exploités (ceci pour chacune des 35
sous-microrégions) ; Et, dans un second temps étudier les possibilités d’un éventuel rapprochement entre zones de même « profil »
touristique (en s’aidant cette fois de la méthode satisfaction-regret) ceci en vu d’une coopération dans la spécialisation décidée,
destinée (la coopération) par exemple à diminuer les coûts d’investissements nécessaires à la bonne marche de la politique de
développement choisie.
Deux sous-microrégions voisines, prédisposées à recevoir une clientèle de sport d’hiver, l’une disposant d’une zone riche
en sommets enneigés, l’autre englobant les quelques plateaux situés au plus près de ces sommets, pourront s’associer dans un
projet d’implantation d’une station de sport d’hiver en partageant les frais relatifs aux installations sportives et d’hébergement
nécessaires avant de se partager les recettes ainsi engendrées.
128
Conclusion du chapitre IV
Les différents domaines de l’économie, des mathématiques, de l’environnement (géographie, écologie)
fournissent des éléments qui rendent la stratégie de coopération par la spécialisation largement réalisable puisque nous avons vu
dans ce chapitre que toutes ces sciences disposent d’outils que l’on pourra utiliser dans chacune des étapes de la mise en oeuvre de
notre théorie.
Soulignons qu’aujourd’hui la plupart des méthodes de traitement de données peuvent être effectuées à l’aide de logiciels
de plus en plus performants. La méthode Satisfaction-regret peut, elle aussi, être réalisée avec le logiciel DECISIO certes encore
peu connu mais il existe et il fonctionne.
L’exemple d’évaluation donné dans ce chapitre montre que le passage de la théorie à la pratique peut être envisagé assez
sereinement. Le but principal restant toujours d’employer au mieux les richesses naturelles d’un site. Rappelons que ce que l’on
entend par employer au mieux, n’est pas forcément « employer au maximum » mais plutôt « mettre en valeur » et donc tantôt
améliorer, tantôt préserver ces ressources naturelles dans le but d’en user correctement et le plus longtemps possible. Il est parfois
essentiel en économie de savoir « ménager sa monture », ou, pour employer une expression plus adaptée au cas des ressources
naturelles, de savoir protéger « la poule aux oeufs d’or ».
129
CONCLUSION
Toute politique de développement passe par une analyse poussée et méticuleuse des particularités et potentiels du
territoire qu’elle intéresse. Une bonne connaissance des éléments se rapportant au secteur d’activité qui semble pouvoir utiliser au
mieux les capacités naturelles, économiques, sociales et culturelles d’une région, est de la même façon garante de l’efficience
maximale du projet d’organisation économique envisagé. La première partie de cette recherche fait ressortir la forte adéquation
jusque là perceptible entre les petites économies isolées et l’activité touristique. Le travail des décideurs, responsables politiques et
professionnels, sera alors de mettre au point une stratégie de gestion des ressources qui permettra au secteur d’exploitation retenu
de se fondre avec le paysage économique mais aussi environnemental du site. Dans le cadre d’espaces restreints, une totale
adhésion de la population résidente demeure la principale condition au succès d’un éventuel développement touristique. C’est
pourquoi il nous paraît essentiel de rappeler une fois de plus que ce sont les structures et infrastructures du tourisme qu’il faudra
adapter aux particularités du lieu et des autochtones. La première erreur, à ne pas commettre, serait d’établir de nouvelles règles
allant à l’encontre des us et coutumes, du mode de vie en général des résidents.
La nécessité pour de petits territoires isolés de participer et d’être présents sur le marché international est facilement
compréhensible puisqu’il est évident que sans cela le circuit fermé dans lequel s’échangeraient les richesses internes conduirait
inéluctablement à une économie stagnante. Le tourisme permet à ces régions d’augmenter leur richesse, par obtention de devises
étrangères, sous réserve qu’elles ne proviennent pas d’une fuite plus importante de leurs ressources naturelles. Nous avons
démontré dans la seconde partie de ce travail qu’une telle opération est réalisable. Elle passe par une politique de gestion des
ressources naturelles visant à mettre en valeur ces dernières plutôt que de risquer de les dilapider en les exploitant de manière
irresponsable tels des puits sans fond. La théorie des avantages comparatifs de Ricardo et les prolongements qui en sont issus
laissent entrevoir de réelles possibilités pour les régions dont nous parlons de participer au commerce international en se
spécialisant dans le tourisme, activité qui leur permet d’employer au mieux leurs atouts.
Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que cette activité reste très dépendante des variations d’humeur et de goût des
consommateurs. Même si depuis quelques décennies de nombreuses mesures gouvernementales sont venues favoriser sa pratique
(congés payés, déréglementation, etc.), la diversité de l’offre ne peut être exclue du programme d’organisation. La région ne doit
donc surtout pas tenter de se transformer en un produit touristique unique mais, une nouvelle fois, chercher à adapter la diversité de
ses ressources naturelles à autant de produits différents. C’est là une politique régionale qui doit alors voir le jour, proposant aux
zones constituant le territoire de se spécialiser selon leurs spécificités respectives. L’analyse de la demande touristique fondée sur
la nouvelle théorie du consommateur de Lancaster montre que la diversité qui fait la force d’un espace fera alors la joie du visiteur
qui ne sera plus contraint de consommer le produit proposé, mais pourra construire son séjour en combinant les éléments de son
choix, accessibles dans une même région.
