13. Ceci ne signifie pas que l'Islam était toujours un bloc
homogène sous commandement central (il s'en fallait de beaucoup),
mais par rapport aux structures militaires de l'Islam, la
chrétienté souffrait d'un éparpillement de forces plus considéra-
ble.
14. C'est à Foucher de Chartres, Robert le Moine, Baudri, évêque
de Dol, et Guibert de Nogent qu'on doit des témoignages qui
semblent avoir été écrits peu de temps après la première croisade,
à savoir entre 1101 et 1109, et qui laissent supposer que leurs
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affronter, avec succès, l'ennemi 'infidèle'.13
Cette évolution — pour résumer rapidement — permet au pape d'exercer
une influence plus active sur la guerre sainte, influence qui gagne en
importance aux temps de Grégoire VII (1073-85), quand l'empereur allemand,
excommunié, est devenu lui-même un ennemi de l'Eglise. Grégoire déclare
sans ambages que ce n'est pas à quelque chef temporel d'assumer la directi-
on d'une guerre sainte, mais que c'est au pape, seul souverain religieux,
qu'incombe cette tâche. C'est ainsi que pour tout ce qui concerne la guerre
contre l'Infidèle, les chefs laïcs sont tenus d'obéir au souverain pontife
qui, bien qu'il se tienne à l'écart des opérations militaires, s'arroge le
droit de les diriger. Le seul responsable de la guerre sainte, c'est lui.
Vers la fin du XIe siècle il s'est donc établi une tradition de
guerres contre l'Islam (mais aussi contre d'autres 'Infidèles' comme les
Slaves et les Saxons) dans lesquelles, en raison d'un manque de pouvoir
séculier centralisé, le rôle de la papauté devient toujours plus important.
La première croisade. A plusieurs égards, la première croisade semble
n'être qu'une continuation de la longue tradition des guerres saintes, dont
elle reprend non seulement le but et parfois l'organisation, mais aussi
l'idéologie (qui reste d'ailleurs fort implicite) avec ses objectifs
individuels aussi bien que collectifs. C'est, toujours, une guerre faite à
l'instigation de l'Eglise, ayant pour fin la reconquête des territoires
envahis par les ennemis de la foi. Depuis le pontificat de Grégoire VII,
c'est le pape qui, étant le seul à être suffisamment puissant, prend (ou
reprend) l'initiative d'une telle entreprise.
Cependant quelques traits nouveaux distinguent la première croisade
des guerres saintes précédentes; ces traits seront formalisés par la suite
de sorte qu'on verra naître tout un cadre juridique et théologique.
Premièrement, c'est une expédition dans une terre lointaine qui ne confine
à aucun royaume chrétien: la Terre sainte est entièrement encerclée par des
forces ennemies. Il n'y a donc pas de souverain européen qui puisse faire
valoir des prétentions territoriales personnelles. Ce fait accroît l'influ-
ence pontificale.
La deuxième nouveauté, bien plus importante, concerne la nature et la
destination de l'expédition. D'abord il faut dire que nous n'avons que des
idées peu précises des intentions d'Urbain. Les actes du concile de Cler-
mont sont perdus, et il ne nous reste que des sources indirectes, moins
fiables. Seulement deux lettres d'Urbain (postérieures au concile), l'une
adressée aux Flamands, l'autre aux chrétiens de Bologne, fournissent quel-
ques renseignements au sujet de la motivation idéologique de la croisade.
Quant au reste, on doit se contenter de l'information fournie par les qua-
tre chroniqueurs qui ont relaté les événements de Clermont.14 Il ne faut