1 Valuation techniques applied to tropical forest environmental services: rationale, methods and outcomes Guillaume Lescuyer, CIRAD/CIFOR, Yaoundé, Article presented at the “West and Central Africa tropical forest investment forum: Issues and opportunities for investment in natural tropical forests” sponsored by ITTO August 28-30th 2007, Accra, Ghana Introduction Rares sont les écosystèmes pouvant supporter des pratiques humaines aussi diverses et procurer autant de services que la forêt tropicale. Ses utilisateurs agissent à des niveaux d'action différents et pour des motivations distinctes: du villageois qui y voit une source de produits naturels à l'Etat qui veut y préserver la biodiversité, de l'exploitant qui l'assimile à un stock de ressources ligneuses au Fonds pour l'Environnement Mondial qui saisit l'opportunité d'y stocker du carbone, la forêt tropicale est, par excellence, multi-usages et multi-acteurs. L'objectif d'une gestion soutenable de la forêt consiste à parvenir à la coordination de ces actions afin d'en faire ressortir les complémentarités, tout en maintenant la qualité de l'écosystème. Cela implique la recherche de principes opératoires qui guident la prise de décision. Probablement en raison de l'urgence ressentie à lutter contre la déforestation tropicale, les approches issues des sciences de la nature ont eu une place prédominante dans la définition de stratégies de conservation/utilisation de la forêt. Jusqu'au début des années 1980, ce débat fut largement dominé par les mouvements de conservation de la nature, qui préconisèrent une gestion écologique du milieu. Selon cette approche, c'est sur la base de critères écologiques que sont désignés les espaces naturels à protéger, qui font ensuite l'objet d'une préservation intégrale, les communautés humaines étant reléguées dans des zones périphériques avec des droits d'usage restreints. L'échec de telles approches est aujourd'hui connu (Cernea, 1986 ; Weber, 1996). L'apparition puis l'affirmation du courant de l'économie de l'environnement dans les années 1970 contribua à définir un nouveau mode de gestion de la nature. Aux critères écologiques viennent s'ajouter des critères économiques, qui constituent assez vite un argument majeur de la prise de décision collective: on passe ainsi du modèle d'une gestion écologique de la nature à une gestion économique. Elle est sommairement décrite par Godard (1992) qui y distingue notamment trois spécificités: - la nature y est représentée en tant que bien rare et objet d'une demande sociale; - la problématique de l'action collective revient à mettre en valeur les ressources et à les gérer avec efficacité; - les instruments de politique utilisés sont les mécanismes, les incitations et les contrats économiques. Ce nouvel argumentaire économique exerce une influence grandissante sur la prise de décision en matière de gestion des forêts tropicales. Cette approche est rapidement appropriée par les mouvements écologistes ainsi que par les principaux bailleurs de fonds internationaux, qui y voient un moyen objectif de justifier leurs projets de conservation des ressources dans les pays tropicaux. Raisonnement et hypothèses d’une gestion économique de la forêt tropicale L'analyse économique a pour objectif d'assurer un usage optimal des ressources dont dispose la société, c'est-à-dire allouer ces ressources là où elles seront les mieux employées et rapporteront le 2 maximum de bien-être à la société. Dans ce but, l'analyse coûts-avantages représente actuellement la méthode d'aide à la décision la plus usitée et constitue pour le "décideur" un critère d'efficience économique dans l'utilisation des ressources (Hanley & Spash, 1993 ; Brent, 2006). Son objectif central est d'aider à sélectionner les projets et les stratégies qui sont les plus efficients en termes d'usage des ressources. Le critère le plus souvent appliqué est celui de la valeur actualisée nette (VAN). Il se présente de la manière suivante (en temps discret): T V.A.N. = BDt - CDt / (1+r)t t=1 avec BDt et CDt représentant les bénéfices et les coûts directs du projet pour des périodes t comprises entre 1 et T (durée de vie du projet) et r représentant le taux d’actualisation. L'avantage principal de l'analyse coûts-avantages est de traiter les coûts et les avantages sur une base conceptuelle commune, en les réduisant à des quantités monétaires comparables. Cette démarche est cependant