Introduction - Presses Universitaires de Rennes

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Introduction
[« La dignité de roi », Hélène Becquet et Bettina Frederking (dir.)]
[Presses universitaires de Rennes, 2009, www.pur-editions.fr]
Hélène Becquet et Bettina Frederking
Ce recueil est né d’un constat qui, pour être simple, ne pose pas moins
problème. Le xixe siècle n’a pas connu moins de trois rois et deux empereurs,
sans parler des multiples faux-Louis XVII ni des prétendants des dynasties
successivement évincées. Or, à en croire nombre d’historiens, la royauté
serait morte avec Louis XVI. Cette mort peut se situer soit au moment
de son procès et de son exécution, comme le suggèrent Michael Walzer et
François Furet 1, soit le 10 août, date de la « chute de la royauté » selon le
livre de Marcel Reinhardt 2, ou encore plus en amont, comme le propose
Mona Ozouf dans son dernier livre Varennes, la mort de la royauté. Cette
dernière conclut: « [Varennes] présente aux yeux de tous la séparation du
roi et de la nation : le premier, tel un vulgaire émigré, a couru clandestinement à la frontière ; la seconde rejette désormais comme dérisoire son
identification au corps du roi, qu’aucune restauration ne parviendra plus
à faire revivre ; par où, bien avant la mise à mort du roi, elle accomplit la
mort de la royauté 3. »
Les travaux consacrés au xix e siècle reflètent souvent cette ligne
d’interprétation dominante : les différentes formes de royauté postrévolutionnaire, notamment celle de la Restauration, sont regardées comme
des anachronismes dans un siècle qui serait celui de l’avènement de la
république. Ce type d’interprétation pèche par excès téléologique puisque la monarchie et la royauté sont mesurées à l’aune de leur échec final.
La compréhension de l’histoire politique du premier xixe siècle est ainsi
1. Michael Walzer, Regicide and Revolution, London, New York, Cambridge University Press, 1974 ;
François Furet, La Révolution, Paris, Hachette, 1988, t. 1, p. 210 notamment : « Grande question,
encore mystérieuse, que de savoir si, en portant Louis XVI à l’échafaud, la Révolution a tranché le
fil d’une royauté vivante, ou mis fin à une institution déjà morte dans l’opinion. Le spectacle de
la vie publique française au xixe siècle inclinerait vers la deuxième hypothèse : à la différence de la
Révolution anglaise, la Révolution française a tué non seulement le roi de France mais la royauté.
En ce sens, même si les conventionnels n’ont fait que transformer en tragédie nationale ce que le
dernier siècle de l’absolutisme avait déjà inscrit au chapitre de l’inévitable, ils ont au moins accompli
ce qui était leur but : arracher la royauté de l’avenir de la nation. »
2. Marcel Reinhard, La chute de la royauté : 10 août 1792, Paris, Gallimard, 1969.
3. Mona Ozouf, Varennes. La mort de la royauté, Paris, Gallimard, 2005, p. 409.
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partiellement biaisée comme le remarquait déjà Arno Mayer, il y a plus
de trente ans 4. Pourquoi lit-on encore l’histoire de la royauté du xixe siècle comme une série de « rejets » successif d’un régime qui ne pourrait
plus s’ancrer en France et non comme une « survivance » pour paraphraser Philippe Ariès 5 ? Il y a à ce phénomène des raisons idéologiques, sans
aucun doute, mais aussi des habitudes méthodologiques dont on peine à
se déprendre.
Ainsi les termes monarchie et royauté sont trop souvent mal distingués.
La notion de « monarchie », étymologiquement le « gouvernement d’un
seul », renvoie d’abord à une classification formelle des régimes politiques
selon le nombre des gouvernants 6. Toutefois, la « monarchie » s’oppose à
la « tyrannie » ou au « despotisme » par le respect des lois et le souci du
bien commun de celui qui gouverne seul, ce qui implique un jugement de
valeur sur la nature du régime 7.
Assurément, la monarchie n’est pas morte avec Louis XVI et aucun historien ne prétendra le contraire. Si mort il y a, c’est celle de la royauté. Mais
cette dernière n’est pas définie clairement. De manière générale, la notion
de royauté est entendue comme si le modèle unique de la royauté était celui
de la royauté de la fin d’Ancien Régime, c’est-à-dire d’une royauté absolue
et sacrée. Or, la notion de royauté ne présuppose a priori ni absolutisme,
ni droit divin, ni même hérédité. La royauté n’est pas une mais multiple,
comme nous espérons pouvoir le montrer dans ce recueil.