Si l’on démontre avec facilité l’intérêt de la spécialisation en termes d’utilité, de préférence, de contentement de la
demande, force est de reconnaître qu’il en est tout autrement pour ce qui concerne son efficience en termes de profit. En effet, la
spécialisation ne portera ses fruits que si elle est pratiquée sur l’intégralité du pays. Or, on se rend compte assez rapidement que la
cohésion entre les multiples décideurs n’est pas forcément rationnellement induite. Les quelques éléments empruntés à la théorie
des jeux nous ont permis de donner des exemples de situations conduisant à une impasse, c’est à dire à l’improbabilité d’une mise
en place « naturelle » de la spécialisation. Celle ci passe donc par une coopération entre les acteurs économiques qui pourra être
imposée ou encouragée selon les moyens employés pour la rendre en tout cas effective.
L’analyse ordonnée des nombreux points à étudier dans l’optique de la mise en oeuvre d’une stratégie de développement
des milieux restreints isolés nous a amenés à dire qu’une politique d’organisation du territoire fondée sur la spécialisation
touristique micro-régionale par la coopération est tout à fait cohérente et qu’elle présente de fait de nombreux avantages aussi bien
pour les acteurs que pour les consommateurs, et ceci, tout en respectant les aspirations et l’environnement des populations locales.
Nous nous sommes de plus attachés dans cette recherche à montrer que sa réelle application « sur le terrain » est envisageable. Les
quelques exemples proposés montrent que des outils existent pour éventuellement faciliter cette application.
Remarquons cependant pour conclure que nous n’avons pas prêté attention à l’aspect « financement » d’un tel projet. Il
serait certes intéressant de se pencher sur les coûts d’implantation des infrastructures, de gestion, d’entretien, de formation et autre.
L’intégration de ces aspects dans notre étude ne s’imposait pas selon nous, puisque la démarche suivie tout au long de ce travail
consiste en répertorier les potentiels existants, les analyser, pour ensuite les employer au mieux. Il s’agissait donc pour nous de
montrer qu’une bonne utilisation des « moyens du bord », et notamment (dans notre sujet) leur mise en valeur, suffit déjà à
s’engager sur la voie d’un développement soutenable et durable. Nous serions satisfait si nos travaux apportaient quelques
éclaircissements sur la méthodologie à suivre pour y parvenir, et permettaient par la suite d’aboutir à des résultats concrets.
130
ANNEXE 1
Estimation des exportations régionales par des méthodes indirectes :
le quotient de localisation.
Polese M. :
«Economie urbaine et régionale : logique spatiale de mutations économiques.», Economica 1994.
Si l’on a en main, pour chaque secteur d’activité économique, des données sur l’emploi des régions ou villes qui
réforment le système national, on peut, par des méthodes indirectes, estimer le niveau des exportations et des importations, ou plus
exactement la part de l’emploi qui leur est attribuable, par secteur et par région. L’avantage de ces méthodes indirectes tient à leur
grande simplicité. Toutefois, les résultatas qu’elles permettent d’obtenir doivent être traités avec la plus grande prudence, car ce
sont, précisément, des « estimations ».
La méthode employée le plus couramment s’appuie sur le calcul du quotient de localisation. En termes simples, c’est un
modèle d’estimation qui compare le nombre d’emplois que compte une activité dans une région donnée à un ensemble de
références, soit, en général, l’emploi de l’activité dans tout le système étudié :
Q1j=100*(E1j/Ej)/(E1/En)
(1)
où
Q1j=Quotient de localisation du secteur d’activité 1 dans la région j,
E1j=Emploi du secteur d’activité 1 dans la région j,
Ej=Emploi total de la région j,
E1=Emploi du secteur d’activité 1 dans l’ensemble des régions (n),
En=Emploi total de l’ensemble des régions (n).
La valeur du quotient exprime le degré de concentration de l’activité dans la région par rapport au territoire de référence
(c’est pourquoi on parle aussi de quotient de concentration) : une valeur supérieure à 1 signifie une concentration plus que
proportionnelle dans la région. Cette information est utile pour comparer la structure économique d’une région (ou ville, ou zone) à
celle d’autres ensembles territoriaux. On peut faire le même type de calcul pour analyser les sous-zones d’une région urbaine. Il est
possible, par ailleurs, de remplacer la variable « emploi » par d’autres indicateurs : population, production, nombre
d’établissements... Bref, la méthode peut servir à plusieurs types d’analyse.
L’utilisation du quotient de localisation pour estimer la structure des exportations repose sur le postulat suivant : une
valeur de Q1j supérieure à 1 signifie que la région est exportatrice ; une valeur inférieure à 1 signifie qu’elle est importatrice. La
formule peut alors se réécrire de la façon suivante:
C1j=[E1j-Ej(E1/En)]
(2)
où
C1j = le nombre d’emplois de la région j attribuables aux exportations de la branche d’activité 1, à condition que C 1j>0.
Si l’on dispose également de données sur la valeur ajoutée par employé et par secteur d’activité (données nationales, en
règle générale), il devient possible de transformer en valeur monétaire les estimations des emplois dus aux exportations, tout en
estimant la structure des importations :
Vij=[E1j-Ej(E1/En)]*P1n
(3)
où : Vij =
_ la valeur (en dollars, etc.) des exportations de la région j dans le secteur d’activité 1, à condition que V ij>0
_ la valeur des importations, à condition que Vij<0,
P1n =
_ la valeur ajoutée (ou PIB) par employé du secteur 1.