délicate à instrumenter lorsque des actifs naturels sont pris en compte. En effet, de nombreux biens et services disponibles dans l'environnement sont utilisés par la communauté humaine sans que cet usage puisse être assimilé à une consommation marchande. Il ne s'établit pas de prix pour ces biens naturels. Une allocation optimale des ressources naturelles requiert donc de procéder à leur évaluation économique afin qu'elles puissent être pleinement prises en compte. La démarche d'évaluation économique des éléments du système naturel repose sur un corpus théorique qui s'est constitué depuis une vingtaine d'années, surtout dans la littérature anglo-saxonne. Deux axes de recherche ont notamment été développés : - l'un s'attachant à identifier puis à formaliser les différents bénéfices économiques attendus de l'environnement (Munasinghe, 1992). L'agrégation de ces bénéfices forme la "valeur économique totale" d’un actif naturel donné. Celle-ci correspond à la variation du bien-être subie par les agents économiques si ce bien disparaissait et se décompose généralement comme l’indique la figure n°1: Figure 1 : Décomposition de la valeur économique totale VALEUR ECONOMIQUE TOTALE Valeurs d'usage Valeurs de non-usage Valeurs d'usage direct Valeur d'usage indirect Valeurs d'option Valeurs de legs Valeurs d'existence Valeur des biens ou services ayant une utilité directe (consommation ou production) Valeur des biens ou services ayant une utilité indirecte Valeur d'usage futur (direct et indirect) ou de non-usage futur Valeur exprimant la volonté de transmettre aux descendants des valeurs d'usage et de non-usage Valeur attachée au fait de savoir qu'un bien existe - l'autre se concentrant sur les techniques d'évaluation monétaire de ces bénéfices. Il est couramment admis de distinguer entre les méthodes d'évaluation qui reposent sur l'observation des préférences révélées sur un marché réel, celles qui sont révélées sur un marché fictif et les préférences exprimées de manière indirecte (Faucheux & Noël, 1995). Ces techniques d'évaluation environnementale sont employées dans les pays occidentaux depuis les années 1970, mais elles ne sont appliquées dans les pays du sud quelques années (Pearce et al., 2004). 3 Panorama des techniques d’évaluation économique La forêt tropicale fournit donc de multiples biens et services qu’il convient d’estimer pour connaître sa contribution au bien-être humain. L’évaluation de ces différents bénéfices économiques va se faire selon trois modalités, en fonction de la disponibilité de ce bien sur un marché concurrentiel : - dans le cas idéal, le bien environnemental est proposé sur un marché de concurrence pure et parfaite : on considère alors que le prix qui s’exprime sur ce marché correspond à sa valeur économique. C’est par exemple le cas des bois tropicaux qui sont vendus sur le marché international. - il est plus fréquent qu'un actif naturel soit disponible sur un marché qui n'obéit pas pleinement aux règles de la concurrence. Dans ce cas, le prix de marché est une donnée financière et il n'est pas égal à la valeur économique du bien. Il convient de procéder à un certain nombre de rectifications du prix de marché pour obtenir la valeur correcte ("shadow price") du bien environnemental (Garrabé, 1994). La valeur économique du bien environnemental dérive alors d'un prix corrigé de marché. - enfin, pour la majorité des actifs naturels, il n'existe aucun prix de marché spécifique qui permette de fonder l'estimation de leur valeur économique. Il devient nécessaire de recourir à une ou plusieurs techniques d'évaluation économique de l'environnement. Ces méthodes d’évaluation économique de l’environnement relèvent globalement de deux catégories (OCDE, 2002 ; Faucheux & Noël, 1995): - l'évaluation directe d'un actif naturel signifie que sa valeur est estimée à partir des préférences des agents qui s'expriment sous la forme d'une courbe de demande sur le marché. Ces méthodes reposent donc sur l'observation des comportements des agents sur des marchés réels ou hypothétiques. - l'évaluation indirecte n’a pas comme objectif de reconstruire la courbe de demande du bien mais cherche à donner une valeur monétaire à une conséquence physique (positive ou négative) de l'évolution de l'environnement en recourant à des estimations existantes, souvent macroéconomiques. Ces évaluations n'expriment donc pas les préférences des agents économiques et ne