Rapport du Groupe de travail du CIB sur Confidentialité et données

United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization
Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture
International Bioethics
Committee (IBC)
Comité international
de bioéthique (CIB)
Distribution: limitée BIO-503/99/CIB-6/GT-2/3
Paris, le 30 juin 2000
Original: anglais/français
RAPPORT SUR
CONFIDENTIALITE ET DONNEES GENETIQUES
_____________
GROUPE DE TRAVAIL DU CIB
SUR CONFIDENTIALITE ET DONNEES GENETIQUES
Division de l’éthique
des sciences et des technologies
TABLE DES MATIERES
I. INTRODUCTION
II. IDENTIFICATION DES DIFFERENTS TYPES DE DONNEES GENETIQUES
III. LE PRINCIPE DE CONFIDENTIALITE ET LES DONNEES GENETIQUES
IV. LIMITATIONS AU PRINCIPE DE CONFIDENTIALITE
V. SENSIBILISATION ET EDUCATION
Annexe Composition du Groupe de travail du CIB sur « Confidentialité et
données génétiques »
I. INTRODUCTION
1. La Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme (ci-
après, Déclaration), adoptée par la Conférence générale de l’UNESCO le 11 novembre
1997, affirme dans son article 7 : « La confidentialité des données génétiques
associées à une personne identifiable, conservées ou traitées à des fins de recherche
ou dans tout autre but, doit être protégée dans les conditions prévues par la loi ».
2. Cette disposition est née d’une impérieuse nécessité. En effet, la science connaît
de nos jours un développement tel qu’elle suscite quelques inquiétudes. L’être humain
ne saurait être l’objet d’interventions et de recherches sans que la communauté
internationale ne pose des barrières pour la protection de sa dignité.
3. La Déclaration a pour ambition d’assurer un développement de la génétique
humaine pleinement respectueux de la dignité et des droits de la personne humaine, et
bénéfique pour l’humanité tout entière. Le respect de la dignité et des droits
fondamentaux de la personne humaine constitue un impératif éthique majeur et fait
l’objet de l’article 2 de la Déclaration :
« a) Chaque individu a droit au respect de sa dignité et de ses droits,
quelles que soient ses caractéristiques génétiques.
b) Cette dignité impose de ne pas réduire les individus à leurs
caractéristiques génétiques et de respecter le caractère unique de chacun et
leur diversité ».
4. Dans un domaine aussi spécifique que la génétique humaine, la Déclaration
affirme, dans son article premier, que le génome humain est « dans un sens
symbolique (...) le patrimoine de l’humanité ».
5. L’ensemble des données génétiques d’une personne constitue son génome qui,
tout en lui appartenant en propre, fait partie de « l’unité fondamentale de tous les
membres de la famille humaine » (art. 1).
6. Bien que ce second aspect du génome soit un point important de la Déclaration,
il convient de souligner que l’objectif essentiel visé par cette dernière est la protection
de la dignité de la personne humaine.
7. Dans le contexte de la recherche en génétique et de ses applications, le principe
du respect de la dignité signifie que l’homme doit être reconnu en tant que tel et ne
saurait être considéré comme un objet par la science.
8. Le respect de la dignité humaine ne peut prendre en compte une seule partie des
composantes de cette personne, mais s’adresse à la plénitude de son « tout ».
9. Le principe de confidentialité des données génétiques repose sur le droit à la vie
privée, droit reconnu par les grands textes relatifs aux droits de l’homme adoptés après
la Seconde Guerre mondiale, à commencer par la Déclaration universelle des droits de
l’homme.
10. L’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 stipule
que « nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son
domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa
réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions
ou de telles atteintes ».
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11. L’article V de la Déclaration américaine des droits et des devoirs de l’homme
(du 2 mai 1948, antérieure, donc, à la Déclaration universelle) énonce que : « Toute
personne a droit à la protection de la loi contre les attaques abusives contre son
honneur, sa réputation et sa vie privée et familiale ».
12. De même, l’article 11 de la Convention américaine relative aux droits de
l’homme de 1969 énonce : « 1. Toute personne a droit au respect de son honneur et à
la reconnaissance de sa dignité. 2. Nul ne peut être l’objet d’ingérences arbitraires
ou abusives dans sa vie privée, dans la vie de sa famille, dans son domicile ou sa
correspondance, ni d’attaques illégales à son honneur et à sa réputation. 3. Toute
personne a droit à la protection de la loi contre de telles ingérences ou de telles
attaques ».
13. La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales de 1950 stipule dans son article 8 : « §1 : Toute personne a droit au
respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2§ : Il
ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour
autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui,
dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté
publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention
des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection
des droits et libertés d’autrui ».
14. L’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté
en 1966 stipule : « 1. Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa
vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son
honneur et à sa réputation. 2. Toute personne a droit à la protection de la loi contre
de telles immixtions ou de telles atteintes ».
15. Enfin, concernant la confidentialité, l’article 10 de la Convention européenne
pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des
applications de la biologie et de la médecine : convention sur les droits de l’homme et
la biomédecine, adoptée en 1997, spécifie : « 1. Toute personne a droit au respect de
sa vie privée s’agissant des informations relatives à sa santé. 2. Toute personne a le
droit de connaître toute information recueillie sur sa santé. Cependant, la volonté
d’une personne de ne pas être informée doit être respectée. 3. A titre exceptionnel, la
loi peut prévoir, dans l’intérêt du patient, des restrictions à l’exercice des droits
mentionnées au paragraphe 2 ».
