La performance des entreprises, leur capacité à créer de la richesse et de l’emploi, repose, et
reposera de plus en plus, sur la gestion durable des écosystèmes et leur restauration. Au-delà des
services d’approvisionnement (aliments, fibres, matériaux, molécules) et de régulation (pollinisation,
lutte contre les ravageurs, régulation du climat et des intempéries, …), la prise en compte de la
biodiversité dans les processus de production et dans l’aménagement des territoires ouvre la voie à
l'innovation, la créativité, à l’invention de nouveaux produits ou services.
Le premier de ces principes, c’est qu’il y a, pour tous, de véritables opportunités à prendre en
compte la biodiversité
2. Il est urgent de comprendre les liens d’interdépendances entre activités et biodiversité
Les gestionnaires d’entreprises ont été formés au pilotage à l’aide d’indicateurs chiffrés, monétaires
pour la plupart, et à rechercher un équilibre entre charges et produits sans toujours tenir compte des
externalités. Les indicateurs qualitatifs sont souvent jugés certes intéressants, mais peu
opérationnels. Ils restent de ce fait la plupart du temps considérés comme non opposables aux
indicateurs de gestion monétaire. Mais la performance des acteurs économiques et, au-delà, l’avenir
de l’humanité se jouent désormais sur notre capacité à appréhender les systèmes complexes, à
travailler avec leur incertitude, à intégrer les logiques floues, inhérentes aux relations entre les êtres
vivants qu’ils soient humains ou non-humains. Ce n’est pas seulement le modèle économique,
support du développement humain, qui est à reconsidérer, mais aussi notre manière de le
comprendre et d’en évaluer la performance. En même temps, il nous faut accepter avec humilité que
nous ne serons peut-être jamais capable de tout expliquer ni tout modéliser.
Le deuxième de ces principes, c’est qu’il est plus urgent de bien comprendre les liens
d’interdépendances entre biodiversité et entreprises que de les chiffrer.
3. Faire rentrer le marché dans le vivant !
Reconnaître une valeur au vivant peut, pourquoi pas, passer par des instruments d’évaluation
économique. Pour les besoins de la gestion de la ressource naturelle, il peut être pertinent de la
valoriser et de créer des instruments de marché, quotas ou droits d’accès. Mais ne confondons pas
l’instrument et la finalité. Si des instruments de marché peuvent aider à la protection du vivant,
pourquoi s’en priver ? Si la préservation de la biodiversité et la restauration du capital naturel sont
financièrement rentables, tant mieux. Mais par nature et parce qu’il précède toute activité
économique, le vivant a une valeur supérieure, une valeur pour ce qu’il est, en tant que tel,
indépendamment de toute transaction ou plus-value potentielle. En clair, et pour tenter une formule
simplificatrice, c’est le marché qu’il faut faire entrer dans le vivant, et non le vivant qu’il faut faire
rentrer dans le marché.
C’est notre 3e principe.
4. Ne pas créer un marché des indulgences sur la destruction de biodiversité
Parmi les instruments de marché proposés aujourd’hui, s’il en est un qui est particulièrement débattu
et contesté, c’est celui qui consiste à compenser financièrement les impacts sur la biodiversité.
Rappelons que ce principe existe en droit français depuis la loi de 1976, dans le cadre du triptyque :
« Eviter, réduire, compenser ». En clair, la compensation n’est justifiable et pertinente que si
l’aménageur ou l’opérateur économique a d’abord cherché à éviter les impacts, puis à réduire ce qui
ne pouvait être évité. La compensation ne portant donc que sur les impacts résiduels.
Notre 4e principe : En aucun cas, la compensation ne doit, et ne peut, constituer un « permis de
détruire » échangeable sur les marché. Pas plus qu’elle ne créerait une sorte de marché des
indulgences…
Mais bien encadrée, reposant sur la transparence et la concertation avec les parties prenantes,
accompagnée par une évaluation scientifique en amont et en aval, la compensation peut contribuer à
cette nécessaire recapitalisation écologique que nous appelons de nos vœux, et qui complèterait le
triptyque déjà mentionné d’un quatrième : « Eviter, réduire, compenser, recapitaliser ». A ce jour, il
n’existe en France qu’un instrument de compensation, règlementaire, portant sur les impacts
concentrés des projets d’aménagement (infrastructures). Il faut engager le débat sur la création, pour
changer d’échelle, de dispositifs permettant de compenser, non la destruction massive et localisée de
milieux naturels, mais les impacts diffus liés aux activités économiques (transports,
approvisionnement, consommation d’espace et de ressources, etc.). Il s’agit ici, notamment, de
financer la restauration de milieux dégradés par une exploitation ou une gestion inappropriée. Ces
instruments innovants permettront, parce qu’ils ne seront pas directement liés à des opérations
d’aménagement, de découpler la destruction et l’artificialisation des espaces de la création de flux