sont pas en mesure de fournir la valeur économique théoriquement exacte de l'actif naturel. Ces deux grandes catégories se divisent également en sous-groupes, qui sont présentés dans le tableau n°1 et succinctement décrits ensuite. Tableau 1 : Les méthodes d'évaluation monétaire de l'environnement Evaluation directe Evaluation indirecte préférences révélées préférences exprimées pas de préférence sur marché réel sur marché-substitut sur marché fictif - changement de productivité - prix hédonistes évaluations - méthode dose-effet - dépenses de protection - coûts de transports contingentes - coûts de remplacement - biens substituables L'évaluation économique par les préférences révélées : lorsque les préférences des individus sont exprimées à partir de données constatées sur le marché, on parle de préférences révélées. On distingue cependant les informations disponibles sur un marché réel et celles sur un marché-substitut : Les préférences pour un bien environnemental sont révélées sur un marché réel lorsque le prix d’un bien marchand dépend de manière directe de l'état du milieu naturel. Trois techniques permettent alors d'estimer la valeur de ces bénéfices: Changement de productivité : l'évaluation économique de l'environnement peut être réalisée par l'impact qu'il a sur la production de biens et services marchands. La variation attendue de la quantité produite d'un bien marchand à cause de la dégradation du milieu naturel permet de donner une valeur monétaire minimale à l'actif naturel quand il est conservé. Cette technique d'évaluation est 4 fréquemment utilisée en milieu rural de pays en développement, notamment pour évaluer monétairement les effets d'un changement de l'utilisation des sols. Bojö (1991) utilise, par exemple, cette technique d'évaluation pour apprécier l'utilité sociale d'un programme Farm Improvement with Soil Conservation au Lesotho. La valeur écologique du milieu naturel préservé est estimée à partir de la dégradation attendue de la fertilité des sols sans ce projet (baisse de 1%/an), de la baisse consécutive de la productivité agricole (diminution annuelle de 7kg de maïs et de 8kg de sorgho par hectare), et de la tendance probable des prix de ces deux produits dans le futur (+2%/an pour le maïs, -2%/an pour le sorgho). Ces données de marché permettent alors de fournir une estimation minimale de la valeur de la fonction écologique. Dépenses de protection : l'évaluation économique des actifs naturels peut se faire par l'estimation des dépenses réelles de protection que sont prêts à engager les acteurs économiques pour prévenir la dégradation de l'environnement. A partir des dépenses réelles des ménages, il est possible de tracer une courbe de demande pour la protection contre ces nuisances, mettant en relation la quantité de protection demandée et le prix de cette protection. Biens substituables : si l'on admet que deux biens d'usage équivalent ont des valeurs d'échange comparables, alors la valeur économique d'un actif naturel non-marchand utilisé pour un usage déterminé peut être estimée à partir du prix des biens marchands qui fournissent le même service. On utilisera par exemple le prix des médicaments « modernes » pour donner une valeur économique à des éléments de la pharmacopée traditionnelle qui obtiennent le même résultat curatif. Les préférences sont révélées sur un marché substitut lorsque le prix d’un bien marchand est influencé par la présence d'un bien ou service environnemental non-marchand mais sans qu'une relation directe puisse être établie. Il est alors envisageable de décomposer le prix de ces biens marchands pour connaître la valeur implicite des actifs environnementaux qui y sont incorporés. Sur le marché immobilier, par exemple, le prix des maisons dépend partiellement de la qualité du milieu qui les environne (méthode des prix hédonistes). De la même manière, les dépenses en temps et en argent que consentent des individus pour effectuer une visite à un parc national ou à une source d’eau potable peut permettre d'apprécier la valeur économique qu'ils accordent à cet actif naturel (méthode des coûts de transport). - - - L'évaluation économique par les préférences exprimées par un consommateur sur le marché fictif d’un bien environnemental. Cette technique d’évaluation contingente suit trois étapes: une phase de préparation de l'enquête visant à construire un marché fictif dans lequel l'individu pourra