Regard d’ESPERANCE N°287 - Juin 2014 Editorial - Yvon Charles « ...ils se sont encore trompés ! » « Il fera beau demain... », et mon sympathique voisin m’apportait nombre de précisions où la lune tenait une place prépondérante... Il était convaincu, et j’aurais aimé l’être également, mais un certain doute m’empêchait de partager ces certitudes. Le lendemain, il pleuvait à torrents ! Ah ! que la météorologie est un terrain piégé... et il n’y a pas que les nombreux météorologues amateurs qui souvent se trompent, mais les “ professionnels ”, presque tout autant ! L’hiver dernier assurait l’un d’entre eux, et des plus connus, l’hiver devait être particulièrement rude, l’un des plus froids de ces dernières décennies. On sait ce qu’il en advint. Cependant le temps demeure l’un des sujets de conversation les plus prisés, occasion quasi quotidienne d’échanges amicaux, étant en cela une source de convivialité intarissable... Les commentaires ne concernent pas seulement le temps qu’il fera, mais celui du jour, et des jours passés, quand ils ne se projettent pas déjà sur l’été ou l’hiver prochain ! “ Le temps ”, objet permanent de réflexions, d’espoirs ou de regrets. Il est vrai que, au-delà des seules considérations relatives “ au week-end ” et au tourisme, il est un facteur très important dans la vie de nombreuses personnes, et notamment de professions diverses qui en sont largement tributaires. L’Histoire donne écho d’événements, parfois à la portée considérable, qui auraient été autres si le temps, “ mauvais ou bon ” ne s’y était mêlé. Le débarquement de juin 1944 y fait référence, tout comme le très rude hiver qui contribua à mettre à mal les armées nazies lancées à la conquête de l’URSS, hiver annoncé par les météorologistes allemands comme devant être particulièrement rigoureux... Le dictateur nazi Hitler n’en tint pas compte... Plus loin dans le passé, Charles Martel en 732, bénéficia, lors de la bataille de Poitiers, des pluies diluviennes et des crues qui firent sortir la Loire de son lit... et qui l’aidèrent à stopper l’élan des conquérants arabes... “ La petite ” ou grande Histoire n’est pas avare de récits et de faits semblables, et s’il en est de légendaires, d’autres ont été bien réels ! On comprend alors que prévoir le temps demeure une préoccupation majeure. Aratos, qui vivait au 3e siècle avant J.C. a peut-être été le premier prévisionniste connu. Voici l’un de ses “bulletins météorologiques” : « Considérez pareillement la Lune quand elle est pleine, et lorsqu’elle est à moitié de sa course, quand elle est croissante et quand elle va reprendre ses cornes. Vous trouverez alors dans sa couleur des annonces de la température du mois, quel qu’il soit. Car si elle est pure, vous aurez du beau temps ; si elle est rouge, vous n’aurez que des vents ; si elle est plus ou moins obscurcie et ternie, vous pourrez prévoir la pluie... » Et nous en revenons à notre sympathique voisin qui comme Aratos était, peut-être sans le savoir, de l’école des “ lunatiques ”, à laquelle s’opposent les “ anti-lunatiques ”, les uns ne voyant que par la lune et son influence, les autres la considérant comme marginale... Car de fait les courants et thèses ont abondé et abondent : de l’astro-météorologie à la méthode solsticienne, celle de l’abbé Moreux, auxquelles s’ajoutent nombre d’autres des plus sérieuses aux plus farfelues, de l’épaisseur de la pelure d’oignon, du coucou qui chante à l’hirondelle qui vole bas... de la couleur des nuages, ou des poules qui se roulent dans la poussière et de la chauve-souris qui s’attarde... il y en a pour tous les observateurs... Les dictons viennent encore ajouter leur lumière ou obscurité : « Noël au balcon, Pâques aux tisons » dispute la première place à « Quand il pleut à la saint Médard, il pleuvra 40 jours plus tard » ou « A la Chandeleur, l’hiver s’arrête ou reprend vigueur », et il en est une multitude d’autres. Mais parfois l’erreur en météorologie peut avoir des conséquences dramatiques ; Anne Sauvy, universitaire et spécialiste de la montagne, est très sévère envers ceux qui ont parfois établi des bulletins météorologiques dont l’approximation ou les annonces erronées ont coûté la vie à des alpinistes trop confiants. La météorologie est une science humaine et comme tout ce qui est humain est relative et soumise à l’erreur... « Ils se sont encore trompés ! », est devenu une plaisanterie courante, parfois quelque peu aigre-douce. Et sans aller jusqu’à accréditer la semi-plaisanterie d’un commentateur de radio parlant de pronostics au lieu de prévisions, il faut admettre que la tâche n’est pas facile, et que l’on est enclin à la miséricorde quand – et cela arrive de plus en plus – les spécialistes reconnaissent « s’être trompés, ou en partie trompés ». A l’inverse comment ne pas ressentir un certain agacement en entendant d’autres “ spécialistes ” affirmer avec autorité, et parfois suffisance, que « dans 100 ans, il fera... et alors... » ! On aimerait leur rétorquer : « Parlez-nous plutôt de l’été prochain, ou tout au moins de la semaine prochaine... ou simplement de : demain » ! L’erreur est humaine, et nul n’attend la perfection ni en ce domaine, ni en bien d’autres. Mais seulement le sérieux et, avec l’humilité, la volonté de bien faire. Ne soyons pas trop sévères : le Christ nous prévient : « Ne jugez pas... car on vous jugera avec la mesure dont vous vous serez servis pour les autres ! » Une raison de plus pour pardonner à ceux qui nous annonceraient un bel été... alors que la pluie sera peut-être au rendez-vous.