L’histoire de la royauté au xixe siècle souffre surtout de l’ombre portée
du régicide qui semble avoir déterminé une fois pour toutes le sort de la
royauté. Dans son analyse du procès de Louis XVI, la seule de cette envergure existant à ce jour, Michael Walzer, assimilant royauté et corps mystique
du roi, explique, en s’inspirant des travaux d’Ernst Kantorowicz 8, que la
mort de Louis XVI, en public et précédée d’un procès, entraîne à la fois la
disparition du corps physique du roi et celle de son corps mystique 9. Ce
serait donc bien la royauté qui serait exécutée et pas seulement le roi. Le régicide annihilerait ainsi jusqu’à la possibilité d’une royauté en France. Cette
explication pose problème, car elle ne tient pas compte de l’évolution du
système monarchique à la fin de l’Ancien Régime : pour que les deux corps
4. Arno J. Mayer, La persistance de l’Ancien Régime. L’Europe de l’Ancien Régime à la Grande guerre,
Paris, Flammarion, 1983, p. 12-13.
5. Philippe Ariès, « La nostalgie du roi », Essais de Mémoire, Paris, Le Seuil, 1993, p. 190.
6. Cf. Philippe Raynaud, « Monarchie », Philippe Raynaud, Stéphane Rials (dir.), Dictionnaire de
philosophie politique, Paris, PUF, 1998, p. 392-400.
7. Ibid.
8. Ernst Hartwig Kantorowicz, Les deux corps du roi : essai sur la théologie politique au Moyen Âge,
Paris, Gallimard, 1989.
9. M. Walzer, op. cit., notamment p. 35-36 ; sur le régicide il n’existe par ailleurs guère que l’article
de Mona Ozouf, « Procès du roi », François Furet, Mona Ozouf (dir.), Dictionnaire critique
de la Révolution française. Événements, Paris, Flammarion, 1992, p. 241-259, qui se place dans la
perspective d’une désacralisation ancienne de la royauté dont le régicide ne serait finalement que
l’aboutissement logique.
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INTRODUCTION
du roi meurent sur l’échafaud, encore faudrait-il que cette constructionlà ait du sens sous Louis XVI 10.
La mort de Louis XVI – qu’elle soit concomitante à la « mort de la
royauté » ou postérieure – est indéniablement une rupture, comme en
témoignent les réactions qu’elle a suscitées. Cependant, cette rupture est
doublement fondatrice. D’une part, elle fonde une tradition républicaine
qui se pense en opposition complète avec la monarchie et l’Ancien Régime,
qui célébrera la « mort du tyran » et fera des anciens conventionnels des figures mythiques. D’autre part, le régicide, comme Michelet l’a bien vu 11, a
pour conséquence la naissance de royalismes, se prétendant ou non héritiers
de l’Ancien Régime mais s’appuyant généralement sur une vision idéalisée
de la monarchie, et contribue, à moyen terme, à la résurrection de la royauté
sous une forme rénovée.
Ce n’est donc pas la royauté, mais une royauté qui est morte avec la
Révolution. La royauté post-révolutionnaire est confrontée à un monde
qui a vécu l’expérience d’autres formes de gouvernement en France et qui
est hanté par le souvenir révolutionnaire. Mais cela suffit-il pour considérer
les rois et empereurs du xixe siècle comme de simples « fantômes » pour
reprendre l’expression de Jaurès, des monarques simples exécutants de la
volonté des Français, dépourvus de toute dignité royale ? Ne faut-il pas voir
en eux plutôt les inventeurs d’un nouveau type de royauté ?
Comment approcher la « royauté » post-révolutionnaire ? La définition
du terme « royauté » dans le dictionnaire de l’Académie française demeure
inchangée de la première édition en 1694 jusqu’à aujourd’hui : la royauté
est « la dignité de roi ». Ce terme de « dignité » renvoie d’abord au domaine
juridique. La notion de dignitas, héritée du droit romain, a été une des
clefs de voûte de la pensée monarchique au Moyen Âge. Le terme dignitas
a d’abord servi à désigner les charges ecclésiastiques pour être transféré, au
xive siècle, à la fonction royale. L’utilisation de cette notion permettait d’affirmer que la royauté était publique – la couronne était ainsi soustraite au
droit privé, essentiellement en ce qui concernait la succession –, permanente
– selon l’expression des juristes, dignitas non moritur –, et impersonnelle – le
roi est un simple administrateur de la dignitas, non son propriétaire. Aux
xive et xve siècles, l’élaboration des lois de dévolution de la couronne de
10. La mise en place de la monarchie absolue met fin à la fiction juridique des deux corps du roi, cf.
Ralph E. Giesey, Cérémonial et puissance souveraine, France XVe-XVIIe siècles, Paris, A. Colin, 1987,
p. 80-87 ; Robert Descimon, Alain Guéry, « Un État des temps modernes ? », André Burguière et
Jacques Revel (dir.), Histoire de la France, vol. 2, L’État et les pouvoirs, Paris, Le Seuil, 1989, p. 232240 ; Alain Boureau remet en cause la thèse même de Kantorowicz : A. Boureau, Le simple corps
du roi. L’impossible sacralité des souverains français XVe-XVIIIe siècles, Paris, Les éditions de Paris, 2000.