donner une réponse aussi réaliste que possible: les enquêtés doivent pouvoir calquer leurs réponses au scénario hypothétique sur leurs comportements en marchés réels. une phase d'entretien individuel qui, par le biais d’un questionnaire, incite les individus à révéler correctement leurs préférences pour le bien proposé sur le marché hypothétique. Pour cela, il est nécessaire de proposer aux enquêtés un indicateur des préférences (consentement à recevoir ou consentement à payer) et un mode de paiement qui soient réalistes et cohérents avec le scénario hypothétique. une phase de traitement des données qui permet d’estimer, à partir des consentements exprimés, la courbe de demande pour le bien environnemental. Le calcul du consentement moyen nécessite un traitement statistique qui vise à écarter les réponses anormales ou à distinguer les "vraies" des "fausses" réponses nulles. Un second intérêt de l'analyse statistique des réponses est de vérifier que le consentement exprimé pour l'actif naturel est en accord avec les variables socioéconomiques des individus enquêtés. L'évaluation indirecte (pas de préférence): La méthode dose-effet évalue monétairement la variation de la qualité/quantité de l'environnement en observant les conséquences physiques que ce changement entraîne. La démarche est identique à celle de la méthode d'évaluation par le changement de productivité si ce n'est que, dans ce cas, la dégradation de l'environnement ne modifie pas directement la fonction de production des ménages: elle a un impact physique global qui est évalué en recourant à des données monétaires déconnectées de l'expression des préférences individuelles. Cette méthode d'évaluation indirecte présente deux 5 avantages. D'une part, elle est relativement simple à mettre en œuvre puisque, si les données monétaires sont disponibles, elle ne repose que sur une quantification correcte de la relation dose-effet. D'autre part, elle est particulièrement adaptée quand on pense que la population n'est pas consciente des effets qu'entraîne la dégradation de l'environnement. Coûts de remplacement : il est également possible d'estimer la valeur d'un actif naturel à partir du coût qu'il faudrait supporter pour remplacer ses fonctions productives par du capital artificiel. Contrairement à l'évaluation de l'environnement par estimation des dépenses réelles de protection, cette méthode d'évaluation de bénéfice environnemental vise à estimer la dépense potentielle qu'il faudrait accepter pour contrer la dégradation de l'environnement. Un champ d’application croissant L’évaluation économique de l’environnement est aujourd’hui de plus en plus utilisée par les bailleurs internationaux dans le cadre de leurs projets. En 2003 par exemple, la Banque mondiale avait fait réaliser plus d’une centaine d’évaluation économique environnementale, portant pour un tiers sur le secteur « Agriculture, fishery and forestry » (Silva & Pagiola, 2003) (cf. tableau 2). Tableau 2 : Projets de la environnementale Banque mondiale soumis à l’évaluation économique Subsaharan Est Asia and Africa Pacific Europe & Latin Middle East Central America & & North Asia Caribbean Africa South Asia TOTAL Energy 2 6 10 1 0 6 25 Transportation Agriculture, Fishery and Forestry Water and flood protection 5 5 0 3 0 3 16 4 4 7 8 4 5 32 6 8 6 7 5 3 35 TOTAL 17 23 23 19 9 17 108 Mais si les manuels d’application sont nombreux, ils sont encore relativement peu tournés vers les pays du sud. Il existe par contre un nombre substantiel d’études de cas plus ou moins élaborées qui permettent d’établir la fourchette d’estimation des principaux biens et services fournis par la forêt tropicale, soit de manière générale (Pearce & Pearce, 2001), soit spécifique au cas du Cameroun (Ruitenbeek, 1990; Lescuyer, 2000; Yaron, 2001) (Tableau 3) Tableau 3 : Valeurs économiques de la forêt tropicale Forest Good or Service (in discounted Us$/ha or in Us$/ha/yr) Timber General Estimates in Cameroon 200- 4400 560 40 61 NTFPs 0 - 100 41 - 70 Genetic resources 0 - 3000 7 Recreation 2 - 470 19 Watershed benefits 15 - 850 54 - 270 360 - 2200 842 - 2265 Fuelwood Climate benefits 6 Option values 2 -12 3 Non-use values 4400 19 - 32 Si le bois d’œuvre reste une ressource économiquement importante, on voit que certaines fonctions écologiques assurées par la forêt contribuent également de manière non négligeable au bien-être humain et devraient être mieux prises en compte