Au fil de l’actualité Les deux options métropolitaines des politiques de développement •109
en plus horizontale à mesure qu’apparaissent de nouveaux centres de l’économie
cognitive et de grands foyers de consommation, notamment dans les pays dits
« émergents » (Giraud, 2008). En d’autres termes, si l’efficacité de la Silicon
Valley californienne tient bien sûr à des ressources spécifiques (investissements
publics massifs, rôle des universités, capital-risque abondant), son succès dépend
également des liens qu’elle entretient avec l’industrie taïwanaise et les sociétés
informatiques de Bangalore (Saxenian, 2002).
Entre concurrence accrue et complémentarités renforcées, les interdépendances
entre les territoires se traduisent par un déplacement des logiques d’organisation
spatiale de l’activité. La division des tâches fordistes d’échelle nationale laisse une
plus grande place aux niveaux infranationaux. La littérature a tout d’abord insisté
sur l’importance de l’échelle régionale (Storper, 1997) avant de progressivement
mettre l’accent sur les économies d’agglomération liées aux régions urbaines
(Krugman, 1991 ; Marcuse et Van Kempen, 2000 ; Scott, 2001). Ces dernières,
en raison de leur taille et de leur connectivité, tiennent une place dominante, tant
elles sont à la fois les produits et les vecteurs des interactions de longue portée
d’une économie plus mondialisée (Halbert et al., 2012). Pour certains courants
de la géographie économique (Nouvelle Géographie économique, école régionale
de Los Angeles), les régions métropolitaines constituent ainsi les « moteurs » du
développement (Scott, 1996 ; Halbert, 2005), sans pour autant éviter un « effet
yoyo » en raison de leur sensibilité aux variations de la conjoncture internationale
(Beckouche, 1995). Leur surproductivité relative (Rousseau, 1994), associée
à des transferts de richesse publics et privés eux-mêmes liés à des politiques
redistributives et à la mobilité accrue des ménages, pourrait soutenir le reste du
territoire national (Davezies, 2008).
Ce constat d’interdépendances accrues des régions urbaines interroge la
capacité d’action locale et régionale en matière de développement. Certes, bien
des régulations ne se jouent pas à ces niveaux : les réglementations portant sur
les circulations des biens, des services, des capitaux et des personnes, tout comme
les politiques industrielles et d’innovation, relèvent plutôt, dans le cas français,
des échelles nationales et européennes. Pourtant, une observation des stratégies
menées montre combien la question métropolitaine a surgi dans l’action publique
locale. Emboîtant le pas à une communauté académique qui, tout en alertant sur
les limites sociales, politiques et environnementales de ce « modèle », s’est efforcée
de comprendre la place des métropoles dans la mondialisation industrielle
2
, les
politiques de développement récentes semblent de plus en plus séduites par les
promesses de prospérité qu’offriraient les métropoles.
L’action de l’État n’y est pas étrangère. Sans en surestimer l’influence, la Datar
a pu contribuer à l’affirmation de la question métropolitaine par la diffusion de
travaux académiques portant sur les systèmes urbains français et européen (Rozen-
blat et Cicille, 2003 ; Pinson et Rousseau, 2011 ; Berroir et al., 2012 ; Halbert
2
À de rares travaux d’économie régionale près (voir par exemple Corpataux et Crevoisier, 2005), la
globalisation financière constitue un quasi-impensé.
“Annales_689” (Col. : Revue de géographie) — 2013/1/27 — 21:47 — page 109 — #109
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