Le début de l'année 2010 annonce de mauvaises nouvelles : d'abord les îles Salomon, puis Haïti, puis le Chili. Trois tremblements de terre dévastateurs tuent des centaines de milliers de personnes. Ces séismes ont été suivis par un événement d’une portée considérable : l'éruption du volcan islandais Eyjafjallajökull. Quelques jours plus tard, l'une des pires catastrophes environnementales d'origine humaine a lieu dans le golfe du Mexique, au large des côtes de Louisiane : quelques 8000 tonnes de pétrole se déversent quotidiennement dans l’océan. 2010 - une très mauvaise année ? Peut-être, mais la plupart de tous ces événements nous a rappelé deux choses importantes : nous vivons sur une «planète vivante », et nous devrons faire face aux conséquences de nos propres actions. © 2006 EUMETSAT Regarder vers l’Espace Observer La Terre vue par Meteosat 9-MSG2. 24 / LATITUDE 5 / N°89 / JUILLET 2010 Par l’ESA D epuis l'espace, la Terre semble plus paisible, et pourtant, les satellites sont capables de mesurer le pouls de notre planète dans les moindres détails. Envisat, le plus grand satellite mondial d’observation de la Terre, qui est aussi la mission phare de l'ESA, a été en mesure de surveiller l'éruption du volcan islandais depuis le premier jour, le Meris (spectromètre imageur de moyenne résolution), un instrument à bord d'Envisat, fournissant des images visuelles et des informations sur la hauteur du panache de cendres dans l'atmosphère. Les scientifiques de l'Université libre de Berlin ont développé un algorithme d'expérimentation afin de récupérer les informations concernant la hauteur du sommet des nuages à partir des mesures de Meris. Entre-temps, la marée noire dans le golfe du Mexique, perçue comme la plus grande catastrophe environnementale que cette région ait jamais connue, a pu également être observée depuis l'espace. Pour cela, l'ESA a fourni des données radar d'Envisat. En combinant la rugosité de la surface et les flux d'information actuels avec les données du déversement de l’ASAR (Radar à Synthèse d’ouverture avancé) d’Envisat, les analystes d'images SAR ont été en mesure de détecter la direction dans laquelle se dirige la nappe. Ces informations provenant des satellites aident à l'atténuation des catastrophes locales. En cas d'urgence, les données des satellites de l'ESA et des missions partenaires partout dans le monde sont portées rapidement et efficacement à ceux qui en ont besoin grâce à un instrument spécial, la «Charte pour l’Espace et Catastrophes Majeures ». Le cas d'Haïti est un exemple du mécanisme efficace de coopération internationale de la Charte : les premières cartes par satellite ont été produites et fournies 24 heures après l'événement. Tous ces exemples montrent une chose : dans les moments dramatiques, pour une meilleure compréhension scientifique ou pour la surveillance opérationnelle de la nature et de l'activité humaine, les satellites d’observation de la Terre sont devenus un outil indispensable. Cela est particulièrement vrai pour l'un des principaux défis à relever au début du troisième millénaire : le changement climatique. © ESA La Terre vue de l'ESA Panache de cendres du volcan islandais Eyjafjallajökull L’Observation de la Terre de l’ESA Avec des réalisations remarquables à ce jour, l'ESA est un fournisseur majeur de données d'observation de la Terre. Par exemple, le pionnier Meteosat et ses générations successives, ainsi que la série MetOp en orbite polaire, ont révolutionné les prévisions météorologiques en Europe. Dans l'environnement et les sciences de la Terre, les actuels «chevaux de labour» dans l'espace sont ERS-2, qui fonctionne de façon spectaculaire depuis plus de 15 ans, comme Envisat. Le GMES (Surveillance globale pour l'environnement et la sécurité), l'initiative phare menée par l'Union Européenne, est conçu pour recueillir et fournir des informations aux décideurs politiques européens à des fins de sécurité et d'environnement. Responsable de la composante spatiale de GMES, du développement de satellites dédiés et des Sentinelles, l'ESA doit également coordonner les différentes missions de contribution d’Eumetsat, des États membres et d’autres participants. Les missions Earth Explorer sont, à terme, des missions distinctement scientifiques axées sur les plus importantes préoccupations géo-scientifiques d'aujourd'hui. Les Earth Explorers Les «Earth Explorers» ne sont pas le seul élément de l’observation de la Terre de l'ESA, mais ils sont l'épine dorsale de l’avenir scientifique. Leur