dans les politiques forestières. Les difficultés pratiques de l’évaluation économique de la forêt L’application de ces différentes méthodes d’évaluation à la biodiversité permet, en théorie, de calculer sa valeur économique totale, c’est-à-dire sa contribution au bien-être humain. Toutefois cette démarche exhaustive rencontre de nombreux obstacles dans la réalité, ce qui explique le faible nombre d'études cherchant à estimer la valeur économique totale d’un écosystème ou de tout autre élément de la biodiversité (Lescuyer, 2000). Si le concept de valeur économique totale apparaît donc théoriquement valide, en réalité il n'offre qu'une information partielle et souvent subjective des bénéfices à attendre de l’usage de la biodiversité. Quatre motifs sont généralement invoqués pour expliquer la difficulté de cet exercice : - la valeur économique totale d'un écosystème ne peut être estimée de manière directe que par recours à la méthode d'évaluation contingente, or cette technique est difficile à mettre en œuvre dans des contextes faiblement monétarisés (Lescuyer, 1998). - la quantification monétaire des actifs naturels reste délicate en raison des connaissances partielles que nous avons du fonctionnement des écosystèmes. - il est très fréquent de constater que les hypothèses d'estimation des valeurs économiques sont volontairement minorées ("conservative"): devant l'incertitude de la procédure d'évaluation, l'analyste opte généralement pour une estimation basse des bénéfices tirés de l'environnement. Ce choix révèle la marge de manœuvre dont dispose l'évaluateur pour produire son estimation. - la littérature montre que, en pratique, l'estimation de la valeur économique totale est le résultat non pas de l'agrégation de tous les bénéfices tirés de cet écosystème, mais seulement de certaines valeurs qui ont pu être quantifiées monétairement (Lampietti & Dixon, 1995 ; Nunes & van den Bergh, 2001). La notion de valeur économique totale correspond alors à la somme de quelques valeurs économiques sélectionnées subjectivement par l’évaluateur et non de la totalité des valeurs qui la constituent. Ces difficultés pratiques ne doivent pourtant pas délégitimer le recours à l’évaluation économique de la forêt tropicale. Si l’estimation de la valeur économique totale constitue effectivement un objectif idéal, l’évaluation monétaire de certains avantages tirés de la biodiversité constitue souvent une information importante pour les usagers et/ou les gestionnaires de ces ressources. Au-delà de l’évaluation économique : passer des valeurs aux bénéfices réels Le calcul de la valeur économique totale d’un écosystème, et plus encore des bénéfices respectifs attendus de différents scénarios de gestion d’un écosystème, permet de déterminer l’option d’utilisation économiquement optimale de ces ressources. On entend par là le scénario qui offre le plus de bénéfices nets (bénéfices moins les coûts) à la société dans son ensemble et qui est donc optimale dans l’allocation des ressources rares dont dispose la société. Pourtant un nombre plus ou moins importants de ces bénéfices demeurent virtuels car ils ne font pas l’objet de transactions entre les acteurs économiques. Par exemple, le maintien des stocks de carbone en forêt constitue un bénéfice important lié à la conservation de la forêt mais il n’existe encore aucun instrument permettant de rémunérer ceux qui préservent cette fonction écologique. Ils fournissent en fait à la communauté internationale un service pour lequel ils ne sont pas récompensés. 7 Différents instruments et approches sont aujourd’hui proposés pour rémunérer ces « fournisseurs » de biens et services non-marchands de la forêt tropicale, que celle-ci s’exprime sous formes de biens matériels ou de services environnementaux (Richards, 2000 ; Pagiola et al., 2002 ; Khare & White, 2003) : - des paiements publics directs aux propriétaires privés de terres forestières ou de forêts en contrepartie des services offerts ; - la délivrance de titres de propriété échangeables sur ces biens et services environnementaux, sur le modèle du marché européen de certificat d’émission de gaz carbonique ; - des contrats privés entre demandeurs et offreurs de ces biens et services, par exemple entre communauté et firmes pharmaceutiques ; - l’ écolabelisation de certains biens marchands indiquant leur exploitation durable. Ces approches de concrétisation des biens et services