16. Afin d’assurer le respect de la dignité de la personne humaine, la Déclaration
universelle sur le génome humain et les droits de l’homme proclame de façon
solennelle la confidentialité des données génétiques, qui, ainsi affirmée, tend à
protéger la personne à qui ces données appartiennent contre leur divulgation.
17. Cependant, si le principe de confidentialité est acquis, sa protection se doit
d’être réglementée. La mise en œuvre de la protection du génome humain, si
intimement lié à la personne humaine, doit être l’affaire des pouvoirs exécutif,
législatif et judiciaire. En effet, l’intervention du pouvoir législatif, qui traduit
l’opinion de la majorité dans un régime démocratique, est une garantie supplémentaire
pour la protection des droits de l’homme. D’ailleurs, pour appuyer la nécessité de la
protection par la loi, les dispositions de l’article 7 sont complétées par celles de
l’article 9, qui assignent à la loi les objectifs à viser en cas de limites au principe de
confidentialité.
18. Quelle serait l’efficacité d’une protection dont l’objet est ignoré des individus
qui en sont les bénéficiaires ? C’est pourquoi, au-delà du principe de confidentialité
proclamé et pour que celui-ci ne demeure pas un voeu pieux, la Déclaration par ses
articles 17, 18 et 19 invite les Etats à une solidarité à l’égard des individus et entre eux.
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II. IDENTIFICATION DES DIFFERENTS TYPES DE DONNEES GENETIQUES
19. Le génome humain comprend quelque 100.000 gènes au moins et 3 milliards de
paires de bases d’ADN. Si l’organisation globale de l’ADN et la grande majorité des
gènes sont communs à l’ensemble de l’humanité, il existe de très nombreuses
différences structurelles entre les individus. Certaines de ces différences, séparément
ou combinées, sont uniques à chaque personne et peuvent être vues comme une
« information privée » relative à un individu. D’autres se retrouvent chez tous les
individus d’un lignage ou d’un groupe ethnique.
20. Toutes les données génétiques entrant dans l’une ou l’autre de ces catégories
(c’est-à-dire spécifiques à un individu ou à un groupe d’individus) peuvent être
considérées comme sujettes à confidentialité. L’information génétique concernant les
personnes revêt de nombreuses formes. Il peut s’agir du groupe sanguin (A, B, AB,
O), de la couleur des cheveux ou de traits physiques. A un autre niveau, il pourra
s’agir du caryotype, autrement dit de la composition chromosomique : par exemple les
chromosomes sexuels X et Y et diverses compositions inhabituelles dues, par exemple,
au nombre de chromosomes X et/ou Y ou au nombre de chromosomes 21.
21. Depuis quelques années, on assiste à une sophistication extrême de
l’information génétique qui peut être prélevée sur un individu et à partir d’échantillons
de cet individu : tissus, sang, urine ou même sueur. Cette information provient de
l’analyse des ADN individuels et peut être obtenue par un certain nombre de
stratégies. L’une est celle des fragments de restriction (le morceau d’ADN qui code
une séquence particulière résidant entre deux sites contigus coupés par un enzyme de
restriction particulier, qui a reconnu une séquence d’ADN spécifique en tant que site
de coupure). Des sondes reconnaissant des séquences d’ADN particulières sont alors
utilisées dans l’analyse de morceaux d’ADN obtenus par des enzymes de restriction.
Tout récemment, de l’ADN synthétisé enzymatiquement in vitro, à l’aide d’amorces
courtes spécifiques destinées à repérer les séquences à synthétiser, a été utilisé pour
certains types d’analyse d’ADN et d’ARN. Pour plus de précision encore, des
séquences d’ADN spécifiques peuvent être triées pour déterminer la disposition des
paires de bases.
22. Ces divers types d’information génétique sont recueillis à différentes fins. La
détermination du caryotype, par exemple, est souvent réalisée dans le cadre d’un
diagnostic prénatal pour rechercher la présence d’un chromosome 21 additionnel,
révélatrice d’un grave désordre génétique et constituant souvent une indication
d’interruption de grossesse. Cette procédure permet aussi de connaître le sexe du
fœtus, parfois annoncé aux parents, parfois non. Elle détecte en outre les anomalies du
nombre de chromosomes X ou Y, anomalies souvent non communiquées aux parents.
23. Les « empreintes » d’ADN sont largement utilisées pour identifier des individus
et des rapports de parenté entre individus. Les organisations militaires et policières
sont en train d’accumuler des banques d’ADN individuels à des fins médico-légales ou
pour d’autres besoins d’identification. Les services d’immigration et les tribunaux ont
recours à ce type d’identification pour la recherche de liens de parenté et de paternité.
24. L’information génétique sous forme de séquences d’ADN est le fruit des efforts
accomplis au niveau international par le Projet du génome humain, efforts de
séquençage qui devraient être parachevés dans un proche avenir.
25. Une partie de ce travail de séquençage a été consacrée à l’identification de
maladies dues à des altérations des séquences d’ADN transmises par la lignée
germinale.
26. Une grande part des données génétiques individuelles produites actuellement le
sont dans le cadre d’études médicales visant à identifier la séquence d’ADN spécifique
correspondant à une maladie génétique déterminée. D’autres données génétiques
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