Comme tout modèle basé sur la logique du quotient de localisation, celui-ci comporte des limites importantes. Il n’admet
pas qu’une région importe et exporte à la fois les mêmes produits. Les résultats se rapportent toujours à des fluxs nets ; on suppose
de façon implicite que l’exportation n’est possible que si la demande locale est d’abord satisfaite, ce qui amène une sous-estimation
des exportations et du commerce inter-régional en général. On peut contourner ce problème, du moins pour les exportations d’une
région en décidant, après évaluation des résultats, de situer la barre plus bas que Q 1j=1 (dans l’équation 1) ou V1j=0 (dans
l’équation 3).
Parmi les autres prémisses qui sous-tendent le cacul mentionnons les suivantes. On suppose que l’économie du système n
est fermée. Il n’y a ni importation ni exportation hors du système régional analysé. Les résultats auront donc d’autant plus de valeur
que le système analysé couvre un grand territoire (un grand pays) dans lequel le commerce international n’occupe pas une place
importante. Cependant, peu de pays répondent à ce critère. Encore là, le chercheur pourra contourner le problème en se servant de
données sur le commerce international du pays concerné.
On suppose enfin que les structures de consommations sont partout les mêmes (ce qui ne constitue pas, en règle générale,
une contrainte majeure) et que la productivité par secteur d’activité est également la même partout, hypothèse déjà plus restrictive.
A moins de connaître les variations de productivité par région et par secteur d’activité, information rarement disponible, on ne peut
généralement pas modifier cette hypothèse.
131
ANNEXE 2
Théorie des avantages absolus et comparatifs de Smith et Ricardo
1). Adam Smith et l’avantage absolu.
On illustre généralement la théorie des avantages absolus en prenant pour exemple la Grande-Bretagne, que l’on
considérera dans le modèle comme étant l’économie nationale, et le Portugal qui fera office de pays étranger (et dont les facteurs
de production et autres variables s’y rapportant seront caractérisées par le signe : * ). Ces deux pays produisent du vin (produit 1),
et des draps (produit 2). On suppose alors que les coûts de production (évalués en quantité de travail, en heure par exemple)
incorporés dans une unité de bien sont pour chacun des pays les suivants :
Coût unitaire de
chaque bien en
termes de travail
Vin (1)
Drap (2)
Grande-Bretagne
Portugal
100
20
80
40
Dans ce cas, on note que pour la Grande-Bretagne 20 heures de travail suffisent à la fabrication d’un drap, qui en
nécessite le double au Portugal (40 heures de travail), ce qui implique que la Grande-Bretagne est plus efficiente que le Portugal
dans la production de draps. Le même raisonnement permet de mettre en évidence que le Portugal est lui plus efficient que la
Grande-Bretagne dans la production de vin (80 contre 100). Smith présente ces résultats en disant que la Grande-Bretagne dispose
d’un avantage absolu sur le Portugal concernant la fabrication de draps alors que le Portugal dispose, lui, d’un avantage absolu sur
la Grande-Bretagne s’agissant de la fabrication de vin.
Dans ces conditions, les deux pays ont intérêt à échanger en important le bien dans lequel ils sont le moins performant, et
en exportant celui qu’ils produisent mieux que leur partenaire. En effet, la Grande-Bretagne important une unité de vin d’une
valeur de 80 heures de travail au Portugal, fait une économie de 20 heures puisque sa fabrication lui en aurait coûté 100. Le
Portugal gagne également « du temps » en important des draps (selon le même raisonnement).
Cet exemple peut être généralisé en notant les quantités de travail (L) nécessaires par unité produite (X), et en appelant (a)
les rapports d’input/output. On a alors :
L1
L*
 *1
X1 X1
soit
a L1  a *L1
et
L2
L*
 *2
X2 X2
soit
a L2  a *L2
Si L1 / X1  L*1 / X*
1 , c’est qu’il faut plus de travail au pays national qu’au pays étranger pour fabriquer X 1. Le pays
étranger a donc l’avantage absolu pour le bien 1 et le pays national a intérêt à importer ce bien 1.
Si par contre L2 / X2  L*2 / X*
2 , le pays national a l’avantage absolu pour le bien 2.
Il y aura gain quand le produit acheté à l’étranger a un coût relativement moins élevé que celui de la production nationale.
Les conditions de spécialisation peuvent être représentées graphiquement comme suit. On notera toutefois que pour
l’explication graphique, les quantités de travail ne varient pas, se sont les quantités de biens produites (pour une même unité de
travail) qui déterminent l’efficience des fonctions de production (ce qui revient au même) :
132
Représentation graphique des conditions de l’échange
X1
f1*
T*
T
f1
T’*
L1
T’
L
X2
L
f2
f2*
L2
_
_
_
_
L1 et L2 représentent les quantités de travail,
X1 et X2 représentent les quantités de vin (1) et de drap (2) produites,
f1 , f2 , f1*, f2* sont les fonctions de production des biens 1,2 en Grande-Bretagne et au Portugal*,
[T,T’] et [T*,T’*] sont les frontières de possibilités de production de chacun des pays.