mission est de contribuer aux principaux objectifs d'observation de la Terre de l'ESA, à savoir : développer notre connaissance de la Terre afin de préserver celle-ci et son environnement et de gérer la vie sur notre planète plus efficacement. Aujourd'hui, nous savons que le comportement de la Terre à l'échelle mondiale ne peut être compris qu’à travers l’étude des différents systèmes qui constituent notre planète : la biosphère, l'atmosphère, l'hydrosphère, la cryosphère, l’intérieur de la Terre - et l’anthroposphère, la partie de notre environnement construit ou modifié par et pour nous, les humains. Il est impératif de mieux comprendre chacun de ces systèmes. Ce n'est qu'alors que nous pouvons également comprendre leurs interactions, et de là, tenter de modéliser les scénarii de changement climatique ou de quantifier et de qualifier l '«empreinte humaine» que nous laissons dans la nature. LATITUDE 5 / N°89 / JUILLET 2010 / 25 © ESA © CLS Cette image radar d'Envisat capture la marée noire dans le golfe du Mexique - tourbillon gris en bas à droite © ESA Le déversement de pétrole (contour blanc) s'étend vers la boucle de courant (flèche rouge). La marée noire avance vers la côte de la Louisiane. 26 / LATITUDE 5 / N°89 / JUILLET 2010 Chaque Earth Explorer est une mission sophistiquée et axée sur la recherche, consacrée à apporter la lumière sur une série de questions scientifiques liées à un ou plusieurs systèmes de la Terre. Et il n'est pas surprenant qu'il faille être à la pointe de la technologie pour répondre à ces questions. Missions spécialisées En comparaison avec ENVISAT, les «Explorers» sont des missions à plus petite échelle avec des instruments de pointe. Mais plus petites ne signifie pas nécessairement plus faciles ! Une énorme quantité de travail est allouée à ces projets. La nouveauté des techniques d'observation envisagées et les difficultés pratiques inhérentes à la mesure de certains paramètres du système Terre exigent, par conséquent, des solutions innovantes, parfois presque à la limite de la «science-fiction». Les « Explorers » peuvent revendiquer un certain nombre de «premières» en termes d'instruments de vol, de technologies de mesure et de mécanique orbitale. GOCE, dans l'espace depuis Mars 2009, équipé d’un gradiomètre ultra sensible destiné à mesurer les variations du champ de gravité dans trois dimensions avec une précision sans précédent, utilisera un système de contrôle de position permettant de limiter les frottements induits par l’atmosphère résiduelle en orbite à basse altitude et sans pièces mécaniques en mouvement. CryoSat-2, lancé en avril 2010, porte un complexe SAR/altimètre interférométrique SIRAL, héritier d’instruments existants, bien que plusieurs améliorations majeures aient été apportées pour pallier les difficultés intrinsèques que présentent les mesures de précision sur les surfaces de glace. ADM-Aeolus utilisera un calculateur de fréquence de vent Lidar, la seule façon de fournir des données globales des vents à partir de leur observation directe. Pour satisfaire ces exigences et de nombreuses autres exigences technologiques, la mise en œuvre des «Earth Explorers» contribue à maintenir l'industrie européenne et l'Agence au premier plan du développement des technologies de pointe. Chaque « Earth Explorer » est conçu, développé et exploité en étroite collaboration avec la communauté scientifique. Des scientifiques de haut-niveau fournissent également des conseils et des recommandations sur la sélection de nouvelles missions d'exploration basées sur la stratégie scientifique de l'ESA. Une vue plus rapprochée, une meilleure compréhension Avec les premiers « Earth Explorers » dans l'espace, la communauté scientifique a commencé à travailler avec ces données tant attendues. Celles-ci permettront d'améliorer considérablement notre compréhension de l’ensemble du système terrestre. Actuellement, plus de 3 000 projets scientifiques à travers le monde sont alimentés par des données provenant de missions d’observation de la Terre de l'ESA, et la tendance est croissante. Chaque nouvelle découverte, chaque nouvelle connaissance que ces missions apportent, servira à consolider l’observation de la Terre comme un élément indispensable de notre quête de la connaissance scientifique et, en définitive, de notre vie quotidienne. Et avec un œil sur la durabilité et la biodiversité pour l’intérêt des générations à venir, ils vont nous aider à mieux comprendre, à nous adapter et à gérer l'évolution de notre planète. 4