Il faut par ailleurs noter que c’est précisément parce qu’il y a incarnation de l’État dans la personne
royale que les conventionnels espéraient mettre fin du même coup à la vie du roi et à la royauté.
11. Jules Michelet, Histoire de la Révolution française, Paris, A. Lemerre, 1888, vol. 6, p. 157.
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France repose ainsi notamment sur le concept juridique de dignitas 12. La
dignité n’est donc pas un vain mot dans le vocabulaire monarchique. Mais
le terme de « dignité » a aussi un sens faible employé au xixe siècle comme
aujourd’hui : « Fonction, titre, ou charge qui donne à quelqu’un un rang
éminent 13. » C’est dans le champ délimité par ces deux définitions que nous
voudrions inscrire notre étude de la royauté.
Les articles réunis ici explorent donc un champ particulier, encore largement en friche, de l’histoire politique du xixe siècle, en en suivant le renouvellement récent 14. À l’exception de celle du Premier Empire, l’histoire
politique de la première moitié du xixe siècle a en effet longtemps été délaissée. Après une longue traversée du désert, la Restauration bénéficie depuis
quelques années d’un regain d’intérêt ainsi que d’une réévaluation : elle
n’est plus considérée simplement comme un anachronisme ou une période
de transition, mais reconnue pour son apport propre 15. La Monarchie de
Juillet, en revanche, reste beaucoup plus négligée par les historiens. À part
un « Que sais-je », il n’y a aucune synthèse récente en français consacrée à
cette période, l’œuvre de référence restant celle de Thureau-Dangin 16.
12. Robert Descimon, Alain Guéry, op. cit., p. 155-156 et p. 194 ; Jacques Krynen, L’empire du roi.
Idées et croyances politiques en France XIIIe-XVesiècles, Paris, Gallimard, 1993, p. 125-135.
13. Dictionnaire de l’Académie française, neuvième édition, 1994, t. 1.
14. Pour la période contemporaine dans son ensemble, celui-ci a consisté notamment à mettre fin à un
cloisonnement trop étroit des disciplines, cf. René Rémond (dir.), Pour une histoire politique, Paris,
Éditions du Seuil, Réed. Points-Histoire, 1996 ; Philippe Poirier, Les enjeux de l’histoire culturelle,
Paris, Éditions du Seuil, 2004 ; Sudhir Hazareesingh, « L’histoire politique face à l’histoire culturelle : état des lieux et perspectives », Revue historique 642, avril 2007, p. 355-368.
15. En témoignent, entre autres, la synthèse d’Emmanuel de Waresquiel et de Benoit Yvert, Histoire
de la Restauration 1814-1830. Naissance de la France moderne, Paris, Perrin, 1996, qui succède
à celle, plus ancienne, de Bertier de Sauvigny ; la parution d’un nouveau « Que sais-je » sur la
Restauration (Jean-Pierre Chaline, La Restauration, Paris, PUF, 1998) ; les recueils Frankreich
1815-1830 : Trauma oder Utopie ? Die Gesellschaft der Restauration und das Erbe der Revolution,
Gudrun Gersmann et Hubertus Kohle (dir.), Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 1993 ; et Repenser la
Restauration, Jean-Yves Mollier, Martine Reid, Jean-Claude Yon (dir.), Paris, Nouveau monde éditions, 2005 ; les numéros spéciaux de la Revue d’histoire du XIXe siècle, La Restauration revisitée – Les
formes de la protestation – Une histoire de l’État, Carole Christen-Lécuyer, Emmanuel Fureix (dir.),
n° 35, 2007 et L’enquête judiciaire et ses récits – Mots, violence et politique – Varia, Carole ChristenLécuyer, Laurent Colantonio, Emmanuel Fureix (dir.), ainsi qu’un nombre croissant de thèses,
articles et livres sur la période, publiés notamment en France, en Allemagne et dans le monde
anglo-saxon.
16. Paul Thureau-Dangin, Histoire de la Monarchie de Juillet, Paris, E. Plon, Nourrit et Cie, 18841892, 7 vol. ; Hervé Robert, La Monarchie de Juillet, Paris, Presses universitaires de France, 1994.
Il faut y ajouter deux ouvrages qui se réfèrent à toute la période de la monarchie constitutionnelle :
André Jardin et André-Jean Tudesq, La France des notables, I, L’évolution générale 1815-1848,
II, La vie de la nation, Paris, Éd. du Seuil, 1973 et Jean-Claude Caron, La France de 1815 à 1848
[1993], Paris, Armand Colin, 2000. L’historiographie anglo-américaine est particulièrement active
sur le sujet, voir Hugh A. C. Collingham, The July Monarchy : a Political History, 1830-1848,
Londres, Longman, 1988 ; Pamela Pilbeam, The Constitutional Monarchy in France 1814-1848,
Londres, Longman 2002 ; Munro Price, The Perilous Crown. France between Revolutions 1814-1848,
Londres, Macmillan 2007. Le traitement inégal du premier xixe siècle se reflète également dans le
secteur biographique : aux innombrables biographies de Napoléon répondent la petite dizaine de
biographies de ses successeurs Bourbons.
