L’opération  fut  vite  baptisée  « Dieppe  du  Grand  Nord »  par  la  presse.  En  fait,  l’objectif 
principal des Soviétiques était de faire croire à l’OKW qu’un débarquement allié en Norvège 
était imminent et de pousser les Allemands à concentrer des forces dans la région, soulageant 
d’autant les autres fronts et surtout le front russe. 
Cependant,  contrairement  à  Rutter  (le  raid  sur  Dieppe),  Serp  avait  aussi  une  raison  d’être 
régionale.  Kirkenes  abritait  le  QG  du  Fliegerführer  NordOst,  responsable  de  la  région 
Finnmark, ce qui en faisait un rouage essentiel dans la défense aérienne de la partie nord de 
la Norvège (et dans l’organisation des raids aériens contre les convois alliés dans l’Arctique). 
Depuis  le  début  de  Barbarossa,  la  ville  avait  subi  de  nombreux  bombardements  aériens 
soviétiques, mais ceux-ci s’étaient révélés peu efficaces. Les bombardiers à l’étoile rouge ne 
se  montraient  pas  d’une  grande  précision  et  la  défense  allemande  ne  leur  facilitait  pas  la 
tâche.  De  plus,  entre  les  bases  soviétiques  et  Kirkenes  se  trouvait  la  région  finlandaise  de 
Petsamo. Quoique les Allemands comme les Soviétiques eussent fréquemment violé l’espace 
aérien  finlandais,  il  restait  préférable  pour  les  deux  camps  de  ne  pas  ignorer 
systématiquement  son  existence,  ce  qui  gênait  les  raids  aériens.  La  Stavka  avait  fini  par 
conclure que l’infanterie ferait mieux que l’aviation. Les cibles visées étaient les installations 
portuaires de Kirkenes, son aérodrome et d’autres installations stratégiques du secteur. 
C’est  pourquoi  l’Armée  et  la  Flotte  Rouges  allaient  engager  dans  Serp  plus  de  4 500 
fusiliers, appuyés par de nombreux avions et par toute la flotte soviétique du Grand Nord. 
Les  fusiliers  marins  soviétiques  étaient  des  vétérans  spécialement  entraînés  pour  des 
opérations  amphibies.  En  revanche,  si  les  éléments  de  la  division  SS  Nord  défendant 
Kirkenes  et  sa  région  étaient  d’une  fidélité  certaine  au  dogme  nazi,  leurs  vertus  militaires 
étaient très inférieures à celles des troupes de la Wehrmacht. En fait, la plupart des soldats de 
cette  division  étaient  d’anciens  gardiens  de  camp  de  concentration  et  n’avaient  aucune 
expérience du combat.  
Par ailleurs, l’opération Serp présente l’originalité  d’avoir  été  conçue dès le départ avec la 
collaboration  de  la  Royal  Navy.  En  effet,  celle-ci  devait  intervenir  pour  parer  au  danger 
représenté par les grandes unités navales allemandes déployées dans la région pour s’attaquer 
aux  convois  en  route  vers  Mourmansk.  De  fait,  il  est  aujourd’hui  difficile  d’évoquer  la 
bataille de Kirkenes sans parles des engagements navals des 25 et 26 février connus sous le 
nom de bataille de la Mer de Barents. » (M. Nagler, La Guerre dans l’Arctique, 1940-1944) 
 
Les plans des Soviétiques 
Moscou – L’hiver a jusqu’ici été très favorable à l’Armée Rouge, et la Stavka espère que le 
printemps sera encore meilleur. Mais il ne faudrait pas que les troupes allemandes de bonne 
qualité  déployées  dans  certaines  régions  d’Europe,  comme  la  Norvège,  puissent  venir 
renforcer le front de l’Axe en ne laissant que quelques unités de second ordre contrôler les 
territoires occupés. En ce qui concerne la Norvège, séparée du Grand Nord soviétique par le 
corridor finlandais de Petsamo, l’état-major soviétique a élaboré un plan pour fixer les forces 
allemandes sans porter atteinte  à la neutralité finlandaise. Ce plan repose sur la 7e Brigade 
d’Infanterie de Marine (7e MPB) de la 14e Armée du général V.A. Frolov, et sur les navires 
de la Flotte du Nord, commandée par le vice-amiral Arseni G. Golovko [voir appendice 2]. 
L’idée est de débarquer la 7e MPB dans le Bøkfjorden, de prendre Kirkenes et de détruire les 
installations allemandes – le port et surtout l’aérodrome. Bien entendu, une forte couverture 
aérienne est prévue. 
Il ne s’agit pas d’ouvrir un second front, mais d’accomplir une opération semblable à Rutter, 
que les Alliés ont menée à Dieppe : un aller-retour en quelque sorte. L’impact d’un tel coup 
de main devrait, espère-t-on à Moscou, empêcher l’OKW de prélever des unités stationnées 
en Norvège pour les envoyer sur le front russe. 
C’est  pourquoi,  afin  d’accroître  les  chances  de  réussite  du  raid,  la  Stavka  a  prévu  deux