LES ACCIDENTS DE PLONGEE M.C. Barthet, G. Baillé, M. Génestal Centre de Médecine Hyperbare CHU Toulouse-Purpan Résumé : Les accidents de plongée sont souvent mésestimés, voire ignorés. Leur symptomatologie parfois difficile à reconnaître laisse souvent le doute au diagnostic. Leur sévérité en terme de séquelles fonctionnelles impose le recours immédiat au centre de médecine hyperbare le plus proche. Dominés par les accidents de désaturation à symptomatologie neurologique et cochléovestibulaire et par les barotraumatismes liés aux variations de pression du milieu ambiant, ils relèvent d’équipes spécialisées pluridisciplinaires associant médecin hyperbare, ORL et neurologue. La plongée sous marine fait appel à 2 techniques : - la plongée en apnée : méthode simple sans matériel respiratoire qui limite l’autonomie et la profondeur - la plongée dite avec bouteilles : l’air comprimé dans les bouteilles assure une autonomie respiratoire à une profondeur fonction du volume et de la pression des bouteilles de plongée. Ces plongeurs sont soumis à une même loi physique liée à l’augmentation de la pression ambiante. Ces variations de pression sont à l’origine des barotraumatismes. Mais la respiration à une pression supérieure à la pression atmosphérique d’un gaz neutre (principalement l’azote mais aussi l’hélium pour certains plongeurs) engendre les accidents de désaturation. On recense 335 accidents de plongée en 2004 sur l’ensemble du territoire national parmi lesquels 14 ont été traités au centre hyperbare de Toulouse. Ce chiffre n’est probablement pas exhaustif et ce pour 2 raisons : - d’une part la difficulté de reconnaître l’accident de plongée - d’autre part la difficulté de rattacher les signes cliniques à l’activité plongée du patient. Il faut en fait considérer que tout signe clinique principalement neurologique ou ORL, survenant dans les 48 heures suivant une plongée relève d’un accident de plongée jusqu’à preuve du contraire. En effet prés de 70% des accidents surviennent en l’absence d’erreurs de procédures (c’est à dire sans manque de respect des paliers de décompression). De plus celles-ci ne sont pas toujours reconnues par le plongeur qui craint pour son futur certificat de non contre indications. Et pourtant ignorer un accident de plongée peut être lourd de conséquences : que ce soit sur le plan des séquelles qui peuvent être définitives mais également sur le plan des récidives exposant à des accidents souvent plus graves voire mortels. Il est donc intéressant de s’intéresser aux facteurs de risque qui peut être un argument en faveur de l’étiologie : - Les facteurs de risque liés au plongeur : obésité, stress, existence connue ou non d’un shunt cardiaque ou pulmonaire droit-gauche, fatigue souvent liée au caractère festif encadrant les stages ou les séjours de plongée - Les facteurs de risque liée à la plongée : Plongée d’exercice avec de nombreux « yoyos », exercice physique avant, pendant ou après plongée, eau froide. Quels sont les accidents les plus fréquemment rencontrés dans notre région ? L’éloignement de la mer nous permettait d’échapper aux accidents d’emblée graves, mais l’engouement actuel pour les plongées souterraines et la proximité des sites d’explorations spéléologiques nous permettent de penser que nous ne sommes pas à l’abri d’accidents immédiatement graves. I – LES BAROTRAUMATISMES Nous sommes amenés à voir essentiellement les barotraumatismes concernant la sphère ORL. Ceux-ci sont liés aux variations de la pression ambiante et obéissent donc à la loi de Mariotte qui lie de façon inversement proportionnelle les pressions aux volumes. Ils touchent principalement l’oreille moyenne : c’est l’ « otite barotraumatique » : survenant lors de la descente quand la fonction équipressive de la trompe d’Eustache est défectueuse avec échec de la manœuvre de Vasalva. Le plongeur était enrhumé, la descente trop rapide…. Cliniquement, il s’agit d’une otalgie avec hypoacousie, sensation d’oreille bouchée, parfois avec acouphènes. L’examen otoscopique fait le diagnostic et précise l’aspect des lésions selon la classification de Haines et Harris en 5 stades : Stade 1 : rougeur du manche du marteau Stade 2 : rougeur diffuse du tympan qui est rétracté Stade 3 : épanchement séreux Stade 4 : Hémotympan Stade 5 : perforation tympanique Le traitement est médical avec anti-inflammatoires par voie locale, régionale nasale ou générale dans tous les cas, sauf pour le stade 5 où les gouttes auriculaires sont contre indiquées, antibiothérapie en cas de surinfection. Il peut être médical avec paracentèse pour l’hémotympan et tympanoplastie pour la rupture tympanique. L’évolution est en règle générale favorable. La reprise de la plongée peut se faire après cicatrisation tympanique. Les barotraumatismes de l’oreille interne sont beaucoup moins fréquents mais sont plus pourvoyeurs de séquelles fonctionnelles souvent irréversibles. Les hypothèses physiopathologiques sont multiples : - les barotraumatismes mixtes avec atteinte de l’oreille moyenne - les barotraumatismes directs de l’oreille interne : o par coup de piston de l’étrier dans le fenêtre ovale : c’est l’entorse stapédovestibulaire de Plante-Longchamp o par coup