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INTRODUCTION
Nous avons choisi d’accorder une place particulière aux individus dans
le cadre de notre étude. En traitant de la « dignité de roi », nous mettons la
personne royale – ce qu’elle incarne ou est censée incarner, mais aussi l’individu spécifique à qui incombe cette tâche et dont la personnalité imprègne
sa version de la « royauté » – au centre de nos préoccupations 17. Chacun
des « rois » post-révolutionnaires est aux prises avec la tâche d’établir la
distance qui sépare un empereur, un « roi de France » ou même un « roi
des Français » de ses sujets, de trouver une nouvelle réponse à la question
de savoir ce qui, en eux, dépasse l’individu et justifierait la transmission
dynastique de leur fonction, les distinguant d’un simple chef d’État, bref,
de répondre à la question « qui t’a fait roi 18 ? » Sans tomber dans un psychologisme de mauvais aloi, faire l’histoire de la royauté, c’est aussi faire
l’histoire des rois et des reines qui sont au cœur de l’institution.
En réunissant des chercheurs travaillant sur l’Empire, la Restauration
et la Monarchie de Juillet, nous avons voulu mieux appréhender le jeu de
miroirs qui se construit en ce début du xixe siècle autour de la personne
royale ; une incursion du côté du Second Empire permet en outre d’apercevoir ce que la royauté des périodes précédentes lègue à la seconde moitié du
xixe siècle. Sans prétendre à l’exhaustivité, ce recueil s’efforce de multiplier
les points de vue sur l’histoire de la royauté.
Nous commençons notre étude de la royauté du premier xixe siècle
avec le Premier Empire. C’est en effet Napoléon qui réhabitue les Français
à la « royauté » et aux formes de représentation du pouvoir qui l’accompagnent. Les articles de Natalie Petiteau et de Michel Kerautret mettent en
évidence les multiples liens entre la « royauté » napoléonienne et celle qui l’a
précédée mais aussi le pouvoir d’innovation de l’Empire dont ils analysent
la mise en place.
Partant d’une analyse détaillée de l’argumentation des tribuns et sénateurs en faveur du retour au principe dynastique, Natalie Petiteau constate
que l’hérédité est envisagée comme garantie de la stabilité de la France
sur le plan intérieur et de sa prééminence sur le plan extérieur. Napoléon
est perçu dans la tradition antique et royale comme un héros mais aussi
comme le garant des acquis révolutionnaires. Les adresses des institutions
et des personnes privées, rédigées suite à l’établissement du nouveau souverain, reprennent cette interprétation. Les discours officiels, les adresses
et les attitudes des Français face à la nouvelle dynastie témoignent d’une
17. Sur le renouveau de l’histoire des individus cf. par exemple l’introduction d’Isabelle LaboulaisLesage, Lectures et pratiques de l’espace. L’itinéraire de Coquebert de Montbret, savant et grand commis
de l’État (1755-1831), Paris, Honoré Champion, 1999 ; Jo B. Margadant, « Constructing Selves
in Historical Perspectives », idem, The New Biography, Berkeley, Los Angeles, Londres, University of
California Press, 2001, p. 1-32 ; François Dosse, Le pari biographique. Écrire une vie, Paris, 2005 ;
Antoine Coppolani, Frédéric Rousseau (dir.), La biographie en histoire. Jeux et enjeux d’écriture,
Paris, Michel Houdiard Éditeur, 2007.
18. R. Descimon et A. Guéry, op. cit., p. 227.
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réinvention du rapport des Français au monarque : Napoléon fait figure de
père et de protecteur de la nation mais ce lien est inséparable du charisme
du nouveau souverain et de ses capacités comme chef victorieux. La relation entre Napoléon et les Français explique l’enracinement de l’Empire
sous la Restauration mais ne permet de surmonter ni les oppositions ni la
défaite.
Michel Kerautret, analysant également la « marche vers une nouvelle
dynastie », met l’accent sur l’établissement institutionnel de la monarchie
ainsi que sur les stratégies de légitimation et de représentation employées
par le régime. Dès le Consulat, le pouvoir de Bonaparte prend des formes monarchiques (résidence aux Tuileries, formation d’une cour etc.)
L’œuvre exceptionnelle qu’il accomplit en tant que Premier Consul permet
à Bonaparte de transformer sa magistrature temporaire en fonction à vie,
puis de profiter de l’angoisse suscitée par le complot de Cadoudal pour faire
déclarer l’Empire. La « spécificité de la monarchie napoléonienne » s’exprime dans les titres et symboles mais aussi dans la forme des cérémonies de
la nouvelle monarchie (en particulier, le sacre) qui, tout en se démarquant
de l’Ancien Régime, cherche à renouer avec l’héritage de Charlemagne et
de l’Empire romain. L’enjeu principal de cette monarchie d’un nouveau
type est cependant de sauvegarder certains acquis de la Révolution tout
en sortant de l’exceptionnel et de contrecarrer l’accusation d’usurpation.
