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expérience individuelle, la protéger contre les égarements, l’approfondir, lui
ouvrir les voies de l’avenir.
»
C’est donc en partant de l’Eglise qu’il est possible, me semble-t-il, de
mettre quelques idées en ordre sur ce « cœur » de la pensée lubacienne. Ce
qui est premier, pour trouver le chemin qui nous conduit vers « la lumière du
Christ », c’est évidemment l’Eglise. Pour le P. de Lubac, elle est un mystère. Ce
concept sert de titre aux premiers chapitres, à la fois, de sa Méditation sur
l’Eglise et de la Constitution Lumen gentium. Le rapprochement entre ces deux
textes, leur plan et leur contenu, est vraiment saisissant, et nous laisse
imaginer l’influence que le livre du P. de Lubac, une dizaine d’années après sa
publication, a eue sur les travaux du Concile.
Les images et analogies qui nous aident à comprendre le mystère de
l’Eglise sont nombreuses (l’épouse, la vigne, le champ, le corps avec sa tête et
ses membres, le Temple ou l’édifice qui sort de terre …), mais pour lui, l’Eglise
est d’abord une Mère
: « Lorsque le chrétien, sachant ce qu’il dit, parle de
l’Église comme de sa mère, il ne s’abandonne pas à quelque mouvement
sentimental : il exprime une réalité. ‘La maternité de l’Église, a écrit Scheeben,
n’est pas une vaine appellation. Ce n’est pas une faible analogie de la maternité
naturelle. Elle ne signifie pas seulement que l’Église se comporte envers nous
comme une tendre mère… Cette maternité est aussi réelle […] que la vie
surnaturelle existe réellement dans les enfants de Dieu’.
» Le P. de Lubac cite
en ce sens Tertullien contemplant la nouvelle Ève
devant la Croix : « Adam
était une figure du Christ, et le sommeil d’Adam figurait la mort du Christ, qui
devait mourir du sommeil de la mort, en sorte que de la blessure de son côté
sortît l’Église, la vraie mère des vivants
»
Ibid., pp. 404-405.
C’est le thème du livre du P. Denis Dupont-Fauville, L’Église Mère chez Henri de Lubac, Cahier des
Bernardins 90-91, Paris, Parole et Silence, 2009.
H. DE LUBAC, Les églises particulières dans l’Église universelle, suivi de La maternité de l’Église et
d’une interview recueillie par G. Jarczyk, (coll. Intelligence de la foi), Paris, Aubier-Montaigne, 1971,
p. 141.
La figure de Marie se dessine ici, comme dans beaucoup des images et des réflexions qui se
rapportent à l’Église-Mère. Lubac, cependant, traitera en général de Marie après avoir examiné le
thème de l’Église-Mère pour lui-même (Note de D. Dupont-Fauville). Cf. le début de son ch. 3,
« L’Eglise temporelle et éternelle ».
TERTULLIEN, De anima, c. 10 (CSEL 20, p. 372). Cité dans Les églises particulières…, p. 151-152.