On voit que pour une même quantité de travail L, la fonction de production du vin au Portugal (f 1*) est plus efficiente que
celle du pays national (f1) puisqu’elle permet d’en obtenir une quantité plus importante : X 1* se situe sur le graphe au niveau de T*.
Alors que pour le bien 2 (les draps), c’est la fonction de production de la Grande-Bretagne qui est la plus efficiente: X2 (situé en
T’) > X2* (situé en T’*). Le Portugal a donc intérêt à se spécialiser dans la production du vin et la Grande-Bretagne dans la
production de draps.
Pour Adam Smith, seuls les pays possédant un avantage absolu peuvent participer à l’échange. Dans notre exemple, un
pays pour lequel les coûts de production d’une unité de vin et d’une unité de drap (toujours en termes de travail) seraient
respectivement 110 et 50, ne disposerait d’aucun avantage absolu et ne pourrait donc pas participer à l’échange. C’est sur ce point
que David Ricardo est en désaccord avec Smith quand il présente la théorie des avantages comparatifs.
2). David Ricardo, les avantages comparatifs.
Ricardo (« Principes de l’économie politique et de l’impôt », 1817) va démontrer qu’un pays ne bénéficiant d’aucun
avantage absolu pourra néanmoins participer à l’échange international. Pour cela, il propose une spécialisation basée cette fois ci
sur les avantages comparatifs. (Dans l’exemple donné par Ricardo, l’évaluation de la quantité de travail nécessaire à la fabrication
d’un bien n’est pas l’heure de travail mais l’homme-année). Reprenant dans son exemple la fabrication de draps et de vin en
Grande-Bretagne et au Portugal, il donne les évaluations suivantes :
Coût unitaire de
chaque bien en
termes de travail
Vin (1)
Drap (2)
Grande-Bretagne
Portugal
120
100
80
90
Le principe reste le même, on voit que pour fabriquer une unité de vin il faut 120 hommes-année en Grande-Bretagne et
80 au Portugal tandis que pour fabriquer une unité de drap, il faut 100 hommes-année en Grande-Bretagne et 90 au Portugal. On
note alors que le Portugal dispose d’un avantage absolu dans la fabrication des deux biens puisque pour chacun d’entre eux, le coût
unitaire de production est plus fort en Grande-Bretagne. Selon Smith, le Portugal n’aurait, dans ce cas, aucun intérêt à échanger
l’un de ces deux produits avec la Grande-Bretagne.
Ricardo s’intéresse alors aux coûts comparatifs et constate que le coût comparatif du drap par rapport au vin est moins
élevé en Grande-Bretagne qu’au Portugal : 100/120<90/80 (0,83 est préférable à 1,12 en termes de coût). Dans le même temps, on
note que le coût comparatif du vin par rapport au drap est moins élevé au Portugal qu’en Grande-Bretagne : 80/90<120/100 (0,88
est préférable à 1,2 en termes de coût). Chaque pays devrait alors se spécialiser dans la production du bien pour lequel il a un
avantage comparatif, c’est à dire celui qu’il sait le mieux faire, celui qu’il fabrique au moindre coût comparé et pour lequel il a la
meilleure productivité du travail. A savoir, le vin pour le Portugal et le drap pour la Grande-Bretagne.
133
Le principe se modélise comme suit :
Hypothèses : On considère deux pays, le national et l’étranger (*), et deux biens (1 et 2) ; Un facteur de production homogène (le
travail) et mobile entre les deux secteurs (identité intersectorielle du taux de salaire) et des coûts constants quel que soit le niveau
de production.
Reprenant les mêmes notations que précédemment, on aura encore : aLi=Li/Xi coefficient d’input-output (le rapport
inverse ALi=Xi/ Li représente la productivité du travail) on obtient les prix d’offre interne qui sont égaux au coefficient d’inputoutput multiplié par le taux de salaire (noté w) :
P1  w.a L1
et
P2  w.a L2
P1 w.a L1 a L1


P2 w.a L2 a L2
soit
P1* w.a *L1 a *L1


P2* w.a *L2 a *L2
Pour le pays étranger :
Dans l’exemple numérique précédent, on obtient :
a *L1 a L1

a L2
a*
a *L1 a *L2

a L1 a L2
ou encore :
L2
Le Portugal (pays étranger noté * ) a un avantage comparatif dans la fabrication du vin (produit 1) et la Grande-Bretagne
(pays national) dans celle du drap (produit 2).