À cet effet, le régime met en avant la succession des trois races et tente aussi
d’obtenir en bonne et due forme une renonciation du prétendant Bourbon.
Cependant, la tentative de fonder durablement la « 4e dynastie » échoue car
la légitimité personnelle et charismatique de Napoléon est en contradiction
avec la notion même de dynastie.
Natalie Petiteau et Michel Kerautret concluent l’un et l’autre que, si la
royauté napoléonienne n’a pu s’établir durablement, l’Empire lègue à la
France non seulement l’expérience d’une monarchie différente de celle des
Bourbons, établie sur le charisme personnel et non sur la naissance, mais
aussi le « mythe du sauveur », la croyance qu’en temps de crise, un homme
surgira toujours pour sauver la nation.
Le régime napoléonien donne donc à la France un nouveau modèle de
royauté avec lequel les régimes suivants devront composer, bon gré mal gré.
Les monarchies constitutionnelles, dont l’étude forme le cœur de notre
ouvrage, doivent ainsi non seulement exorciser la rupture révolutionnaire,
mais encore s’accommoder de la gloire impériale que les Cent-Jours ont
accrue et liée aux mouvements libéraux 19. Cette dernière préoccupation
explique en partie l’expédition d’Espagne en 1823 et le retour des Cendres
organisé en 1841.
19. Cf. Annie Duprat, « Une guerre des images : Louis XVIII, Napoléon et la France en 1815 », Revue
d’Histoire moderne 47, juillet-septembre 2000, p. 487-504 ; Emmanuel de Waresquiel, Cent Jours,
la tentation de l’impossible, mars-juillet 1815, Paris, Fayard, 2008.
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INTRODUCTION
Plus cruciale est la manière dont les Bourbons de la branche aînée et
de la branche cadette vont traiter la rupture révolutionnaire. Tandis que
les Bourbons de la branche aînée hésitent entre une politique « d’oubli »
et de réconciliation et le rappel incessant du « crime » révolutionnaire, la
Monarchie de Juillet accepte ou feint d’accepter, dans un premier temps au
moins, l’intégralité de l’héritage de 1789 20. À la recherche d’un compromis entre tradition royale et héritage révolutionnaire, la Restauration et la
Monarchie de Juillet s’efforcent ainsi d’élaborer un modèle de royauté inédit
capable d’apaiser durablement les tensions politiques propres à la France
post-révolutionnaire. Ce sont quelques-uns des aspects de cette réinvention
qu’abordent les articles concernant cette période.
Nous nous intéressons d’abord à l’aspect juridico-politique de la
monarchie constitutionnelle. L’un des problèmes majeurs que rencontrent
les régimes monarchiques du xixe siècle est la définition de la place du roi
dans la constitution et le gouvernement du royaume. Cette question a
suscité depuis plus d’un siècle l’intérêt des historiens du droit, plus récemment aussi celui de ceux de l’histoire politique 21 et deux articles du recueil
s’attachent à réévaluer et éclairer certains aspects trop souvent délaissés.
Sébastien Le Gal étudie la manière dont, d’un point de vue juridique,
les monarchies constitutionnelles s’efforcent d’assurer la légitimité de
la monarchie et la dignité royale au détriment de la souveraineté nationale héritée de la Révolution. Dans un premier temps, l’auteur étudie le
« moment 1814 », en s’appuyant notamment sur les archives du comte
Beugnot qui a joué un rôle crucial dans l’élaboration de la Charte. Il montre
comment on a, dans le texte de la Charte et la façon de le promulguer, réaffirmé la souveraineté royale et la continuité monarchique, tout en évitant
de heurter de front les aspirations plus libérales d’une partie des élites politiques.
20. Pour la Restauration, cf. Philippe Boutry, avec Jacques Nassif, Martin L’archange, Paris, Gallimard,
1985 ; Philippe Boutry, « ‘‘Le roi martyr’’, la cause Louis XVI devant la cour de Rome (1820) »,
Revue d’Histoire de l’Église de France, 1990, t. 76, n° 196, p. 57-71 ; Sheryl Kroen, Politics and
Theater. The Crisis of Legitimacy in Restoration France, 1815-1830, Berkeley, Los Angeles, London,
University of California press, 2000 ; Emmanuel de Waresquiel, L’Histoire à rebroussepoil. Les élites,
la Restauration, la Révolution, Paris, Fayard, 2005 ; Natalie Scholz, Die imaginierte Restauration.
