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LA SOCIÉTÉ PROVANCHER D’HISTOIRE NATURELLE DU CANADA
ENVIRONNEMENT
Gilles-H. Tremblay est océanographe chimiste et Kenneth
Lee est chef de la section Microbiologie et hydrocarbures à
la Direction régionale des océans et de l’environnement de
l’Institut Maurice-Lamontagne.
La voie maritime du Saint-Laurent est une des routes
de navigation maritime les plus difficiles. Cette voie est
empruntée chaque année par un très grand nombre de navi-
res. En 1988, 10,8 millions de tonnes de produits pétroliers
raffinés et 6,9 millions de tonnes de pétrole brut ont transité
sur le Saint-Laurent par pétroliers.
Un déversement de mazout provenant d’un pétro-
lier peut causer d’énormes dommages à l’environnement.
Non seulement l’esthétique des zones affectées s’en trouve-
rait ruinée par le résidu goudronneux, mais plus important
encore, les effets sur la faune terrestre et aquatique seraient
dévastateurs. La diversité écologique locale pourrait être
sérieusement menacée et les interactions de la chaîne ali-
mentaire perturbées de manière significative et ce, pendant
plusieurs années suivant la catastrophe.
Les herbiers sont d’une grande importance écologi-
que à titre d’habitat pour la faune et les espèces menacées,
de zone d’alevinage pour les pêcheries côtières et comme
mécanisme de protection contre l’érosion des rivages.
Jusqu’ici, peu d’efforts ont été déployés pour déve-
lopper un moyen de restaurer les habitats de terres humides
hautement sensibles si un déversement de mazout ou de pro-
duits raffinés devait avoir lieu. Les techniques traditionnelles
de nettoyage d’un déversement de mazout sont limitées puis-
que ces méthodes physiques et chimiques (ex. : récupération
physique, nettoyage à haute pression et dispersants chimi-
ques) peuvent occasionner plus de dommages à l’habitat
fragile des terres humides que la contamination elle-même.
Afin de gérer et de protéger cet habitat d’importance tant pour
les pêcheries que pour l’industrie du transport maritime,
nous devons développer des technologies de contre-mesures
à utiliser lors de déversements de mazout. Ces technologies
devront non seulement être efficaces et sans danger pour
l’environnement, elles devront également assurer la récu-
pération du polluant et accélérer le retour de l’habitat aux
conditions qui prévalaient avant l’événement.
La biorestauration…
une technologie prometteuse
Certains composés du pétrole brut sont bénins sur
le plan environnemental, mais des fractions significatives
s’avèrent toxiques ou mutagènes. Ce sont ces dernières qu’il
importe de retirer ou de détruire. La biorestauration est
une technologie qui apparaît très prometteuse pour assurer
la conversion des composés toxiques en produits non toxi-
ques sans perturber davantage l’environnement local. Elle
consiste à stimuler la croissance de certains agents de dégra-
dation d’hydrocarbures déjà présents dans le milieu ou
à ajouter des organismes qui, eux aussi, dégradent les hydro-
carbures.
Puisque les polluants qui nous préoccupent sont aisé-
ment biodégradables dans les conditions appropriées, le
succès de la biorestauration des lieux de déversement repose
sur notre capacité à reproduire ces conditions dans un envi-
ronnement contaminé. La plus importante exigence est la
présence de bactéries offrant les capacités métaboliques
appropriées. Si tel est le cas, on peut optimiser leur niveau de
biodégradation des hydrocarbures en assurant la présence
de concentrations adéquates de nutriments, d’oxygène ou
d’accepteurs d’électrons secondaires et en conservant un
pH approximatif de 6 à 9. Les caractéristiques physiques et
chimiques du mazout sont également des facteurs impor-
tants du succès de la biorestauration. Les mazouts lourds
contenant de grandes quantités de composés de résines et
d’asphaltènes se prêtent moins bien à la biorestauration
que les mazouts légers ou moyens, riches en composants
aliphatiques. Enfin, la surface d’étalement du mazout est
extrêmement importante puisque la croissance des agents de
dégradation d’hydrocarbures a lieu presque exclusivement
à l’interface mazout - eau.
Évidemment, certains de ces facteurs sont plus faciles
à contrôler que d’autres. À titre d’exemple, on ne peut rien
changer à la composition chimique du mazout, et aucune
approche n’est présentement disponible pour fournir de
l’oxygène à des sédiments de surface contaminés par le
mazout dans une zone intertidale. En conséquence, deux
approches de biorestauration principales peuvent être utili-
sées à la suite d’un déversement de mazout.
La bioaugmentation
Des bactéries qui dégradent les hydrocarbures sont
ajoutées dans le milieu touché afin de compléter la popula-
Nettoyage en cas de déversement d’hydrocarbures :
LA BIORESTAURATION EXPÉRIMENTÉE
EN MILIEU D’EAU DOUCE
Gilles-H. Tremblay et Kenneth Lee