Les termes de l’échange international
P1 P 2 s’établiront entre les deux rapports de prix internes tel que :
a *L1 P 1 a L1
P 1 P1
1




soit
P2* P 2 P2
a *L2 P 2 a L2
P1
Dans l’exemple chiffré développé précédemment on obtient : 0,88 
 1,2
P2
P*
Si la spécialisation internationale se généralise, elle entraîne une nouvelle allocation du travail dans le secteur pour lequel
le pays a un avantage comparatif. Le gain à l’échange pour chaque pays vient alors du fait que le facteur travail est utilisé au
maximum dans le secteur où la productivité est la plus importante, pour le produit que l’on sait le mieux faire (meilleure utilisation
du facteur de production : travail). On peut formaliser ce résultat en gardant les données de l’exemple déjà évoqué :
Supposons qu’une quantité de chaque bien (drap et vin) est produite et consommée dans chaque pays (nous verrons que la
répartition mondiale des activités ne dépend pas uniquement des conditions de l’offre de production, mais que la demande doit
aussi être prise en compte). Sans la spécialisation, chaque pays produit une unité de chaque bien, le coût total est de 220 pour la
Grande-Bretagne et de 170 pour le Portugal. Avec spécialisation, la Grande-Bretagne doit produire les deux unités de drap (qu’elle
fait comparativement le mieux), ce qui nécessite 200 unités de travail ; tandis que le Portugal doit, lui, produire les deux unités de
vin (domaine dans lequel il est le plus performant, où son avantage absolu est encore plus écrasant), ce qui engendre pour lui un
coût de 160 unités de travail. Soit le tableau suivant :
Coût unitaire de chaque bien
en termes de travail
Grande-Bretagne
Portugal
Spécialisation :
Sans
Avec
Sans
Avec
Vin (1)
120
0
80
160
Drap (2)
100
200
90
0
Coût mondial pour 2
unités de chaque bien
Gain en unités de travail
220
200
170
20
160
10
La production des biens de cette économie (englobant les deux pays) est inchangée (deux unités de chaque bien), la
spécialisation a permis une économie de 20+10=30 unités de travail.
134
ANNEXE 3
Fixation des prix des biens échangés.
Mucchielli Jean-Louis : « Economie Internationale ». Dalloz. 1990.
Mucchielli (1990) expose clairement les modalités de fixation des prix des biens échangés à l’aide du graphe suivant :
P1/P2
a*L
1
———
a*L2
O
D3
D2
aL
1
——
aL2
D1
L/aL
L*/aL*
1
—————
2
Q
1+Q*1
—————
Q2+Q*2
Sont représentés ici, les segments d’offre du bien 1 correspondant en fait aux quantités possibles produites dans chaque
*
pays aux coûts relatifs a *
L1 / a L2 et a L1 / a L2 . Ces deux segments donnent la droite brisée O.
La courbe D représente la demande mondiale relative du bien 1, elle a les caractéristiques d’une fonction de demande classique
(dD/dP<0).
L’intersection de ces deux droites permet d’établir le prix international relatif du bien 1. Ce prix se situera entre les deux
rapports de prix relatifs internes (cas par exemple de l’intersection entre O et D 2) ou bien sera égal à l’un d’entre eux (cas par
exemple de l’intersection entre O et D3).
Le gain à l’échange sera alors égal à la différence existant entre le rapport d’échange interne et le rapport d’échange
international du produit considéré. Plus le second sera éloigné du premier et plus le gain sera important.
Pour le pays national, cet écart sera le plus grand lorsque le rapport international sera égal au rapport interne du pays
*
étranger, soit : P  a*
L1 / a L2 . Ceci correspond à la situation où la demande pour le produit 1, dans lequel le pays national a un
avantage comparatif, est très forte ; le prix international est alors égal au prix interne le plus élevé. A l’inverse, si la demande est
très peu élevée, le prix international sera égal au prix interne du pays national et celui-ci ne dégagera aucun gain à l’échange
international.
On peut expliciter cet exposé de Mucchielli en reprenant les données de l’exemple traité jusqu’ici :
Grande-Bretagne
Portugal
Vin (1)
120
80
Drap (2)
100
90
Coût relatif vin/drap
P1 / P2  1,2
P2 / P1  0,83
P1* / P2*  0,89
P2* / P1*  1,125
Coût relatif drap/vin
Ici, si la demande de drap est très forte, le prix (sur le marché international) sera proche de celui du pays où il est le plus
élevé (1,125 au Portugal), par exemple si P 2 / P 1  1,1, le gain (national) de la Grande-Bretagne concernant le commerce du
drap sera de 0,27 à la vente (1,1-0,83) alors que le gain du Portugal à l’achat ne sera que de 0,025.
Par contre, si la demande en drap est très faible, le prix (sur le marché international) sera proche du pays où il est le moins
élevé (0,83 en Grande-Bretagne) soit pour P 2 / P 1  0,9 un gain à la vente pour la Grande-Bretagne de seulement 0,07 mais un
gain à l’achat de 0,225 pour le Portugal impliquant cette fois ci une moindre « rémunération » de la spécialisation nationale (G-B)
dans son avantage comparatif (le drap).
En fait, il n’y aura répartition égale du gain à l’échange que dans le cas (particulier) où la demande est telle que le prix du
marché international s’établira à
P 2 P2 P1  P2* P1*

(ici : 0,9775 pour un gain de 0,1475).
2
P1
Si la demande mondiale de draps est faible et inférieure à la capacité de production de la Grande-Bretagne, le surplus
provenant de sa spécialisation complète engendrera une baisse des prix relatifs au niveau le plus bas et par là même l’improbabilité
135
d’un éventuel bénéfice à l’échange. Et même si la spécialisation n’est pas complète, le gain à l’échange est cette fois remis en cause
par sa production de vin à des coûts plus élevés qu’au Portugal.
Par contre, si la demande mondiale de draps est très forte et supérieure à la capacité de production de la Grande-Bretagne,
le Portugal sera obligé d’en produire lui aussi empiétant de ce fait sur sa production de vin, d’où une fixation du prix relatif
international du drap par rapport au vin au niveau le plus élevé impliquant l’absence de gain à l’échange pour le Portugal.