Repräsentationen der Monarchie im Frankreich Ludwigs XVIII, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2006 ; Martin Wrede, Le portrait du roi restauré, ou la fabrication de Louis XVIII,
Revue d’histoire moderne et contemporaine 53-2, avril-juin 2006, p. 112-138 ; Bettina Frederking,
« ‘‘Il ne faut pas être le Roi de deux peuples’’ : strategies of National Reconciliation in Restoration
France », French History 22/4, décembre 2008, p. 446-468 ; Emmanuel Fureix, La France des
larmes. Mort et politique à l’âge romantique, Seyssel, Champ Vallon, 2009. Sur la Monarchie de
Juillet, il faut se reporter aux travaux cités infra de Jo. B. Margadant et à Munro Price, op. cit. ;
cf. aussi Hélène Becquet, « La Monarchie de Juillet : royautés et révolutions », Romantismes et
Révolution(s) II. Les entretiens de la fondation des Treilles, Paris, Gallimard, à paraître.
21. Pour n’en citer que quelques-uns des plus importants : Joseph Barthélémy, L’introduction du régime
parlementaire en France sous Louis XVIII et Charles X [1904], Genève, Mégariotis Reprints 1978 ;
Paul Bastid, Les institutions politiques de la monarchie parlementaire française (1814-1848), Paris,
Sirey, 1954 ; Stéphane Rials, Révolution et Contre-révolution au XIXe siècle, Paris, DUC/Albatros
1987 ; Pierre Rosanvallon, La monarchie impossible. Les Chartes de 1814 et de 1830, Paris, Fayard,
1994 ; Alain Laquièze, Les origines du parlementarisme en France (1814-1848), Paris, PUF, 2002.
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HÉLÈNE BECQUET ET BETTINA FREDERKING
La Révolution de 1830 et le remaniement de la Charte qui suit obligent à
constituer un nouvel équilibre entre les deux légitimités, royale et populaire. La souveraineté nationale n’est pas clairement réaffirmée mais se lit en
creux, imprécision qui permet de concevoir une monarchie « transactionnelle », dans laquelle les deux sources de légitimité coexistent et la dignité
royale, bien qu’amoindrie, se trouve sauvegardée.
Bettina Frederking, pour sa part, analyse la question de la dignité royale
dans le cadre de la monarchie restaurée telle qu’elle apparaît à travers les
débats sur la relation entre le roi et ses ministres et sur la responsabilité
ministérielle. Le point de départ de cette étude est la proposition de mise
en accusation de Decazes, ministre de l’intérieur et président du Conseil
sous Louis XVIII, par le député Clausel de Coussergues, suite à l’assassinat
du duc de Berry en février 1820. Cette proposition de mise en accusation
d’un ministre est une des deux seules de la période. Bien qu’étant inscrite
dans la Charte, la responsabilité ministérielle reste floue pendant toute
la Restauration. Ce flou provient de l’incertitude qui entoure le rôle du
ministre soit simple commis royal, ne pouvant pas, de ce fait, être mis en
cause sans blesser la majesté royale, soit, au contraire, agent responsable
de sa politique. Les débats autour des accusations de Clausel, nourries de
la réflexion constitutionnelle menée dès le début de la Restauration, sont
autant les témoins du flottement de la notion de responsabilité ministérielle entre responsabilité politique et responsabilité pénale qui caractérise
la période, que l’occasion de faire avancer la réflexion et la pratique constitutionnelles vers une responsabilité ministérielle politique proprement dite,
et, en corollaire, vers une nouvelle conception du pouvoir royal.
« Auprès du roi, la cour 22. » S’il est une institution viscéralement
attachée au pouvoir royal en France, c’est bien l’institution curiale dont
l’état de quasi-abandon historiographique pour le xixe siècle correspond
au vide historiographique sur la royauté en général 23. Thibaut Trétout
s’attache ici à analyser les rapports complexes entretenus par LouisPhilippe, duc d’Orléans puis roi des Français avec la cour, que ce soit celle
de l’Ancien Régime, de la Restauration ou celle qu’il met lui-même en
place une fois devenu roi. Dans ses mémoires, Louis-Philippe dénonce
la cour comme instrument de l’absolutisme et s’en sert pour justifier,
même partiellement, l’action de son père, Philippe-Égalité. Cette critique
du duc d’Orléans à l’égard du système curial trouve son application dans
son attitude pendant la Restauration que l’auteur qualifie « d’inclusion
22. Pour reprendre le titre d’un article d’Emmanuel Le Roy Ladurie, « Auprès du roi, la cour », Annales
ESC, 01-02/1983, p. 21-41.
23. Les travaux se limitent à Philip Mansel, La Cour sous la Révolution, l’exil et la Restauration : 17891830, Paris, Tallandier, 1989 et à Françoise Waquet, Les fêtes royales sous la Restauration ou l´Ancien
Régime retrouvé, Genève, Droz, 1981, sur l’aspect cérémoniel exclusivement ; certains aspects de la
cour de Louis-Philippe sont abordés par Anne Martin-Fugier, La vie élégante ou la formation du
Tout-Paris : 1815-1848, Paris, Le Seuil, 1993.
