analyse permettant de montrer que la société est le déterminant de la classe politique et
non pas l’inverse. On peut ici faire appel à Lipset, l’un des auteurs de la problématique
structuraliste. Cette conception de la représentation, prolongement de la conception
marxiste, privilégie le rôle des divisions sociales. Pour Lipset comme pour Marx, les
partis ne sont que des intermédiaires. Les divisions sociales préexistent aux partis et en
sont indépendantes. Nous sommes donc ici en présence d’une théorie inverse à celle
que nous avons vu en première partie. Dans ce cas, les individus ont conscience de leurs
intérêts communs et décident alors de créer un groupe, une division sociale. Cette
division sociale est représentée par un parti qui n’a que le rôle de représenter cette
division, être son délégué. Ce sont les individus qui définissent leur groupe et surtout
les intérêts qu’ils veulent défendre. Les partis n’ont aucun rôle de définition de la
problématique politique, celle-ci est choisie par les différents groupes d’intérêt. Les
citoyens sont donc ici en pleine possession de moyens (la délégation) leur permettant de
s’exprimer au niveau national.
On peut ensuite, tout en considérant que le monde politique est autonome, penser que
les citoyens ont un rôle important de pression sur celui-ci.
Certaines auteurs considèrent que l’autonomie grandissante du monde politique
entraîne l’apparition de nouvelles formes d’action politique, plus directes; qui auraient
pour but d’interpeller le monde politique, de l’influencer par d’autres moyens, étant
donné que les moyens habituels, ceux de la représentation, ne fonctionnent plus.
La problématique du « nouveau citoyen » (Norris) explique que les représentants, de
plus en plus distants, sont rejetés par les citoyens. Ceux-ci peuvent d’autant plus se
séparer de leurs représentants que leur niveau d’instruction augmente, permettant
désormais à chacun d’expliquer ses revendications propres. Selon Norris, les individus
mettent en place une action politique plus ponctuelle et localisée, qui vise à influencer
les dirigeants sur un problème particulier. On voit bien dans ce cas que les citoyens
peuvent avoir une action importante et exercer directement leur participation au monde
politique en définissant eux-mêmes leur problématique politique et en allant la
revendiquer directement auprès des représentants. Darras définit ces nouvelles formes
d’action comme des « actions non conventionnelles », c’est-à-dire qui sont
caractérisées par « la non médiation des acteurs et institutions politiques de la
démocratie représentative ». Ceci va de l’action non violente préméditée ( « la
désobéissance civile, les sit-in, les marches… ») à l’action illégale spontanée
(« lynchage, vandalisme, tags… »).
On peut également citer la théorie de la « démocratie délibérative ». Selon ses auteurs
(Habermas,Fishkin), les représentants sont dépassés et ne peuvent plus représenter
correctement les citoyens. La solution serait alors de laisser ceux-ci s’exprimer
directement au sein des partis. Cette analyse propose donc de faire des partis politiques
des espaces de débat, d’échange de point de vue. Les problèmes communs sont ainsi
débattus par tous, permettant de faire évoluer les points de vue et aboutir à une prise de
décision directe, une délibération collective. Les partis encadrent ce processus et
permettent sa continuité, mais ce sont bien les citoyens qui définissent la problématique
politique. Les auteurs prévoient un remplacement total et inévitable de la démocratie
participative par la démocratie délibérative, cette dernière étant mieux adaptée à
l’autonomisation progressive du monde politique qui entraîne une autonomisation des
actions citoyennes. En effet, elle permet de remettre en relation les deux, ce qui permet
la définition d’une problématique politique plus légitime.
Il semble donc tout a fait possible que les citoyens soient vraiment acteurs du monde