« Ces différences de demande peuvent être liées aux caractéristiques des biens, (biens primaires dont la demande relative
baisse avec l’élévation du niveau de vie, par rapport aux biens manufacturés) ou aux différences de taille des pays. Dans le
premier cas, les spécialisations sur les biens primaires sont peu porteuses de gains. Dans le second cas, le petit pays, qui peut se
spécialiser totalement, au contraire du grand pays, gagnera plus à l’échange. Ce dernier phénomène est connu sous le nom du
paradoxe du petit pays » (Mucchielli 1990).
136
ANNEXE 4
Les hypothèses du modèle des dotations factorielles.
H1
Deux pays A et B ne diffèrent que par l’importance de leurs dotations factorielles relatives. Ces pays produisent
et consomment deux catégories de biens homogènes X1 et X2. Les facteurs de productions utilisés K et L sont homogènes.
H2
Les intensités relatives en capital (ou en travail) de X1 et X2 sont distinctes, par exemple : la production de X1
sera relativement plus capitalistique par rapport au travail que celle de X 2.
H3
Les facteurs de production disponibles en quantités fixes sont utilisés au plein emploi dans la production et de
façon optimale, K=K1+K2 et L=L1+L2. Chaque pays produit des deux biens, il y a donc spécialisation internationale incomplète.
H4
Les fonctions de production pour chaque produit sont identiques sur le plan international, homogènes, de degré 1,
à rendements d’échelle constants et à productivité marginale décroissante.
X1 = F(L1 , K1) = L1 f(k1) avec k1 = K1 / L1
X2 = G(L2 , K2) = L2 g(k2) avec k2 = K2 / L2
Les intensités factorielles sont non réversibles quels que soient les prix relatifs des facteurs.
H5
Les préférences des consommateurs sont identiques de pays à pays. Elles sont caractérisées par une utilité
marginale de chaque bien, constamment décroissante.
H6
Seuls les produits ou les services sont échangés sur le plan international. Les facteurs de production sont
immobiles de pays à pays.
Dans ces conditions, on représente la situation d’équilibre autarcique, situation d’équilibre d’un pays en isolement comme
suit :
Y
I
Ymax
E
y
II
Tg
0
x
Xmax
X
Situation d’équilibre autarcique
Toute combinaison de biens (X,Y) doit assurer le plein emploi des facteurs de production et donc se situer sur la courbe
de possibilités de production (Ymax , Xmax).
Toute la production de X et de Y doit être consommée et la combinaison (X,Y) doit procurer le maximum d’utilité à la
collectivité donc se situer sur la courbe d’indifférence collective la plus élevée possible (ici II plutôt que I).
Au point E, la combinaison (x,y) répond à ces impératifs.
La droite (Tg) issue de E, tangente à la fois à la frontière de production et à la courbe d’indifférence II est appelée ligne
d’échange en isolement. Le point E correspond au rapport des prix Px/Py, c’est le rapport d’échange interne, on l’appel aussi coût
d’opportunité du bien x par rapport au bien y ou taux marginal de substitution de x par rapport à y. Au point E ce rapport de prix
correspond au prix d’équilibre en isolement.
137
ANNEXE 5
Un cas type de solution par élimination des stratégies dominées :
le dilemme du prisonnier.
Bernard Guerrien :
« La théorie des jeux », Economica 1995.
Le « dilemme du prisonnier » est un type de jeu où des individus ont intérêt à s’entendre, plutôt qu’à ne pas s’entendre,
mais où chacun peut gagner à ne pas respecter un éventuel accord, si les autres s’y tiennent. Tel est le cas lorsque deux suspects
sont incités à se dénoncer l’un l’autre, cas illustré par le tableau suivant :
(gain A, gain B)
B se tait
B dénonce A
A se tait
(2,1)
(-5,4)
A dénonce B
(3,-2)
(-2,-1)
On vérifie immédiatement que, pour chaque joueurs, la stratégie consistant à se taire est dominée par celle consistant à
dénoncer l’autre. Par conséquent, la méthode d’élimination des stratégies dominées conduit ici à une solution unique : A et B se
dénoncent mutuellement. Solution inefficiente, bien entendu (A et B gagneraient à se taire tous deux), mais inévitable si on adopte
un strict point de vue individualiste (chacun a intérêt à dénoncer l’autre, si celui-ci se tait).
Des situations du type dilemme du prisonnier sont fréquentes en économie : cas d’une duopole (ou d’un oligopole) avec
fixation de quotas pour obtenir un prix de vente plus élevé, mais où chacun est tenté de produire plus que son quota tout en
bénéficiant du prix « avec quotas » ; cas d’entreprises se lançant dans des campagnes publicitaires coûteuses et qui se neutralissent
mutuellement ; cas d’un bien collectif dont chacun voudrait bénéficier sans contribuer à son financement etc.
138
ANNEXE 6
Le choix du découpage.
Serra Denis :
« Développement touristique corse : vers une spécialisation micro-régionale ».
Mémoire de maîtrise, Université de Corse, 1994.
La Corse : « Un territoire cloisonné ».
Les réalités économiques et démographiques de la Corse ne sauraient être contenues dans une seule image globale.
L’INSEE dresse le portrait de dix-neuf micro-régions insulaires.