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[« La dignité de roi », Hélène Becquet et Bettina Frederking (dir.)]
[Presses universitaires de Rennes, 2009, www.pur-editions.fr]
INTRODUCTION
conditionnelle ». Louis-Philippe souhaite que son rang soit reconnu au sein
de la cour, tout en critiquant les rouages et la manière dont les courtisans
peuvent aveugler le roi. Devenu roi par la Révolution de Juillet, il lui faut
choisir pour lui-même une ligne de conduite en matière curiale. Dans un
premier temps, la cour est ouverte à tout vent et le roi des Français se
conduit comme le duc d’Orléans mais, le régime mieux assis, le principe
d’une liste civile établi, Louis-Philippe fait renaître une véritable vie de
cour, fort proche de celle établie par ses cousins. Cette nouvelle cour, LouisPhilippe la conçoit certes comme un instrument de gouvernement, mais
un instrument à l’entière dévotion du souverain.
La cour, mythe et instrument politique comme le montre clairement
l’article précédent, est aussi un des moyens de mettre à distance la personne
royale par rapport à son peuple. La mise en scène curiale est la démonstration de la sacralité royale. Or, qu’en est-il de la sacralité du roi au premier
xixe siècle ? L’historiographie souligne à l’envi le phénomène de désacralisation de la royauté au xviiie siècle 24. Cependant, le régicide entraîne une
recharge sacrale dont il faut mesurer les effets, les aspects et les limites.
Grégoire Franconie s’attache à ce problème pour la Monarchie de Juillet 25.
Il analyse les nouvelles formes de sacralisation de la personne royale dans
un régime dans lequel le roi est un primus inter pares, lié par contrat à la
nation française. Cette sacralisation passe d’abord par des cérémonies commémoratives par lesquelles Louis-Philippe répond au défi de s’enraciner
dans la mémoire nationale, démarche dont il faut souligner l’ambiguïté.
L’auteur étudie ensuite l’interprétation providentialiste de la Révolution
de 1830 et de l’avènement de Louis-Philippe, « saint Louis de la royauté
constitutionnelle », mise en scène dans la nécropole dynastique de SaintLouis à Dreux. Avec le temps, le modèle traditionnel de représentation du
sacré monarchique, hérité de la Restauration, évolue vers un autre modèle
de représentation de la royauté, à mi-chemin entre la dignité royale et la
dignité citoyenne, à savoir la « citoyenneté royale », dans lequel l’héroïsme
tient une dimension importante, comme montrent les cas de Marie et de
Ferdinand d’Orléans. Le règne de Louis-Philippe est un tournant dans la
sacralité politique où la dignité de la personne royale laisse la place à la
dignité de la fonction monarchique du chef de l’État.
Dans ce tableau de la reconstruction de la royauté au xixe siècle, nous
avons accordé une place à la « royauté au féminin », très négligée dans
24. Pour une synthèse sur cette question voir Roger Chartier, Les origines culturelles de la Révolution
française, Paris, Le Seuil, 2000, chapitre VI, « Le roi désacralisé ? », p. 161-194.
25. Les études sur la sacralité des rois de France et notamment la cérémonie du sacre incluent la
Restauration, mais non la Monarchie de Juillet : Marc Bloch, Les rois thaumaturges. Étude sur le
caractère surnaturel attribué à la puissance royale particulièrement en France et en Angleterre [1924],
Paris, Gallimard, 1993 ; Richard A. Jackson, Vivat Rex. Histoire des sacres et couronnements en
France, Strasbourg, Association des publications près les universités de Strasbourg, 1984, Paris,
diffusion Ophrys, 1984. Pour l’instant, l’école cérémonialiste américaine n’a pas trouvé d’équivalent
pour la période contemporaine.
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HÉLÈNE BECQUET ET BETTINA FREDERKING
l’historiographie de cette période bien que l’étude des princesses soit un élément essentiel pour comprendre le fonctionnement de la royauté, comme
le montrent les articles d’Hélène Becquet et de Munro Price 26.
Dans le prolongement des travaux de Fanny Cosandey 27, Hélène Becquet
analyse la figure de la reine pendant la Restauration, figure incarnée, en l’absence de l’épouse du roi, par les duchesses d’Angoulême et de Berry. Leur
place dans le régime demeure mal définie et assez limitée sur un plan juridique. Elles ne sont destinées à exercer le pouvoir que dans des circonstances
exceptionnelles, même si cette aptitude leur est reconnue en principe. Sur le
plan dynastique, elles remplissent la tâche essentielle de continuer la lignée
des Bourbons de France, ce dont la duchesse de Berry s’acquitte in extremis,
tandis que la duchesse d’Angoulême y échoue. Mais cette dernière, fille de
Louis XVI, n’en demeure pas moins essentielle comme lien avec le passé
monarchique. En effet, la royauté restaurée est une royauté sacrificielle. La
sacralité inhérente au sang royal est renouvelée par le sang des martyrs de la
Révolution dont la duchesse d’Angoulême est la fille, la nièce et la sœur, et
la duchesse de Berry l’épouse. Elles occupent ainsi dans l’idéologie monarchique une place centrale et inégalée et contribuent de manière essentielle
à assurer la légitimité du régime.