liés à la gestion durable de la forêt tropicale se multiplient. Landell-Mill & Porras (2002) relevaient environ 300 études de cas il y a quelques années, qui portaient principalement sur le carbone, la biodiversité, les bassins versants et le paysage. Ces outils restent encore peu mis en œuvre en Afrique centrale et en l’Afrique de l’Ouest, pour plusieurs raisons (Lescuyer, 2005). Il ne fait aucun doute que ces questions seront au centre des futures débats portant tant sur une gestion durable et multi-ressources des forêts tropicales que sur la lutte contre la pauvreté en milieu rural. Bibliographie Bojö J., 1991. The Economics of Land Degradation: Theory and Applications to Lesotho. Dissertation for the Doctor's Degree in Economics, Stockholm School of Economics, Stockholm Brent R.J., 2006. Applied Cost-Benefit Analysis. Second edition, Edward Elgar, Cheltenham Cernea M. (ed.), 1986. Putting People First: Sociological Variables in Rural Development. World Bank Technical Paper 80, Washington D.C. Faucheux S. & Noël J.F., 1995. Economie des ressources naturelles et de l'environnement. Armand Colin, Paris Garrabé M., 1994. Ingénieurie de l'évaluation économique. Ellipses, Paris Godard O., 1992. Environnement et théorie économique: de l'internalisation des effets externes au développement soutenable. Article présenté au séminaire "Ecologie et environnement", Ecole Nationale de la Magistrature, Paris, 16-20 novembre 1992, 18p Hanley N. & Spash C.L., 1993. Cost-Benefit Analysis and the Environment. Edward Elgar, London Khare A. & White A., 2003. Current Status and Future Potential of Markets for Ecosystem Services of Tropical Forests: An Overview. IITO report, Yokohama Lampietti J.A. & Dixon J.A., 1995. To See the Forest for the Trees: A Guide to Non-timber Forest Benefits. Environment Department Papers n°013, ESD World Bank, Washington D.C. 8 Landell-Mills, N., Porras, I.T., 2002. Silver bullet or fool's gold? A global review of markets for forest environmental services and their impacts on the poor. IIED, London Lescuyer G., 1998. Globalisation of Environmental Monetary Valuation and Sustainable Development. An Experience in the Tropical Forest of Cameroon. International Journal of Sustainable Development, 1(1), 115-33 Lescuyer G., 2000, Evaluation économique et gestion viable de la forêt tropicale. Réflexion sur un mode de coordination des usages d'une forêt de l'est-Cameroun, Thèse en socioéconomie, sous la direction de J.Weber & I.Sachs, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris Lescuyer G., 2005. La biodiversité, un nouveau gombo ? Natures Sciences Sociétés, 13, 31115 Munasinghe M., 1992. Environmental Economics and Valuation in Development Decisionmaking. Environment Working Paper n°51, World Bank, Washington D.C. Nunes P.A.L.D. & van den Bergh J.C.J.M., 2001. Economic Valuation of Biodiversity: Sense or Nonsense? Ecological Economics, 39, 203-22 OCDE, 2002. Manuel d’évaluation de la biodiversité. Guide à l’intention des décideurs. Organisation de Coopération et de Développement Economiques, Paris Pagiola S., Landell-Mills N., Bishop J. (eds), 2002. Selling Forest Environmental Services. Earthscan, London Pearce D. & Pearce C, 2001. The Value of Forest Ecosystems: A Report to the Secretariat Convention on Biological Diversity. University College London, London Pearce D., Pearce C., Palmer C., 2004. Valuing the Environment in Developing Countries. Case Studies. Edward Elgar, Cheltenham Richards, M., 2000. Can Sustainable Tropical Forestry be Made Profitable? The Potential and Limitations of Innovative Incentive Mechanisms, World Development, 28, 6, 1001-16 Ruitenbeek H.J., 1990. The Korup Project: Plan for Developing the Korup National Park and its Support Zone. W.W.F. - UK, London Silva P. & Pagiola S., 2003. A Review of the Valuation of Environmental Costs and Benefits in World Bank Projects. World Bank, Environmental Economic Series, Paper n°94, Washington D.C. Weber J., 1996. Conservation, développement et coordination: peut-on gérer biologiquement le social? Article présenté au Colloque panafricain "Gestion communautaire des ressources naturelles renouvelables et développement durable", 24-27 juin 1996, Hararé, Zimbabwe, 18p Yaron G., 2001. Forest, Plantation Crops or Small-scale Alternatives? An Economic Analysis of Alternative Land Use Options in the Mount Cameroon Area. J. of Environmental Planning and Management, 44(1), 85-108