Les transformations qui ont affecté l’espace insulaire depuis le début des années soixante ont contribué à remettre en
cause les équilibres géographiques anciens. En effet, ceux-ci étaient fondés essentiellement sur les nécessités d’une agriculture
agro-pastorale désormais marginalisée. Si l’histoire et la géographie pèsent encore de tout leur poids, l’urbanisation et le
développement des emplois du tertiaire ont cependant créé de nouveaux bassins de vie.
Ainsi, la première partition du territoire corse est directement liée à la géographie. De fait, les aménagements humains
correspondaient souvent au découpage hydrographique, les relations de vallée à vallée étant difficiles ou inexistantes à certaines
périodes de l’année. Malgré l’amélioration des moyens de transport, ce découpage traditionnel est toujours pertinent pour les
espaces organisés autour de fleuves tels que le Taravo ou le Golo.
Le souvenir des « piève ».
Ancêtres des cantons, les pieve de l’Ancien Régime constituent un autre élément essentiel qui a fortement contribué à
façonner l’espace. Les pieve ont conservé dans la Corse d’aujourd’hui ce que l’on appelle une conscience de soit, sentiment
d’enracinement dans une communauté plus large que celle du village. Une donnée sociologique qui survit à l’urbanisation d’une
partie croissante de la population.
Conçues comme un découpage administratif et religieux, les pieve constituaient également des territoires économiques à
part entière. Leur production, souvent complémentaires les unes par rapport aux autres, donnaient lieu à des échanges importants.
Les Niolins échangeaient des fromages contre de la farine de châtaigne venant de Castagniccia, ils partaient aux mois de févriermars sur les routes et les chemins pour vendre des porcelets. Les Tragulini Balanins allaient dans toute la Corse vendre leur huile ».
Un glissement vers le littoral.
La récession démographique de l’intérieur et le développement des zones littorales ont bouleversé profondément
l’équilibre traditionnel des pieve. C’est ainsi que les zones les plus peuplées et les plus riches au XIXème siècle, telles par exemple
la Castagniccia, se sont progressivement dépeuplées au profit des villes et des anciens hameaux du littoral.
A cette évolution démographique se juxtapose une nouvelle répartition des activités économiques dans laquelle
l’agriculture agro-pastorale laisse la place au développement des activités tertiaires, notamment du tourisme.
Un découpage en dix-neuf zones.
L’INSEE a donc été conduit à définir de nouvelles entités infra-régionales. Les critères retenus sont, avant tout, d’ordre
économique : les limites administratives (canton, commune) n’ont pas été prises en compte à priori. Seules ont été retenues celles
qui reflètent la réalité économique actuelle. Ainsi, certaines communes telles que Zonza et Grosseto-Prugna ont été éclatées dans
deux micro-régions différentes. La limite départementale a été généralement conservée. Avec une exception cependant : plus
tournée vers Ghisonaccia que vers Porto-Vecchio, la commune de Sari-Solenzara, située en Corse-du-Sud, a été incluse dans la
micro-région du Travo (Haute-Corse).
Les étapes qui ont conduit au découpage actuel sont les suivantes :
_ Analyse de l’attraction exercée par certaines communes ou hameaux (source : inventaire communal). Ces pôles microrégionaux concentre la plupart des équipements nécessaires aux habitants des communes voisines qui en sont dépourvues.
L’ensemble de la zone peut ainsi être assimilé à un espace économique relativement homogène.
_ Confrontation de la carte établie à partir de l’inventaire communal avec les SIVOM (Syndicats Intercommunaux à
Vocations Multiples), notamment les plus actifs d’entre eux.
_ Prise en compte des migrations alternantes (trajets domicile-travail) dans le recensement. (Economie Corse N°57.
INSEE 91)
D’après ces mêmes critères, l’INSEE à effectué un deuxième découpage « sous-micro-régional » en trente-cinq zones ; c’est ce
dernier découpage que nous utilisons pour l’étude d’évaluation multi-critères.
139
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145
TABLE DES MATIERES
Remerciements
Sommaire
002
003
004
Introduction
PREMIERE PARTIE : TOURISME ET DEVELOPPEMENT
CHAPITRE I
Du tourisme en général et de ses particularités.
Section 1 : L’activité « Tourisme ».
1. Historique.
1.1. Les premiers signes.
1.2. Du XVI ème au XVIII ème siècle.
1.3. 1800-1950.
1.4 L’explosion contemporaine.
2. La diversification des formes de tourisme.
2.1. Le tourisme balnéaire et nautique
2.2. La montagne.
2.3. Le tourisme rural.
2.4. Le tourisme ludique.
2.5. Le tourisme culturel.
2.6. Tourisme scientifique et technique.
2.7. Tourisme d'affaires.
2.8. Tourisme sportif.
2.9. Tourisme de santé.
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Section 2 : Les propriétés du tourisme.
1. Quelques principes de base de l’économie du tourisme.
1.1. Les activités marchandes de l’industrie touristiques.
1.2. Les agrégats touristiques.
1.3. Le multiplicateur touristique.
2. Le « produit touristique » : bien ou service ?
2.1. La non stockabilité.
2.2. Simultanéité entre production et consommation.
2.3. Immatérialité.
3. Effets des particularités du produits touristique.
3.1. Formation des prix.
3.2. Concurrence.
Section 3 : Les acteurs et leurs rôles.