L’article de Munro Price est consacré à une femme qui, bien qu’étant
non la reine, mais la sœur du roi, joua un rôle essentiel : Adélaïde d’Orléans.
En analysant les relations entre Louis-Philippe et sa sœur, Munro Price
entreprend une réinterprétation du fonctionnement politique du régime
orléaniste. Quoiqu’elle soit totalement oubliée aujourd’hui, Adélaïde était la
plus proche conseillère du roi ; sa contribution fut décisive lors de la fondation du régime ; elle soutint ensuite son frère jusqu’à sa mort à la fin de l’année 1847, influençant notamment sa politique étrangère. L’article retrace le
fonctionnement concret de cette collaboration exceptionnelle ainsi que les
divergences politiques entre le roi et sa sœur, dues à une appréciation différente de la Révolution française. Les attaques contre Adélaïde, perçue comme
une puissance occulte par l’opinion publique, permettent à Munro Price
de s’interroger sur la démarcation entre les sphères publique et privée, et
de conclure que le cas d’Adélaïde ressemble à celui de Marie-Antoinette :
26. Contrairement à la période moderne dont l’historiographie s’est considérablement renouvelée
récemment ; voir à ce sujet l’introduction à Femmes et pouvoir politique : les princesses d’Europe XVeXVIIIe siècles, Isabelle Poutrin et Marie-Karine Schaub (dir.), Paris, Bréal, 2007. Les travaux de
Jo Burr Margadant sur la reine Marie-Amélie, et, de manière plus globale, sur la famille royale sous la
Monarchie de Juillet et la Restauration, font exception pour le xixe siècle, Jo Burr Margadant, « ‘‘La
Monarchie impossible’’ revisitée : les mères royales et l’imaginaire politique dans la Restauration et la
Monarchie de Juillet », Pour la révolution française : en hommage à Claude Mazauric, recueil d’études
réunies par Christine Le Bozec et Eric Wauters, Mont-Saint-Agnan, Publications de l’Université
de Rouen, IRED-CRHCT, 1998, p. 411-20 ; Jo Burr Margadant, « Les représentations de la
reine Marie-Amélie dans une monarchie ‘‘bourgeoise’’ », Revue d’histoire du XIXe siècle 38 (2008/1),
p. 93-117 (version traduite et remaniée de « Representing Queen Marie-Amélie in a “bourgeois”
monarchy », Historical Reflections, vol. 32, n° 2, été 2006, p. 421-451).
27. Fanny Cosandey, La Reine de France, symbole et pouvoir, XVe-XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 2000.
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INTRODUCTION
toutes les deux ne sont pas d’abord attaquées pour leur féminité, mais pour
leur politique.
Le dernier article de ce recueil ouvre sur la dernière des royautés du
xixe siècle : celle de Napoléon III, à peine mieux traitée que les autres du
point de vue historiographique. En prenant appui sur des recherches très
récentes, Sudhir Hazareesingh part du constat que Napoléon III considérait son régime comme l’apothéose des régimes monarchiques précédents
et défendait une conception du pouvoir impérial qui était « résolument
monarchique ». L’analyse de la Saint-Napoléon, fête nationale instaurée
par Napoléon Ier, mais réinventée sous le Second Empire, permet de percevoir la puissance mais aussi la fragilité du mythe monarchique louisnapoléonien. Cette fête révèle les différentes représentations de LouisNapoléon répandues dans la population, représentations idéologiquement
disparates, tout comme le discours tenu sur la « nation » à cette occasion.
Les fêtes annuelles sont également le moment où se manifestent des tensions latentes, que ce soit entre le pouvoir religieux et les autorités civiles
ou entre le régime et ses opposants. Tenant compte de la complexité des
données, Sudhir Hazareesingh conclut que ces fêtes sont un important
témoignage de la dernière incarnation du mythe monarchique en France.
Le mot de la fin revient à Jean-Clément Martin qui conclut sur la « permanence de la royauté », permanence que ce recueil voulait souligner, non
par parti pris ou nostalgie mais pour apporter un éclairage nouveau sur
l’histoire du premier xixe siècle français.
Nous adressons nos remerciements aux ancien et nouveau directeurs
de l’Institut d’Histoire de la Révolution française, Jean-Clément Martin et
Pierre Serna, qui ont permis la parution de ce recueil, ainsi qu’à l’équipe
de l’IHRF pour son aide lors de la préparation de la journée d’études
du 14 septembre 2007 qui est à la base du présent recueil. Nous remercions également tous les participants de la journée d’études et du présent
volume.
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