Dans la démocratie française, en plus d’une appartenance nationale, de droits et devoirs, la
qualité de citoyen inclue aussi « la participation à la vie publique », notamment la participation à la
vie politique. Ce rôle n’est pas seulement défini par l’action (le vote en particulier), mais aussi par
une réflexion qui constitue la matière essentielle du citoyen. Mais en est il toujours ainsi dans la
réalité ?
La réflexion politique semble donc constituer l’essence même du citoyen.
Dans la Grèce antique, la réflexion politique et l’implication dans la vie de la cité semblent
faire partie sinon d’une culture, d’une éducation. En effet, à Athènes, le citoyen est celui qui
participe aux décisions de la cité (lois, guerre, justice, administration) et aux débats sur l’agora. La
cité est donc gérée par l’ensemble des citoyens, qui sont investis de la charge de conduire, de
mener la cité collectivement. La politique de gestion est donc le résultat de délibérations, elle est
l’aboutissement de consensus. Les conditions fondamentales au bon fonctionnement de la
démocratie sont donc une réflexion et un questionnement, certes collectifs, mais avant cela,
nécessairement individuels.
Bien des siècles plus tard, l’émergence des partis politiques, en proposant un programme
destiné à un groupe d’individus particuliers et défini, a structuré ou construit, selon les approches
que l’on considère, la société en classes et a synthétisé les réflexions politiques. Selon D. Truman
qui étudie ce phénomène dans The Governmental Process, political interests and public opinion,
le rôle des partis politiques réside principalement dans le recueil des résultats des compromis,
obtenus par la fragmentation de la société et l’entrecroisement des intérêts. La réflexion politique
individuelle ne se trouve donc plus totalement libre, elle est encadré et incluse dans le discours
d’un parti. Cependant cette structure permet aux citoyens de s’instruire et de compléter leurs
réflexions en leur fournissant matériaux (textes, informations,…) et outils (logique de
raisonnement, méthode d’argumentation,…). Dans les années 1960, A. Campbell et quelques
autres sociologues de l’université de Michigan, théorisent le concept de partisanship, qui définit
l’attachement durable à un parti. Cette stabilité et cette persistance d’opinion permettent, sur le
long terme de continuer à structurer les opinions et intérêts de chaque classe.
Mais, depuis les années 1970, la théorie du partisanship et le principe de fidélité d’un
individu à un parti tendent à être détrompés avec l’apparition du « nouveau citoyen ». P. Norris et
J. Ion prennent pour preuve la complexification, la fragmentation de la société et la multiplication
des revendications (à mettre en rapport avec un accès plus vaste à l’instruction) pour justifier l’idée
que le citoyen n’a plus besoin d’être représenté. À la différence de l’adhérent au parti, qui visait un
programme global et fédérateur, applicable sur le long terme aux grandes causes de la société, le