1. Les acteurs du tourisme.
1.1. Au niveau régional.
1.2. Le tourisme au Conseil général.
1.3. Les acteurs locaux.
2. Répartition des rôles.
2.1. Un mode de régulation territoriale.
2.2. Un désengagement de l’Etat.
2.3. La montée en puissance des communautés Européennes.
2.4. L'affirmation des collectivités locales.
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027
CHAPITRE II
Développement touristique.
Section 1 : Particularités des petites économies insulaires.
1. L’isolement géographique.
1.1. Le transport.
1.2. Les économies d’échelle.
1.3. Effets indirectement induits par l’isolement géographique.
2. Importance de la diversification et autres spécificités.
2.1. Diversification.
2.2. Autres spécificités.
3. Les atouts des petites économies insulaires.
3.1. Les ressources naturelles.
3.2. Le patrimoine historique, artistique et culturel.
3.3. Transformer les atouts en avantages.
Section 2 : Des possibilités de développement.
1. Un secteur qui évolue.
1.1. Des facteurs externes.
1.2. Facteurs internes d’évolution du secteur tourisme.
1.3. Des innovations.
2. Maximiser sous contraintes.
2.1. Contraintes économiques.
2.2. Contraintes sociales, environnementales.
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Section 3 : Eléments d’économie régionale.
1. La théorie de la base.
2. Le développement endogène.
2.1. Principe et origine.
2.2. Composantes.
3. Le développement identitaire.
3.1. Des fondements « endogènes ».
3.2. Tourisme identitaire.
4. La coopération régionale.
4.1. La coopération locale.
4.2. La coopération régionale « étendue ».
4.3. Prolongements de la coopération inter-îles.
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SECONDE PARTIE : DEVELOPPEMENT TOURISTIQUE DURABLE
CHAPITRE III
La spécialisation : Une forme de coopération.
Section 1 : Principes d’économie internationale.
1. Les différents courants.
2. Les apports de Ricardo.
2.1. Adam Smith et l’avantage absolu.
2.2. David Ricardo, les avantages comparatifs.
2.3. Coûts comparatifs et tourisme international.
3. Rôle de la demande dans l’échange international.
3.1. Analyse de la répartition des gains entre les pays.
3.2. La demande, déterminant essentiel du tourisme international.
4. La théorie des dotations factorielles.
4.1. Le modèle heckscher-Ohlin.
4.2. Dotations factorielles et tourisme.
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Section 2 : La spécialisation micro-régionale.
1. La théorie des « flux comparatifs ».
1.1. Quelques définitions.
1.2. Les hypothèses.
1.3. Le modèle des Flux relatif.
2. Extensions de la théorie.
2.1. Origine du gain.
2.2. Des intérêts multiples.
3. Comportements du consommateur.
3.1. Une nouvelle approche de la théorie du consommateur.
3.2. Les choix efficients.
3.3. Choix d’un produit final.
3.4. Une conséquence particulière.
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Section 3 : Analyse du comportement des « décideurs ».
1. Prise de décision.
1.1. Eléments de la théorie des jeux.
1.2. Premier jeu.
1.3. Second jeu.
2. Sortir du dilemme.
2.1. Imposer une stratégie.
2.2. La crainte de représailles.
3. Méthodes d’incitation à la spécialisation.
3.1. Mesures à caractère obligatoire de protection et d’aménagement.
3.2. Interventions extérieures au jeu.
3.3. Les contrats.
3.4. Les contrats de station.
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CHAPITRE IV
Méthodes d’application de la stratégie.
Section 1. Evaluation des caractéristiques d’une zone.
1. Méthodes d’évaluation hétérodoxes.
1.1. Les méthodes non économiques.
1.2. Méthodes d’évaluation en économie.
2. L’analyse multicritère.
2.1. Les concepts de base de l’AMD.
3. Méthodes de synthèse d’opinions d’experts.
3.1. L’approche ensembliste traditionnelle.
3.2. Evaluation de notions floues par le « flou ».
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Section 2. Evaluation de la sensibilité d’un territoire.
1. Présentation générale du problème d’évaluation.
1.1. Objectif.
1.2. Les propriétés de l’échelle d’évaluation.
1.3. L’information à traiter.
2. Le modèle satisfaction-regret.
2.1. Objectif, définitions préalables.
2.2. Procédure de synthèse :
3. La démarche évaluative menée sur le terrain.
3.1. Caractérisation de la sous-microrégion de référence (objet idéal).
3.2. Application du modèle aux évaluations attribuées par les experts.
3.3. Application du modèle à l’harmonisation finale des évaluations.
4. Résultats.
4.1. Le nouveau découpage du cadre de référence.
4.2. Analyse des résultats.
4.3. Exploitation des résultats.
5. Prolongements de l’analyse
5.1. Avertissements.
5.2. Première phase.
5.3. L’analyse.
5.4. Seconde phase.
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Conclusion
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Annexes
1). Estimation des exportations régionales : le quotient de localisation.
2). Théorie des avantages absolus et comparatifs de Smith et Ricardo.
3). Fixation des prix des biens échangés.
4). Les hypothèses du modèle des dotations factorielles.
5). Le dilemme du prisonnier.
6). Le choix du découpage.
Bibliographie
Tables des matières
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