de pression au niveau de la fenêtre ronde (voie implosive) o par hyperpression endocranienne du LCR se transmettant aux liquides labyrinthiques en cas de perméabilité congénitale de l’aqueduc cochléaire (voie explosive) Le risque majeur est la fistule péri lymphatique. Cliniquement, on retrouve l’otalgie, mais prédomine l’hypoacousie avec surdité de perception en cas de traumatisme isolé de l’oreille interne (perte prédominant sur les aigus) ou surdité mixte de perception et de transmission en cas d’atteinte associée de l’oreille moyenne. Les vertiges sont fréquents et doivent faire évoquer une fistule perilymphatique s’ils sont positionnels et paroxystiques. Mais leur présence peut faire également évoquer un accident de désaturation cochléovestibulaire. Il s’agit d’une urgence fonctionnelle. Prise en charge dans les 24 heures la récupération est possible, les chances diminuent avec le retard de prise en charge thérapeutique. Il convient de se rapprocher d’un centre ORL et d’un centre hyperbare. Le traitement est médical, associant : corticothérapie à forte dose, vasodilatateurs, hémodilution, oxygénothérapie hyperbare. Le traitement peut être chirurgical dans les cas de fistule périlymphatique qui est objectivée par l’IRM et confirmée par l’exploration chirurgicale La reprise de la plongée ne pourra se faire qu’après récupération avec un minimum de 6 mois d’inaptitude. II – LES ACCIDENTS DE DESATURATION Le dénominateur commun de ces accidents est la formation de bulles de gaz dans l’organisme lors du retour vers la surface du fait de la désaturation des liquides biologiques en gaz neutre. Il s’agit d’une urgence parfois vitale souvent fonctionnelle dont le traitement relève exclusivement d’un centre hyperbare. Parmi ces accidents et selon la classification internationale on distingue : - les accidents de type 1 : bénins, ce sont les accidents cutanés ou ostéoarticulaires. - les accidents de type 2 : ils sont neurologiques, cochléovestibulaires ou cardiorespiratoires. Ce sont les accidents les plus graves, qui nécessitent d’être diagnostiqués et traités le plus rapidement possible. Les accidents neurologiques : ils peuvent résulter de la formation et de la migration des bulles dans le secteur vasculaire - veineux pour les accidents à symptomatologie médullaire, - artériel pour les accidents à symptomatologie cérébrale centrale. Si le classique coup de poignard lombaire, avec rétention d’urine et installation progressive d’une paraplégie est bien connu chez tous les plongeurs qui le redoutent et chez tous les médecins qui reconnaissent alors parfaitement l’accident de plongée, plus difficile est de diagnostiquer les tableaux neurologique plus bâtards. En effet tout peut se voir en terme de paresthésies, dysesthésies, troubles de la motricité, troubles de la sensibilité, altération des réflexes, tableaux dissociés, non systématisés. Ces tableaux difficiles s’installent souvent progressivement, parfois éloignés de 24 à 48 heures de la plongée. L’existence d’une plongée dans le jours précédents l’apparition des symptômes doit imposer un contact urgent avec le centre hyperbare le plus proche. Seul un médecin qualifié en hyperbarie pourra mettre en œuvre un traitement adapté. En effet celui-ci est d’autant plus efficace qu’il est appliqué le plus rapidement possible après l’apparition des symptômes. Il repose essentiellement sur la recompression thérapeutique en caisson hyperbare. La reprise de la plongée sera fonction des séquelles. Dans un premier temps une contre indication initiale de 6 mois sera appliquée. Dans le cas d’un accident central d’origine artérielle, une recherche de shunt droit-gauche par doppler transcranien sera effectuée. Sa présence est une contre indication définitive à la reprise de la plongée. Les accidents cochléovestibulaires ont la même signification que les accidents neurologiques centraux, il s’agit de migration bullaire dans le système artériel. La symptomatologie est essentiellement vestibulaire parfois associée à une composante cochléaire. Survenant dans les heures qui suivent la sortie de l’eau : il s’exprime par une crise vertigineuse avec nausées, vomissement, déviation segmentaire avec trouble de la marche latéralisée et chute du côté de la lésion, nystagmus horizontal du coté opposé, Romberg +. Le traitement doit être mis en place rapidement. Il repose comme tous les accidents de désaturation sur la recompression thérapeutique la plus rapide possible en caisson hyperbare. Rapidement pris en charge la récupération vestibulaire est souvent bonne, les anomalies résiduelles étant souvent compensées par l’adaptation centrale du malade. La reprise de la plongée sera possible à 6 mois en l’absence de séquelles. Au total mal connus, souvent masqués par le patient lui-même, les accidents de plongée sont une réelle urgence thérapeutique. Si les accidents avec un risque vital sont rares sur notre centre, le risque fonctionnel reste une préoccupation majeure devant imposer le recours systématique à un médecin qualifié en hyperbarie au moindre doute diagnostique. Leur traitement et leur suivi associeront plusieurs spécialités autour du médecin hyperbariste telle que les neurologues et les ORL.